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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 13 - Témoignages du 3 novembre 2009


OTTAWA, le mardi 3 novembre 2009

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 h 4, pour procéder à l'étude des questions relatives au cadre stratégique actuel en évolution du gouvernement fédéral pour la gestion des pêches et des océans du Canada (sujet : le projet de modification de la convention de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord- Ouest (l'OPANO).)

Le sénateur Bill Rompkey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte. Il est tard; nous pouvons commencer. Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous étudions aujourd'hui — et cela fait quelque temps que nous nous penchons là-dessus — le projet de modification de la convention de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, l'OPANO, et, en particulier, certains articles controversés qui ont déjà été examinés auparavant et le seront peut-être encore à l'avenir.

Nous ne terminerons pas notre étude ce soir; il nous faudra plus de temps. Nous avons convoqué d'autres témoins; nous n'allons donc pas conclure nos délibérations ce soir.

Dans cette optique, nous accueillons deux témoins de Pêches et Océans Canada : David Balfour, sous-ministre adjoint intérimaire, Gestion des pêches et de l'aquaculture, et Guy Beaupré, sous-ministre adjoint délégué, Renouvellement des pêches.

Messieurs, nous vous laissons faire vos déclarations préliminaires, puis nous vous poserons des questions.

David Balfour, sous-ministre adjoint intérimaire, Gestion des pêches et de l'aquaculture, Pêches et Océans Canada : Nous aimerions saisir cette occasion pour discuter plus en profondeur des modifications apportées à la Convention de 1978 sur la future coopération multilatérale dans les pêches de l'Atlantique Nord-Ouest, soit la Convention de l'OPANO. La ministre des Pêches et des Océans ainsi que des représentants ministériels ont discuté de la question avec les membres du comité à diverses occasions et nous sommes reconnaissants d'en avoir à nouveau la possibilité.

[Français]

Les modifications apportées à la convention de l'OPANO sont importantes pour le Canada, pour son industrie de la pêche et pour la province de Terre-Neuve-et-Labrador. Ces modifications aideront à assurer la conservation et la gestion durable des stocks de poissons et des écosystèmes dans l'Atlantique du Nord-Ouest, et contribueront ainsi au développement économique et à la prospérité des collectivités côtières des provinces de l'Atlantique.

[Traduction]

L'objectif primordial du Canada, au cours des quelques dernières années, a été de freiner la surpêche ainsi que d'assurer la pérennité des stocks de poissons et la santé à long terme de leurs écosystèmes. Étant donné que la plupart des stocks de poissons gérés par l'OPANO chevauchent la zone économique exclusive du Canada, du côté de l'Atlantique, et la zone située au-delà de la limite de 200 milles en haute mer dans la zone réglementée par l'OPANO, ces préoccupations se trouvent à être d'intérêt mondial.

La participation et le leadership du Canada au sein de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest sont des éléments importants pour les provinces de l'Atlantique, et en particulier pour la province de Terre-Neuve-et- Labrador. Le Canada est membre à part entière de l'OPANO depuis 1979, et l'était aussi de son prédécesseur, la CIPAN — Commission internationale pour les pêcheries de l'Atlantique Nord-Ouest —, créée en 1950. Mais depuis, il y a eu de nombreux changements et c'est pourquoi les modifications à la convention de 1978 de l'OPANO sont aussi importantes.

Les pays membres de l'OPANO s'entendent pour dire qu'il est temps de moderniser la convention, afin de l'harmoniser avec les dispositions de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons de 1995. Ces pays membres s'accordent sur le fait qu'ils doivent regarder vers l'avenir et mettre en place des outils modernes qui favoriseront la prise de décisions pour régler les problèmes modernes auxquels ils doivent faire face.

Les modifications apportées à la convention représentent seulement une des nombreuses réformes et améliorations importantes du cadre de gestion mises en oeuvre par les pays membres de l'OPANO. Il y a d'abord eu les réformes liées à l'application de la loi en 2006. Les modifications apportées aux mesures de conservation et de contrôle de l'OPANO, adoptées en 2007, les ont rendues conformes à celles de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, voire plus strictes. Elles ont donné lieu à des résultats encourageants sur le plan de l'exécution des règles en haute mer à l'intérieur de la zone réglementée par l'OPANO. Le ministère des Pêches et des Océans, au nom de l'OPANO, a renforcé les mesures de contrôle et la surveillance afin de détecter et de décourager les activités de pêche illicite. Ces efforts ont permis d'arriver à un meilleur niveau de conformité. Les violations graves dans la zone réglementée par l'OPANO ont chuté de treize en 2005 à sept en 2006, à un en 2007 et à zéro en 2008.

Une coopération plus efficace, des mesures de gestion davantage axées sur les avis scientifiques et une application vigilante de la loi ont également donné des résultats tangibles. Ainsi, l'OPANO a constaté le rétablissement de stocks importants, comme la limande à queue jaune dans la division 3LNO, la morue dans 3M et le sébaste dans 3LN. D'autres stocks, comme la plie canadienne dans 3LNO, montrent aussi des signes de rétablissement. À sa récente assemblée annuelle, l'OPANO a rouvert deux pêches, celle de la morue dans la division 3M et celle du sébaste dans 3LN, après un moratoire d'une décennie.

Toutefois, la solution repose seulement en partie sur l'application vigilante de la loi et une meilleure coopération. Le Canada collabore continuellement avec l'OPANO en vue de formuler des avis scientifiques et d'adopter des mesures de conservation et de gestion pour gérer avec efficacité les stocks chevauchants qui ont une importance pour le Canada, comme le flétan noir, la limande à queue jaune, la crevette de la division 3L et d'autres espèces. Toutefois, les pays membres ont reconnu la nécessité de revoir la manière dont l'OPANO prend des décisions et la façon dont l'organisation s'administre. C'est la raison pour laquelle les pays membres de l'OPANO ont négocié et adopté en 2007 des modifications à la convention de 1978. Le Canada a appuyé ces modifications en raison de leur importance et de leur effet bénéfique. Tous les intervenants ont reconnu que les modifications visaient les meilleurs intérêts du Canada. Les hauts dirigeants du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador étaient membres à part entière de la délégation canadienne qui a négocié ces modifications et ils nous ont appuyés durant toutes les négociations.

Comme je l'ai déjà mentionné, l'OPANO est aujourd'hui confrontée à des enjeux très différents de ceux cernés au moment de la signature de la convention initiale en 1978. Les parties à la convention se sont dorénavant engagées à adopter une gestion écosystémique des pêches dans l'Atlantique Nord-Ouest, et par le fait même, à protéger le milieu marin, à préserver la biodiversité marine et à réduire les risques de toute incidence à long terme sur les pêches. Les modifications à la Convention de l'OPANO visent à doter l'organisation d'un cadre de gouvernance plus moderne, orienté vers l'avenir, afin de lui permettre de respecter ses engagements permanents et futurs en vertu de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons, de la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer — l'UNCLOS — et de tout autre accord international.

Monsieur le président, je souhaite énoncer les principaux avantages de la convention modifiée. Premièrement, en vertu de la convention de 1978 de l'OPANO, la gestion des stocks de poissons se faisait par « espèce » et les décisions de gestion ne tenaient pas toujours compte des avis scientifiques. Avec le temps, ce type de gestion s'est révélé inefficace pour la santé à long terme des stocks de poissons. Par conséquent, un moratoire visant une dizaine de ressources a été imposé pendant de nombreuses années et ces ressources commencent seulement à montrer des signes de rétablissement. Grâce à la convention modifiée, les décisions prises par l'OPANO seront dorénavant axées sur une approche écosystémique; elles tiendront non seulement compte de la relation entre les diverses espèces marines, mais également entre celles-ci et leurs habitats. En conséquence, la gestion doit prendre en compte l'incidence des prises d'une espèce de poissons sur les autres espèces et les répercussions du matériel de pêche sur les habitats océaniques vulnérables.

Deuxièmement, en vertu des règles de 1978, les pays membres pouvaient s'opposer à toute décision de gestion, décider unilatéralement d'un quota et le pêcher sans autre contrainte, même si cela provoquait ultimement une surpêche. En outre, l'ancienne convention ne proposait aucun processus de règlement des différends, ce qui a mené à des divergences de longue date, dont certaines persistent à ce jour.

En vertu de la convention modifiée de l'OPANO, les pays membres se dotent d'un mécanisme contrôlé pour résoudre les objections et régler les différends — un mécanisme faisant en sorte qu'un pays membre qui s'oppose à une mesure de conservation et de gestion doive mettre en place une mesure de rechange pour assurer la conservation et la gestion de la pêche, conforme aux objectifs de la convention. La commission doit jouer un rôle actif pour tenter de régler le problème. Les pays membres devront donc répondre de leurs actes, ce qui permettra d'éviter que surviennent des situations inutiles et contre-productives, et ce qui réduira la surpêche.

Troisièmement, en vertu des règles de la convention initiale, les décisions de l'OPANO reposaient sur un vote à majorité simple et donnaient l'impression qu'il y avait seulement des « gagnants » et des « perdants ». Dans certains cas, surtout à la fin des années 1980 et au début des années 1990, les pays membres défiaient donc les règles, fixaient des quotas unilatéraux et s'adonnaient à la surpêche. La convention modifiée met l'accent sur le consensus. On a adopté le vote à majorité des deux tiers pour dénouer les situations où le consensus est impossible. Tout pays membre qui souhaite changer la manière dont l'OPANO attribue les quotas doit obtenir l'appui de huit des douze pays membres, au lieu des sept nécessaires auparavant. Grâce à ce changement, les quotas canadiens de poissons au sein de l'OPANO seront mieux protégés, ce qui répond à une des principales préoccupations de l'industrie canadienne.

Nous avons entendu maintes critiques sans fondement au sujet de la convention modifiée. Ces critiques sont les suivantes : le gouvernement n'a pas réussi à protéger la souveraineté du Canada à l'égard de la prise de décisions sur la gestion des pêches et l'application de la loi dans les eaux canadiennes; la modification apportée au processus décisionnel, qui exige dorénavant la majorité des deux tiers, affaiblira la capacité du Canada d'obtenir des appuis concernant des propositions visant une gestion plus restrictive axée sur la conservation au sein de l'OPANO; les modifications apportées au mécanisme de résolution des objections ne vont pas assez loin pour limiter les objections et les décisions unilatérales; et le processus de règlement des différends de la convention modifiée ne prévoit pas de prise de décision exécutoire. Comme je l'ai déjà dit, ces critiques ne sont pas fondées et je vais répondre à chacune d'entre elles.

Premièrement, pour ce qui est de la souveraineté, la convention modifiée est très claire. Le Canada maintient le contrôle de ses eaux et les mesures de l'OPANO ne seront pas appliquées dans les eaux canadiennes, sauf si le Canada en demande l'application et si le Canada vote en faveur de telles mesures. La convention modifiée de l'OPANO énonce explicitement que le Canada conserve son droit souverain de prendre des mesures de gestion dans sa zone économique exclusive de 200 milles marins. Il est évident que l'OPANO n'a pas le mandat de prendre des décisions de gestion dans les eaux canadiennes et ne donne à aucun navire de pêche étranger le droit de pêcher dans les eaux canadiennes.

Deuxièmement, pour ce qui est de la modification pour le vote à une majorité des deux tiers, comme je l'ai déjà dit, cette décision protège mieux les parts de quotas canadiens des stocks de l'OPANO. Cette modification respecte la priorité de l'industrie canadienne et du Canada dans le contexte actuel où d'autres pays membres cherchent à accroître leur part de ces quotas attribués par l'OPANO.

Troisièmement, pour ce qui est du processus de résolution des objections, la convention modifiée fait état de contraintes relativement à l'utilisation du processus. Ainsi, pour limiter les objections et placer le fardeau sur le pays membre qui en soulève une, ce dernier doit en démontrer les motifs et adopter des mesures de conservation équivalentes pendant le processus de résolution. Un groupe spécial d'experts doit alors formuler des recommandations à la commission qui peut les mettre en oeuvre. Ce processus favorise une plus grande transparence dans le cadre du processus de résolution des objections. Il devrait permettre d'apporter une résolution à assez rapidement, dans les cinq mois suivant la présentation de l'objection.

Enfin, la convention modifiée renforce le processus décisionnel, car elle inclut pour la première fois des mécanismes de règlement des différends. Les parties à la convention peuvent recourir à ce processus qui, ultimement, mène à une décision exécutoire. Il s'agit d'un processus plus long, étant donné que le règlement de différends internationaux prend généralement plus de temps. Toutefois, dans l'intervalle, la décision du groupe spécial d'experts s'appliquerait.

La convention modifiée de l'OPANO protégerait mieux les intérêts du Canada. Les réformes proposées sont dans l'intérêt du Canada et sont bénéfiques pour les stocks de poissons de l'Atlantique Nord-Ouest. Elles offrent des avantages manifestes qui sont importants pour le Canada et l'industrie canadienne de la pêche. Les modifications contribueront à la conservation et à la gestion durable des stocks de poissons et des écosystèmes de l'Atlantique Nord- Ouest.

Je vous remercie. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Robichaud : Pourriez-vous nous expliquer à nouveau ce qu'il advient du mécanisme d'objection? J'ai lu quelque part qu'il ne sera guère plus efficace qu'avant parce qu'il n'y a aucun moyen de l'appliquer. Pourriez-vous nous parler du temps que cela prendrait à une partie pour présenter une objection, puis établir son propre plan, qui respecte les mesures de conservation? Entre-temps, qu'arrive-t-il à ce pays membre qui a formulé l'objection? Peut-il continuer à pêcher? Par le passé, les parties ayant élevé des objections pêchaient sans égard à la conservation.

M. Balfour : Comme vous l'avez souligné, je pense, en vertu de la convention actuelle, une partie peut s'opposer à une mesure, établir un quota et pêcher, et aucun mécanisme ne permet de résoudre la question.

Aux termes de la convention modifiée, toute partie qui s'oppose au quota établi pour elle par l'OPANO doit expliquer les motifs de son objection. Elle est également tenue, en se fixant un quota pour elle-même, de montrer qu'elle se conformerait aux objectifs de conservation de l'OPANO.

En tant qu'État côtier, par exemple, si nous n'acceptions pas les motifs présentés par la partie opposante, nous pourrions exiger qu'un groupe spécial d'experts se penche sur la question. Le groupe spécial d'experts se réunirait probablement très rapidement après l'assemblée annuelle de l'OPANO — au cours de laquelle les quotas sont fixés pour l'année civile suivante — ce qui a lieu en septembre. On s'attendrait à ce que le groupe d'experts dépose son rapport dans les mois suivant sa convocation de sorte que la Commission des pêches puisse rendre une décision, vraisemblablement dans une période de cinq mois, disons, après que le pays membre eut formulé son objection. Cette décision pourrait entrer en vigueur tôt dans l'année de pêche visée par l'objection.

Le processus se déroulerait de manière très rapide et efficace en vertu de la nouvelle convention.

Le sénateur Robichaud : Cependant, vous dites que le pays membre qui élève une objection exposera les motifs qui l'amènent à établir un quota pour lui-même et devra montrer comment il entend se conformer aux mesures de conservation. Continue-t-il à pêcher pendant ce temps?

M. Balfour : Oui, ce membre peut continuer à pêcher pendant que le groupe spécial d'experts examine l'objection. Toutefois, le processus aurait probablement lieu au début de l'année de pêche. Les quotas ne commencent à s'appliquer qu'en janvier, disons. Le poisson visé ne se pêche peut-être même pas en janvier. Quoi qu'il en soit, on lancerait le processus d'examen par le groupe spécial d'experts immédiatement en septembre, afin que la Commission des pêches de l'OPANO prenne une décision tôt dans l'année civile, peut-être même avant que la pêche commence.

Le sénateur Robichaud : Y a-t-il une date limite pour faire objection? Si la saison de pêche d'une espèce en particulier débute en février et que je me mets à pêcher en mars ou en avril, je pourrais attendre d'avoir commencé à pêcher avant de dire que je m'oppose, ce qui me donnerait du temps.

M. Balfour : Je vais demander à mon collègue, M. Beaupré, de répondre à cette question.

Guy Beaupré, sous-ministre adjoint délégué, Renouvellement des pêches, Pêches et Océans Canada : Je vous remercie. Une partie à la convention dispose d'une certaine période pour s'opposer à des mesures de l'OPANO. Il y a une courte période après l'assemblée annuelle de l'OPANO, puis, par la suite, les parties ont 60 jours pour formuler des objections. Celles-ci portent sur certains aspects seulement : une partie peut estimer qu'une mesure va à l'encontre de ses efforts de conservation ou que la mesure est discriminatoire à son endroit.

Le sénateur Robichaud : Quel est le délai précis?

M. Beaupré : C'est 60 jours.

Le sénateur Robichaud : Après que l'OPANO eut convenu du quota, n'est-ce pas?

M. Beaupré : Oui, à l'assemblée annuelle.

Le sénateur Robichaud : Si une partie à la convention présente une objection, peut-elle continuer à pêcher?

M. Beaupré : Elle formule une objection et, ce faisant, elle doit fournir les motifs de cette objection.

Le sénateur Robichaud : Il n'y a pas de problème.

M. Beaupré : Effectivement. La partie qui s'oppose peut établir un quota, puis elle peut pêcher.

Le sénateur Robichaud : La partie qui élève une objection établit ses mesures de conservation et ses quotas, lesquels, auparavant, n'étaient pas conformes à ce qui, à notre avis, aurait dû être établi. Rien ne modifie cela, n'est-ce pas?

M. Beaupré : Je ne suis pas certain de comprendre la question.

Le sénateur Robichaud : La partie qui s'oppose va établir ses propres mesures de conservation. Je me trompe?

M. Beaupré : Non. Elle va fixer son propre quota, elle va pêcher en conséquence, et, parallèlement, la commission va tenter de résoudre la question en collaboration avec les parties. La convention actuelle ne permet pas cela. À l'heure actuelle, une partie peut s'opposer à une mesure pour une raison quelconque, elle peut pêcher quand même, et la commission n'a pas de mécanisme lui permettant d'essayer de régler le problème.

Le sénateur Robichaud : Cependant, en vertu du mécanisme proposé, les parties qui formulent des objections disposeront d'une période pendant laquelle elles pourront pratiquer la surpêche, si je puis utiliser cette expression. N'est-ce pas?

M. Beaupré : Oui.

Le sénateur Robichaud : Quelle est cette période de temps?

M. Beaupré : Cela dépend du temps qu'il faudra à la commission pour délibérer. Nous estimons que la commission aurait besoin d'environ cinq mois pour trouver une solution.

Le sénateur Robichaud : Ce pourrait être après la fin de la saison de pêche pour une année donnée. Je me trompe?

M. Beaupré : C'est possible, oui. Mais ce ne serait généralement pas le cas.

Le sénateur Robichaud : Ainsi, une partie qui formule une objection disposerait presque d'une saison complète pour faire tout ce qu'elle veut.

Le président : J'aimerais qu'on précise les choses. Il est important que ce soit clair pour nous tous, car c'est un élément clé. Donc, si nous comprenons bien, auparavant, il n'existait pas de véritable mécanisme d'objection dans la convention, mais les parties qui ne respectaient pas les quotas pouvaient fixer leurs propres quotas et pêcher.

Désormais, il y a un mécanisme d'objection, mais les parties qui s'opposent peuvent continuer à pêcher. Je ne vois pas vraiment ce qui a changé, outre que, en théorie, il existe une procédure d'objection qui peut prendre du temps. Pendant le processus, les gens peuvent continuer à pêcher. Je ne suis pas certain de comprendre ce qui a changé dans les faits.

M. Balfour : En application du système actuel, une partie peut formuler une objection sans fournir d'explication ni indiquer ses motifs, elle peut se fixer un quota et pêcher, et il n'y a pas de mécanisme pour résoudre la question. Par conséquent, la situation perdure, si la partie en décide ainsi.

La convention modifiée prévoit un mécanisme et il incombe à l'OPANO de résoudre le différend rapidement. Tâcher de régler la question en quelques mois, suivant l'assemblée en septembre, c'est assez efficace. C'est certainement une amélioration considérable par rapport à la situation actuelle, où il n'y a aucun mécanisme de règlement des différends.

Le président : Oui, pour autant que l'OPANO applique les dispositions énoncées. Or, ce que nous avons constaté, par le passé, c'est que l'OPANO n'applique pas les règles établies. En fait, tout le monde — que ce soit les gens du ministère ou non, que ce soit des gens pour ou contre la convention — s'entend pour dire que le système en place ne fonctionnait pas. Je pense que c'est clair. Tout le monde est d'accord.

Je ne veux pas passer trop de temps là-dessus, mais j'espère que d'autres sénateurs vont continuer à poser des questions à cet égard parce qu'il importe que nous comprenions bien ce point. Avez-vous terminé, sénateur Robichaud?

Le sénateur Robichaud : Je vais laisser la parole à d'autres.

Le sénateur Watt : Dans le même ordre d'idées, si je me fie à ce que j'ai lu et entendu, il n'y a pas d'énormes changements outre le fait qu'on met en place une procédure d'examen. Il n'y a pas tellement plus que cela.

J'ai des préoccupations au sujet des décisions exécutoires. Que faire si une décision exécutoire est rendue? Qui en est saisi?

M. Beaupré : Pour répondre à la première partie de votre question, concernant le fait que vous ne voyez pas la différence entre les deux conventions, je vais vous donner un exemple concret.

Il y a environ cinq ans, le Danemark, au nom des îles Féroé et du Groenland, a décidé de s'opposer à son quota de crevettes dans la division 3L. Il a établi son propre quota, qui était environ de 10 fois supérieur au quota fixé par l'OPANO. Chaque année, il s'est opposé à son quota et a continué à pêcher. La convention dans sa forme actuelle ne comprend aucun mécanisme pour résoudre la question, absolument aucun. Par conséquent, ces dernières années, le Danemark a pêché 10 fois plus de crevettes que ce que l'autorisait le quota établi au départ. Il s'oppose, et continue de pêcher.

En vertu de la convention modifiée, si un pays membre veut s'opposer à un quota, il devra expliquer les motifs de son objection et montrer qu'il ne va pas à l'encontre des mesures de conservation de l'OPANO. Un membre peut aussi formuler une objection s'il estime être victime de discrimination. Ainsi, on ne peut pas élever des objections pour n'importe quelle raison. Parallèlement, la commission s'emploiera à résoudre le différend en collaboration avec les membres de l'OPANO.

Le sénateur Watt : Comment résout-on les différends?

M. Beaupré : Il y a deux types de différends : les objections visant des mesures de l'OPANO, visant la commission, et les différends entre deux parties. Un différend entre deux parties se règle selon un autre processus.

Le sénateur Watt : Si on provoque un différend, il faut avoir des motifs pour le faire. On ne peut avoir un différend simplement pour avoir un différend.

M. Beaupré : C'est exact. On peut demander à un groupe d'experts d'essayer de résoudre le problème.

Le sénateur Watt : Cependant, aucune décision exécutoire ne peut être rendue?

M. Beaupré : Si on convoque un groupe d'experts et qu'il examine la question, sa décision serait exécutoire.

Le sénateur Watt : La décision est-elle exécutoire quand elle est ratifiée par les différents pays et parties intéressées?

M. Beaupré : Il s'agirait d'une décision prise par le groupe d'experts créé.

Le sénateur Watt : Le groupe d'experts représente les divers pays, n'est-ce pas?

M. Beaupré : Oui.

Le sénateur Robichaud : Par ailleurs, il y a un mécanisme de vote au sein du groupe d'experts. Quel est-il?

M. Beaupré : Si je me souviens bien, il n'y a pas de processus de vote au sein du groupe d'experts. Ce sont les membres qui créent le groupe d'experts, lequel rend à un moment donné une décision qui devrait être exécutoire à ce moment-là. Mais je vais vérifier cette information.

Le président : Ainsi, la décision est exécutoire. On ne peut en interjeter appel. C'est exact?

M. Beaupré : Non.

Le sénateur Raine : Pouvons-nous contrôler le groupe d'experts?

Le sénateur Watt : Pour revenir au système de vote, si je comprends bien, aux termes de la convention modifiée, au lieu d'une majorité simple, il faudrait avoir 50 p. 100 plus une voix. C'est ce qu'exigerait la nouvelle convention. Non, je m'excuse, je me trompe : la convention actuelle exige la moitié des voix plus une alors que la nouvelle exige la majorité des deux tiers.

M. Balfour : La nouvelle Convention de l'OPANO, par opposition à l'ancienne, s'inscrit dans une optique où on fonctionne par consensus, dans toute la mesure du possible. On veut que les décisions prises découlent du fait que les membres, ayant des vues similaires, estiment qu'il convient de faire ce qu'il faut pour garantir une utilisation durable des ressources et leur conservation. Il s'agit d'assurer un partage des ressources en haute mer qui soit fondé sur des principes.

On soumettrait une décision à vote quand il est impossible de dégager un consensus. Du point de vue de notre industrie, c'est quelque chose de très important. Les débats et les différends qui pourraient survenir concerneraient probablement le partage des ressources dans la zone de réglementation de l'OPANO, dans laquelle le Canada détient des quotas élevés de stocks importants.

Notre industrie est d'avis que la majorité des deux tiers est un système qui contribuera à protéger les parts canadiennes de ces pêches. Cependant, on s'attend à ce que les mesures de conservation qu'adopte l'OPANO continuent d'être mises en application par consensus.

Je vais vous donner l'exemple de la réouverture de la pêche à la morue dans la division 3M — des stocks de morue qui se trouvent dans le Bonnet flamand, à l'extérieur de la zone canadienne et au large de la plateforme continentale. L'OPANO a décidé de rouvrir cette pêche lors de sa dernière assemblée à Bergen, en Norvège, en septembre. Compte tenu des efforts et des sacrifices réalisés par ceux qui avaient pêché ce poisson par le passé afin que la ressource se reconstitue pendant le moratoire, la dernière chose qu'on voudrait voir, ce sont des activités de pêche qui représentent un risque pour la ressource. Durant les délibérations sur la réouverture de la pêche à la morue de 3M, le Canada a présenté une proposition s'opposant à l'application d'une limite de prises accessoires de 10 p. 100 de cette ressource dans cette région du Bonnet flamand, limite normale dans le cas des pêches ouvertes. Les membres se sont entendus pour qu'on continue à imposer une limite de prises accessoires de 5 p. 100 pour ce qui est de ces stocks de morue, comme c'était le cas quand la pêche était fermée et faisait l'objet d'un moratoire. C'est révélateur de l'approche que les membres de l'OPANO adoptent à l'égard de la gestion de cette pêche à l'avenir.

Dans le passé, avant l'effondrement de ces ressources, les membres de l'OPANO avaient des opinions divergentes au sujet de l'exploitation des pêches et de la surpêche, entre autres. Or, bon nombre des parties importantes, comme l'Union européenne, souscrivent maintenant à l'utilisation durable ainsi qu'à une approche et à une coopération écosystémique. Honnêtement, je ne pense pas que les États membres de l'Union européenne pourraient s'en tirer aujourd'hui s'ils adoptaient les pratiques en vigueur dans le passé. Les membres ont promis de s'assurer que toutes les parties adoptent des méthodes de pêche axées sur la conservation dans la zone réglementée de l'OPANO.

Nous avons constaté une amélioration notable quant au respect des règles fixées par l'OPANO. Comme je l'ai mentionné, il y a eu une baisse spectaculaire du nombre d'infractions graves commises dans la zone réglementée de l'OPANO. De plus, nous avons considérablement amélioré notre coopération avec les États du pavillon, qui sont des parties contractantes de l'OPANO, ce qui nous permet, grâce à notre présence dans la zone réglementée de l'OPANO, de détecter une infraction, c'est-à-dire d'inspecter des navires ou de rappeler des navires dans leurs ports d'attache pour une inspection complémentaire, entre autres.

L'industrie de la pêche a évolué depuis les années 1970, 1980 ou le début des années 1990. L'Union européenne exige notamment que tous les exportateurs vers l'Union européenne devront être en mesure, dès janvier 2010, de démontrer que le poisson et les fruits de mer commercialisés sur le marché européen proviennent de sources légales et durables.

C'est une exigence que l'Union européenne a imposée et que ses États membres doivent également respecter. Cette exigence reflète la volonté des citoyens de l'Union européenne à l'égard des méthodes de pêche en haute mer. Cette exigence a été soulevée dans le cadre de plusieurs discussions et débats que nous avons tenus avec l'Union européenne et continuera à être soulevée à l'OPANO et par les organisations régionales de gestion des pêches dont elle est membre.

Le président : Le problème est qu'on nous demande de croire à une métamorphose. Or, les plus expérimentés d'entre nous ont des réserves et craignent que le naturel ne revienne au galop.

Je comprends que les parties contractantes ont respecté les règles, mais c'est facile à faire lorsqu'il n'y a pas de poisson. Les règles sont bien plus difficiles à respecter lorsque les stocks de poisson sont abondants, mais il est relativement facile de respecter les règles lorsque les stocks de poisson sont en mauvaise santé en raison de la surpêche.

Je voulais revenir sur la décision du groupe d'experts, à savoir si sa décision est exécutoire ou s'il s'agit d'une recommandation. Pourriez-vous préciser?

M. Beaupré : Oui, monsieur le président. À la fin du processus, si les membres de l'OPANO demandent à un groupe d'experts d'examiner la décision, la décision rendue par le groupe d'experts devient exécutoire et la Commission des pêches doit s'y conformer.

Le président : Je vois.

Le sénateur Robichaud : Dans vos notes, vous dites qu'un groupe d'experts peut faire des recommandations à la commission et que cette dernière « peut » suivre les recommandations du groupe d'experts. Ne s'agit-il pas d'un cas de différence d'interprétation?

M. Beaupré : C'est un processus en deux étapes. La commission essaie d'abord de résoudre les problèmes et si un pays membre le veut, il peut demander qu'un groupe d'experts se penche sur la question. C'est toutefois la deuxième étape. Tout d'abord, la commission essaie de régler le problème. Si elle ne réussit pas ou si une partie contractante le demande, un groupe d'experts peut être saisi de la question et ses décisions sont exécutoires.

Le sénateur Robichaud : Vous avez dit, dans le premier paragraphe de la dernière page de votre présentation :

[...] adopter des mesures de conservation équivalentes pendant le processus de résolution. Un groupe ponctuel d'experts doit alors formuler des recommandations à la commission qui peut ensuite les mettre en oeuvre.

Il n'y a rien dans vos propos qui dit que les recommandations sont exécutoires. J'essaie simplement de tout faire cadrer.

M. Beaupré : Comme je l'ai dit, c'est un processus en deux étapes et si nous devons faire appel au groupe d'experts, sa décision sera exécutoire.

Le président : Le texte de votre présentation est donc erroné et c'est votre témoignage qui est exact, n'est-ce pas? Le texte dit : « Un groupe ponctuel d'experts doit alors formuler des recommandations [à la commission qui] peut ensuite les mettre en oeuvre. »

Or, vous dites maintenant que ce n'est pas exact, que les décisions du groupe d'experts sont exécutoires, que la commission n'est pas consultée et que c'est cette dernière qui décide ensuite si elle veut ou non les mettre en oeuvre.

M. Beaupré : C'est un processus en deux étapes et, en définitive, la décision du groupe d'experts serait exécutoire. Cependant, à la première étape du processus, si la commission parvient à résoudre le problème, les recommandations ne sont pas exécutoires.

Le sénateur Watt : Est-ce qu'un pays candidat devrait quand même ratifier la décision, même si elle est approuvée?

M. Beaupré : Non.

Le sénateur Watt : Alors, elle n'a bas besoin d'être ratifiée?

M. Beaupré : Non. Vous voulez dire par un vote? Non.

Le président : Nous avons besoin de précisions quant au caractère exécutoire de la décision rendue par le groupe d'experts. Relativement au processus en deux étapes, est-ce que vous dites que la commission essaie de résoudre le problème avant que le groupe d'experts n'en soit saisi? Le groupe d'experts s'intéresse alors au problème et aboutit à une conclusion. Ensuite, soit la conclusion est exécutoire, soit elle est présentée à la commission. C'est l'un ou l'autre. Lequel? Est-ce que le groupe d'experts rend une décision exécutoire ou est-ce qu'il rend une décision qu'il recommande à la commission?

M. Beaupré : Seulement si la commission décide de former un groupe d'experts. La décision lui revient.

Le président : Je comprends cela. Je comprends que la commission est la première instance. Cependant, si elle ne parvient pas à résoudre le problème, il est renvoyé à un groupe d'experts qui en arrive ensuite à une conclusion. La conclusion du groupe d'experts est-elle exécutoire et doit-elle, par conséquent, être respectée par tous, ou s'agit-il simplement d'une recommandation que le groupe d'experts fait à la commission qui peut ensuite la rendre exécutoire?

M. Beaupré : C'est une décision exécutoire.

Le président : Est-elle exécutoire avant d'être transmise à la commission?

M. Beaupré : Oui.

Le président : D'accord.

Le sénateur Hubley : J'aimerais parler de la gestion de la conservation. Vous avez mentionné que l'objectif du Canada, au cours des dernières années, a été de « freiner la surpêche ainsi que d'assurer la pérennité des stocks de poisson et la santé à long terme de leurs écosystèmes. »

C'est cela que vous appelez la « gestion de conservation » au Canada?

M. Balfour : Je crois avoir fait référence à des réformes entreprises par l'OPANO en 2006 à l'égard de l'application de la loi. Les États du pavillon et les parties contractantes ont instauré des mécanismes de collaboration plus efficaces à l'égard des inspections de navire en haute mer dans la zone réglementée de l'OPANO, afin de s'assurer que les navires respectent toutes les règles applicables à la pêche.

Dans la zone réglementée de l'OPANO, sur le plan de l'application de la loi, le Canada exerce une présence efficace. En effet, deux patrouilleurs océaniques sont stationnés en permanence dans cette zone et inspectent des navires étrangers afin de s'assurer qu'ils pêchent les espèces désignées dans leurs permis, qu'ils possèdent les engins de pêche appropriés, qu'ils pêchent au bon endroit et que les prises accessoires respectent les dispositions prévues. Des observateurs doivent se trouver à bord des navires. Nous effectuons une surveillance aérienne de tous les navires dans cette zone. Nous disposons de moyens très efficaces pour appréhender les contrevenants, c'est-à-dire ceux qui pêchent dans des zones dans lesquelles ils n'ont pas le droit de pêcher et dans les zones où il est illégal de pêcher.

Nous pouvons garantir la viabilité de l'utilisation des ressources en haute mer. Comme je l'ai mentionné plus tôt, nous obtenons une bonne collaboration des États du pavillon lorsqu'il est nécessaire de rappeler les navires qui ont commis une infraction. Ces derniers sont alors rappelés dans leur port d'attache et nos agents des pêches sont invités à observer le déchargement et l'inspection de ces navires. De plus, les États du pavillon tiennent des registres des poursuites engagées contre les contrevenants ainsi que des amendes imposées et ils les transmettent au secrétariat de l'OPANO. Dans de nombreux cas, les amendes imposées par ces États sont plus élevées que celles imposées par le Canada pour des infractions similaires.

C'est le résultat de la gestion efficace des pêches.

Le sénateur Hubley : Je crois que le gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador a demandé aux gouvernements qui se sont succédé de poursuivre la gestion de conservation des stocks chevauchants. À votre avis, ce terme est-il défini dans les lois internationales ou s'agit-il d'un objectif de l'OPANO, d'établir notre propre conception de la gestion de conservation?

M. Balfour : Je ne suis pas avocat et je ne peux donc pas vous conseiller sur l'application des lois internationales. Je peux toutefois dire que, grâce aux mesures de coercition actuellement appliquées par l'OPANO et énoncées dans la convention modifiée, le Canada sera en mesure de s'assurer que les stocks chevauchants sont utilisés en respectant les règles de la conservation et de manière durable, que ce soit par les Canadiens dans notre zone ou par les Canadiens et les étrangers en haute mer.

Le sénateur Hubley : Il est difficile de croire qu'un pays ait pu, année après année, pêcher 10 fois plus que son quota sans que nous ayons moyen de l'en empêcher. Pouvons-nous le faire maintenant? Croyez-vous que nous pourrons mettre un terme à cela?

M. Balfour : Tout à fait. La nouvelle convention nous donnerait les outils nécessaires pour mettre un terme à ce genre de situations, alors qu'actuellement, c'est impossible.

Le sénateur Raine : J'aimerais obtenir des précisions sur les cas où le Canada peut demander à l'OPANO de réglementer à l'intérieur de notre zone de 200 milles. Pourquoi est-ce que cela figurerait dans la convention?

M. Balfour : Cela ne veut pas dire que le Canada demanderait à l'OPANO de faire quoique ce soit dans la zone. Rappelez-vous toutefois que le Canada est l'un des quatre États côtiers de la zone réglementée de l'OPANO. Les autres sont les États-Unis, la France, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, et le Danemark, pour le Groenland.

La Convention de l'OPANO couvre plus que les relations du Canada en tant qu'État côtier. Cette disposition fournit au Canada de la latitude à l'égard des exigences énoncées dans l'Accord des Nations Unies sur la pêche en vertu desquelles les États côtiers doivent avoir des mesures compatibles avec celles établies en haute mer par des organisations régionales de gestion des pêches.

Cette disposition permet en effet au Canada de déterminer ce qui pourrait constituer une mesure compatible, au lieu que ce soit l'OPANO qui établisse à quoi correspond une mesure comparable et compatible à l'intérieur de notre zone économique exclusive, la ZEE, aux exigences en haute mer. Il pourrait s'agir entre autres de prévoir des mesures de gestion, comme la largeur appropriée des mailles des chaluts utilisés pour pêcher le flétan noir ou de décider si, dans le cas d'une pêche assujettie à un moratoire — et il n'y a pas de pêche commerciale dans la zone réglementée de l'OPANO —, cette ressource pourrait être utilisée à des fins récréatives ou personnelles, ou encore d'établir si les exigences applicables aux observateurs à bord des navires canadiens dans la zone canadienne pourraient diverger de celles applicables aux observateurs à bord des navires dans la zone réglementée de l'OPANO.

Elle permet donc au Canada de décider de ce qui constitue une mesure compatible au lieu que ce soient les 11 autres parties contractantes ou membres de l'OPANO qui le fassent.

Le sénateur Raine : Je ne comprends toujours pas. On pourrait presque croire que le Canada abandonne une partie de sa compétence dans la zone de 200 milles et qu'il leur demande de s'en occuper.

M. Balfour : C'est quasi-hypothétique. Cela ne veut pas dire que les parties ne sont pas intéressées à collaborer entre elles.

Le sénateur Raine : Il ne s'agit que d'un mécanisme favorisant la circulation de l'information entre les parties.

M. Balfour : Cela ne s'applique pas qu'en cas de situation extrême. Je tiens à préciser que le Canada collabore avec les autres parties contractantes de l'OPANO dans le domaine de la science, de la collecte de données et de l'échange de données. Nous collaborons avec des chercheurs d'Espagne, par exemple, pour comprendre les caractéristiques des différents stocks, savoir où se trouvent les zones sensibles et trouver de nouvelles stratégies afin d'éviter des rencontres avec certaines espèces, comme les éponges et le corail, déterminer où nous devrions les protéger et ainsi de suite. Cela fait partie de notre approche future. Notre objectif est de mettre davantage l'accent sur une gestion écosystémique globale au lieu de gérer chaque espèce individuellement et de pêcher abondamment une espèce sans tenir compte du rôle qu'elle joue dans un réseau alimentaire, dans un écosystème ou dans la vie d'autres espèces. Cela fait partie de l'approche future du Canada et des États membres d'un organisme comme l'OPANO à l'égard de la pêche.

Le président : Le sénateur Raine a parlé de la clause la plus controversée et à l'égard de laquelle nous avons recueilli le plus de témoignages favorables et défavorables. Nous avons entendu que l'OPANO pouvait le faire maintenant, que des pays peuvent négocier sans rien mettre par écrit. Bien sûr, les mots laissent place à l'interprétation. Cela dépend de l'interprétation des mots.

Ceci dit, il est juste d'affirmer que, peu importe s'ils sont en faveur ou contre, les intervenants ne comprennent pas pourquoi cette clause existe. Nous avons entendu le témoignage du professeur McDorman de la Colombie-Britannique qui a dit que cette clause reflétait d'autres conventions de pêche en vigueur ailleurs dans le monde, mais qu'il ne fallait pas oublier qu'aucune autre convention de pêche au monde ne porte sur le nez et la queue du Grand Banc. Il a dit qu'il aurait préféré que cette clause ne figure pas dans la convention, sans toutefois penser qu'elle risque d'en compromettre la conclusion.

Nous avons entendu des témoignages véhéments de gens farouchement opposés à la clause. La semaine dernière, nous avons entendu Earle McCurdy et Ray Andrews, des commissaires qui ont participé aux négociations de la nouvelle convention. Earle McCurdy — et je pense que je le répète fidèlement ses propos — a dit qu'il ne comprenait pas pourquoi cette clause existait ou comment elle s'était retrouvée dans la convention et affirmé qu'il serait préférable qu'elle n'existe pas. En fait, il a proposé des mécanismes permettant de la contourner. Le sénateur Patterson et le sénateur MacDonald se rappelleront qu'il a lui-même proposé une solution pour contourner une clause qui, à son avis, pourrait comporter des risques. J'espère que je répète fidèlement ses propos.

C'est la clause la plus controversée. Il y a un risque. Je pense que les gens comprendront, une fois qu'on leur aura expliqué, qu'il est possible de faire certaines choses. C'est un premier pas. Un petit pas, mais tout de même un pas.

Certaines personnes appuient la nouvelle convention, d'autres appuient la majorité des deux tiers et d'autres encore appuient d'autres aspects et c'est peut-être une bonne chose. Il est toutefois juste d'affirmer que personne, même pas ceux qui appuient la nouvelle convention, n'appuie cette clause-là. Je ne pense pas me tromper en disant cela. Madame le sénateur Raine a soulevé la question la plus cruciale. J'espère que nous pourrons l'approfondir un peu plus. Le sénateur Dallaire aurait peut-être quelque chose à dire à ce sujet.

Le sénateur Dallaire : J'avais plutôt l'intention d'aborder l'aspect de l'application de la loi, si vous le permettez. Vous avez dit que l'application de la loi, la surveillance et la détection avaient été resserrés afin d'empêcher la pêche illégale. Premièrement, pouvez-vous m'expliquer ce qu'est un État autre qu'un État du pavillon? Pouvez-vous me donner un exemple d'État autre qu'un État du pavillon ou de navire qui ne bat pas pavillon?

M. Balfour : Tout navire qui pêche légalement est un navire battant pavillon. Il bat pavillon d'un État reconnu. S'il ne bat aucun pavillon, il ne devrait pas pêcher en haute mer. Si nous détections un tel navire dans la zone réglementée de l'OPANO, nous le saisirions et l'amènerions dans un port canadien pour entamer des poursuites. Nous l'avons fait par le passé.

Les États du pavillon, qui sont des parties contractantes de l'OPANO, doivent s'assurer que les capitaines de pêche qui battent leur pavillon respectent les règles fixées par l'OPANO et rendues exécutoires par l'État du pavillon.

Le sénateur Dallaire : Les bateaux de la Garde côtière sont rongés par la rouille. Vous dites que vous disposez d'une surveillance aérienne accrue. Deux navires sont déployés dans la zone. Quelles sont les ressources qui vous ont permis d'accroître ainsi la surveillance? Est-ce que le fait d'avoir diminué le nombre de navires dans la zone vous a permis d'obtenir de meilleurs résultats? Est-ce que vous disposez de ressources plus efficaces dans lesquelles le ministère a investi?

M. Balfour : Le nombre de navires de pêche et les efforts ont diminué dans la zone réglementée de l'OPANO. Ils ont diminué d'environ 37 p. 100 entre 2005 et 2008. Cependant, durant la même période, le taux de conformité des navires de pêche a augmenté.

En outre, le ministère fait des investissements substantiels pour la restructuration de la Garde côtière et le renouvellement de sa flotte, et je parle notamment de notre patrouilleur océanique qui permettra de resserrer l'application de la loi. Voilà ce que fait le ministère.

Le sénateur Dallaire : La Garde côtière ne dispose pas encore de ces navires. Avez-vous acquis plus d'aéronefs pour effectuer la surveillance ou achetez-vous du temps d'émission des satellites?

M. Balfour : Nous avons plus de temps d'émission des satellites. Les aéronefs que nous utilisons pour la surveillance nous sont fournis à contrat et ce n'est donc pas notre ministère qui en est propriétaire et qui les exploite. Les navires que nous utilisons ont subi une refonte de mi-durée et continuent d'être utilisés efficacement. Ils seront remplacés, lorsque cela sera nécessaire.

Le sénateur Dallaire : Avec les trois autres pays signataires de l'Accord des Nations Unies sur la pêche, l'ANUP, qui participent à la surveillance dans cette zone, comment pouvons-nous être certains que les dispositions de l'ANUP sont respectées dans la zone de 200 milles? Est-ce que je comprends bien le processus? Est-ce qu'il y a une sorte de réunion de ces quatre pays pour la surveillance à l'égard de la zone de 200 milles?

M. Balfour : Non. Le Canada a des relations bilatérales avec le Danemark, pour le Groenland, par exemple pour définir le cadre de collaboration de la gestion des stocks de crevettes le long du détroit de Davis, qui sépare l'île de Baffin et le Groenland. Nous avons des relations bilatérales similaires avec la France, pour Saint-Pierre-et-Miquelon, relativement à la gestion des stocks qui traversent ces deux zones. Cependant, il n'existe aucun mécanisme prévoyant des discussions entre les quatre États côtiers. Par contre, ces États discutent dans le cadre de l'OPANO et les États côtiers reconnaissent que le Canada est de loin l'État côtier ayant le plus d'intérêts dans la pêche en haute mer, au large des côtes.

Le sénateur Dallaire : À l'OPANO, avez-vous discuté de la question de l'intérieur de la zone de 200 milles?

M. Balfour : Oui, nous avons discuté des répercussions sur les décisions prises au moyen du processus de l'OPANO, de la reconnaissance et du respect de la souveraineté des États côtiers respectifs.

Le sénateur Dallaire : La souveraineté n'est plus un absolu. Merci.

Le sénateur MacDonald : Je remercie les témoins de comparaître devant nous aujourd'hui. J'aimerais avoir des précisions sur quelques questions, pour que nous ayons un peu plus de contexte.

Une grande partie des préoccupations au sujet des nouvelles mesures mises en avant et du mécanisme de résolution des conflits proposé émanent du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Dans votre exposé, vous avez dit : « Les hauts dirigeants du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador étaient membres à part entière de la délégation canadienne qui a négocié ces modifications et ils nous appuyé durant toutes les négociations. » De toute évidence, certains éléments au gouvernement ont changé. La Nouvelle-Écosse avait-elle une délégation complète au sein de la délégation canadienne?

M. Balfour : Non, la Nouvelle-Écosse n'avait pas de représentants aux négociations de l'OPANO, mais l'industrie de la pêche de la Nouvelle-Écosse en avait.

Le sénateur MacDonald : La Nouvelle-Écosse a-t-elle été invitée? A-t-elle refusé l'invitation? Y avait-il un raison particulière pour laquelle la Nouvelle-Écosse n'a pas participé?

M. Balfour : Je pense que, traditionnellement, la Nouvelle-Écosse ne participe pas aux négociations de l'OPANO, à titre de province. Cette dernière estime — en fonction de ses priorités — que ces négociations ne sont pas aussi importantes pour elle que pour Terre-Neuve-et-Labrador. Il va sans dire que si la Nouvelle-Écosse souhaitait faire partie de la délégation canadienne aux négociations de l'OPANO, nous l'encouragerions et nous l'inviterions à y participer.

Le sénateur MacDonald : Je devrais peut-être l'encourager moi aussi. Je me pose des questions au sujet de cet éventuel groupe spécial chargé d'examiner les différends. Pouvez-vous me dire combien de pays en feraient partie? Y a-t-il un nombre prédéterminé de participants? Comment la participation à ce groupe sera-t-elle établie? Le Canada ferait-il toujours partie ce de groupe?

M. Beaupré : J'aimerais trouver le nombre approprié. Si je me rappelle bien — parce que ça fait déjà un moment — ce groupe spécial comprendrait des membres de toutes les parties, mais je ne suis pas absolument certain. Je peux néanmoins vérifier.

Le sénateur MacDonald : J'apprécierais que vous vérifiiez. Est-ce qu'on sait si le Canada fera toujours partie de ce groupe?

M. Beaupré : Oui, le Canada peut en faire partie.

Le sénateur MacDonald : Mais en ferait-il toujours partie?

M. Beaupré : Il pourrait.

Le sénateur MacDonald : D'accord, mais en fera-t-il partie?

M. Beaupré : Je pense que oui.

Le sénateur MacDonald : Je reviens à un point que le président a soulevé plus tôt. Il y a quelques semaines on a essentiellement proposé de nommer des représentants provinciaux pour discuter des propositions que le gouvernement fédéral pourrait présenter concernant ce mécanisme de règlement des différends. Corrigez-moi si j'ai tort, monsieur le président, mais je crois que M. McCurdy a proposé une formule conjointe selon laquelle les provinces intéressées aux négociations en cours devraient approuver ce que le gouvernement fédéral proposerait avant que celui-ci ne passe à l'action. Est-ce exact?

Le président : C'est exact. M. McCurdy a ni plus ni moins suggéré un protocole d'entente ou un accord entre le gouvernement fédéral et les intervenants provinciaux. Selon cette entente ou cet accord, peu importe l'étiquette qu'on lui donne, le gouvernement du Canada n'invoquerait jamais cette clause, ne demanderait jamais que cette procédure soit mise en oeuvre et ne voterait jamais en faveur de celle-ci avant d'avoir consulté les provinces et les territoires concernés, notamment Terre-Neuve-et-Labrador, le Québec, la Nouvelle-Écosse et le Nunavut.

Le sénateur MacDonald : J'aimerais parler de cette proposition avec les deux témoins. Le gouvernement du Canada serait-il favorable à ce genre d'approche? Y aurait-il des consultations auprès des provinces au sujet de la prise de ces décisions?

M. Balfour : Premièrement, j'aimerais dire que toutes les décisions de l'OPANO sont prises au terme de vastes consultations avec l'industrie et les provinces. Voilà notre approche à l'égard de toutes les propositions que nous présentons à l'OPANO et celle que nous adopterions certainement si nous envisagions un jour de faire intervenir l'OPANO d'une manière ou d'une autre dans la zone économique exclusive du Canada.

Je sais que M. McCurdy a fait cette suggestion après avoir entendu le point de vue que Terre-Neuve-et-Labrador a récemment exprimé au sujet du paragraphe 10 de l'article VI du projet de modification à la Convention de l'OPANO actuellement à l'étude. Cependant, le Canada est fort conscient de l'importance de s'acquitter de ses responsabilités dans l'avenir. De toute évidence, le gouvernement n'a pas l'intention d'aller de l'avant sans consulter les provinces et l'industrie.

Le sénateur MacDonald : Je pense qu'il ne parlait pas tant d'un engagement mais plutôt d'une sorte de veto à l'égard de la position du gouvernement, que les provinces et l'industrie devraient approuver avant sa présentation.

M. Balfour : Je ne suis pas en mesure de faire davantage d'observations à ce sujet.

Le président : Les déclarations portent à croire que le gouvernement du Canada ne procéderait jamais de cette façon. Il ne le ferait peut-être pas, quel que soit le parti au pouvoir. Cependant, si c'est prévu, c'est dangereux, voilà ce qu'il voulait dire.

Si je ne m'abuse, il a également dit que si on se débarrasse de tout cela et qu'on essaie de repartir à zéro, on rencontrera quand même des difficultés. Il a reconnu que la convention modifiée comportait des éléments judicieux, mais il n'a pas convenu qu'elle était souhaitable. Voilà sa suggestion à l'égard de cette clause en particulier. Comme l'a dit le sénateur MacDonald, il ne s'agit pas uniquement de consultation; le gouvernement du Canada ne pourrait pas recourir au mécanisme proposé qui consiste à inviter l'OPANO à prendre des mesures dans la limite des 200 milles.

Le sénateur MacDonald : En conclusion, j'aimerais que vous compreniez messieurs que la plupart des gens de la côte Est qui oeuvrent dans l'industrie de la pêche font confiance aux dirigeants du MPO et qu'ils comptent sur ces derniers pour prendre des décisions judicieuses. Depuis des années — vous m'avez déjà entendu le dire —, les intérêts de l'industrie de la pêche entrent en conflit avec les manouvres du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. Voilà où le MPO peut parfois se faire intimider.

Je suis de votre avis à cet égard. Nous voulons simplement nous assurer que le MPO ait le dernier mot et que ses décisions ne soient pas renversées par un autre ministère.

Le sénateur Raine : Je vous demanderais d'être tolérants car je suis vraiment un néophyte dans le domaine. Je sais que la Convention des Nations Unies sur le droit de la mer, UNCLOS, a été signée par tout le monde. Ai-je raison de dire que l'OPANO figure dans l'UNCLOS à titre d'organisme de réglementation ou de convention?

M. Balfour : Je ne suis pas expert en droit international et il y a une longue série d'instruments juridiques internationaux sur la question. J'imagine que l'UNCLOS vient en tête de ceux-ci. L'Accord des Nations Unies sur la pêche, qui applique les dispositions de l'UNCLOS, vise à reconnaître et à affirmer le droit des États côtiers et leur souveraineté. Cet accord prévoit certaines règles régissant le fonctionnement des organisations régionales de gestion des pêches. Toutefois, l'OPANO et ses prédécesseurs existaient déjà avant l'entrée en vigueur de l'UNCLOS.

Le sénateur Raine : Je ne comprends pas pourquoi la Corée et le Japon font partie de cette organisation et qu'ils ont le même droit de vote que le Canada. Ce n'est vraiment pas leur place.

M. Balfour : Ils ont des intérêts dans les ressources halieutiques. Ils pêchent depuis longtemps dans ce secteur qui, en haute mer, correspond aux eaux internationales.

Le sénateur Raine : Pourquoi limiter cette convention à 12 parties contractantes? Pourquoi tous les États du monde n'en sont-ils pas signataires?

M. Balfour : D'autres États pourraient également être membres de l'organisation.

Le sénateur Raine : Est-ce qu'un État peut en devenir membre n'importe quand?

M. Balfour : Oui, mais cela ne veut pas nécessairement dire que l'organisation accorderait un quota au nouvel État membre.

Le sénateur Raine : Les pays membres ont un quota parce que c'est un privilège acquis depuis longtemps.

M. Balfour : Oui.

Le sénateur Raine : J'imagine que ces pays ne sont pas vraiment ceux qui sont au coeur du problème — et que celui- ci concerne davantage l'Union européenne, n'est-ce pas?

M. Balfour : Dans le passé, certains pays membres de l'Union européenne ont posé un problème.

Le sénateur Raine : J'ose espérer que cette nouvelle organisation pourra établir des quotas axés sur la conservation que toutes les parties respecteront.

M. Balfour : L'OPANO doit établir des quotas axés sur la conservation et des pratiques de pêche correspondant à une approche de gestion écosystémique et préventive. Voilà quelques principes que la nouvelle convention modifiée introduit dans le mode de pêche des États signataires de l'OPANO.

Le sénateur Raine : Ces principes ne figurent-ils pas déjà dans la convention?

M. Balfour : Non. La nouvelle convention exige que l'OPANO respecte ces principes. Un examen périodique du rendement de l'organisation doit montrer que celle-ci favorise la conservation et une pêche durable et que ses décisions reposent sur des recommandations scientifiques et tiennent compte de la protection de l'écosystème.

Voilà entre autres comment les pêcheries doivent être gérées aujourd'hui et dans l'avenir. De plus, comme je l'ai indiqué plus tôt, c'est de cette façon que les citoyens des États membres, ici et en Europe, souhaitent que soit gérée la pêche. Les Canadiens ne toléreront pas les pratiques de pêche que certains États membres de l'UE ont introduites dans le passé.

Le sénateur Raine : De toute évidence, il y a deux problèmes. D'une part, il faut établir le quota total en fonction de données scientifiques et, d'autre part, il faut décider qui obtient une part de ce quota et quelle sera cette part. Le problème survient lorsque certains intervenants ne sont pas satisfaits du quota total.

M. Balfour : En fait, c'est l'une des principales raisons pour lesquelles l'industrie canadienne insiste tellement pour appuyer le passage à la majorité des deux tiers des voix, pour être en mesure de protéger plus efficacement les quotas canadiens — problème que l'industrie canadienne de la pêche connaît dans ce secteur — en tenant compte des sacrifices que les pêcheurs canadiens et les collectivités canadiennes ont dû consentir à cause des moratoires imposés sur certains stocks pour permettre la reconstitution. L'industrie canadienne pourra bénéficier de la reconstitution des stocks et ne verra pas, pour des raisons arbitraires, d'autres la priver de cette possibilité.

Le sénateur Patterson : Vous venez de répondre à ma question au sujet de l'approche écosystémique et du lien qui existe entre les différents stocks de poisson. Si je ne m'abuse, les scientifiques s'entendent pour dire qu'il faut retenir l'approche écosystémique plutôt que de considérer les divers stocks sans tenir compte de l'ensemble de l'écosystème.

Vous avez donné des exemples précis sur la façon dont l'approche écosystémique est intégrée dans le projet de convention. Vous avez également parlé de l'approche préventive. Pourriez-vous préciser ce que cela signifie et comment cette approche est intégrée dans la convention dont nous sommes saisis et qu'on nous demande de ratifier?

M. Balfour : Dans le domaine des sciences, l'approche préventive signifie qu'il faut être en mesure de faire la modélisation des stocks de poisson. On ne devrait pêcher que lorsque les stocks sont dans une fourchette sûre et réduire la pêche lorsqu'on constate que les stocks diminuent et deviennent plus à risque.

Je vous donne un exemple concernant la limande à queue jaune dont la population est actuellement en augmentation selon le Conseil scientifique de l'OPANO. Cette espèce a fait l'objet d'un moratoire qui a été levé il y a quelques années; on note aujourd'hui des signes de reconstitution des stocks. Les experts de l'OPANO ont recommandé d'augmenter cette année le TAC, soit le total autorisé des captures, pour cette espèce. Or, le Conseil canadien des pêches avait décidé de maintenir le TAC au même niveau que l'an dernier. Cette décision reposait notamment sur le fait que la pêche à la plie canadienne, une espèce fort importante pour l'industrie canadienne, est actuellement fermée, et qu'il s'agit également d'une capture accessoire lors de la pêche à la limande à queue jaune. Les stocks de plie canadienne sont eux aussi en reconstitution et leur situation permet d'envisager la réouverture de la pêche dans un an ou deux. La décision qui repose sur l'approche préventive et qui tient compte du lien entre les espèces a été prise pour maintenir le TAC plus bas pour la limande à queue jaune cette année.

Le sénateur Patterson : Est-ce là l'esprit de la nouvelle convention qui est appliquée même si elle n'a pas encore été ratifiée?

M. Balfour : Je dirais que oui. J'estime que tous les États qui pratiquent la pêche souscrivent à l'esprit de la nouvelle convention qui correspond à la façon dont nous devrions gérer les pêches dans l'avenir. Il n'est pas question de tenter de limiter l'ampleur des captures mais plutôt de gérer prudemment et judicieusement les stocks pour que lors de la réouverture de la pêche, il soit possible d'assurer une certaine stabilité et une certaine certitude à l'industrie quant à la possibilité de continuer à capturer ces espèces et de permettre que les stocks se reconstituent et augmentent.

En outre, on peut montrer à nos marchés, aux consommateurs et aux citoyens que nous sommes collectivement efficaces pour assurer la conservation et l'utilisation durable de la ressources et que les règles sont bien respectées à cet égard. Voilà vraiment le futur ordre mondial, ce ne seront pas vraiment les pays qui exigeront des comptes des États qui pratiquent la pêche. Ce seront plutôt les marchés qui exigeront que les États se dotent de règles appropriées, qu'ils les respectent et qu'ils assurent la durabilité des pêches.

Les pratiques qui avaient cours dans le passé, qui ont notamment permis à certains États de fixer leurs propres quotas et de pêcher au point d'épuiser les ressources, sont absolument inacceptables et ne seront désormais plus permises sur les marchés des pays industrialisés.

Le sénateur Patterson : Nous sommes restés un peu sur notre appétit en ce qui concerne la procédure d'objection qui, de toute évidence, n'a pas fonctionné dans le passé. J'aimerais avoir certaines précisions à ce sujet pour éclairer ma lanterne et celle du comité.

Il s'agit d'un processus qui comporte deux étapes. Premièrement, on met sur pied un groupe ponctuel d'experts qui tentera de trouver une solution à l'objection, à l'extérieur, probablement dans un délai de cinq mois. À défaut d'en arriver à une solution, un mécanisme de règlement des différends est mis en place et la décision qui est prise est exécutoire. Est-ce bien cela?

M. Balfour : Oui.

Le sénateur Patterson : Dans votre exposé, vous avez dit une phrase qui ne figure pas dans le texte de votre témoignage. J'en ai pris note. Au sujet du processus de résolution des différends, vous avez dit « il s'agit d'un processus plus long, étant donné que le règlement de différends internationaux prend généralement plus de temps. » Vous avez ensuite ajouté « toutefois, dans l'intervalle, la décision du groupe spécial d'experts s'appliquerait ».

Certains d'entre nous étaient perplexes parce que, comme le sénateur Robichaud l'a mentionné, dans le paragraphe précédent, il est dit que la commission peut mettre en oeuvre les recommandations du groupe ponctuel d'experts. Cependant, dans la phrase qui ne figure pas dans le texte que j'ai en main, vous avez dit « la décision du groupe spécial d'experts s'appliquerait ». Est-ce bien ce que vous avez dit?

M. Balfour : Si j'ai bien compris le mécanisme de règlement des différends, c'est au comité ponctuel d'experts qu'il incombe dans un premier temps de trouver une solution. S'il n'y arrive pas, ses recommandations s'appliquent néanmoins pendant le processus de résolution plus long. Ce n'est pas comme si un pays pouvait simplement déclarer un quota et continuer à pêcher pendant le processus de résolution plus long; il doit tenir compte des conclusions du groupe ponctuel d'experts.

Le sénateur Patterson : Pas plus tard que la semaine dernière, nous avons reçu un point de vue passablement différent du ministre des Pêches de Terre-Neuve en ce qui a trait au processus. Par conséquent, il est important que nous éclaircissions la question. Vous affirmez que la convention modifiée prévoit un processus plus robuste et plus définitif que la convention actuelle. Est-ce exact?

M. Balfour : Tout à fait. La convention actuelle ne prévoit absolument aucun processus. Maintenant, il y a un. Qui plus est, ce processus prévoit une reddition de comptes et mènera à un règlement définitif. Par surcroît, il exige que toutes les parties montrent qu'elles agissent de façon responsable et qu'elles respectent les principes de la convention jusqu'à la fin du processus de résolution, notamment en ce qui a trait à la conservation.

Comme mon collègue, M. Beaupré l'a indiqué plus tôt, l'État qui soulève une objection doit dorénavant en préciser les motifs. Auparavant, un pays pouvait soulever une objection et tout simplement continuer à pêcher son quota. L'État qui présente une objection doit dorénavant montrer que, d'une façon ou d'une autre, il a fait l'objet d'un traitement discriminatoire dans l'application du processus de l'OPANO et montrer en quoi la décision de l'OPANO a été injuste à son endroit. Une telle procédure n'existait pas jusqu'à maintenant. La nouvelle procédure rend tous les États membres nettement plus responsables et exige qu'ils rendent des comptes.

Le président : Quelles sont les sanctions, en cas de non respect de la décision exécutoire?

M. Beaupré : Si vous me le permettez, monsieur le président, je rappelle, comme je l'ai dit précédemment, que l'esprit de la procédure d'objection proposée dans la convention modifiée — et le mécanisme de règlement des différends — est de forcer l'organisation à régler le problème. Ce n'est pas la formule qui est appliquée à l'heure actuelle.

Nous n'avons pas été saisis de très nombreuses objections au cours des dernières années. Il y en a eu deux. L'une émanait du Danemark et était présentée au nom des îles Féroé et du Groenland et concernait la crevette. L'autre venait de l'Islande qui s'opposait au régime de gestion axé sur les efforts et privilégiait un TAC. Il s'agit d'une objection plutôt mineure dans la mesure où nous ne sommes pas fondamentalement opposés à ce point de vue. On a établi un quota axé sur une mesure de gestion, ce qui règle le problème à la satisfaction de la plupart des autres parties.

Par conséquent, comme la nouvelle procédure force la commission à régler tout problème avec les parties mises en cause qui se sont probablement rencontrées trois mois plus tôt; les parties sont forcées de discuter pour en arriver à une conclusion. Peu de parties souhaitent soumettre leur objection à un tribunal qui rendra une décision exécutoire parce que cette formule comporte de l'incertitude. Le fait d'exiger que la commission se penche sur un problème, l'analyse et y trouve une solution s'inscrit vraiment dans le droit fil de l'esprit de la procédure actuelle d'objection.

Le président : D'accord, mais y a-t-il une sanction? Auparavant, des quotas étaient établis et les États pouvaient présenter des objections à cet égard, fixer leurs propres quotas et continuer à pêcher. Dans bien des cas, ces États dépassaient les quotas qu'ils avaient eux-mêmes fixés et aucune sanction n'était prévue.

Maintenant, il y a un mécanisme de résolution des différends. Cependant, qu'arrive-t-il si les États ne respectent pas plus ce mécanisme que la formule antérieure? A-t-on prévu des sanctions au cas où les États refusent de se conformer à la décision rendue au terme du processus de règlement des différends?

M. Beaupré : N'importe quelle partie pourrait saisir un tribunal international du cas d'un État qui ne respecte pas les décisions de la commission. Cela pourrait se faire, notamment en vertu de l'Accord des Nations Unies sur les stocks de poissons chevauchants et grands migrateurs ou UNAP.

Le président : Les États délinquants pourraient néanmoins continuer à pêcher.

M. Beaupré : Ils pourraient continuer à pêcher pendant un moment. Je crois néanmoins que le tribunal international pourrait rendre une décision provisoire qui serait exécutoire. Cette décision serait rendue pendant que le tribunal examine l'affaire.

Le président : Je dois dire que je n'y vois pas encore parfaitement clair. Je sais que le sénateur Patterson a tenté d'éclaircir la question. En ce qui me concerne, elle n'est pas encore claire.

Le sénateur Dallaire : Cela m'amène à demander quelles sont les règles d'engagement concernant l'arraisonnement de ces bâtiments et leur immobilisation complète lorsqu'ils dépassent les limites établies par les organisations compétentes.

Est-ce qu'on arraisonne effectivement les navires et est-ce qu'on les ramène sur nos côtes? Avons-nous la capacité de procéder de cette façon?

M. Beaupré : À l'heure actuelle, nous avons au moins deux, parfois trois navires de patrouille dans les eaux de la zone réglementée par l'OPANO. Mon collègue a également dit que nous faisons de la surveillance aérienne. Il est possible d'arraisonner un navire n'importe quand dans la zone réglementée par l'OPANO et de vérifier les captures.

Les règles de l'OPANO — dans la convention actuelle et dans la version modifiée — qui sont conformes à l'ANUP, règlementent le déroulement des inspections. En cas de violation, les parties ont des obligations qui sont fonction de la gravité de la situation.

Dans bien des cas, au cours des dernières années, nous avons arraisonné des bâtiments. Nous avons émis des constats d'infractions graves en vertu des mesures réglementaires de l'OPANO. Nous avons collaboré avec les parties mises en cause, notamment l'UE. Dans la plupart des cas, au cours des dernières années, les bâtiments délinquants ont été rappelés au port dans leur pays d'origine, mais ils peuvent choisir un autre port s'ils le souhaitent. Nos inspecteurs ont même été invités à titre d'observateurs.

Le sénateur Dallaire : Vous répétez ce qui a déjà été dit. Dans le cas d'un différend qui dure cinq, six ou sept mois, si nous partageons votre opinion, pourquoi ne ramène-t-on pas ces bâtiments dans nos ports et ne les y retient-on pas jusqu'au règlement du différend et pourquoi ne les empêche-on pas de pêcher?

M. Beaupré : Je ne pense pas que nous puissions procéder de cette façon. Nous devons respecter les règles de la commission.

Le sénateur Dallaire : J'ai également examiné les règles des Nations Unies et il me semble que vous avez le pouvoir de prendre de telles mesures, du moins d'après ce qui est dit dans le document que j'ai lu.

M. Beaupré : Dans l'Accord des Nations Unies sur la pêche, il est possible d'arraisonner un bâtiment. Après l'arraisonnement, il faut aviser la partie concernée et l'État du pavillon; ce dernier dispose alors de 72 heures pour intervenir. S'il omet de le faire, il est alors possible d'escorter le bâtiment jusqu'à un port canadien. Vraisemblablement, l'État du pavillon devrait intervenir dans les 72 heures.

Le sénateur Dallaire : En pareil cas, j'emploierais les grands moyens. J'envisagerais des mesures économiques pour exercer des pressions. On s'emploie tous de bonne foi à régler un problème. Toutefois, au moment où les stocks se reconstituent, où l'industrie reprend de la vigueur et où d'autres demandes se manifestent, il faut prendre des mesures plus musclées. Le Conseil de sécurité des Nations Unies a le pouvoir d'ordonner une intervention. J'estime qu'il y a une lacune.

Je reviens à mon argument. Vous dites que deux navires sont prêts à intervenir. Aurions-nous besoin de six navires pour faire le travail comme il se doit lorsque la saison de la pêche battra son plein? Recevez-vous un financement pour vous acquitter de cette tâche ou le financement demeure-t-il une grande inconnue dans l'équation?

M. Balfour : À l'heure actuelle et d'après nos prévisions budgétaires, nous recevons un financement approprié pour répondre aux besoins et pour assurer une présence efficace et proportionnelle dans la zone réglementée par l'OPANO.

Je me rappelle néanmoins d'un incident survenu dans le passé. Nous avons la capacité d'arraisonner des navires avec une équipe armée. Il y a plusieurs années, nous avons arraisonné en haute mer un bâtiment espagnol qui avait fait de la surpêche. Nous avons saisi le bâtiment et nous l'avons escorté jusqu'à un port canadien. Il a été traduit devant les tribunaux canadiens qui ont établi que, en vertu du droit international, nous n'avions pas le pouvoir d'intervenir comme nous l'avons fait. Voilà pourquoi nous nous concentrons actuellement sur l'OPANO et sur d'autres moyens pour gérer la situation de façon coopérative.

Le sénateur Raine : Pourriez-vous élaborer juste un peu? Le principal défi consiste effectivement à faire un arraisonnement avec une équipe armée et à escorter le navire délinquant jusqu'au port. Vous dites que nous n'avons pas l'autorisation de procéder de cette façon?

M. Balfour : Je répète encore une fois que je ne suis pas expert en droit international, mais il va sans dire que nos interventions doivent en respecter les dispositions.

Le sénateur Raine : Le navire en question se trouvait probablement à l'extérieur de la zone des 200 milles. S'il avait été à l'intérieur de la zone des 200 milles, nous aurions été autorisés à faire cette intervention.

M. Balfour : La situation aurait été entièrement différente. En pareil cas, nous pouvons prendre toutes les mesures nécessaires.

Le sénateur Raine : J'ai une autre question au sujet de l'opportunité de l'étude que nous effectuons actuellement. Il ressort qu'on respecte actuellement l'esprit de la convention parce que tout le monde convient de la nécessité d'adopter une approche écosystémique et durable en matière de pêche. Par conséquent, si on respecte déjà l'esprit de la convention, pourquoi y a-t-il urgence à ratifier la nouvelle convention? À ce jour, seule la Norvège l'a ratifiée. Nous devrions peut-être prendre notre temps, notamment parce que les provinces et le Nunavut sont nos partenaires et qu'il nous incombe de veiller à ce que tous les intervenants souscrivent aux décisions que nous prenons. À défaut de ce faire, nous causerons énormément de frustration au sein du Canada.

M. Balfour : C'est précisément la raison qui justifie la présente étude. Nous devons nous assurer que le processus est transparent et qu'il permet d'examiner les modifications proposées à la convention et d'en discuter avant que le Canada ne les ratifie. Il faudra vraisemblablement de nombreuses années avant que suffisamment d'États membres de l'OPANO n'aient officiellement ratifié la nouvelle convention pour qu'elle entre en vigueur. Nous ne nous attendons pas à ce que cela se produise dans un avenir rapproché. Nous nous employons néanmoins à respecter l'esprit et l'objet de la nouvelle convention et à l'appliquer dès maintenant. Nous ne devrions pas attendre qu'elle soit ratifiée pour ce faire. La présente étude vise à débatte à fond les modifications proposées et à examiner tous les faits pertinents.

Le président : Honorables sénateurs, je ne pense pas que nous puissions régler la question ce soir. Il faut y consacrer plus de temps. Nous devons également inviter d'autres témoins et délibérer davantage. Notre étude se poursuivra, mais nous devons nous arrêter ici pour aujourd'hui. Nous remercions les témoins qui ont comparu devant nous.

(La séance est levée.)


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