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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 10 - Témoignages du 21 septembre 2009 - Séance de l'après-midi


YELLOWKNIFE, le lundi 21 septembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et océans se réunit ce jour à 13 h 17 pour étudier les questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada, notamment les questions relatives à la Garde côtière canadienne et aux pêches en Arctique de l'Ouest.

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : La séance est ouverte.

Je souhaite la bienvenue à nos témoins d'Environnement Canada : Randal Cripps, directeur général régional, Les Prairies et le Nord; Bruce McDonald, directeur, Conservation du Nord; et Cheryl Baraniecki, directrice, Évaluations environnementales.

Nous commençons avec M. Cripps.

Randal Cripps, directeur général régional, Région des Prairies et du Nord, Environnement Canada : Merci, monsieur le président. Je crois comprendre que c'est la première fois qu'Environnement Canada comparaît devant le comité, ce dont nous sommes très heureux.

Environnement Canada a pour mandat de protéger l'environnement, de préserver le patrimoine naturel du pays et de fournir des prévisions météorologiques et environnementales afin d'assurer l'information et la sécurité des Canadiens. Nous nous efforçons de réparer les dommages du passé, de comprendre les changements environnementaux du futur et de recueillir et de communiquer ces informations dans le but d'assurer l'élaboration et la mise en œuvre de politiques de développement durable.

Nous allons vous donner un aperçu des programmes et activités du ministère dans l'Arctique occidental et vous présenter certaines initiatives nationales appuyées par notre région, notamment celles du Service canadien des glaces ainsi que les recherches appuyées par la Direction générale des sciences et de la technologie d'Environnement Canada.

Parlons d'abord du Service canadien de la faune. Le ministère des Pêches et Océans a déjà fourni des informations sur son travail concernant les espèces en péril. Notre rôle est axé sur les espèces terrestres, les oiseaux migrateurs et les régions septentrionales protégées.

Nous sommes de plus en plus préoccupés par les espèces menacées ou en péril, ainsi que par certaines espèces particulièrement préoccupantes du milieu maritime. Environnement Canada se concentre sur des espèces telles que l'ours polaire, le caribou et la mouette blanche. À l'heure actuelle, seule la mouette blanche est inscrite sur la liste des espèces en péril.

La situation de l'ours polaire est particulièrement préoccupante. Selon les estimations, les deux tiers de la population mondiale d'ours polaires se trouvent au Canada. On croit qu'une des menaces concernant l'ours polaire est le changement climatique qui provoque la réduction des glaces marines, de l'habitat et de l'accès aux proies. D'autres menaces résultent des activités de développement économique dans l'Arctique, par exemple dans le secteur du pétrole et du gaz naturel et dans celui du transport maritime. Le ministre de l'Environnement examine actuellement la possibilité d'inscrire l'ours polaire sur la liste des espèces en péril.

Un autre secteur d'activité important pour le Service canadien de la faune est celui des oiseaux migrateurs et des mesures relevant de la Loi de 1994 sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. On trouve dans l'Arctique des populations importantes à l'échelle mondiale d'oiseaux de mer, d'oiseaux de rivage, de canards de mer et d'oies. Bon nombre de ces espèces migrent dans des environnements maritimes et se reproduisent en grand nombre sur les falaises côtières et en bord de mer, ce qui les expose à des menaces localisées. En cas d'accident maritime ou de déversement de pétrole près d'un trajet migratoire ou d'une colonie de nidification, la faune serait à l'évidence exposée à de graves dangers.

Les zones protégées relevant d'Environnement Canada comprennent des zones nationales d'habitat de la faune désignées au titre de la Loi sur les espèces sauvages au Canada et des refuges d'oiseaux migrateurs désignés au titre de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs. Ce réseau contribue à la protection de la biodiversité de l'Arctique et englobe certains habitats cruciaux pour les espèces marines et terrestres en péril et pour les oiseaux migrateurs. Les refuges d'oiseaux migrateurs dans les Territoires du Nord-Ouest se trouvent dans la région de la mer de Beaufort et sont également reliés à l'environnement maritime.

Environnement Canada continue à élargir son réseau septentrional. En coopération avec AINC, nous parrainons jusqu'à six nouvelles zones protégées dans les Territoires du Nord-Ouest et procédons actuellement à la désignation de nouvelles zones protégées au Nunavut dans le cadre de l'Entente récemment signée sur les répercussions et les avantages pour les Inuits au titre de l'Accord sur les revendications territoriales du Nunavut.

Avec l'appui de la communauté, nous avons entrepris de créer une nouvelle zone faunique nationale de l'Arctique qui engloberait une vaste région située au large de l'île de Baffin, prés de la rivière Clyde. Il s'agit d'une région vierge servant à la fin de l'été et en automne de zone d'alimentation et de repos à une vaste partie de la population menacée de baleines boréales du détroit de Davis et de l'île de Baffin.

Il y a ensuite notre Division des opérations de protection de l'environnement qui gère les activités reliées aux crises environnementales, à l'évaluation environnementale et à la réglementation des rejets en mer. En cas de crise maritime environnementale dans l'Arctique, Environnement Canada réagit en appliquant les procédures énoncées dans les ententes de travail sur les déversements négociées avec les trois gouvernements territoriaux. Ces ententes définissent les rôles et responsabilités des instances de réglementation selon les différentes catégories de déversement pouvant intervenir dans les trois territoires du Nord et dans leurs eaux limitrophes.

Le rôle-clé d'Environnement Canada en cas de crise environnementale est de prêter assistance et de dispenser des conseils experts à l'organisme d'intervention principal. Environnement Canada exploite également un service de réaction 24 heures sur 24 pour appuyer les interventions en cas de déversement.

Environnement Canada effectue aussi des évaluations environnementales et s'occupe de l'approbation réglementaire de projets dans le Nord en participant à ces processus en qualité d'instance de réglementation ou de conseiller spécialisé ou expert. Le rôle-clé d'Environnement Canada en matière de réglementation dans le Nord relève notamment de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, de la Loi sur les pêches et de la Loi sur la Convention concernant les oiseaux migrateurs.

En ce qui concerne l'environnement maritime, Environnement Canada dispense des avis concernant la préparation aux crises environnementales, la planification des interventions, l'analyse de l'incidence des activités maritimes sur les habitats côtiers sensibles, la prévention de la pollution causée par les rejets dans les océans et l'examen de la qualité de l'eau.

Des permis de rejet en mer sont accordés au cas par cas en vertu des dispositions de la Loi canadienne de 1999 sur la protection de l'environnement. Les matières pouvant être rejetées en toute sécurité comprennent le matériau de dragage, les déchets de la pêche, les navires, les matières inertes, les matières organiques non contaminées et les substances volumineuses.

Environnement Canada participe à l'initiative d'évaluation environnementale régionale de Beaufort par l'élaboration de plans de travail concernant les questions-clés de gestion des déchets régionaux, d'effets cumulatifs, de surveillance et de changements climatiques.

Environnement Canada prépare et publie des prévisions et des alertes publiques et maritimes pour l'Arctique occidental en vertu de notre Programme de météorologie marine de l'Arctique. Le ministère appuie également des activités scientifiques et opérationnelles.

Nous avons récemment appuyé des projets de cartographie marine dans le cadre de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer et de l'Étude du plateau continental polaire, et avons dispensé des avis experts en matière de science et d'élaboration de politiques dans le cadre de l'Année polaire internationale.

Le Service canadien des glaces est un programme national basé à Ottawa qui permet de dispenser des informations sur les glaces dans les eaux navigables du Canada. Nous assurons la sécurité des Canadiens, de leurs biens et de l'environnement en publiant des avertissements sur les dangers posés par les glaces dans les eaux territoriales. Le Service canadien des glaces est un service de partenariat opérationnel entre le Service météorologique du Canada et la Garde côtière canadienne.

Appuyer le mandat d'environnement Canada exige des données scientifiques, de l'information et de la technologie coordonnées, de grande qualité et facilement accessibles. Dans l'Arctique occidental, nous faisons cela en surveillant l'atmosphère, la qualité de l'eau et les contaminants. Nous protégeons et conservons l'environnement de l'Arctique occidental en menant des recherches sur la faune et en dressant des modèles climatiques qui nous permettent de mieux comprendre les glaces marines de l'Arctique et la région de la mer de Beaufort.

Environnement Canada vient d'entreprendre une révision pour produire une position claire sur son rôle d'un bout à l'autre du pays en ce qui concerne la gestion des eaux en adoptant une démarche intégrée et holistique en matière de prestation des programmes concernant les côtes et les océans et en utilisant des stratégies et des partenariats novateurs pour influencer les décisions des parties prenantes.

En conclusion, j'aimerais souligner qu'Environnement Canada continue d'appuyer les programmes et services du ministère des Pêches et des Océans, du ministère des Affaires indiennes et du Nord et de la Garde côtière canadienne, entre autres. Environnement Canada jouera un rôle primordial à l'égard de deux des quatre piliers de la Stratégie du Nord, c'est-à-dire la protection de notre patrimoine environnemental et la promotion du développement social et économique. La science et la technologie constituent un fondement important de la stratégie et sont essentielles pour appuyer des politiques et des décisions éclairées.

Finalement, le changement climatique aura une incidence sur l'Arctique occidental. Environnement Canada mène actuellement beaucoup de recherches sur le changement climatique et produit des prévisions dans le but d'appuyer la mise en œuvre de la Stratégie du Nord et l'élaboration de politiques-cadres sur la gestion des pêches et océans du Canada.

Nous répondrons maintenant avec plaisir à vos questions.

Le sénateur Hubley : Je vous remercie de votre exposé.

Nous allons certainement vous poser des questions mais je voudrais d'abord soulever un problème découlant des témoignages recueillis ce matin. Je vais vous lire la partie qui nous intéresse et vous demander ce que fait votre ministère à ce sujet.

Le témoin d'AINC nous a parlé de la responsabilité concernant l'assainissement des sites contaminés sur les terres de la Couronne, avec des fonds relevant du Programme fédéral de 2011 sur les sites contaminés, et cetera, et du Plan d'action économique du Canada. Dans ce contexte, il a également déclaré que « l'absence de règlements sur les effluents des mines de diamants cause des problèmes ».

J'aimerais savoir si vous avez des informations à ce sujet et si vous pourriez décrire les problèmes que cela peut causer sur le plan environnemental.

M. Cripps : Je vais répondre à votre question d'un point de vue général et je demanderai ensuite à Cheryl de répondre au sujet de la mine de diamants.

En ce qui concerne le Programme fédéral des sites contaminés, la responsabilité d'Environnement Canada est d'en assurer la mise en œuvre au nom du gouvernement. Nous avons aussi nos propres sites contaminés, dont nous nous occupons, et nous travaillons avec d'autres ministères pour gérer la manière dont nous pouvons régler le problème des sites contaminés du Canada.

Je donne la parole à Cheryl au sujet de la mine de diamants.

Le sénateur Hubley : Puis-je vous demander de préciser? Vous dites que vous avez certains sites contaminés. Nous parlions ce matin de mines qui sont maintenant désaffectées. Est-ce de ce genre de contamination que vous voulez parler aussi?

M. Cripps : Il y a beaucoup de types différents de sites contaminés. Dans le Nord, vous avez les sites du réseau DEW et il y a aussi des sites où il y a eu certaines activités minières. Il y a des sites appartenant à des ministères particuliers et contenant des matières contaminées. Nous nous en occupons dans le cadre du Plan d'action fédéral sur les sites contaminés.

Cheryl Baraniecki, directrice, Évaluations environnementales, Environnement Canada : Les sites contaminés reliés à des activités minières relèvent actuellement d'AINC. Environnement Canada est propriétaire de certains sites contaminés mais, généralement, il s'agit de stations météorologiques, de sites du réseau DEW, et cetera.

En ce qui concerne les mines, la responsabilité de leur assainissement incombe à différents ministères. Notre rôle, dans le cadre du Plan d'action fédéral sur les sites contaminés, est de dispenser des conseils et d'offrir notre expertise. Nous avons dans notre groupe des experts en évaluation de sites contaminés que nous mettons à la disposition des différents ministères concernés pour les aider à en assurer l'assainissement dans le cadre de ce plan d'action.

Nous assumons également le rôle fédéral général dont parlait M. Cripps qui concerne la gestion de ce programme en coordination avec le Conseil du Trésor.

Je veux répondre à votre question, sénateur, concernant les mines de diamants du point de vue de notre ministère. Il y a la Loi sur les pêches qui est le principal texte législatif pertinent. En vertu de cette loi dont Environnement Canada assure la mise en œuvre, il est interdit d'effectuer des dépôts de matières délétères pouvant nuire aux poissons ou à leur habitat. Il s'agit donc d'une loi très sévère dont notre ministère assure l'exécution.

Le règlement dont on parlait plus tôt, sur les mines de métaux, est un règlement qui relève de la Loi sur les pêches et, vous avez raison, il n'y a pas de règlement concernant les mines de diamants. Toutefois, il existe des règlements dans le cadre du régime de réglementation du Nord qui, selon nous, sont certains des plus sévères au monde. Autrement dit, il existe un système très complet de surveillance réglementaire qui s'applique aux mines de diamants.

Nous avons au sein de notre ministère plusieurs experts qui collaborent étroitement avec les commissions de gestion des eaux, les offices de gestion, les promoteurs des activités minières, afin de régler ce genre de questions. Il existe donc cette forme de relation étroite.

Notre ministère a récemment commandé une étude sur toutes les meilleures technologies et pratiques disponibles concernant les mines de diamants et nous sommes actuellement en train de l'analyser. Donc, à l'heure actuelle, on ne prévoit pas de réglementation. Nous pensons qu'il existe déjà un système exhaustif de réglementation et nous collaborons étroitement avec les promoteurs et avec les autres parties prenantes pour faire face aux questions minières.

Le sénateur Raine : Y a-t-il une raison pour laquelle les mines de diamants ne relèvent pas de la même législation que les mines de métaux? Il doit y avoir une raison pour laquelle on ne peut pas appliquer la même législation dans tous les cas.

Mme Baraniecki : Le règlement concernant les effluents des mines de métal comporte un programme exhaustif de surveillance. Il y a un système parallèle pour les pâtes et papiers et il s'agirait donc d'envisager un ensemble de textes réglementaires tout à fait nouveaux. Il ne s'agirait pas simplement d'ajouter un nouveau secteur à un ensemble réglementaire existant. Il faudrait envisager cette solution si l'on estimait que c'est une méthode adéquate de gestion de ces déchets.

Cela pourrait se faire. Il faudrait simplement un processus législatif totalement séparé pour formuler ce règlement. À l'heure actuelle, il y a déjà beaucoup de surveillance réglementaire et une bonne partie de ce travail se fait au moyen des meilleures pratiques et de la législation qui existe déjà avec les commissions territoriales des terres et des eaux, ce qui veut dire que cela risquerait peut-être de faire double emploi.

Le sénateur Raine : Donc, nous ne sommes pas en train de créer certaines mines qu'il faudra assainir plus tard?

Mme Baraniecki : Exact, et c'est en réalité la prémisse que nous appliquons quand nous examinons des projets dans le cadre du Programme d'évaluation environnementale. Nous donnons des avis au départ et notre fonction primordiale dans le groupe est la prévention de la pollution, que nous essayons de positionner dans tout notre travail.

Le sénateur Cochrane : Restons dans les mines. Nous savons qu'on créait autrefois des mines dont les abords étaient totalement exposés et, avec le vent et la pluie, toutes sortes de matières pouvaient être dispersées et causer des problèmes de santé.

Y en a-t-il encore aujourd'hui? Existe-t-il aujourd'hui un règlement empêchant que des mines de cette nature soient assainies ou protégées? Que pouvez-vous nous dire à ce sujet?

Mme Baraniecki : En ce qui concerne les problèmes de santé, je préfère laisser nos collègues de Santé Canada vous répondre. Vous parlez de mines abandonnées.

Le sénateur Cochrane : Oui, certaines mines ont été abandonnées il y a des années sans que les entreprises procèdent à leur assainissement.

Mme Baraniecki : Les mines abandonnées relèvent actuellement de la responsabilité du gouvernement du Canada, par le truchement du Plan d'action fédéral sur les sites contaminés, ce qui signifie qu'il existe un plan à leur sujet. Je pense qu'on avait prévu à l'origine 3,5 milliards de dollars dans ce programme pour s'occuper de ces sites.

Le sénateur Cochrane : C'est bien mais qu'en est-il de l'avenir? Existe-t-il aujourd'hui un plan pour quiconque souhaite ouvrir une nouvelle mine? Y a-t-il des mesures obligeant l'entreprise à effectuer un assainissement parfait si elle décide d'abandonner la mine?

Mme Baraniecki : Oui, ces choses-là existent dans le cadre du processus d'évaluation environnementale. Dans le cas d'un promoteur qui se propose d'ouvrir une nouvelle mine, il doit par exemple indiquer comment il a l'intention de régler les diverses questions concernant son exploitation ainsi que les phases de fermeture. Je suppose qu'il y aurait une assurance de l'entreprise.

Malheureusement, quand une entreprise disparaît, certaines choses peuvent rester en plan et c'est pourquoi nous avons eu ce genre de situation dans le passé. Aujourd'hui, tout cela est intégré au processus d'évaluation environnementale, ce qui veut dire que l'entreprise doit dresser un plan et indiquer clairement comment elle a l'intention d'apporter des correctifs, d'assurer l'assainissement ou de contenir les résultats de ses activités.

Le sénateur Cochrane : Et si elle ne le fait pas? On lui infligera peut-être une amende mais cela me préoccupe quand même car, dans le passé, il y a eu des accidents. J'espère qu'on fait mieux aujourd'hui.

Mme Baraniecki : Je pense que nous faisons mieux. Nous avons beaucoup appris de l'expérience passée et, à mesure que nous avançons dans nos opérations actuelles, tout comme quand nous envisageons une législation future, ce sont malheureusement les dures leçons que nous avons apprises et que nous intégrons à nos processus.

Le sénateur Raine : Vous avez parlé un peu du changement climatique en disant qu'Environnement Canada fait beaucoup de recherches et de prévisions à ce sujet. Pouvez-vous nous donner un exemple du genre de recherches que vous faites dans ce domaine?

M. Cripps : Le secteur le plus important dont nous nous occupons, à cet égard, consiste à essayer de comprendre le changement climatique par la modélisation. Le Canada est reconnu comme un chef de file mondial en modélisation du changement climatique. Nos activités dans ce domaine jouissent d'une excellente réputation internationale. L'autre aspect du changement climatique dont nous nous occupons, d'un point de vue scientifique et technologique, concerne les incidences et les adaptations. Autrement dit, un volet concerne la compréhension du climat actuel et la prévision des changements climatiques de demain, et l'autre consiste à essayer de voir comment on peut changer les méthodes ou les pratiques pour s'adapter aux changements climatiques.

Permettez-moi de vous donner un exemple. L'une des incidences du changement climatique est la fonte du pergélisol. Dans le Nord, beaucoup d'infrastructures sont construites sur le pergélisol. En essayant de comprendre l'incidence des changements climatiques et de fournir l'expertise scientifique permettant à la collectivité de s'adapter adéquatement, nous essayons de l'aider à construire ses structures de manière adéquate.

Le sénateur Raine : Quand vous parlez de modélisation, je suppose qu'il s'agit de modélisation informatique effectuée dans les universités et les instituts du Sud, et non pas ici, dans le Nord?

M. Cripps : Ça ne se fait pas ici, dans le Nord. Nous avons un centre à Montréal qui en fait beaucoup. Il fait partie d'Environnement Canada. Nous travaillons également avec les universités et avec d'autres gouvernements, d'autres nations, sur la modélisation du changement climatique. C'est là que se fait une bonne partie du travail de base. Étant donné la taille des ordinateurs nécessaires pour faire notre modélisation numérique, vous comprendrez qu'il est logique de les placer dans des établissements sécuritaires permettant d'avoir accès aux universités et d'avoir accès aux ressources humaines nécessaires pour faire les recherches appropriées.

Le sénateur Raine : J'aimerais savoir si vous interrogez les anciens afin de recueillir le savoir traditionnel sur le changement climatique.

M. Cripps : Oui. Le savoir traditionnel est un aspect de plus en plus important de ce que font les gouvernements, surtout dans le Nord. Utiliser l'histoire orale qui est tellement développée chez les premières nations du Nord et pouvoir intégrer ce savoir écologique traditionnel à la science occidentale est important. Il y a plusieurs projets en cours à ce sujet.

L'un de ces projets concerne le bassin du Mackenzie où nous travaillons avec AINC et où AINC travaille avec les premières nations pour essayer d'intégrer ce savoir traditionnel à la compréhension du bassin du Mackenzie.

Le président : Je voudrais revenir à la question du sénateur Cochrane. Pouvez-vous nous parler de Nanisivik et de la situation là-bas? Il y avait là-bas une mine mais elle n'existe plus. Y a-t-il encore des contaminants? A-t-on lancé un processus d'assainissement?

Mme Baraniecki : Je n'ai pas d'informations précises sur Nanisivik. Notre groupe du Programme d'évaluation environnementale et du Programme des sites contaminés fournit son expertise au ministère responsable. Je crois savoir qu'un processus de remise en état de cette installation est en cours sous l'égide de la Défense nationale mais, pour ce qui est de données précises sur le statut de Nanisivik, je devrai vous les communiquer plus tard. Nous avons certainement été opérationnellement actifs du point de vue de la prestation de notre expertise dans les domaines reliés à notre mandat, comme la qualité de l'eau, la qualité de l'air et les contaminants.

Le président : Nous avions compris aussi que cela passait sous la responsabilité de la Défense nationale. À ma connaissance, ça ne s'est pas encore fait. Ça ne relève pas encore de la Défense nationale mais c'est l'un des deux sites qui se font concurrence pour accueillir le Centre de recherche de l'Arctique. C'est pour cette raison que je demande si Nanisivik a été assaini ou non.

Mme Baraniecki : Je devrai vous communiquer la réponse plus tard, après avoir vérifié auprès du ministère responsable et avoir examiné les données disponibles pour faire le point de la situation. Nous n'avons pas nécessairement toutes les réponses dans notre ministère.

Le sénateur Hubley : J'aimerais avoir des précisions sur le travail que vous faites avec les collectivités. Je viens de l'Île-du-Prince-Édouard où nous avons lancé Waste Watch il y a une vingtaine d'années. Il s'agissait de recyclage, de réutilisation et de ce genre d'activité. Travaillez-vous avec les collectivités? Lancez-vous des programmes ou essayez- vous de changer la manière dont elles font les choses de façon à ce qu'elles les fassent plus sainement sur le plan environnemental? Faites-vous ce genre de choses?

M. Cripps : Je peux commencer à répondre.

Nous avons certains programmes concernant les collectivités, notamment le Programme de financement communautaire ÉcoAction. C'est un programme qui permet aux collectivités de proposer des projets pour qu'ils soient financés. C'est un programme de subventions et de contributions qui permet de réaliser certaines des activités dont vous parlez.

Mme Baraniecki : Je n'ai rien de particulier à ajouter sur l'engagement communautaire. En ce qui concerne les déchets, plusieurs initiatives de plus large portée sont en cours au sujet des eaux usées municipales mais je ne suis pas sûre que ce soit ce qui vous intéresse.

Le sénateur Hubley : Si, certainement. On est tellement conscient aujourd'hui des questions de pollution et l'on sait que le secteur de la pêche peut être menacé, par la pollution des lacs, par exemple.

J'aimerais savoir comment vous envisagez votre rôle au sein de ces collectivités et si vous pensez avoir un rôle d'éducation à y jouer.

Mme Baraniecki : Dans le cadre de notre programme, nous procédons à l'élaboration d'un règlement sur les eaux usées municipales. Nous avons une période de cinq ans pour obtenir des connaissances précises à ce sujet, ainsi que sur la technologie relative aux eaux usées dans le Nord, ce qui signifie que nous avons lancé un vaste programme de surveillance et de recherche. Je crois qu'il est en cours de réalisation dans 75 collectivités différentes des T.N.-O.

Nous étudions essentiellement une technologie de lagon dans ces petites collectivités. À cause de l'hiver, cette méthode ne peut fonctionner durant toute l'année, comme dans les climats du Sud, et nous essayons donc d'en apprendre un peu plus sur la manière dont fonctionnent ces lagons et sur ce qui est optimal ou non optimal pour traiter les eaux usées municipales.

Pour certains de ces projets, nous avons engagé des membres des collectivités pour leur apprendre à faire les échantillonnages dont nous avons besoin. Notre espoir est de faire en sorte qu'il y ait au bout d'un certain temps un certain nombre de personnes ayant une formation adéquate pour participer à la gestion de ces déchets au niveau municipal.

Dans le cadre de notre programme, nous proposons de travailler avec les membres de la collectivité pour tirer parti de leurs connaissances et obtenir leurs conseils afin de nous aider à mettre en œuvre ces programmes.

Le sénateur Hubley : Y a-t-il eu des cas de contamination de l'eau potable?

Mme Baraniecki : Pas à ma connaissance.

Le sénateur Hubley : Pouvez-vous décrire le rôle que vous jouez dans le Projet d'évaluation environnementale régional de Beaufort? Pouvez-vous nous donner des précisions à ce sujet?

Mme Baraniecki : L'évaluation environnementale régionale de Beaufort est un nouveau projet qui nous stimule beaucoup. Notre objectif est de voir comment on peut envisager le processus d'évaluation environnementale à une échelle régionale étant donné qu'il y a une possibilité de nombreux projets d'aménagement avec des problèmes se chevauchant et des parties prenantes se chevauchant.

Nous en sommes à l'étape de la planification. Environnement Canada participe à trois domaines-clés du plan de travail : la gestion des eaux, le changement climatique et la surveillance. Nous en sommes au point où nous essayons de déterminer quelle peut être notre contribution et ce que doivent comprendre ces plans de travail pour lancer les étapes du processus d'évaluation environnementale à l'échelle régionale. Sur le plan opérationnel, nous pourrions participer à une trentaine ou à une quarantaine de projets en donnant les mêmes avis à leurs promoteurs ou en essayant de mener des consultations dans des collectivités individuelles, projet par projet. Nous croyons qu'il y a une possibilité importante de réaliser des gains d'efficience dans le processus d'évaluation environnementale en examinant les choses à l'échelle régionale et en concentrant notre énergie sur les éléments spécifiques des projets, sur les choses qui sont uniques dans ce que les promoteurs essayent de réaliser.

Voilà la démarche que nous avons retenue. Nous nous occupons toujours de tout le travail des projets individuels mais nous examinons actuellement cette possibilité reliée à l'initiative localisée de Beaufort. Nous souhaitons intervenir dès le début, dès l'étape de la planification, pour voir comment notre mandat, nos intérêts et nos préoccupations peuvent être pris en compte dans ce processus en travaillant avec les autres parties concernées et avec les gouvernements. C'est quelque chose qui nous stimule beaucoup.

Le sénateur Raine : J'aimerais revenir à cette question de collectivités. Je sais qu'il y a beaucoup de très petites collectivités dispersées dans le Nord. Ont-elles toutes un système de traitement des eaux usées, ou une usine centralisée, ou sont-elles toutes tributaires de systèmes septiques? Et je vous pose la même question au sujet des systèmes d'approvisionnement en eau.

Mme Baraniecki : Je ne connais pas du tout leurs systèmes de traitement des eaux usées mais beaucoup des systèmes municipaux de traitement des eaux usées sont très petits. Ce ne sont pas de vastes systèmes semblables à ceux des grandes villes. Beaucoup sont des systèmes de lagon et des systèmes de traitement sur place, et il a donc une diversité de systèmes d'une communauté à l'autre.

Il est certain qu'il ne s'agit pas là des technologies les plus modernes. L'un des objectifs de notre programme de cinq ans est de faire le point sur les systèmes, de voir comment ça marche et de donner à l'organisme de réglementation le temps de déterminer ce qui sera nécessaire pour gérer les déchets de ces collectivités de la manière la plus efficiente et la plus efficace possible. Pour le moment, nous n'avons pas encore ces informations de base qui sont nécessaires pour déterminer le genre de normes ou de règlements qu'il conviendrait d'appliquer.

Le sénateur Raine : Vous devez déterminer quelles sont les meilleures méthodes.

Mme Baraniecki : Exactement. Nous avons des gens à Ottawa et des gens ici dans la région qui font des études, prennent des échantillons et font ce genre de travail. Nous essayons d'assembler tout cela. Ensuite, ce sera communiqué à ceux qui formulent les règlements pour qu'ils déterminent quelles sont les meilleures technologies à appliquer dans ces collectivités.

Le sénateur Raine : Quand on parle de traitement des déchets solides, il y a un principe bien établi, si vous voulez, dans le secteur du camping et de la randonnée pédestre : enlevez ce que vous avez apporté. J'ai l'impression que ce principe ne s'applique pas dans les collectivités isolées. De plus en plus de produits en plastique, d'emballages en plastique et de choses de cette nature arrivent dans ces collectivités et je ne pense pas qu'elles savent comment les traiter. Quelqu'un essaye-t-il de trouver une solution à cela? Je ne voudrais pas voir des sacs en plastique polluer ces terres vierges. C'est pourtant ce qui risque d'arriver si nous ne faisons pas attention.

Mme Baraniecki : Les stratégies de déchets solides sont gérées au niveau municipal. Évidemment, il y a des parallèles avec les grands projets ou les grands camps de travail qui sont mis sur pied par les promoteurs de projets de prospection ou d'extraction des ressources naturelles. Ils sont confrontés au même problème. Ils ouvrent un grand camp de travail, ils ont des déchets solides, ils ont des déchets municipaux. Bien que nous n'intervenions pas au niveau communautaire et au niveau municipal, nous étudions ces questions dans le cadre du processus d'évaluation environnementale pour voir comment elles sont réglées. Il se peut qu'il y ait certaines pratiques exemplaires que l'on pourrait intégrer au niveau communautaire.

Nous examinons la situation mais pas à ce niveau. Nous sommes plus axés sur les grands projets industriels pour veiller à ce que les sacs en plastique, les déchets et toutes les choses de ce genre associées à ces installations ne se retrouvent pas dans l'environnement.

Le sénateur Raine : Je suis nouveau au sein de ce comité et cette analyse est donc nouvelle pour moi. Il me semble, quand on parle du palier municipal, que la plupart des gens pensent à une municipalité comme Yellowknife mais, quand vous parlez de collectivités vraiment petites, dispersées dans les régions du Nord, elles n'ont pas de ressources. Donc, dire qu'elles doivent régler les problèmes elles-mêmes revient en fait à vous en laver les mains car vous savez pertinemment que ça ne se fera pas.

En tant que Canadien, j'ose espérer qu'Environnement Canada souhaite trouver une solution à ces problèmes.

Bruce MacDonald, directeur, Conservation du Nord, Environnement Canada : J'ajoute que, dans les Territoires du Nord-Ouest, MACA — le ministère des Affaires municipales et communautaires du gouvernement territorial — assume la responsabilité des déchets municipaux et des choses de cette nature.

Contrôle-t-il totalement la situation? Je ne le sais pas mais c'est probablement une question que nous pourrions lui poser en votre nom. Je ne sais pas si ses représentants doivent témoigner devant votre comité ou non. Ce serait peut- être utile.

Le sénateur Raine : Nous nous sommes écartés de la question des pêches et des océans mais, malheureusement, les déchets se retrouvent souvent dans les océans et, si je ne me trompe, lorsqu'ils se retrouvent dans l'océan Arctique, le problème est beaucoup plus difficile à régler.

M. Cripps : Je pense qu'il serait peut-être utile de préciser à l'intention du comité que l'environnement est une sorte d'animal unique dans la mesure où différents paliers de gouvernement assument la responsabilité d'aspects différents des questions environnementales.

Vous avez entendu dire au sujet des eaux usées municipales que le gouvernement fédéral joue un rôle et formule des lignes directrices sur les effluents des eaux usées municipales mais que, du point de vue de la communauté, c'est la municipalité qui doit intervenir. Il s'agit en fait d'une responsabilité partagée entre les trois paliers de gouvernement, et peut-être même quatre quand on parle de collectivités des premières nations.

Le président : Je pense que ce n'était pas seulement le plastique. Dans certaines collectivités, nous avons vu des machines abandonnées, des morceaux de conteneurs et des choses de ce genre. Ce ne sont pas seulement des sacs en plastique. Il y a d'autres choses qui traînent dans les collectivités et dont on ne semble pas réussir à se débarrasser, ce qui ne fait qu'empirer la situation. Comme vous dites, il s'agit de savoir qui assume vraiment la responsabilité du problème. Ce n'est peut-être pas Environnement Canada mais c'est quand même une situation que nous avons constatée, et nous n'aimons pas ce que nous avons vu.

Le sénateur Raine : C'était intéressant car l'un des dirigeants communautaires à qui nous avons parlé nous a dit que c'est sa plus grosse préoccupation, et que son plus grand regret est que rien ne se fait.

Le président : Mais Environnement Canada n'a aucun pouvoir réel à cet égard, n'est-ce pas?

M. Cripps : Nous pouvons fournir un cadre réglementaire pour certaines choses, et nous pouvons encourager des choses comme la réutilisation et le recyclage par le truchement de nos programmes de subventions et de contributions, en collaboration avec d'autres ministères. Comme l'environnement est une question dont la responsabilité est partagée, les différents paliers de gouvernement ont des rôles différents à jouer.

Le sénateur Raine : Il y a quelques années, en Colombie-Britannique, on avait instauré un programme en vertu duquel une broyeuse était acheminée dans les collectivités rurales pour broyer et déchiqueter les véhicules abandonnés, afin de les transformer en matériaux de recyclage. C'était un programme mis en œuvre par la province pour le bien de toute la province.

Il me semble que si nous avons des péniches qui amènent des fournitures dans les petites collectivités, je ne sais pas si elles repartent vides ou non mais il pourrait y avoir une sorte de programme pour que tout le monde travaille ensemble pour s'assurer qu'elles ne repartent pas vides et qu'elles emportent les déchets.

Le sénateur Cochrane : Pourriez-vous nous donner un tout petit briefing sur ce que vous avez constaté en matière de changements climatiques dans l'Arctique occidental?

M. Cripps : Je vous ai déjà parlé un peu de la fonte du pergélisol. Il y a beaucoup d'autres aspects des changements climatiques mais je pourrai sans doute vous parler aussi de certains éléments concernant les espèces.

Le Nord est plus touché par les changements climatiques que les régions plus tropicales. Avec le réchauffement, on voit que certaines espèces remontent plus au nord. On constate aussi que la limite forestière remonte vers le Nord et on commence à voir certaines espèces de poissons dans des régions où elles n'étaient pas présentes autrefois. J'ai entendu dire que certaines collectivités des premières nations ont vu apparaître des oiseaux plus tôt que normalement ou certaines espèces d'oiseaux qui n'étaient jusqu'à présent pas présentes aussi haut dans le Nord.

Voilà les choses que l'on constate et c'est le fruit à la fois de la science occidentale et du savoir écologique traditionnel.

Le sénateur Cochrane : Vous dites que d'autres ministères participent aux recherches que vous effectuez. À quelle fréquence les rencontrez-vous pour partager des informations?

M. Cripps : Bien que je ne sois pas un expert en la matière, je peux vous donner comme exemple l'Année polaire internationale, qui était l'année passée. Elle a donné l'occasion à Environnement Canada, à d'autres ministères fédéraux et à d'autres pays de se réunir pour faire de la recherche concertée sur l'Arctique. C'est probablement l'un des meilleurs exemples.

La contribution d'Environnement Canada dans ce contexte consisterait à essayer de comprendre les espèces, l'habitat, l'environnement climatique compliqué et la transformation de la couverture glaciaire du Nord. C'est dans ces domaines que nos scientifiques peuvent contribuer à l'élargissement des connaissances sur l'Arctique.

Le sénateur Cochrane : Que faites-vous de toutes ces connaissances qui sont accumulées?

M. Cripps : La science est l'essence même de notre ministère. On utilise la science et il est crucialement important de recueillir des données scientifiques pour formuler des politiques éclairées. Sans les données scientifiques, les politiques sont un peu formulées dans le vide.

Pour le Nord, avoir de solides données scientifiques nous aide à aller de l'avant et à aider le gouvernement dans la mise en œuvre de ses politiques.

Le sénateur Cochrane : Donc, vous avez déjà adopté des politiques, récemment, au sujet de ce changement climatique?

M. Cripps : Je sais que le gouvernement prépare actuellement des pourparlers internationaux dans le contexte de CoP15 au sujet du changement climatique mais je ne connais pas les détails.

Le sénateur Hubley : Y a-t-il actuellement des lacs ou des rivières pollués?

M. Cripps : Au Canada?

Le sénateur Hubley : Non, dans le Nord. Pour ce qui est du Canada, je connais la réponse.

M. Cripps : Je n'ai pas connaissance de situations particulières au Nord qui ressemblent à ce que nous connaissons au Sud avec les Grands Lacs, le fleuve Saint-Laurent ou le lac Winnipeg, qui ont des problèmes. À l'heure actuelle, le Nord est un environnement relativement vierge et je n'ai pas connaissance de lacs contaminés dans le Nord.

Le sénateur Hubley : Ce qui me préoccupe, c'est la situation de certaines collectivités des premières nations, peut-être pas aussi haut dans le Nord, dont les sources d'eau potable sont d'une qualité tout simplement inacceptable. Je pense que toutes les provinces ont été obligées à un moment ou un autre d'ordonner de faire bouillir l'eau à cause de la contamination de l'environnement. Je me demande simplement s'il existe des problèmes similaires dans le Nord à l'heure actuelle.

M. Cripps : C'est une question que je ne connais absolument pas.

Le sénateur Cook : Je vous renvoie au deuxième paragraphe de votre déclaration car je ne connais pas bien Environnement Canada et son mandat. J'aimerais examiner la situation dans le contexte de l'environnement dont je suis issu, où le pergélisol constitue certainement un obstacle quand on veut éliminer les déchets de manière adéquate et efficiente.

L'autre jour, quand notre avion a atterri, j'ai vu le monceau de déchets le plus énorme de toute ma vie. Il se trouvait juste sur un plan d'eau. Le Nord, c'est de la toundra et de l'eau. On ne peut rien jeter ici sans avoir un effet sur l'eau, et vice versa. Nous avons survolé ce plan d'eau par un ciel très clair et je n'en revenais pas.

Comme l'affirme le sénateur Hubley, si votre mandat consiste à protéger l'environnement et notre patrimoine naturel, vous avez certainement la responsabilité, en tant que ministère, d'assainir les réserves du Canada rural où vivent nos peuples des premières nations.

Si l'on considère le Haut-Arctique, il sera beaucoup plus difficile d'en protéger l'environnement une fois que le Passage du Nord-Ouest sera ouvert et qu'il y aura un trafic incessant. Dès que la saison touristique aura démarré, tout au nord, cela aura une incidence sur des gens qui vivent très simplement de leur environnement naturel.

Assurer une telle surveillance et analyser les changements résultant du changement climatique fait-il partie de votre mandat?

Trente mille personnes vivent là-haut. Je ne sais pas d'où vient leur eau potable et je n'ai aucune idée de la manière dont elles traitent leurs déchets. Je ne sais absolument pas comment elles gèrent leurs usines de poissons et les effluents qu'elles produisent. Or, cette situation prendra encore plus d'importance une fois que des navires pourront emprunter le Passage du Nord-Ouest.

Je vous demande donc si vous avez une responsabilité quelconque à cet égard.

M. Cripps : Oui, pour certains aspects. Mme Baraniecki a déjà donné l'exemple de certains effluents des eaux usées, pour lesquels il y a un traitement.

Nous assumons également une certaine responsabilité en ce qui concerne certaines émissions, et le trafic maritime en serait un exemple. Je suppose que nous aurons du travail à faire avec Transports Canada en ce qui concerne les émissions des navires empruntant le Passage du Nord-Ouest.

Tout dépendra de la nature du problème. Je peux cependant vous dire que oui, nous aurons un rôle à jouer, et ce sera en grande mesure un rôle de réglementation.

Mme Baraniecki : Outre la Loi sur la pêche, nous assurons également l'exécution de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, autre texte législatif d'une importance cruciale. Dans ce contexte, il y a un certain nombre de règlements et de dispositions sur la gestion des produits toxiques reliés aux activités de développement économique, aux situations d'urgence ou aux programmes de rejet en mer. C'est tout un ensemble de choses. La réglementation de l'exportation et l'importation de produits dangereux en fait également partie.

Notre mandat est issu de cette législation qui englobe de nombreux éléments différents. Nous ne détenons pas de vastes pouvoirs généraux dans le Nord ou ailleurs, ce sont des pouvoirs partagés. Ils sont en grande mesure partagés avec les territoires ou les provinces. C'est une compétence partagée.

Le sénateur Cochrane : Je crois que je comprendrais mieux si vous vouliez répondre à la question suivante : est-il déjà arrivé que l'on invoque la Loi sur les pêches, d'une manière quelconque, pour faire en sorte que les collectivités des premières nations aient accès à de l'eau potable et puissent traiter leurs eaux usées?

Les gens qui vivent là-haut n'y sont pour rien. Ils ont une longue histoire. Je me demande simplement qui a la responsabilité de l'assainissement et de s'assurer que les gens vivent dans un environnement totalement sain. Les mêmes problèmes se poseront à terme dont le Haut-Arctique puisque 30 000 personnes vivent là-haut, et nous parlons beaucoup d'Environnement Canada.

Permettez-moi de vous raconter une histoire personnelle. Je possédais un terrain que j'ai vendu il y a quelques semaines. C'était une prairie totalement vierge encadrée par deux autoroutes, une de chaque côté. Avant de pouvoir réaliser la transaction, j'ai dû obtenir une évaluation environnementale. Je l'ai fait avec plaisir et ça m'a coûté 1 500 $. Je comprenais qu'Environnement Canada voulait s'assurer qu'il n'y avait pas de problème de sécurité.

Quelqu'un, quelque part, doit sûrement assumer la responsabilité en ce qui concerne les actions de personnes qui, sans qu'elles y puissent quoi que ce soit mais simplement à cause de l'environnement rigoureux dans lequel elles vivent, ne peuvent rien faire au sujet de toutes ces choses modernes qui arrivent chez elles. Pouvez-vous imaginer le nombre de sacs de croustilles? Vous voyez, c'est simplement à cause du changement des modes de vie et des habitudes.

C'est la même chose avec les mines de diamants et les autres mines. Étant donné que les gens qui viennent ouvrir des mines de diamants vont gagner beaucoup d'argent, a-t-on envisagé de les obliger à verser une somme qui serait retenue au cas où leurs mines feraient faillite ou s'ils disparaissaient en pleine nuit sans avoir fait l'assainissement? Avez-vous envisagé ça?

Mme Baraniecki : Il y a eu des exemples, je crois que c'était en Colombie-Britannique, mais je ne suis pas familière avec les projets particuliers, où l'on envisageait une sorte de système d'assurance pour ces projets miniers afin d'assurer que les sites soient remis en état s'ils étaient situés près de certaines collectivités. Des mesures de cette nature font l'objet d'évaluations et d'essais à l'heure actuelle.

Pour revenir à l'une de vos remarques précédentes, la Loi sur les pêches est un texte législatif très puissant que nous invoquons fréquemment. Il y a à Environnement Canada tout un groupe d'agents d'exécution qui font des inspections et sont chargés de faire appliquer la Loi sur les pêches.

Cela dit, la Loi sur les pêches est destinée à protéger le poisson et son habitat. Évidemment, comme les gens utilisent l'eau dans laquelle vit le poisson, assurer l'exécution de la Loi sur les pêches a souvent pour bienfait secondaire de contribuer à la santé humaine. Les éléments humains et la compétence à cet égard relèvent à la fois de Santé Canada ainsi que du groupe des Affaires indiennes et du Nord canadien pour certaines de ces collectivités particulières.

Le sénateur Cook : Permettez-moi de conclure en disant que la civilisation du Sud monte dans le Nord. Vous avez dit que la Loi sur les pêches prévoit des responsabilités sur les cours d'eau. Leur principale source d'alimentation et de revenu est l'omble de l'Arctique qui vit dans ces rivières. Donc, si quelqu'un ne surveille pas attentivement ce qui se passe dans ces territoires et ce qu'on y dépose, tout cela n'aura servi à rien.

Le sénateur Raine : Vous parliez de recherches effectuées par Environnement Canada. Surveillons-nous la pollution organique persistante, les POP qui viennent de loin et sont amenés dans l'océan Arctique par les vents? En vertu de la Convention de Stockholm, à laquelle nous sommes partie, nous avons l'obligation d'éliminer les POP des cours d'eau. Le faisons-nous? Surveillons-nous la présence de ces composés dans les cours d'eau de l'Arctique?

M. Cripps : Vous posez cette question à des agents régionaux. Ce travail se fait en grande partie à Ottawa et je sais que nous faisons des choses au sujet des polluants organiques persistants mais je ne saurais vous dire à quelle échelle ou dans le cadre de quels programmes.

Le sénateur Raine : Quand nous regardons les cours d'eau, ils semblent tout à fait limpides parce que ces composés sont invisibles même s'ils sont présents.

M. Cripps : Comme vous dites, je sais que les courants atmosphériques, avec l'action des vagues et du courant-jet, entraînent le dépôt de matières ne provenant pas du sol canadien. Voilà l'aspect des polluants organiques persistants que je connais. Ce sont des polluants qui sont déposés par les systèmes climatiques que nous avons au Canada.

Le sénateur Raine : Et cela provient également des courants océaniques car, si je ne me trompe, certaines matières en provenance de l'Asie du Sud-Est se retrouvent dans l'océan Arctique.

M. Cripps : Oui, vous avez raison, il y a certains courants qui poussent ces produits le long des côtes.

Le sénateur Raine : Vous ne connaissez donc pas de programme organisé à l'échelle nationale pour surveiller ça?

M. Cripps : Je peux essayer de m'informer et vous envoyer la réponse.

Le sénateur Raine : Ce serait excellent. Merci.

Le sénateur Hubley : Qui délivre les permis de rejet en mer?

Mme Baraniecki : Environnement Canada, au titre de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le promoteur présente une demande d'autorisation de rejet en mer. L'information est recueillie et analysée par Environnement Canada et le permis est délivré par Environnement Canada.

Le sénateur Hubley : À Ottawa?

Mme Baraniecki : Le permis est signé par le directeur régional dans chaque région concernée. Cela fait partie d'un programme national. Dans la région, notre personnel examine les demandes de permis et participe aux activités de surveillance qui en découlent éventuellement pendant l'activité de rejet. L'élément scientifique chapeautant ce programme est la politique émanant d'Ottawa. Il s'agit d'une démarche nationale mais l'activité précise d'octroi des permis est régionale.

Le sénateur Hubley : Pouvez-vous me donner un exemple de permis?

Mme Baraniecki : Certainement. Le permis le plus fréquent au Canada est un permis de dragage et de rejet du matériau sédimentaire, en particulier sur la côte Est et sur la côte Ouest. Je vais vous donner un exemple du Nord parce que nous n'octroyons pas beaucoup de permis de rejet océanique. En fait, nous en accordons en moyenne un par an, à peu près. Il y a un permis qui est régulièrement renouvelé à Sachs Harbour et qui concerne le rejet sur les glaces d'abats de bœuf musqué provenant d'une chasse commerciale.

Les exploitants peuvent avoir 5 600 carcasses, par exemple, et ils vont les pousser sur les glaces par bulldozer. Le permis leur en donne l'autorisation. L'idée est que, lorsque la glace fond dans le port, les abats sont emportés en mer avec suffisamment d'énergie pour que la matière organique ne se dépose pas, ce qui créerait un environnement anoxique dans la baie. Ces abats sont donc dispersés de cette manière.

En règle générale, des permis sont accordés lorsque d'autres méthodes adéquates de rejet sur terre ne sont pas disponibles. À Vancouver, il y a un manque de place pour des sites d'enfouissement et il est donc parfaitement raisonnable d'autoriser le rejet en mer du matériau sédimentaire provenant des activités de dragage. Dans le Nord, il n'y a pas nécessairement les abattoirs qui existent ailleurs au Canada et le rejet des abats en mer est donc une solution acceptable.

Il s'agit là du permis que nous accordons normalement chaque année. Nous nous attendons également à recevoir une demande de permis pour l'aménagement du port de petites embarcations de Pangnirtung. Le site de dragage a été analysé attentivement parce que nous voulons nous assurer que ce qui sera dragué est propre, et les sites éventuels de rejet font également l'objet d'études et d'échantillonnage en ce moment. Nous n'avons pas encore reçu de demandes de permis mais nous prévoyons en recevoir une l'an prochain.

Le sénateur Hubley : Se pourrait-il que du matériau de dragage de l'extérieur de la région soit rejeté dans le Nord?

Mme Baraniecki : Je ne crois pas. Normalement, le rejet se fait assez localement. Envoyer du matériau aussi loin pour le rejeter coûterait très cher et c'est pourquoi on s'en tient généralement à des solutions assez localisées.

Le sénateur Hubley : Ce serait certainement le cas dans le Nord. Comme le Sud remonte au Nord, ainsi que le disait le sénateur Cook, il est de plus en plus difficile de faire ce genre de chose de manière écologique dans le Sud. Je n'ose pas imaginer que du matériau soit transporté dans une autre région pour y être rejeté. Je me demande simplement si ce serait interdit.

Mme Baraniecki : Il n'existe aucune disposition particulière l'interdisant.

Le sénateur Hubley : Mais il faudrait obtenir un permis.

Mme Baraniecki : Oui, il faudrait obtenir un permis. Le promoteur devrait publier un avis d'intention dans le journal local ou trouver un moyen pour informer la population locale. Si quelqu'un proposait ce genre de chose, la collectivité locale aurait ainsi la possibilité de réagir. S'il y avait des problèmes, si Environnement Canada entendait parler de problèmes de la part du promoteur ou de la collectivité, nous examinerions attentivement la situation. S'il était impossible de résoudre les problèmes, nous pourrions ne pas octroyer de permis pour cette activité.

Je précise que les permis ne sont pas de durée illimitée. Ils sont accordés au maximum pour une période d'un an et pour une activité très précise. Les promoteurs doivent payer des droits. Il existe un tarif forfaitaire pour formuler la demande et un tarif au mètre cube de matériau dragué, et tout cela doit donc être bien planifié.

Une fois que le permis est envisagé, il est publié à nouveau dans la Gazette du Canada et il y a à ce moment-là une période d'attente supplémentaire de 30 jours qui commence à courir, ce qui donne au public, aux parties concernées et à la collectivité une possibilité supplémentaire d'intervenir s'il y a lieu.

Je peux vous dire que certains permis ont été refusés et que c'est une question que nous prenons très au sérieux. Ils ne sont pas accordés d'office. Il existe des règles très strictes sur ce qui peut être rejeté, conformément à la Convention de Londres, au Protocole de Londres, et nous respectons ces accords internationaux dans le cadre de ce programme.

Le président : Le problème, à mon avis — je sais que ce n'est pas le vôtre et que vous ne pouvez pas le résoudre —, est que NORDREG n'est pas obligatoire. En ce qui concerne l'élimination des déchets par bateau, par exemple, n'importe quel bateau peut naviguer aujourd'hui dans les eaux de l'Arctique sans être obligé de se déclarer. Nous ne savons pas quels bateaux y sont.

De plus, nous avons entendu dire que la capacité de RADARSAT d'identifier les navires inférieurs à une certaine taille est limitée. C'est juste une remarque que j'ajoute.

Nous espérons que NORDREG deviendra obligatoire. On nous a dit que ce sera le cas. Ça n'a pas encore été décidé et nous ne savons pas pourquoi. C'est préoccupant si l'on doit délivrer des permis de rejet de déchets alors que les bateaux peuvent naviguer dans les eaux de l'Arctique et y faire ce qu'ils veulent parce que nous ne savons pas qu'ils s'y trouvent. Je sais que ce n'est pas votre problème mais c'est une observation que je voulais faire.

Mme Baraniecki : Cela nous inquiète aussi.

Le président : Je vous remercie beaucoup d'être venus témoigner aujourd'hui. C'était très utile.

Honorables sénateurs, nous avons prévu du temps pour une assemblée publique de façon à permettre aux gens de la région de venir s'adresser au comité s'ils le souhaitent. Personne ne nous a encore indiqué qu'il souhaitait témoigner mais, s'il y a quelqu'un dans la salle qui désire prendre la parole, nous sommes prêts à l'écouter. Nous tenons à ce que tout le monde puisse s'exprimer librement devant le comité durant son passage dans la région.

Je vais attendre un instant pour voir si quelqu'un veut intervenir. Nous avions dit que l'assemblée publique se tiendrait de 15 heures à 16 heures mais personne n'a exprimé le désir de venir témoigner. Je pense que nous allons suspendre la séance et attendre de voir si quelqu'un se présente.

(La séance est suspendue.)

—————

(La séance reprend.)

Le président : Monsieur Slack, pourriez-vous vous présenter et nous dire quelques mots de vos préoccupations, après quoi nous proposerons peut-être quelques questions? Nous allons reprendre la séance.

Todd Slack, à titre personnel : Merci, monsieur le président. J'espère être cohérent dans mon intervention.

Je tiens d'abord à vous remercier d'être venus dans la région. Il est toujours utile que les gens viennent dans le Nord pour s'informer sur place. En lisant vos biographies, j'ai constaté que plusieurs d'entre vous êtes d'ailleurs originaires du Nord.

Je m'appelle Todd Slack. Je travaille pour l'une des Premières nations présentes à Yellowknife mais je ne m'adresse pas à vous au nom des Premières nations. Je veux simplement témoigner pour vous parler des projets reliés à la pêche et du plus gros problème que nous rencontrons à ce sujet. C'est probablement une chose dont on vous a déjà parlé une dizaine de fois aujourd'hui : une question d'argent.

Il y a dans mon bureau deux agents chargés de la mise en œuvre des programmes. Cet été, nous avons eu trois programmes mis en œuvre pour le MPO. Pour la première fois, notre bureau a reçu un budget officiel pour payer un salaire. C'était la première fois et la somme s'élevait à 16 000 $. Évidemment, ce n'est pas beaucoup d'argent. Ça représente le quart d'un salaire. Pour vous donner une idée, ces trois programmes ont occupé une personne pendant la quasi-totalité de l'été, c'est-à-dire quatre mois.

En ce qui concerne l'argent, il y a d'autres problèmes. Le premier est l'échéancier de financement. Je sais bien que vous vous intéressez avant tout aux questions d'ordre général mais ce détail est quand même important.

Cette année, nous avons présenté un projet de savoir traditionnel concernant le cisco à mâchoires égales, dont on vous a peut-être déjà parlé aujourd'hui. Je ne sais pas si le MPO vous en a parlé. C'est un projet qui a eu beaucoup de succès et qui a très bien marché mais je crois que c'est plus par chance qu'autre chose. Par chance et aussi grâce à la compétence des personnes concernées, parce que les fonds relatifs à ce projet n'ont été versés qu'à la toute fin de la saison. Ici, quand nous parlons de projets concernant la pêche, nous n'avons que trois mois ou trois mois et demi pour les réaliser.

Je ne sais pas quelles sont les dates précises mais je sais que c'était très tard dans la saison. C'était un projet avec les anciens et nous n'avons pas pu le faire démarrer avant la fin du mois d'août, alors que c'est déjà le début du mauvais temps. C'est une période où il y a beaucoup de vent et où il commence à pleuvoir mais, heureusement, nous avons aussi eu de la chance à ce sujet. Le beau temps a permis à beaucoup d'anciens de participer, parce que c'était un projet sur l'eau.

Il y a un problème d'échéancier. Je sais que la fin de l'exercice financier, en mars, est une période très chargée mais, si nous voulons faire le travail que MPO attend de nous, il faut que nous recevions l'argent plus tôt. Je sais que c'est probablement un problème pour tous les organismes mais, dans le Nord, ça peut être mortel. Certes, je reconnais que le MPO a été bien meilleur qu'AINC cette année et je m'empresse de le féliciter pour nous avoir accordé les fonds de manière plus opportune.

Le deuxième problème, et il est certainement évident ici, dans le Territoire, c'est qu'il y a une vive concurrence pour ces postes. Personnellement, j'adore travailler pour la première nation mais, lorsqu'il s'agit d'obtenir du personnel technique et chevronné, nous devons faire concurrence à d'autres organismes.

Je sais que la première nation ne pourra jamais faire concurrence sur le plan des salaires ou des avantages sociaux mais, en contrepartie, le travail qu'elle offre est peut-être plus satisfaisant car la personne peut constater le résultat de son action.

Cela dit, quand on ne sait pas si l'on obtiendra les fonds nécessaires pour ces postes, il est très difficile d'obtenir du personnel à long terme. Cette année, par exemple, il y a beaucoup d'incertitudes. Si nous avons autant de chances que l'an dernier, tout ira bien. Sinon, nous serons obligés de renvoyer du personnel, l'an prochain, et certains employés chevronnés seront obligés de chercher du travail ailleurs.

Je sais bien que le financement destiné aux premières nations relève généralement de la compétence d'AINC et que la majeure partie de notre travail concerne également les responsabilités d'AINC mais, cet été, il s'agissait d'autres projets du MPO. Si l'on examine le mécanisme de financement du MPO, on constate qu'il y a très peu de possibilités de financer des dépenses de bureau et des salaires, ainsi que toutes les choses qui sont nécessaires pour avoir un équipement adéquat et un personnel compétent et bien formé pour mettre en œuvre les programmes.

Nous sommes un intermédiaire entre le gouvernement et les premières nations. Nous facilitons les relations mais, si nous ne pouvons pas conserver notre personnel d'une année à l'autre, il devient très difficile de faire du bon travail et les choses risquent de se dégrader rapidement parce qu'on n'est plus capable de faire ce qui est nécessaire.

L'obtention de crédits pour financer nos activités est toujours problématique. AINC fournit environ la moitié de notre budget et finance donc environ la moitié de notre travail et les fonds du MPO sont donc aussi très importants. Si nous pouvions obtenir l'argent plus tôt, nous pourrions commencer à financer nos activités plus rapidement et cela faciliterait grandement les choses.

Je sais que nous faisons un très bon travail et que nous sommes très rentables, ce qui est important pour moi-même et pour mon collègue.

Le président : Quel était votre projet?

M. Slack : Cette année? Celui dont je parle était un projet concernant les espèces en péril, concernant le cisco à mâchoires égales. L'un des représentants du MPO vous a peut-être parlé aujourd'hui du cisco dit « googly-eyed ». Peut-être que non.

J'ai travaillé avec les anciens pour recueillir le savoir traditionnel sur les espèces en péril. Les choses ont très bien marché et nous allons maintenant rédiger les rapports. Le rapport final n'a pas encore été rédigé mais je crois que le MPO et Environnement Canada seront très satisfaits du résultat final.

Moins de 10 p. 100 des fonds octroyés pour ce projet, moins de 5 p. 100 même, servent aux dépenses de bureau. C'était un projet très intensif pour nous. Nos trois employés ont dû y participer, c'est-à-dire les deux agents de liaison et la personne responsable des services administratifs. Il n'y a cependant pas d'équilibre satisfaisant entre les sommes pouvant être consacrées aux dépenses de bureau, par exemple aux salaires, et les sommes pouvant être consacrées à la réalisation même du projet. Il faut trouver un meilleur équilibre à ce sujet.

Dans d'autres cas, je pense que le gouvernement et les organisations concernées sont en mesure d'assurer un meilleur équilibre mais ce n'est pas le cas en ce qui nous concerne et cela limite réellement notre capacité de prestation.

Le président : Vous recevez un financement de base d'AINC mais il s'agissait ici d'un projet du MPO.

M. Slack : Oui. Je tiens à préciser que je m'exprime en mon nom personnel et que c'est parce que je tiens à ce que nous fassions du bon travail. Il y a le financement de base qui sert à payer les dépenses de bureau mais il y a également du travail que nous effectuons directement pour le MPO pendant quatre ou cinq mois et pour lequel nous ne recevons pas d'argent pour les dépenses de bureau.

Le sénateur Raine : Si l'argent vous était fourni de manière plus opportune, la gestion du bureau serait-elle plus facile et les choses seraient-elles facilitées pour le personnel?

M. Slack : Incontestablement. Toutefois, je dois ajouter que les choses pourraient se faire en moins de temps. Ici, dans les Territoires, pratiquement chaque première nation se retrouve sur ce qu'on appelle la liste de financement suspendu, tout simplement parce qu'il n'y a pas assez de vérificateurs dans les T.-N.-O. pour faire la vérification des comptes en fin d'exercice. Même si l'on fait tout correctement, la réalisation des vérifications prend beaucoup de temps et l'offre de main-d'œuvre est limitée.

Si nous pouvions recevoir l'argent plus tôt dans l'année, avant le déclenchement du financement suspendu, cela faciliterait beaucoup les choses, parce que nous sortons toujours de la liste du financement suspendu mais il y a une période d'incertitude de quatre mois durant laquelle nous ne savons pas si nous pourrons payer telle ou telle chose.

Ensuite, on arrive à l'automne, l'hiver approche, on essaye d'échapper à l'imposition de la liste de financement suspendu mais, et c'est encore plus important, on pourrait aussi limiter le temps qu'il faudrait consacrer à certaines activités financières importantes en même temps qu'on s'occupe du projet. Si tout pouvait être plus rapide, ce serait beaucoup plus facile pour tout le monde. On pourrait alors réaliser les projets sans devoir se demander si l'argent arrivera ou non.

Le sénateur Cochrane : Quand avez-vous présenté votre projet?

M. Slack : Nous avons formulé cette proposition à l'automne de 2008, il y a longtemps donc. Il a fallu attendre longtemps pour savoir que l'argent nous était accordé. Je dirais que c'était à la fin du mois de mai, c'est-à-dire au début de l'été. Ensuite, il y a eu des discussions pour savoir si nous pouvions réaliser le projet parce que nous n'avions pas reçu autant que nous avions demandé. Nous n'avons pas reçu la totalité des fonds mais seulement 60 p. 100 environ, avant la fin de juillet. En fait, nous n'avons même pas encore reçu tout l'argent aujourd'hui mais nous allons apparemment bientôt recevoir le solde.

Le président : Merci beaucoup. Votre témoignage nous sera très utile.

Le sénateur Raine : Réalisez-vous des projets pour le MPO chaque été?

M. Slack : Oui, pratiquement chaque été et chaque automne. Je n'occupe ce poste que depuis deux ans et je ne peux donc pas vous dire si cela a toujours été le cas mais c'est ce que je pense.

Le sénateur Raine : Il s'agit donc de projets qui continuent d'une année à l'autre et vous continuerez donc à travailler chaque année pour le MPO, ou la personne qui occupe votre poste?

M. Slack : Oui, ce ne sont pas nécessairement les mêmes projets chaque année mais le besoin existe chaque année.

Le sénateur Raine : Je m'inquiète quand vous dites que les problèmes d'échéancier font qu'il vous est difficile de conserver du personnel chevronné. Que se passe-t-il alors? Le travail ne se fait pas?

M. Slack : C'est ce qui arrive dans le pire des cas. Si je comprends bien, vous me demandez ce qui se passe si un employé nous quitte?

À la fin de l'année, si nous n'obtenons pas notre budget, nous avons des décisions difficiles à prendre. Si nous ne trouvons pas les fonds nécessaires, il nous est beaucoup plus difficile de faire revenir nos employés.

Si nous n'avons pas de garantie de financement, je suis obligé de chercher ailleurs. J'ai une hypothèque, mon collègue a quatre enfants, et nous avons besoin d'un chèque de paye. Si nous n'obtenons pas le budget du programme, nous sommes obligés de prendre l'argent dans d'autres programmes des Premières nations, lesquels ont cependant beaucoup de besoins à satisfaire, ou nous devons espérer qu'il y aura des excédents d'AINC ou d'autres agences en fin d'année, ce qui n'est pas une méthode de gestion satisfaisante.

Le sénateur Raine : Quand vous présentez vos propositions, les adressez-vous au bureau local du MPO?

M. Slack : Ça dépend. Nous traitons avec le bureau local du MPO mais, dans certains cas, il s'agit de programmes nationaux. Le programme dont je parlais, sur les espèces en péril, était un programme national exploité à partir de Sarnia, je crois, ce qui rendait évidemment le processus de financement plus compliqué. Je dois cependant dire que c'est local dans la plupart des cas.

Le président : Merci beaucoup, monsieur Slack. La séance est levée.

Y a-t-il dans la salle quelqu'un d'autre qui souhaite s'adresser au comité?

(La séance est levée.)


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