Délibérations du Sous-comité sur les villes
Fascicule 3 - Témoignages du 6 mai 2009
OTTAWA, le mercredi 6 mai 2009
Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 4 pour étudier les questions d'actualité des grandes villes canadiennes.
Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.
francais
Le président : Bienvenue à ce comité sur les villes qui étudie la pauvreté, le logement et les sans-abri.
[Traduction]
Nous nous intéressons tout particulièrement aujourd'hui aux répercussions de la pauvreté sur les nouveaux immigrants qui arrivent au Canada, qu'ils soient immigrants ou réfugiés. Trois témoins fantastiques se sont joints à nous.
Nous allons donc entendre, de Colombie-Britannique et par vidéoconférence, Daniel Hiebert, professeur de géographie à l'Université de la Colombie-Britannique. Il se consacre avant tout aux questions de politique publique touchant à l'immigration et à la diversité culturelle, aussi bien au Canada qu'à l'étranger. La quasi-totalité de son travail s'inscrit dans le cadre du projet Metropolis, un réseau de centres de recherche du Canada et de l'étranger. Monsieur Hiebert, je vous souhaite la bienvenue.
Nous avons aussi, assise parmi nous, Damaris Rose, professeure à l'Institut national de la recherche scientifique de Montréal. Ses travaux portent notamment sur la géographie urbaine et sociale, les quartiers défavorisés dans les grandes villes, l'embourgeoisement, la mixité sociale, la politique sur le logement, la politique sociale en milieu urbain, les rapports hommes femmes dans les villes, l'établissement des immigrants et l'intégration sociale. Elle a de nombreuses spécialités.
Nous avons également Debbie Douglas, directrice exécutive du Conseil ontarien des agences servant les immigrants, qui vient de ma ville, Toronto. Mme Douglas vient d'être nommée Femme de distinction par le YWCA pour son travail sur les femmes en général et sur les récents immigrants en particulier.
Je vous souhaite la bienvenue à tous trois. Je vous saurai gré de limiter vos remarques préliminaires à environ sept minutes. Nos débats sont diffusés sur le circuit de télévision interne et sont également transmis sur la chaîne d'affaires publiques par câble CPAC au milieu de la nuit. Si vous souffrez d'insomnie, c'est une bonne émission à regarder.
Debbie Douglas, directrice exécutive, Conseil ontarien des agences servant les immigrants : À notre âge, nombre d'entre nous souffrent d'insomnie. C'est parce que nous avons trop d'énergie.
Merci de me permettre de comparaître devant le Comité. Nous tenons aussi à féliciter le Comité du Sénat pour les efforts qu'il a déployés pour étudier la pauvreté, le logement et le sans-abrisme, et notamment pour s'être intéressé à l'expérience vécue par les immigrants et les réfugiés au Canada.
Permettez-moi de vous préciser dès le début que nous sommes très préoccupés par les questions d'intersectionnalité, et que nous accordons une attention toute particulière à ce qui touche les rapports entre les hommes et les femmes et les communautés racialisées.
Créé en 1978, le Conseil ontarien des agences servant les immigrants (OCASI) assure la coordination des organismes qui offrent des services aux immigrants et aux réfugiés en Ontario. C'est un organisme de bienfaisance enregistré, dont les membres du conseil d'administration, qui sont des bénévoles, sont élus. Le Conseil compte comme membres plus de 220 organismes de toutes les régions de la province. Nous sommes l'ONG la plus importante au Canada.
Pour vous situer rapidement le contexte dans lequel nous travaillons, sachez que nous essayons de lier nos recherches aux travaux de politique réalisés au niveau national par Statistique Canada, des organismes de recherche et des groupes communautaires que vous connaissez bien. Ce sont eux qui définissent le contexte dont vous avez besoin et avec lequel nous travaillons.
Le visage de l'immigration au Canada a changé, dans la mesure où les membres de communautés racialisées constituent la majorité des nouveaux arrivants depuis les 15 dernières années. La pauvreté parmi les nouveaux arrivants, notamment parmi ceux qui appartiennent à des communautés racialisées, a augmenté durant les 10 dernières années, à tel point que beaucoup de ces familles et de ces personnes risquent de ne pas pouvoir se libérer de ce cycle pendant au moins une ou deux générations.
La pauvreté au Canada, et notamment en Ontario, est fortement racialisée. Les membres des communautés racialisées sont surreprésentés parmi les pauvres. La campagne La Couleur de la pauvreté, dont l'OCASI est un membre fondateur, a révélé que, à Toronto, alors que le taux de pauvreté au sein de la population non racialisée (c'est- à-dire d'ascendance européenne) a diminué de 28 p. 100 entre 1980 et 2000, il a augmenté de 361 p. 100 pour les familles racialisées. C'est ce que nous dit Grace-Edward Galabuzi de l'Université Ryerson.
Trente deux pour cent des enfants de ces familles et 47 p. 100 de ceux des familles de nouveaux immigrants en Ontario vivent en dessous du seuil de faible revenu, et vivent donc dans la pauvreté, comme les Chinois, les Noirs et les gens originaires du Moyen-Orient. Le racisme continue à créer et à maintenir des obstacles systémiques à une entière intégration sociale, économique et politique des membres de communautés racialisées au Canada. Il a de profondes répercussions sur la vie des nouveaux immigrants et des réfugiés. Le document que je vous ai remis parle de « nouveaux arrivants », mais c'est une expression que je n'aime pas. Elle manque de précision et nous devons y faire attention.
Comme c'est l'une des choses que vous m'avez demandée, je vais m'efforcer de vous faire part rapidement de mes commentaires sur votre document, que j'ai devant moi. Nous l'avons analysé avec soin, en particulier les options qui visent à corriger le déséquilibre dans les programmes gouvernementaux relatifs à la sécurité du revenu et les inégalités dans les domaines de l'intégration au marché du travail et du logement.
Toutefois, nous estimons que les questions abordées dans ce document et les options qui y sont présentées traduisent un manque de sensibilité à l'égard des répercussions insidieuses du racisme, et d'un manque de compréhension de l'expérience des nouveaux arrivants, notamment des nouveaux arrivants racialisés. Ce document ne procède à aucune analyse en fonction de la race, et cela pose un problème.
Il semble avoir rendu ces populations invisibles. Il les traite comme si elles étaient confrontées aux mêmes conditions, et nous savons que cela n'est pas vrai. Le document indique, par exemple, que les régimes de soutien du revenu actuellement en place pour les personnes âgées réussissent dans la plupart des cas à accroître la participation aux programmes, ce qui nous fait vraiment plaisir parce que c'est l'un des sujets auxquels nous avons accordé de l'attention, tout comme au niveau de soutien fourni.
Toutefois, plusieurs organismes membres de l'OCASI sont pourtant très préoccupés par le fait que les nouveaux arrivants âgés qui sont originaires de pays avec lesquels le Canada n'a pas conclu d'accords sur la sécurité sociale doivent attendre 10 ans avant d'être admissibles à nos programmes. Les pays européens et d'autres pays de l'hémisphère nord sont surreprésentés parmi ceux qui ont conclu de tels accords, mais c'est aussi le cas de certains de l'hémisphère sud, dont la Grenade d'où je viens. Les choses vont bien pour mes grands-parents, mais ce n'est pas le cas de tous ceux qui me ressemblent.
Les gens qui viennent de Chine, d'Inde, du Pakistan et de Russie, des pays qui ont compté au cours de la dernière décennie parmi les dix nous ayant donné le plus d'immigrants, et les immigrants âgés qui arrivent, ont essentiellement bénéficié, parmi la gamme de nos politiques en matière d'immigration, des mesures visant à permettre le regroupement familial. Comme ces gens ne sont pas en mesure de travailler au Canada et comme le Canada n'a pas conclu d'entente avec ces pays d'origine, ils ne bénéficient pas de nos régimes de retraite. Cela impose une charge indue aux familles qui arrivent.
L'une des raisons qui fait que le regroupement familial est important, et mon personnel n'aime pas que je le dise mais je vais quand même le faire, est que nos grands-parents et nos parents que nous faisons venir apportent en vérité une aide financière à nos familles. Ce sont des gens qui restent à la maison, qui s'occupent des enfants et qui nous empêchent de nous plaindre de l'absence d'un programme national de garderies, que nous devrions avoir. Ce sont des gens qui contribuent à leur façon aux revenus du ménage.
Nous nous retrouvons avec deux ou trois familles vivant sous le même toit, mais nous n'y accordons pas d'attention parce que cela nous arrange, comme pays. Ce n'est par contre pas une bonne chose pour nos collectivités et pour nos familles.
Nous sommes un peu troublés par le fait que le document mentionne que le niveau de pauvreté a diminué parmi les personnes âgées, alors qu'il reste silencieux sur la situation des femmes. Comme je l'ai déjà dit, il ne parle pas non plus des communautés racialisées. Il fait l'impasse sur les immigrants et sur les réfugiés. Nous sommes d'avis, si nous voulons nous doter d'une stratégie vraiment efficace et inclusive de réduction de la pauvreté, qu'il devrait comporter une analyse en fonction de la race et du sexe. Je ne sais pas si vous savez que l'Ontario vient tout juste d'adopter aujourd'hui une législation provinciale sur les stratégies de lutte contre la pauvreté.
Permettez-moi maintenant de vous parler de l'assurance-emploi avant l'expiration de mon temps de parole. Nous approuvons le prolongement de la période d'admissibilité à cinq semaines à laquelle le gouvernement conservateur vient de consentir, mais cette mesure ne suffit pas. L'admissibilité à l'assurance-emploi, en particulier en Ontario, joue un rôle très important. Nous avons perdu notre assise manufacturière. Nous passons à une économie du savoir. Les politiciens que vous êtes parlez tous de cette économie du savoir, mais nous devons veiller à ce que tous les Canadiens y aient accès. Cela signifie que, au milieu de cette récession, nous devons veiller à ce que les gens ne perdent pas leurs logements, à nous assurer, lorsque nous parlons d'un ensemble de mesures incitatives, d'accorder l'attention voulue à des éléments comme l'assurance-emploi et à veiller à ce que les gens puissent disposer de revenus suffisants pendant qu'ils essaient de se recycler, d'obtenir d'autres emplois et de revenir dans l'économie. C'est notre rôle comme nation.
L'immigration sert à l'édification de la nation. Elle ne vise pas à faire venir des travailleurs temporaires. Il ne s'agit pas de faire venir des gens pour combler des emplois à temps partiel, temporaires. Il s'agit d'édifier notre nation. L'immigration contribue à définir qui nous sommes comme pays. Elle montre comment nous nous y prenons pour aller de l'avant. Elle définit la façon dont nous faisons concurrence dans l'économie mondiale.
Si nous analysons notre processus de sélection des immigrants, ce sont là les éléments que nous voulons y voir. Les personnes qui ont fait de longues études et qui ont accumulé des années d'expérience sont celles qui sont pauvres. Cela pose un problème. Nous ne pouvons pas parler de la sortie de cette récession sans accorder l'attention voulue aux questions de race, à ce qu'il advient des femmes et des communautés racialisées. J'entends par là qu'il ne suffit pas de se préoccuper de la situation en matière d'immigration des communautés racialisées, mais que nous devons aussi nous intéresser au sort des Noirs nés au Canada, qui sont pourtant arrivés il y a 200 ans en Nouvelle-Écosse. Nous devons faire attention à ce qui se passe dans notre pays.
Comme pays, nous ne pourrons réussir sans examiner attentivement ce que nous faisons quand nous parlons de stratégie économique. Nous ne pouvons le faire sans envisager de nous doter d'une stratégie nationale de services de garderie. Nous ne pouvons pas faire l'économie d'une stratégie nationale du logement.
Il y a, en Ontario, plus de 60 000 personnes qui attendent un logement, et nous ne pouvons même pas commencer à parler de stratégie du logement au Canada à cause de nos politiques d'immigration. Tous ces éléments interagissent entre eux.
Les appartements à deux ou trois chambres à coucher ne permettent pas de faire face à la situation, et certainement pas dans la région de Toronto où vous avez des familles de huit ou neuf enfants. Nous devons non seulement envisager de construire des logements, mais également nous doter d'espaces à des fins sociales.
Quand vous prenez la parole en tant que gouvernement national, et c'est là votre responsabilité, vous devez vous attaquer à toutes ces questions. Voilà j'en ai fini. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Le président : Nous allons sans aucun doute vous en poser. Je vous remercie beaucoup.
Daniel Hiebert, professeur de géographie, Université de Colombie-Britannique : J'espère que les questions techniques ont été résolues et que vous pouvez tous m'entendre. On m'a dit que le volume n'est pas assez fort. N'hésitez donc pas à m'interrompre en cas de besoin.
Le président : Je pense que tout fonctionne maintenant, mais je suggère à mes collègues de mettre leurs écouteurs pour le cas où ils en auraient besoin.
M. Hiebert : C'est un plaisir et un privilège de m'entretenir avec vous aujourd'hui. Je vais faire de mon mieux pour être bref.
Je vais commencer en rappelant la diversité des immigrants qui viennent au Canada. Comme tous les membres du sous-comité le savent fort bien, j'en suis sûr, les immigrants relèvent de toute une gamme de catégories d'admission et proviennent de diverses régions du monde. Certains appartiennent à des minorités raciales et d'autres non.
Avant leur arrivée, ils avaient déjà des caractéristiques socio-économiques différentes, aussi bien par leurs structures familiales que par leurs réseaux sociaux. Au départ, tous n'ont pas le même accès aux réseaux mondiaux de capitaux.
Certains de ceux qui viennent au Canada tiennent à envoyer des fonds dans leurs pays d'origine et souffrent réellement des types de difficultés financières auxquelles ils doivent faire face au Canada. Bien évidemment, il faut rappeler que les compétences linguistiques des immigrants, dans nos deux langues officielles, varient aussi. Cela a des répercussions très importantes sur leur capacité à trouver des logements, du travail, et cetera.
Enfin, les situations juridiques des immigrants qui arrivent au Canada varient aussi. Je fais ici allusion à la tendance croissante à voir arriver au Canada des migrants temporaires et de l'intérêt de plus en plus marqué à mettre en place des systèmes d'immigration progressifs. Quelqu'un peut venir une année comme étudiant étranger dans une université canadienne puis, deux ans plus tard, obtenir un visa pour travailler au Canada et ensuite, un ou deux ans plus tard, venir comme immigrant relevant de la catégorie de l'expérience canadienne. Nous devons tenir compte de l'existence de ce nouveau processus par étape qui peut permettre à des migrants qui viennent ici sur une base temporaire de finir par y rester toute leur vie.
Le point sur lequel je veux insister ici est que l'on observe beaucoup de diversité chez nos immigrants, mais également que ceux qui se retrouvent dans les grandes villes du Canada empruntent des circuits de migration différents. Vous étudiez les questions qui se posent dans les villes les plus importantes du pays. Je vais vous parler brièvement des trois principaux centres d'accueil des immigrants de Montréal, de Toronto et de Vancouver en vous précisant les divers types d'immigrants qui arrivent dans ces villes.
Il est très difficile d'élaborer n'importe quel type de politique nationale uniforme quand les gens qui arrivent dans ces villes ont des profils très différents, le font dans des conditions également différentes, sont logés dans des conditions différentes, et cetera. Pour vous donner rapidement un exemple, le nombre de réfugiés qui se rendent à Montréal est beaucoup plus élevé que celui de ceux qui vont à Vancouver. Cette ville enregistre par contre un nombre beaucoup plus important d'immigrants relevant de la catégorie des gens d'affaires que toute autre ville au Canada, et cetera. Je vous incite, pendant vos délibérations, à garder à l'esprit la diversité de personnes qui viennent au Canada.
Le second point que je veux aborder va me permettre de vous faire part de quelques réflexions sur les liens entre les immigrants et les réfugiés d'une part et les faibles revenus ou la pauvreté dans les villes canadiennes d'autre part. Je suis certain que tous les membres de ce comité savent fort bien ce qui est le plus manifeste, et Mme Douglas vient juste d'en parler en détail, soit que les immigrants et les réfugiés ont des revenus plus faibles et que les taux de personnes à faibles revenus ou vivant dans la pauvreté sont plus élevés dans ce groupe que chez les personnes nées au Canada. Nous pouvons donc nous attendre à ce que la pauvreté chez les immigrants pose un défi important dans les villes canadiennes.
Je tiens toutefois à attirer votre attention sur quelques indices allant à l'encontre de cette première tendance qui sont assez intéressants et importants. Tout d'abord, malgré ce que je viens de vous dire, il s'avère que les taux d'immigrants qui deviennent assez rapidement propriétaires de logement après leur arrivée au Canada sont très élevés. Nous devons comprendre pourquoi il en est ainsi. J'y reviendrai dans un moment.
Le second point est que les immigrants et les réfugiés sont en réalité sous-représentés dans l'ensemble de la population des sans-abri du Canada, c'est-à-dire des personnes qui vivent littéralement dans la rue, dans des abris, et cetera. C'est un phénomène très intéressant qu'il faut tenter de comprendre : la relation entre la faiblesse des revenus de la population immigrante et le petit nombre d'itinérants absolus. Je crois que cela tient pour beaucoup au capital social présent dans les collectivités d'immigrants et à l'aide mutuelle très importante qui est offerte en leur sein.
Enfin, un troisième point sur lequel il me paraît important d'insister est que les immigrants font assez rarement appel à l'aide sociale au Canada. Je vais vous citer une statistique qui m'a beaucoup surpris, et je travaille dans ce domaine depuis plus de 10 ans.
En Colombie-Britannique, 3,5 p. 100 de la population a demandé sur sa déclaration d'impôt de 2005 à bénéficier de l'aide sociale. Au sein de la collectivité des immigrants, c'est-à-dire des gens qui ne sont pas nés au Canada, ce pourcentage n'était que de 1,5 p. 100. C'est une statistique extraordinaire lorsqu'on réalise qu'il s'agit là d'un groupe dont les revenus moyens sont faibles et qui ne touche cependant que des taux très faibles d'aide sociale. Nous devrions nous demander très sérieusement ce que cela signifie.
Cette réflexion sur la relation entre la pauvreté et l'immigration conduit à formuler quelques points de nature générale. Le premier est que nous devons reconnaître que les résultats économiques obtenus par les immigrants se situent dans une fourchette très large.
Le second est que, pour la plupart des immigrants, leur situation en matière de logement s'améliore de façon très marquée avec le temps, mais il y a un autre pourcentage de la population d'immigrants et de réfugiés qui ne participent pas à cette amélioration de la situation du logement. Nous devons réfléchir au type de programmes qui seraient utiles à ce groupe de personnes.
Le troisième point est que, pour ceux qui améliorent leur situation dans le domaine du logement, ils font des choix. Le plus souvent, les immigrants acceptent les conséquences du surpeuplement pour compenser la faiblesse de leurs moyens afin de parvenir à accumuler des biens. Ils investissent très lourdement dans le logement, mais en entassant autant de gens que possible par appartement et en étirant leur budget aussi loin qu'ils le peuvent.
Enfin, je dirais que le comportement des immigrants sur les marchés du logement des grandes villes canadiennes a de lourdes répercussions sur la forme et la nature de ces marchés. Pour vous donner un exemple, laissons de côté pendant un moment les grandes villes de Montréal, de Toronto et de Vancouver et parlons de Winnipeg. Dans cette ville, les immigrants jouent un rôle important sur le marché du logement qui tend à réduire le nombre de logements disponibles pour les Autochtones. C'est un aspect du problème auquel nous devrions réfléchir.
J'ai préparé des commentaires sur un autre sujet, que je vais sauter pour l'instant. Toutefois, si les membres du comité souhaitent en entendre parler, qu'ils me posent des questions par la suite. Nous devons reconnaître que la pauvreté des immigrants devient une forme de pauvreté concentrée dans les villes canadiennes. De plus en plus, nous voyons des enclaves de minorités se développer dans les banlieues proches des villes canadiennes. Si vous le souhaitez, j'aborderai plus en détail cette question.
Je vais la laisser de côté pour l'instant pour passer à ce qui me paraît probablement le plus important, soit de suggérer quelques mesures concrètes que nous pourrions prendre.
Je tiens à féliciter le sous-comité du Sénat sur les villes pour la publication de son rapport de juin 2008 qui me paraît réellement provocant et utile. J'ai particulièrement apprécié les suggestions faites sur les façons de remédier à la situation des immigrants et du logement. J'aimerais simplement ajouter quelques points à cette liste. Je ne veux rien en retirer, mais, simplement ajouter quelques éléments.
Le premier est un point précis mais néanmoins important. Je trouve tragique que le programme d'aide aux réfugiés du gouvernement impose à ceux que l'on fait venir au Canada de rembourser le coût de leur voyage. Cela signifie concrètement qu'une famille qui vient d'un autre pays et qui s'est installée dans une ville canadienne reçoit, six mois après son arrivée, une facture qui constitue pour elle une dette très importante. Celle-ci doit être remboursée à même les prestations d'aide sociale, parce qu'elle doit l'être avant même que les gens aient eu la possibilité de se trouver un emploi ou de s'intégrer économiquement à la société canadienne. Cela impose une charge énorme à ces ménages de réfugiés, qui bénéficient de l'aide de notre gouvernement, et cela pénalise leurs modes de vie. J'aimerais que votre comité s'efforce de convaincre le gouvernement du Canada que ce n'est pas là une bonne politique. Elle met ces gens dans une situation trop défavorable.
Mon second point est que nous devons reconnaître que, de plus en plus, le Canada choisit des réfugiés qui sont dans cette situation depuis longtemps, des gens qui font face à des défis considérables. Il faudra beaucoup de temps à ces gens pour s'intégrer complètement à la société canadienne. Nous devrions adapter nos programmes sociaux et nos programmes de logement pour en tenir compte. Lorsque le Canada a choisi en 2002, pour sélectionner les réfugiés à faire venir au Canada, de faire ce qu'il fallait en accordant plutôt la priorité à leurs besoins qu'à leurs facultés d'adaptation, les budgets affectés à l'intégration sociale de cette population n'ont pas augmenté. Ce fut là une erreur de politique publique qu'il faut corriger.
À ce sujet, je tiens à vous faire part d'un dernier commentaire. Les organismes qui s'occupent de l'établissement des immigrés font un travail excellent pour leur venir en aide. C'est une excellente chose que le Canada se soit doté d'un programme qui transfère des fonds du gouvernement fédéral à ces organismes, directement ou par l'intermédiaire des provinces. C'est très bien. Toutefois, les membres du comité doivent savoir que lorsque les fonds sont transférés à ces organismes, ces derniers reçoivent une liste des choses importantes qu'ils sont censés faire pour aider les immigrants à s'établir au Canada. Le logement n'apparaît pas sur cette liste. Ce n'est pas une des compétences de base ou l'une des principales formes d'aide à l'établissement que ces organismes doivent fournir aux immigrants qui arrivent dans notre pays. Tout ce que ce comité pourra faire pour inscrire le logement sur cette liste constituera une amélioration majeure et un objectif important pour ce comité.
Je vous remercie de m'avoir écouté et je serai ravi de répondre plus tard à vos questions.
Damaris Rose, professeure, Géographie urbaine et sociale, Institut national de la recherche scientifique, Centre Urbanisation Culture Société : Bon après-midi à tous. Je vous prie de m'excuser, mais j'ai perdu la voix et je ne suis pas sûre de tenir longtemps, mais je vais essayer.
Je suis ravie et honorée que vous m'ayez invitée à prendre la parole devant vous. Je vais concentrer mes commentaires sur les questions de logement. J'ai examiné rapidement votre rapport, mais pas de façon aussi détaillée que je l'aurais aimé. Je ne veux aucunement contredire ce que j'y ai lu sur le logement, mais peut-être simplement traiter certains points de façon un peu plus détaillée, en vous faisant quelques suggestions plus poussées, et en adoptant peut- être un point de vue plus dynamique en réfléchissant à la façon dont les conditions de logement des immigrants doivent évoluer au cours des quelques années suivant leur premier établissement.
Je suis géographe urbaine et sociale et professeure d'études urbaines à l'Institut national de la recherche scientifique, à Montréal. C'est un établissement de recherche universitaire et d'enseignement de second cycle affilié au réseau de l'Université du Québec. Je suis également la coordonnatrice du domaine de recherche intitulé Logement, vie de quartier et environnement urbain du Centre Métropolis du Québec. C'est l'un des cinq centres d'excellence du projet Métropolis, qui en compte un dans chacune des régions du Canada. Il est financé par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada et un consortium de partenaires fédéraux. M. Hiebert participe aux travaux du centre situé en Ontario et Mme Douglas aux travaux de celui implanté en Colombie-Britannique, et nous collaborons tous fréquemment. Nos objectifs sont de réaliser des recherches pertinentes sur les politiques, de les promouvoir, de les diffuser et de favoriser le réseautage sur les questions concernant l'immigration et les villes. Notre réseau regroupe des universitaires, des intervenants de tous les paliers de gouvernement et des organismes communautaires. Mes commentaires d'aujourd'hui s'inspirent d'une recherche faite récemment sous les auspices du réseau Métropolis, y compris une étude comparative à laquelle j'ai participé avec M. Hiebert et Mme Valerie Preston de l'Université York, qui est également géographe. Cette étude était consacrée à la situation des immigrants à Montréal, à Toronto et à Vancouver.
Je tiens à reprendre ce qu'a dit M. Hiebert sur la nécessité de bien comprendre les différences entre les marchés du logement des diverses villes, ainsi que les combinaisons différentes d'immigrants. C'est ainsi que la question du surpeuplement dont M. Hiebert a parlé ne se présente pas de la même façon à Montréal, parce que son parc de logements est différent, et impose des contraintes objectives. Ce sont là des nuances importantes entre les diverses villes que nous devons bien comprendre.
Je tiens en particulier à vous indiquer qu'une source importante d'information, permettant d'avoir une vision dynamique de ce qui arrive aux immigrants pendant les quelques années suivant leur établissement, est l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada. C'est un document précieux parce qu'il suit une cohorte d'immigrants à partir de leur arrivée comme immigrants reçus en 2000-2001. Ceux-ci ont été interviewés au bout d'environ six mois, deux ans et quatre ans. En procédant à des comparaisons avec M. Hiebert et Mme Preston, nous avons examiné la situation au bout de six mois et M. Hiebert et Pablo Mendez ont étudié les trois phases de l'enquête. Je suis sûre qu'il pourra répondre à d'autres questions dans ce domaine, mais je vais faire état de quelques renseignements qu'il est possible de dégager de cette enquête, que nous appelons ELIC.
Commençons par la recherche d'un logement en arrivant au Canada. Il va sans dire que trouver un logement qui convient sans devoir faire de compromis sur d'autres volets essentiels du budget du ménage est l'une des priorités des nouveaux venus. La capacité à améliorer la situation du logement d'une personne dans le temps, à s'adapter à l'évolution des besoins de la famille et à choisir le type de voisinage dans lequel la personne veut vivre, sont tous des indicateurs essentiels d'un climat accueillant d'établissement et des indicateurs importants qu'une personne est en train de réussir à s'intégrer. Ceux d'entre nous qui s'intéressent précisément aux questions de logement des immigrants reconnaissent que la faiblesse de leurs revenus est au cœur du problème. Votre comité connaît bien le processus conduisant à de faibles taux de participation à la population active au cours des premiers mois de l'établissement, ainsi qu'à des emplois précaires ou au sous-emploi des immigrants en regard de leurs titres professionnels et de leurs niveaux élevés de formation. Toutefois, les nouveaux venus ayant de faibles revenus peuvent être confrontés à des difficultés encore plus importantes pour accéder à un logement abordable que les autres groupes à faibles revenus. Prenons le temps de réfléchir à la façon dont ils s'y prennent pour trouver un logement.
La vaste majorité des nouveaux venus dans les grandes villes du Canada dispose déjà, quand ils arrivent au Canada, d'un réseau social composé de membres de leur famille ou d'amis, même quand ce sont des réfugiés, et ils font appel à ce réseau pour les aider à trouver un logement. Le bon côté des choses est que la plupart des nouveaux venus peuvent rapidement accéder à une aide à court terme fournie par leur collectivité. Il s'agit toutefois, la plupart du temps, d'une aide à court terme offerte par des gens qui ne disposent pas de beaucoup de ressources et qui ne donnent que ce qu'ils peuvent.
L'accès à ce capital social, pour utiliser notre jargon, a son mauvais côté. Quand les nouveaux venus éprouvent des difficultés à trouver un logement, ce qui se produit dans environ 30 p. 100 des cas si on se fie à l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, ils s'adressent le plus souvent à des amis et à des connaissances pour obtenir de l'information devant les aider à résoudre leurs problèmes. De cette façon, selon qui sont ces amis et ces connaissances, ou s'il s'agit d'immigrants récents se trouvant dans une situation précaire, il se peut qu'eux-mêmes n'en sachent pas beaucoup sur le marché du logement et ne soient pas en mesure de fournir des informations précises sur les diverses possibilités de logement, les droits et les responsabilités. Les organismes spécialisés dans l'aide à l'établissement qui offrent une aide en matière de logement dans le cadre de leur mandat, ou qui apportent cette aide, qu'elle relève ou non de leur mandat, sont les mieux en mesure de fournir des renseignements précis et complets aux nouveaux venus. Cependant, ces organismes éprouvent parfois de la frustration parce qu'ils ont le sentiment de ne joindre qu'une minorité des gens qui ont des besoins de logement, qui ne s'adressent pas à eux mais obtiennent leurs informations par des moyens informels. Les recherches dont on dispose révèlent que les gens qui s'adressent à de tels organismes au tout début de leur recherche d'un logement stable et abordable ont tendance à obtenir de meilleurs résultats.
Comme notre système de logement est complexe et opaque, les gens ne connaissent pas leurs droits ni leurs responsabilités. La terminologie utilisée est totalement obscure pour les gens qui ne sont pas d'ici.
Je suis moi-même immigrante et j'ignorais totalement ce qu'on entendait par le premier et le dernier mois de loyer. J'avais un visa d'étudiante quand je suis venue pour la première fois. Je ne comprenais pas ce concept. C'était très bizarre. Il y a des choses que nous tenons pour acquises qui doivent être expliquées.
Les organismes qui œuvrent dans le domaine de l'établissement peuvent également aider les nouveaux venus à avoir une meilleure connaissance de leurs droits, mais également de leurs responsabilités dans la relation entre le propriétaire et le locataire. Ils peuvent les aider à découvrir divers quartiers dans la ville et à disposer ainsi d'un plus grand choix de logements. Certains organismes d'établissement de Montréal tiennent à jour des bases de données sur les logements à louer qui sont vacants et dont les propriétaires sont sympathiques. Je trouve que c'est là une pratique exemplaire qui peut permettre de disposer d'un plus grand choix de logements et d'accéder à des habitations de meilleure qualité.
Les nouveaux venus ont également besoin d'un meilleur accès aux sources d'information parrainées par le gouvernement sur le marché et le système du logement, d'une information qui ne soit pas trop générale mais adaptée à leur province et à leur ville. Le fait de disposer de ce type d'information avant l'arrivée aiderait à prévenir les gens lorsque peu de logements sont disponibles sur le marché et leur permettrait de mieux comprendre le fonctionnement du système canadien de logement. Les travailleurs des services d'établissement ont également besoin de disposer de bons renseignements sur les marchés locaux du logement ainsi que sur les programmes de logements sociaux et abordables, qui sont devenus très compliqués.
La Société canadienne d'hypothèques et de logement a élaboré récemment un outil intéressant, accessible sur Internet, qui tient compte de ces préoccupations. J'ai mis le lien permettant d'y accéder dans la version imprimée de cet exposé. Il s'agit pour l'instant d'un projet pilote qui mérite très certainement qu'on y consacre davantage de ressources financières pour permettre son développement, son entretien et même pour faire connaître son existence. J'ai entendu dire qu'il n'y a pas encore de date officielle de lancement de ce site, ni de date prévue pour une campagne de publicité. La plupart des gens ignorent son existence.
Le fait de disposer d'une meilleure information ne permettra pas toutefois de venir à bout de plus d'entraves systémiques pour trouver des logements convenables et abordables. L'absence d'emplois et la faiblesse des revenus font qu'il est difficile de respecter cette exigence de premier et de dernier mois de loyer, appliquée dans la plupart des provinces autres que le Québec. Dans cette province, les nouveaux venus se trouvent en meilleure posture.
Les demandes de références ou de répondants devant cosigner le bail causent d'autres difficultés, en particulier au cours des premiers mois suivant l'arrivée. Ce sont là des éléments qui contribuent à la concentration d'immigrants dans les logements mal entretenus pour lesquels la demande est plus faible.
D'après les données de l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada que nous avons analysées dans notre projet de comparaison, six mois après leur arrivée au Canada, au moins la moitié des nouveaux venus qui avaient loué un logement à Montréal, à Toronto et à Vancouver consacraient au moins 50 p. 100 de leurs revenus au logement. Ce seuil de 50 p. 100 est considéré par les spécialistes comme une indication de vulnérabilité extrême, parce qu'il impose de réduire les dépenses sur les autres postes essentiels du budget du ménage pour assumer le coût du logement. Cela entraîne un risque accru d'éviction et d'itinérance si des dépenses additionnelles imprévues empêchent le versement du loyer.
J'ignore si quelqu'un dans cette salle a vu le film de l'ONF intitulé Family Motel, qui est une histoire romancée des mésaventures que connaît une famille d'immigrants installée ici depuis un certain temps, à Ottawa, avec son logement. Pour l'essentiel, cette famille perd son logement parce qu'elle consacre une trop grande partie du budget du ménage à l'envoi de fonds à sa famille et qu'elle accumule du retard dans le versement de son loyer. Toute l'histoire tourne autour de cela. Ce film de l'Office national du film du Canada a été primé l'an dernier à Montréal comme étant le meilleur film sur les questions de diversité.
Le partage de l'espace avec des gens qui n'appartiennent pas à la famille, parfois jusqu'au surpeuplement, est une tactique pour réduire les coûts du logement. Elle est plus courante chez les réfugiés. L'une des solutions de politique serait d'accroître au-delà de la période actuelle d'un mois l'aide au logement financée par le gouvernement qui est versée aux réfugiés de fraîche date qui n'ont pas d'autres moyens de trouver un toit. Une autre solution serait d'envisager de créer, sur les marchés ayant en permanence un faible taux de logements vacants à louer, des logements sociaux de transition pour les réfugiés.
Je vais traiter rapidement de la façon dont les immigrants progressent avec le temps dans le système du logement. Le suivi des participants dans le cadre de l'Enquête longitudinale auprès des immigrants du Canada, sur la période de quatre ans suivant leur arrivée, a été réalisé par mon collègue, M. Hiebert, ainsi que par M. Mendez qui a rédigé un excellent document de travail sur cette question l'an dernier. Celui-ci nous a permis de voir l'ensemble des progrès réalisés et de constater quels sont les groupes qui sont encore confrontés à des problèmes particuliers de logement. M. Hiebert a indiqué qu'un pourcentage élevé d'immigrants, au point d'en être surprenant, est devenu propriétaire de son logement après seulement quatre ans.
J'aimerais toutefois inviter ici à la prudence en ce qui concerne cette histoire de réussite. Les recherches menées pour préparer une étude de cas et les travailleurs d'agences d'établissement ont signalé que certains nouveaux venus deviennent, dans la situation économique qui est la leur, trop rapidement propriétaires de leur logement, parce qu'il est très difficile de trouver un logement à louer lorsque vous avez une famille avec des enfants.
Votre rapport de juin 2008 mentionne la difficulté à trouver un logement en location convenant aux grandes familles et Mme Douglas a évoqué à nouveau la même difficulté aujourd'hui. Je tiens à préciser que, à Montréal, cette difficulté n'est même pas due à la taille des familles. Le taux de vacances des logements à louer a été faible pendant toute la dernière décennie, même pour les appartements comportant deux Chambres à coucher se situant dans la fourchette des prix inférieurs à intermédiaires. Les travailleurs des organismes d'établissement signalent voir de nouveaux clients qui sont déjà au Canada depuis quelques années et dont les problèmes de logement ne sont apparus que lorsqu'ils ont fondé une famille ou ont eu un second enfant, parce que le parc de logements convenant aux familles de taille moyenne est insuffisant. Les propriétaires font aussi preuve de discrimination parce qu'ils ne veulent pas louer à des familles avec enfants, craignant que la petite dame âgée vivant en dessous soit mécontente, et la situation pourrait donc encore s'aggraver pour les familles racialisées.
Le graphique qui figure dans mon exposé montre l'évolution radicale des taux de vacances des logements à louer à Montréal. La situation est étonnante. Montréal n'est plus un marché de location avec des taux de vacances élevés. D'autres données disponibles, que je n'ai pas reproduites dans le rapport, permettent de décomposer les renseignements les plus récents par prix. Quand vous commencez à examiner les appartements comportant deux Chambres à coucher ou plus qui se trouvent dans la fourchette des prix inférieurs à moyens, le taux de vacances est réduit au point d'être tout à fait négligeable.
Je ne vais pas traiter de l'évolution du caractère abordable des logements dans le temps en utilisant l'information figurant dans le rapport de M. Hiebert et de M. Mendez. J'ai joint un tableau dans ce document, mais si vous voulez poser des questions à ce sujet maintenant, il vaudrait mieux les adresser à M. Hiebert.
En ce qui concerne les variations intercités, un élément qui ne varie pas beaucoup entre Toronto, Montréal et Vancouver, ce qui nous a surpris au début, est qu'au bout de quatre ans au Canada, on ne constate pas beaucoup de variations du caractère abordable pour les immigrants entre les trois grands marchés du logement. Ceux de Toronto et de Vancouver sont devenus passablement similaires au bout de quatre ans. Les loyers de Montréal ont beaucoup augmenté, alors que les immigrants qui y vivent, même après quatre ans, ont des revenus plus modestes que ceux de leurs collègues de Toronto et de Vancouver. On observe une convergence entre ces trois villes dans ce domaine. Toutefois, la situation est différente à Montréal, parce que, à la différence de Toronto et de Vancouver, seul un cinquième des immigrants vivant à Montréal devient propriétaire au bout de quatre ans.
À mon avis, les immigrants de fraîche date à Montréal sont largement responsables de ce qui se produit sur le marché de cette ville, parce que la plupart d'entre eux resteront sur ce marché des logements à louer pendant longtemps.
Je dois dire aux membres du comité fédéral que vous constituez que les politiques du gouvernement fédéral dans le domaine des logements à louer, en particulier le Programme d'aide à la remise en état des logements, dont les autorisations doivent être renouvelées l'an prochain, joueront un rôle déterminant sur ce qu'il adviendra de la qualité des logements des collectivités d'immigrants de Montréal, parce que celles-ci dépendent, dans une très large mesure, des logements privés à louer qui se trouvent dans le parc actuel. Nous avons un gros problème de qualité de logements à Montréal, et la situation va s'aggraver si ces subventions ne sont pas renouvelées.
Enfin, en ce qui concerne les données du recensement, nous n'avons malheureusement pas encore obtenu les chiffres précis extraits des données de 2006 qui nous permettraient de vous fournir une décomposition détaillée de la situation en matière de logement des immigrants récents au Canada, en fonction de diverses autres variables. Nous attendons toujours ces données.
Dans l'intervalle, j'ai mentionné les chiffres de 2001 dans la version papier de cet exposé. Ceux-ci montrent qu'il y a des nombres importants de propriétaires et de locataires qui consacrent des proportions très élevées de leurs revenus au logement. Il sera important de voir ce qu'il en est pour 2006. J'espère que nous obtiendrons ces données d'ici quelques mois et nous essayerons de les analyser aussi rapidement que possible.
En ce qui concerne le logement social, je n'ai que quelques remarques à faire. Mme Douglas a évoqué la question des longues listes d'attente. Pensons un instant aux immigrants de fraîche date qui essaient d'obtenir un logement social. Aussi bien les immigrants que les non-immigrants souhaitent accéder à des logements sociaux à faible loyer lorsque leurs problèmes de faiblesse des revenus perdurent du fait de leur exclusion du marché du travail, d'un travail précaire mal rémunéré ou quand leur situation familiale change de façon soudaine et qu'il n'y a plus qu'une personne ou aucune dans la famille à gagner de l'argent à l'extérieur. Devenir un parent seul est inattendu, mais cela se produit assez fréquemment dans de nombreuses collectivités d'immigrants à cause de toutes sortes de facteurs, et cela peut vraiment rendre le logement moins abordable. Le caractère abordable et adapté des logements pose de plus en plus de problèmes à ces gens à cause de la taille de leurs familles qui est supérieure à la moyenne.
La durée de la période d'attente des ménages immigrants dans le besoin varie d'une province à l'autre parce qu'elles n'utilisent pas toutes les mêmes critères pour attribuer des priorités sur des listes d'attente pour obtenir des logements sociaux. Certaines provinces accordent la priorité aux familles ayant des besoins aigus, ce qui fait que les grandes familles sans domicile progressent plus rapidement sur la liste. D'autres provinces tentent d'équilibrer les besoins de base en fonction du temps passé sur les listes d'attente pour assurer un traitement équitable aux personnes qui y sont inscrites depuis longtemps et pour tenter d'assurer la mixité sociale dans les développements domiciliaires. Nous ne pouvons pas parvenir à une conclusion de nature générale sur la durée de la période pendant laquelle les ménages immigrants dans le besoin doivent attendre. Cela dépend de la nature du parc de logement, de la taille des appartements dont disposent les responsables et du moment où ces logements deviennent disponibles. La situation devient assez compliquée.
Au cours des années, le volet logement social du système canadien de logement est devenu plus complexe. Dans certaines provinces, y compris celle dans laquelle je vis, c'est devenu une mosaïque extraordinaire de programmes ayant chacun leurs critères d'admissibilité, des structures de subvention différentes et des listes d'attente multiples, avec pour effet que les comités du logement qui conseillent aussi bien les immigrants que les non-immigrants ne parviennent plus à bien comprendre le système. Il est très compliqué.
Cela peut ajouter à la difficulté d'obtenir de l'information et de naviguer dans le système, en particulier lorsque, en plus de la difficulté à trouver l'information sur les programmes, la terminologie utilisée est elle-même complexe.
Enfin, les logements sociaux et abordables subventionnés pourraient davantage jouer un rôle de solutions à court ou à moyen termes pour les nouveaux venus qui sont sur la bonne trajectoire, mais cela pourrait prendre du temps.
J'ai déjà évoqué l'idée de logements de transition à court terme, pour les réfugiés peut-être, mais des logements de type coopératif et sans but lucratif pourraient être construits spécialement pour des familles avec enfants, une solution pour disposer de logements de qualité et abordables qui pourraient séduire les familles d'immigrants, peut-être pas de façon éternelle, mais pour un certain nombre d'années. Si ces familles occupent un logement coopératif ou sans but lucratif, elles pourront faire des économies dans la durée et peut-être même éventuellement devenir propriétaires de leur logement, libérant ainsi une unité pour une autre famille.
Le président : Vous aurez tous la possibilité de nous fournir davantage de renseignements dans la suite de nos échanges, que nous allons débuter maintenant.
Merci de votre contribution. Vous nous avez fourni des renseignements précieux que nous allons maintenant devoir digérer. Vous avez tous abordé le contenu du document Enjeux et options. C'est exactement cela. Celui-ci ne présente pas les positions du comité, mais fait état de choses que nous avons entendues des personnes qui se sont adressées au comité juste au moment où nous avons rédigé ce document. Il ne fait pas état de tout ce que nous pourrions faire, c'est pourquoi nous poursuivons nos audiences, mais il reprend tout ce que nous avons entendu des divers participants jusqu'au moment de sa rédaction.
Vous nous avez remis des données statistiques montrant que les immigrants de fraîche date sont surreprésentés parmi les personnes touchées par la pauvreté, ce que la recherche que nous avons faite a révélé également. Vous l'avez vérifié et nous avez indiqué pourquoi vous pensez que c'est bien le cas.
Je vais commencer par poser à chacun de vous une question sur un sujet différent.
Monsieur Hiebert, je crois que vous alliez parler de la concentration dans certains quartiers en milieu urbain, ou de pauvreté localisée, même si je ne sais pas si vous voulez utiliser cette expression. Pourriez-vous me dire ce qui vous préoccupe?
M. Hiebert : Je vous remercie de me le demander.
Je vais commencer avec des statistiques du recensement de 2006 publiées très récemment, et je crois qu'elles vont vous permettre de mieux comprendre la nature de cette question. Une mesure de plus en plus utilisée à l'échelle internationale, pour comprendre la nature des quartiers dans les régions métropolitaines, est la proportion de quartiers ou, dans la terminologie du recensement, de secteurs de recensement dans lesquels plus de 70 p. 100 de la population appartient à un groupe de minorités visibles.
Le comité sera peut-être surpris d'apprendre que les données du recensement de 2001 révélaient que, à Toronto et à Vancouver, le pourcentage de personnes appartenant aux minorités visibles qui vivaient dans ces types de quartiers se situait entre 6 et 8 p. 100.
En 2006, ce pourcentage a atteint 27 p. 100. C'est une évolution d'une rapidité extraordinaire. Maintenant, près de 30 p. 100 de tous les membres des collectivités de minorités visibles à Vancouver et à Toronto vivent dans des quartiers où ces minorités visibles représentent 70 p. 100 ou plus de la population. Cela vous donne une idée de l'échelle.
Montréal est très loin de ce chiffre, comme toutes les autres villes du Canada. Ce niveau de concentration ethnoculturelle des collectivités minoritaires est un phénomène propre à Toronto et à Vancouver.
Les médias ont commencé à beaucoup s'intéresser à cette question, et je dirais qu'on observe malheureusement chez eux une tendance à décrire ces endroits comme isolés du reste de la société canadienne, un terme qu'il faudrait cependant définir. Ils sont souvent décrits comme des endroits très pauvres, où l'on trouve des familles dysfonctionnelles, au taux de criminalité élevé, et cetera.
C'est très malheureux. Nous devons bien comprendre que la plupart des enclaves minoritaires que l'on trouve dans les villes canadiennes sont très diversifiées d'un point de vue socio-économique et ethnoculturel. Il se peut qu'elles aient des populations importantes d'un groupe donné. Elles peuvent compter par exemple beaucoup de Sino-Canadiens, d'Indo-Canadiens, et cetera, mais cela mis à part, on y trouve une grande diversité d'autres personnes. On observe malheureusement que nos médias ont tendance à décrire les enclaves minoritaires comme des zones à problèmes alors que, dans les faits, la plupart ne posent aucun problème.
Par contre, il y a certains quartiers de minorités visibles dans la plupart des grandes villes du Canada que l'on associe à des taux de pauvreté très élevés et qui sont fortement stigmatisés de l'extérieur, et les résidents de ces quartiers font face à un triple fardeau : ce sont des immigrants, ils appartiennent aux minorités visibles et ils sont associés à des quartiers dysfonctionnels.
L'astuce dans le domaine de la politique publique est de comprendre qu'il s'agit là d'un petit problème, mais d'un problème bien réel, et de ne pas décrire tous les quartiers minoritaires avec le même vocabulaire.
Le président : Madame Douglas, vous avez fait état du document Enjeux et options au sujet du racisme. Un exposé antérieur a déjà été fait sur ce sujet et l'option no 53 qui en découle a pour titre Soutien permanent au plan d'action du Canada contre le racisme.
Pourriez-vous nous dire si, à votre avis, le plan d'action fonctionne bien ou non, ou s'il a besoin d'être renforcé ou révisé?
Mme Douglas : Je vous remercie de cette question. J'ai essayé de trouver à quel endroit soulever ce point, étant donné ce qui s'est dit à la Conférence d'examen des Nations Unies de Durban contre le racisme et notre position comme pays, puisque nous n'y avons pas assisté, et en tenant compte du fait que nous appelons notre plan d'action contre le racisme la Stratégie de développement de collectivités accueillantes. Dans le cadre du multiculturalisme, 17 ou 18 millions de dollars y ont été affectés et le multiculturalisme relève de Citoyenneté et Immigration, ce qui est une bonne chose.
Je ne crois toutefois pas que nous ayons pris au sérieux le fait que, comme pays, nous devions nous attaquer à la question du racisme. Nous devons être en mesure de faire face à toutes les tensions qui existent, par exemple, entre la situation des collectivités autochtones des Premières nations et celles des collectivités d'immigrants, avec les questions qu'elles soulèvent.
Nous faisons face dans ce pays à un problème très réel de racisme à l'encontre des Noirs. Comme pays, nous nous sommes excusés auprès de divers peuples, mais il nous reste à reconnaître que, par le passé, il y a eu du racisme dans notre pays, qu'il continue à exister et que c'est un problème auquel nous devons accorder la priorité, et que, comme gouvernement, nous devons adopter un comportement proactif dans notre éducation publique.
Peu m'importe le parti politique auquel vous appartenez pour dire la vérité. Comme pays, nous devons nous attaquer à ce problème. Je ne crois pas que nous ayons fait quoi que ce soit dans ce domaine depuis 2001 lorsque nous avons signé les documents de la Conférence d'examen de Durban. Comme pays, nous n'avons rien fait pour apporter des changements notables dans ce pays sur les problèmes de race et de racisme.
Le président : Monsieur Hiebert, avez-vous des commentaires à ce sujet?
Mme Douglas : Je veux parler de la question des enclaves. Une de mes remarques anodines consiste à rappeler que Rosedale est également une enclave de gens blancs et riches. Je conviens avec M. Hiebert que nous ne devons pas minimiser ce qui se produit dans les communautés racialisées pauvres, mais nous ne pouvons pas non plus les démoniser. C'est ce que je comprends dans ce que dit M. Hiebert. Je veux que cela soit bien clair pour tout le monde à cette table. M. Hiebert hoche de la tête et nous le voyons faire.
M. Hiebert : D'habitude, je n'aime pas que les gens parlent à ma place, mais cela ne me pose pas de problème quand ils utilisent les bonnes formulations. J'aimerais faire rapidement un commentaire sur ce que vient de dire Mme Douglas.
Au Centre Métropolis de Vancouver, nous allons publier incessamment une étude intéressante sur le marché du travail de Toronto. Un économiste a préparé une série de curriculum vitae jumelés qui ont été adressés aux employeurs de Toronto. Je ne dirai rien de ce rapport pour l'instant, parce qu'il va être publié la semaine prochaine, si ce n'est que les résultats sont choquants.
Mme Douglas : Je l'ai vu.
M. Hiebert : Les résultats vont tout à fait dans le sens de ce qu'a dit Mme Douglas.
Le président : Permettez-moi de m'adresser maintenant à Mme Rose. Vous avez parlé de la situation du logement à Montréal et au Québec, et des nombreux défis auxquels les gens sont confrontés. Beaucoup de ces gens deviennent itinérants ou presque sans-abri. Les presque sans-abri sont ceux qui changent régulièrement de toit, restent chez des amis, pratiquent la cohabitation, et cetera. Nous savons que des personnes seules se trouvent dans cette situation, ou même des mères seules, mais peut-être pas en aussi grand nombre que notre population d'immigrants récents. Cette situation touche fréquemment des familles entières, et pas seulement le père et la mère, mais également les enfants.
Pouvez-vous nous parler des chemins qui mènent à cette situation et permettent à cette population d'en sortir?
Mme Rose : Très peu de recherches ont été faites à Montréal sur la question des itinérants immigrants. Nous espérons pouvoir travailler sur ce sujet. Le gouvernement provincial du Québec a mis sur pied l'an dernier une commission parlementaire sur les itinérants. L'un de mes collègues a demandé à ses étudiants d'analyser tous les mémoires et il s'est avéré que ceux-ci ne traitent pas du tout des itinérants immigrants. Cela nous a amenés à réaliser que c'est un sujet sur lequel il faudrait faire davantage de recherches.
Peu d'éléments portent à croire qu'il y a réellement des familles immigrantes avec enfants sans logement à Montréal. Elles semblent trouver d'autres solutions. La situation est, par exemple, très différente de celle qu'on observe à Ottawa et à laquelle j'ai fait allusion plus tôt.
Au cours de la dernière année, ou des deux dernières années, un plus grand nombre de réfugiés et de demandeurs du statut de réfugié se sont tournés vers les abris. Je sais que Toronto et Vancouver sont confrontées à ce phénomène depuis longtemps, mais celui-ci est nouveau à Montréal. Les abris sont destinés à la population traditionnelle d'itinérants qui est affectée par quantité d'autres problèmes, qui ne touchent pas les réfugiés et les demandeurs du statut de réfugié au moment où ils arrivent. Toutefois, si les immigrants restent sans domicile pendant un certain temps, ils peuvent développer certains de ces problèmes.
Les médias ont signalé un problème additionnel, soit que les abris qui accueillent les itinérants à Montréal n'ont pas le personnel nécessaire pour accueillir des gens qui ne parlent ni le français ni l'anglais. C'est un problème tout à fait nouveau. Aucune recherche n'a été faite à Montréal sur les questions de cheminement aboutissant à l'itinérance ou permettant d'en sortir.
Des gens ont fait des recherches sur cette question dans d'autres villes. Notre collègue Fran Klodawsky, de l'Université Carleton à Ottawa, s'est adressée à ce comité l'an dernier. Elle sera peut-être en mesure de vous fournir davantage d'informations sur les cheminements conduisant cette population à l'itinérance ou lui permettant d'en sortir.
La forme d'itinérance cachée que l'on observe à Montréal est celle des gens qui vivent dans des logements de très mauvaise qualité. Nous avons une concentration d'immigrants pauvres vivant dans des appartements situés dans des immeubles bas et sans ascenseur construits en faisant appel à des programmes d'incitation fiscale pendant l'après- guerre. Ces édifices n'ont pas été entretenus. Les loyers sont parfois très faibles, mais ce n'est pas toujours le cas. Ce sont des logements de très mauvaise qualité.
Il y a quelques années, une commission de la ville de Montréal sur le racisme a mentionné, de façon explicite, la nature racialisée de ce problème de logements de piètre qualité dans les centres-villes. C'est un problème auquel les immigrants étaient confrontés en plus grand nombre que les autres groupes de la population. On observait ce genre de situation à Côte-des-Neiges, mais également dans d'autres parties de la ville.
La ville s'est attaquée activement à ce problème, conjointement avec d'autres paliers de gouvernement. Récemment, alors que la ville avait observé la situation et tenté de convaincre pendant de nombreuses années le propriétaire d'un complexe résidentiel, elle a fini par faire procéder à l'expropriation et le complexe a été démoli. La ville va maintenant construire un projet domiciliaire pour personnes à revenus mixtes comprenant deux ensembles, l'un appelé Place l'Acadie et l'autre Place Henri-Bourassa. Les gens ont été relogés de façon temporaire et se verront tous offrir un logement dans les nouvelles unités ou dans des unités adjacentes. C'est un problème qui a été cerné et qui a fait l'objet de mesures à Montréal.
Les ressources sont-elles suffisantes pour faire face aux logements de piètre qualité? Non, mais la ville de Montréal a mis sur pied une équipe spéciale qui travaille sur ces micro-poches de logements pour personnes à faibles revenus et très pauvres. Cette équipe est en place depuis longtemps et certains de ses membres ont pour mission d'exercer des pressions sur les propriétaires.
Le président : Merci.
Le sénateur Cordy : Merci à vous trois d'être ici aujourd'hui. J'aimerais revenir à la situation des personnes âgées qui vivent dans la pauvreté, en particulier les immigrants âgés.
Madame Douglas, dans votre exposé, vous avez dit que le pourcentage de personnes âgées vivant dans la pauvreté diminue, ce qui est une bonne chose. Toutefois, quand nous examinons plus attentivement les statistiques, nous constatons que les personnes âgées qui se trouvent dans cette situation sont des personnes âgées qui n'ont pas de familles, des femmes en particulier, des immigrants et des personnes âgées qui ont des enfants adultes vivant avec eux pour une raison ou pour une autre.
Nous avons conclu des ententes avec plus de 50 pays, ce qui est une bonne chose pour les immigrants qui viennent de ces pays. Toutefois, vous avez raison, nous accueillons maintenant au Canada des nombres importants d'immigrants venant de pays avec lesquels nous n'avons pas conclu d'entente, comme le Pakistan, la Chine et l'Inde. Ces personnes âgées se retrouvent au Canada sans bénéficier de programmes sociaux.
Comme vous l'avez indiqué à juste titre, les personnes âgées qui arrivent ici dans le cadre du programme de parrainage d'un membre de la famille relèvent de la responsabilité de leurs parrains pendant 10 ans. Vous pouvez devenir citoyen canadien au bout de trois ans. Vous serez alors une personne âgée qui a la citoyenneté canadienne, mais qui est toujours parrainée. Comme vous êtes toujours parrainée, vous n'êtes pas admissible aux programmes.
Deux autres sénateurs assis autour de cette table ont également siégé à un comité qui a étudié la question du vieillissement. Nous y avons recommandé que la durée du parrainage soit fixée de façon uniforme à trois ans.
Dix ans est fort long quand vous avez 75 ans. C'est aussi long quand vous avez 15 ans. Avez-vous pensé à d'autres solutions qui nous permettraient d'aider concrètement les immigrants âgés qui viennent au pays afin que, s'ils viennent d'un pays qui n'a pas conclu d'entente avec le Canada, ils puissent recevoir de l'aide du gouvernement canadien?
Mme Douglas : Notre position en la matière est la même que pour l'assurance-emploi car il se peut que je n'aie pas travaillé au Canada pendant 50 ans, mais mes enfants ont certainement travaillé si je suis arrivée en étant âgée dans le cadre du regroupement familial. Mes enfants ont cotisé au système.
Si je peux devenir citoyenne canadienne au bout de trois ans, cela me prive de l'accès à tous les programmes, non seulement au régime de retraite, mais également aux services d'immigration. En effet, les programmes de Citoyenneté et Immigration Canada ne sont pas destinés à venir en aide aux citoyens canadiens. La majorité des organismes dont je suis membre ne sont donc pas autorisés à fournir des services à des citoyens canadiens, qu'ils aient des besoins propres à la première année de citoyenneté ou qu'ils aient besoin de services d'établissement. Lorsque vous acquérez la citoyenneté, vous n'êtes plus admissible aux programmes de citoyenneté et d'immigration.
À titre de directrice exécutive de l'OCASI, et je crois pouvoir dire en toute confiance que cela se vérifie dans tout l'Ontario, nous trouvons que cela pose problème. Nous estimons certainement que le fait que les personnes âgées ne puissent accéder à nos régimes de retraite quand elles en ont besoin pose un problème.
L'un des sujets que nous n'avons pas eu le temps d'aborder aujourd'hui est que nous observons que de plus en plus de personnes âgées sont victimes d'abus. J'aurais aimé voir ici quelqu'un de l'un des organismes défendant les femmes victimes d'abus. Nous voyons non seulement des cohortes dans lesquelles les enfants retournent chez leurs parents âgés, qui n'ont pas droit aux prestations du RPC ou de quelque autre programme de retraite, mais certains sont également victimes d'abus. Ils ne peuvent toutefois pas accéder aux services.
Trois ans seraient très bien. Si vous pouvez devenir citoyen canadien au bout de trois ans, vous devriez alors pouvoir accéder à tous nos programmes.
Le président : Quelqu'un d'autre veut-il répondre à ceci?
Le sénateur Cordy : Notre comité est sans aucun doute d'accord avec cela.
Vous avez parlé des modifications à l'assurance-emploi. En vérité, vous avez dit que ce programme devrait faire l'objet d'un examen. Nous savons que les examens gouvernementaux peuvent prendre beaucoup de temps.
Étant donné la situation économique actuelle, pas juste au Canada mais dans le monde entier, y a-t-il des changements qu'il faudrait apporter ?
Pourquoi les immigrants ne sont-ils pas admissibles à l'assurance-emploi? Quels changements pouvons-nous apporter immédiatement? Je conviens que nous devrions étudier toute la question, mais si nous le faisons, cela pourrait prendre 10 ans.
Mme Douglas : Nous n'avons pas besoin de l'étudier. Il nous suffit simplement de réfléchir brièvement. J'observe du coin de l'œil M. Hiebert parce que c'est un sujet auquel il a réfléchi.
Nous devons y réfléchir à nouveau en traitant à la fois de l'assurance-emploi et des paiements de péréquation dans l'ensemble du pays, parce que c'est là le problème. Notre problème tient aux différences de traitement entre les provinces en fonction de ce qu'elles ont et de ce qu'elles n'ont pas. Cela a beaucoup évolué au cours des cinq dernières années. Nous sommes tout à fait partisans du prolongement de la période d'admissibilité de cinq semaines, mais seulement 30 p. 100 des Ontariens ont droit à l'assurance-emploi, et c'est là un problème.
Notre secteur manufacturier est mort. La situation est encore pire en Alberta. Le Québec vient en quatrième place pour le recours à l'assurance-emploi. J'adore mes collègues de Terre-Neuve, mais 99 p. 100 de la population de cette province touche des prestations d'assurance-emploi.
Une voix : Sont admissibles à l'assurance-emploi.
Mme Douglas : C'est également un problème énorme dans le Canada central.
Le président : Tenons en nous aux immigrants de fraîche date. L'assurance-emploi préoccupe beaucoup de monde ici. Nous connaissons tous les statistiques de nature générale. Nous nous intéressons aujourd'hui aux immigrants de fraîche date. Vous pouvez parler de l'assurance-emploi, mais dans la mesure où elle concerne ces immigrants.
Mme Douglas : Notre problème avec les immigrants, et en particulier en Ontario, est que non seulement la plupart d'entre eux, en particulier les femmes, occupent des emplois atypiques. C'est pourquoi elles ne sont pas admissibles. Ce chiffre de 30 p. 100 ne comprend pas, en règle générale, les immigrants, mais les immigrants ne sont même pas admissibles au programme de recyclage. Vous savez que nous avons une nouvelle entente sur le développement du marché du travail entre l'Ontario et le gouvernement fédéral. Nous essayons de négocier avec le gouvernement fédéral pour étudier ce qui peut être fait à ce sujet pendant ce ralentissement économique.
Le président : Quelqu'un d'autre veut-il faire des commentaires à la suite de la question du sénateur Cordy?
Mme Rose : J'aimerais revenir à la question des personnes âgées, dont je ne suis pas une spécialiste. Je crois toutefois que Mme Douglas parlait des régimes de retraite contributifs, des ententes.
Je tiens à mentionner quelque chose d'autre. Le montant de la pension de sécurité de la vieillesse est réduit au pro rata pour les personnes qui n'ont pas passé 40 ans au Canada depuis qu'elles ont obtenu leur statut d'immigrant reçu. Cela va même me concerner, bien que je ne sois pas pauvre.
Quarante ans, c'est long. Vous devez immigrer au Canada à l'âge de 25 ans pour bénéficier intégralement du régime fédéral.
M. Hiebert : J'aurais un commentaire à faire si on peut étendre le sujet pour englober les questions d'aide sociale, mais si ce n'est pas le cas, j'attendrai plus tard.
Le président : Si cela concerne les immigrants de fraîche date, allez-y. Nous allons considérer que nous avons élargi le sujet.
M. Hiebert : Je voulais signaler que toutes les questions d'admissibilité qui sont soulevées au sujet de l'assurance- emploi et des retraites touchent également le système d'aide sociale. Les nouveaux venus ont beaucoup de difficulté à en profiter, en particulier à cause des questions de parrainage familial, en partie parce que les travailleurs compétents ne devraient pas recevoir d'aide sociale lorsqu'ils viennent au Canada, et cetera.
C'est pourquoi nous voyons ces statistiques qui nous troublent et nous rendent perplexes selon lesquelles des gens qui ont des revenus moyens nettement inférieurs à ceux des personnes nées au Canada ont en même temps des taux de recours à l'aide sociale beaucoup plus faibles.
Le sénateur Martin : J'apprécie toujours beaucoup l'éclairage et l'information que vous nous donnez pour nous permettre d'avoir une vision plus vaste de cette question.
Je parle essentiellement à partir de mon expérience personnelle de nouvelle venue dans un pays, et après avoir vu mes parents faire face à toutes les difficultés qu'ils ont connues pour élever trois enfants. Je pense aussi à une partie du travail que j'ai fait dans la région de Vancouver.
J'ai une vision que je qualifierais de plus optimiste de ce qui se produit dans la région de Vancouver, et en Colombie- Britannique. Cela ne veut pas dire que j'ignore que nous avons toujours besoin de plus d'argent et que l'itinérance est un problème dont nous devons toujours parler.
Toutefois, ce que j'ai vu à Vancouver et en Colombie-Britannique, dans le Lower Mainland, où nous avons toujours eu une représentation importante d'un grand nombre de groupes très diversifiés, semble très différent de ce qui se passe dans les autres villes. Les villes sont très différentes. Je voulais mettre de l'avant ces aspects positifs, et peut-être suggérer quelques idées et vous demander vos réactions à celles-ci.
Monsieur Hiebert, diriez-vous que, dans vos recherches, vous avez constaté que Vancouver, le Vancouver métropolitain, la Colombie-Britannique ou la région du Lower Mainland font les choses de façon différente d'autres endroits de par leur situation. Est-ce le cas ou non?
M. Hiebert : Je suis ravi d'en parler. Vous avez tout à fait raison. La situation est différente.
Cela nous ramène au premier commentaire que j'ai fait sur les différences entre les diverses régions métropolitaines. Tout d'abord, on observe un genre de convergence dans la région métropolitaine de Vancouver. Nous y avons des groupes d'immigrants dont la situation financière, en termes de revenus, n'est peut-être pas meilleure, mais ils ont accès à davantage de richesse grâce à des réseaux internationaux. Le cas de la collectivité d'Asie de l'Est, c'est-à-dire des Sino-Canadiens est intéressant. Ce groupe a des revenus assez faibles à Vancouver, mais bénéficie de conditions de logement favorables. Les gens apportent de l'argent quand ils viennent s'installer au Canada et ils l'investissent dans le logement. Nous constatons beaucoup moins de problèmes de logement pour ce groupe, même si leurs revenus ont tendance à être assez faibles. C'est une convergence intéressante.
Ensuite, dans la région métropolitaine de Vancouver, les administrations municipales et les organismes non gouvernementaux collaborent de façon productive. L'un des exemples qui pourraient être reproduits dans le reste du pays est ce qu'on appelle le Groupe de travail sur l'immigration du maire de la ville de Vancouver, qui fonctionne depuis 2005. C'est une relation productive à laquelle participent les organismes non gouvernementaux, les milieux universitaires et les gens qui représentent des groupes politiques d'immigrants, et cetera. C'est ainsi que ce groupe s'est doté d'une charte pour accueillir les immigrants à Vancouver qui veut que les services municipaux soient offerts dans de nombreuses langues afin de desservir les collectivités d'immigrants de la région. C'est un effort très bien coordonné pour faire preuve d'équité et permettre aux nouveaux venus de se sentir les bienvenus à Vancouver.
Les statistiques sur les cas de discrimination sont plus faibles à Vancouver que dans les autres grands centres du Canada. Les statistiques sur l'opinion publique en matière d'immigration sont également plus favorables, tout comme celles sur l'acceptation du concept du multiculturalisme. Les chiffres sont meilleurs dans la région métropolitaine de Vancouver que dans les autres parties du pays. Tout cela conduit à formuler des hypothèses intéressantes expliquant cette situation.
Le sénateur Martin : Vous avez mentionné quelques points importants, l'un d'entre eux étant la langue. C'est probablement l'un des problèmes centraux auxquels seront confrontés tous les immigrants. Si nous parvenons à fournir l'information à des groupes de personnes dans leur langue pour leur permettre d'accéder aux ressources disponibles, nous résoudrons nombre des problèmes qui se posent au départ. C'est là que les prestataires de services d'établissement et de services familiaux pour les immigrants entrent en jeu.
C'est ainsi que si nous prenons Vancouver comme modèle, S.U.C.C.E.S.S. a pris naissance au sein de la collectivité sino-canadienne; la Progressive Intercultural Community Services Society, appelée PICS, a pris naissance au sein de la collectivité des Canadiens originaires d'Asie du Sud, la Multicultural Helping House Society a pris naissance dans la collectivité philippine et le Centre of Integration for African Immigrants a pris naissance au sein d'un groupe de la collectivité africaine de langue française.
Les groupes communautaires qui font face aux défis les plus importants dont vous avez parlé ne disposent pas nécessairement de ce type de réseaux communautaires. La collectivité coréenne travaille à mettre sur pied un autre organisme de ce type ayant un élément multiculturel. Tous ces organismes déclarent avoir reçu davantage de fonds, ce qui leur permet de travailler au sein des groupes de leur collectivité dans la langue voulue et de répondre aux besoins culturels de ces collectivités. Ils ont des gens qui parlent d'autres langues également, parce qu'ils s'adressent à tout le monde.
La solution d'un partenariat avec le gouvernement de la province et les municipalités devrait faire l'objet de discussions pour le reste du Canada. Chaque ville est différente, mais le problème linguistique est important. On dit qu'il faut un village pour élever un enfant, mais qu'il faut toute une collectivité pour prendre soin des autres. Les témoins ont-ils des commentaires à ce sujet?
M. Hiebert : Nous devons parler des défis, mais également reconnaître que des choses bien sont faites.
En 2005-2006, 20 millions de dollars ont été consacrés en Colombie-Britannique au B.C. Settlement and Adaptation Program, le BCSAP. En 2008-2009, ce sera 70 millions de dollars. On a observé une augmentation massive des montants consacrés aux services d'établissement. Cela permet d'améliorer le niveau de formation linguistique des nouveaux venus qui s'installent en Colombie-Britannique et d'améliorer tous les types de services d'orientation qui leur sont offerts.
Malheureusement, cet investissement additionnel survient à un moment de ralentissement économique, et nous ne pourrons donc observer ces effets favorables directs aussi facilement que si la situation économique avait été stable. Je suis curieux de voir les types d'améliorations qui se mettront en place dans le domaine de l'établissement à la suite des investissements massifs du gouvernement canadien et, par son intermédiaire, du gouvernement de Colombie- Britannique dans les services d'établissement et d'orientation.
Mme Douglas : Notre député présent à la table a paraphé l'entente Canada-Ontario et nous avons porté notre budget national pour l'établissement à 1,25 milliard de dollars. Une bonne partie de ce montant a été attribuée à l'Ontario, parce que nous avons augmenté le budget national. Bien sûr, le Québec obtient des montants additionnels, que sa population d'immigrants augmente ou diminue.
J'ai quelques inquiétudes parce que, au sujet des 70 millions de dollars dont vous avez parlé pour la Colombie- Britannique, le gouvernement provincial a tendance à fondre ces fonds dans les recettes générales et à traiter l'établissement comme les routes et leur revêtement. Nous ne voyons pas où vont les 70 millions de dollars, mais ce n'est pas à cause du ralentissement économique. C'est dû à la façon dont ce montant est comptabilisé. C'est un sujet que nous discutons en Ontario.
Le président : Je tiens à préciser qu'il ne s'agit pas d'un débat, mais je vais laisser M. Hiebert répondre.
M. Hiebert : Le montant de 70 millions de dollars est bien réel et ne tient pas compte des autres utilisations faites des fonds transférés par le gouvernement fédéral au gouvernement provincial. C'est le montant réel consacré aux services d'établissement en Colombie-Britannique, en hausse par rapport aux 20 millions de dollars d'il y a tout juste deux ou trois ans.
Le président : Madame Rose, souhaitez-vous répondre aux commentaires du sénateur Martin?
Mme Rose : Je ne suis pas compétente pour fournir de l'information sur le budget des services d'établissement, mais Stephan Reichhold, le coordonnateur de l'organisme parapluie qui regroupe tous les services d'établissement des immigrants au Québec, pourrait en parler. La façon d'interpréter ces statistiques fait toujours l'objet de controverses. Pour faire preuve de diplomatie, je dirais qu'il semble y avoir une fuite. Les organismes d'établissement n'ont constaté aucune amélioration particulière de la situation. À petite échelle, on voit beaucoup de choses novatrices, comme des projets pilotes devant permettre plus facilement aux nouveaux venus d'acquérir une expérience canadienne et de travailler avec des réseaux d'organismes d'affaires. Chacun apporte sa pierre à l'édifice.
Le sénateur Martin : Les principales solutions, en dehors des solutions de politique dont nous avons parlé, sont la responsabilisation, des efforts coordonnés et un bon réseau communautaire.
Vous avez parlé en termes différents des difficultés que doivent affronter les hommes et les femmes qui sont des nouveaux venus dans notre pays. Il y aurait peut-être intérêt à avoir des groupes qui s'occupent précisément des besoins des femmes.
Mme Douglas : Tout à fait. J'ai été ravie que vous abordiez le sujet de ce que nous appelons, en Ontario, des organismes qui se consacrent précisément à une ethnie. Oui, la façon dont les femmes vivent l'établissement est différente de celle dont les hommes la vivent, ce qui n'est pas surprenant. Ce n'est pas une question d'immigration, mais de sexe. Nous devons veiller à ce que ces organismes fournissent des services précis destinés aux femmes immigrantes pour qu'elles puissent elles-mêmes choisir leur propre cheminement d'établissement et d'intégration.
Le sénateur Keon : Tout ceci est très intéressant et décourageant. Les immigrants ont constitué au cours des années un atout si important pour le Canada. Il me semble, même si je n'ai pas été personnellement concerné, que les problèmes auxquels font face maintenant les immigrants de fraîche date sont énormes par rapport à ce qu'ils étaient auparavant. Pourquoi la situation s'est-elle dégradée?
À une époque, le système semblait fonctionner en douceur et les immigrants constituaient un atout vraiment extraordinaire. Ils venaient dans notre pays et y contribuaient dans un délai relativement court. Ils réussissaient fort bien. Nous avons beaucoup d'immigrants qui sont maintenant des personnalités, et cela semble maintenant poser un tel problème... Pourquoi en est-il ainsi?
M. Hiebert : C'est une question très vaste. Il y a des douzaines et des douzaines d'études sur ce sujet au Canada, parce qu'il est tellement important. Je vais vous donner quelques-uns de leurs principaux résultats.
Le premier est qu'il faut tenir compte du fait que la nature de l'économie canadienne a beaucoup évolué depuis l'époque dont vous parlez. Les immigrants s'intégraient à l'économie plus rapidement dans les années 1970 et même au début des années 1980 qu'ils ne le font maintenant.
Cela s'explique en partie par le fait que notre économie est maintenant une économie du savoir, qui privilégie les capacités en communication. Il est absolument manifeste qu'il faut maintenant pouvoir communiquer en anglais et en français pour obtenir un bon travail dans ce pays. Vous pouvez obtenir quantité d'emplois peu rémunérateurs sans parler ces langues correctement mais, sans les maîtriser, de nombreux emplois intéressants vous échapperont. C'est le premier point.
Le second point est que dorénavant les immigrants, tous les gens qui arrivent au Canada, proviennent de partout dans le monde. La mondialisation a pour effet que nous faisons maintenant venir un pourcentage croissant de gens qui ne parlent ni l'anglais ni le français lorsqu'ils arrivent au Canada, en particulier les personnes qui ne sont pas sélectionnées par le système de points.
Mme Douglas va veiller à ajouter ce commentaire, et c'est pourquoi je vais le faire tout de suite. Une proportion accrue d'immigrants venant au Canada sont des gens de couleur. Peu importe les types de discrimination et de racisme qui se manifestent sur le marché du travail, ces gens seront les premiers à y être confrontés.
Enfin, il est important de répéter encore une fois ce qui figure dans votre excellent rapport de l'an dernier. Au Canada, nous avons assisté au transfert de programmes sociaux qui sont conçus pour aider des gens vulnérables. Les immigrants sont vulnérables. Ils encaissent les effets de tous les types de modifications que nous apportons à nos politiques sociales dans ce pays. Je vais commencer par là. Je suis sûr que les autres vous donneront davantage de détails.
Mme Douglas : Nous avons constaté une évolution des caractéristiques démographiques en ce qui concerne l'origine des immigrants. Ce que je vais ajouter aux commentaires formulés par M. Hiebert est que nous constatons également que des immigrants plus scolarisés viennent vivre dans notre pays.
Je ne suis pas d'accord avec le problème de la langue, en particulier en ce qui concerne notre système de points. Le fait qu'ils parviennent moins bien à s'intégrer qu'il y a 20 ans pose un problème. La seule réponse est que cela dépend de la région du monde d'où ils viennent. Ce doit aussi être une question de race. Nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas en tenir compte en ce qui concerne la politique d'immigration du Canada.
Ces gens viennent d'Asie, d'Asie du Sud-Est, d'Asie du Sud, d'Afrique. Ils arrivent en ayant des compétences en anglais, et ils sont très bien scolarisés. Ils arrivent ici avec des années et des années d'expérience et ils n'obtiennent pas d'aussi bons résultats malgré la présence de l'économie du savoir.
L'économie indienne est en pleine expansion et la Chine est l'une de nos nouvelles économies mondiales. Pourquoi les gens originaires de ces pays éprouvent-ils des difficultés au Canada? C'est ce que nous devons cerner si nous voulons que l'immigration joue un rôle déterminant dans l'avenir de notre pays.
Permettez-moi de laisser cette question sans réponse parce que tout le monde s'attend à ce que je réponde à la question sur les races. C'est ma réponse à la question sur les problèmes raciaux.
Le président : Il y a également le problème de la reconnaissance des titres professionnels.
Mme Douglas : C'est à ça que je voulais en venir.
Le président : En quoi cela vous semble-t-il avoir changé? Nous allons ajouter cela à la question du sénateur Keon.
Mme Douglas : Nous y avons prêté attention. Nous nous sommes assurés de disposer de suffisamment de ressources. Le domaine dans lequel nous n'avons pas fait de bon travail est la familiarisation de nos employeurs aux titres professionnels étrangers.
Je crois que nous allons devoir vraiment faire nôtre l'idée d'étudier des mesures incitatives. Nous devons examiner des questions comme l'équité en emploi, mais nous devons également disposer de mesures incitatives qui vont au-delà de ce cadre. Je n'arrive jamais à me rappeler du nom qu'on donne à ces programmes, en application desquels une personne se présente et obtient l'équivalent de six mois de travail. L'employeur vous embauche ou ne vous embauche pas.
M. Hiebert : Des stages?
Mme Douglas : Oui. Nous devons regarder au-delà de cet horizon. Il faut que nous soyons en mesure de dire aux employeurs que notre avenir passe par l'immigration. Comme gouvernement et comme pays, c'est ce que vous devez prendre en compte. Si vous embauchez des immigrants, nous allons surveiller la conformité du contrat. Nous allons le faire de toute façon avec l'industrie. À Ottawa, nous avons un programme national d'équité en matière d'emploi. Nous n'avons pas de programmes provinciaux en la matière et c'est un problème.
Nous devons déterminer ce qui fonctionne pour nous et seulement alors l'extrapoler dans l'ensemble du pays. Cela signifie que nous allons devoir prendre une inspiration profonde et dire oui, nous allons devoir donner un peu d'argent à certains employeurs du secteur privé.
Le président : Avant de donner la parole à Mme Rose, permettez-moi de dire, en ce qui concerne la reconnaissance des titres, qu'il y a la catégorie de l'expérience canadienne, mais il y a également la question des organismes professionnels, qui regroupent des médecins, des ingénieurs ou qui que ce soit d'autre, proposant un cheminement précis pour obtenir les titres dont ils ont besoin pour faire le travail professionnel qu'ils faisaient dans leur pays d'origine.
Mme Rose : Cela a fait l'objet de travaux avec ces organismes professionnels, très certainement en Ontario et au Québec, et sans aucun doute ailleurs.
Il y aurait peut-être intérêt à examiner le cas de certains de ces employeurs qui ont été reconnus comme étant des employeurs exemplaires en termes de diversité. Certains appartiennent au secteur public et d'autres au secteur privé. Ce sont des employeurs qui, au lieu de voir le manque d'expérience canadienne comme un aspect négatif des curriculum vitæ des candidats à un emploi, y décèlent une expérience internationale et estiment que la maîtrise de plusieurs langues peut parfois contribuer au développement de l'entreprise. Ils y voient des aspects très positifs.
Mme Douglas : Ils reconnaissent que nous sommes en pleine mondialisation.
Le président : La question a évolué un peu depuis que nous avons commencé avec vous, monsieur Hiebert. Avez- vous quelque chose à ajouter ou avez-vous traité de tout ce que vous vouliez?
M. Hiebert : J'aimerais seulement ajouter une chose, soit que nous sommes entrés dans une période de ralentissement économique. Nous continuons à avoir des chiffres relativement élevés d'immigrants qui s'en viennent au Canada. Cela aura manifestement des conséquences.
Nous avons vu ce phénomène au début des années 1990, avec ce que de nombreux analystes appellent maintenant la « stigmatisation économique » de la cohorte des immigrants arrivés pendant une récession au début des années 1990. Nous devrions tous être très préoccupés par ce phénomène et réfléchir aux meilleures solutions pour y faire face à l'avenir.
Nous allons très probablement voir une autre cohorte d'immigrants arriver pendant cette partie de la décennie qui va être confrontée à un marché du travail très serré et qui fera face à d'importantes difficultés économiques. Cela m'inquiète.
Le président : Nous en avons terminé avec les questions, mais je vais vous permettre de faire rapidement quelques derniers commentaires.
Mme Rose : Il y a quelque chose que je voudrais ajouter rapidement. En ce qui concerne la distinction entre la façon dont les hommes et les femmes s'intègrent à l'économie, les femmes immigrantes de Montréal, pas nécessairement celles qui ont immigré récemment, ont été particulièrement touchées par l'élimination totale de l'industrie du textile et du vêtement, en particulier depuis 1995. Personne n'étudie ce qu'il est advenu de ces femmes.
Nous devons réfléchir au fait que la mondialisation et la récession touchent de façon différente les hommes et les femmes à cause de la segmentation du marché du travail. Dans ce domaine, nous devons réfléchir à ce qu'il advient des hommes et des femmes qui ont immigré. Je tiens à souligner quelques-unes de ces remarques que vous avez faites au sujet de la nécessité d'une étude plus sérieuse des questions de sexe et de la façon dont elles recoupent les questions de pauvreté chez les immigrants.
Le président : Si vous en avez terminé, cela met fin à notre réunion.
Je vais demander aux membres du comité de rester. Dans quelques minutes, nous allons poursuivre à huis clos pour apporter quelques changements à notre calendrier.
Je vous remercie encore tous les trois d'avoir participé à cette séance et de nous avoir communiqué des informations qui nous aideront à rédiger nos recommandations finales.
Notre programme actuel prévoit que nous aurons terminé nos auditions à la fin de juin. Au cours de l'été, nous rédigerons le rapport et les recommandations. Il sera publié au cours de l'automne.
M. Hiebert : Ce fut un privilège de pouvoir traiter de ces questions.
Le président : Je vous remercie beaucoup.
(La séance est levée.)