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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 2 - Témoignages du 4 mars 2009


OTTAWA, le mercredi 4 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international s'est réuni ce jour à 16 h 5 pour étudier, afin d'en faire rapport, le Rapport de l'examen législatif d'Exportation et développement Canada de 2008, déposé au Sénat le mardi 10 février 2009.

Le sénateur Consiglio Di Nino (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : J'aimerais souhaiter la bienvenue à tous à cette séance du Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. C'est notre deuxième séance consacrée à l'examen du document intitulé « Rapport de l'examen législatif d'Exportation et développement Canada », daté de décembre 2008.

Le but de l'examen est d'évaluer la façon dont évolue, et devrait continuer d'évoluer, Exportation et développement Canada, pour faire face à la situation concurrentielle et à la demande sur le marché international au nom de ses intervenants et de présenter des recommandations, le cas échéant, notamment d'éventuelles modifications à la Loi sur le développement des exportations.

Comparaissent devant le comité aujourd'hui, Mme Lise Carrière, chef, et M. John Davies, directeur, tous deux de la Division des finances internationales et du développement, Finances et échanges internationaux, du ministère des Finances.

Nous entendrons ensuite M. Ian Miller, agent principal et directeur de pays d'Atradius.

[Français]

M. Davies, Directeur, Division des finances internationales et développement, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Monsieur le président, mes remarques seront centrées autour de trois aspects : le rôle du ministère des Finances vis-à-vis EDC, les récentes mesures annoncées dans le budget concernant EDC ainsi que leur impact sur l'examen législatif.

[Traduction]

Je vais d'abord parler des attributions et des responsabilités du ministre des Finances pour vous présenter le contexte dans lequel nous exerçons nos responsabilités.

Le ministre du Commerce international est le principal ministre responsable d'EDC, mais le ministre des Finances joue un important rôle de surveillance compte tenu des attributions que lui confère la Loi sur la gestion des finances publiques et la Loi sur le développement des exportations.

Pour ce qui est de la Loi sur la gestion des finances publiques, le ministre des Finances approuve le pouvoir d'emprunter à court et long terme d'EDC et présente au Conseil du Trésor des recommandations au sujet du Plan de la Société EDC.

Pour ce qui est de la Loi sur le développement des exportations et des règlements, l'agrément du ministre est aussi exigé pour la recapitalisation d'EDC, pour les opérations reliées au Compte du Canada, les modifications réglementaires ainsi que pour l'appui accordé par EDC en matière d'assurance nationale et pour les opérations de crédit. Le point essentiel à retenir est que le ministre du Commerce international collabore avec le ministre des Finances sur les questions touchant EDC, même si c'est le ministre du Commerce international qui est le premier responsable de cette institution.

Il est toutefois important de noter qu'EDC est touché par les larges pouvoirs que possède le ministre des Finances. Parmi ceux-ci figure la responsabilité d'établir le cadre politique et les textes législatifs régissant le secteur des services financiers, étant donné qu'EDC est un fournisseur important de services financiers et d'assurance, celle d'administrer les engagements financiers généraux du gouvernement ce qui, dans le cas d'EDC, concerne des engagements de plus de 28 milliards de dollars de dette éventuelle et de 26 milliards de dollars d'emprunts, qui sont intégrés aux finances du gouvernement.

Le ministre des Finances est également chargé de négocier les ententes multilatérales ou bilatérales touchant les règles mondiales applicables au financement des exportations par le biais de l'Organisation de coopération et de développement économiques, l'OCDE, et des autres organisations internationales, ainsi que les politiques d'allégement de dette, notamment la négociation des radiations bilatérales des engagements d'un autre pays envers le Canada détenus par l'intermédiaire d'EDC, qui s'effectuent bien souvent dans le cadre du Club de Paris des créanciers officiels. À la fin de 2007, EDC avait 2,2 milliards de dollars de dettes souveraines dans ses comptes. Voilà quelles sont, en bref, les responsabilités du ministère des Finances du Canada à l'égard d'EDC.

Je vais maintenant aborder les mesures contenues dans le Budget 2009 qui touchent Exportation et développement Canada. Le Budget 2009 comprend une série de mesures destinées à améliorer l'accès au financement pour l'économie et à protéger et renforcer le secteur financier canadien. Avec cet ensemble de mesures, le gouvernement a accordé de nouvelles ressources et une nouvelle souplesse à ses sociétés d'État financières — Exportation et développement Canada, la Banque de développement du Canada et la Société canadienne d'hypothèques et de logement — pour qu'elles puissent accorder un financement supplémentaire aux entreprises canadiennes dans les circonstances extraordinaires actuelles.

Le budget contient quatre mesures importantes qui touchent EDC. La première est une modification temporaire du mandat d'EDC pour permettre à cette société de soutenir le commerce national ainsi que les exportations de façon à combler les lacunes du marché et à pouvoir le faire plus rapidement. EDC travaillera en collaboration avec les institutions financières et les assureurs crédit privés pour renforcer et multiplier leur capacité d'appuyer les entreprises canadiennes pendant cette période économique extraordinaire. Ce changement sera d'une durée de deux ans de façon à permettre l'achèvement de l'examen législatif et à donner suffisamment de temps à EDC pour combler, en collaboration avec les institutions financières, les difficultés d'accès au marché.

Le deuxième secteur de changement découlant du budget fait passer de 30 à 45 milliards de dollars la limite de la dette éventuelle d'EDC. Cette mesure donnera à EDC le moyen d'accroître et de renforcer ses programmes de garantie et d'assurance, tant sur le marché national que sur le marché de l'exportation, de façon à encourager les banques commerciales à continuer d'accorder des prêts et à faciliter l'accès au financement — un aspect clé pour les entreprises canadiennes. Ce changement donnera à la société des moyens d'intervention plus souples pour répondre à la crise; il est conforme avec ses propres prévisions de croissance de la demande et accélérera le processus, compte tenu de la nécessité constamment renouvelée d'augmenter les limites de dette éventuelle que nous avons connues ces dernières années, opération qui s'effectue par le biais du Budget supplémentaire des dépenses.

Le troisième secteur de changement que contient le Budget 2009 consiste à faire passer de 13 à 20 milliards de dollars la limite du Compte du Canada. Cette mesure a été prise pour veiller à ce que le gouvernement ait la capacité de fournir directement du crédit et pour répondre aux besoins de financement des entreprises dans les secteurs stratégiques et durement touchés de l'économie canadienne, en cas de besoin. Cette augmentation est très proche de la limite actuelle de 13 milliards de dollars fixée en 1987, ajustée pour tenir compte de l'inflation. L'objectif du Compte du Canada est décrit à l'article 23 de la Loi sur le développement des exportations. Le but est de rendre possibles les opérations que ne peut envisager le compte social d'EDC mais qui sont réputées être dans l'intérêt national. L'exemple le plus récent d'une opération appuyée sur le Compte du Canada est le soutien accordé récemment au secteur automobile.

Le quatrième et dernier domaine de changement que contient le Budget 2009 est l'augmentation de la limite du capital autorisé d'EDC et de la Banque de développement du Canada, BDC, qui passe de 1,5 à 3 milliards de dollars, de façon à permettre au gouvernement d'injecter des capitaux supplémentaires dans ses sociétés d'État financières, si cela s'avérait nécessaire pour faciliter le crédit. Dans sa déclaration économique et financière, le gouvernement a fourni à EDC des fonds supplémentaires de 350 millions de dollars, pour porter la capitalisation totale d'EDC à près de 1,3 milliard de dollars.

[Français]

En somme, la marge de manœuvre accrue et les ressources allouées à EDC vont permettre d'accorder davantage de financement aux entreprises canadiennes durant cette période difficile.

[Traduction]

Pour ce qui est de la mise en œuvre des mesures budgétaires, comme je l'ai mentionné, l'injection de capital de 350 millions de dollars a déjà été effectuée. Les prêts de 3 milliards de dollars consentis au secteur automobile s'appuient sur le Compte du Canada et font à l'heure actuelle l'objet de négociations. Le ministère des Finances du Canada et EDC travaillent avec des assureurs privés à la mise en œuvre des mesures budgétaires concernant le rôle d'EDC sur le marché national de l'assurance crédit. Le ministère est la principale composante du groupe de travail dans ce domaine.

EDC participe au Programme de crédit aux entreprises, connu sous le sigle PCE. Ce programme va faciliter l'accès au financement en renforçant la collaboration entre les institutions financières du secteur privé et les sociétés d'État financières du gouvernement, EDC et la BDC. Le PCE va fournir au moins 5 milliards de dollars de financement supplémentaire aux entreprises, principalement aux petites et moyennes entreprises. Le ministère des Finances du Canada joue un rôle essentiel dans le comité de direction chargé de mettre en œuvre le PCE.

D'autres changements législatifs et réglementaires apportés par le budget exigent l'approbation du projet de loi de mise en œuvre du budget avant de pouvoir être adoptés. Le ministre va fournir un rapport détaillé sur les mesures budgétaires dans le rapport qu'il doit présenter d'ici le 26 mars.

Je vais enfin aborder l'examen législatif. La première chose à dire est que cet examen législatif est une occasion importante d'étudier la mission et l'orientation à long terme d'EDC dans un environnement commercial et gouvernemental en pleine évolution.

Le rapport a été préparé par International Financial Consulting avant la crise financière et est donc quelque peu dépassé à cause des événements récents mais il porte principalement sur le rôle à long terme d'EDC. Par contre, les mesures budgétaires touchant EDC ont été prises pour répondre au contexte économique actuel et aux besoins à court terme des entreprises canadiennes. Pour tenir compte de l'examen législatif, les changements apportés à la mission d'EDC dans le budget seront limités à deux ans, comme je l'ai mentionné il y a un instant. Le point que j'aimerais souligner ici est que le Budget 2009 est tout à fait indépendant des conclusions sur lesquelles le rapport législatif pourrait déboucher.

[Français]

Je comprends que les membres du comité rencontreront le ministre du Commerce international ainsi que des représentants d'EDC. Je crois savoir que vous rencontrerez aussi des partenaires incluant les assureurs privés.

[Traduction]

Nous avons hâte de voir les recommandations du comité. Le point de vue du ministère des Finances du Canada figurera dans la réponse globale qu'apportera le gouvernement au rapport du comité.

Le président : Est-il exact que Mme Carrière ne fera pas de déclaration?

M. Davies : Oui. Elle est venue pour nous épauler.

[Français]

Le sénateur Dawson : Monsieur le président, j'ai posé une question hier aux témoins, qui ont préparé le rapport, concernant certaines remarques sur la compétitivité des banques versus EDC selon lesquelles les banques sont obligées de faire des rapports réguliers au BSIF alors que EDC n'est pas obligé. EDC est une corporation de la Couronne. Ses prêts sont garantis par les fonds consolidés du pays. Ils ont une cote de crédit AAA automatiquement.

Vous êtes au ministère des Finances. Ces règles administrées par le ministère des Finances leur donnent un déséquilibre à leur avantage par rapport aux banques ou aux prêteurs privés. Est-ce que vous pensez que le ministère des Finance aurait intérêt à ce que le BSIF ait juridiction sur EDC?

[Traduction]

Lise Carrière, chef, Division des finances internationales et du développement, Finances et échanges internationaux, ministère des Finances Canada : Nous avons déjà examiné la question de savoir si EDC devrait relever du Bureau du surintendant des institutions financières, le BSIF. Nous avons eu des discussions à ce sujet avec les spécialistes de notre Direction des politiques du secteur financier. La réponse qui nous a été donnée est que le BSIF ne peut réglementer une société d'État; il réglemente les banques et les assureurs privés. Cette question a été examinée en prenant note du fait que, si EDC est avantagé sur le plan des coûts de ses fonds, il n'existe aucun élément indiquant qu'EDC accorde des prêts à prix réduit ou fait une concurrence déloyale pour le compte du Canada.

Le sénateur Dawson : Il y a aussi le chevauchement avec la BDC. Affirmez-vous que la BDC ne relève pas non plus du BSIF?

Mme Carrière : Je n'ai pas eu à répondre à cette question au sujet de la BDC, mais les sociétés d'État ne sont pas réglementées par le BSIF.

Le sénateur Dawson : Cela m'amène à dire que ces sociétés d'État bénéficient d'un avantage stratégique que les sociétés privées n'ont pas. Par ailleurs, étant donné qu'elles exercent leurs activités dans le secteur commercial, elles ne sont pas assujetties à la Loi sur l'accès à l'information. Elles profitent de leur double aspect. De cette façon, elles sont avantagées des deux côtés.

Je sais qu'on vous a dit que le BSIF ne s'occupait pas de ces organismes, mais ne pensez-vous pas qu'il devrait pouvoir le faire?

M. Davies : Nous représentons la Division des finances internationales et du développement. Nous pouvons nous adresser au personnel de la Direction des politiques du secteur financier qui s'occupe de la réglementation des banques pour le ministère des Finances du Canada. Je peux lui demander si cette question a été étudiée de façon approfondie mais nous ne sommes pas des spécialistes de ce domaine.

Le président : Une précision, je pensais qu'aux termes de la Loi fédérale sur la responsabilité, EDC était visé par la Loi sur l'accès à l'information. Est-ce bien exact?

Mme Carrière : Oui, vous avez raison; EDC est assujetti à la Loi sur l'accès à l'information.

Le président : Est-ce également le cas pour la BDC? Le savez-vous? J'ai noté, lorsque j'ai examiné les documents concernant EDC que la Loi sur l'accès à l'information lui était applicable. Pensez-vous qu'il en va de même pour la BDC?

Mme Carrière : Je ne suis pas une spécialiste de la BDC.

Le président : Très bien. Je vous remercie.

Le sénateur Dawson : Je pensais qu'elle n'était pas visée par cette loi.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, monsieur le président, il appert que EDC est capable d'assurer davantage de risques que le secteur privé. En conséquence, il a les moyens d'assumer des risques considérables. Le revenu net, qui a été accumulé par EDC, est de 1,240 milliards de dollars en 2004, 1,290 milliards de dollars en 2005 et 1,220 milliards de dollars en 2006. Par contre, le revenu net est tombé à 473 millions de dollars en 2007. Le revenu net suggère que EDC pourrait prendre plus de risques. Une incapacité d'obtenir du financement — ceci est particulièrement vrai pour les PME — rend très difficile leur tâche d'intégrer le marchés mondiaux. Si vous êtes d'accord avec mon analyse, qu'est-ce que EDC pourrait faire de plus pour combler ce déficit?

Mme Carrière : Le gouvernement a proposé plusieurs mesures dans le budget de 2009 pour permettre à EDC d'offrir un peu plus de support aux petites et moyennes entreprises et à toutes les entreprises au Canada. Les mesures qui ont été prises permettent à EDC de jouer un rôle complémentaire dans le domaine du financement intérieur et de jouer un rôle dans l'assurance, le crédit, pour les comptes recevables intérieurs. Nous pensons que ces mesures vont aider les entreprises canadiennes qui ont beaucoup de difficultés à trouver une source de financement.

D'autres mesures ont été prises. Le gouvernement a investi 350 millions de dollars en capitaux et s'attend à ce que EDC puisse accorder avec ces fonds un financement additionnel de 1,5 milliard de dollars. Le gouvernement va rapporter le résultat de ces mesures dans les mois à venir. Il y a eu certainement, eu égard à la crise économique, un intérêt très marqué de la part du gouvernement et de EDC pour essayer d'aider les compagnies canadiennes qui ont de la difficulté à trouver du financement.

Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais une autre question d'un tout autre ordre. L'affectation du personnel de EDC à l'extérieur du Canada est, à mon avis, quelque chose d'indispensable. Cette pratique devrait continuer et même prendre de l'expansion. Je suis heureuse de constater que le rapport de l'examen législatif d'exportation et développement Canada de 2008 recommande que la loi de EDC soit modifiée de manière à établir des bureaux à l'étranger. Cependant, je crois que le personnel de EDC devrait s'installer partout où il sera plus utile et efficace pour les compagnies canadiennes et non pas se limiter à des établissements diplomatiques.

Quelle est votre appréciation de la faisabilité d'héberger des personnes de EDC, si tel est le besoin, hors des établissements diplomatiques?

[Traduction]

M. Davies : Ce serait une bonne question à poser au ministre du Commerce international. Là encore, nous ne sommes pas directement responsables de cette institution. Nous ne nous occupons pas de faire des suggestions sur la façon dont elle devrait administrer sur une base quotidienne ses ressources. Je sais qu'EDC utilise des locaux administratifs situés dans nos ambassades à l'étranger. Il existe en général une corrélation assez forte entre nos ambassades et nos consulats à l'étranger et l'importance de nos partenaires commerciaux mais habituellement, le ministère des Finances du Canada ne s'occupe pas directement de ce genre de décisions et d'affectation des ressources.

Le sénateur Wallin : Pour revenir à la discussion que nous avons eue avec Mme Smallridge hier, si l'on se place d'un point de vue extérieur, on constate que vous vous trouvez un peu entre les deux — vous n'êtes pas tout à fait à l'extérieur mais vous ne vous occupez pas de l'administration quotidienne. C'est tout simplement un autre aspect; cela vient du fait que nous avons un peu de mal à comprendre tout ceci, parce que le monde a tellement changé, et que c'est un aspect du rapport qui fait problème.

Qu'en pensez-vous? Les petites, moyennes et même les grandes entreprises éprouvent de la difficulté à obtenir du crédit dans le pays; c'est un problème très réel. Les banques semblent de plus en plus réticentes à accorder du crédit. Faudrait-il qu'EDC accroisse ses activités et prenne de l'expansion? Une des recommandations qui nous a été faite est qu'il faudrait avoir davantage recours au capital de risque stratégique, qu'il faudrait en augmenter le montant et le rendre plus facilement accessible pour que l'EDC puisse s'occuper de ces choses. Est-ce une bonne idée?

Une des choses qu'a fait remarquer Mme Smallridge — et elle ne voulait pas critiquer qui que ce soit mais elle voulait simplement évaluer la situation — était qu'EDC n'aimait pas prendre des risques et qu'en toute justice, compte tenu de la situation actuelle, à laquelle personne n'a pu réagir rapidement, ce n'était pas là un aspect qui intéressait cet organisme. Voulez-vous parler de cet aspect?

M. Davies : Trois des quatre mesures budgétaires que j'ai décrites visaient toutes à augmenter les limites, à assouplir les contraintes actuelles qui viennent de la réglementation ou de la loi, de façon à donner à EDC davantage de ressources et une plus grande latitude. Cela a bien entendu été fait dans ce but. De ce point de vue, je pense qu'EDC est désormais en mesure de remédier aux insuffisances du marché quelles qu'elles soient, dès qu'elles touchent l'accès au crédit.

Pour ce qui est du second niveau, on constate que la situation s'est améliorée. Cela nous ramène à la remarque que j'ai faite au sujet du PCE et de la collaboration avec les assureurs privés. Le but recherché est non seulement d'amener les sociétés d'État à collaborer plus étroitement, à veiller à ce qu'EDC et la BDC ne fassent pas double emploi et que leur action soit beaucoup mieux coordonnée mais également que les sociétés d'État collaborent avec le secteur privé et que tous ces organismes coordonnent leurs activités avec le secteur privé, travaillent ensemble, se transmettent de l'information, améliorent la transparence, cherchent à résoudre les problèmes d'accès au crédit et même peut-être le manque d'assurance dans le marché. De notre point de vue, les moyens sont là. Ce n'est peut-être pas la dernière fois que j'aurai à revoir les limites et certaines autres choses mais c'est bien là ce que nous espérons : EDC, la BDC et le secteur privé disposent des ressources et des politiques dont ils ont besoin pour aller de l'avant.

Le sénateur Wallin : Est-ce que la question de la réticence à prendre des risques vous inquiète ou pensez-vous que c'est là une simple conséquence de la situation actuelle, que celle-ci a maintenant changé et que, par conséquent, cette attitude risque également de se modifier?

M. Davies : Il y a en fait le Compte du Canada qu'EDC peut utiliser lorsqu'il estime que le risque est trop élevé et qu'il ne peut assumer ce risque; il utilise alors le Compte du Canada. Le relèvement du plafond du Compte du Canada renforce cette protection et permet à EDC d'assumer ce genre de risque.

Le sénateur Wallin : Est-ce bien EDC qui l'avait demandé? Je n'en suis pas certain.

M. Davies : Là encore, si nous regardons la façon dont les chiffres et les limites actuelles ont été augmentés, nous constatons que cette augmentation est raisonnable, étant donné que nous voulions avec le dernier budget introduire un maximum de flexibilité. Dans le cas du Compte du Canada, nous avons augmenté la limite initiale fixée par la loi en 1987 pour tenir compte de l'inflation, ce qui a semblé être une bonne façon d'agir, compte tenu des limites actuelles.

Le sénateur Wallin : Dans la mesure où cela peut l'être, s'agissait-il d'une initiative extérieure?

M. Davies : Je dirais qu'elle était plutôt conjointe. À l'heure actuelle, nous avons de nombreuses discussions entre nous.

Le sénateur Downe : J'aimerais aussi savoir pourquoi Exportation et développement Canada a obtenu des fonds supplémentaires et a également été autorisé à faire des opérations nationales. La notion d'opération nationale est définie. La société peut accorder un crédit à une personne à l'égard d'une opération qui n'est pas reliée, directement ou indirectement, à l'exercice d'activités commerciales, ou autres, à l'étranger. Voilà qui ressemble, d'après moi, à la mission de la Banque de développement du Canada.

M. Davies : Je dirais d'abord qu'il est évident que les mesures initiales visaient à réagir à la crise. Nous cherchons tout ce que nous pouvons faire pour réagir à la crise et faciliter le crédit. Le deuxième aspect est qu'il s'agit là d'une mesure temporaire. L'idée de prévoir une période de deux ans est de faire le point dans deux ans et de se demander si cette initiative est utile et prendre en compte l'examen législatif.

À notre époque, il est difficile de distinguer les activités reliées à l'exportation et celles qui ne le sont pas. Étant donné que 80 p. 100 de l'économie canadienne est axée sur les exportations, la BDC est souvent amenée à travailler avec des entreprises qui exportent leurs produits. D'un côté plus pratique, EDC a déjà les moyens d'accorder du financement national avec l'autorisation du ministre, de sorte que nous avons seulement assoupli les règlements pour faciliter et accélérer ce genre d'activités.

Le président : Sénateur Downe, j'aimerais poser une question sur ce sujet. C'est en fait une question de politique. Pensez-vous qu'il serait préférable de demander au ministre lorsqu'il viendra la semaine prochaine pourquoi a-t-on choisi EDC plutôt que la BDC? C'est en fait la vraie question; ce n'est pas celle de savoir si nous devrions augmenter le capital, les fonds et prendre davantage de risques. Puisqu'il s'agit d'une activité nationale, pourquoi ne pas passer par la BDC?

M. Davies : Si c'est bien là le sens de la question, je dirais alors qu'il s'agit davantage de politique.

Le président : Il me semblerait préférable de poser cette question au ministre, sénateur Downe.

Le sénateur Downe : Je vous remercie d'avoir donné votre point de vue, monsieur le président, mais je ne vois pas du tout les choses de la même façon parce que dans leur exposé, les témoins ont insisté sur le fait que, s'ils étaient là aujourd'hui, c'était surtout parce qu'ils avaient reçu des fonds supplémentaires prévus par le budget. Nous pouvons fort bien interroger le ministre à ce sujet mais ce sont eux qui ont soulevé cette question. Je vais poursuivre sur cette question. Je ne suis pas sûr de souscrire à votre analyse et de penser qu'une mesure prise pour une période de deux ans est de nature temporaire. Même si le ministre a le droit d'appuyer des opérations nationales, cela ne s'est pratiquement jamais fait et cela attribue à Exportation et développement Canada un double rôle, celui de développer les exportations et de renforcer le commerce interprovincial au Canada. C'est une mission tout à fait différente que celle qui consiste à développer les exportations vers l'étranger. J'admets l'argument fondé sur les restrictions du crédit mais je ne pense pas que ces fonds auraient dû être accordés à cet organisme. Il y a d'autres organismes gouvernementaux qui auraient mieux fait ce travail.

Je voulais savoir en second lieu qui avait demandé l'examen d'Exportation et développement Canada. Était-ce Finances Canada ou EDC?

M. Davies : Je pense que le ministre des Affaires étrangères a en fait embauché le consultant pour effectuer cet examen législatif décennal. Nous avons élaboré en collaboration avec d'autres ministères le mandat du consultant. Là encore, c'est le ministre du Commerce international qui est le principal responsable.

Le sénateur Stollery : S'agit-il d'un examen quinquennal ou décennal?

M. Davies : Décennal.

Natalie Mychajlyszyn, analyste, Affaires internationales et défense, Service d'information et de recherche parlementaires : Au départ il était quinquennal, mais après la période initiale de cinq ans, cet examen est devenu décennal.

Le sénateur Downe : Monsieur le président, je n'ai pas suivi votre avis précédent mais j'aimerais avoir votre avis sur la façon dont nous pourrions interroger ceux qui ont demandé le rapport et savoir s'ils sont satisfaits du résultat. Devrais-je poser ces questions au ministre la semaine prochaine ou au ministre des Affaires étrangères?

Le président : Cette question ne porte pas sur les politiques. Je pensais que l'autre portait sur cet aspect et vous avez tout à fait le droit de poser cette question. Je ne voulais pas que les témoins se sentent mal à l'aise d'avoir à répondre à une question qui touche davantage les politiques gouvernementales mais je pense qu'il est tout à fait approprié de leur poser aussi cette question.

Le sénateur Downe : J'ai des questions à poser au sujet du rapport.

Le président : Puis-je vous inscrire pour le deuxième tour de questions auquel nous passerons lorsque nous aurons terminé la liste, qui ne fait d'ailleurs que s'allonger?

Le sénateur Downe : Je vous remercie.

Le sénateur Grafstein : J'aimerais m'adresser au ministère des Finances. Ai-je raison de penser que cet organisme fait rapport au Parlement par l'intermédiaire du ministre du Commerce international et ai-je également raison de penser que le ministère des Finances est chargé de surveiller les aspects financiers de la société?

M. Davies : Vous avez raison.

Le sénateur Grafstein : C'est donc bien à vous que je peux poser des questions au sujet de la façon dont le ministère des Finances surveille le financement et l'administration de cet organisme du point de vue financier?

M. Davies : Oui.

Le sénateur Grafstein : De quel montant d'argent parle-t-on avec EDC, d'un point de vue financier, en dollars? Dans sa fonction de surveillance, de supervision, est-ce que le ministère des Finances utilise des variables comme le nombre des emplois créés ou des entreprises créées pour savoir si EDC utilise bien les dollars qui lui sont attribués par le budget fédéral?

Mme Carrière : Je ne suis pas sûre de bien comprendre votre première question au sujet des montants d'argent en jeu. Demandez-vous si EDC reçoit des crédits? Si c'est bien votre question, la réponse est non; EDC ne reçoit aucun crédit de la part du gouvernement fédéral.

Pour ce qui est de la surveillance du nombre des emplois créés, EDC présente des rapports à ce sujet et examine les avantages qu'apportent au Canada les prêts qu'il accorde; il fait également rapport sur le nombre des entreprises auxquelles il fournit des services et le montant des fonds qu'il prête dans une année donnée; il formule également des prévisions sur le pourcentage du PIB que représentent toutes les activités visant à appuyer les entreprises et les exportateurs canadiens.

Le sénateur Grafstein : M. Davies a répondu à ma première question en disant qu'effectivement le ministère des Finances exerçait une surveillance sur EDC. Quelle est la nature de cette surveillance financière?

Mme Carrière : Nous approuvons les emprunts que fait EDC et Finances Canada examine également le plan de la Société et recommande au Conseil du Trésor de l'approuver ou de ne pas le faire.

Le sénateur Grafstein : Les prêts qu'accorde EDC garantis par l'État sont finalement des fonds dont les contribuables assument le risque au cas où il y aurait une perte, est-ce bien cela? J'essaie simplement de comprendre la responsabilité qu'assume le ministère des Finances envers les contribuables lorsqu'il surveille cette institution.

Mme Carrière : Les emprunts sont des fonds qu'EDC se procure sur les marchés financiers pour pouvoir les prêter à des entreprises canadiennes.

Le sénateur Grafstein : Je comprends cela mais ce n'était pas sur cet aspect que portait ma question. Combien emprunte-il, par exemple? Quel est le niveau actuel des emprunts? Donnez-nous un chiffre arrondi.

M. Davies : Les emprunts s'élèvent à près de 26 milliards de dollars et il y a également environ 20 milliards de dollars d'obligations permanentes, ce qui représente en tout plus de 50 milliards de dollars.

Le sénateur Grafstein : Est-ce que le contribuable risque d'avoir à rembourser ces sommes s'il arrive quelque chose et qu'EDC n'est pas en mesure de rembourser ces emprunts?

Mme Carrière : Oui.

Le sénateur Grafstein : Très bien. Le gouvernement se porte donc garant d'une somme d'environ 50 milliards de dollars. Par conséquent, étant donné que le gouvernement ou les contribuables garantissent ces 50 milliards de dollars, pouvez-vous nous donner une idée du nombre des emplois créés en contrepartie d'un tel risque financier imposé au contribuable? Ce n'est pas une question nouvelle. C'est une question que j'ai souvent entendu poser à Washington par le gouvernement fédéral à mesure qu'il dépensait des dizaines de milliards de dollars, voire des billions de dollars, pour stimuler l'économie. C'est une question d'imputabilité. J'aimerais savoir ce qu'obtient le contribuable en prenant un tel risque et pourriez-vous me donner le nombre des emplois créés ou des emplois que l'on espère créer ainsi que les activités commerciales stimulées de cette façon? J'essaie d'obtenir une mesure qui nous permette de comparer l'efficacité de ces opérations.

On nous a dit hier que c'était une organisation très efficace. Je ne conteste pas ce jugement mais j'aimerais savoir comment cette efficacité se traduit en termes de création d'emploi si on la compare à ce que font d'autres institutions.

M. Davies : La meilleure réponse serait celle fournie par EDC; cet organisme examine le montant du chiffre d'affaires annuel et le nombre des sociétés qui bénéficient directement d'EDC. Cet organisme a probablement évalué le nombre des emplois canadiens qui bénéficient de ses opérations financières.

Ce n'est pas nécessairement le seul facteur dont le ministère des Finances tient compte pour accorder des fonds supplémentaires.

Le sénateur Grafstein : Ma question ne s'adresse pas à EDC. Je sais qu'il fait ces calculs mais examinez-vous ces chiffres pour remplir votre mission de surveillance? Autrement dit, quelles sont les variables que vous examinez pour pouvoir dire que tout va bien et que vous n'avez pas à intervenir parce qu'il n'y a pas de pertes? Quelles sont les variables que vous utilisez pour savoir si l'emploi de ces fonds, dont les contribuables assument le risque, donne de bons résultats? Comment le ministère des Finances exerce-t-il sa surveillance en plus de dire : « Nous avons eu tant de dossiers; nous avons conclu tant d'ententes; nous avons garanti telles sommes »? Tout cela est très bien — et je ne dis pas du tout que ce n'est pas bien — mais il nous faudrait quand même faire une analyse comparative.

Lorsque nous avons un déficit, comme c'est le cas au Canada, je pense qu'il nous appartient, en qualité de comité parlementaire de surveillance, de veiller à bien comprendre la surveillance qui s'exerce au sein du gouvernement pour pouvoir expliquer tout cela aux contribuables.

M. Davies : C'est une bonne question. Le contrôle annuel dont fait l'objet EDC, là encore en collaboration avec le ministre du Commerce international, s'effectue à partir du plan annuel de la Société. Le plan de la Société expose les stratégies à court et à moyen termes d'EDC. Il nous donne ainsi la possibilité de dire si celles-ci sont conformes aux politiques gouvernementales canadiennes et si elles constituent un bon investissement pour le Canada. Encore une fois, il y a d'autres façons de surveiller ces activités, par exemple en améliorant le plan d'emprunt, la surveillance des opérations, et la diligence raisonnable au sujet, en particulier, des opérations concernant le Compte du Canada. Ces stratégies favorisent-elles les exportations, les investissements, les assurances canadiennes, la mission de cet organisme? La méthode utilisée chaque année est le plan de la Société et c'est le principal moyen de surveillance des politiques de cette société que nous avons.

Le président : Je dois avouer qu'on m'a remis il y a quelques instants un plan de la Société. Je ne l'ai pas examiné et nous n'avons obtenu qu'un seul exemplaire. Je vais vous le faire distribuer pour que vous l'ayez pour la prochaine séance. Je viens juste de l'ouvrir et je ne sais pas très bien ce qu'il contient.

Le sénateur Grafstein : J'espère que les membres du comité vont me pardonner pour ce que je vais dire mais il nous appartient de veiller à ce que tous les impôts payés par les contribuables soient utilisés de façon appropriée, d'autant plus que notre budget est déficitaire.

Le président : J'estime, monsieur le sénateur, qu'il nous appartient à tous de veiller à la bonne utilisation des sommes que nous investissons, et ce, de façon permanente, et je pense que cette question est tout à fait valide. Je vous redonnerai la parole.

Le sénateur Mahovlich : Vous avez mentionné plus tôt la somme de 3 milliards de dollars que le gouvernement avait mis de côté pour l'industrie automobile. Il y a trois grands constructeurs automobiles et l'un d'entre eux a décidé de refuser ce financement. Il ne va pas l'accepter. Je ne sais pas pourquoi ni comment ce constructeur peut le faire, refuser de l'argent alors qu'il ne fait pas de bénéfices et que les deux autres constructeurs acceptent cette aide et ce financement. Pouvez-vous m'expliquer cela?

M. Davies : Pas vraiment, je suis désolé. Nous ne nous occupons pas du secteur automobile. Il y a en ce moment des négociations avec Chrysler. Je crois que Ford ne demande pas de prêt garanti par le gouvernement et je pense que, pour le court terme, GM ne le demande pas non plus. Nous ne sommes pas des spécialistes du secteur automobile et de la situation actuelle de ce secteur. EDC est en train de négocier des prêts avec Chrysler, en collaboration avec le ministre du Commerce, de l'industrie et la province de l'Ontario.

Le sénateur Mahovlich : Vous voyez uniquement passer les fonds qui sont destinés à EDC?

M. Davies : Non, nos spécialistes du secteur financier participent également à ces discussions.

Le sénateur Mahovlich : Merci.

Le sénateur Andreychuk : Je vais revenir sur le sujet que le sénateur Downe a abordé. Il semble ressortir de cet examen qu'EDC fait du bon travail, est un chef de file dans son domaine, par rapport aux pays comparables qui sont également nos concurrents. Le rapport fait également remarquer à plusieurs reprises que cet organisme a besoin de davantage de souplesse. Le rapport affirme qu'il est désormais très difficile de définir ce qui est international et ce qui est national, que ces deux aspects sont reliés différemment, parce que les ententes commerciales, les méthodes de fabrication, les méthodes du secteur des services sont tellement différents de nos jours qu'elles peuvent être fort bien réparties entre plusieurs pays.

A-t-on pensé à réexaminer le rôle de la BDC et celui d'EDC pour créer un nouveau mécanisme qui pourrait s'occuper des deux marchés plutôt que de passer autant de temps à se demander si l'entreprise concernée est une entreprise intérieure et nationale et non pas une entreprise internationale? Il me semble que le rapport n'a pas abordé en détail cette question. Il se contente d'y faire allusion. Que pensez-vous de l'idée de regrouper ces deux institutions en une nouvelle société moderne?

M. Davies : Je pense qu'à l'heure actuelle le but est d'amener EDC et la BDC à collaborer grâce au programme PCE, en travaillant avec les banques privées pour que les entreprises qui en ont besoin puissent obtenir des prêts. Il s'agit davantage de transmettre l'information, de collaborer, de ne pas se faire concurrence, ni faire double emploi et d'éviter toute possibilité de chevauchement dans un marché qui a désespérément besoin à l'heure actuelle d'accès au crédit. C'est probablement l'orientation qui a été retenue, c'est-à-dire non pas l'idée de créer de nouvelles institutions ou organismes mais d'essayer de faire en sorte que les organismes existants, qui fonctionnent déjà assez bien, collaborent encore davantage.

Le sénateur Andreychuk : La collaboration implique toujours une certaine lenteur et un des éléments essentiels du commerce est la rapidité, faire ce qu'il faut faire. Je comprends que vous ne souhaitez pas créer une nouvelle institution mais laissez-moi me faire l'avocat du diable et vous demander pourquoi ne pas envisager de combiner ces deux-là?

M. Davies : Je n'ai pas entendu dire que cet aspect avait été discuté. Techniquement, ces deux organismes ont des missions et des clientèles différentes. EDC est une institution beaucoup plus importante qui s'occupe davantage de projets orientés vers l'étranger et à l'heure actuelle, avec la crise que nous connaissons et ce que nous pouvons faire à ce sujet, nous avons surtout pensé à aider ces institutions à mieux collaborer.

Le sénateur Andreychuk : Nous sommes en train d'examiner le rapport sur EDC, rapport qui a été écrit avant la crise et avant que le gouvernement prenne des mesures pour y remédier par le biais du budget. Comme vous l'avez mentionné, EDC va faire certaines choses au cours des deux prochaines années. Les règles seront changées pour les deux années qui viennent et il me semble que nous sommes en train d'examiner un rapport qui est déjà dépassé, puisque ce qui va se produire au cours des deux prochaines années va considérablement modifier la situation.

Si nous l'examinons pour savoir si dans deux ans, nous pourrons dire que ce rapport constitue une bonne évaluation, il faut bien admettre qu'il ne s'applique aucunement aux mesures prises actuellement, aussi nécessaires soient-elles, et nous pouvons donc nous interroger sur l'intérêt de ce rapport si ce n'est qu'il représente une bonne analyse du travail accompli dans une optique d'imputabilité par opposition à un examen des orientations futures?

M. Davies : C'est une bonne remarque. Le rapport examine le long terme, par exemple, l'évolution du rôle d'EDC. Il aborde de nombreuses questions utiles qui font partie du débat sur le financement des entreprises nationales, sur la gouvernance et sur d'autres aspects qui vont demeurer pertinents une fois la crise passée.

Nous considérons que ce rapport ne constitue pas un examen législatif mais plutôt un élément d'un tel examen. Il vise à alimenter le débat qui s'inscrit dans ce processus, débat qui va se poursuivre parallèlement avec les discussions du comité des finances de la Chambre des communes, dans le but, pourrait-on dire, de le mettre à jour. C'est plutôt de cette façon que je le conçois.

Le sénateur Corbin : C'est la première fois que notre comité est chargé d'examiner un rapport de ce genre de sorte que nous sommes un peu des débutants dans ce domaine. Le sénateur Grafstein possède beaucoup plus d'expérience que la plupart d'entre nous dans ce domaine. Monsieur le président, je ne sais pas très bien si je devrais adresser mes questions aux témoins, et c'est pourquoi je sollicite vos conseils.

Le président : S'il s'agit d'une question qui touche les politiques, il faudrait la poser au ministre mais il est possible que les représentants du ministère puissent y répondre.

Le sénateur Corbin : Quelle est la relation qui existe entre ces témoins et le rapport? Représentent-ils le ministère des Finances? Je vais poser ma question.

Je vous renvoie à la Loi sur le développement des exportations, qui est annexée au rapport, page 105, Capital- actions, article 12 intitulé Emprunt. Pour plus de précisions, je vais vous en citer le texte :

La Société peut contracter des emprunts par tout moyen, y compris l'émission et la vente de titres de créance, notamment obligations, débentures et effets de commerce.

Qu'entend-on, dans la version anglaise, par l'expression « evidences of indebtedness » qui ne soit pas déjà visé par les termes déjà énumérés? Est-ce du jargon juridique? J'aimerais savoir à quoi cela fait référence dans ce texte.

M. Davies : Vous nous avez peut-être pris en défaut sur ce point. À mon avis, c'est une expression juridique fourre- tout qui désigne tous les autres types d'emprunts auxquels EDC pourrait avoir recours — d'autres types de documents juridiques qu'il serait trop long d'énumérer dans une loi.

Le sénateur Corbin : Ces documents ne seraient-ils pas visés par l'expression « by any means » (en français par tout moyen)? C'est peut-être une question de rédaction et je ne vais donc pas insister sur ce point.

Le président : Je mentionnerais à titre de précision que ce terme est souvent utilisé dans les milieux financiers pour décrire divers éléments qui peuvent comprendre des contrats à terme, ou d'autres investissements ou types d'emprunts monétaires. C'est une expression très générale qui est souvent utilisée en finance.

Le sénateur Corbin : Cela permet d'avoir recours à des méthodes créatrices.

Le président : Oui, cela permet des méthodes créatrices, ce qui comporte un risque particulier. Est-ce bien là que vous vouliez en venir?

Le sénateur Corbin : Oui. Ensuite, l'article 13 énonce :

Sur demande de la Société, le ministre des Finances peut, aux conditions qu'il fixe, lui consentir des prêts sur le Trésor.

Pouvez-vous nous donner un exemple des conditions que pourrait fixer le ministre? Là encore, c'est une expression très large.

M. Davies : Nous n'avons encore jamais utilisé cette disposition.

Le sénateur Corbin : C'est une disposition inutile.

Le président : C'est uniquement pour les cas d'urgence.

Le sénateur Corbin : Je vous réfère à l'article 15, Réserves ou provisions, qui énonce :

La Société peut constituer des réserves ou provisions et y imputer les pertes qu'elle subit dans l'exercice de ses activités.

Savons-nous si la société enregistre des pertes? Publie-t-on des chiffres à ce sujet ou s'agit-il simplement d'une autre disposition rarement utilisée?

Mme Carrière : EDC publie un rapport annuel. Je crois que le rapport annuel cette année va être publié cette semaine. Il y a des inscriptions dans le bilan qui indiquent les provisions. EDC n'a pas enregistré de pertes pour ce qui est de ses activités générales et a toujours été un organisme rentable.

Le sénateur Corbin : Toujours?

Mme Carrière : Oui, pour autant que je sache. Il est possible qu'il y ait déjà eu quelques pertes mais ces dernières années, l'EDC a été rentable. Cela ne veut bien sûr pas dire qu'aucun prêt n'a jamais entraîné une perte mais je parle de l'ensemble des opérations de la société.

Le sénateur Corbin : C'est ce que je voulais dire. Est-ce que les pertes enregistrées sur des prêts particuliers constituent de l'information confidentielle?

Mme Carrière : J'aimerais que vous posiez cette question à EDC.

Le sénateur Corbin : Nous ne ferons.

Le sénateur Stollery : Je vais passer mon tour et donner la parole au sénateur De Bané.

Le sénateur De Bané : Monsieur Davies et Madame Carrière, la raison d'être d'EDC est de favoriser les exportations. Le marché intérieur canadien est trop étroit. Le ministère des Finances est un organisme central et un des rares ministères qui a une responsabilité générale en matière d'économie. Récemment, Michael Porter, le gourou d'Harvard dans le domaine de la concurrence, a écrit un article de quatre pages au sujet de la diminution progressive de la compétitivité des États-Unis dans le monde actuel. Lorsque j'ai lu son article de quatre pages, j'ai remarqué qu'il avait fait trois listes de classement des pays en fonction de leur compétitivité. Ces trois tableaux indiquent que les États- Unis ne sont plus très compétitifs et se placent entre le vingtième et le vingt-cinquième rang. Bizarrement, c'est Hong Kong qui occupe le premier rang.

J'ai été frappé par le fait que le Canada se situait juste avant ou juste après les États-Unis sur le tableau qui montre la compétitivité de divers pays. M. Porter ne mentionne pas que les institutions financières des États-Unis ne soutiennent pas suffisamment les exportateurs. Ce sujet n'est absolument pas mentionné. Il parle par contre des nombreux obstacles qui existent dans ce pays et qui empêchent d'en améliorer la compétitivité.

Je me suis dit que chacun de ces obstacles s'appliquait également à mon pays. Je n'ai pas été surpris que nous nous situions au même niveau que les États-Unis sur cette liste.

Est-il approprié de vous demander ce que vous pensez de cet aspect, à savoir que nos exportations diminuent non pas à cause d'EDC, qui fait son travail, mais parce que nous sommes de moins en moins compétitifs par rapport aux autres pays?

M. Davies : Je ne sais pas si cela est approprié ou non mais je ne peux vous donner que mon opinion. Nous sommes venus ici pour vous parler uniquement d'EDC et de l'examen législatif.

Le sénateur De Bané : Oui, mais je suis sûr que les membres du comité aimeraient bien avoir votre opinion sur la façon dont on pourrait rendre notre pays plus compétitif. Il est tout à fait évident que notre marché intérieur est trop petit; nous sommes obligés d'exporter et nous sommes obligés d'exporter vers notre voisin immédiat qui est le pays le plus riche au monde.

M. Davies : Je pense que le ministre du Commerce international serait la personne tout à fait appropriée à qui poser cette question lorsque vous le rencontrerez la semaine prochaine.

Le président : Si vous ne vous sentez pas à l'aise de répondre, je l'accepte.

Le sénateur Downe : Le ministère des Finances du Canada se pose-t-il des questions au sujet du rapport effectué par le groupe de consultants? Pensez-vous qu'il risque d'y avoir un conflit, compte tenu du manque de consultation à laquelle ce groupe a procédé au cours des séances qu'il a tenues dans les petites villes au Canada, du nombre des représentations du gouvernement qui assistaient à ces réunions, y compris du fait que des représentants d'EDC ainsi que du ministre des Affaires étrangères et du Commerce international ont assisté à toutes ces séances de consultation dont le sujet de discussion était la mission d'EDC?

M. Davies : Comme je l'ai déjà dit, pour nous, ce rapport ne constitue qu'un volet d'un examen législatif plus large. Je ne sais pas quel était le budget consacré à cette opération, ni le délai dans lequel ce travail devait être effectué. Je pense que les auteurs ont fait un bon travail. Le rapport présente très bien la problématique. Je ne pense pas que ce rapport marque la fin ou le début des consultations. Ce n'est qu'un élément.

Le sénateur Downe : Le ministère des Finances du Canada se pose-t-il des questions au sujet de ce rapport?

M. Davies : Je dirais que nous n'avons pas examiné ce rapport de ce point de vue et que personne n'a soulevé cette question auparavant.

Le sénateur Downe : Vous ne vous posez aucune question sur cet aspect ni sur d'autres aspects du rapport? Vous l'acceptez?

M. Davies : Je l'accepte en tant qu'élément de l'examen législatif.

Le sénateur Downe : Le ministère a-t-il transmis des commentaires ou des questions au consultant qui a préparé le rapport au sujet de la qualité de ce document?

M. Davies : Non.

Le sénateur Downe : Merci.

Le sénateur Stollery : J'invoque le Règlement, monsieur le président; je sais que nous avons d'autres témoins mais j'aimerais proposer que nous examinions à ce moment-ci de la séance les sujets qui doivent être débattus devant le comité de direction, c'est-à-dire les budgets. Si nous ne le faisons pas, nous n'aurons pas de fonds.

Le président : Cela me convient très bien.

J'aimerais remercier Mme Carrière et M. Davies pour le témoignage qu'ils nous ont livré cet après-midi. Merci d'être venus.

Avant d'entendre le prochain groupe de témoins, nous avons un budget opérationnel dont le comité de direction recommande l'approbation. Il est en train d'être distribué. C'est la demande de fonds initiale habituelle qui nous permet d'effectuer nos travaux.

Il y a quatre crédits distincts. Premièrement, pour continuer l'étude de la Russie, la Chine et l'Inde, comme le Sénat l'a autorisée, nous demandons un montant de 2 500 $ pour nos dépenses, un montant tout à fait normal pour ce genre d'études jusqu'à la fin de l'exercice financier, c'est-à-dire mars 2009. Deuxièmement pour l'examen de la Loi sur le développement des exportations, nous demandons au Sénat d'approuver un budget de 2 000 $ pour la même raison. Troisièmement, pour les projets de loi qui nous sont soumis de temps à autre, nous demandons une somme supplémentaire de 2 500 $. Cette somme couvrira les dépenses comme les services de messagerie et autres. Tout cela figure dans le document. Quatrièmement, il y a aussi le budget général, ce qui est tout à fait normal lorsque nous nous constituons pour la première fois. On parle habituellement d'un budget d'urgence de 10 000 $. Ce montant couvre toutes les choses dont nous avons besoin pour effectuer nos travaux. Le greffier me dit que ces crédits s'élèvent au total à 19 500 $. Il n'y a là rien de particulier. C'est la norme.

J'aimerais que quelqu'un présente une motion, si c'est possible. Y a-t-il des questions d'abord?

Le sénateur Andreychuk : J'aimerais une précision concernant le crédit concernant la conférence. On mentionne des frais de conférence et de transport qui pourraient s'élever à 1 000 $. Je comprends que toute cette page concerne la présence à une conférence. Faudrait-il que le comité de direction approuve cette demande pour que cette somme soit dépensée?

Le président : Absolument. Ce n'est qu'une petite somme qui nous permet de conduire nos travaux et de nous occuper des affaires du comité comme nous le faisons depuis des années. Y a-t-il d'autres questions? Quelqu'un veut-il bien présenter une motion?

Le sénateur Dawson : Voulez-vous une motion pour chaque crédit ou pour l'ensemble des crédits?

Le président : Pour l'ensemble des crédits, à moins que quelqu'un ne s'y oppose.

Le sénateur Dawson : Je présente cette motion.

Le président : Tous ceux qui sont en faveur?

Des voix : D'accord.

Le président : Je vous remercie. Monsieur le vice-président, êtes-vous satisfait de cette façon de procéder?

Le sénateur Stollery : Oui, merci. Tout s'est très bien déroulé selon les règles.

Le président : Comme je l'ai mentionné au début de la séance, notre deuxième témoin est M. Ian Miller, l'agent principal et le directeur de pays d'Atradius, un assureur d'envergure mondiale qui opère au Canada. Nous pourrions dire que c'est un concurrent d'EDC. Autrement dit, je crois savoir que vous faites le même travail. Votre siège social est situé aux Pays-Bas, n'est-ce pas?

Ian Miller, agent principal et directeur de pays, Atradius : C'est exact.

Le président : Je suis très heureux de vous souhaiter la bienvenue. Nous allons entendre vos commentaires, après quoi nous passerons à un cycle de questions et de réponses pour les membres de notre comité. Vous avez la parole.

M. Miller : Je vous remercie de me donner la possibilité de comparaître devant cet éminent comité au sujet de l'examen législatif d'EDC pour l'année 2008.

Permettez-moi de commencer par présenter ma société. Atradius est une société mondiale d'assurance crédit qui opère au Canada et dont le siège social est situé aux Pays-Bas. Avec ses 80 années d'expérience, 140 points de service répartis dans 40 pays, Atradius est un des premiers assureurs crédit au monde, dont le chiffre d'affaires annuel est de 1,8 milliard d'euros.

Avec nos bases de données, nous avons accès à de l'information sur le crédit de 52 millions de sociétés dans le monde entier. Nous prenons plus de 22 000 décisions de crédit tous les jours. Nous avons connu une croissance importante et nous espérons qu'elle va se poursuivre.

Comme vous l'avez lu dans le rapport préparé par International Financial Consulting Ltd., le marché mondial de l'assurance crédit comprend trois principaux acteurs : Euler Hermes qui représente 36 p. 100, Atradius 31 p. 100 et Coface 19 p. 100. Nous représentons ensemble une part de marché mondial de plus de 85 p. 100 et nous gérons des portefeuilles de risque de plus de 1,3 billion de dollars. Chacune de ces sociétés opère au Canada. Atradius estime que nous devrions nous rapprocher de nos clients et des risques que nous assurons. En bref, même si nous sommes un assureur mondial, nous sommes très proches des collectivités canadiennes.

Je suis certain que vous savez comment fonctionne l'assurance crédit. Pour l'essentiel, lorsqu'un détenteur de police vend quelque chose à un acheteur qui a été approuvé par la société d'assurance, c'est la société d'assurance qui paie le montant prévu si l'acheteur ne paie pas. Les entreprises canadiennes achètent une assurance sur les comptes recevables ou de l'assurance crédit pour se protéger contre les risques commerciaux pour les comptes domestiques mais également contre les risques commerciaux et politiques qu'ils peuvent rencontrer dans les pays vers lesquels ils exportent.

L'assurance crédit permet aux entreprises canadiennes de protéger leurs rentrées de fonds et leurs bénéfices, les aide à vendre leurs produits à de nouveaux clients et sur de nouveaux marchés et d'emprunter davantage de capital d'exploitation en s'assurant contre le risque d'insolvabilité ou de non-paiement d'un de leurs clients. Habituellement, les sociétés canadiennes placent en garantie leurs comptes recevables aux institutions de prêts pour obtenir des marges de crédit d'exploitation de façon à augmenter leurs fonds de roulement et d'obtenir un effet multiplicateur grâce à leur actif net. L'assurance crédit est particulièrement utile pour les exportateurs, étant donné que les institutions de prêts canadiennes n'acceptent pas habituellement en garantie les comptes recevables étrangers qui ne sont pas assurés.

Atradius veut prendre de l'expansion au Canada. Malheureusement, nous constatons que tous nos efforts ne donnent guère de résultat. EDC contrôle plus de 75 p. 100 du marché de l'assurance crédit des exportations canadiennes. À l'échelle internationale, c'est une anomalie. Par exemple, les assureurs privés représentent 91 p. 100 du marché de l'assurance crédit en France; 95 p. 100 en Allemagne; 90 p. 100 aux Pays-Bas et 97 p. 100 aux États-Unis. Tout comme le Canada, chacun de ces pays possède un organisme de crédit à l'exportation. Ces organismes sont pourtant différents parce qu'ils encouragent tous les assureurs privés à répondre aux besoins de leurs exportateurs en matière d'assurance crédit. Ce n'est pas ce que fait le Canada. En fait, l'information que nous possédons concernant l'Union européenne nous indique qu'il y a des ententes selon lesquelles les gouvernements de l'Union européenne refusent d'accorder une assurance crédit lorsque le secteur privé est en mesure de le faire.

Atradius ne souhaite soulever qu'une seule question devant le comité. Nous vous demandons d'examiner de façon très approfondie la question de savoir si le gouvernement devrait continuer à contrôler plus de 75 p. 100 du marché de l'assurance crédit à l'exportation à court terme au Canada et si EDC devrait faire directement concurrence au secteur privé sur ce marché.

Au départ, le rôle d'EDC devait consister à combler les lacunes du secteur privé. Nous avons maintenant une industrie de l'assurance crédit à l'exportation bien développée qui peut faire ce travail elle-même. Il faut donc modifier le rôle d'EDC pour qu'il cesse de faire directement concurrence aux sociétés d'assurance privées pour se contenter de suppléer aux insuffisances du marché privé. Il ne peut agir ainsi en s'emparant de notre part de marché, en créant des obstacles à l'entrée sur le marché, en faussant le jeu des forces du marché ou en amenant les assureurs crédit à abandonner le marché canadien ou à renoncer à s'y introduire.

Permettez-moi de préciser qu'Atradius respecte et admire EDC. C'est une institution canadienne importante. Elle a fort bien servi les Canadiens parce qu'elle a appuyé le commerce international. Elle a évolué et continue d'évoluer pendant une période économique difficile. C'est une excellente nouvelle pour notre économie. Nous espérons toutefois qu'EDC va consacrer davantage d'efforts à aider les petites et moyennes entreprises à renforcer leur capacité d'exporter leurs produits sur les marchés mondiaux et à leur faciliter l'obtention de l'aide du gouvernement et en particulier, celle du secteur privé. Les petites entreprises ne représentent que 1,8 p. 100 de la valeur totale des exportations canadiennes mais il faut les inciter à prendre de l'expansion.

Malheureusement, le rapport déposé par le ministre du Commerce international recommande encore une fois le statu quo pour ce qui est du rôle d'EDC pour ce qui est de l'assurance crédit à court terme pour les exportations et ce pour une durée d'au moins cinq ans. D'après la loi qui régit EDC, il faudra attendre encore 10 ans avant que le Parlement ait à nouveau la possibilité d'examiner cette question. Le rapport ne recommande pas qu'EDC abandonne ses activités d'assurance crédit à court terme à l'exportation. De plus, il n'envisage même pas les circonstances dans lesquelles un tel changement serait possible.

Je m'inquiète du fait qu'EDC ait exercé une influence extraordinaire sur le processus d'examen et sur le rapport préparé par International Financial Consulting. On peut se demander si cette opération constitue vraiment une évaluation objective du rôle que joue EDC sur le marché ou s'il ne s'agit pas plutôt d'une opération destinée à faire la promotion de cette institution et à permettre à EDC de renforcer son action sur l'économie canadienne. Je suis convaincu que vous serez vous aussi déçu par certains aspects de l'analyse effectuée. Le rapport d'IFC fournit quelques chiffres globaux qui n'avaient pas été rendus publics auparavant mais il n'en analyse pas la signification, de sorte qu'à la page 36, on peut se demander pourquoi le ratio des dépenses a augmenté de près de 50 p. 100 pendant la période examinée.

Cela m'amène à la question de la transparence. EDC ne fournit pas de renseignements financiers suffisamment détaillés à ses actionnaires et cette institution n'est pas non plus tenue de respecter les règlements du BSIF. Ce n'est pas une bonne chose. Par exemple, avant la publication du rapport, il était impossible d'obtenir des renseignements sur les activités d'assurance crédit à court terme, malgré le fait que plus de 80 p. 100 des clients utilisent ce type d'assurance qui représentent plus de 65 p. 100 de son chiffre d'affaires. Je ne sais pas si les comptes d'EDC justifient les conclusions du consultant mais vous ne le savez pas non plus.

Enfin, permettez-moi de vous parler de l'effet que peut avoir la crise économique actuelle sur tout ceci. Comme toutes les industries, notre secteur va devoir s'adapter mais dans la mesure du possible, nous devrions appliquer le principe selon lequel ce sont les marchés qui doivent décider quels sont les risques acceptables et non pas le gouvernement. Est-ce que cela veut dire qu'il sera plus difficile d'obtenir un crédit? Certainement. Nous refusons de prendre des risques déraisonnables. Si le gouvernement décide de le faire, les contribuables devraient savoir que, lorsqu'un gouvernement décide d'assumer ce genre de risque, c'est parce qu'il a adopté des politiques qui l'emportent sur l'intérêt public ou à cause des lacunes du marché.

Il faut également que les contribuables sachent que, lorsque le gouvernement assume des risques que le secteur privé ne peut assumer, ils risquent d'avoir à assumer des coûts par la suite et des dettes publiques — augmentation du nombre des défauts de payer, allongement de la durée des risques et renforcement des attentes de la population pour ce qui est du maintien de l'appui du gouvernement. Les gouvernements peuvent également être parfois accusés de décider eux-mêmes qui seront les gagnants et les perdants. Surtout, l'intervention du gouvernement fausse le jeu des forces du marché. Les gouvernements devraient être très prudents et éviter ce type de conséquences.

Permettez-moi de vous parler des réalisations d'EDC. Cet organisme a joué un rôle efficace, à ses débuts, pour combler une lacune du marché mais désormais son action n'est plus utile dans ce domaine. Nous considérons maintenant EDC comme un organisme qui suit les autres, et non pas comme un chef de file qui propose de nouveaux produits et services; c'est un concurrent qui adopte même peut-être des pratiques abusives. L'industrie de l'assurance crédit à l'exportation est désormais un secteur bien développé au Canada et il est temps qu'EDC cesse ces activités et arrête de faire concurrence au secteur privé dans le domaine de l'assurance crédit à court terme. À notre époque, il convient de favoriser l'ouverture et la collaboration dans l'économie et non pas la concurrence entre le gouvernement et le secteur privé. Nous devons plutôt viser des rôles complémentaires et axés sur la collaboration.

Atradius demande au comité d'examiner cette question de façon approfondie. Le comité est bien placé pour procéder à un examen objectif d'EDC. Atradius reconnaît que cela est difficile pour le gouvernement, puisque cela l'amènerait à cesser de faire quelque chose qu'il fait depuis un certain temps. Par nature, un gouvernement accorde une grande valeur à la continuité; il essaie de conserver les emplois qu'il a créés et il cherche constamment à prendre de l'expansion. C'est ce qui est arrivé avec EDC.

Il est toujours bon de revenir aux principes de base lorsqu'on fait face à un dilemme. EDC a été créé pour combler un besoin dans le marché. Son rôle consiste à appuyer et à développer les échanges commerciaux. Cela veut dire veiller à ce que le Canada dispose d'institutions financières privées dynamiques, capables d'appuyer les exportateurs, et aussi de fournir de bons services à ces derniers. Plutôt que de retarder l'inévitable, nous vous invitons à vous fixer un objectif à court terme qui consisterait à explorer les façons de favoriser les acteurs privés. Nous devons mettre au point des mesures de transition qui vont nous orienter dans la bonne direction.

Permettez-moi de conclure en remerciant le comité d'avoir donné à Atradius la possibilité de présenter son point de vue. Nous recommandons fortement qu'EDC renonce à son rôle d'assureur principal et adopte celui de réassureur dans le secteur de l'assurance crédit à l'exportation à court terme. Cela n'empêcherait aucunement le gouvernement d'agir comme un assureur de dernier recours lorsque l'intérêt public l'emporte sur la prise de risque par le marché privé ou lorsque des intérêts régionaux ou nationaux sont en jeu. Ce rôle n'est pas remis en question.

Le sénateur Dawson : Merci, monsieur Miller. Lorsque le Parlement a initialement présenté ce projet de loi, il s'agissait de répondre à un besoin du marché et il a été décidé de créer EDC. Une des raisons pour lesquelles nous sommes réunis est qu'il faut réviser cette loi. Nous allons examiner très sérieusement vos remarques et celles de tous les autres acteurs et je suis sûr que les personnes qui siègent de l'autre côté adopteront la même attitude. La crise économique actuelle ne va pas faciliter notre démarche, si l'on pense à ce qu'elle serait dans une situation économique plus normale.

Je remarque qu'au moins un de vos concurrents va comparaître la semaine prochaine. J'ai posé hier une question au sujet des cotes de crédit et du fait qu'EDC obtenait toujours une cote de crédit AAA parce que le gouvernement garantissait tous ses prêts. Le rapport qui fait suite à l'étude mentionne que Euler Hermes a une cote AA. D'après la norme mentionnée dans le rapport, vous avez un A et Coface une cote AA-. Lorsque les gens se demandent avec qui il convient de faire affaire, il est probable que l'option d'avoir accès à une société ayant une cote AAA est plus attirante que celle qu'offre Atradius. Je comprends qu'EDC bénéficie dès le départ d'un avantage compétitif.

J'ai également remarqué dans le rapport deux commentaires, dont l'un portait sur le fait que le rapport déposé il y a 10 ans mentionnait que le BSIF — et je sais que nous avons obtenu une réponse qui ne m'a pas satisfaite — n'était pas en mesure d'exercer un contrôle sur EDC. Pourquoi ne pourrions-nous pas recommander que cet organisme ait les mêmes obligations en matière de présentation de rapports au ministère des Finances que celles que doivent respecter les autres institutions?

L'une des recommandations qui nous a frappées dans ce rapport est celle qui demande au ministre des Affaires étrangères et du Commerce international de créer un conseil consultatif de courtage composé de spécialistes. Cela mettrait un terme aux pratiques abusives d'EDC dont vous parlez dans votre exposé. Cela dit, vous avez également affirmé que les gouvernements exercent certaines activités et qu'il est parfois très difficile de les convaincre d'y mettre un terme. Que pensez-vous de cette recommandation? Est-ce qu'elle permettrait, du moins en partie, d'exercer un contrôle plus étroit sur ces organismes?

Deuxièmement, êtes-vous assujetti au BSIF?

M. Miller : Absolument, oui.

Le sénateur Dawson : Par conséquent, les règles qui s'appliquent à ces trois grands concurrents sont différentes de celles qui s'appliquent à EDC, lorsqu'ils exercent leurs activités au Canada?

M. Miller : C'est exact, sénateur, oui.

Le sénateur Dawson : Ma question porte principalement sur le conseil consultatif qui est recommandé. Le conseil proposé par les auteurs du rapport pourrait-il, en partie du moins, imposer une certaine transparence à EDC et l'obliger à exercer ses activités dans un environnement plus concurrentiel?

M. Miller : C'est une excellente question. J'ai préparé des réponses à environ 400 questions mais pas à celle-ci; je vais donc devoir faire de mon mieux.

De mon point de vue, les agences de courtage sont rentables parce qu'elles réussissent à obtenir le prix le plus bas. Le rôle du courtier est d'obtenir pour son client la meilleure solution possible. C'est une situation tout à fait inhabituelle dans la mesure où ce sont les assureurs qui les rémunèrent mais ce sont les clients des assureurs qui en bénéficient. Je pense que si l'on demandait aux courtiers de contrôler l'établissement des prix, ce serait comme si l'on plaçait un renard dans un poulailler. Ils recherchent les prix les plus bas et les solutions qui conviennent le mieux à leurs clients. Je suppose qu'un comité qui serait chargé de surveiller ces activités serait utile; j'en doute toutefois un peu, étant donné qu'il serait composé de courtiers.

Le sénateur Dawson : Avez-vous étudié le rapport qui a été déposé il y a 10 ans? Êtes-vous devenus des acteurs plus importants? Ce rapport parlait principalement des banques et non pas de prêteurs privés internationaux en mesure de venir garantir des prêts au Canada. La situation a-t-elle changé considérablement depuis 10 ans?

M. Miller : Je pense que le marché global de l'assurance crédit au Canada a pris de l'expansion et que le secteur privé s'est développé parallèlement. La société Atradius ne faisait pas partie de ce marché il y a 10 ans; elle a commencé ses activités en 2001. Oui, le marché a beaucoup changé depuis.

Le sénateur Wallin : Je pense que vous étiez dans la salle lorsque nous avons entendu les autres témoins. Nous parlions de la situation économique actuelle et j'avais demandé à ce moment-là s'il était raisonnable de penser qu'EDC craignait trop de prendre des risques. Vous avez soulevé certaines de ces questions dans vos remarques liminaires. Nous sommes heureux de constater que vous vous portez à la défense du contribuable canadien et d'entendre vos commentaires au sujet du gouvernement et aussi votre remarque selon laquelle EDC a été considérée comme étant un organisme très efficace.

J'aimerais maintenant vous poser la question au sujet de la prise de risque. Je n'aime pas citer de simples articles de presse mais nous n'avons pas beaucoup de temps pour faire de la recherche et je vais donc m'en servir quand même. Il y avait un article dans le Edmonton Journal du 5 janvier 2009 qui parlait de votre société et qui disait que vous aviez augmenté vos prix de près de 50 p. 100 et réduit la couverture accordée à des milliers de sociétés au R.-U., y compris à des fournisseurs des grands constructeurs automobiles des États-Unis. Il y avait un autre article dans le Daily Telegraph de novembre 2008 qui parlait de vos craintes à l'égard de l'augmentation des risques, et du fait qu'en l'absence de changements importants dans leur rendement commercial, vous estimiez que certaines sociétés représentaient des risques plus élevés sans avoir vraiment constaté de changements dans leur comportement et que cela obligeait ces entreprises à exiger d'être payées en espèces au moment de la livraison, à renoncer à des ventes ou à prendre d'autres mesures de ce genre. À ce moment-là, votre société a confirmé qu'elle avait réduit les risques qu'elle acceptait de couvrir pour certaines sociétés en Grande-Bretagne. Vous avez décrit votre attitude — ce n'est peut-être pas vous personnellement qui l'avez fait mais c'est peut-être vous — comme étant une attitude de prudence.

Pourriez-vous nous dire quelques mots au sujet du refus de prendre des risques dans ce marché?

M. Miller : Certainement. Les montants des primes d'assurance crédit sont fixés en fonction du risque. Je ne pense pas que l'on puisse contester que les risques ont récemment augmenté de façon considérable. Cette question est beaucoup plus complexe que vous le pensez peut-être, parce que pendant une période pendant laquelle les risques en matière de crédit étaient très faibles et qui a duré cinq ans, jusque vers le milieu de 2007, moment auquel est apparue la crise du crédit, le montant des primes d'assurance crédit avait baissé de façon incroyable. Ils étaient aux niveaux les plus bas qu'on avait jamais vu. C'était un marché très mou, pour reprendre une expression utilisée dans cette industrie.

Les montants des primes ont augmenté pour tenir compte de ces nouveaux facteurs. Deuxièmement, nos coûts ont augmenté. Bien évidemment, nous vendons de l'assurance crédit, et en plus de cela, nous utilisons l'assurance crédit, dans la mesure où nous réassurons une partie de nos risques auprès des grands réassureurs mondiaux. Il y avait également d'autres articles qui mentionnaient que les primes demandées par ces réassureurs avaient augmenté de 40 à 50 p. 100. La situation actuelle s'explique à la fois par l'augmentation des coûts et sur celui du coût réel du produit vendu, en raison de l'augmentation des risques.

Pour ce qui est de l'évaluation des risques que représentent les acheteurs, il est tout à fait exact que nous sommes beaucoup plus prudents à l'heure actuelle. Je pourrais peut-être vous parler brièvement d'un cas récent. En octobre, je pense que c'était à ce moment-là, nous avons évalué un acheteur qui se trouvait aux États-Unis. Nous avons soumis le dossier au comité du crédit et suivi la procédure habituelle; nous avons décidé qu'effectivement cet acheteur connaissait certains problèmes. La situation semblait s'aggraver mais nous avons quand même décidé de continuer à l'assurer. Nous avons calculé les pertes de fonds de cet acheteur et nous avons estimé qu'il serait peut-être bon de réexaminer à fond la situation au mois d'août. Cette entreprise a déposé son bilan au mois de décembre, ce qui vous donne une idée de la rapidité avec laquelle les événements se succèdent à l'heure actuelle. Tout ceci découle, bien évidemment, de la contraction des dépenses des consommateurs mais de plus, il y a aussi le fait que les banques refusent de renouveler les lignes de crédit.

Lorsque j'examine les résultats du point de vue des sinistres et lorsque nous voyons que nous nous approchons, ou même dans certains cas dépassons, un ratio de sinistres de 100 p. 100, un chiffre désastreux pour notre industrie, nous savons que la situation est vraiment très grave. Nous devons alors prendre des mesures pour veiller à ce que les entreprises que nous assurons ne vont pas faire faillite. Et surtout, nous devons informer nos clients de cette situation.

Le secteur automobile est un secteur très intéressant. Nous informons nos clients des renseignements que nous avons en matière de crédit. Si nous apprenons que l'entreprise qui achète des produits à nos clients connaît des problèmes de trésorerie ou des difficultés financières et que nous constatons que ces difficultés financières ne sont pas très graves, nous allons travailler avec nos clients pour être sûrs qu'ils puissent continuer à vendre à ce client malgré la restriction du crédit, quelles que puissent en être les raisons.

Par exemple, un client qui vend des produits à General Motors, une société qui risque fort de bientôt demander la protection du chapitre 11, a peut-être un plan d'affaires entièrement construit en fonction de GM. Que ce client soit assuré ou non, si nous lui avons fourni des informations qui lui indiquent qu'il devrait surveiller de près ce que fait General Motors parce que cette entreprise connaît des difficultés, alors nous lui donnons le moyen de diversifier ses ventes et d'éviter de subir les lourdes pertes qu'il aurait pu enregistrer si ces ventes avaient été trop axées sur un seul gros client.

Le sénateur Wallin : Je trouve cela intéressant et vous avez fait d'excellentes remarques. Bien évidemment, nous savons que vous essayez de pénétrer sur le marché canadien et vous ne vous seriez peut-être pas autant préoccupé du rôle que joue EDC il y a huit mois, lorsque vous avez décidé d'orienter vos activités dans ce sens. Plus tôt vous avez mentionné certaines préoccupations et déclaré que les gouvernements ne devraient pas choisir les gagnants et les perdants, ni accorder à un acteur un avantage inéquitable. Dans ce pays, et nous l'entendons dire souvent par comparaison avec les États-Unis, notre secteur bancaire est réglementé de sorte que nous ne connaissons pas le même genre de crises et de problèmes que connaissent les États-Unis. Le côté négatif de cette réglementation est que nous avons des institutions bancaires qui hésitent à prendre des risques et, dans cette période difficile, refusent d'accorder du crédit aux petites et moyennes entreprises. Vous faites pourtant la même chose et vous dites que vous avez adopté une conduite prudente. Est-ce que tout le monde n'est pas en fait en train d'adopter une conduite prudente? Dans le contexte canadien, étant donné qu'il n'y a pas beaucoup d'autres sources de crédit que les banques et que celles-ci sont en nombre limité et ont adopté une attitude restrictive, est-ce qu'EDC joue ici un rôle différent de celui qu'il pourrait jouer aux États-Unis ou dans un autre pays?

M. Miller : Je suis tout à fait en faveur d'EDC comme société. J'aimerais préciser que nous sommes entrés sur ce marché il y a huit ans et non pas huit mois et je ne sais pas si c'est moi qui vous ai trompé.

Le sénateur Wallin : Non, ce n'est pas important. Je faisais davantage référence à la situation économique.

M. Miller : EDC a effectivement un rôle à jouer. Si le gouvernement a décidé, comme il l'a fait dans ce budget, qu'il était dans l'intérêt du Canada que des fonds soient affectés d'une certaine façon, alors EDC est une institution tout à fait appropriée pour le faire.

Je me pose toutefois des questions lorsque je constate qu'EDC occupe 75 p. 100 du marché, et que cette société va continuer à nous bloquer. Je dois répondre à la haute direction qui se trouve en Europe mais je dois leur dire : « Eh bien, oui, il faudrait investir au Canada mais le marché est très limité du fait que le gouvernement en contrôle 75 p. 100 ». Si les choses étaient faites différemment, par exemple par le biais de la réassurance de façon à ne pas bloquer le secteur privé, alors la situation serait bien meilleure.

Le sénateur Wallin : S'agit-il davantage d'une préoccupation de votre propre conseil d'administration ou parlez-vous de votre base de clients?

M. Miller : Excusez-moi, je n'ai pas compris.

Le sénateur Wallin : Est-ce un pays où il faudrait investir et prendre de l'expansion? Quelle est la situation sur le plan de la compétitivité?

M. Miller : En tant que société privée, nous devons répondre à nos actionnaires, à notre direction et nous demander où prendre de l'expansion, décider si ce sera au Canada, en Chine ou au Japon, ou ailleurs. Nous sommes implantés dans 40 pays.

Le sénateur Corbin : Il y a un aspect qui m'a frappé dans votre déclaration, monsieur Miller. Comme je l'ai dit plus tôt aux autres témoins, le comité ne connaît pas très bien ce genre d'examen. Nous devrions en savoir davantage mais ce n'est pas le cas; nous sommes en période d'apprentissage. À la page 2, vous dites qu'EDC contrôle plus de 75 p. 100 du marché canadien de l'assurance crédit à l'exportation. À la page 3, vous précisez votre pensée et dites que vous aimeriez que nous examinions de très près la question de savoir si le gouvernement devrait continuer à contrôler plus de 75 p. 100 du marché de l'assurance crédit à l'exportation à court terme.

J'aimerais que vous m'expliquiez comment EDC réussit effectivement à contrôler ce marché. Je ne vois rien dans la loi ou dans les règlements d'application qui permettent à EDC d'exercer un tel contrôle. Ma question vous paraîtra peut-être naïve mais j'aimerais que vous nous expliquiez ce point.

M. Miller : Je pense que vous voulez savoir quels sont les avantages que possède EDC par rapport au secteur privé qui lui permettent de contrôler 75 p. 100 du marché de sorte que, lorsque nous faisons des offres à des entreprises contre EDC, nous ne gagnons pas et que c'est toujours EDC qui gagne.

Le sénateur Corbin : Est-ce qu'EDC gagne souvent?

M. Miller : Au moins trois fois sur quatre.

Le sénateur Corbin : Est-il en mesure de toujours proposer des prix inférieurs?

M. Miller : Absolument. Cette société est en mesure d'offrir des prix inférieurs et surtout elle a la capacité d'assumer des risques que le secteur privé n'estime pas peut-être commercialement rentables. C'est ainsi qu'elle procède. Elle bénéficie de la garantie du gouvernement.

Je dois souligner l'importance d'avoir une cote AAA. La semaine dernière, nous avions un client dans les provinces Maritimes qui était très satisfait de notre offre. Il était tout à fait disposé à continuer d'acheter nos services mais il a dû modifier les ententes qu'il avait prises pour obtenir un crédit et ce faisant, la banque à charte qui lui accordait ce crédit a exigé qu'il soit couvert par EDC. J'ai donc perdu ce client; j'ai parlé aux responsables de la banque et leur ai demandé pourquoi ils n'avaient pas accepté notre assurance. Ils nous ont répondu : « C'est une cote souveraine; pourquoi ne l'accepterions-nous pas puisque nous recherchons la meilleure cote possible? »

Il y a toutes sortes de raisons — je pourrais vous parler longtemps des raisons qui expliquent pourquoi EDC domine actuellement ce marché et pourquoi il est très délicat de décider d'investir davantage au Canada, en sachant qu'EDC possède cet avantage, ce contrôle du marché. De plus, ce contrôle pourrait encore fort bien augmenter. Supposons, par exemple, que le budget accorde à cette société de nouveaux moyens financiers. Cela veut dire pour moi qu'investir dans ce marché, en sachant qu'EDC peut à tout moment obtenir des fonds supplémentaires et donc acquérir un pouvoir économique plus grand, serait très incertain parce que ma société pourrait être presque immédiatement exclue de ce marché.

Le sénateur Corbin : C'est une bonne explication et je vous en remercie. Je vais attendre le second tour pour vous poser d'autres questions.

Le président : Nous aurons peut-être suffisamment de temps pour faire un second tour.

Le sénateur Andreychuk : Monsieur Miller, vous avez très bien expliqué votre point de vue. Vous saviez ce que faisait EDC lorsque vous êtes arrivé sur le marché canadien; vous avez donc dû chercher certains créneaux auxquels EDC ne s'intéressait pas. Essayez-vous d'augmenter votre part de marché ou avez-vous constaté qu'EDC réagissait à vos interventions et avait repris certaines parts de marché que vous aviez réussi à occuper? Je ne vois pas très bien ce que vous recherchez.

M. Miller : Je comprends la question. Je devrais peut-être expliquer qu'il y a d'un côté, le marché de l'assurance crédit à l'exportation et de l'autre, le marché général de l'assurance crédit. Le marché général de l'assurance crédit s'est considérablement développé ces dernières années à cause de l'assurance crédit nationale, un domaine dont EDC ne s'occupe pas.

C'est le créneau que nous avons visé et nous avons pris de l'expansion dans ce domaine. Nous nous sommes trouvés en concurrence avec EDC. Nous gagnons parfois contre EDC mais dans l'ensemble, EDC a répondu à la concurrence exactement comme le ferait une société du secteur privé : cette société a adopté nos produits, elle a ajusté ses prix, elle a fait toutes ces choses, en plus d'avoir une cote AAA qui facilite considérablement l'acceptation des risques et sa capacité à travailler avec les banques pour financer des lignes de crédit, notamment.

Le sénateur Grafstein : Monsieur Miller, je vous remercie pour votre témoignage. Vous avez soulevé certaines questions fondamentales qui se posent dans une situation économique qui a chamboulé tous nos principes antérieurs. Jusqu'ici, nous n'avions jamais examiné toutes ces questions parce que cela n'était pas nécessaire, mais maintenant, il nous faut aborder les questions fondamentales.

J'aimerais dire que, de mon point de vue, il est important que nous continuions à étendre le marché canadien du crédit à l'exportation à court et à très court terme, parce que notre prospérité dépend des échanges commerciaux et que je suis un libre-échangiste. Plus nous avons de produits, plus cela avantage les producteurs et les exportateurs locaux. Je suis tout à fait de votre côté sur ce point.

Cela dit, j'aimerais examiner le marché lui-même et certaines questions que vous avez soulevées. Si j'ai bien compris votre capitalisation, vous disposez d'un capital de 1,8 milliard d'euros; vous êtes une société privée.

M. Miller : C'est notre chiffre d'affaires; notre capital s'élève à environ 1,1 milliard d'euros.

Le sénateur Grafstein : Disons qu'il est de 1,1 milliard d'euros. L'euro vaut à peu près le double du dollar, ce qui représente environ 2,5 milliards de dollars canadiens.

M. Miller : Le taux de change est d'environ 1,50 $ pour un euro.

Le sénateur Grafstein : Prenons un taux de 2 $. Nous allons vous donner le bénéfice du doute pour tenir compte de votre fonds commercial et du reste. Comparons donc cela à EDC. Cette société a un capital de 50 milliards de dollars. Il est probable qu'une des raisons pour laquelle elle a obtenu la cote AAA est qu'elle dispose de 50 milliards de dollars et non pas de 2 milliards; qu'il s'agisse d'un prêt souverain ou non, c'est une question de taille.

Avec cette deuxième question, j'essaie de comprendre votre problème. L'une des façons d'obtenir un effet multiplicateur avec votre capital est de réassurer le risque. Est-ce qu'EDC réassure ses risques?

M. Miller : Je n'en suis pas certain. Je crois qu'il est possible que cette société ait également conclu des accords de réassurance, mais elle ne le fait pas autant que le secteur privé.

Le sénateur Grafstein : Vos risques en matière de réassurance sont donc plus élevés. Est-ce que cela ne nous amène pas à aborder la question des dérivés d'assurance et le reste, ainsi que les difficultés et les problèmes que AIG et d'autres ont eus pour ce qui est des dérivés accordés à des tierces parties? Je suppose que vous exercez également ce genre d'activités.

M. Miller : En fait, non.

Le sénateur Grafstein : Il doit arriver que votre réassureur s'adresse à quelqu'un d'autre pour obtenir des dérivés ou de l'assurance risque tierce partie de façon à diminuer une partie de son risque. Est-ce bien exact?

M. Miller : Monsieur le sénateur, je ne le pense pas. Je crois savoir que le marché des dérivés de crédit est tout à fait différent du marché de l'assurance crédit.

Le sénateur Grafstein : Je vois. Je m'adresse au président sur ce point parce qu'il devrait le savoir. Nous parlons du marché de l'assurance des risques par opposition au marché des risques bancaires. Les actions de Manufacturers Life Insurance s'échangeaient à près de 54 $ et elles valent aujourd'hui moins de la moitié de ce montant. Une partie du problème de cette société est qu'elle avait lourdement investi dans le marché des produits dérivés.

Je me demande s'il est normal qu'un client qui veut décider s'il va vous demander de l'assurance crédit devrait également s'inquiéter de la transparence et se demander si cet assureur est suffisamment solide pour répondre aux besoins particuliers de son client. Comment est-ce qu'un client canadien peut obtenir des renseignements à ce sujet dans le cas de votre société?

J'ai un peu de difficulté avec les agences de cotation ces jours-ci. Vous le constaterez le mois prochain, lorsque nous présenterons un nouveau projet de loi qui traite de cette question.

Supposons que je sois un exportateur et que je ne sache pas très bien ce qui se passe, je veux de la transparence parce que je veux être sûr de mon assureur. Comment puis-je vraiment savoir quelle est votre situation sans m'en remettre aux agences de cotation? Que répondez-vous à un exportateur qui cherche à conclure une vente?

Je parle de votre société; laissons de côté les autres. Vous êtes une société privée, d'après ce que j'ai compris, et vous ne divulguez pas vos chiffres. À part de s'en remettre aux agences de cotation — chose que je ne ferais pas si je me trouvais au Canada, si je me base sur l'expérience concrète que nous avons eu l'année dernière — que diriez-vous à un exportateur qui cherche à connaître votre situation par comparaison avec celle d'EDC?

Je suis un partisan de la liberté des marchés et de l'expansion mais j'aimerais que vous répondiez à cette question. Je suis cet exportateur. J'aimerais exporter quelque chose à un ami et je veux du crédit.

M. Miller : J'ai souvent été amené à répondre à cette question. Je vous parlerai de ma cote parce que nous sommes tous cotés par les mêmes sociétés. Par conséquent, cela vous donne une idée et bien entendu nous publions nos états financiers. Je vous inviterais donc également à les examiner. Enfin, je vous dirais de vous adresser au BSIF, parce que nous sommes très réglementés et que nous sommes tenus de déposer des fonds en fiducie auprès du BSIF.

Le sénateur Grafstein : À titre d'assureur.

M. Miller : Oui, à titre d'assureur, pour que nos clients soient sûrs que ces fonds sont détenus en fiducie. Dans le cas où un contrat serait rompu, ces fonds serviraient à régler les sinistres et les réclamations prévus par la police d'assurance. Notre excédent actuel se situe à environ 500 p. 100 ou à quelque chose du genre.

Le sénateur Grafstein : Supposons pour le moment que nous acceptons votre argument et que nous sommes d'accord — et je ne dis pas que c'est le cas — pour dire qu'il faudrait agrandir le marché et que vous devriez disposer d'une part de marché plus importante. Comment pensez-vous que nous pourrions y parvenir? Faudrait-il restreindre les activités d'EDC? D'après les témoignages que nous avons entendus ces derniers jours, EDC a très bien répondu aux besoins des exportateurs canadiens. Comment pouvons-nous vous aider sans nuire à EDC et aux exportateurs qui se fient à sa cote AAA?

M. Miller : À l'heure actuelle, ils se fient à la cote AAA parce que cette société l'a obtenue. Si elle n'avait pas cette cote, il faudrait qu'ils se fient à la nôtre.

Quel serait un modèle avantageux pour le Canada? Je suis heureux que vous ayez posé cette question. Il y a plusieurs modèles possibles mais celui que nous préférons serait qu'EDC modifie son orientation pour devenir un réassureur et fournir cette capacité au secteur privé. À l'heure actuelle, cette société a déjà un gros portefeuille d'assurance. Il n'y a aucune raison pour que cette société soit un assureur primaire. Si elle pouvait se départir de cette activité et la confier à une société distincte, qui pourrait en partie appartenir à EDC, cela élargirait la capacité du marché. Le marché serait plus concurrentiel. Il serait garanti par les ententes de réassurance que nous concluons mais parallèlement, il y aurait EDC qui pourrait continuer à veiller à ce que les exportateurs aient accès à l'aide dont ils ont besoin si pour une raison ou pour une autre il y avait une insuffisance du marché ou un besoin non comblé.

Le sénateur Downe : Ai-je bien compris votre témoignage lorsque vous avez dit que le Bureau du surintendant des institutions financières vous obligeait à avoir une très forte capitalisation?

M. Miller : Le BSIF exige que nous placions des actifs en fiducie.

Le sénateur Downe : Avez-vous demandé au BSIF, ou celui-ci a-t-il proposé, de réduire le pourcentage ou le montant des actifs que vous devez conserver? Je vous pose cette question parce que Manulife, par exemple, a demandé au BSIF de réduire son niveau de capitalisation et le surintendant a accepté de le faire. Avez-vous demandé ce genre de chose ou est-ce que le BSIF vous l'a proposé?

M. Miller : Nous ne l'avons pas demandé mais j'ai vu de la correspondance qui faisait référence au cas que vous venez de mentionner. Néanmoins, étant donné que nous sommes surcapitalisés à l'heure actuelle, nous n'avons pas exploré davantage cette possibilité.

Le sénateur Downe : Ma deuxième question concerne l'examen qui a été effectué. Je note que votre société a participé à un certain nombre de réunions, quatre au moins. Que pensez-vous du rapport qui a été préparé et du processus utilisé pour le faire?

M. Miller : J'ai été très déçu par le rapport. Je trouve qu'il contient trop de descriptions de cas et pas suffisamment d'analyses. En fait, j'estime que l'analyse que l'on peut trouver dans ce rapport pourrait fort bien déboucher sur des conclusions tout à fait opposées à celles qui ont été tirées de l'analyse qui y est faite.

J'estime également que ce rapport a été considérablement influencé par EDC et l'un des meilleurs exemples est la question du financement national, qui n'a rien à voir avec nous mais qui est tellement éclairant. Les auteurs du rapport concluent qu'il existe des lacunes dans le marché parce qu'EDC leur a affirmé qu'il y en avait. À partir de cette conclusion, ils recommandent qu'EDC prenne des mesures pour contribuer au financement des entreprises canadiennes.

L'aspect du rapport qui est probablement le plus décevant est l'omission d'examiner d'autres paradigmes, comme celui dont je viens de parler avec le sénateur Grafstein, à savoir que le secteur privé et EDC pourraient coexister sans se faire concurrence. Les seuls commentaires faits à ce sujet étaient qu'il faudrait être très prudent avant d'envisager d'autres modèles, au lieu de les examiner et d'en arriver à une conclusion sur la viabilité de ces autres modèles.

Le sénateur Downe : J'ai trouvé très étranger qu'EDC ait assisté à toutes les réunions. Je pense que parmi les choses qui ont été dites certaines étaient confidentielles mais il fallait également éviter d'embarrasser une société qui la plupart du temps représente 75 p. 100 du marché; nous aborderons cette question quand le ministre viendra.

Le sénateur Corbin : Êtes-vous membre de l'Union de Berne?

M. Miller : Nous le sommes, en fait, à cause de nos activités bancaires en Hollande.

Le sénateur Corbin : Que fait cette union? Est-ce comme le G-20? Vous contentez-vous de parler, de parler et encore de parler?

M. Miller : En fait, c'est un peu du bricolage. Je vais vous donner une réponse rapide, parce que je n'en suis pas sûr à 100 p. 100 mais je pense que c'est une association qui regroupe tous les OCE du monde. Elle se réunit en fait pour discuter uniquement des choses qui intéressent les OCE.

Le sénateur Corbin : EDC est également membre de cette union.

M. Miller : Oui.

Le sénateur Corbin : Vous n'êtes pas le directeur de la société mais je suppose que vous soulevez le genre de question dont vous avez parlé ici aux assemblées de l'union?

M. Miller : Nous en avons certainement parlé avec l'Union européenne et nous l'avons abordée également avec la Banque d'État hollandaise, oui.

Le sénateur Corbin : Aujourd'hui, vous parlez uniquement au nom de votre groupe ou est-ce également le point de vue des autres sociétés privées?

M. Miller : Vous voulez dire des autres assureurs privés?

Le sénateur Corbin : Oui.

M. Miller : Je pense que les autres assureurs privés vous auraient livré le même témoignage que celui que je vous ai donné.

Le sénateur Andreychuk : Dans votre mémoire, vous semblez parler de ce que devraient faire les gouvernements, des genres de risques qu'ils devraient couvrir et de ceux dont ils ne devraient pas s'occuper. Vous vous intéressez surtout à faciliter l'entrée sur le marché des sociétés privées. Vous avez également fait remarquer que la situation au Canada était différente de la situation en Europe. En Europe, les gouvernements interviennent dans de nombreux autres domaines. Le marché européen n'est pas aussi libre et ouvert que vous semblez le dire. Êtes-vous d'accord avec moi?

M. Miller : Je suis désolé, sénateur, je ne vois pas à quelles interventions vous faites allusion.

Le sénateur Andreychuk : Nous n'avons pas beaucoup de temps. Les économies de ces pays sont contrôlées, ce qui gêne les sociétés privées dans leurs activités. Je voulais savoir dans quelle mesure vous étiez d'accord avec moi sur ce point. Je voulais en fait parler du fait que l'Europe envisage également des changements dans ce domaine à cause de la situation économique. Est-ce que les mesures économiques qui ont été prises dans cette région du monde ont affecté votre capacité d'exercer vos activités en Allemagne, en France ou en Hollande?

M. Miller : Je comprends maintenant la question, sénateur. Si vous regardez ce qui se passe à l'étranger, vous verrez que l'Union européenne est un excellent exemple. Les États refusent d'assurer un risque qui peut être assuré par le secteur privé. Cela figure dans l'entente de l'union. Cependant, oui, à cause des insuffisances actuelles du marché, les gouvernements interviennent dans ce domaine, habituellement en utilisant un mécanisme de réassurance, et c'est donc ce qui se passe là-bas. Encore une fois, comme nous le proposons, cela pourrait être un excellent modèle dont le Canada pourrait s'inspirer.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci, monsieur le président. J'ai un commentaire à faire et le premier ne vous concerne pas. Je voulais vous sensibiliser au fait que les premiers témoins que nous avons entendus n'ont pas apporté de textes sur lesquels on peut suivre, même si on a l'interprétation simultanée. Monsieur Miller vient témoigner ici, il a un texte en anglais. Nous habitons dans un pays bilingue. Normalement, même si je suis un sénateur francophone du Québec, je crois avoir droit à une certaine considération. À l'avenir, on devrait penser que j'aimerais avoir le texte en français car cela travaille mieux.

Monsieur Miller, vous avez parlé tout à l'heure — mon collègue le sénateur Dawson l'a mentionné — de la fameuse cote AAA que Standard & Poor's donne à EDC. Quelle est la cote de votre compagnie?

[Traduction]

M. Miller : Premièrement, je vous demande d'excuser mon français. J'aurais aimé faire davantage. Nous voulions vous le présenter en français. Nous n'avons tout simplement pas eu le temps de le faire.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Ce n'était pas un reproche s'appliquant seulement à vous.

[Traduction]

M. Miller : Je comprends. Je suis désolé. Pour ce qui est de notre cote, nous avons la cote A de Standard & Poor's.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Un A?

[Traduction]

M. Miller : C'est une cote A.

Le sénateur Stollery : Je ne comprends pas très bien. J'avais déjà entendu dire qu'EDC allait exercer ses activités sur le marché national. Comme la plupart des gens, je pensais que Exportation et développement Canada était un organisme qui finançait et encourageait les exportateurs, ce qui me semblait assez clair.

Je constate qu'il est maintenant six heures et que nous allons entendre les représentants d'EDC ainsi que le ministre, mais que pensez-vous du fait qu'EDC ait maintenant décidé d'exercer ses activités sur le marché national alors que cela ne semble pas faire partie de sa mission?

M. Miller : C'est effectivement un aspect dont nous avons tenu compte puisqu'EDC a commencé à exercer ses activités sur le marché national du crédit en 1998. Il l'a fait pendant environ trois ans, je pense, et le gouvernement a ensuite proposé qu'il cesse ces activités. EDC a alors proposé, je crois, à la société London Guarantee à l'époque de reprendre ces activités intérieures.

Comme je l'ai déjà mentionné, notre créneau actuel doit être nécessairement l'assurance nationale et nous sommes très troublés par le fait qu'EDC ait obtenu le pouvoir de travailler également dans ce domaine. Encore une fois, cela influence notre décision d'investir. Suis-je en mesure de convaincre ma direction et les actionnaires qu'il est souhaitable d'investir au Canada alors que le gouvernement peut décider n'importe quand de bloquer nos activités et de nous empêcher de les exercer?

Le sénateur Stollery : Je le comprends. Je comprends votre point de vue. Nous allons entendre des représentants d'EDC et nous leur poserons cette question mais pourquoi pensez-vous qu'ils ont décidé de s'attaquer à ce marché qui ne semble pas être un marché naturel pour cet organisme? Qu'en pensez-vous?

M. Miller : À mon avis, c'est simplement un moyen qui a permis au gouvernement de réaliser une partie de ses promesses en utilisant le budget. Si EDC adoptait un rôle de réassureur...

Le sénateur Stollery : Cela n'est pas logique?

M. Miller : En tant que réassureur, je ne vois aucun problème. La BDC ne peut faire de la réassurance; elle ne comprend pas l'assurance. EDC connaît ce domaine et c'est peut-être l'organisme le mieux placé pour le faire. Tout ce que je demande, c'est qu'EDC ne bloque pas les sociétés du secteur privé.

Le président : Une précision, le projet de loi C-10, le projet de loi de mise en œuvre du budget, contient une disposition qui augmente la capitalisation d'EDC. Il contient une recommandation qui invite EDC à pénétrer sur le marché national. Je crois que nous en avons déjà parlé un peu. C'est ce dont parlait M. Miller, je crois.

Le sénateur Stollery : EDC va exercer ses activités sur le marché national avant que nous ayons terminé notre étude?

Le président : Cela doit être approuvé et autorisé par le budget.

Le sénateur Corbin : Si vous me permettez d'ajouter quelque chose, je dois dire que, si l'on change la véritable raison d'être de cet organisme, s'il a été décidé qu'il cesse ce genre d'activité, il faudrait alors modifier la loi sur EDCE et non pas le faire par le biais du budget.

Le président : Nous devrions parler de cet aspect lorsque le ministre comparaîtra. C'est une bonne question.

Je veux être sûr que nous nous comprenons. En deux mots, monsieur Miller, vous dites que la présence d'EDC ainsi que l'expansion de ses activités crée un marché moins concurrentiel et vous proposez que cet organisme s'occupe davantage du marché des risques élevés, celui qu'il occupait au départ ou qu'il axe son action sur la réassurance plutôt que sur l'assurance directe. Est-ce bien ce que vous recommandez?

M. Miller : Oui. Nous préférerions qu'EDC s'occupe de réassurance plutôt que de jouer un rôle très important sur le marché de l'assurance primaire au détriment du secteur privé.

Le président : Je pense que vous avez dit tout à l'heure que vous ne vous opposeriez pas à ce que cet organisme s'occupe des risques que le marché privé ne peut assumer, pour différentes raisons; est-ce bien exact?

M. Miller : C'est exact. Cet organisme pourrait ainsi mettre en œuvre les politiques du gouvernement en acceptant ce genre de risque, oui.

Le président : Tel que le prévoit le budget actuellement en raison de la situation économique du pays et en fait celle du monde entier.

M. Miller : Oui.

Le président : Je vous remercie. Comme je l'ai dit au début, vous avez été très clair dans vos déclarations. Vous avez certainement apporté une contribution utile à nos délibérations. Bonsoir, merci et bonne chance.

M. Miller : Merci encore une fois.

Le président : Mardi, nous allons nous rencontrer un peu plus tôt, si la motion que j'ai présentée au Sénat pour nous permettre de nous réunir à 16 heures le mardi 10 mars est approuvée, et nous entendons alors le ministre.

(La séance est levée.)


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