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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 3 - Témoignages du 11 mars 2009


OTTAWA, le mercredi 11 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international s'est réuni aujourd'hui à 16 heures pour étudier, afin d'en faire rapport, le Rapport de l'examen législatif d'Exportation et Développement Canada de 2008, déposé au Sénat le mardi 10 février 2009.

Le sénateur Peter A. Stollery (vice-président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le vice-président: Le document que nous étudions est intitulé Examen législatif de 2008 d'Exportation et développement Canada, qui a été déposé au Sénat le mardi 10 février 2009. Ce document a pour objectif d'examiner comment le rôle d'EDC devrait évoluer afin de s'adapter à la dynamique concurrentielle et aux besoins du commerce international, et de présenter des recommandations, s'il y a lieu, y compris des modifications possibles à la Loi sur le développement des exportations.

Pendant plusieurs jours, je me suis posé des questions parce que, comme certains collègues que j'ai consultés, je supposais qu'un examen législatif était fait par le Parlement. Mais apparemment, l'examen législatif a été fait par le groupe qui a comparu devant nous mardi dernier.

Notre premier témoin d'aujourd'hui est M.Paul Flanagan, président-directeur général de la société Euler Hermes Canada. Il représente le secteur de l'assurance- crédit.

Monsieur Flanagan, pourriez-vous s'il vous plaît faire votre déclaration, et ensuite nous passerons aux questions.

Paul Flanagan, président-directeur général, Euler Hermes Canada: Merci, honorables sénateurs, de m'inviter à comparaître devant vous aujourd'hui.

Euler Hermes est le leader mondial de l'assurance-crédit et offre des solutions de gestion des créances d'exploitation, notamment l'assurance-crédit, le financement des créances d'exploitation, le cautionnement, et les garanties. Euler Hermes Canada est présent au Canada depuis 1928 et appartient au groupe Euler Hermes, le leader mondial du marché de l'assurance-crédit. Le groupe Euler Hermes fait partie du groupe d'entreprises Allianz. En 2008, Euler Hermes Canada fournissait de l'assurance-crédit à court terme à plus de 1000 entreprises canadiennes de tailles différentes, et nous sommes fiers de compter des clients dans toutes les provinces canadiennes.

Pour ce qui est de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme, notre position est claire et directe. À notre avis, EDC devrait se retirer de ce marché. Nous espérons que les membres du comité adopteront cette position dans les recommandations du rapport qu'ils soumettront au ministre du Commerce international.

Nous reconnaissons qu'au moment de la création d'EDC, des écarts importants existaient dans le marché au niveau des garanties offertes aux entreprises canadiennes, et que le mandat d'EDC était de rétablir l'équilibre. Cependant, depuis cette époque, et surtout depuis 10 ans, l'offre d'assurance-crédit a augmenté de façon spectaculaire. En d'autres termes, les écarts du marché n'existent plus. L'existence d'un marché vigoureux et concurrentiel rend maintenant la présence d'EDC superflue. Nous estimons même que la présence continue d'EDC dans ce milieu et la concurrence féroce qui existe entre les assureurs privés déséquilibrent le marché canadien. Autrement dit, le monde a évolué au cours des 10 dernières années, et le mandat d'EDC devrait le refléter.

En ce qui a trait au rapport d'International Financial Consulting que vous étudiez, j'aimerais faire les observations suivantes. Au cours du printemps et de l'été 2008, j'ai beaucoup participé au processus de consultation. Ma société a présenté un mémoire et bon nombre d'informations complémentaires à IFC, dont la plupart à sa demande.

Malheureusement, pour ce qui est de l'assurance-crédit à court terme, le rapport ne va pas au fond des choses, et, ce qui est plus troublant en ce qui nous concerne, plusieurs conclusions sont de simples opinions, et non des énoncés factuels. Bon nombre des questions que nous avons soulevées, avec données et analyses à l'appui, semblent avoir été rejetées de façon sommaire, tandis que les arguments d'EDC semblent avoir été acceptés sans discussion ni enquête.

Nous croyons que vous avez les mêmes soucis que nous face à la rapidité des changements et des chocs subis par l'économie depuis l'achèvement de ce rapport, l'automne dernier, et que ses conclusions sont devenues quelque peu dépassées. Certes, le rapport de l'IFC indique très clairement que les inégalités dans le marché n'existent plus, et qu'EDC utilise les ressources des contribuables pour concurrencer activement le secteur privé. En fait, EDC mène une concurrence active au secteur privé et occupe 75p.100 du marché de l'assurance-crédit à l'exportation.

Depuis le dernier examen d'EDC, le marché de l'assurance-crédit au Canada a connu une croissance importante. Aujourd'hui, six assureurs solidement établis fournissent de l'assurance-crédit et des produits connexes. L'IFC note que cette croissance, jumelée à la part de marché décroissante d'EDC, constitue une preuve qu'EDC ne déséquilibre pas le marché. Cependant, IFC a oublié de mentionner que la majeure partie de la croissance est survenue après qu'EDC s'est retirée du marché de l'assurance-crédit interne, et que sa part du marché de l'assurance-crédit à l'exportation, qui se situe à 75p.100, est une preuve de son influence sur le marché.

IFC indique dans son rapport que la concurrence d'EDC est bénéfique en disant qu'une « plus grande concurrence avantage les exportateurs canadiens ». Certes, nous croyons aux bienfaits qu'engendre un marché concurrentiel, mais nous ne croyons pas que cette concurrence doive venir d'un gouvernement, étant donné que plusieurs assureurs privés se font déjà une concurrence active sur le marché, tout en servant efficacement les entreprises canadiennes.

À titre de société d'État, EDC bénéficie de plusieurs avantages par rapport à ses concurrents du secteur privé. En tant que corporation appuyée par le gouvernement, elle a accès à du capital à plus bas prix. Elle ne paie pas l'impôt sur les revenus des sociétés. Elle n'est pas régie par le BSIF et n'est assujettie à aucune limite en matière d'adéquation du capital. De plus, ses activités font l'objet de peu de restrictions et de contrôles. EDC n'est pas tenue de faire rapport de ses résultats provenant des opérations d'assurance. Il est donc impossible d'évaluer les profits générés.

Parce qu'elle est appuyée par le gouvernement, EDC est perçue plus favorablement par les banques, qui jouent un rôle clé dans l'achat d'assurance-crédit. Dans bien des cas, les clients assurés par EDC bénéficient de modalités plus favorables de la part de leur banque. De plus, de par sa taille, sa capitalisation et son absence d'imputabilité, EDC peut assumer des risques que le marché privé ne peut affronter. Bien que cela puisse être une chose souhaitable dans un contexte de politique publique, la capacité de couvrir des risques non assurables représente un avantage concurrentiel important pour EDC.

Les marchés mondiaux de l'assurance-crédit sont ouverts et transparents, et les clients bénéficient de cette concurrence. La part du marché canadien d'EDC est évaluée à 50p.100, mais pour le marché de l'exportation, cette part s'élève à 75p.100. Cette disparité est une preuve manifeste de la domination du marché par EDC et de la position concurrentielle injuste qu'elle occupe.

L'IFC, comme EDC, soutient que le fait qu'EDC fasse des profits lui permet de s'autofinancer et que cela est avantageux pour les contribuables. Cet argument est tout à fait faux, pour les raisons suivantes. EDC est exemptée d'impôt sur le revenu et, jusqu'à 2007, elle n'a retourné aucuns fonds excédentaires aux contribuables. Si EDC était une entreprise imposable, nous estimons que les profits réalisés produiraient des recettes fiscales de plus de 1,5 milliard de dollars. Le total des dividendes payés jusqu'à maintenant est de 600 millions de dollars, soit un rendement médiocre pour les contribuables. EDC a récemment reçu un apport supplémentaire de 350 millions de dollars de capital. Notre analyse montre qu'EDC est nettement surcapitalisée comparativement à d'autres institutions financières.

Les dépenses de fonctionnement d'EDC semblent varier d'une année à l'autre — c'est en tout cas ce qu'indique le rapport d'IFC — mais elles absorbent en moyenne 47p.100 des revenus. La moyenne pour l'industrie se situe à 30p.100, ce qui montre qu'EDC est moins efficace que le secteur privé.

En ce qui concerne le retrait d'EDC du marché de l'assurance-crédit à l'exportation, il est important de noter que cette décision affecterait seulement 6p.100 de la base totale des revenus d'EDC. Ce n'est donc qu'une petite partie de l'ensemble.

EDC soutient qu'elle peut être un complément du secteur privé et travailler activement pour augmenter la capacité du secteur privé grâce à la coopération. Selon notre expérience, le niveau de coopération avec EDC est en réalité extrêmement faible et, actuellement, Euler Hermes Canada n'a aucune entente avec EDC. Au contraire, je pourrais vous donner de nombreux exemples montrant qu'EDC a contacté les clients d'un assureur privé afin de les lui soutirer, même lorsqu'une relation de longue date existait déjà. Nous sommes extrêmement déçus que l'IFC n'ait pas étudié cette question plus à fond.

En guise de conclusion, j'aimerais réitérer notre opposition à la recommandation principale de l'IFC voulant que le mandat d'EDC demeure inchangé. Les faits présentés à IFC par Euler Hermes Canada et par nos autres concurrents reflètent la réalité des profonds changements qui ont affecté l'environnement économique mondial au cours de la dernière décennie, et qui militent en faveur du retrait d'EDC du marché de l'assurance-crédit à court terme.

L'assurance-crédit est une activité mondiale nécessitant des systèmes sophistiqués et des organisations à l'échelle mondiale, afin de servir les clients, peu importe où ils font des affaires. Ce n'est pas un hasard si les trois Grands du marché sont des sociétés mondiales présentes dans plus de 50 pays. EDC ne passe pas le test de la viabilité du marché à long terme.

Honorables sénateurs, EDC est naturellement une source de fierté nationale, car elle a su servir les intérêts du Canada et des exportateurs canadiens. Mais vous avez aujourd'hui l'occasion de redéfinir son parcours pour le siècle à venir. Nous recommandons qu'elle réoriente ses activités afin d'aider davantage les exportateurs canadiens à trouver de nouveaux marchés et à augmenter leurs capacités, et afin de mieux développer les aptitudes et compétences des entreprises à faire des affaires sur les marchés internationaux, grâce aux ressources qu'elle libérera si elle quitte le marché de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme.

À notre avis, le secteur privé a la capacité d'aider les entreprises canadiennes. Lorsque la politique du gouvernement exige que cette capacité soit renforcée, la collaboration entre les secteurs privés et publics a son rôle à jouer. Pour nous, la collaboration doit viser à accroître l'efficacité du marché privé, et EDC peut fournir ce surcroît de capacité, s'il y a lieu.

Le sénateur Corbin: J'aimerais demander au témoin s'il rejette complètement les conclusions du rapport d'IFC, en ce qui concerne l'assurance-crédit à l'exportation.

M.Flanagan: C'est exact. Nous sommes catégoriquement opposés aux conclusions de ce rapport.

Le sénateur Corbin: Votre exposé était clair, mais il n'est jamais inutile de répéter les choses.

Vous avez parlé de l'absence d'imputabilité, et que c'est pour cette raison qu'EDC prend des risques que le marché privé ne peut pas prendre. Pouvez-vous me donner des précisions?

M.Flanagan: Il y a plusieurs dimensions au problème, mais votre question est intéressante. Il y a tout d'abord l'absence complète de transparence en ce qui concerne les opérations d'assurance-crédit d'EDC. Toutes les autres sociétés qui opèrent dans ce secteur doivent soumettre des rapports au BSFI, avec des chiffres, des résultats et des bilans.

Les résultats d'EDC sont présentés tous ensemble dans le rapport annuel. On y trouve des chiffres sur l'assurance- crédit, mais il est difficile de les ventiler et de calculer le niveau de rentabilité des opérations d'assurance-crédit. Si vous regardez bien, le rapport d'IFC ne dit presque rien de la rentabilité d'EDC.

Il y a toutefois un tableau à l'égard duquel nous avons de sérieuses réserves. Quiconque examine la situation d'EDC ne peut absolument pas déterminer si les opérations d'assurance-crédit à l'exportation font des profits ou non. Cela nous ramène à la question de savoir si EDC s'autofinance ou pas, le vrai coût de ce qu'elle fait, et comment on peut mesurer la rentabilité de ses opérations. Des données ont récemment été publiées à ce sujet, mais elles ne sont pas claires, et on ne sait rien du coefficient de perte. Bref, nous ne savons pas dans quelle mesure les activités d'EDC sont rentables ou non.

Combien en coûte-t-il vraiment aux contribuables lorsqu'EDC assume un risque que je ne suis pas prêt à prendre? Chez EDC, toutes les opérations sont amalgamées, de sorte qu'il est impossible de savoir le coût réel des décisions stratégiques qui ont été prises en ce qui concerne ce type de risque.

Le sénateur Corbin: Vous avez également parlé, sans ambages, du niveau de collaboration que vous entretenez avec EDC. Vous nous avez dit que votre entreprise n'avait aucune entente avec EDC. Qu'en est-il des autres entreprises du secteur privé?

M.Flanagan: Certaines collaborent avec EDC.

Le sénateur Corbin: Comment fait-on pour conclure ce type d'entente?

M.Flanagan: Prenons le cas d'une transaction importante, comportant de gros risques. Après analyse, l'assureur conclut que le risque qui y est associé représente une somme considérable, et qu'il n'a peut-être pas la capacité suffisante. À ce moment-là, il peut dépêcher un courtier auprès d'EDC pour demander de l'aide. Inversement, il se peut qu'EDC nous contacte parce qu'elle a appris que nous n'étions pas prêts à assurer telle ou telle entreprise, et elle nous offre son aide. Il se peut aussi qu'EDC contacte directement mon client pour lui offrir de l'aide. Autrement dit, il n'y a pas qu'une seule façon de faire, c'est selon le cas. Il n'y a pas de dispositif spécial qui permette de faire savoir à EDC qu'on est sur telle affaire, ou qu'EDC est sur telle autre affaire.

Je suis au Canada depuis juillet 2007, et je n'ai jamais entendu parler de projets en commun avec EDC. Cela ne se fait pas. Nous sommes concurrents et, par conséquent, nous hésiterions beaucoup à faire participer EDC à quelque transaction que ce soit car nous aurions trop peur qu'elle nous vole notre client. Il est difficile de s'entraider et de se faire concurrence en même temps.

Le sénateur Corbin: Vous dites rejeter un certain nombre d'observations et de conclusions d'IFC; j'aimerais donc savoir si vous leur avez fait part de vos réserves, oralement ou par écrit, ou si c'est la première fois aujourd'hui que vous avez l'occasion de le faire.

M.Flanagan: Leur rapport nous a beaucoup déçus. Nous avons discuté des choses qu'il faudrait faire, mais nous avons compris qu'il était trop tard puisque le rapport était prêt et qu'il n'était même plus entre les mains d'IFC. Nous avons pensé qu'il ne servirait pas à grand-chose d'aller les rencontrer car on aurait pu discuter pendant des mois et des mois. Nous avons donc décidé de saisir l'occasion qui nous était offerte aujourd'hui. J'ai abordé, dans ma déclaration, les principaux problèmes qui nous préoccupent, et nous allons continuer de le faire.

Je suis prêt à rédiger un texte, s'il le faut, mais étant donné que le rapport d'IFC a été publié, il est trop tard, et nous devons l'accepter.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis: Bonjour, monsieur Flanagan. La semaine passée votre compétiteur Ian Miller de l'assurance crédit Atradius est venu témoigner devant notre comité. Selon Aon Benfield Market News, Atradius fut rétrogradée, le 6 mars 2009, par Standard & Poor's et a maintenant une cote de crédit A. Si je ne me trompe pas, Euler Hermes Canada a toujours une cote de crédit AA de Standard & Poor's. Est-ce que c'est exact?

[Traduction]

M.Flanagan: En fait, c'est AA-.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis: Pourriez-vous nous dire pourquoi Euler Hermes Canada semble se porter mieux dans la conjoncture économique actuelle que ses compétiteurs immédiats? Quelle est votre recette? J'aimerais aussi rappeler, d'après l'examen législatif de 2008, que les trois grands de l'assurance crédit mondiale dominent le marché mondial avec une part combinée de 85p.100 des rentrées de prime à court terme; pour votre compagnie c'est 36p.100, Atradius 31p.100 et Coface 19p.100. Une telle rétrogradation doit naturellement avoir un effet considérable sur le marché mondial, n'est-ce pas?

[Traduction]

M.Flanagan: Vous avez posé plusieurs questions. Le groupe Euler Hermes a une cote de crédit de AA-, et ce, pour plusieurs raisons. Nos résultats ont été légèrement supérieurs à ceux d'Atradius, mais il faut dire que, dans la conjoncture actuelle, les assureurs connaissent de graves difficultés. Nos résultats sont très inférieurs à ceux de l'an dernier. C'est un phénomène cyclique dans le domaine de l'assurance-crédit. Nous faisons des profits pendant cinq ans, puis une récession survient, et nous faisons des pertes. C'est le cycle normal.

Atradius a subi beaucoup de pertes l'an dernier, comme nous tous d'ailleurs, mais elle est particulièrement touchée par la conjoncture espagnole étant donné que la société mère est espagnole. Je vous ferai toutefois remarquer que cette société a toujours une cote de crédit A, et que sa solvabilité n'est, que je sache, nullement en cause.

Euler Hermes est une société un peu plus importante. Notre groupe est plus fort, et notre chiffre d'affaires, plus élevé. Nous faisons aussi partie du groupe Allianz, un très gros conglomérat multinational allemand, qui a lui aussi une cote AA. Le fait de faire partie de ce très gros groupe nous donne une sécurité supplémentaire. C'est là une des raisons principales.

Vous avez parlé de l'impact sur le marché mondial. À mon avis, une baisse de la cote de crédit n'aura qu'un impact minime. Certes, c'est un facteur important, mais une cote A est toujours une cote A. Comme vous l'avez très justement fait remarquer, il y a beaucoup d'autres acteurs sur le marché, et si quelqu'un a des hésitations, il ira tout simplement voir un autre assureur.

Le sénateur Dawson: Le ministre a dit hier que l'une des raisons d'être d'EDC est de protéger les Canadiens et les clients canadiens contre les taux d'intérêt usuraires que pratiquent les assureurs du secteur privé. Je ne vous demande pas quels sont vos tarifs, mais que pensez-vous de cette observation? Les tarifs des assureurs privés au Canada sont-ils très différents de ceux d'EDC? Pourriez-vous assumer une augmentation?

Chez EDC, les primes sont passées de 92 millions de dollars en 2000 à 98 millions en 2006, mais ses dépenses de fonctionnement ont grimpé de 37 à 58 millions de dollars. Si vous aviez des résultats semblables, vous en sortiriez-vous?

M.Flanagan: Non, comme je l'ai dit tout à l'heure, j'ai été très surpris quand j'ai vu ce tableau dans le rapport d'IFC. Vous savez, le ratio des dépenses fluctue beaucoup. Il peut être de 40, 45, 47, 60. Justement, j'ai entendu hier quelqu'un dire que les taux de change avaient un impact sur ce ratio. Quoi qu'il en soit, la proportion des dépenses de fonctionnement nous paraît ici très élevée. Dans mon entreprise, les coûts de fonctionnement représentent 30p.100, et j'estime que c'est un maximum. Je crois que, pour l'ensemble de mon groupe, nous nous situons un peu en dessous de 20p.100. À mon avis, tout ce qui dépasse 35p.100 est inacceptable.

Il ne faut pas oublier que l'indicateur clé pour une entreprise, c'est le ratio combiné de ses pertes et de ses dépenses. Ce sont ces deux éléments qui, une fois combinés, déterminent les profits. À 45p.100, il ne vous reste pas une grande marge de manœuvre. À mon avis, c'est trop élevé.

Le sénateur Dawson: Qu'en est-il des tarifs?

M.Flanagan: C'est une question intéressante. Si vous la posez à des courtiers au Canada, ils vous diront qu'EDC pratique des tarifs plus élevés que le secteur privé. Je crois qu'IFC le reconnaît dans son rapport. Pour ma part, ce n'est pas ce que j'ai constaté. J'ai très souvent fait concurrence à EDC, car elle était présente dans la plupart des grandes transactions. Nous pratiquons à peu près les mêmes tarifs. Si EDC est prête à assurer un risque que personne d'autre ne veut assurer, elle va certainement demander des primes supérieures en raison de l'importance du risque. À mon avis, les tarifs d'EDC sont assez semblables aux nôtres, la plupart du temps.

La différence entre mes tarifs et ceux d'EDC est la même qu'entre mes tarifs et ceux de la compétition. L'assurance- crédit est un marché très concurrentiel. Il y a beaucoup de courtiers et tout est très transparent, ce qui maintient les tarifs à la baisse.

Le sénateur Dawson: Je vous ferai parvenir cette remarque qui a été faite hier, pour que vous puissiez nous répondre par écrit, si vous le désirez.

Pensez-vous qu'il soit possible d'assujettir EDC aux contrôles du BSIF, au même titre que vous, les banques et bien d'autres?

M.Flanagan: Oui, je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas. C'est un secteur d'activité distinct, et il ne devrait pas être difficile d'avoir des chiffres et des rapports distincts. Il s'agit simplement de faire une ventilation du résultat global. Mais l'élément principal, c'est le calcul des coûts, et on en revient au même problème. La grande inconnue, c'est combien coûte l'assurance-crédit, parce que ce coût est intégré à l'ensemble des coûts d'EDC. C'est un problème, mais qui n'est pas insurmontable.

J'ai exercé jadis le métier de comptable dans l'industrie pétrolière, et je passais une bonne partie de mon temps à répartir les coûts entre les diverses entreprises. C'est complexe, mais c'est faisable. Il n'y a aucune raison pour qu'on ne puisse pas ventiler tous ces chiffres.

Il est curieux que le rapport d'IFC ne contienne aucun chiffre, et que le consultant nous ait dit qu'en l'absence de chiffres disponibles, il lui était impossible de les ventiler. Je trouve cela surprenant. Quand on travaille dans les finances, la première chose qu'on regarde, ce sont les coûts. Je ne vois pas pourquoi le secteur assurance- crédit d'EDC ne pourrait pas constituer une organisation distincte, qui soumettrait des rapports distincts et qui serait jugée en conséquence.

Le sénateur Andreychuk: Dans votre déclaration, vous dites qu'EDC devrait se retirer du marché de l'assurance- crédit à l'exportation à court terme, et que cela n'aurait qu'un impact de 6p.100 sur son chiffre d'affaires global. J'aimerais vous poser quelques questions à ce sujet. Votre entreprise est établie au Canada depuis un certain temps. S'est-elle développée? Pourquoi ne parlez-vous que du marché de l'assurance-crédit à l'exportation à court terme?

M.Flanagan: Euler Hermes est établie au Canada depuis 1928, mais son organisation a évolué. Je ne m'attarderai pas là-dessus. Avec le temps, nos affaires se sont peu à peu développées, surtout sur le marché intérieur. Il est intéressant de constater que, depuis qu'EDC s'est retirée du marché intérieur — car il ne faut pas oublier qu'elle était jadis présente sur ce marché —, les primes que reçoit Euler Hermes Canada ont augmenté de 87p.100. Autrement dit, quand EDC s'est retirée du marché intérieur, le secteur privé s'y est implanté, s'y est livré concurrence, et notre part de marché a augmenté.

Aujourd'hui, dans notre secteur, on ne sépare plus le marché intérieur et le marché à l'exportation. C'est une vieille façon de voir les choses. Toutes les entreprises exportent. Quand on offre un service à nos clients, il faut aussi offrir ce service pour les exportations, et c'est ce que nous faisons, comme nos concurrents, au niveau international. Le problème que nous avons avec EDC, c'est que cette société représente 75p.100 de ce marché. Il est donc difficile, pour nous, de développer nos activités fasse à un concurrent de cette taille qui, de surcroît, n'est pas assujetti aux mêmes règles que nous. EDC n'a pas d'actionnaires, n'a personne qui surveille tout ce qu'elle fait, n'a pas de réassureurs. Il est donc très difficile de faire concurrence à une société qui n'est pas assujettie aux mêmes règles.

Le sénateur Andreychuk: Vous dites, plus loin dans votre déclaration, qu'EDC devrait se retirer de ce marché, et que les entreprises qui se font concurrence — car je suppose que c'est toujours un marché concurrentiel, et non pas exclusif — vont pouvoir prendre sa place. Vous ajoutez toutefois, si j'ai bien compris, que vous auriez quand même encore besoin de collaborer avec certains organismes des secteurs publics. De quels secteurs publics voulez-vous parler? Serait- ce encore EDC? Pensez-vous qu'EDC devrait être encore là, au cas où?

M.Flanagan: Permettez-moi de préciser ma pensée. Pendant 16 ans, j'ai travaillé au Royaume-Uni dans l'assurance-crédit, et je peux vous dire qu'en Europe, 95p.100 de ce type d'assurance provient d'assureurs privés. La discussion en revient toujours au même problème, mais ma position est très simple: il y a des risques qui ne sont pas assurables. N'importe qui dans le secteur de l'assurance peut vous dire qu'il y a des risques qui sont foncièrement mauvais. Si vous voulez expédier un lot d'ordinateurs d'une valeur de 500000 dollars à une entreprise dont vous n'avez jamais entendu parler au Nigéria, en Chine ou ailleurs, par exemple, cela représente un risque élevé. Si, aujourd'hui, quelqu'un me demande de l'assurance-crédit pour expédier des produits au Nigéria, je dirai que je ne couvre pas ce genre de risque. C'est ce qu'on fait partout dans le monde.

Si le gouvernement estime que, dans l'intérêt des exportateurs canadiens, quelqu'un doit assumer ce risque, ce n'est plus, à mon avis, une décision commerciale mais plutôt une décision politique. C'est ce qui se passe au Royaume-Uni.

Lorsque ce pays a privatisé l'ECGD, qui est l'équivalent d'EDC, dans les années 1990, le gouvernement s'est complètement retiré du marché mais a annoncé qu'il mettait en place un dispositif de réassurance d'urgence, au cas où. Pendant les 16années que j'y ai passées, personne n'a jamais eu à utiliser ce dispositif.

L'essentiel c'est que, si le gouvernement juge nécessaire, pour des raisons stratégiques, de couvrir certains risques, par exemple des biens d'équipement à long terme, à ce moment-là, qu'il le fasse. Je n'ai pas de problème avec ça. Ça se fait dans n'importe quel marché au monde. Si le secteur privé juge le risque trop élevé, le gouvernement peut décider, pour des raisons stratégiques, de couvrir quand même ce risque, et c'est là qu'EDC aurait un rôle à jouer. Si Bombardier veut assurer un contrat de vente de 20avions, le gouvernement pourrait envisager d'assumer ce risque. C'est au gouvernement de décider à partir de quel moment il doit intervenir.

En Europe, les gouvernements n'interviennent généralement pas. Le marché semble se maintenir rien qu'avec les assureurs privés. Il y a toutefois des risques qui ne sont pas assurables, et si vous ne réussissez pas à obtenir de l'assurance-crédit, vous faites autre chose. Ça n'empêche pas les exportations de continuer.

La question est plutôt de définir ce qu'est un risque non assurable et quelle partie de ce risque non assurable le gouvernement devrait couvrir. On en revient à la question de la transparence. Si le gouvernement est prêt à couvrir la totalité du risque, j'ai le droit de savoir, en tant que contribuable, combien il va m'en coûter en ce qui concerne les réclamations, le nombre d'emplois, la rentabilité du projet, et cetera. Nous ne disons pas que nous avons absolument besoin du gouvernement dans ce secteur, mais s'il veut y être présent, nous serons ravis de collaborer avec lui. C'est un système compliqué.

Le sénateur Andreychuk: J'essaie de comprendre. Vous dites que le secteur privé devrait occuper le marché, mais que s'il y a un risque, le gouvernement devrait intervenir. EDC dit exactement le contraire en réclamant plus de flexibilité pour pouvoir aider plus rapidement les exportateurs et pour être compétitive. Il y a donc un désaccord.

Le rôle d'EDC va être modifié dans deux ans. Avez-vous été consulté sur les changements prévus à ce sujet dans le projet de loiC-10, et qu'en pensez-vous?

M.Flanagan: J'ai écouté les reportages dans les médias, comme tout le monde, et j'étais sidéré, comme tous mes collègues. Je croyais qu'EDC revenait sur le marché intérieur, et les gens ont commencé à s'inquiéter pour leur emploi. Ce n'est que plus tard que nous avons été invités à discuter de ces changements, et nous avons participé aux discussions. Mais c'était la première fois que j'en entendais parler. C'est une question intéressante.

Je sais que notre temps est limité et que vous en avez déjà discuté hier, mais dans le modèle proposé, le gouvernement veut accroître la capacité du marché intérieur. C'est ce que fait EDC en réassurant le secteur privé. C'est exactement le modèle dont je parlais tout à l'heure: si le gouvernement estime, comme il le fait aujourd'hui, qu'il faut accroître la capacité du marché intérieur, il s'adresse au secteur privé et nous servons de vecteur, en quelque sorte. Nous sommes déjà équipés pour le faire, et nous le faisons. Si, dans deux ans, le gouvernement veut se retirer, il pourra le faire.

Le sénateur Andreychuk: Êtes-vous favorable à ce modèle?

M.Flanagan: Oui, c'est un modèle qu'on peut appliquer très facilement à l'assurance-crédit à l'exportation.

Le sénateur Grafstein: Vous nous avez fait un exposé très réaliste. Vous avez entendu le ministre déclarer, hier, que les nouveaux pouvoirs d'EDC s'appliqueront non seulement aux exportations mais aussi au marché intérieur. Si je me souviens bien, et je ne voudrais pas le citer hors contexte, ce sera très limité, mais l'essentiel concernera le marché des exportations. Êtes-vous présents sur le marché intérieur?

M.Flanagan: Oui, sur le marché intérieur et sur le marché à l'exportation.

Le sénateur Grafstein: Que pensez-vous des nouveaux pouvoirs qui seront conférés à EDC en ce qui concerne le marché intérieur?

M.Flanagan: Au début, cela nous a préoccupés car nous pensions que cela signifiait un retour d'EDC sur le marché intérieur, ce qui serait extrêmement négatif pour mon entreprise. Mais nous avons trouvé un arrangement selon lequel EDC jouera le rôle de réassureur, si bien que cela donne une capacité supplémentaire au marché et EDC sera là en arrière-plan.

Le sénateur Grafstein: Comment le savez-vous?

M.Flanagan: Nous avons rencontré des représentants d'EDC.

Le sénateur Grafstein: Ce n'est pas ce que dit le projet de loi.

M.Flanagan: Nous avons réfléchi à la façon dont cela pourrait marcher, et c'est ce que nous proposons. Le projet de loi vise à accroître la capacité du crédit sur le marché intérieur, et il donne à EDC le pouvoir de le faire.

Le sénateur Grafstein: Oui.

M.Flanagan: Maintenant, c'est à EDC de décider comment elle va utiliser ce pouvoir et, à juste titre d'ailleurs, elle va se servir du secteur privé pour cela. Nous devrions avoir un mécanisme en place d'ici à la fin du mois. S'il avait fallu partir de zéro, il aurait fallu des mois. C'est donc une bonne décision d'acheminer rapidement les capitaux sur le marché. Cela ne me pose aucun problème.

Le sénateur Grafstein: Pouvez-vous me donner une idée du volume de capitaux que vous déployez sur notre marché en ce qui concerne le crédit à court terme? Parlons chiffres pendant quelques instants.

M.Flanagan: Chaque année, je reçois environ 40 millions de dollars canadiens de primes. J'assure jusqu'à concurrence d'un peu moins de 10 milliards de dollars canadiens, dont 55p.100 sont des risques canadiens, le reste étant des risques étrangers, c'est-à-dire des exportateurs canadiens à l'étranger. Je n'ai pas un bilan détaillé car je suis une filiale de la maison mère, aux États-Unis.

Le sénateur Grafstein: Quel est le volume total des capitaux déployés par le secteur privé dans ce secteur d'activité, ici, au Canada? Quel pourcentage du marché représentez-vous?

M.Flanagan: Je suis le plus gros. Parmi les entreprises privées, je représente à peu près 25p.100, et je suppose qu'Atradius et Coface en représentent également 25p.100. C'est difficile à dire.

Le sénateur Grafstein: Peut-on parler de 25 milliards de dollars pour le secteur privé?

M.Flanagan: Je ne connais pas les chiffres de mes concurrents.

Le sénateur Grafstein: Il serait utile que nous ayons une idée, un ordre de grandeur des capitaux que le marché représente.

M.Flanagan: Oui.

Le sénateur Grafstein: Je ne suis pas très fort en économétrie si je ne dispose pas de chiffres. Les principes, c'est bien, mais les dollars, c'est encore mieux. Si nous avions ces chiffres, nous serions mieux en mesure d'évaluer les risques par rapport aux capitaux investis par le contribuable et par rapport aux capitaux investis par vous. Réunion après réunion, on entend parler de grands principes, mais c'est de l'argent du contribuable qu'il s'agit.

Le vice-président: Avez-vous une question?

Le sénateur Grafstein: Quelle est la taille du marché de l'assurance-crédit à court terme, et comment définissez-vous le crédit à court terme?

M.Flanagan: Le crédit à court terme est généralement d'une durée d'un an. Au-delà d'un an, on commence à parler de crédit à long terme. On peut aller jusqu'à deux ans, et la définition officielle est un crédit de deux ans.

Le sénateur Grafstein: Deux ans ou moins?

M.Flanagan: Deux ans ou moins, mais la plupart des transactions sont sur 180 jours, c'est le terme le plus courant.

Le sénateur Grafstein: Pourriez-vous nous dire dans quels secteurs vos coûts sont moins élevés, pour le consommateur, que ceux du gouvernement, et nous donner des exemples de situations dans lesquelles vous avez perdu des contrats parce que les clients préféraient être assurés par EDC? Cela n'a peut-être pas été toujours le cas, mais il me semble qu'aujourd'hui, un homme d'affaires doit être prudent et tenir compte des liquidités et de la cote de crédit des entreprises.

M.Flanagan: Comme je l'ai déjà dit, depuis cinq ans, le marché privé a presque toujours été moins cher qu'EDC; c'est ce que dit le rapport d'IFC, mais il ajoute que cela n'a pas toujours été le cas. Si je suis en concurrence avec EDC et que la transaction est particulièrement importante, je sais qu'elle va baisser ses tarifs pour remporter le contrat.

Le sénateur Grafstein: Pourquoi perdez-vous le contrat?

M.Flanagan: Pour deux raisons, l'une étant leur attitude face au risque.

Le sénateur Grafstein: L'attitude de qui?

M.Flanagan: Je parle d'EDC. Elle peut assumer des risques que je ne peux pas assumer, c'est aussi simple que ça. Un contrat d'assurance-crédit se gagne sur deux points: le tarif et la couverture, et souvent, la couverture est plus importante que le tarif. Autrement dit, si un assureur vous donne toute la couverture dont vous avez besoin, c'est à lui que vous allez vous adresser. EDC est plus audacieuse parce qu'elle n'a pas d'actionnaires. Elle a un gros chiffre d'affaires. Ce n'est pas une entreprise vraiment commerciale. Dans le secteur privé, nous avons tous à peu près la même position face au risque. Nous faisons les mêmes calculs, à partir des mêmes modèles, et nous en arrivons donc plus ou moins aux mêmes conclusions. Souvent, le secteur privé va dire qu'il ne peut pas assumer tel ou tel risque, alors qu'EDC va dire qu'elle peut le faire. Cela arrive tout le temps. De tous les contrats que je perds dans une année, il y en a généralement la moitié qui vont à EDC. Je perds constamment des contrats au profit d'EDC, et c'est presque toujours pour de la réassurance de risques.

Le vice-président: Je vais maintenant donner la parole au sénateur Peterson, avant de passer au témoin suivant. Je ne voudrais pas vous empêcher de parler, mais nous avons un ordre du jour très chargé.

Le sénateur Peterson: Assurez-vous les risques politiques?

M.Flanagan: Cela fait partie des contrats d'assurance à l'exportation, en effet; autrement dit, lorsqu'on assure un produit, on couvre aussi le risque politique. Donc, si vous voulez exporter des produits et que cela comporte un risque politique, nous le couvrons.

Le sénateur Peterson: Avez-vous des plafonds pour vos contrats d'assurance?

M.Flanagan: Des plafonds pour les risques?

Le sénateur Peterson: Oui.

M.Flanagan: En théorie, non. Mais quand nous évaluons un risque, nous fixons une limite à ce que nous assurons. Chaque police est différente. Tout dépend de ce que veut le client. Nous fixons une responsabilité maximum qui couvre les quatre principaux comptes, donc il n'y a pas de limite. La limite est souvent fonction du prix.

Le sénateur Peterson: EDC assure beaucoup de risques politiques. C'est sans doute cela qui lui fait décrocher des contrats, et ensuite, elle prend ce qui est le plus facile, c'est-à-dire le crédit à court terme, pour compenser les risques plus élevés. C'est bien?

M.Flanagan: C'est ce que dit EDC, et je comprends, mais vous ne savez pas exactement ce qu'il en coûte. Quatre- vingt pour cent de ce que fait EDC, je le fais aussi. On parle donc d'un petit pourcentage de choses qu'elle fait et que je ne peux pas faire. Mais si tous les chiffres sont amalgamés, vous ne pouvez pas savoir ce qu'il lui en coûte d'assurer ce risque élevé. Nous devrions nous intéresser au coût réel que représente l'assurance d'un risque politique. Au final, le rôle d'EDC est d'encourager les exportations. Comment pouvez-vous déterminer qu'elle s'acquitte efficacement de son rôle si vous ne connaissez pas le coût ou les retombées positives de cette activité? À l'heure actuelle, les chiffres de l'assurance-crédit sont mélangés avec tout le reste, si bien que tout paraît rentable, et EDC ne réclame pas d'argent au contribuable. C'est comme lorsque vous payez les frais minimums chaque mois sur votre carte de crédit: cela ne signifie pas que vous avez payé ce que vous devez. Il faut de la transparence.

Le vice-président: Votre témoignage a été très instructif, monsieur Flanagan. Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier d'avoir comparu devant nous.

Nous accueillons maintenant M.Avrim Lazar, président et chef de la direction de l'Association des produits forestiers du Canada. M.Lazar a déjà comparu devant notre comité lorsque que nous examinions la question du bois d'œuvre, si je me souviens bien.

Monsieur Lazar, vous connaissez la procédure. Vous faites votre déclaration et, ensuite, les sénateurs vous posent des questions. Avez-vous un texte?

Avrim Lazar, président et chef de la direction, Association des produits forestiers du Canada: Non, simplement les quelques données que MmeMorgan a dit que je devrais savoir avant de prendre la parole.

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous. Le moment est particulièrement bien choisi, même si personne n'aurait pu le deviner au moment où le calendrier a été fixé pour les examens de la loi sur EDC.

Comme vous le savez, l'industrie forestière canadienne est directement touchée par des cours qui n'ont jamais été aussi bas en ce moment. Non seulement la demande a chuté, mais la plupart de nos clients font des compressions de stocks, c'est-à-dire qu'ils bradent les stocks qui leur restent car ils ne peuvent pas obtenir du crédit pour en acheter d'autres. Cela entraîne les prix dans une spirale descendante.

Comme vous le savez tous, c'est un dysfonctionnement du système de crédit qui est à l'origine de cette récession mondiale. Ce n'est peut-être pas ce qui a fait s'effondrer le château de cartes, mais c'est tout le système qui était un château de cartes. Comme vous le savez, le crédit est une condition essentielle pour faire des affaires. Le crédit, c'est comme l'oxygène. Vous avez beau être brillant et compétitif, avoir de grands marchés et de belles marges de profit, si vous n'avez pas de crédit, si vous ne pouvez pas le renouveler, si vos fournisseurs ne peuvent pas avoir de crédit, si vos clients ne peuvent pas avoir de crédit, alors l'activité commerciale s'arrête. Même les athlètes les plus résistants deviennent bleus s'ils manquent d'oxygène. C'est absolument vital.

Pour toutes les industries et entreprises canadiennes, la priorité fondamentale est que le gouvernement, s'il veut encourager la reprise économique, trouve le moyen d'injecter davantage de crédit/oxygène dans le système. Depuis toujours, le créneau qu'occupe EDC consiste à intervenir lorsque les fournisseurs de crédit ne sont pas assez sensibles aux besoins des exportateurs. Nous avons toujours été impressionnés par la qualité du travail accompli par cette organisation.

En ces temps difficiles, nous sommes heureux d'apprendre que le gouvernement a décidé d'élargir les pouvoirs d'EDC. Il faut qu'on augmente ses plafonds de dépenses, qu'on lui accorde des sources de financement plus diversifiées, et qu'on élargisse son rayon d'action pour inclure, éventuellement, le financement de fusions d'entreprises canadiennes, dans le but de doper les exportations, et peut-être aussi le financement d'importations qui sont essentielles aux exportations.

Par exemple, si nous voulions acheter une nouvelle machine qui nous permettrait d'être plus compétitifs pour l'exportation du papier, car la majeure partie de notre papier est exportée, le fait d'avoir accès du crédit pour nous rééquiper serait extrêmement utile.

Bien sûr, EDC pourrait financer des projets qui ne sont pas nécessairement liés à des exportations particulières, mais qui contribuent, au final, à une augmentation des exportations. Nous sommes un pays qui vit pratiquement de ses exportations, car plus de la moitié de ce que nous faisons consiste à exporter des produits dans d'autres pays. Dans ces circonstances, tout ce que vous pourrez faire qui nous aide à financer notre capacité de faire face à la concurrence sera utile.

J'ai dit et je le répète, dans le passé, le secteur privé était là pour nous donner le crédit dont nous avions besoin, mais nous constatons aujourd'hui que, même avec une marge de crédit, nous ne réussissons pas souvent à la renouveler. Le crédit n'est tout simplement pas disponible. En plus, les coûts ont augmenté considérablement, et on se retrouve dans une situation telle qu'on sera bientôt à court d'oxygène. Les entreprises canadiennes ont besoin d'EDC et de ses homologues pour insuffler de l'oxygène dans le système.

Veuillez m'excuser d'avoir poussé ma métaphore à l'extrême.

Le vice-président: Je crois que nous avons compris. MmeMorgan a-t-elle quelque chose à ajouter?

M.Lazar: Non, j'ai dit tout ce qu'elle m'avait préparé.

Le sénateur Wallin: Je vous souhaite la bienvenue dans notre comité. Pouvez-vous nous donner une idée du nombre d'entreprises d'autres secteurs qui utilisent les services d'EDC? Vous adressez-vous régulièrement à EDC?

M.Lazar: La grande majorité des entreprises de mon secteur utilisent les services d'EDC. Celle-ci fait partie des meubles, pour ainsi dire. Nous exportons plus des deux tiers de ce que nous fabriquons. Nous avons recours à EDC pour garantir nos marges de crédit et assurer les comptes débiteurs, par exemple, et pour faciliter l'expansion des exportations. C'est très important.

Généralement, quand vous parlez d'organisations gouvernementales avec des responsables de l'industrie forestière, vous n'entendez pas toujours des remarques très élogieuses. Par contre, quand vous parlez d'EDC, les visages se dérident toujours.

Le sénateur Wallin: Utilisez-vous aussi des fonds d'EDC pour une transaction sur le marché intérieur?

M.Lazar: C'est toujours pour des transactions à l'exportation.

Le sénateur Wallin: Tout le papier produit se retrouve dans un autre pays?

Marta Morgan, vice-présidente, Commerce, Association des produits forestiers du Canada: Jusqu'à présent, la grande majorité des transactions que nos entreprises ont conclues avec EDC concernaient l'assurance de comptes clients à l'exportation. Nous sommes l'un des plus gros clients d'EDC dans ce domaine.

Aujourd'hui, avec la contraction du crédit, nos entreprises se tournent de plus en plus vers EDC.

Le sénateur Wallin: Toujours sur le même sujet, et ce sera ma dernière question, vous avez dit clairement qu'en cette période de crise du crédit, les autres sources auxquelles vous auriez pu vous adresser se sont pratiquement taries. Pourriez-vous nous en donner un exemple récent, qui se serait produit au cours des deux derniers mois?

MmeMorgan: Oui. Nos entreprises nous signalent que, dans le domaine des comptes débiteurs et de l'assurance, les assureurs privés ne s'intéressent plus du tout aux marchés vers lesquels nous exportons, à savoir, par exemple, les journaux et la construction immobilière aux États-Unis. EDC est intervenue, de façon magistrale, ce qui a permis à nos entreprises d'obtenir l'assurance dont elles avaient besoin. C'est un exemple.

Le sénateur Wallin: Vous n'avez donc pas choisi EDC parce qu'elle avait un avantage concurrentiel sur les entreprises privées? Vous avez bien dit que les entreprises privées ne voulaient pas vous aider?

MmeMorgan: Nous avons toujours eu recours aux services d'EDC, mais aujourd'hui, nous en avons encore plus besoin car les entreprises privées ne sont plus là.

M.Lazar: Les entreprises nous ont dit que, si vous avez une marge de crédit auprès d'une banque canadienne et que vous voulez la renouveler, généralement, c'est possible. Par contre, si ce n'est pas l'une des grandes banques, ou si vous avez besoin d'une plus grande marge de crédit, à ce moment-là, vous n'intéressez plus personne, et les coûts explosent.

Le sénateur Corbin: Monsieur Lazar, j'ai eu le plaisir de vous entendre à une réunion d'un comité autochtone, il y a quelques mois, où vous parliez des initiatives fort louables que vous avez prises pour des entreprises des Premières nations. J'ai été très impressionné par votre exposé.

Je n'ai qu'une question à vous poser. Il y a deux ou trois semaines, au Sénat, nous avons examiné le budget des dépenses du gouvernement. J'ai remarqué qu'un poste budgétaire d'environ 450 millions de dollars, résultant d'un paiement versé à l'industrie forestière dans le cadre de l'accord canado-américain, avait été reporté de l'exercice précédent à l'exercice en cours.

Je vois que vous ne comprenez pas ce à quoi je fais allusion. Autrement dit, il s'agit d'un paiement qui aurait dû être fait dans le cadre de l'accord mais qui n'a pas encore été versé. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, ou ignorez- vous complètement ce dont il est question?

MmeMorgan: D'après ce qu'on nous a dit, immédiatement après la signature de l'accord, EDC a remboursé ces droits aux entreprises canadiennes avant que celles-ci ne le soient par le gouvernement américain, et cela a très bien fonctionné. EDC a été très compétente et très rapide. Nos membres ont beaucoup apprécié d'être remboursés aussi rapidement.

En ce qui concerne ce poste budgétaire, je ne suis pas du tout au courant, mais je peux vous dire qu'aucun de nos membres ne s'est plaint à ce sujet.

M.Lazar: Soit dit en passant, puisque vous avez parlé des Premières nations, le chef Fontaine a remis hier à l'industrie forestière une très symbolique feuille d'or pour nous remercier d'avoir participé à des activités conjointes de développement économique, et les entreprises que je représente en sont très honorées.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis: En décembre dernier, avec l'appui des députés de l'opposition de l'Assemblée législative de Terre-Neuve-et-Labrador, le gouvernement a adopté une loi expropriant tous les actifs d'Abitibi Power dans la province, à l'exception de l'usine de Grand Falls-Windsor.

Quelles ont été les conséquences de cette loi pour l'industrie forestière et sa capacité de livrer concurrence dans le monde? Est-ce que cela vous a affecté?

[Traduction]

M.Lazar: Il est difficile d'en définir l'impact immédiat car les investissements et la demande sont en baisse au niveau mondial. Mais d'ici six mois, en tout cas pas au-delà d'un an, l'investissement reviendra. Les gens ont des capitaux à investir. Nous croyons que les investisseurs sont des êtres tout à fait rationnels qui se demandent tout simplement, avant d'investir dans tel ou tel domaine, combien cela va leur rapporter. Ils se demandent aussi, sans doute dans leur for intérieur, si c'est un secteur où ils peuvent investir en toute sécurité.

Le gouvernement de Terre-Neuve a montré par son geste que cette province — mais aussi le reste du Canada, par association — est une destination à risque pour les investissements car, si le gouvernement n'est pas d'accord avec vous ou en a tout simplement envie, il peut vous exproprier. Sans faire de commentaires sur cette affaire, je voudrais vous dire que notre position est tout à fait claire: nous estimons que c'était une erreur. Néanmoins, cette décision a un impact sur l'ensemble du Canada.

C'est même grave parce que, comme vous le savez, les capitaux n'ont pas de patrie. Ils peuvent aller n'importe où. Ils peuvent aller au Brésil, au sud des États-Unis, en Russie, en Indonésie. Il vous suffit d'appuyer sur un bouton de l'ordinateur, et l'argent part dans cette direction. Nous nous battons désespérément pour attirer des investissements dans nos usines canadiennes, pour accroître notre compétitivité et pour garder nos emplois, mais cela ne nous aide vraiment pas.

Le sénateur Grafstein: Je vous souhaite la bienvenue parmi nous, monsieur Lazar et madame Morgan. Je viens de rentrer de Washington où j'ai appris que 10 sénateurs américains et quelques gouverneurs avaient décidé de rouvrir le dossier du bois d'œuvre. À mon avis, il ne faut pas être vulnérable sur ce front-là, car nous avons d'autres combats à livrer aux États-Unis au sujet de leur politique " achetez américain ".

J'aimerais savoir si EDC présente vraiment un avantage, étant donné que M.Flanagan nous a dit tout à l'heure que le coût de l'assurance à l'exportation était en quelque sorte une subvention indirecte. Quelqu'un a-t-il déjà soulevé ce problème?

M.Lazar: Pas que je sache. D'après notre expérience, si cela profite au secteur dans son ensemble, et pas seulement à l'industrie forestière, ça va. EDC a toujours participé. Les États-Unis ont d'autres mécanismes pour aider leurs exportateurs. Personne ne m'a jamais parlé de ce problème. Madame Morgan, en avez-vous entendu parler? Non, ce n'est pas un risque.

Le sénateur Grafstein: Puis-je résumer votre témoignage en disant: bravo EDC?

M.Lazar: Je dirais trois fois bravo, et j'ajouterais « remettez-en une couche ».

Le sénateur Downe: J'aimerais revenir à ce dont vous parliez tout à l'heure au sujet de Terre-Neuve-et-Labrador. Je ne viens pas de cette province, mais du Canada atlantique. Si j'ai bien compris toute l'affaire, l'entreprise refusait de faire des investissements importants dans l'usine, le nombre d'emplois était en déclin depuis plusieurs années, et lorsqu'elle a finalement décidé de se retirer, elle a voulu conserver les droits qu'elle détenait sur des ressources minérales et des ressources naturelles de la province. C'est alors que le gouvernement de Terre-Neuve, appuyé par des députés de l'opposition à la Chambre d'assemblée de la province, a décidé de récupérer les actifs qui appartenaient aux habitants de Terre-Neuve.

Si j'ai bien compris, vous appuyez l'entreprise et pas Terre-Neuve, c'est bien cela?

M.Lazar: Absolument.

Le sénateur Downe: Et vous dites que c'est à cause de l'impact que cela aura sur les investisseurs? Vous craignez qu'il n'y ait plus assez d'investissements, mais le gouvernement de Terre-Neuve vous répondra que c'est justement parce que la société ne faisait plus d'investissements dans l'usine. Celle-ci n'était plus efficace, et c'est la raison pour laquelle l'entreprise voulait la fermer.

M.Lazar: On peut aborder la question sous trois angles différents. Premièrement, si vous êtes propriétaire d'une ressource et que vous n'êtes pas satisfait de la façon dont celui qui l'exploite se comporte, décidez-vous de l'exproprier ou bien d'exercer vos pouvoirs de réglementation et de persuasion afin de l'amener à discuter pour trouver une solution? Si le produit en cause se vend à un coût inférieur à son coût de production, la seule question qu'il faut se poser est de savoir qui est prêt à perdre de l'argent année après année. Si le gouvernement de Terre-Neuve arrive à trouver quelqu'un d'autre, chapeau.

Deuxièmement, comment crée-t-on des emplois à Terre-Neuve? La ressource est là, de même que la main-d'œuvre et l'esprit d'entreprise. Ce qui manque, ce sont les investissements. Le plus important, pour les investisseurs, c'est de faire un profit. Par conséquent, à long terme, je ne vois pas comment une telle décision peut avoir un impact favorable sur les travailleurs de Terre-Neuve.

Troisièmement, le gouvernement fédéral devra probablement rendre des comptes de cette décision dans le cadre de l'ALENA. Nul ne sait ce qui se passera, mais pour l'instant, on n'a pas l'impression que les investissements soient bienvenus à Terre-Neuve.

Que devrait faire le gouvernement de Terre-Neuve au sujet des autres actifs? Devrait-il obliger l'entreprise à négocier? Pour ma part, j'ai entendu M.Patterson déclarer à la presse, à plusieurs reprises, que son entreprise «était prête à discuter avec le gouvernement de Terre-Neuve pour trouver une solution au problème». Encore une fois, je ne suis pas le porte-parole de la société car je représente l'industrie dans son ensemble, mais très franchement, on se passerait volontiers de ce genre de choses, surtout quand on essaie d'attirer des investissements dans les entreprises canadiennes.

Le sénateur Downe: Merci de votre réponse. Comme je viens de l'île du Prince-Édouard, je ne suis pas le porte- parole du gouvernement de Terre-Neuve-et-Labrador. Toutefois, beaucoup de gens pensent que l'entreprise profitait de Terre-Neuve et de ses habitants. Le gouvernement provincial a reçu un appui unanime à son assemblée législative.

M.Lazar: Je sais que la décision est très populaire. Vous savez, je représente beaucoup d'entreprises qui vendent leurs produits à un prix inférieur au coût de production. Nous essayons de voir comment elles peuvent survivre, sans fermer d'usines, jusqu'à ce que les marchés reviennent à la normale. Si vous faites des pertes mois après mois, l'argent que vous avez en banque diminue, et finalement, il n'y a plus rien.

Le sénateur Downe: Quand vous investissez, vous attendez-vous à un profit dans les six mois?

M.Lazar: Oui.

Le sénateur Downe: Et vous vous fondez sur quoi?

M.Lazar: Pour ce qui est de la reprise des marchés mondiaux, tous ceux qui font des prédictions ont une chose en commun: ils se sont trompés. Nous pensons qu'il y aura une vive reprise de la demande dans les 12 à 18 prochains mois, ne serait-ce que parce que les Américains auront besoin de construire des maisons. Leur population augmente rapidement, leurs parcs de bois de construction sont vides, et rien n'indique qu'ils ont décidé de vivre sous des tentes, mais on ne sait jamais, c'est pour ça que nous surveillons les ventes de tentes. Bref, ils finiront bien par vouloir construire des maisons, et à ce moment-là, la demande de bois d'œuvre augmentera.

De la même façon, les réserves mondiales de pâtes et papiers sont en train de diminuer. Bon nombre de nos clients étrangers ont fait des compressions de stocks en raison de problèmes de crédit. Ils ne veulent pas avoir de stocks excédentaires parce qu'il est difficile d'obtenir du crédit. Quand la demande reprendra, tout cela remontera en flèche.

Certaines entreprises canadiennes de l'Ouest et de l'Est ont encore de l'argent à investir, comme les multinationales d'ailleurs. Si vous surveillez les marchés d'investissements internationaux, vous constaterez que les grandes sociétés d'investissement de New York et de l'étranger ont déjà repéré que les actifs canadiens étaient sous-évalués et avaient un grand potentiel. Elles attendent le bon moment pour investir massivement.

On estime que le PIB mondial va doubler au cours des 20prochaines années, et que personne, à part nous, les Scandinaves et les Russes, ne sera capable de satisfaire la demande. Même si nous avons des difficultés en ce moment, nous sommes convaincus que le marché va reprendre au niveau mondial et que nous serons extrêmement compétitifs. Les investisseurs lorgnent du côté du Canada, et chaque dollar investi ici nous aide à conserver des emplois.

Le vice-président: J'ai déjà eu l'occasion de vous écouter, et c'était intéressant, mais aujourd'hui, ça l'est tout autant.

[Français]

Le sénateur Dawson: Vous avez dit tout à l'heure, monsieur Lazar, que vous utilisiez beaucoup EDC. Utilisez-vous les assureurs privés?

M.Lazar: Certainement. On utilise toutes les sources de crédit qu'on peut trouver. C'est normal pour les entreprises privées de faire affaires avec ce qui existe. EDC a une liste particulière.

[Traduction]

Elle assure des comptes clients à l'exportation.

[Français]

Toutes nos entreprises ont des crédits d'ici et des États-Unis.

[Traduction]

Le sénateur Dawson: Des assureurs privés sont venus nous dire qu'ils se sentaient menacés par EDC et que, s'ils ne parvenaient pas à obtenir une juste part du marché de l'assurance-crédit au Canada, ils envisageraient de partir. Vous venez de nous montrer que vous étiez un ardent défenseur de l'entreprise privée et j'aimerais donc vous poser la question suivante: ne pensez-vous pas que l'industrie canadienne a besoin d'assureurs privés dans le domaine de l'assurance à l'exportation?

M.Lazar: Nous estimons que, si le secteur privé peut le faire et le fait déjà, il vaut mieux que ce soit le secteur privé plutôt que le gouvernement. Par contre, s'il y a des lacunes dans le système qui risquent d'avoir un impact négatif sur l'emploi au Canada, il est souhaitable que le gouvernement intervienne pour protéger ces emplois. Les entreprises que je représente estiment que les assureurs privés ne leur ont été d'aucune aide dans la situation actuelle, et que les coûts ont augmenté parce que tout le monde pense que les risques ont augmenté. Nous ne voulons pas que ces assureurs disparaissent, certainement pas. Nous voulons qu'ils restent et nous voulons continuer à faire des affaires avec eux, mais pas au risque de perdre nos entreprises.

Prenez l'exemple d'une entreprise solide, que tout le monde qualifie de prometteuse. Malgré cela, elle n'arrive pas à obtenir le crédit dont elle a besoin. Si elle ferme ses portes, lorsque le marché reprendra, les employés ne seront plus là. Il lui faudra des mois avant de redémarrer l'usine, et ses meilleurs clients auront été fidélisés par un concurrent. Pendant cette période de crise, nécessité fait loi.

Le vice-président: J'exagère peut-être un peu si je dis que cette question concerne principalement Exportation et Développement Canada, mais en tout cas elle vous concerne, c'est sûr.

Le rôle des assureurs privés est une question qui suscite pas mal de controverse. Les membres du comité en ont beaucoup entendu parler, et ils devront définir leur position. Vous avez parlé de reprise économique. Cela nous intéresse tous, vu la conjoncture actuelle.

Pour ce qui est de l'industrie forestière canadienne, je me suis intéressé il y a quelque temps à la Russie. Je m'y trouvais il y a quelques années quand j'ai fait la connaissance d'un Suédois qui était en train de mettre sur pied une entreprise forestière. Il m'avait dit à l'époque que beaucoup de choses se faisaient en Russie dans ce domaine, vu les vastes forêts dont dispose ce pays. Qu'en est-il vraiment? Ce pays est-il devenu un concurrent sérieux pour le Canada?

M.Lazar: D'ici cinq ans, ils auront les trois ingrédients qu'il faut pour réussir: les arbres, l'énergie et l'eau, sur des sols qui ne sont pas des terres arables. Les pays qui ont de bonnes terres agricoles, comme le Brésil et l'Indonésie, préfèrent investir dans les biocarburants et l'agroalimentaire, où il y aura des pénuries, plutôt que dans l'exploitation forestière. Autrement dit, il est préférable, sur les plans social et économique, d'utiliser les bonnes terres agricoles pour la production alimentaire et la fabrication de biocarburants.

De façon générale, la forêt boréale est une bonne région forestière. Après la famine, ils y ont envoyé des Irlandais et des Ukrainiens pour essayer de cultiver la terre; les plus malins sont revenus en ville, les autres sont morts de faim, si je me souviens bien. Cette forêt va servir à la production de fibres. Les Scandinaves, les Canadiens et les Russes sont dans ce type de production.

La Russie, elle, fait face à trois grands défis. Le premier est l'immensité de son territoire et le manque d'infrastructures. Les forêts sont loin des marchés. Ils exportent facilement vers la Chine parce que la Sibérie est tout près. La Chine a fait de la Russie une colonie économique en important ses billots bruts. Si vous vous rendez à la frontière qui sépare la Chine et la Russie, vous verrez que toutes les scieries sont du côté chinois, de sorte que la Chine conserve tous les emplois. C'est pour cela que les Russes ont commencé à imposer une taxe à l'exportation. Les Européens sont également présents dans ce secteur, surtout les Finnois mais aussi les Suédois, parce que le prix des fibres en Europe a explosé. Pour s'acquitter des engagements qu'elle a pris à Kyoto, l'Union européenne recherche des sources de carburant renouvelable. Ils ont consacré d'énormes subventions à la production d'énergie à partir du bois. Le prix des fibres qui servent à fabriquer du bois d'œuvre et des pâtes et papiers en Europe a considérablement augmenté, parce que ce combustible est plus facile à utiliser et a un meilleur rendement. Les Finnois importent du bois d'œuvre russe en plus de leurs propres ressources.

Comme je l'ai dit, les Russes ont menacé d'imposer une taxe à l'exportation. Comme ils sont très endettés, ils ne peuvent plus obtenir de crédit. Apparemment, EDC ne leur consent pas de prêts. Ils n'ont pas autant de chances que nous, si bien que le développement de ce secteur est au point mort dans ce pays.

Les Russes ont aussi un grave problème de déforestation par des bûcherons clandestins, qui ne reviennent pas la nuit planter des arbres là où ils en ont coupé. On raconte que ces activités sont liées au gangstérisme, mais en tout cas elles bloquent la croissance de ce secteur.

Seront-ils de solides concurrents à long terme? Certainement, et nous devrons les affronter. Mais à court et moyen terme, nous n'avons pas de problème car ils ont beaucoup de progrès à faire avant d'être des concurrents sérieux.

Le vice-président: Merci, monsieur Lazar et madame Morgan. Cette discussion était d'autant plus intéressante que le comité est saisi d'un autre dossier, celui des relations commerciales du Canada avec la Chine et la Russie. Vous nous avez donné des informations très précieuses.

M.Lazar: Merci de nous avoir invités, et bonne chance dans vos délibérations.

Le vice-président: Nous allons maintenant entendre des représentants de l'Association des banquiers canadiens: M.Terry Campbell, vice-président, Politique, et M.John Lancaster, directeur, Institutions.

Terry Campbell, vice-président, Politique, Association des banquiers canadiens: Merci, honorables sénateurs. Nous vous avons remis des exemplaires de notre exposé, en français et en anglais.

Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de participer à l'examen décennal de la Loi sur le développement des exportations. Comme vous le savez, l'Association des banquiers canadiens représente 50 banques à charte du Canada ainsi que les filiales et les succursales de banques étrangères y exerçant des activités. Notre objectif est de favoriser une meilleure compréhension du secteur bancaire et de son importance pour les Canadiens et l'économie canadienne.

Depuis de nombreuses années, les banques canadiennes travaillent avec EDC pour améliorer le commerce des exportations du Canada et accroître la capacité du financement commercial de notre pays. Les banques du Canada sont des utilisateurs importants des produits d'atténuation des risques d'EDC. Les garanties et l'assurance offertes par EDC améliorent la capacité des banques de consentir des prêts lorsque les risques sont supérieurs aux limites que permet le crédit consenti par le secteur privé, ou lorsque la durée du prêt est plus longue qu'il n'est commercialement viable. En offrant de l'assurance-crédit à l'exportation dans le marché des services financiers canadien, EDC a considérablement accru la capacité des banques de consentir aux exportateurs des prêts garantis par leurs créances sur vente assurées. De plus, les garanties de prêts bancaires d'EDC permettent à des étrangers d'acheter des biens et des services canadiens.

Nous sommes heureux de participer à l'examen décennal d'EDC. Nous croyons que, à l'instar de n'importe quelle autre société de la Couronne qui exerce des activités aux côtés des institutions du secteur privé, EDC doit avoir un mandat bien défini en matière de politique publique, pour que son rôle soit clair et sans ambiguïté.

Nous savons que l'examen de la Loi sur le développement des exportations a été lancé avant que la crise économique mondiale ne frappe de plein fouet le Canada, et avant la récession actuelle. Nous savons aussi qu'entre-temps, le gouvernement a pris des mesures dans son budget de janvier pour contrer les répercussions de la crise, en donnant notamment à EDC le pouvoir, pendant deux ans, de consentir du financement canadien. La période exceptionnelle que nous traversons exige des mesures spéciales. Nous comprenons et nous appuyons les initiatives du gouvernement en ce qui a trait à EDC. De plus, nous reconnaissons et nous apprécions l'accent mis par le gouvernement sur le caractère temporaire de ces pouvoirs, et sur le fait qu'ils ne doivent pas être utilisés pour remplacer le crédit consenti par le secteur privé. Nous sommes aussi en accord avec le thème du budget, lorsqu'il établit ces nouveaux pouvoirs: l'importance du partenariat et de la collaboration. En effet, les banques ont à cœur de maintenir leur partenariat avec EDC, dans l'intérêt de leurs clients.

Dans le cadre de votre examen du rôle et du mandat d'EDC, il sera également important de tenir compte de l'horizon à long terme, c'est-à-dire après la période temporaire de deux ans qui touche les nouveaux pouvoirs d'EDC, lorsque l'économie aura repris une activité normale ou tout au moins plus prévisible.

Le fait de formuler des recommandations pour l'avenir en ne se fondant que sur les circonstances exceptionnelles actuelles pourrait nuire à l'établissement d'une bonne politique publique et d'un rôle durable pour EDC. Par conséquent, nous aimerions vous proposer des principes que votre comité et le gouvernement devraient utiliser, à notre avis, pour définir le mandat futur d'EDC.

Le premier principe est qu'EDC — en fait, tous les organismes financiers de la Couronne — devrait servir de complément aux institutions du secteur privé, c'est-à-dire qu'elle devrait agir de manière à accroître la capacité des institutions financières d'aider leurs clients. L'envers de la médaille, bien sûr, c'est que l'organisme ne devrait pas exercer d'activités consistant à remplacer, à évincer ou à dédoubler le crédit consenti par le secteur privé.

Le second principe paraît évident, mais il est bon de l'énoncer quand même: le rôle le plus approprié et le plus efficace consiste pour EDC à faciliter et à appuyer les exportateurs canadiens.

Ensemble, ces deux principes soulèvent un certain nombre de questions auxquelles il faudra répondre avant de définir le rôle futur d'EDC. Premièrement, la fonction envisagée pour EDC est-elle clairement liée au commerce? Deuxièmement, la fonction envisagée pour EDC est-elle structurée de manière à être offerte en partenariat avec un prêteur du secteur privé, et vise-t-elle clairement à accroître la capacité du prêteur de financer le client? Troisièmement, cette activité fait-elle ou pourrait-elle faire double emploi avec les activités des prêteurs du secteur privé ou d'autres organismes gouvernementaux présents sur le marché? Enfin, existe-t-il un besoin expressément documenté de modifier le mandat?

Nous sommes d'avis que ces principes et questions pourraient guider votre examen des différentes propositions que vous entendrez au sujet du rôle futur d'EDC, et pourraient également vous aider à formuler des recommandations en matière de politique publique. Nous vous conseillons vivement de les adopter dans le cadre de votre examen.

D'ici là, tant que l'économie ne sera pas sortie du marasme actuel, nous appuyons l'intervention temporaire d'EDC dans le secteur du financement intérieur, car c'est en collaborant tous ensemble que nous pourrons remettre notre économie sur les rails.

Monsieur le président, messieurs les membres du comité, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de comparaître devant vous aujourd'hui, et nous répondrons volontiers à vos questions.

Le sénateur Downe: Dans votre mémoire, vous parlez des pouvoirs temporaires qui sont accordés à EDC, mais vous n'ignorez sans doute pas que le projet de loi d'exécution du budget indique, à l'article263(1):

L'alinéa 10(1)a) et le paragraphe10(1.01) de la même loi, édictés par le paragraphe260(1), sont abrogés deux ans après leur entrée en vigueur.

Mais que l'article263(2) indique:

Le gouverneur en conseil peut, par décret, proroger ce délai.

Autrement dit, le Cabinet, sans l'approbation du Parlement, peut proroger cette disposition. Tout comme l'impôt sur le revenu devait être temporaire après la Première Guerre mondiale, cette mesure ne sera peut-être pas temporaire non plus.

Je suppose que vous vous opposeriez à ce qu'EDC détienne ce pouvoir pendant longtemps?

M.Campbell: Il est révélateur que le gouvernement ait décidé de donner un caractère temporaire à ces pouvoirs. Il aurait pu en décider autrement, en présentant son budget. Mais il a préféré fixer des limites, et je pense que c'est important. Cela montre clairement qu'il est prêt à prendre ce genre de mesures, à titre exceptionnel.

En ce moment, nous sommes pris dans une tourmente économique, et nous comprenons les raisons pour lesquelles le gouvernement a décidé de prendre cette décision. S'il envisage plus tard de proroger cette période de deux ans, il devra avoir de bonnes raisons pour cela, et j'espère qu'il nous les expliquera pour que tout le monde puisse comprendre pourquoi il décide de proroger ou de ne pas proroger.

Sénateur, cela me ramène à ce que je disais tout à l'heure dans ma déclaration liminaire: avant de confier un mandat à un organisme, ou avant de modifier ce mandat, il faut un argumentaire solidement étayé, par exemple, la nécessité d'intervenir pour répondre à un besoin bien précis. Dans le cas qui nous occupe, l'argumentaire devra être préparé.

Le sénateur Downe: Merci de cette réponse. Il semble y avoir deux théories sur la question. L'une est que, étant donné que les banques bloquent toute demande de crédit, nous devons injecter des fonds supplémentaires, non seulement dans Exportation et Développement Canada, mais aussi dans la Banque fédérale de développement et dans d'autres établissements financiers. Nous sommes en train de dépenser de l'argent que nous n'avons pas. Le Canada va se retrouver avec un grave déficit pendant plusieurs années.

L'autre théorie consiste à rendre hommage aux banques. Elles sont responsables, elles sont conservatrices et elles n'ont pas prêté beaucoup d'argent à ceux qui n'avaient pas les moyens de rembourser, ce qui est la racine du problème aux États-Unis. Comme vous représentez l'Association des banquiers canadiens, je devine à laquelle des deux vous souscrivez, mais que pensez-vous de l'autre?

M.Campbell: Je suis d'accord avec votre façon de présenter les deux théories. En ce qui concerne la première, et selon la façon dont vous le mesurez, les banques canadiennes représentent environ 25p.100 du marché du financement, si l'on prend en compte tous les modes de financement, et consentent à peu près la moitié des prêts aux entreprises. Au cours des derniers mois, et même de la dernière année, on a constaté que les problèmes qui se sont posés ont touché les activités de financement, surtout les activités non bancaires. Le papier commercial, c'est fini, ou tout au moins c'est en chute libre. La titrisation en est pratiquement au point mort. Les sociétés de crédit-bail se retirent du marché. J'ai vu sur le site Internet de GE Money que l'entreprise annonçait qu'elle ne faisait plus d'assurance-crédit au Canada.

Du côté des banques, selon des données de la Banque du Canada, les prêts consentis par les banques, mois après mois, ont augmenté de plus de 10p.100. Nous avons essayé de compenser. En janvier, les prêts consentis par les banques ont augmenté de 11p.100 par rapport à janvier 2008. En décembre, je crois que l'augmentation était de 13p.100, et en novembre, de 14p.100 par rapport à l'année précédente.

Les entreprises qui obtenaient jadis des prêts d'un établissement étranger établi au Canada — peut-être par opportunisme — ne peuvent plus avoir ce financement. Je pourrais vous donner un exemple dans le Canada atlantique, où ce genre d'établissement a maintenant disparu, et où les clients se tournent de plus en plus vers les banques. Nous avons donc nettement augmenté les prêts que nous consentons, mais nous ne pouvons pas répondre à tous les besoins.

De façon générale, nous appuyons les nouveaux programmes que le gouvernement a proposés. L'exemple dont je voulais parler est bien sûr celui de High Liner et de la banque islandaise qui lui avait consenti un prêt dans des conditions que nous n'aurions jamais acceptées. Vous avez parlé de prudence. Il n'y en a plus, et une banque — la Banque de Montréal — a dû venir à la rescousse pour remplacer cet établissement financier.

Ce qui nous a permis de nous maintenir à flot, dans cette tourmente mondiale, c'est notre grande prudence dans les prêts que nous consentons. Et nous ne sommes pas les seuls à le dire, puisque l'organisme de réglementation l'a dit dans un autre comité l'autre jour. Nous consentons des prêts à ceux qui sont capables de les rembourser. Nous aidons nos clients et nous leurs proposons toutes sortes de stratagèmes pour leur éviter de se retrouver en difficulté, mais il n'empêche qu'au départ, nous sommes des prêteurs prudents, et c'est ça qui nous a permis de nous maintenir à flot.

Je reviens maintenant à votre question. Il est évident que l'accès au crédit est parfois difficile, sur le marché actuel. À notre avis, certains des programmes que le gouvernement a mis en place sont excellents. Nos membres collaborent avec le gouvernement, aussi bien pour le Programme de crédit aux entreprises que pour la Facilité canadienne de crédit garanti — c'est difficile de se souvenir des noms exacts. Nous pensons que ce sont de bons programmes, et nous espérons qu'ils vont donner des résultats.

Le sénateur Andreychuk: Le sénateur Downe m'a facilité un peu la tâche.

Nous sommes en train d'étudier le rapport de l'examen législatif d'Exportation et Développement Canada, que vous avez certainement lu. De façon générale, approuvez-vous ce rapport et ce qu'il recommande pour EDC, sous réserve bien entendu de l'évolution de la conjoncture économique et de l'intervention qui a été faite?

M.Campbell: C'est un rapport d'envergure. Il couvre beaucoup de choses, et propose un certain nombre de recommandations. De façon générale, et de notre perspective à nous, prêteurs, je crois que ce rapport va dans la bonne direction.

J'aimerais attirer votre attention sur un point que nous apprécions tout particulièrement, à savoir l'importance pour EDC de jouer un rôle complémentaire à celui des prêteurs, afin de ne pas les évincer. Cela serait anti-productif. Il serait bon, comme on le propose dans le rapport, qu'EDC ait pour rôle d'accroître la capacité de crédit. C'est important.

Le rapport propose aussi quelque chose au sujet des programmes de garantie à moyen terme et à long terme, et les programmes d'EDC. Nous pensons qu'il serait en effet souhaitable qu'EDC étudie avec les banques la possibilité d'élargir son rayon d'action dans ce domaine.

De façon générale, nous pensons que le rapport va dans la bonne direction.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez dit que le rôle d'EDC devrait s'articuler autour de deux principes de base, à savoir qu'elle doit jouer un rôle complémentaire à celui des établissements du secteur privé, et, par ailleurs, qu'elle doit aider les entreprises canadiennes à exporter. Je pense qu'on s'entend tous là-dessus.

Par contre, il est plus difficile, dans le cas d'un organisme public comme EDC, de déterminer ce qui est complémentaire en situation de concurrence. Je vais me faire l'avocat du diable. Les difficultés surviennent lorsque des entreprises canadiennes veulent exporter à l'étranger et se font souvent évincer par des pays qui utilisent toutes sortes de mécanismes pour accorder la préférence à leurs propres entreprises. En conséquence, EDC fait certaines choses que les banques perçoivent comme de la concurrence mais qui, en fait, sont nécessaires pour assurer la viabilité des entreprises canadiennes sur les marchés étrangers.

Comment pourrait-on préciser ce qu'on entend par «complémentaire», puisqu'on s'entend tous pour dire que c'est vraiment le rôle d'EDC? Dans la réalité, où trace-t-on la ligne de démarcation entre concurrence et prudence de la part d'EDC? À partir de quel moment doit-elle intervenir davantage, même au risque d'écarter une ou deux banques? Ce qui est passé est passé, maintenant, pour l'avenir, sur quels principes faut-il se fonder?

M.Campbell: Je reconnais avec vous que la définition est assez «vague» et qu'il n'y a pas de ligne de démarcation entre les deux termes. Je crois que l'un des témoins cet après-midi a parlé des chaînes d'approvisionnement mondial, et a dit qu'une entreprise pouvait se limiter au marché intérieur, mais pourtant, les exportations en font partie de ces chaînes. Il est donc difficile de tracer une ligne de démarcation entre les deux.

J'aborderai la question sous un angle différent. Vous avez raison de dire que, jusqu'à présent, EDC était prête à aider un nouvel exportateur canadien qui présentait des risques «nettement supérieurs»; de notre côté, nous espérions que cet exportateur réussisse et puisse faire ensuite appel aux établissements financiers du secteur privé.

Pour savoir si une activité est complémentaire ou pas, on dispose déjà d'un très bon indicateur. EDC nous en avait déjà parlé il y a quelque temps, mais le président a publié un communiqué de presse il y a quelques jours indiquant plus ou moins la même chose: EDC préfère que ce soient les banques qui lui envoient des clients. Par exemple, un client s'adresse à une banque pour obtenir du financement, celle-ci aimerait bien lui consentir le prêt, mais le risque est élevé. La banque s'adresse alors à EDC pour lui demander de l'aide pour la partie assurance. À mon avis, ce serait un très bon exemple de complémentarité, et plus il y aurait d'exemples de ce genre, mieux ça serait.

J'aimerais parler d'une autre question abordée dans le rapport, au sujet des prêts consentis aux acheteurs pour qu'ils achètent des produits canadiens. À l'heure actuelle, cela ne représente que 1p.100 des activités d'assurance d'EDC, et cela concerne surtout le financement direct. Nous préférerions qu'EDC offre des garanties pour le moyen et le long terme. À mon avis, il serait souhaitable d'encourager EDC dans cette voie-là, et j'espère que cela répond un peu à votre question.

Le sénateur Corbin: C'est sans doute l'inverse de l'approche proposée par le sénateur Downe. Les nouveaux pouvoirs accordés à EDC sont en quelque sorte assujettis à une clause de temporarisation, avec la possibilité d'une extension de deux ans. Je me souviens des observations faites devant notre comité par le gouverneur et le sous- gouverneur de la Banque du Canada. L'économie risque de redémarrer dès le mois d'août ou au début de l'automne, mais il faudra aussi peut-être conserver ces dispositions pendant les deux ans prévus.

Bien sûr, ce ne sont que des conjectures. Personne ne sait ce que l'avenir nous réserve, mais s'il y a une vive reprise de l'économie, pensez-vous que nous devrions suspendre les nouveaux pouvoirs accordés à EDC avant la fin de la période de deux ans?

M.Campbell: Bien sûr, sénateur, ce ne sont que des conjectures. Mais ce que nous espérons tous, c'est que la reprise économique soit rapide et forte. Personnellement, je n'aime pas faire des prédictions.

Je ne vais pas faire dire au gouverneur ce qu'il n'a pas dit, mais si j'ai bien compris l'approche qui a été retenue, vous avez besoin de plusieurs instruments à votre disposition, que vous puissiez utiliser selon les besoins. Le délai de deux ans me paraît assez logique car il donne le temps de négocier des transactions et de les concrétiser.

Nous avons constaté, au cours des derniers mois, qu'EDC a fait des efforts pour instaurer un dialogue plus productif avec l'ABC et avec des banques en particulier. Ce n'était pas le cas avant, mais c'est une tendance qui se précise. De cette façon, nous avons la possibilité de lui poser le genre de questions que vous vous posez: que ferez-vous si la situation s'améliore? Êtes-vous en train d'accumuler une capacité excédentaire? Allez-vous consentir davantage de prêts en période difficile pour vous retrouver ensuite avec les pots cassés? C'est utile d'en discuter.

Il est important d'entretenir un dialogue, au fur et à mesure que les circonstances évoluent. Il serait souhaitable aussi qu'il y ait un dialogue bilatéral avec les banques, pour savoir comment tel ou tel dossier évolue, ce qui se passe sur le marché, si on a besoin de vous, si on peut vous envoyer tel client, et cetera. Il y a peu de contacts de ce genre à l'heure actuelle, et c'est dommage, mais il suffirait peut-être de faire certains ajustements plutôt que de modifier la loi, ce qui nécessiterait une procédure législative.

Le sénateur Corbin: Normalement, monsieur le président, les témoins sont censés répondre aux questions, plutôt que d'en poser eux-mêmes.

Le vice-président: Nous avons tous envie de poser des questions.

Le sénateur Corbin: Auriez-vous l'amabilité de revenir plus en détail sur les quatre points que vous avez mentionnés? Ce serait utile.

M.Campbell: Nous avons posé quatre questions, qui se tiennent toutes et ne s'applique pas simplement à EDC mais à tous les organismes gouvernementaux, surtout ceux qui ont des activités dans ce que l'on considère généralement comme étant le secteur privé. À mon avis, la question la plus importante est la dernière: a-t-on démontré, avec preuves à l'appui, qu'il était nécessaire de modifier le mandat d'EDC? Il faut toujours se demander si on n'est pas en train de livrer un combat d'arrière-garde. Pour faire face à un problème immédiat, vous conférez à EDC toute une panoplie de pouvoirs qui, dans une situation normale, pourraient n'être ni nécessaires ni appropriés, ou en tout cas pas le même genre de pouvoirs.

Lorsque les gens parlent d'insuffisance du crédit, il faut savoir précisément où il en manque et quelle est la meilleure façon de pallier le problème. Parmi toutes les questions que nous posons dans notre déclaration, et pour ne pas perdre de temps, je vous conseillerais de concentrer votre réflexion sur celle-là.

Le sénateur Wallin: Je voudrais m'assurer que j'ai noté les bons chiffres. Vous avez bien dit que vous représentiez 25p.100 de tout le crédit consenti au Canada, dont près de la moitié en crédit aux entreprises?

M.Campbell: C'est exact.

Le sénateur Wallin: Était-ce la situation avant la crise économique?

M.Campbell: C'est une question très pertinente. Tout récemment, surtout en ce qui concerne les prêts, ce chiffre était autour de 46 ou 48p.100. Nous constatons en effet qu'un grand nombre de clients, qui n'obtiennent plus le financement qu'ils obtenaient auparavant auprès d'établissements non bancaires, s'adressent maintenant aux banques pour obtenir du crédit. Si bien qu'au cours des derniers mois, ce pourcentage a grimpé, pour se situer aujourd'hui autour de 55p.100. Les chiffres ont donc évolué.

Le sénateur Wallin: Les banquiers sont-ils des gens réfractaires au risque?

M.Campbell: Je dirais que ce sont des gens prudents, mais j'imagine que certains pensent que je suis réfractaire au risque. C'est une question de juste milieu. Nous sommes là pour prêter de l'argent et faire un profit là-dessus, mais nous avons aussi l'obligation de protéger, par devoir fiduciaire et aussi parce que la loi nous y oblige, l'argent que les déposants nous ont confié. C'est donc une question d'équilibre. Il est vrai que nous sommes plus réfractaires au risque que d'autres, mais c'est parce que nous sommes des établissements financiers réglementés et prudents.

Le sénateur Wallin: Finalement, ce qu'EDC fait vous aide indirectement, dans un certain sens?

M.Campbell: Oui.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis: Monsieur Campbell, monsieur Lancaster, vous avez mentionné dans votre rapport que le premier principe d'EDC est qu'EDC devrait servir de complément aux institutions du secteur privé, autrement dit, EDC devrait agir de manière à accroître la capacité des institutions financières à aider leurs clients. Vous avez mentionné qu'EDC ne devrait pas exercer d'activités remplaçant, évinçant ou dédoublant le crédit consenti par le secteur privé. Dans un contexte de ralentissement économique et d'une crise financière qui frappe assez fort la planète, certaines entreprises ont beaucoup de difficulté à obtenir du crédit. À votre avis, est-ce qu'EDC pourrait offrir un financement aux entreprises à un taux inférieur à celui des banques canadiennes?

[Traduction]

Il est indéniable, et je l'ai déjà dit, qu'il y a une contraction du crédit. Bon nombre de prêteurs, qui étaient jadis très actifs, ont réduit leurs activités, ont ralenti leur croissance ou bien se sont complètement retirés du marché. Il faut donc trouver d'autres sources de crédit pour les remplacer.

La meilleure façon d'y parvenir, et EDC en a discuté très ouvertement avec nous, c'est de collaborer, de se comporter comme des partenaires, pour ainsi dire, de sorte que lorsqu'une affaire se présente, qu'il faut du financement mais qu'il y a des risques, nous puissions inviter EDC à intervenir. C'est la marche à suivre qu'elle nous a dit préférer. Très franchement, je pense que les dispositions annoncées dans le budget et dans le projet de loi d'exécution du budget mettent l'accent sur cette complémentarité et sur cette collaboration.

Reste à savoir maintenant si les crédits annoncés seront suffisants et s'ils seront débloqués assez rapidement. Mais nous avons déjà des dispositifs en place, notamment le Programme de crédit aux entreprises qui a été annoncé il y a à peine un mois et demi; et tous les intervenants sont consultés: EDC, la BDC, les banques, les coopératives de crédit et l'ABC, dans le but de cerner les problèmes et de leur trouver une solution. Il y a aussi beaucoup de consultations bilatérales. Nous sommes convaincus que ce niveau de collaboration nous aidera à sortir de la crise.

Vous m'avez demandé si EDC devrait offrir du crédit à un taux inférieur à celui des banques, et à mon avis, cela risque d'être anti-productif. On peut offrir du crédit, mais il faut l'offrir à un taux normal, faute de quoi, vous risquez de vous retrouver avec toute sorte de problèmes par la suite. On constate que, lorsque le taux n'est pas celui du marché, le crédit n'est pas débloqué. C'est en consentant un prêt à un taux normal qu'un établissement, qu'il soit gouvernemental ou privé, peut en fait continuer de prêter de l'argent.

Je ne sais pas si j'ai bien répondu à votre question, sénateur, mais c'est ma façon à moi de l'aborder.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis: Pourrait-on conclure que les banques canadiennes sont moins prêtes que l'est EDC à assumer des risques pour accorder du crédit aux exportateurs canadiens?

[Traduction]

M.Campbell: Nous évaluons une demande de crédit en fonction d'un certain nombre de critères que nous appliquons normalement et que nous n'avons pas modifiés. Quand la crise économique est arrivée, nous n'avons pas changé nos critères, nous ne les avons pas resserrés. Ce qui a changé, par contre, c'est l'ampleur du risque, et nous devons en tenir compte. Je crois qu'on peut dire que, de par sa nature, EDC peut assumer davantage de risques et qu'en fait elle est conçue pour prendre plus de risques que nous.

Votre question se fonde sur l'hypothèse qu'EDC est un prêteur direct. Nous préférerions qu'elle s'occupe davantage d'aider les banques à gérer le risque, en assumant davantage les garanties, surtout à moyen et long terme, ou qu'elle s'intéresse davantage à l'assurance-crédit des fournisseurs. Plus elle pourra offrir ce genre de garanties, moins le risque sera grand, et cela augmentera notre capacité de prêter davantage.

À mon avis, c'est ce qu'il faudrait faire.

Le sénateur Grafstein: Monsieur Campbell, je suis heureux de vous revoir, même si nous portons une casquette différente aujourd'hui.

M.Campbell: Je suis heureux de vous voir.

Le sénateur Grafstein: J'ai plusieurs questions un peu bizarres à vous poser. Elles portent sur vos recommandations, que j'aurais aimées plus précises, mais je vais quand même essayer de les résumer.

Vous approuvez l'idée des PPP, les partenariats public-privé, proposée par le gouvernement, et vous reconnaissez que les instruments gouvernementaux comme EDC jouent un rôle important. Vous nous dites même que, grâce à la garantie souveraine du gouvernement pour vous aider à gérer ces risques, vous pourrez consentir davantage de prêts un peu plus risqués.

Pour y parvenir, vous proposez une collaboration élargie avec EDC. Vous avez dit également qu'EDC y était plus favorable que dans le passé. C'est parfait.

Comme l'on dit d'autres sénateurs, nous sommes en train d'examiner un rapport qui, à notre avis, a perdu de son actualité. Nous essayons donc de préparer des recommandations à un rapport dépassé tout en essayant de projeter vers l'avenir, compte tenu des changements radicaux qui ont été apportés au mandat d'EDC. Tout cela est très complexe. Le problème est de savoir comment nous pouvons optimiser l'argent du contribuable.

Permettez-moi de vous proposer une structure plus officielle entre les banques. Les compagnies d'assurances nous ont parlé d'un mécanisme de consultation plus officiel, une sorte de conseil consultatif. Cela serait-il utile? Plutôt que de faire cela de façon sporadique, on pourrait recommander, par exemple, la création d'un conseil consultatif officiel composé d'EDC, des banques et des compagnies d'assurances, qui se réunirait à intervalles réguliers pour examiner toutes ces questions de façon systématique. Pensez-vous que ce serait un meilleur système? Il me semble que de cette façon, les problèmes des consommateurs seraient réglés plus rapidement, car ils ne seraient plus l'enjeu de querelles bureaucratiques, comme c'est souvent le cas.

M.Campbell: C'est une recommandation intéressante. Je n'y ai pas vraiment réfléchi mais, puisque vous me posez la question, je vous dirai que plus il y a de dialogue structuré entre les groupes, plus il est facile de cerner et de régler les problèmes. Il est alors possible de remédier aux interventions qui étaient fondées sur des hypothèses incorrectes. Dans la mesure où vous faites face au même problème, vous pouvez le résoudre directement.

J'ai toujours pensé que plus il y avait de dialogue, mieux ça valait. Quand j'ai dit, sénateur, que nous avions plus de contacts avec EDC et avec la BDC, je dois ajouter que cela n'a pas été toujours le cas. Les choses vont beaucoup mieux aujourd'hui qu'avant, lorsqu'il n'y avait pas de dialogue.

Pour ce qui est de créer un conseil consultatif, il faudrait d'abord se demander: pour conseiller qui? Le ministre ou EDC? On hésite toujours. Je ne parle pas au nom des banques, pour l'instant. J'ai déjà travaillé au gouvernement et je sais que les structures comme les conseils consultatifs ont tendance à devenir pérennes.

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord avec vous.

M.Campbell: J'hésiterais donc à créer de nouvelles structures qui finissent par devenir des institutions.

Le sénateur Grafstein: Il va falloir trouver un dispositif plus approprié pour faciliter la collaboration entre les secteurs public et privé et pour délimiter les responsabilités de chacun. Je ne suis pas sûr que la solution consiste à créer un comité consultatif, mais vous pourriez peut-être y réfléchir un peu. Parlons maintenant de votre propre expérience dans le secteur bancaire. Dans les années 80 et 90, les banques étaient tout à fait opposées au principe d'un guichet unique pour la protection des consommateurs, et nous avons réussi à mettre sur pied un système qui marche pas mal du tout.

M.Campbell: C'est vrai.

Le sénateur Grafstein: Qui marche même étonnamment bien. Il y a un guichet unique pour la protection des consommateurs, auquel participent les banques, les compagnies d'assurance et les établissements financiers.

Aujourd'hui, c'est différent: il s'agit de protéger ou de renforcer la capacité des entreprises de faire des affaires et d'obtenir une réponse rapide à leurs demandes de crédit. Pourriez-vous réfléchir un peu à cette possibilité? Essayez d'en parler avec EDC et avec des compagnies d'assurances, et de nous envoyer une petite note là-dessus, car nous devons faire des recommandations. J'essaie tout simplement d'avoir quelque chose de concret.

M.Campbell: Je vous ai parfaitement compris.

Le sénateur Peterson: À part le financement des prêts bancaires garantis, avez-vous d'autres activités conjointes avec EDC?

M.Campbell: Je vais demander à mon collègue, M.Lancaster, de vous répondre.

John Lancaster, directeur, Institutions financières et commerce, Association des banquiers canadiens: EDC s'occupe principalement d'assurance-crédit à court terme, ce qui permet aux banques de valoriser les comptes débiteurs étrangers des exportateurs canadiens. Cela représente un grand nombre de clients, et des transactions de faible volume. EDC fait aussi, avec les banques, du cofinancement à grande échelle. L'une de nos banques, par exemple, a soumis un rapport à votre comité où il était précisément question des projets de cofinancement qu'elle avait négociés avec EDC.

Dans certains cas, les banques comptent sur l'aide d'EDC, qu'elle prenne la forme d'assurance ou de garanties de prêts pour les petits exportateurs. Dans d'autres cas, nous travaillons main dans la main sur un prêt consortial.

Le sénateur Peterson: Dans ces cas-là, est-ce que vous risquez votre propre argent?

M.Lancaster: Oui.

Le sénateur Peterson: Qui n'est couvert par aucune garantie?

M.Lancaster: Tout à fait.

Le vice-président: Merci beaucoup. J'aimerais remercier les témoins de nous avoir livré un témoignage fort intéressant. Au nom de tous les membres du comité, j'aimerais vous remercier.

J'aimerais maintenant dire quelques mots aux membres du comité. Nous ne nous verrons pas la semaine prochaine, mais la semaine après, nous avons deux réunions. Je vais devoir parler au sénateur DiNino — car il ne faut rien faire par en dessous — car il me semble que nous n'aurons pas besoin de plus de deux réunions. Le 24 mars, nous accueillerons le Conférence Board du Canada, et le 25 mars, l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada.

Le comité de direction va se réunir pour discuter de notre programme, mais si les membres du comité sont d'accord, je pense qu'on conclura que cette question a été suffisamment examinée et que nous devrions reprendre notre étude de la Russie et de la Chine.

Les commentaires de M.Lazar sur l'industrie forestière étaient très intéressants. Et si c'est ce qui est prévu, et le sénateur DiNino sera mieux à même de nous l'expliquer, nous pourrons commencer notre rapport sans tarder. On pourrait peut-être demander à nos attachés de recherche de préparer une ébauche de rapport que les membres du comité auraient le loisir d'examiner.

Le sénateur Corbin: Vous allez peut-être un peu trop vite lorsque vous dites que nous en sommes arrivés à la fin de notre examen.

Le vice-président: Un grand merci aux témoins. Nous avons simplement des questions internes à régler.

Le sénateur Corbin: Nous ne savons pas encore ce que les prochains témoins vont nous dire.

Le vice-président: C'est vrai.

Le sénateur Corbin: Il y a des choses que nous ne savons pas encore, et le projet de loiC-10 n'a fait qu'augmenter notre tâche. En effet, il nous faudra tenir compte des conclusions du comité chargé d'examiner les dispositions relatives à EDC, dans le projet de loiC-10. De plus, nous avons encore à entendre les représentants de l'Association des manufacturiers et exportateurs du Canada, qui sont les porte-parole d'un grand nombre d'industriels. Nous n'avons pas non plus entendu les témoignages directs d'exportateurs canadiens. Tout cela pour vous dire que, avant de demander aux attachés de recherche de préparer une ébauche de rapport, je pense qu'il vaudrait mieux attendre d'avoir entendu les prochains témoins, la semaine après l'ajournement. En fait, il vaudrait mieux leur demander de préparer un résumé de nos conclusions, plutôt qu'une ébauche de rapport avec des recommandations. À ce moment-là, une fois que nous aurons eu l'occasion de prendre connaissance de ce document, nous pourrons décider si nous voulons mettre un terme à notre examen d'EDC. Nous avons tout le temps. Nous n'avons pas de couperet au-dessus de nos têtes. Nous pouvons fort bien continuer notre examen pendant deux ans, si nous le voulons. Ce n'est pas ce que je suggère, mais je veux simplement dire que cet exercice n'est pas limité dans le temps.

Je demande donc aux sages membres du comité de direction d'examiner la suggestion, afin de contenir un peu vos ardeurs.

Le vice-président: Je ne veux certainement pas précipiter les choses, mais je pense au mandat dont nous avons été saisis en ce qui concerne la Russie et la Chine, et j'aimerais bien que nous y revenions.

Le sénateur Corbin: On peut reprendre cet examen n'importe quand.

Le vice-président: Absolument, comme nous l'avons fait hier soir. Nous y avons consacré une partie de notre réunion d'hier soir, et aujourd'hui, nous avons eu quelques bribes, avec M.Lazar. Il est important que les attachés de recherche en prennent bonne note pour qu'ils sachent ce que nous pensons. Je pense que tout le monde est d'accord.

Le sénateur Andreychuk: Si j'ai bien compris, il ne nous reste plus que deux témoins à entendre.

Le vice-président: C'est ça.

Le sénateur Andreychuk: Je pense que le comité de direction devrait décider si nous en avons fini avec les témoins, et ce qu'il nous reste à faire ensuite.

Le sénateur Corbin: Le comité de direction devrait aussi tenir compte de notre avis.

Le sénateur Andreychuk: Tout à fait, mais il peut décider si nous devons entendre d'autres témoins ou non. À partir de là, nous devrions discuter de ce que nous allons faire. J'aimerais donc que le comité de direction se réunisse et nous fasse un rapport.

Le vice-président: Honorables sénateurs, c'est précisément la raison pour laquelle j'ai porté cette question à votre attention, pour que nous soyons tous plus ou moins sur la même longueur d'onde. Là-dessus, je lève la séance.

(La séance est levée.)


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