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Sous-comité sur les villes

 

Délibérations du Sous-comité sur les villes

Fascicule 4 - Témoignages du 3 juin 2009


OTTAWA, le mercredi 3 juin 2009

Le Sous-comité sur les villes du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 16 h 15 afin d'étudier des questions d'actualité des grandes villes canadiennes et d'en faire rapport.

Le sénateur Art Eggleton (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je déclare la séance ouverte.

[Français]

Bienvenue au sous-comité sur les villes qui étudie présentement la pauvreté, le logement et les sans-abri.

[Traduction]

Aujourd'hui, nous examinerons en particulier les stratégies locales de réduction de la pauvreté au cours de la première partie de la réunion. Nous suspendrons la séance à 17 h 20 au plus tard, après quoi l'honorable Deb Matthews, du gouvernement de l'Ontario, nous présentera un point de vue provincial.

Je vais maintenant présenter nos témoins, qui contribueront à notre compréhension des stratégies locales de réduction de la pauvreté. Tout d'abord, sur l'écran, nous avons Alain Noël, qui est professeur au département de science politique et directeur du Centre de recherche à l'Université de Montréal.

[Français]

Il est directeur du Centre de recherche interuniversitaire sur les transformations économiques et sociales à l'Université de Montréal.

[Traduction]

Il est également membre du conseil consultatif de l'Institut des relations intergouvernementales de l'Université Queen's à Kingston.

Tom Gribbons a une longue expérience du secteur des services financiers à Saint John, au Nouveau-Brunswick. Il est actuellement président de la Vibrant Communities Saint John Leadership Roundtable, organisation qui s'efforce de réaliser une réduction radicale de la pauvreté dans cette ville. Il est également directeur de la Greater Saint John Community Foundation, ancien président de la Chambre de commerce de Saint John et directeur financier d'Enterprise Saint John.

Liz Weaver est assise à la table avec nous à Ottawa. Elle est directrice de la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction, initiative communautaire intersectorielle ayant pour objectif stratégique de réduire la pauvreté et de faire de Hamilton le meilleur endroit pour élever un enfant. Mme Weaver est actuellement membre du conseil d'administration de Parks and Recreation Ontario et participe aux travaux du Groupe de travail de l'Ontario sur l'accès aux loisirs des familles à faible revenu.

Je vous souhaite la bienvenue à tous les trois. Nous commencerons par M. Noël.

[Français]

Alain Noël, professeur, Département de science politique, Université de Montréal : Monsieur le président, je vais parler en français, mais je vous demanderai de me poser des questions en anglais parce que de toute façon, j'écoute la traduction anglaise de vos questions et non la version française. Est-ce possible de ne pas entendre la traduction de ce que je dis?

[Traduction]

Le président : Je ne peux malheureusement pas vous aider dans ces questions techniques. Vous pourriez peut-être retirer l'écouteur de votre oreille pendant que vous parlez.

M. Noël : Je vais plutôt parler en anglais parce que l'écho me dérange.

Trois questions ont été proposées pour l'échange aujourd'hui. La première était de savoir si les programmes et les politiques du gouvernement fédéral soutiennent ou affaiblissent les stratégies provinciales de réduction de la pauvreté. La deuxième visait à déterminer si le gouvernement fédéral doit faire plus ou mieux pour appuyer les stratégies provinciales. La troisième question portait sur l'opportunité pour le gouvernement fédéral d'adopter une stratégie pancanadienne de réduction de la pauvreté.

Pour répondre à la première question, je me reporterai essentiellement à l'expérience québécoise parce que c'est celle que je connais le mieux et parce que c'est la plus longue, suivie de celle de Terre-Neuve-et-Labrador, en fonction de l'effort concerté de réduction de la pauvreté déployé depuis 2002 et du plan d'action mis en œuvre en 2004. Des discussions et des échanges auront lieu dans la province en vue de la mise au point du prochain plan d'action, en commençant par un grand forum national le 15 juin.

Le gouvernement du Québec a pris un certain nombre de mesures pour combattre et réduire la pauvreté. La plupart d'entre elles sont liées à une restructuration des transferts aux personnes et aux familles. Les résultats sont positifs. Ces dernières années, nous avons été témoins d'une diminution des taux de pauvreté au Québec, qui n'a pas d'équivalent dans les autres provinces. On peut en conclure que les politiques adoptées ont été efficaces.

On se demande où s'inscrit le rôle du gouvernement fédéral dans ce tableau. D'une certaine façon, il ne s'inscrit pas du tout. Ce n'est pas seulement à cause du rôle que le gouvernement fédéral a joué ou n'a pas joué. En fait, le gouvernement du Québec n'a pas appliqué sa stratégie en fonction des politiques fédérales, les deux ayant été conçues séparément.

Bien sûr, le gouvernement fédéral joue un rôle puisque les transferts aux particuliers et les transferts au gouvernement provincial viennent d'Ottawa. Ottawa a des politiques concernant les enfants, les services de garderie, l'éducation et bien sûr l'assurance-emploi. Enfin, le gouvernement fédéral est également responsable des Autochtones du Canada, qui sont très fortement touchés par la pauvreté.

Les deux gouvernements ont donc essentiellement agi en fonction de politiques complètement distinctes. L'action fédérale n'a pas nui à la stratégie québécoise, étant fondée sur les champs de compétence du Québec, mais elle l'a affaiblie. Il aurait pu y avoir plus de coordination, et le gouvernement fédéral aurait pu agir d'une façon plus ciblée dans son propre champ de compétence.

Pour ce qui est la deuxième question — que doit faire le gouvernement fédéral pour appuyer les stratégies provinciales de réduction de la pauvreté —, je crois que le rapport précédent du comité me cite, disant que le gouvernement fédéral devrait principalement faire ce qu'il fait le mieux. Autrement dit, il devrait d'abord concentrer ses efforts sur les nombreux aspects qui relèvent de son champ de compétence. J'ai mentionné différentes questions. Il y a un exemple de réussite dans l'intervention fédérale contre la pauvreté au moyen des pensions accordées aux personnes de plus de 65 ans. Le Canada s'est fait une réputation internationale grâce à son soutien du revenu des personnes âgées. Ce n'est cependant pas un domaine dont nous puissions garantir la durabilité. Il devrait être possible, dans une certaine mesure, de maintenir ces pensions, mais une crise se prépare dans le secteur des pensions privées, une crise qui pourrait avoir de graves conséquences pour les personnes de plus de 65 ans. C'est donc une question dont le gouvernement fédéral devrait se soucier.

Il y a bien sûr la question de l'assurance-emploi. Je n'en dirai pas plus à ce sujet.

J'ai mentionné les Autochtones. La façon dont les impôts, les revenus et les autres taxes sont structurés est extrêmement importante. La fiscalité n'a pas été conçue ou pensée en fonction de la répartition du revenu et de la pauvreté au Canada. Nous devrions peut-être y penser davantage dans cette optique.

Enfin, le gouvernement fédéral joue un rôle très important par l'entremise de Statistique Canada, qui nous fournit des données nous permettant de faire le point sur notre situation présente et passée. Statistique Canada a un rôle à jouer. Au Canada, nous avons compté pendant trop longtemps sur une mesure de la pauvreté qui est désuète et insoutenable : le seuil de faible revenu ou SFR.

Aujourd'hui, les provinces qui ont commencé à réfléchir à la pauvreté proposent différentes mesures. Le Québec s'intéresse beaucoup à la mesure du panier de consommation mise au point par Ressources humaines et Développement des compétences Canada. Statistique Canada devrait contribuer au développement de cette mesure. L'Ontario s'intéresse davantage à une mesure du faible revenu semblable à celle qu'utilisent les Européens et peut-être à une forme d'indice de privation. Statistique Canada peut jouer un rôle très important en créant des mesures pouvant intéresser les différents gouvernements du pays.

La troisième question visait à déterminer s'il est opportun d'avoir une stratégie fédérale. Le Nouveau-Brunswick étant actuellement à la phase des consultations, nous avons maintenant six provinces, en comptant le Nouveau-Brunswick, qui ont ou vont avoir un plan d'action, une loi ou une stratégie. Compte tenu de ce que j'ai dit de l'importance du rôle fédéral, je crois que ce serait une bonne idée pour le gouvernement fédéral d'aborder explicitement la question, de se donner des objectifs clairs et de préciser les instruments de compétence fédérale à utiliser pour réduire la pauvreté au Canada. Il aurait besoin d'objectifs clairs accompagnés d'un échéancier ainsi que d'une stratégie de mesure des résultats, et cetera, pour pouvoir rendre compte de ses activités.

Le gouvernement fédéral pourrait également jouer un rôle en encourageant les échanges d'information entre les gouvernements du Canada, en favorisant une meilleure coordination des activités fédérales et provinciales, en établissant une collaboration intergouvernementale en matière de pratiques exemplaires, et cetera. et en chargeant Statistique Canada d'élaborer des indicateurs et des mesures.

Le président : Je vous remercie de votre exposé. Nous avons maintenant suffisamment de matière pour vous poser des questions. Je regrette les difficultés causées par le système de son. Nous avons pu écouter l'interprétation pendant que vous parliez en français, mais je comprends les difficultés que vous avez eues.

Je vais maintenant passer à l'autre côté de notre vidéoconférence pour demander à Tom Gribbons, de Saint John, au Nouveau-Brunswick, de nous présenter son exposé préliminaire.

Tom Gribbons, président, Vibrant Communities Saint John Leadership Roundtable : Je vous remercie, monsieur le président, de votre invitation. Je me suis adressé à un autre sous-comité en juin 2007. Je représente un groupe nommé Business Community Anti-Poverty Initiative, ou initiative antipauvreté de la communauté des affaires. Nous tenons à vous féliciter pour le rapport sur la pauvreté que vous avez publié l'année dernière. Nous croyons que c'est un excellent inventaire des questions qui se posent et des options qui s'offrent.

Si nous pouvions vous laisser un message aujourd'hui, ce serait que vous avez fait votre devoir et que nous voulons maintenant vous exhorter à convaincre vos collègues de la Colline de faire de la réduction de la pauvreté une priorité nationale et d'exercer des pressions en vue d'obtenir des changements.

Je félicite le Québec, qui est devenu un chef de file parmi les provinces du pays grâce à sa stratégie de réduction de la pauvreté. Au Nouveau-Brunswick, nous venons juste entreprendre le processus et nous espérons avoir une stratégie provinciale d'ici la fin de cette année. Toutefois, dans le cas de Saint John et de notre groupe d'entreprises, nous avons pris l'initiative d'élaborer notre propre stratégie de réduction de la pauvreté. Nous attendons avec le plus grand intérêt l'occasion de collaborer avec le gouvernement du Canada à cet égard.

Je vais commencer par vous donner quelques renseignements généraux. La Business Community Anti-Poverty Initiative ou BCAPI a commencé il y a 12 ans quand un groupe de dirigeants d'entreprises de la ville s'est réuni pour s'attaquer au grave problème qui se posait alors : plus d'un tiers des enfants de Saint John vivaient dans la pauvreté, de même que plus de 28 p. 100 de la population de la ville. À titre de dirigeants d'entreprises, nous ne connaissions pas grand-chose du problème ni des moyens de le régler, mais nous savions qu'il fallait faire quelque chose. Nous avons alors formé la BCAPI.

La première étape consistait à faire une étude de la pauvreté pour en apprendre davantage sur ce phénomène. Nous avons engagé le cabinet de consultants Deloitte, qui nous a appris que les femmes et les enfants, et notamment les familles monoparentales, étaient les plus touchés. Nous avons également appris que les familles à faible revenu étaient regroupées dans les quartiers les plus vieux et les plus pauvres de Saint John, des quartiers que nous avions honte d'avoir dans notre ville. Notre étude a abouti à la conclusion que les mères seules ne pouvaient pas échapper à la pauvreté, malgré tous les efforts qu'elles pouvaient déployer, et si nous pouvions changer leur sort, nous serions en mesure de réduire considérablement la pauvreté à Saint John.

La deuxième étape importante était de cibler nos efforts. En effet, la pauvreté est beaucoup trop vaste pour qu'il soit possible de s'y attaquer d'un seul coup. Nous devions concentrer nos efforts sur les domaines essentiels. Nos recherches avaient révélé que l'éducation est la clé de l'autonomie économique. Notre travail consistait donc à mettre en place la bonne combinaison de services et d'aides pour permettre aux enfants pauvres de réussir à l'école et à leurs parents d'obtenir la formation voulue pour décrocher un emploi décent. Nous avons choisi de travailler dans cinq quartiers à faible revenu où des investissements étaient vraiment nécessaires et où nous pouvions travailler avec les familles pour trouver ensemble les meilleures solutions.

La troisième étape a consisté à reconnaître que nous ne pouvions pas tout faire tout seuls. Nous devions solliciter des dirigeants et des experts de tous les secteurs de Saint John pour leur demander de nous aider à apporter les changements nécessaires. Tout ce concept d'effort multisectoriel est très important. Il a joué un rôle essentiel dans tous les succès que nous avons enregistrés jusqu'ici.

Où en sommes-nous dix ans plus tard? La plupart des enfants finissent l'école secondaire. La vie de certaines familles s'est améliorée, de même que la situation des quartiers de Saint John.

Toutefois, il faut en faire davantage. Aujourd'hui, le nombre des enfants qui vivent dans la pauvreté dans notre ville est passé de un sur trois à un sur quatre. Nous avons fait des progrès. Il y a dix ans, le taux de pauvreté à Saint John était supérieur à 28 p. 100. Les derniers chiffres de Statistique Canada, qui remontent à 2006, indiquent que nous en sommes à 21 p. 100. Nous progressons donc dans la bonne direction.

Nous avons trois recommandations à vous présenter. Premièrement, pour faire accepter le concept d'une stratégie de réduction de la pauvreté, nous avons besoin d'arguments économiques plus solides militant en faveur de la réduction de la pauvreté, avec des objectifs établis et des mesures ayant un sens économique. La réduction de la pauvreté doit être plus qu'une valeur sociale ou une bonne action. Oui, c'est une façon juste, éthique et morale d'agir, mais c'est aussi un enjeu économique sérieux pour le Canada.

Nous avons besoin de meilleures mesures pour nous faire comprendre le coût économique de la pauvreté et l'avantage économique qu'il y a à aider les enfants et les jeunes familles à y échapper. Même si les gens ont naturellement tendance à faire du bien, nous nous sentirions obligés d'agir s'il est établi que la réduction de la pauvreté peut assurer des gains économiques à tout le monde. Il ne s'agit pas seulement d'une amélioration sociale.

Nos entreprises sont confrontées à un avenir dans lequel la demande de travailleurs qualifiés dépassera l'offre. Même si l'immigration est une solution, nous ne devons pas perdre de vue que nous avons chez nous des talents extraordinaires qui ne demandent qu'à se révéler. Si le taux d'activité de nos collectivités augmente, notre assiette fiscale se développera aussi et davantage de gens auront de l'argent à dépenser.

Nous croyons en outre que les Canadiens ne se rendent pas vraiment compte du coût public de la pauvreté. C'est du moins l'expérience que nous avons acquise à Saint John. Il est temps de faire connaître ce coût aux contribuables et de leur montrer que les stratégies de réduction de la pauvreté auront des avantages pour tous.

Notre deuxième recommandation, c'est que la réduction de la pauvreté nécessite une direction et des ressources particulières dans les collectivités. Les villes constituent les moteurs du Canada et sont les plus touchées par la pauvreté. Il faut, dans l'intérêt de nos collectivités, que les paliers supérieurs de gouvernement acceptent d'inscrire la réduction de la pauvreté parmi les priorités nationales. Nous devons tous pousser dans la même direction.

Notre travail à Saint John avancerait beaucoup plus rapidement si un programme fédéral-provincial aidait notre ville à faire le travail. Les accords tripartites sont un moyen efficace d'aider les villes à réduire leur taux de pauvreté. Pourquoi? Les mesures de réduction de la pauvreté varient d'une ville à l'autre, d'un quartier à l'autre et d'une famille à l'autre. C'est au niveau local que les différents secteurs sont le mieux en mesure de joindre leurs efforts pour situer les services et combler les lacunes.

Nous avons appris que les solutions à l'emporte-pièce et les programmes exécutés de haut en bas par différents ministères agissant séparément les uns des autres ne donnent pas de très bons résultats. Nous savons d'expérience que les bailleurs de fonds doivent collaborer au niveau communautaire pour trouver des solutions judicieuses, économiques, flexibles et complètes.

Notre troisième recommandation, c'est que nous croyons avoir besoin d'un tremplin dans le filet de sécurité sociale, particulièrement dans le cas des enfants et des familles. Au fond, les gens ne veulent pas mieux vivre dans la pauvreté; ils veulent pouvoir sortir de la pauvreté. À notre avis, les politiques publiques et les institutions ne sont pas conçues pour aider les gens à échapper à la pauvreté. Elles visent seulement à leur permettre de mieux vivre, tout en restant pauvres.

Nous investissons d'énormes montants de fonds publics et de dons de charité pour gérer les effets de la pauvreté : maladie, toxicomanie, crime, analphabétisme, dépendance à long terme de l'aide sociale, logement social, et cetera. Très peu de cet argent permet d'améliorer vraiment les conditions socioéconomiques des familles à faible revenu. Cela doit changer.

La BCAPI croit fermement qu'il incombe collectivement aux entreprises, aux collectivités et aux gouvernements d'aider les enfants et les familles à échapper à la pauvreté. Nous avons besoin pour cela d'un leadership et de ressources exclusivement consacrés à cette fin.

Je vous remercie d'avoir entrepris ce travail difficile et complexe. Nous partageons votre enthousiasme. Nous célébrons vos progrès et vous invitons à adopter la devise de la BCAPI : Nous refusons l'échec.

Le président : Je vous remercie. Vous faites un travail extraordinaire. Il est rare que des entreprises s'attaquent à la pauvreté comme vous l'avez fait. Nous sommes heureux d'apprendre que vous avez réalisé des progrès.

Nous vous reviendrons tous les deux pour vous poser des questions. Nous avons entendu des exposés venant du Québec et de la ville de Saint John. Nous allons maintenant écouter une représentante de Hamilton, en Ontario. Liz Weaver nous parlera de l'action de son organisation et de ce que le gouvernement fédéral devrait faire dans ce domaine.

Liz Weaver, directrice, Hamilton Roundtable for Poverty Reduction : Je vous remercie d'avoir invité la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction à s'adresser au comité cet après-midi.

Nos villes vivent une période cruciale. Elles essaient actuellement de s'attaquer à des problèmes très complexes tels que la pauvreté. Le leadership dont vous pouvez faire preuve au niveau fédéral s'ajoutera aux efforts déployés par la province d'Ontario et la ville de Hamilton. C'est un leadership qui vise à changer les choses. Agissant ensemble, nous pouvons réellement réduire la pauvreté.

Je commencerai par vous donner quelques renseignements généraux sur la Hamilton Roundtable for Poverty Reduction. Comme celle de nos collègues de Saint John, notre organisation est née de notre volonté de relever le défi de la pauvreté dans notre collectivité. Elle s'est formée en mai 2005 pour essayer de comprendre et d'abaisser le taux de pauvreté élevé qui sévissait à Hamilton. Elle avait pour but d'attirer l'attention de la collectivité sur le problème de la pauvreté, de cibler l'action et de trouver des solutions.

L'initiative est née au départ des efforts de la Hamilton Community Foundation et de la ville de Hamilton. Il s'agit d'une organisation multisectorielle, semblable à celle de nos collègues. Elle réunit autour de la table 42 membres représentant les entreprises, le gouvernement, le secteur bénévole et 10 particuliers qui ont eux-mêmes vécu l'expérience de la pauvreté. Nous avons également des contacts avec quelque 900 autres organisations de la collectivité. Nous aspirons à faire de l'Hamilton le meilleur endroit pour élever un enfant.

Comme à Saint John, l'une de nos premières étapes a consisté à essayer de comprendre ce que la pauvreté impliquait à Hamilton. À partir des données de 2001 de Statistique Canada, nous avons conclu que notre ville avait l'un des taux de pauvreté les plus élevés, environ 20 p. 100 des habitants vivant au-dessous du seuil de faible revenu et un enfant sur quatre grandissant dans la pauvreté.

Nous avons adopté un cadre d'évolution « du berceau à la carrière » axé sur la vie de l'enfant entre la naissance et le monde du travail. Nous avons déterminé les points critiques d'investissement durant cette période. En obtenant des ressources et en concentrant les efforts de la collectivité sur ces points critiques d'investissement, nous pourrions changer la trajectoire des enfants et des familles qui vivent dans la pauvreté à Hamilton.

Ces points critiques comprennent une éducation préscolaire et parentale de qualité, le développement des aptitudes grâce à l'activité d'éducation et aux loisirs, le développement ciblé de compétences, la transition entre l'école secondaire et le monde du travail ou l'éducation postsecondaire, l'emploi et enfin la constitution d'actifs et la création de richesse.

Ce cadre d'évolution a constitué pour nous un travail majeur parce qu'il nous a permis de cibler les efforts de la collectivité sur les points critiques d'investissement. La concentration des efforts sur la réduction de la pauvreté au niveau municipal peut donner des résultats probants, mais nous croyons qu'il est possible d'aboutir à des résultats semblables au niveau provincial et fédéral.

Nous avons été témoins de changements significatifs à Hamilton par suite non seulement des efforts de notre organisation, mais aussi du travail collectif de notre ville. Notre taux de pauvreté est passé de 20 à 18,1 p. 100, ce qui signifie que le nombre de citoyens vivant au-dessous du seuil de faible revenu a diminué de 6 000 dans une période où d'autres collectivités de l'Ontario ont connu une augmentation de la pauvreté.

Nous avons également assisté à la mise en œuvre de 175 solutions communautaires qui ont permis de réaliser des progrès, et avons vu 47 ménages comprenant des enfants, des jeunes et leur famille augmenter leur actif, ce qui améliorera leur sort dans la collectivité. Les actifs acquis s'échelonnent sur toute la gamme couverte par notre action : occasions accrues d'éducation préscolaire et parentale, davantage de programmes d'activités parascolaires, plus grand accès à la formation spécialisée et à des logements abordables.

Nous avons vu des investissements ciblés visant la création d'un leadership de quartier et la prestation de services communs plus efficaces. Il a été possible de recueillir plus de 10 millions de dollars à Hamilton grâce à différents bailleurs de fonds et aux deux paliers de gouvernement.

Ceux d'entre vous qui connaissent Hamilton savent déjà que notre quotidien local, le Hamilton Spectator, s'est joint très tôt à notre projet. Il a commencé à investir dans notre stratégie de réduction de la pauvreté en publiant une première page blanche avec, au milieu, un petit encadré disant que les pauvres de Hamilton n'étaient pas souvent mentionnés dans les pages du Hamilton Spectator, mais que les choses allaient bientôt changer.

En fait, au cours des quatre dernières années, le journal a consacré plus de 600 articles et chroniques au problème de la pauvreté dans notre collectivité. Cela a eu un effet très sensible, qui a permis de sensibiliser les gens au problème, d'en apprendre davantage à ce sujet et de s'y intéresser de plus près.

Comme nos collègues, nous croyons qu'une stratégie nationale de lutte contre la pauvreté est nécessaire. Différentes mesures ont été prises au niveau provincial, mais nous avons besoin de l'aide de nos collègues fédéraux pour aller de l'avant.

À Hamilton, 89 000 personnes se situent au-dessous du seuil de faible revenu. Le nombre correspondant au Canada est de 3,5 millions de personnes. Face à de tels chiffres, le gouvernement fédéral devrait adopter une stratégie complète et mesurable de réduction de la pauvreté. Nous croyons que les investissements fédéraux consacrés à l'éducation préscolaire et à la garde d'enfants, à des logements abordables et accessibles, à des occasions d'emplois et à des mesures sérieuses de soutien du revenu constituent des éléments essentiels pour sortir les familles de la pauvreté. Nous estimons, comme nos collègues de Saint John, qu'il faut non seulement améliorer les conditions de vie des familles, mais aussi les aider à échapper à la pauvreté.

L'Association ontarienne des banques alimentaires a récemment produit un rapport qui examine le coût de la pauvreté. Le rapport aboutit à la conclusion que la pauvreté coûte aux Ontariens la somme ahurissante de 32 milliards de dollars par an, qui représente entre 5,5 et 6,6 p. 100 du PIB provincial. D'après le rapport, la pauvreté est beaucoup trop coûteuse et la société n'a plus les moyens de payer ce prix. L'association lance donc un appel à l'action. Je crois que ce rapport a joué un rôle clé dans la stratégie de réduction de la pauvreté du gouvernement de l'Ontario.

Nous pensons qu'une stratégie canadienne de réduction de la pauvreté doit comprendre six éléments essentiels. Premièrement, il faut établir un secrétariat interministériel chargé de la réduction de la pauvreté. Nous sommes certainement conscients du travail accompli par le Sous-comité sénatorial sur les villes et par le Comité permanent des ressources humaines, du développement des compétences, du développement social et de la condition des personnes handicapées de la Chambre des communes.

Nous croyons qu'une approche intersectorielle ou interministérielle de la pauvreté est nécessaire. Nous savons que la pauvreté est complexe, que ses causes profondes sont multiples et que de nombreux ministères et organismes fédéraux sont responsables de transferts de revenu d'une forme ou d'une autre qui touchent des gens vivant dans la pauvreté.

Nous proposons d'établir un groupe national multisectoriel de réduction de la pauvreté sur le modèle de nos tables rondes de Saint John et de Hamilton. Lorsque nous avons réuni autour de la même table des représentants du monde des affaires, du gouvernement et du secteur bénévole ainsi que des gens qui ont personnellement connu la pauvreté, toute la collectivité et tous les membres du groupe ont pu mieux comprendre la situation.

Autour de la table, nous ne portons pas de jugements et ne blâmons personne afin d'éviter de blesser les gens qui ont connu la pauvreté. Nous avons besoin de ces gens à la table non seulement pour nous aider à mieux définir les problèmes de notre collectivité, mais aussi pour trouver des solutions qu'ils soient eux-mêmes prêts à mettre en œuvre.

Nous convenons avec nos collègues que des indicateurs mesurables et des échéanciers de réduction de la pauvreté sont essentiels.

Je voudrais signaler que notre groupe a récemment pris connaissance du rapport du Conseil de planification sociale et de recherche de Hamilton sur les revenus et la pauvreté dans la ville. Le rapport est basé sur des données tirées du recensement de 2006. Nous savons que, depuis la publication des données du recensement, l'économie a considérablement évolué.

Ces renseignements sont utiles pour déceler les tendances, mais ils ne sont pas très actuels. Nous croyons quand même qu'il est essentiel de les diffuser pour favoriser le changement au niveau communautaire de même qu'aux niveaux provincial et national. Il faut beaucoup de temps pour que l'information parvienne aux collectivités locales.

Nous sommes conscients du fait qu'il faudra investir des ressources et élaborer des politiques pour contribuer à la réduction et à la prévention de la pauvreté. Nous vous encourageons à recommander un financement souple et durable et des investissements qui auront un maximum d'impact à long terme. Trop souvent, les efforts des collectivités locales sont entravés par des projets ciblés à court terme, par opposition à des investissements à long terme.

Nous avons pu constater certaines différences dans le cas de la Stratégie nationale des partenariats de lutte contre l'itinérance, qui comportait une certaine souplesse permettant aux collectivités locales de participer à la conception des projets qui les intéressent. La durée réduite du financement a causé des difficultés, mais la stratégie a permis au gouvernement, aux citoyens, aux fournisseurs de services et à la communauté du développement de Hamilton de définir collectivement des projets couvrant toute la gamme des services de logement social dont notre collectivité a besoin. Voilà le genre de solutions que nous recherchons.

Ma dernière recommandation est de reconnaître que, même si nous avons besoin d'investissements nationaux, nous ne devons pas perdre de vue que les villes, les quartiers et les citoyens jouent un rôle de premier plan dans les efforts de réduction de la pauvreté. Dans notre collectivité, des citoyens ont joint leurs efforts à ceux des entreprises, du gouvernement, des établissements d'enseignement et de tous nos autres partenaires pour participer à l'action. C'est à la fois l'avantage et le défi de compter sur les villes.

Le président : Je vous remercie de vos exposés préliminaires. Nous allons maintenant passer aux questions.

Monsieur Noël, je crois que vous pouvez maintenant vous exprimer en français sans avoir à craindre des effets de boucle. Vous pouvez le faire indépendamment de la langue dans laquelle les questions sont posées.

Je voudrais commencer par vous poser une question à tous les trois. Madame Weaver, vous avez parlé du besoin d'une stratégie nationale de réduction de la pauvreté. Je crois que M. Gribbons a dit à peu près la même chose et que M. Noël a mentionné plus particulièrement des objectifs et des échéanciers au niveau fédéral.

La réduction de la pauvreté nécessite des interventions des trois ordres de gouvernement et de la collectivité. La plupart des solutions seront proposées de bas en haut. Je crois que cela est admis. Nous avons des tables rondes à Hamilton et à Saint John, qui agissent au niveau des villes. Au Québec, il y a un comité consultatif qui fait partie des consultations du ministre dans le cadre de la mise en œuvre de la loi et du plan d'action québécois. On reconnaît qu'il faut un plan ascendant.

Si nous arrivions à persuader le gouvernement fédéral de participer à une stratégie nationale de réduction de la pauvreté, ne risquons-nous pas d'avoir trop d'interventions descendantes? Que feriez-vous pour rétablir l'équilibre? À votre avis, comment pouvons-nous avoir une stratégie nationale de réduction de la pauvreté — ou encore des objectifs et des échéanciers, si vous préférez les appeler ainsi — au niveau fédéral sans réduire la participation locale?

M. Noël : Tout d'abord, je ne parlerai pas d'une stratégie nationale. Je parlerai plutôt d'une stratégie fédérale. Il y a évidemment le risque qu'il s'agisse tout simplement d'une intervention descendante. Ce risque existe particulièrement au niveau fédéral parce que le gouvernement est plus éloigné des collectivités locales partout dans le pays.

La seule façon de composer avec ce risque est d'essayer de concevoir cette stratégie en consultation et en collaboration avec un processus multisectoriel faisant intervenir des acteurs sociaux représentant l'ensemble du pays. Il s'agirait non seulement de les consulter, mais aussi de les faire participer à la conception et à la définition de la stratégie. Je crois que cela est faisable.

L'idée n'est pas tant de demander au gouvernement fédéral de décider de ce que chacun fera dans le pays que d'amener le gouvernement fédéral à tenir compte des répercussions de ses propres politiques sur la réduction de la pauvreté. Ces politiques seront là de toute façon et doivent être considérées dans ce contexte. Il est utile de penser au risque, mais il ne devrait pas empêcher l'élaboration de plans concernant le rôle fédéral.

M. Gribbons : Tout revient à une chose : nous avons besoin de voir Ottawa manifester du leadership. Nous avons besoin de leadership à l'échelle nationale. Nous voulons entendre le premier ministre et les principaux ministres du gouvernement déclarer que la pauvreté est un fardeau qui freine les progrès du pays, que ce n'est pas dans l'intérêt national ou dans l'intérêt fédéral que 14 ou 15 p. 100 de la population se situe en deçà du seuil de faible revenu. Mme Weaver a parlé des données de coût relatives à la province d'Ontario. Nous pouvons extrapoler pour avoir les chiffres de tout le pays. Nous n'avons rien entendu de tout cela de la part de nos dirigeants nationaux, sur une base concertée.

Pour éviter de diminuer la participation et l'enthousiasme au niveau local, il faudrait que le gouvernement discute avec les collectivités. Les provinces qui, comme le Québec et Terre-Neuve-et-Labrador, ont déjà une stratégie provinciale pourraient collaborer avec les collectivités et leur fournir du financement.

Lorsque nous avons commencé il y a 12 ans, nous avons sérieusement cru pouvoir réduire la pauvreté dans notre collectivité simplement en créant des emplois. Nous sommes des gens d'affaires. Nous avons pensé que ce serait une solution simple et nette. Nous avons ensuite compris combien ce problème est difficile et complexe. Il ne s'agit pas seulement de donner un emploi. Il y a aussi la garde d'enfants, le transport, l'éducation. Beaucoup d'autres facteurs entrent en ligne de compte. Il n'y a pas de solution facile, même si nous avions cru que c'était le cas.

Une fois que nous avons compris cela, nous avons pensé que les mêmes solutions s'appliqueraient partout à Saint John, mais nous avons réalisé que la ville avait cinq quartiers différents ayant chacun un ensemble complètement différent de problèmes. Nous ne sommes qu'une petite collectivité de 130 000 habitants, mais il fallait appliquer au moins cinq solutions différentes.

Voilà les difficultés que vous allez connaître. Par conséquent, il faut d'abord s'assurer que le gouvernement fédéral est vraiment décidé à fournir des ressources parce qu'il est dans l'intérêt national de le faire, puis, après négociation, mettre les ressources à la disposition des responsables locaux pour qu'ils se chargent de faire le travail. Il y aura évidemment toutes sortes de questions fédérales-provinciales qui se poseront, que les négociations ne feront que compliquer. Toutefois, vous découvrirez qu'en fin de compte, c'est la seule façon de régler le problème.

Le président : Monsieur Gribbons, vous avez parlé d'accords tripartites. Pour votre part, madame Weaver, vous avez parlé d'approches intégrées pour la mise en œuvre des politiques et des programmes. Vous voudrez peut-être, madame Weaver, nous en dire davantage sur les moyens d'assurer ce genre de coopération et de coordination sans tomber dans le piège des interventions descendantes.

Mme Weaver : L'un des moyens que nous avons adoptés à Hamilton consistait à réunir autour d'une même table de hauts fonctionnaires des trois ordres de gouvernement. Ainsi, des responsables du gouvernement fédéral, de la province et de notre municipalité essaient de planifier ensemble, de comprendre ensemble le problème de la pauvreté et de déterminer les possibilités de trouver des investissements pouvant aider les gens de notre collectivité.

Il n'y a pas de doute que les décisions prises au niveau fédéral ont des répercussions directes sur les habitants de Hamilton, surtout dans les conditions économiques changeantes qui règnent aujourd'hui. Vous savez sans doute que Hamilton est l'une des collectivités les plus durement touchées par la crise. Nous étions en fait sur cette trajectoire depuis longtemps. Nous avons été témoins d'une contraction réelle du secteur manufacturier chez nous, particulièrement dans l'industrie sidérurgique. Nous avons une certaine hausse de l'emploi dans quelques autres secteurs, mais, dans l'ensemble, le nombre de demandeurs de prestations d'assurance-emploi a énormément augmenté dans notre collectivité au cours des deux derniers mois.

Si ces gens n'ont pas accès à l'assurance-emploi pour une raison ou une autre, ils essaient de s'adresser à l'aide sociale. Les coûts de l'aide sociale sont partagés par la ville de Hamilton et la province. La ville a donc connu une importante augmentation de ses coûts dans les deux derniers mois. Depuis novembre de l'année dernière, les demandes de prestations d'assurance-emploi et de prestations d'aide sociale ont beaucoup augmenté.

C'est un exemple de situation dans laquelle les décisions prises au niveau fédéral au sujet de l'accès à l'emploi et des restrictions sur le versement des prestations d'assurance-emploi ont des effets directs sur la façon dont une collectivité réagit lorsque certains de ses membres perdent leur emploi, sont mis à pied, ont des difficultés à joindre les deux bouts ou sont à la recherche de sources de revenu.

Je suis bien d'accord avec M. Gribbons que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans la stratégie de réduction de la pauvreté et reconnaître que tous les contribuables sont pénalisés si rien n'est fait pour combattre la pauvreté dans nos collectivités.

Le sénateur Martin : Je voudrais remercier les trois témoins qui ont comparu aujourd'hui. Je crois que vous avez fait une distinction entre stratégie fédérale et stratégie nationale. Je veux dire par là que chaque province a élaboré sa propre stratégie en fonction de son propre modèle et des municipalités particulières qui la composent, sans tenir compte d'éléments fédéraux autres que les programmes qui existent.

Ma question porte sur la présence fédérale. J'ai bien aimé l'expression « accords tripartites ». Croyez-vous que le gouvernement fédéral puisse prendre des initiatives s'appliquant à l'ensemble des provinces par opposition à votre province particulière? De plus, comment le gouvernement fédéral devrait-il collaborer avec chaque province pour s'assurer qu'il répond à ses besoins particuliers? Chaque programme sera différent s'il doit s'appliquer à une certaine province. Quel rôle le gouvernement fédéral devrait-il jouer dans votre province en fonction de la stratégie que vous avez déjà élaborée?

Mme Weaver : La ministre Matthews devrait arriver dans quelques minutes pour nous parler de la stratégie de réduction de la pauvreté de l'Ontario, mais il n'y a pas de doute que le gouvernement fédéral joue un grand rôle dans l'éducation préscolaire et parentale et dans les investissements correspondants. Nous avons mentionné dans notre mémoire un certain nombre de domaines dans lesquels le gouvernement fédéral pourrait vraiment contribuer au travail qui se fait actuellement au niveau tant provincial que municipal.

Il y a certainement l'éducation préscolaire et parentale, la formation professionnelle et les programmes que vous mettez en œuvre dans ce domaine, ainsi que les programmes fédéraux destinés aux nouveaux arrivants et aux Autochtones urbains. De plus, le dernier budget fédéral annonçait la création d'une agence de développement du Sud de l'Ontario. Nous croyons que cela sera très important pour cette région de la province dont Hamilton fait partie, car nous pourrons penser à la façon de renforcer notre prospérité économique.

Dans notre groupe, la table ronde de Hamilton, nous croyons que la prospérité et la pauvreté sont les deux côtés d'une même pièce. Si on ne s'attaque pas à la pauvreté dans sa collectivité, on risque de compromettre sa prospérité. Il faut penser aux deux côtés de la pièce pour bâtir une vraie prospérité.

M. Gribbons : J'ai mentionné les accords tripartites. Je l'avais également fait devant le comité il y a deux ans. Sénateur Martin, nous avons examiné la situation dans l'Ouest et les initiatives de Diversification de l'économie de l'Ouest, qui est l'équivalent de l'Agence de promotion économique du Canada atlantique ou APECA que nous avons dans l'Est. DEO à la possibilité de conclure ces accords tripartites dans les centres urbains, ce qui a permis de réaliser quelques projets novateurs à Winnipeg et, sauf erreur, à Vancouver, dans le but de reconstruire le noyau central.

Notre agence fédérale, l'APECA, s'occupe essentiellement des régions rurales. Nous aurions aimé conclure avec elle ce genre d'accords, si elle acceptait d'en signer pour les régions urbaines. Le problème que nous avons à Saint John est un peu différent. Jusqu'ici — touchons du bois —, l'économie va très bien. Nous n'avons pas eu dans notre secteur manufacturier le ralentissement qui s'est produit dans le sud de l'Ontario. Notre secteur de l'énergie va aussi très bien. En fait, nous sommes actuellement en train de le développer. Tout cela est très bon. Le taux de chômage est encore très bas.

Parmi les cinq quartiers dont j'ai parlé tout à l'heure, quatre ont un parc immobilier qui remonte à 1938, la moitié des bâtiments étant antérieurs à la Seconde Guerre mondiale. Nous avons besoin de les reconstruire. Si nous pouvions conclure un accord tripartite d'une forme ou d'une autre avec le gouvernement fédéral et le gouvernement provincial pour nous occuper de ces logements, cela pourrait considérablement améliorer la situation des gens qui vivent actuellement dans la pauvreté. À notre avis, cela pourrait même leur donner le coup de pouce nécessaire pour échapper à la pauvreté. Voilà un domaine dans lequel des accords tripartites seraient vraiment très utiles.

M. Noël : Je n'accorderais pas une telle importance à des accords tripartites ou intergouvernementaux. Vous vous souvenez peut-être de l'entente-cadre sur l'union sociale, même s'il n'y a probablement pas beaucoup de Canadiens qui en ont gardé le souvenir parce qu'elle n'avait pas réalisé grand-chose. Ce fut un long processus intergouvernemental qui n'a pas vraiment donné de résultats.

Bien sûr, si nous n'avons pas d'accords, comme l'a mentionné le sénateur Martin, chaque province fera les choses à sa façon et aura ses propres programmes. Pour moi, ce serait parfait. C'est en fait ce que nous devrions rechercher pour bien des raisons. Premièrement, je crois que c'est cela, le fédéralisme, et que c'est une bonne chose en soi.

Deuxièmement, nous avons affaire ici à une situation dans laquelle nous progressons. Des villes telles que Hamilton et Saint John et des provinces comme Terre-Neuve, le Québec et maintenant l'Ontario prennent des initiatives. Je crois que c'est grâce à notre système fédéral que cela est possible. Peut-être, pour une raison ou une autre, le gouvernement fédéral n'est pas au diapason, mais des choses se font quand même parce que d'autres gouvernements innovent. À mon avis, c'est le grand avantage du fédéralisme.

La troisième raison est que nous ne sommes pas sûrs de ce qui convient le mieux dans ce domaine. Nous connaissons nos valeurs, nous avons une bonne idée du coût de la pauvreté, nous savons qu'en fin de compte, la pauvreté est une question de revenu, ce qui nécessite de penser aux transferts. Toutefois, le fonctionnement exact des programmes et la meilleure façon de procéder ne sont pas vraiment évidents.

Les Européens ont essayé, dans le cadre de la méthode ouverte de coordination, de donner des directives aux différents pays membres de l'Union européenne au sujet de l'exclusion sociale et de la pauvreté. Ces directives se sont révélées assez vagues car, d'une certaine façon, nous en sommes encore à l'étape de l'expérimentation. Si vous pensez à la pauvreté selon le type de ménage, nous avons réussi au Canada, comme je l'ai déjà mentionné, à réduire considérablement sinon à éliminer la pauvreté dans le groupe d'âge qui était le plus durement touché dans les années 1970, celui des 65 ans et plus.

Nous faisons actuellement des progrès, pas assez rapidement peut-être, mais nous avançons quand même dans le cas des familles avec enfants. Les nouveaux transferts sont axés sur les enfants. Nous pouvons constater des différences dans beaucoup de provinces, dans le cas des familles avec enfants dans lesquelles un parent ou les deux restent à la maison.

Là où nous ne sommes pas sûrs — on peut le constater dans le débat qui se déroule au Canada —, c'est dans le cas des adultes en âge de travailler, surtout s'ils sont célibataires et sans emploi. Quelle est la meilleure façon de les aider? Comment trouver l'équilibre entre la redistribution, l'encouragement du travail et la formation? Devrions-nous subventionner le travail mal rémunéré, augmenter le salaire minimum ou améliorer les normes du travail? Beaucoup de questions se posent. Lorsqu'on examine la documentation internationale à ce sujet, on ne trouve pas de résultats très probants.

Il est très bon que les provinces fassent toutes des choses différentes car cela nous permettra de découvrir ce qui marche bien.

[Français]

Le sénateur Ségal : J'ai une question pour M. Noël. Si les autres témoins veulent faire un commentaire, ils sont les bienvenus. Professeur Noël, pour les personnes âgées, on a répondu au problème de la pauvreté avec des argents. Maintenant la pauvreté chez nos personnes âgées a diminué en comparaison des années 1970.

À titre de fédéraliste que je suis, je pose la question suivante : pourquoi le gouvernement fédéral ne peut-il pas agir pour faire la même chose pour les autres groupes qui demeurent dans la pauvreté, y compris pour les chômeurs d'un certain âge, comme on a fait pour les personnes âgées? Comme société, ne sommes-nous pas prêts à prendre le même engagement envers ceux qui ne sont pas des personnes âgées mais qui ont les mêmes problèmes de pauvreté?

Est-ce que vous êtes d'accord avec les programmes lancés par le gouvernement fédéral qui vont essayer de gérer des questions sociales relevant de la juridiction des provinces? Je ne pense pas que c'est ce que vous recherchez.

Pourquoi ne pouvons-nous pas répondre à la question financière avec laquelle le gouvernement fédéral a une grande histoire, sans avoir des problèmes avec les provinces?

M. Noël : Je pense que nous pouvons. La réponse à la question est que c'est une question de volonté politique. Le gouvernement fédéral a beaucoup d'instruments dans le cadre de ses compétences qui lui permettent d'intervenir pour les personnes en âge de travailler, sans emploi ou en situation de pauvreté, à commencer par la fiscalité.

Dans notre société, la distribution du revenu est en partie déterminée par le marché et par les gouvernements. Le gouvernement fédéral avec les provinces, mais le gouvernement fédéral est le principal joueur. C'est lui qui détermine la distribution des revenus après impôt dans une large mesure pour les Canadiens. On a introduit dans les budgets fédéraux dans les années récentes des transferts pour les travailleurs pauvres, ce sont de très petits transferts, c'est très minime, mais il y a quand même une ouverture de ce côté. Les transferts pour les enfants ont été restructurés. Évidemment, les impôts pour les gens comme moi ont été réduits aussi, mais il n'y a pas eu de compensation pour les gens plus pauvres.

Le compte d'épargne libre d'impôt, le CELI, qui est tout nouveau, dans une étude faite par Pierre Fortin, disait que ce serait correct d'introduire un CELI pour permettre à des gens d'épargner à l'abri de l'impôt.

Mais il faudrait, ce faisant, construire un instrument parallèle ou semblable pour les gens qui n'ont pas les moyens d'épargner, qui sont plus pauvres et qui sont perdants dans cette innovation.

Donc le gouvernement fédéral, de bien des façons et à l'intérieur de ses compétences, il y a l'assurance-emploi aussi, joue ce rôle. À savoir s'il devrait aller dans les sphères de compétence des provinces, notamment en ce qui touche l'aide sociale, c'est une autre question. Il le fait indirectement dans la mesure où les transferts pour enfants ont sorti les enfants de l'aide sociale d'une certaine façon. Aller plus loin que cela serait mal avisé dans la mesure où les programmes existants devraient d'abord être améliorés.

Je devine un peu dans l'autre volet de la question la notion du revenu minimum garanti ou un programme fédéral plus large qui assurerait les revenus pour les personnes en remplacement de plus petits programmes. Je suis plus sceptique par rapport à cela dans la mesure où les programmes en place sont des programmes qui, avec tous leurs défauts, sont aussi l'incarnation de droits de sécurité pour lesquels les gens se sont battus. Il faut faire attention avant de tout chambarder. Dans les propositions de politique publique, on dit : on va changer cela, et ainsi de suite. Mais chacun des programmes a une incidence importante pour la vie de quelqu'un au Canada. Il faut prendre garde à trop renverser les choses.

[Traduction]

Le sénateur Cordy : Lorsque nous écoutons des témoins comme vous, nous savons que de bonnes choses se produisent dans notre pays. Monsieur Noël, vous avez dit que nous devrions encourager l'échange d'information. Le gouvernement fédéral peut le faire à condition de savoir de quoi chaque administration est responsable. C'est une chose de dire que nous voulons échanger des renseignements. C'est une autre de déterminer qui en sera responsable.

Comment pouvons-nous encourager un tel échange? Devons-nous le faire par l'entremise d'un ministère ou d'une agence? Devons-nous recourir à un autre moyen?

La recherche est un autre domaine dont le gouvernement fédéral peut s'occuper. Deux d'entre vous l'ont mentionné dans leur exposé. L'économie de la pauvreté sera jugée très convaincante par le public canadien. M. Gribbons a parlé d'un tremplin permettant d'échapper à la pauvreté. Nous donnons suffisamment d'argent pour maintenir les gens dans la pauvreté, mais ils n'arrivent jamais à s'en sortir. Disposons-nous de recherches suffisantes sur l'économie de la pauvreté et sur les tremplins permettant d'y échapper?

Statistique Canada a des capacités. Elle pourrait s'occuper de la recherche, mais ce ne serait pas très utile si les résultats ne sont pas communiqués aux organisations et agences communautaires qui peuvent en faire le meilleur usage.

Le président : Avant de vous laisser répondre, je vais demander au sénateur Keon de poser sa question parce que nous allons très bientôt manquer de temps. Je demanderai ensuite aux trois témoins de répondre à la fois au sénateur Keon et au sénateur Cordy jusqu'à 17 h 20.

Le sénateur Keon : Ma question s'adresse à tous les témoins, mais en particulier à Mme Weaver et à M. Gribbons.

Monsieur Gribbons, je connais déjà vos modèles communautaires. Je les avais examinés de près dans un autre comité. Madame Weaver, vous avez dit que vous voulez atténuer la pauvreté partout dans la ville de Hamilton.

Je crois personnellement que M. Gribbons a la bonne solution. Je trouve ces modèles communautaires superbes. Pouvez-vous travailler efficacement à l'échelle de la ville, ou bien est-ce trop vaste? Pouvez-vous aller au niveau des collectivités et, là, vous retrousser les manches pour essayer de remédier au problème?

Le président : Je vais donner la parole successivement chacun des témoins. Je vous prie de répondre aux questions tant du sénateur Cordy que du sénateur Keon.

M. Noël : Le sénateur Cordy voulait savoir si nous avons suffisamment de recherches sur ces questions. À titre d'universitaire, j'ai tendance à répondre que nous devrions financer d'autres études. Une telle déclaration ne serait cependant pas très utile.

Mme Weaver a dit une chose très importante. C'est très bien de dire que les choses ont changé entre 2004 et 2006 pour les gens qui travaillent sur le terrain. Toutefois, nous sommes en 2009, et nous ne pouvons pas attendre l'impossible de la part de Statistique Canada et d'autres organismes semblables. En même temps, il serait très utile de concevoir un processus d'alerte avancée ou d'information rapide à l'appui des initiatives locales et provinciales de réduction de la pauvreté. Les données ne seraient peut-être pas de toute première qualité et devraient être révisées plus tard, mais il serait très utile de savoir ce qui se passe pendant la crise actuelle. Ce serait là un très bon développement.

De nombreux processus ou structures pourraient probablement servir à coordonner l'information ou à échanger des renseignements. Il y a un endroit qui produit des statistiques et des renseignements économiques de qualité, mais nous avons également besoin d'être au courant des expériences locales et d'entendre des gens qui vivent dans la pauvreté.

Nous avons commencé à travailler là-dessus au Québec. Une partie de la lutte pour la réduction de la pauvreté relève de la représentation. Les comités consultatifs font participer des gens pauvres, qui sont présents et qui expriment leur point de vue. Il est extrêmement important qu'ils se fassent entendre et qu'on tienne compte de ce qu'ils disent. Mme Weaver a mentionné que les journaux ont commencé à en parler. Il s'agit ici d'estime de soi et du droit à une citoyenneté intégrale.

M. Gribbons : Pour répondre à la question du sénateur Cordy concernant la recherche, je dirais que nous ne croyons pas avoir suffisamment de recherches de nature économique. Cela nous ramène à la question de savoir pourquoi nous voulons réduire la pauvreté. Nous combattons la pauvreté pour toutes sortes de bonnes raisons, mais l'argument économique est celui qui persuade les gens comme moi. Cela est très important.

Nous avons fait une analyse exhaustive des données de Statistique Canada. Je conviens avec M. Noël qu'elles ne sont pas très récentes, mais la recherche de données récentes est une vaste entreprise, aussi lourde que coûteuse. Pour un groupe sans but lucratif qui souhaite étudier la pauvreté dans sa collectivité, il est très coûteux d'obtenir des données, puis de les ventiler quartier par quartier. Le gouvernement fédéral pourrait peut-être faire quelque chose afin qu'il soit plus abordable pour les organismes du secteur bénévole d'obtenir ces renseignements.

Pour ce qui est du tremplin destiné à échapper à la pauvreté, je me suis peut-être mal exprimé. Nous ne croyons pas que les politiques actuelles sont conçues pour maintenir les gens dans la pauvreté, mais c'est malheureusement leur résultat.

Nous sommes en train de faire la transition vers des caractéristiques démographiques très différentes au Canada. Nous ne pouvons pas nous permettre d'avoir des gens qui vivent dans la pauvreté avec l'aide sociale comme seule source de revenu. Nous devons permettre à ces gens de réintégrer la population active.

Je crois que nous pouvons y arriver si nous avons l'état d'esprit voulu dans notre recherche de solutions. Nous avons beaucoup travaillé à l'échelle locale sur le concept du mur de l'aide sociale. Il y a des facteurs qui découragent les gens de rejoindre les rangs de la population active. Nous avons besoin de tremplins pour les aider à franchir ce mur de l'aide sociale. Ainsi, nous collaborons beaucoup avec la province du Nouveau-Brunswick dans le domaine des cartes de santé. Une personne qui cesse de bénéficier de l'aide sociale peut avoir un emploi qui ne lui rapporte que 10 $ l'heure. Ce n'est pas un salaire vital. Toutefois, si cette personne peut encore compter sur le gouvernement provincial pour ses frais médicaux, cela peut suffire pour l'inciter à rester dans la population active au lieu de recommencer à dépendre de l'aide sociale.

Le sénateur Keon croit que ce que nous faisons marche bien. Nous le croyons aussi, et estimons que nous faisons des progrès.

Lorsque nous parlons aux décideurs, que ce soit l'hôtel de ville de Saint John ou au siège du gouvernement provincial à Fredericton, nous sommes plus persuasifs quand notre groupe comprend des gens d'affaires, des pauvres, des bénévoles et des religieux qui visent tous le même objectif. Les politiciens se rendent compte de la différence. Les gens d'affaires utilisent leurs contacts pour ouvrir des portes, ce qui donne des résultats positifs. Nous avons encore beaucoup de chemin à parcourir, mais nous sommes satisfaits de ce qui a été accompli.

Mme Weaver : Les gens de notre collectivité qui vivent dans la pauvreté diraient qu'il y a eu bien trop de recherche et pas assez d'action. Nous entendons très souvent ce commentaire.

Nous avons besoin de faire plus de recherche, surtout pour définir le coût de la pauvreté en termes économiques. Beaucoup d'études à ce sujet sont réalisées en Ontario, mais aussi aux États-Unis. Je crois que nous avons besoin d'un certain équilibre.

Beaucoup d'études ont été faites sur les tremplins et les stratégies efficaces, mais le domaine est encore neuf. Il n'y a pas de solutions faciles faisant correspondre des mesures particulières à des problèmes donnés. J'ai tendance à dire que pour les 89 767 personnes vivant dans la pauvreté à Hamilton, il faudra concevoir 89 767 solutions individuelles.

À Hamilton, grâce à notre cadre de changement, nous avons choisi de concentrer nos efforts sur le changement de la politique et des systèmes. Nous reconnaissons cependant qu'il est nécessaire de faire des choses à l'échelle locale et au niveau des quartiers, car c'est ainsi que les gens entrent en rapport les uns avec les autres dans les collectivités.

Nous sommes une collectivité de 500 000 âmes, mais il y a plus de pauvreté dans certains quartiers que dans d'autres. Notre table ronde cherche des moyens de relever tous les quartiers. Nous travaillons également avec nos partenaires — une fondation communautaire, la municipalité, les organisations religieuses et d'autres — pour faire participer les membres de la collectivité à la définition de leurs besoins, à la recherche de solutions et à l'intégration des services dans les quartiers. Les solutions sont locales, mais en collaborant avec de nombreux partenaires, nous commençons à voir des changements se produire à ce niveau.

Je crois qu'il y a du travail qui se fait à la base dans les villes et au niveau provincial. Toutefois, le gouvernement fédéral peut jouer un rôle important dans tout cela.

Je voudrais aborder rapidement la question du revenu et du soutien du revenu. Dans le dernier rapport sur le revenu et la pauvreté à Hamilton, nous avons pu voir que la baisse la plus importante en matière de pauvreté s'est produite parmi les aînés. Je suis certaine que cette tendance serait manifeste un peu partout dans les rapports sur le revenu.

Les investissements faits dans le revenu garanti des aînés ont eu une influence sensible. Je sais que si nous avions la volonté politique et l'engagement nécessaire pour fournir le même genre de soutien aux femmes chefs de famille monoparentale, aux hommes et aux femmes célibataires qui dépendent de l'aide sociale, aux aînés et aux enfants de ces familles, nous pourrions obtenir des résultats probants dans notre lutte contre la pauvreté. Ce n'est pas la seule solution, mais c'est un élément critique de l'équation.

Le président : Nous n'avons malheureusement plus de temps. Je suis certain que mes collègues auraient d'autres questions à poser. Je voudrais vous remercier tous de votre participation. Vous avez tous parlé de programmes qui ont permis de faire des progrès dans la lutte pour la réduction de la pauvreté. Tous ceux qui ont participé à ces programmes, au Québec, à Saint John ou à Hamilton, méritent des félicitations pour le leadership dont ils ont fait preuve.

Vous savez aussi bien que moi qu'il reste encore beaucoup à faire. J'espère que nous en arriverons au point où les trois ordres de gouvernement deviendront les partenaires des gens qui travaillent dans la collectivité et que cela contribuera encore plus à la réduction de la pauvreté.

Nous avons le plaisir d'avoir avec nous, pour la prochaine demi-heure, l'honorable Deb Matthews, ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse et ministre déléguée à la Condition féminine de la province d'Ontario. Mme Mathews, qui est députée de London-Centre-Nord, est présidente du comité du Cabinet pour la réduction de la pauvreté. Madame la ministre, je vous souhaite la bienvenue. La parole est à vous.

L'honorable Deb Matthews, députée, ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse, gouvernement de l'Ontario : Je vous remercie. Je suis heureuse d'avoir l'occasion de vous parler de cette question.

J'ai été très honorée lorsque le premier ministre de l'Ontario m'a demandé d'assumer la présidence du comité du Cabinet pour la réduction de la pauvreté. C'était une excellente occasion pour moi de faire du bon travail, mais c'était aussi un énorme défi. J'ai la chance de pouvoir compter sur un groupe extraordinaire de collaborateurs au comité. C'est l'une des rares occasions où des gens ont exercé des pressions pour obtenir de siéger au sein d'un comité. La tâche à accomplir a suscité beaucoup d'enthousiasme parce qu'on estimait déjà — et cela s'est confirmé par la suite — que le travail à faire apporterait quelques changements radicaux.

La première étape de notre travail a consisté à écouter. Nous avons parcouru la province et avons tenu toutes sortes de consultations. Nous avons visité des refuges, des centres d'emploi pour les jeunes, et cetera. Ensuite, bien sûr, nous avons eu des conversations plus ciblées avec des gens qui s'occupaient de réduction de la pauvreté depuis un certain temps déjà.

Nous avons fini par décider de concentrer nos efforts sur la pauvreté chez les enfants. Je dois cependant vous dire que nos consultations nous avaient montré, sans l'ombre d'un doute, que la pauvreté, en général, allait beaucoup plus loin que la pauvreté chez les enfants. Nous savions par ailleurs qu'il fallait obtenir des résultats et qu'à cette fin, nous devions cibler nos efforts. Nous avons donc choisi d'investir là où nous aurions le plus d'impact, c'est-à-dire chez les enfants.

À la base, notre stratégie se fondait sur le principe que rien ne protège mieux l'adulte contre la pauvreté que de bonnes études. Nous savons que les enfants qui grandissent dans la pauvreté sont, par rapport aux autres, moins susceptibles de réussir à l'école, plus susceptibles de décrocher et moins susceptibles de faire des études postsecondaires et ce, pour une foule de raisons. L'attachement au système d'éducation et le succès à l'école constituent les principaux éléments du fondement de la stratégie.

Nous avons également été très touchés par les histoires que nous avons entendues, selon lesquelles les gens pauvres n'ont tout simplement pas assez d'argent dans la poche. La pauvreté est complexe, mais c'est essentiellement le manque d'argent. En fin de compte, lorsqu'il a fallu décider de la répartition de l'argent qui nous était affecté, nous avons choisi de consacrer 1,3 milliard de dollars, sur le montant total de 1,4 milliard attribué à la stratégie, à la prestation ontarienne pour enfants. Cet argent va aux familles à faible revenu. C'est un maximum. Nous venons d'annoncer une accélération des majorations. Nous passerons à un maximum de 1 100 $ en juillet. Dans le cadre de notre stratégie quinquennale, ce maximum montera à 1 310 $ par enfant et par année.

Cela implique une transformation de notre système d'aide sociale, les assistés sociaux pouvant garder la prestation pour enfants s'ils quittent le système pour prendre un emploi. Toutefois, la stratégie va beaucoup plus loin. Une série de programmes renforceront l'attachement à l'école : programmes avant l'école, programmes après l'école, programmes d'été, et même du travail pour les enfants qui ont des problèmes d'emploi particuliers.

Nous comprenons bien mieux qu'auparavant l'importance de l'endroit dans cette initiative. Nous avons appris qu'il y a de nombreux programmes fragmentés, distincts et difficiles d'accès. Nous voulons rapprocher les services des gens dans les collectivités.

Nous avons maintenant une compréhension des écoles qui diffère de ce qu'elle était au début. Nous envisageons ordinairement l'école comme un établissement appartenant à une commission scolaire, mais elle ne sert à l'enseignement que pendant une partie de l'année et une partie de la journée. Je peux vous dire que beaucoup de gens veulent voir l'école jouer un plus grand rôle dans la collectivité en offrant des programmes après les heures d'étude et des programmes communautaires. Cela aussi fait partie de notre stratégie.

Nous nous rendons compte que le gouvernement, malgré les meilleures intentions, a produit un ensemble fragmenté de programmes. Nous sommes donc déterminés à réviser les règles de l'aide sociale qui, prises ensemble, peuvent avoir pour effet de maintenir indéfiniment les gens dans la pauvreté. Nous entreprenons ce que nous appelons un examen axé sur la personne afin de déterminer quels programmes sont disponibles pour une personne plutôt que d'adopter le point de vue du gouvernement, qui favorise dans une grande mesure le cloisonnement.

Nous avons défini la pauvreté, ce qui constitue une réalisation importante. Au début, lorsque nous avons commencé, il n'existait aucune définition généralement acceptée. Nous avons probablement consacré trop de temps à la recherche d'une définition, puis avons fini par utiliser la mesure de faible revenu correspondant à 50 p. 100 du revenu médian. Nous sommes déterminés à réduire de 25 p. 100 le nombre d'enfants ontariens vivant dans la pauvreté au cours des cinq prochaines années. Nous avons établi un plan devant nous permettre d'y arriver. Il prévoit des investissements tant fédéraux que provinciaux, mais nous savons que nous pouvons le réaliser si nous faisons tous notre part.

Nous produirons chaque année un rapport présentant huit indicateurs concernant les groupes en cause : éducation, revenu, santé et logement. Nous avons créé un nouvel indicateur que, faute de mieux, nous appelons pour le moment indicateur de privation ou indicateur de niveau de vie. Il est fondé sur les réponses à un questionnaire d'enquête de Statistique Canada, qui demande aux gens d'indiquer les choses qu'ils ne peuvent pas se permettre parce qu'ils manquent d'argent : régime alimentaire, logement, et cetera. Nous attendons beaucoup de cet indicateur parce qu'il permet de mieux comprendre la nature de la pauvreté.

Nous demandons au gouvernement fédéral de majorer de 1 200 $ le supplément de la prestation nationale pour enfants. Nous avons été heureux de constater que le dernier budget augmentait le montant de la prestation fiscale pour le revenu de travail. Nous aimerions que ce montant passe à 2 000 $, avec des initiatives en matière de logement et ainsi de suite. Au niveau du seul indicateur de revenu, la majoration du supplément pour enfants et de la prestation fiscale nous permettrait d'atteindre le résultat voulu, c'est-à-dire réduire de 90 000 ou 25 p. 100 le nombre d'enfants vivant dans la pauvreté au cours des cinq prochaines années.

Enfin, nous avons adopté, il y a environ deux semaines, des mesures législatives qui imposeront aux gouvernements futurs d'inscrire la réduction de la pauvreté dans leur mandat de base. Ils devront actualiser ou renouveler la stratégie ou encore en élaborer une nouvelle afin de réduire la pauvreté tous les cinq ans, de concert avec la collectivité. C'est très important. Notre stratégie se fondait sur des consultations avec les collectivités. Les gouvernements futurs seront tenus de fixer un objectif et de prendre des mesures pour qu'il soit possible de présenter des rapports sur la situation de la pauvreté. Par conséquent, les stratégies futures ne seront pas nécessairement axées sur les enfants. Elles pourraient cibler un autre groupe, selon la décision du gouvernement. Il n'en reste pas moins que le gouvernement sera tenu d'adopter une stratégie et de présenter des rapports annuels.

Je suis maintenant prête à répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup. Je voudrais commencer par vous demander quelque chose. Après analyse et discussion, nous avons opté pour une mesure de faible revenu. Il y a le SFR et la mesure du panier de consommation. Si vous pouviez nous envoyer des renseignements sur les raisons de votre choix et les analyses que vous avez faites, nous vous en serions reconnaissants parce que nous ne voulons pas réinventer la roue. C'est une question que nous devons examiner. Beaucoup de gens adoptent le SFR après impôt. Vous avez opté pour une autre mesure de faible revenu et, si je m'en souviens, le Québec a choisi le panier de consommation.

Nous écoutons souvent le témoignage de gens qui ont eu affaire au système provincial d'aide sociale aussi bien en Ontario qu'ailleurs. Les jugements portés sont ordinairement les mêmes : ces systèmes dépouillent les pauvres de leur dignité, les stigmatisent et leur imposent de renoncer à leurs biens. Certains dégagent complètement la responsabilité des provinces en disant qu'un revenu annuel garanti au niveau fédéral réglerait le problème. Vous êtes en train d'examiner le système. Pouvez-vous nous donner un échéancier ou nous parler d'une structure particulière que vous envisagez?

Dans la liste des choses que vous demandez au gouvernement fédéral, vous mentionnez le maintien du financement du programme de logements abordables. Nous avons entendu parler d'un programme américain de crédit d'impôt pour le logement social qui est appliqué depuis une vingtaine d'années. L'Institut C. D. Howe a publié cette semaine un rapport qui vante cette initiative. Avez-vous des commentaires à formuler à ce sujet?

Mme Matthews : Je ferai de mon mieux. Vous ne serez pas très impressionné par l'analyse des méthodes de mesure de la pauvreté. Après beaucoup d'entretiens, j'ai réussi à retrouver un document que j'avais rédigé sur la mesure de la pauvreté lorsque j'étais à l'Université Western Ontario. Il n'y a pas de moyen facile. En fin de compte, il faut choisir une méthode et chercher à l'adapter. Il est également important de pouvoir l'expliquer au public. L'une des difficultés du SFR, c'est justement qu'il est difficile de l'expliquer. Quoi qu'il en soit, nous vous enverrons ce que nous avons sur le sujet.

Nous essayons actuellement de définir la portée et le mandat de l'examen de l'aide sociale. Je vais vous donner les grandes lignes de ce que j'espère réaliser grâce à cet examen.

Nous avons attribué des responsabilités à différents ministres. La ministre des Services sociaux et communautaires sera la première responsable. On nous a dit que le système lui-même est très lourd et que les quelque 800 règles qui le régissent sont complexes. Même les employés sont incapables de se tenir au courant de toutes les règles. Par conséquent, différents employés donnent des conseils différents aux clients. Je ne sais pas comment nous pouvons nous attendre à ce que des gens qui ont de graves difficultés financières et dont beaucoup sont handicapés ou viennent tout juste d'arriver dans le pays puissent comprendre les règles. Cela me dépasse.

Nous avons aussi d'autres programmes fondés sur le revenu, comprenant les logements à loyer variable, la garde d'enfants, les subventions et l'aide aux étudiants. Ces différents programmes qui se superposent les uns aux autres font qu'il est très difficile d'échapper à la pauvreté parce que les clients sont pénalisés chaque fois qu'ils gagnent un dollar.

Nous avons également entendu parler de la nécessité de respecter les clients et de préserver leur dignité dans le système d'aide sociale.

Quoi qu'il en soit, notre but est de simplifier le système. Il est lourd et compliqué. Nous voulons le simplifier et éliminer les obstacles pour les gens qui veulent continuer à vivre.

Le président : Aux États-Unis, le crédit d'impôt au logement abordable permet d'aider les organisations aussi bien à but lucratif que sans but lucratif à construire des logements à louer. On nous dit que ça marche.

Mme Matthews : C'est une nouvelle idée pour moi. Si vous pouviez m'envoyer de la documentation, je vous en serais reconnaissante.

Nous entreprenons actuellement un examen de la question des logements abordables. Le ministre Jim Watson est le principal responsable de cet examen. Nous avons en Ontario 34 programmes différents de logement. Nous voulons y jeter un coup d'œil. Nous savons qu'il y a des problèmes dans ce domaine.

Le président : J'enverrai aussi de la documentation à ce sujet au ministre Watson.

Le sénateur Segal : À titre de sénateur de l'Ontario, je voudrais exprimer ma profonde admiration pour le leadership que vous avez manifesté, votre initiative personnelle et les milliers d'heures que vous avez consacrées à cette cause. C'est une expression remarquable de votre engagement personnel et de la longue tradition d'engagement de votre famille envers les intérêts du pays. J'apprécie beaucoup ce que vous faites, indépendamment de toute considération partisane.

Lorsque Bob Nixon et Stephen Lewis ont exercé des pressions sur Darcy McKeough et Bill Davis pour qu'ils s'attaquent à la pauvreté chez les aînés sous un gouvernement minoritaire des années 1970, il avait été décidé d'établir un supplément de revenu garanti pour régler l'aspect argent du problème. Dans votre éloquente introduction, vous avez dit que la pauvreté consistait à ne pas avoir suffisamment d'argent pour la nourriture, le logement et d'autres besoins. On peut dire, je crois, que vous avez emprunté une voie différente, quoique vous ayez concentré votre attention sur certaines prestations en en augmentant le montant.

Avez-vous jugé que la complexité du système actuel nécessite une série de changements, ou bien était-ce que, ne connaissant pas encore la taille du plan de renflouement de GM, vous avez pensé ne pas pouvoir vous attaquer à la pauvreté des autres groupes de la même façon qu'on l'avait fait pour les aînés dans les années 1970?

Mme Matthews : Je cite souvent les aînés comme exemple de ce qu'il est possible de réaliser si on le veut vraiment. Les taux de pauvreté parmi les aînés sont relativement bas par rapport aux autres groupes. C'est un exemple de réussite. Beaucoup d'aînés croient que nous devrions en faire davantage. J'aurais tendance à être d'accord avec eux, mais cette expérience nous a montré qu'il est possible de réduire la pauvreté dans un groupe particulier.

La prestation ontarienne pour enfants aide les familles qui en ont le plus besoin. Les familles dont le revenu est inférieur à 20 000 $ obtiennent le plein montant de la prestation, qui doit passer à 92 $ par mois. Je pense à ce montant en considérant l'équivalent en articles d'épicerie. Il s'agit donc de 92 $ de produits pour chaque enfant. Cette prestation est versée pour tous les enfants des familles défavorisées, indépendamment de leurs sources de revenu.

Avant l'introduction de la prestation ontarienne pour enfants, la province n'avait aucun moyen d'aider les travailleurs pauvres. Si les parents travaillaient, il était impossible d'offrir une aide quelconque aux enfants. Par contre, s'ils vivaient de l'aide sociale, ils pouvaient recevoir de l'argent supplémentaire pour chaque enfant. La prestation ontarienne pour enfants règle le problème des enfants, du moins en partie.

Le supplément de la prestation nationale pour enfants nous fait progresser au point où les enfants peuvent se passer de l'aide sociale. Dans le chèque d'assistance sociale, la partie réservée aux enfants est égale à la prestation ontarienne pour enfants, qui est maintenue même si la famille n'a plus besoin de l'aide sociale. C'est un grand progrès parce que les gens reçoivent cet argent indépendamment de la source de leur revenu.

Le sénateur Dyck : Vous avez dit que la province concentrera ses efforts sur la pauvreté chez les enfants. Vous avez aussi ajouté que l'éducation est un facteur clé pour surmonter la pauvreté. Tiendrez-vous compte des taux d'achèvement de l'école secondaire?

Vous avez mentionné en outre que vous demanderez au gouvernement fédéral d'examiner l'accord de Kelowna. En ce qui concerne les Autochtones, croyez-vous que la province fera quelque chose de particulier en leur faveur? Y a-t-il dans tout cela un programme axé essentiellement sur leurs besoins?

Mme Matthews : Absolument. Le renouvellement de l'accord de Kelowna est essentiel. Il va sans dire que les taux de pauvreté dans les collectivités autochtones sont plus élevés que partout ailleurs.

Pour revenir à l'éducation, nous mesurons l'indicateur du développement des jeunes enfants, qui s'applique aux enfants de six ans. C'est en quelque sorte un indicateur de l'aptitude à apprendre. Nous mesurons les scores OQRE de lecture, d'écriture et de mathématiques en 6e année, ainsi que les taux d'achèvement. Par conséquent, nous insistons beaucoup sur l'éducation.

Dans le cas des enfants autochtones, nous augmentons nos investissements dans les programmes pour enfants par l'intermédiaire des Centres d'amitié indiens de la province. Notre ministre de l'Éducation insiste énormément sur l'amélioration des résultats scolaires des enfants autochtones. Elle fait, dans le cadre de ses fonctions, du travail qui s'inscrit en fait dans la stratégie de réduction de la pauvreté. Nous avons vraiment besoin d'améliorer les résultats des enfants autochtones.

À titre de ministre des Services à l'enfance et à la jeunesse, je suis responsable du bien-être de l'enfance et de la justice pour les jeunes. Nous sommes bien conscients du chemin qu'il nous reste à parcourir. Toutefois, les investissements que nous faisons en valent la peine car, si nous pouvons former des enfants résistants, le système de justice pour les jeunes n'aura pas à s'occuper d'eux plus tard.

Nous avons également adopté une autre approche : même si nous avons un impératif moral de réduire la pauvreté, il y a aussi un impératif économique tout aussi important parce que la pauvreté est très coûteuse pour nous tous. Vous avez peut-être vu le rapport The Cost of Poverty, d'après lequel chaque ménage ontarien paie environ 3 000 $ comme conséquence directe de la pauvreté. Nous avons donc un impératif aussi bien économique que moral qui nous oblige à faire ce travail.

Le sénateur Dyck : Vous avez également parlé d'ouvrir les écoles à la collectivité. J'ai l'impression que ce serait très important pour les familles. L'école devient un peu un second chez soi pour les gens qui n'ont pas les mêmes possibilités à la maison. Je suppose que ce serait encore plus important dans les collectivités autochtones. À votre avis, est-il nécessaire d'améliorer les écoles elles-mêmes, en même temps que les programmes d'étude?

Mme Matthews : Oui. Nous essayons de tripler — afin de le porter à 300 — le nombre des centres de formation au rôle parental et de littératie pour les familles. Ces centres sont établis dans les écoles et sont conçus pour les enfants d'âge préscolaire et ceux qui s'en occupent. Les programmes sont bons. De plus, c'est un endroit où les intéressés peuvent accéder à des services et où les familles peuvent nouer des liens avec l'école.

Quand les parents ont grandi dans un milieu pauvre, ils gardent souvent une mauvaise impression de l'école. Si nous pouvons ouvrir les écoles, de façon que les parents commencent à se rendre compte que ce sont de bons endroits et que les enseignants sont là pour aider les enfants, nous réussirons à créer également cet attachement à l'école. Cela signifie-t-il que les écoles doivent être prêtes à accepter la collectivité? Oui, absolument.

Le président : Je suis vraiment désolé de recommencer encore une fois au cours de la réunion, mais les deux sénateurs suivants sont une fois de plus à la fin de la liste. Je voudrais donc demander au sénateur Cordy, puis au sénateur Keon de poser leurs questions tout de suite. Nous demanderons ensuite à la ministre d'y répondre.

Le sénateur Cordy : Nous avons trois enseignants autour de la table. Nous sommes donc parfaitement d'accord avec vous lorsque vous dites que vous voulez faire de l'école un endroit accueillant.

En Ontario, est-ce que l'assistance sociale est un programme par tout ou rien? Autrement dit, y a-t-il des encouragements à travailler, ou bien décourage-t-on les gens de réintégrer la population active?

Il y a quelques années, j'avais entendu l'histoire d'un homme de la Nouvelle-Écosse qui gagnait assez d'argent pour nourrir et vêtir sa famille, mais il avait une fille atteinte d'une maladie chronique. Il n'avait pas les moyens de payer les médicaments nécessaires car, étant chauffeur de taxi, il n'avait pas un régime d'assurance-santé.

Il s'est adressé aux autorités pour essayer d'obtenir le remboursement des médicaments. Ayant reçu une réponse négative, il a dû quitter son emploi parce qu'il n'avait pas les moyens de payer les médicaments de sa fille.

Quel genre de régime avez-vous en Ontario? Est-ce un système par tout ou rien, ou bien est-il possible d'avoir une couverture partielle?

Le président : Le sénateur Keon vient de déposer quelques rapports dont je devrais peut-être vous parler, madame la ministre. Il vient de présenter un document sur la santé des populations de notre comité principal, le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie. Il y travaillait depuis un certain temps. De plus, il y a environ deux semaines, nous avons déposé au Sénat un rapport intitulé Éducation et garde des jeunes enfants : Prochaines étapes, qui insiste beaucoup sur l'éducation préscolaire. Je vous enverrai des exemplaires des deux documents.

Le sénateur Keon : J'ai eu le privilège de vous parler le mois dernier, je crois. C'était probablement à Mount Allison.

Mme Matthews : C'était à l'aéroport de Moncton, sénateur.

Le sénateur Keon : Je vous enverrai un exemplaire du rapport, comme je l'ai promis.

Je préconise de travailler au niveau de la base. Le rapport met en cause tout le monde, du premier ministre du Canada jusqu'aux premiers ministres des provinces, mais il faut aller au niveau de la base quand il s'agit de santé des populations. Allez-vous au niveau de la base, au niveau des organisations communautaires, dans votre lutte contre la pauvreté?

Mme Matthews : Permettez-moi de répondre d'abord à la question concernant la garde d'enfants.

Nous avons un vrai problème en Ontario avec la fin du financement fédéral de l'éducation préscolaire et de la garde d'enfants. Nous serons obligés de prendre des décisions très difficiles. Je veux insister sur l'importance, pour les enfants de la province, que le gouvernement fédéral repense sa décision d'annuler l'accord sur l'éducation préscolaire et la garde d'enfants. C'est important pour le développement des jeunes enfants. Si une mère ne peut pas obtenir des services de garde d'enfants, elle ne pourra pas travailler. Elle devra s'adresser à l'aide sociale. C'est aussi simple que cela. Par conséquent, c'est très important.

Sénateur Cordy, en ce qui concerne les médicaments, nous avons modifié les règles il y a environ deux ans pour les bénéficiaires du Programme ontarien de soutien aux personnes handicapées ou POSPH. S'ils quittent le programme pour accepter un emploi, ils peuvent garder la carte-médicaments aussi longtemps qu'ils en ont besoin. Cet avantage est cependant réservé aux anciens bénéficiaires du POSPH.

C'est une importante différence pour les gens qui ont besoin de prendre des médicaments coûteux. Les personnes atteintes de VIH/sida, par exemple, doivent payer des médicaments coûteux, mais sont parfaitement capables de travailler. La carte-médicaments est très utile dans ce cas.

Nous avons un régime d'assurance-médicaments nommé Trillium pour les gens qui ont des frais élevés de médicaments. C'est un programme fondé sur le revenu. Il faut plus ou moins être admissible à l'assistance sociale, c'est-à-dire avoir très peu de biens pour pouvoir en profiter.

Plus nous pourrons réaliser de choses telles que la prestation ontarienne pour enfants — qu'on obtient simplement quand on a besoin, sans que les biens entrent en ligne de compte —, mieux cela vaut.

Sénateur Keon, travailler à la base, au niveau de la collectivité, c'est très important. Les gens connaissent les besoins de leur collectivité. Ils comprennent. Je crois que le gouvernement a un rôle à jouer pour faciliter la mise en œuvre et le soutien des initiatives communautaires. Nous avons actuellement un extraordinaire potentiel inexploité dans nos collectivités.

Je suis impressionnée par certaines des choses qui se font à Hamilton, par exemple, où la collectivité a décidé de s'attaquer à la pauvreté d'une manière coordonnée. J'ai un énorme respect pour ce qui s'est fait là et ailleurs.

Il n'y a pas de doute que nous pouvons gagner beaucoup en aidant les collectivités à faire ce qu'elles seules peuvent faire. Il nous arrive, je crois, de compliquer un peu trop l'aide que nous leur accordons. Les collectivités peuvent en faire tellement plus si nous les laissons libres d'agir.

Le président : Merci beaucoup. Nous vous sommes très reconnaissants pour votre temps et votre contribution à notre travail. Ayant publié un rapport sur les enjeux et les options en juin dernier, nous recevons des réactions à ce sujet. Vous nous en avez donné davantage aujourd'hui, y compris quelques suggestions très précises sur ce que le gouvernement fédéral devrait faire. Nous vous en remercions.

Nous aurons terminé nos audiences et nos visites sur place à la fin du mois. Nous rédigerons notre rapport pendant l'été et le publierons à l'automne.

Mme Matthews : Merci beaucoup. C'est un travail très important.

Le président : Merci, madame la ministre.

(La séance est levée.)


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