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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 4 - Témoignages du 25 mars 2009


OTTAWA, le mercredi 25 mars 2009

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 5, pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques (L.R. 1998, ch. 37).

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Je vois qu'il y a quorum, la séance est ouverte. Aujourd'hui le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit pour étudier les dispositions et l'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques.

[Traduction]

C'est un sujet très complexe sur le plan technique, mais également fort intéressant. Notre comité a été l'initiateur de cette loi lorsqu'elle a été présentée pour la première fois au Parlement en 1998. Cette loi contenait en fait une disposition qui prévoyait un examen parlementaire de la loi, étant donné que c'était un domaine tout nouveau pour la plupart d'entre nous. C'est l'étude à laquelle nous procédons actuellement; nous effectuons un examen parlementaire de la loi pour savoir comment elle a été appliquée en pratique et décider, s'il y a lieu, de recommander des changements, des mises à jour ou de la conserver telle qu'elle est.

Comme je l'ai dit, l'ADN est un sujet assez complexe. Cette fois-ci, nous avons adopté une approche légèrement différente. Nous allons commencer par entendre un témoin très spécial, M. Ronald Fourney, directeur, Services nationaux et recherche, de la Gendarmerie royale du Canada, GRC, qui connaît parfaitement les aspects techniques de l'ADN et de la banque de données génétiques pour que nous comprenions la nature de notre étude de cette loi.

[Français]

Docteur Fourney, nous sommes très heureux que vous comparaissiez devant le comité. Nous allons vous laisser la parole. En principe, on attendra pour poser nos questions. Et puisqu'il ne s'agit pas d'un témoignage ordinaire, si des sénateurs ne comprennent pas au cours de votre présentation et qu'il faut vous interrompre, nous allons le faire.

Mais pour le moment, nous vous invitons à prendre la parole, ensuite nous vous poserons des questions. La parole est à vous.

[Traduction]

Ronald M. Fourney, directeur, Services nationaux et recherche, Gendarmerie royale du Canada : Merci. C'est un privilège de me retrouver ici 10 ans plus tard. Je me souviens de certains d'entre vous. Je promets de ne pas vous faire passer un examen à la fin de mon exposé.

Je vais adopter un point de vue légèrement différent ce soir. J'ai préparé mes propres notes, surtout pour que je n'oublie pas de vous dire ce que je veux vous dire, parce qu'il y a tant de choses extraordinaires qui se passent. Il est important que je n'en manque aucune. Il s'est produit beaucoup de choses depuis que nous nous sommes vus. J'ai apporté quelques aides pour mieux vous montrer ce qui se passe.

J'espère que cela sera intéressant — et amusant aussi — parce qu'il est important que vous compreniez que cette technologie est vraiment vitale et essentielle pour la criminalistique.

J'aimerais commencer par faire le commentaire classique qui consiste à dire que c'est le principe d'échange de Locard qui est à la base de tout notre travail. Au tournant du XXe siècle, Edmond Locard a déclaré qu'il y avait un transfert croisé de preuves chaque fois qu'une personne entrait dans une pièce ou en sortait. Nous espérons qu'une partie des preuves transférées demeurent suffisamment longtemps sur les lieux du crime pour que nous, les enquêteurs, puissions nous y rendre, rassembler ces preuves et y trouver un peu d'ADN pour résoudre certains problèmes.

Les experts en criminalistique sont principalement des experts en associations. Cela consiste habituellement à comparer des échantillons trouvés sur la scène du crime avec des échantillons de référence. C'est pourquoi ces experts cherchent toujours à identifier, à trouver ce qui est unique en faisant des comparaisons. Le même principe s'applique à l'ADN. Nous sommes constamment en train de comparer un échantillon inconnu avec un échantillon connu.

En fait, pour nous, il s'agit de réunir les preuves, de les examiner, de déterminer à quoi elles se rapportent, traiter les preuves si elles sont de nature biologique pour obtenir une empreinte génétique et ensuite, interpréter ces preuves pour définir ce que nous avons obtenu.

En tant que biologiste moléculaire qui travaille sur l'ADN depuis 20 ans dans le domaine de la criminalistique et quelques années auparavant dans l'évolution moléculaire et la génétique oncologique, j'ai été amené à constater que l'identification humaine fondamentale, qui distingue une personne d'une autre, réside dans la structure moléculaire, le génome. L'ADN — nous avons tous trois milliards de paires de bases ou trois milliards de morceaux de cet ADN — est logé de façon très complexe dans chacune de nos cellules. Nous possédons suffisamment de cellules pour que si nous les mettions bout à bout sans même les étirer, nous pourrions faire l'aller-retour d'ici à la lune plus d'un million de fois. Comme Locard l'a mentionné, lorsqu'on arrive sur les lieux d'un crime, on espère qu'il restera quelques-unes de ces cellules et qu'on pourra les examiner.

Les techniques d'identification ont été révolutionnées au fil des ans. En fait, la révolution des empreintes digitales s'est produite en 1891, lorsqu'un jeune capitaine de police argentin a identifié le meurtrier de deux jeunes enfants, grâce aux empreintes digitales laissées sur du sang trouvé sur les lieux du crime. Il a fallu attendre 100 ans pour connaître une évolution aussi unique, spécifique et importante pour les méthodes criminalistiques d'identification comme les empreintes digitales, et cela s'est produit le 21 novembre 1983. À mon avis, c'est la date à partir de laquelle l'utilisation des empreintes génétiques est entrée définitivement dans la criminalistique. À la différence de nombreuses découvertes, les découvertes criminalistiques se produisent souvent dans des circonstances tragiques et par nécessité.

Le 21 novembre 1983, une jeune fille de 14 ans du nom de Lynda Mann a été agressée sexuellement et assassinée, l'agresseur l'a laissé mourir sur un sentier à Narborough, dans le Leicestershire, en Angleterre. Il y avait sur ces lieux des cartes de visite génétiques, étant donné que la victime avait été agressée sexuellement, mais il a fallu plusieurs années pour que les gens regroupent tous ces éléments. En fait, au début de 1983, l'ADN n'était pas utilisé. Les chercheurs utilisaient les marqueurs protéiniques conventionnels, ce que l'on appelle les marqueurs sérologiques. Malheureusement, avec la meilleure technologie, on aurait au mieux pu obtenir, à ce moment-là, sans les techniques basées sur l'ADN, des données qui pouvaient correspondre à 10 p. 100 de la population mâle britannique.

Par curiosité, M. Alec Jeffreys travaillait dans une université locale sur l'évolution des mammifères marins. Il s'intéressait en fait à la différenciation des espèces. Il voulait comprendre pourquoi les baleines, les marsouins et autres mammifères marins pouvaient plonger et retenir leur respiration pendant aussi longtemps. Il s'intéressait particulièrement à l'étude d'une molécule appelée l'hémoglobine, qui est la molécule qui transporte l'oxygène. Il savait que, s'il examinait l'empreinte génétique, c'est-à-dire notre ADN, et commençait à l'étudier, il pourrait peut-être faire la différence entre ces groupes de mammifères. Lorsqu'il est sorti de son laboratoire, une pièce sombre à l'époque, il avait réussi non seulement à différencier les baleines des marsouins, mais il pouvait reconnaître les individus de chacune de ces espèces. Il avait découvert une méthode classique d'identification permettant de repérer une personne à la fois. Cette idée a rapidement été adoptée par les experts en criminalistique, parce qu'ils ont pensé qu'il y avait là un outil d'identification particulièrement efficace.

Malheureusement, un deuxième meurtre et agression sexuelle ont été commis en 1986, à moins de cinq kilomètres de l'endroit du premier meurtre. Encore une fois, il y avait des cartes de visite sur les lieux du crime, c'est-à-dire des preuves génétiques, mais cette fois-ci, ils ont essayé d'utiliser l'ADN. Lorsqu'ils ont examiné l'ADN, ils ont découvert des éléments d'information très importants. Le premier est que ces ADN concordaient parfaitement. Les prélèvements de sperme et l'ADN qui avaient été recueillis sur les lieux du premier meurtre commis deux ans auparavant correspondaient à ceux du second meurtre.

Il est intéressant de noter que sur les lieux du second crime, un aide-cuisinier de 17 ans s'était présenté à la police en disant qu'il connaissait la victime et avait avoué avoir commis le crime. Les policiers se sont dit à l'époque que, s'il avait commis le deuxième meurtre et la deuxième agression sexuelle, il était probablement relié également au premier. Ils ont donc appliqué cette nouvelle technologie. Ils sont allés voir Alec Jeffreys et les services de criminalistique qui existaient à l'époque au Royaume-Uni et ont utilisé la méthode de l'ADN. Le deuxième renseignement très important qui a été découvert est que l'ADN de la personne qu'il venait d'arrêter et qui avait avoué le crime ne correspondait pas à celui de l'auteur du crime.

À mon avis, le message essentiel que vous devriez tous retenir de ce qui précède est que l'ADN est un outil de criminalistique parfait, parce qu'il permet d'exonérer les innocents et de protéger ceux qui ne sont pas coupables. La première fois où cette technique a été utilisée, dans cette affaire de meurtre particulière, elle a permis d'exonérer une personne innocente.

Il fallait maintenant découvrir qui était le véritable auteur du meurtre. Les policiers ont examiné plus de 4 500 individus de sexe masculin d'un certain groupe d'âge dans toute la région. Cette première fois, personne n'avait une empreinte génétique correspondant à celle qui avait été retrouvée sur les lieux du crime. Un soir, dans un pub, un des enquêteurs de la police a entendu dire que quelqu'un avait donné un échantillon pour un ami, parce que cet ami avait peur des aiguilles. En utilisant un faux passeport, cette personne s'était présentée et avait dit : « Je suis untel et je vous donne cet échantillon » et ce n'était pas la bonne personne. Lorsque les policiers ont appris ceci, ils ont été chez Colin Pitchfork, ont frappé à sa porte, fait un prélèvement, et obtenu un ADN qui concordait parfaitement avec l'autre. Son ADN ne correspondait pas uniquement à ces deux meurtres et lieux du crime, mais également à plusieurs autres. En fait, je crois qu'il a été condamné deux fois à la prison à perpétuité, à 10 ans pour chaque viol et à trois ans pour chaque agression sexuelle supplémentaire. C'était un prédateur en série.

Je dois vous dire que je suis partial; l'ADN est ma molécule préférée. Je travaille sur elle depuis des années. C'est une molécule très simple, qui est uniquement composée de trois éléments : un sucre, un phosphate et une base organique, une base chimique. Cette base comporte quatre variations. On ne peut pas imaginer une molécule plus simple, mais à l'intérieur de votre ADN, on peut trouver le code qui montre tout ce que vous serez et tout ce que vous avez été.

Pourquoi est-ce que les experts en criminalistique aiment l'ADN?

Il y a quatre raisons. C'est une méthode d'identification très précise. Deux personnes ne peuvent pas avoir le même ADN, à moins qu'il s'agisse de jumeaux identiques. En fait, un jumeau identique est un clone. L'œuf est fertilisé et se sépare ensuite en deux, ce qui explique que les ADN soient identiques.

Il y a aussi une continuité génétique. L'ADN que vous possédez à la naissance est habituellement celui avec lequel vous allez mourir. Lorsque je dis habituellement, c'est la vérité. Il peut se produire quelques mutations au cours d'une vie, mais en réalité, on possède le même ADN qu'au départ. Lorsque je fais des conférences sur ce sujet, j'ai mes cartes d'étudiant qui me montrent tel que j'étais en 6e année et jusqu'à l'université. On peut constater que je n'ai plus de cheveux, mais mon ADN n'a pas changé.

C'est une méthode sensible. Lorsque nous avons commencé, il y a 20 ans, il nous fallait un échantillon de sang de la taille d'une pièce de 10 ou de 25 ¢. Lorsque nous avons récemment été amenés à identifier les restes humains des victimes de l'accident de Swissair — une circonstance tragique — 10 p. 100 de ce qui peut rester sur une tête d'épingle nous a suffi pour identifier un individu.

C'est la stabilité qui est un des aspects les plus importants et les plus intrigants de cette molécule dont l'évolution est unique. C'est le fait qu'elle contienne tous nos gènes et qu'elle soit aussi stable d'une génération à l'autre. Grâce à la criminalistique, nous savons que nous pouvons non seulement étudier l'évolution de l'humanité sur des milliers d'années, mais nous pouvons également remonter le temps et identifier les auteurs de crimes anciens. Je nous compare à des justiciers qui utilisent une machine à remonter le temps parce que nous pouvons remonter en arrière et identifier des personnes grâce à l'ADN qu'elles ont laissé, il y a très longtemps.

Si nous disposons d'un répertoire de ces personnes, des criminels, par exemple, dans une banque de données, nous avons alors l'outil parfait qui permet de faire des comparaisons entre ces lieux d'un crime commis il y a longtemps et les lieux d'un crime futur, ainsi qu'avec des lieux d'un crime qui peuvent entraîner l'exonération d'un accusé. Cette technique permet non seulement d'établir une correspondance parfaite, mais elle peut également exonérer une personne. Aujourd'hui, je ne vais pas vous parler beaucoup de la banque de données. Je vais vous parler de certaines applications criminalistiques de cette méthode, mais je sais que nous allons consacrer plusieurs autres séances à la banque de données.

Il est intéressant de comprendre que parmi ces trois milliards de paires de bases ou trois milliards de segments d'ADN, il n'y a en fait que quatre variations principales.

J'ai amené mon attirail; c'est mon jeu de LEGO pour l'ADN. Comme je l'ai dit, il y a en fait quatre variations. Si nous prenons l'ensemble de l'ADN qui se trouve dans nos cellules, ce qui donnerait environ trois centimètres d'ADN pour chaque paire de bases, et que nous les relions entre elles, l'ADN d'une seule cellule suffirait à parcourir les côtes est, ouest et nord du Canada. Cela représente une quantité impressionnante de blocs de LEGO.

Ce qui est curieux dans tout ceci, c'est que 99,9 p. 100 de chaque individu est identique aux autres. Je suis désolé de vous l'apprendre : vous pensez peut-être que vous êtes différent des autres, mais la personne assise à côté de vous est identique à vous à 99,9 p. 100. C'est ce 0,1 p. 100 qui est si important et essentiel pour nous et qui fait que nous nous intéressons particulièrement aux différences.

Pour vous donner un peu de perspective, si toutes les côtes du Canada étaient couvertes de blocs LEGO, il n'y aurait que 90 kilomètres de blocs LEGO qui seraient différents. Combien nous en faut-il pour identifier un individu? Il nous fallait au départ près de 12 mètres. Aujourd'hui, avec nos nouvelles technologies, nous avons besoin d'un mètre ou deux. Je peux même vous montrer ce que nous pouvons faire avec un seul bloc LEGO, un seul morceau.

Nous n'examinons pas tous les morceaux de l'ADN. Nous examinons des régions spécifiques et particulières de l'ADN que j'appelle « en évolution libre » ou « polymorphes ». Le fait essentiel est qu'elles sont différentes. Nous les étudions parce qu'elles sont différentes. Si nous regardions les mêmes éléments, nous ne pourrions pas faire d'identification.

Nous nous sommes en fait entendus à l'échelle mondiale avec un certain nombre de laboratoires pour utiliser 13 à 18 ou même 16 marqueurs différents. Je les appelle des « loci ». En réalité, ce sont des parties spécifiques des blocs de LEGO qui nous permettent d'identifier les personnes. Dans la banque de données, nous en utilisons 13, et habituellement, dans notre travail opérationnel, nous en utilisons neuf. Parce que ces éléments diffèrent d'un individu à l'autre, nous pouvons faire la différence entre un individu et un autre, grâce à ces variations. Plus nous disposons de marqueurs de différence, plus la discrimination ou la possibilité de faire de la discrimination entre individus est grande.

J'aimerais vous dire quelques mots de la règle du produit et de la discrimination. Imaginez qu'il y a 23 paires de chromosomes, ou 46 chromosomes. Si vous êtes de sexe masculin, vous avez un chromosome X et un chromosome Y, si vous êtes de sexe féminin, vous avec deux chromosomes X. Sur chacun de ces chromosomes, il y a, la plupart du temps, un secteur qui change rapidement, que nous appelons polymorphe, en évolution libre. Nous allons nous intéresser à ces secteurs.

Nous examinons en fait 13 de ces secteurs. Pour vous donner une idée de la façon dont nous effectuons la discrimination, supposons pour un moment que le gène qui contient le code du bilinguisme se trouve dans un de ces secteurs. Je pourrais donc dire que dans une salle comme celle-ci, il y a peut-être un quart des personnes qui ont le gène du bilinguisme. Prenons maintenant le gène des cheveux bruns; peut-être que la moitié d'entre vous a le gène des cheveux bruns. À moins que ne pensiez que tous ceux qui ont les cheveux bruns sont également bilingues, je peux affirmer que ces deux variables sont indépendantes. Cela veut dire que nous avons deux moyens de discrimination : les cheveux bruns et le bilinguisme. Nous multiplions donc un quart par un demi, ce qui nous donne un huitième. Ensuite, je pourrais prendre un gène très rare — celui que j'aimerais utiliser dans cette ville serait celui des partisans des Maple Leafs de Toronto — ils pourraient représenter une personne sur 20 000, ou à peu près. Ce serait un gène très rare pour effectuer la discrimination.

Comme vous pouvez le constater, nous multiplions cette fraction par un quart et un demi. Si nous le faisons 13 fois — et je vais vérifier mes chiffres ici —personnes. C'est le plus courant.

Le sénateur Nolin : Qui aime les Maple Leafs de Toronto ici?

M. Fourney : Nous le faisons 13 fois.

Le sénateur Nolin : C'est une race tellement rare.

M. Fourney : Absolument. Il y a un juge qui m'a dit que, lorsque les chiffres dépassaient le montant de la dette nationale, cela lui suffisait.

Cependant, le profil le plus rare est suivi de 39 zéros. Un de mes collègues, le Dr George Carmody, a dû résoudre le problème qui consistait à expliquer des chiffres aussi importants à un juge. Le Dr Carmody s'est adressé à un groupe de recherche environnementale qui avait évalué que le nombre des flocons de neige tombés au Canada en 1995 était 1 multiplié par 10 multiplié par 24. Cela fait 24 zéros. C'est un septillion. La discrimination moyenne que nous utilisons sur les scènes de crime dépasse le nombre de flocons de neige qui tombent au Canada pendant un an. C'est un chiffre très discriminant.

Le sénateur Milne : En utilisant seulement 13 marqueurs?

M. Fourney : C'est exact. Si vous avez un frère ou une sœur, il y a des points communs. En fait, vous avez en commun une bonne partie de votre ADN parce que vous avez les mêmes parents. Mais cette discrimination concerne des individus pris au hasard. La discrimination est beaucoup moins forte entre les personnes de la même famille, parce qu'ils partagent une partie de leur ADN.

C'est un aspect qu'il faut prendre en considération lorsque nous faisons une enquête criminalistique. Une des premières choses que nous essayons de faire est d'écarter les personnes qui ont pu avoir accès aux lieux du crime. Cela est logique et se fait rapidement.

Pour le typage de l'ADN que nous faisons pour les analyses génétiques, nous avons toujours essayé d'améliorer les choses, du moins pendant les 20 années que j'ai travaillé dans ce domaine. Améliorer les choses, cela veut dire pour nous faire plus avec moins, faire plus rapidement et toujours sans perte de qualité, et obtenir des résultats fiables et valides.

Le faire plus rapidement permet d'examiner davantage d'échantillons, facilite les contacts directs avec l'enquêteur, permet d'aider les enquêtes en cours et, probablement par défaut, renforce la capacité de traiter davantage d'échantillons pendant la même période, ce qui améliore l'efficacité.

L'obstacle qu'imposent les échantillons est que nous devons améliorer les choses sans diminuer la qualité. Autrement dit, si nous modifions ou changeons les technologies, nous réussissons parfois à obtenir des résultats plus sensibles ou plus rapides. Cependant, nous n'essayons jamais de réduire la qualité. Nous ne voulons pas obtenir de résultats moins précis. Chaque fois que nous progressons et modifions la technologie utilisée dans ce domaine, c'est toujours à partir d'une hypothèse, qui est validée ensuite, et dont il est démontré qu'elle donne des résultats aussi bon que la précédente, mais qui offre des avantages supplémentaires.

L'évolution actuelle de cette question ne dépend pas uniquement de l'instrumentation ou des nouvelles technologies, mais repose également sur l'amélioration de la façon d'utiliser la technologie. Il ne s'agit pas seulement d'acheter un nouveau robot ou un séquenceur, mais également de savoir comment utiliser ces appareils : améliorer le processus de collecte des prélèvements sur les lieux du crime et accorder la priorité aux meilleures preuves pour pouvoir les traiter, peut-être avant les autres.

Je vais traiter un certain nombre de sujets aujourd'hui. Je ne sais pas jusqu'où j'irai dans les détails. Je vais vous montrer quelques objets pour expliquer ce dont je vous parle. Je serais très heureux de répondre à vos questions sur ce sujet, parce qu'il est très difficile, même pour moi, de me tenir au courant de la technologie. La biologie moléculaire est le seul domaine qui évolue plus rapidement que la technologie informatique.

Permettez-moi de vous parler de certaines choses que nous ne faisons pas ou que nous faisons, mais que nous pourrions améliorer. Par exemple, en 2007, j'ai examiné quelles étaient les nouveautés de cette année en matière d'ADN et de criminalistique, parce que c'est là que l'on peut trouver certaines idées. J'ai été surpris de pouvoir recenser plus de 2 200 études, qui traitaient précisément de la technologie de l'ADN que nous utilisons au laboratoire en ce moment appelée le « microsatellite » ou la technologie STR.

Par contre, pour ce qui est de la technologie utilisée pour trouver des preuves sur les lieux d'un crime, pour mieux rechercher l'ADN dans les preuves et pour utiliser ce que nous découvrons sur la scène du crime — sans aller au laboratoire — je n'ai trouvé que cinq études.

On déploie des efforts disproportionnés pour étudier la technologie utilisée dans les laboratoires et, à mon avis, pas suffisamment, pour la technologie utilisée pour trouver ou identifier ce que l'on peut ensuite traiter biologiquement.

J'aime bien expliquer cette différence à mes étudiants, en leur disant qu'en 1863, le métro de Londres a ouvert; on a inventé la première toilette avec chasse d'eau; Sir Henry Royce et Henry Ford sont nés; le Président Lincoln a établi le premier congé d'Action de Grâce aux États-Unis et un savant, du nom de Christian Schonbein, a effectué la première analyse catalytique présomptive du sang. Devinez quoi, c'est à peu près la même analyse que nous effectuons aujourd'hui. Cela se passait en 1863.

En 1853, les États-Unis ont acheté des terres qui sont devenues le Nouveau-Mexique et l'Arizona. Les rues étaient éclairées à l'époque pour la première fois avec des lampes à gaz. Brahms a composé la sonate en do majeur et Levi Strauss a vendu sa première paire de blue jeans aux chercheurs d'or en Californie. C'est cette même année qu'une analyse de confirmation — c'est-à-dire une analyse qui permet d'affirmer que du sang est du sang — a été inventée, et c'est encore l'analyse fondamentale que nous utilisons aujourd'hui. Elle a été modifiée par la suite. Vous voyez toutefois où je veux en venir. Oui, les principes de chimie appliquée sont très solides mais les procédures utilisées concrètement pour identifier certaines preuves pourront, d'après moi, être améliorées à l'avenir.

Cela s'explique pour plusieurs raisons. Certaines analyses préalables ou analyses présomptives — et les analyses présomptives sont des analyses qui permettent de conclure que ce pourrait être du sang, ce pourrait être du ketchup ou encore autre chose. La plupart du temps, les analyses que nous effectuons sont très précises, dans le sens qu'elles nous permettent de conclure à l'existence d'un petit nombre de choses. C'est une analyse présomptive. Une analyse confirmative, comme la deuxième analyse dont j'ai parlé, le test Takayama, consiste en fait à faire réagir l'hémoglobine du sang avec un cristal. La seule substance capable de le faire est le sang. C'est pourquoi nous parlons d'analyse confirmative. Il n'existe pas d'autre substance qui puisse causer un tel changement.

Nous avons recours à ces deux types d'analyses dans le laboratoire judiciaire lorsque nous trions nos preuves. Pour plusieurs raisons, j'aimerais qu'à l'avenir, nous améliorions notre capacité à trouver les preuves et à les préparer en vue d'une analyse génétique. C'est un domaine où il y a encore beaucoup de progrès à faire. Cela ne veut pas dire du tout que nous ne faisons pas du bon travail avec les analyses dont nous disposons; je dis simplement qu'en tant que scientifique, j'essaie toujours d'améliorer les choses — rapidité, qualité et sensibilité.

L'aspect positif de tout ceci est que la technologie va subir des changements qui vont correspondre à ceux que subit le traitement de l'ADN. Par exemple, pour certaines des analyses utilisées pour identifier le sang ou le sperme, les procédures basées sur l'ADN sont plus sensibles que l'analyse classique. Cela va nous amener à étudier des questions intéressantes à l'avenir, parce qu'il est possible que nous trouvions sur les lieux d'un crime des cellules dont nous ne connaissons pas l'origine, mais dont nous pourrons affirmer qu'elles appartiennent à telle personne. Je pense que cet aspect va évoluer, tout comme la façon dont nous utilisons l'ADN et l'information dont nous disposons.

Il est intéressant toutefois de mentionner qu'il existe maintenant une technologie que nous allons adopter, je l'espère — et c'est le volet technologie de mon allocution d'aujourd'hui. Si nous pensons à l'ADN comme un plan qui nous permet de construire un édifice et si nous pensons aux protéines de notre corps comme étant les briques et le mortier de cet édifice, il y a une autre molécule particulière appelée ARN, l'acide ribonucléique, qui l'interprète le plan. Nous les appelons les architectes. L'architecte lit le plan et sait exactement à quel moment il faut construire les protéines. L'architecte sait également s'il faut construire un escalier, une salle de bain, une salle de lavage, et cetera. Certains secteurs de l'édifice, ou les cellules, ou les protéines, seront fabriquées pour qu'elles reflètent la nature du tissu dont elles proviennent.

Cela nous promet un avenir très stimulant, parce que je connais plusieurs laboratoires qui utilisent à l'heure actuelle l'ARN pour indiquer la nature du tissu dont proviennent les protéines. Cela veut dire qu'avec une tache de sperme sur un vêtement — nous disposons de techniques particulières qui permettent d'identifier ce genre de choses aujourd'hui — ce nouveau test permettra de dire que c'est du sperme, parce que la tache est codée pour la protéine que l'on retrouve normalement dans le sperme. L'aspect intéressant de cette technique est que nous pouvons l'automatiser grâce à des technologies basées sur la fluorescence et la robotique. À l'avenir, cela va accélérer la préparation des preuves au début de l'enquête.

À l'heure actuelle, la recherche minutieuse qu'il faut effectuer au début d'une enquête prend beaucoup de temps, parce que si nous ne trouvons pas de preuves, nous ne pouvons en extraire l'ADN. Il y a à l'heure actuelle de brillants spécialistes, très bien formés, qui s'efforcent de découvrir quelles sont les meilleures preuves. Nous espérons faciliter leur vie à l'avenir et accélérer leur travail grâce à la nouvelle technologie.

J'aimerais dire quelques mots des techniques que nous utilisons aujourd'hui, les microsatellites ou STR. Je ne vais pas trop vous ennuyer avec cela, parce que je me suis dit qu'il était plus important de vous dire ce que nous pouvons faire plutôt que de vous expliquer comment nous le faisons. Je crois savoir que vous allez tous visiter le laboratoire, ou venir à la Banque nationale de données génétiques, et vous aurez ainsi la possibilité de voir toutes ces choses devant vous, en temps réel.

À l'heure actuelle, je vous ai dit que nous utilisions 13 analyses différentes. Il existe de nouvelles procédures qui portent sur 16 analyses. Nous allons probablement continuer à élaborer de nouvelles analyses ainsi d'autres marqueurs, à l'avenir. Avant que vous ne posiez des questions, il est important de savoir que les segments d'ADN que nous examinons ne codent jamais des caractéristiques que nous connaissons. Avec les marqueurs que nous utilisons aujourd'hui, nous ne pouvons pas vous dire si vous allez être chauve, si vous avez tendance à être diabétique, si vous serez grand, petit ou aurez des yeux bleus. Tout ce que nous savons c'est que ce sont là des éléments qui varient d'une personne à l'autre et, puisque ce sont des variables, cela veut dire qu'ils évoluent librement et que, dans la plupart des cas, ils ne vont jamais coder quoi que ce soit. Ce sont tout simplement des séparateurs d'ADN qui font partie de notre génome ou de notre plan.

À l'avenir, nous aimerions ajouter un certain nombre de marqueurs à notre liste. Nous voulons le faire parce qu'il est toujours préférable d'avoir une discrimination plus fine. De plus, les échantillons d'ADN que nous trouvons sur le lieu d'un crime ne sont pas toujours en bon état et sont souvent dégradés. Il y a une grande différence entre nous et la plupart des chercheurs ou des gens qui travaillent dans le diagnostic clinique. Nos échantillons se situent dans une zone un peu grise. Nous ne savons pas d'où ils proviennent, combien de temps ils sont restés là ni à quoi ils ont été exposés. Cela nous oblige donc à avoir des techniques très robustes, valides et fiables. Je peux vous dire que nous devons être en mesure de les présenter de façon à ce que les gens comprennent et à qu'ils soient acceptés par les tribunaux.

Nous espérons qu'en examinant davantage d'éléments de différenciation, polymorphes ou marqueurs, si nous avons des échantillons dégradés, nous disposerons de davantage d'éléments à analyser qui pourront nous fournir des résultats.

La base de données du Royaume-Uni a plus de quatre millions de profils de contrevenants et la base de données du U.S. Combined DNA Index System, ou CODIS, en possède encore davantage. Nos bases de données sont donc en train de s'accroître, et il est important de renforcer notre capacité de discrimination pour que nous puissions effectuer des recherches efficaces et obtenir les meilleures concordances possible.

Permettez-moi de vous parler d'une autre technologie assez excitante qui est en train d'être mise au point. Elle s'appelle les mini ou microsatellites (STR). Quelle est, d'après vous, la différence entre un STR et un mini-STR?

Le sénateur Baker : La taille.

M. Fourney : La taille; c'est exact. Vous vous souvenez que je vous ai dit que nous examinions une section de 12 mètres de blocs LEGO? Avec les mini-microsatellites, il suffit maintenant d'examiner quelques mètres. C'est un énorme progrès, parce que l'ADN se désintègre, se dégrade ou est abîmé par le feu, une explosion ou le temps — il nous arrive de prendre un échantillon sur un morceau de chemise en coton qu'on a trouvé dans la cour de quelqu'un où ce morceau se trouve depuis des années, par exemple — l'ADN devient de plus en plus court. Si nous ciblons des régions particulières, cela nous permettra d'établir des différences entre des personnes, mais si les régions ciblées sont petites, nous obtenons de meilleurs résultats avec un matériau ancien, dégradé qu'avec les procédures que nous utilisons habituellement dans le laboratoire.

Cette méthode a été utilisée pour identifier les victimes du World Trade Center, cet horrible événement, et a donné d'excellents résultats. Des incendies, des explosions et toutes sortes d'événements tragiques ont tué ces personnes. On peut dire qu'il a été très difficile de travailler sur ces restes humains. Les spécialistes ont employé cette technologie de la mini-STR pour essayer d'identifier les échantillons, parce qu'elle leur permettait de travailler sur des segments d'ADN plus petits.

Je pense que c'est une chose que nous allons voir à l'avenir. Ce procédé est déjà commercialisé. Un aspect intéressant de cette technologie est que les segments d'ADN qui sont examinés sont les mêmes — et cette technologie est semblable à l'autre — que les grands segments d'ADN que nous possédons dans la banque de données. En utilisant les mini-STR, nous n'avons pas à constituer à une nouvelle banque de données. Il est possible tout simplement d'ajouter de nouvelles données, parce que ces technologies utilisent les mêmes segments d'ADN; elles permettent tout simplement d'utiliser des segments plus petits.

Une autre technologie très prometteuse sont les Y-STR, comme dans le chromosome Y, l'ADN mâle. C'est un peu ennuyant. Ces chromosomes ne varient pas autant que certains autres segments de l'ADN que nous examinons d'habitude, mais ils comportent des caractéristiques intéressantes. Vous avez une seule copie de cet ADN-Y dans vos cellules, que vous héritez de votre père. Autrement dit, vous allez transmettre votre ADN-Y à votre fils, à votre petit- fils, et ainsi de suite, pendant plusieurs générations. Cela comporte des avantages et des inconvénients.

L'avantage est qu'il s'agit là d'une magnifique technologie qui nous permet d'identifier les personnes qui peuvent avoir disparu dans une catastrophe ou un tsunami, grâce à leur famille; par exemple, les parents ont peut-être disparu, mais il y a peut-être un grand-père et vous pouvez utiliser son ADN pour identifier un petit-fils qui est disparu.

L'autre caractéristique que vous devriez connaître est que nous héritons tous des changements intervenus dans l'ADN comme un groupe, parce que ces chromosomes ne varient pas beaucoup. Cela s'appelle un haplotype. Il faut utiliser un plus grand nombre de cet élément pour en arriver au même niveau de discrimination. Cette caractéristique a été très utile et très importante pour la recherche, parce qu'elle a permis d'effectuer des études sur nos ancêtres. Les gens étudient les Y-STR pour savoir d'où nous venons, pour connaître les relations géographiques et les routes migratoires des humains. Cet élément passe toujours d'une génération à l'autre.

On a fait une étude en Allemagne. Je pense que des chercheurs ont regroupé 419 personnes qui avaient le même nom de famille et ils ont réussi à les répartir en deux groupes, en se basant uniquement sur les Y-STR. On a fait de nombreuses études de ce genre.

En fait, j'étais sur Internet hier soir. On procède à une grande étude en ce moment et on en parle sur le site Web www.yhrd.org. Les chercheurs ont observé 72 082 variantes dans des centaines de groupes humains différents répartis dans le monde entier, parce que les gens s'intéressent à ce que nous appelons les lieux d'origine ancestraux et géographiques. C'est un magnifique outil pour faire de la recherche dans le passé.

Pourquoi sera-t-il souhaitable de s'en servir en criminalistique? Il arrive parfois qu'au cours d'une agression sexuelle, les cellules épithéliales trouvées sur la victime se retrouvent également avec un élément masculin. Cela pourrait être par exemple du sang ou du sperme. Nous disposons de processus qui sont capables de séparer certains spermatozoïdes ou éléments masculins des cellules épithéliales de la femme; mais bien souvent, si l'échantillon est dégradé ou ancien ou — s'il y a eu trauma — il est difficile de séparer ces cellules. Cependant, avec les Y-STR, il est toujours possible de séparer complètement l'élément masculin de l'élément féminin; et de savoir qui pourrait être l'individu recherché. Cette technique a déjà été utilisée par des collègues dans d'autres laboratoires judiciaires pour identifier les donneurs multiples de spermatozoïdes ou les auteurs d'agressions sexuelles, parce qu'elle permet de faire une discrimination également entre ces différents hommes.

Cette méthode comporte toutefois une limite, pour la simple raison qu'elle devient très complexe lorsqu'on l'applique à des segments multiples d'ADN provenant de différentes personnes. C'est toutefois un outil très important qui nous permet d'examiner les différences entre des membres d'un groupe de sexe masculin, du point de vue de la recherche, et c'est également un bon outil pour faire des analyses dans les cas d'agression sexuelle.

Je vais également vous parler un peu des analyses fondées sur le chromosome Y, dans un instant, pour d'autres raisons.

Les polymorphismes de nucléotide simple ou les SNP sont l'élément le plus polymorphe ou modifiable de notre configuration génétique. C'est le bloc de base du LEGO. Le SNP est un individu, une paire de bases ou un demi- barreau de votre échelle qui diffère de ceux des autres. Nous avons identifié, jusqu'ici, près de 5,6 millions de ces éléments dans nos corps et il y en a à peu près 100 000 qui font l'objet d'études, à l'heure actuelle, pour diverses raisons.

Les SNP sont importants, parce que, lorsque des petits segments de l'ADN sont abîmés dans un cas de dégradation, on trouve quand même des SNP. Ce sont également les SNP qui ont aidé à identifier les victimes du World Trade Center, de tsunamis et d'autres catastrophes.

Il y a trois variations pour les SNP : il peut y avoir un remplacement, une personne ayant un bloc de LEGO bleu et l'autre en ayant un jaune; on peut avoir une suppression, l'un des individus n'a plus de bloc LEGO jaune, il s'est perdu au cours de l'évolution, ou on peut avoir une insertion, où l'on trouve un bloc LEGO jaune et un rouge.

L'aspect intéressant des SNP est qu'ils sont principalement bialléliques, ils fournissent une réponse négative ou positive. Il n'y a que deux variations. C'est comme un feu de circulation qui est rouge ou vert. Étant donné que ce mode d'identification est très simple, il est possible de l'automatiser grâce à la robotique et à la fluorescence, par exemple. Le grand avantage est que nous pouvons traiter 100 000 SNP à la fois. Pour savoir si deux individus sont différents, j'ai uniquement besoin de 80 à 100 SNP.

Je suis sûr que vous vous dites que, si c'est la panacée en matière de criminalistique, pourquoi ne l'utilisons-nous pas? Il y a les technologies traditionnelles d'étude de l'ADN, mais surtout, cela nous permet d'obtenir un oui ou un non pour une personne donnée. Il arrive toutefois que nous ayons un mélange, parce qu'une agression sexuelle peut concerner un homme et une femme, deux hommes ou deux femmes. Avec un SNP, nous n'obtiendrons pas de réponse négative ou positive, nous allons obtenir un oui-oui, ou un oui-oui-non, toute une série de réponses. C'est pourquoi il est difficile de travailler sur des segments mélangés. Il nous faudrait disposer d'une autre technologie.

Les SNP sont utiles pour examiner des éléments comme les chromosomes-Y et effectuer d'autres études où ils aident à accélérer grandement le processus.

On a utilisé les SNP à des fins d'identification, pour effectuer une analyse du lignage, c'est-à-dire, chacun hérite son SNP de sa famille, pour obtenir des informations sur vos ancêtres, votre lieu d'origine ou situation géographique ou même, pour étudier les marqueurs phénotypiques. Grâce aux marqueurs phénotypiques, les gens peuvent utiliser les SNP pour identifier la peau, la couleur des cheveux et des yeux, par exemple. Pour la première fois, nous avons les moyens de retracer les traits physiques grâce à une technologie génétique.

Certaines personnes estiment que cela pose des problèmes sur le plan de la protection de la vie privée et de la sécurité. Par contre, il y a beaucoup de gens qui vont sur Internet pour faire de la génomique « de loisir ». Ils fournissent un segment de leur ADN pour apprendre d'où ils viennent, qui ils sont, et ce genre de choses. Pour savoir s'ils auront tendance à être chauves, ou quelque chose du genre, on utilise une centaine de ces éléments.

Je dois vous dire que les SNP ne sont pas parfaits. Ce n'est pas la seule mutation ou le seul changement qui indique un trait particulier parce que tout cela se situe dans un continuum. Il faut isoler de nombreux gènes pour être en mesure de décrire un trait particulier. Par exemple, je pourrais aller sur Internet et apprendre que j'ai 68 p. 100 de chances d'être chauve. À quoi pourrait bien me servir de savoir que j'ai 68 p. 100 de chances d'être chauve?

Je vais vous donner un autre exemple. Un trait physique qu'il est facile de suivre ou qu'il est possible de constater physiquement est la taille. Quelqu'un a eu l'idée brillante de trouver les gènes qui déterminent la taille. En 2007, ils ont choisi 22 000 ou 16 000 personnes de différentes tailles. Ils ont trouvé 16 secteurs possibles, des SNP, qui semblaient contrôler la taille, mais ils ont constaté que peut-être 2 p. 100 de leur « évaluation approximative » de la taille se trouvait dans ces 16 secteurs. Ils ont effectué une analyse en prenant une personne qui avait les 16 SNP reliés à la taille, et ils ont pris une autre personne qui n'en avait presque pas. La différence entre les deux était inférieure à un pouce. Cela ne dit pas grand-chose, n'est-ce pas? Il faut être prudent lorsqu'on lit des choses au sujet des SNP, mais c'est un outil qui jouera un rôle très important à l'avenir en matière de technologie de dépistage rapide.

Parlons maintenant de l'extraction automatisée de l'ADN. La première fois que je vous ai parlé, en 2008 — je sais que certains d'entre vous ont vu nos robots et le reste — il n'y avait, à ma connaissance, à cette époque, que quatre robots. Un robot est essentiellement une machine qui a ces petits contacts — et vous le verrez au cours de votre visite. Cela contrôle la façon dont nous pouvons prélever de faibles volumes de liquide.

J'ai apporté quelques séries d'échantillons. Notre robot lit un code-barres. Vous pouvez voir qu'il y a ici 96 petits puits. Ils sont codés avec des lettres d'un côté et des chiffres de l'autre. Nous appelons ça les coordonnées X-Y. Grâce à ce code-barres, je peux savoir où se trouve chaque échantillon sur cette plaque. C'est ainsi que nous codons et retraçons chaque échantillon à chaque moment. L'automatisation est un outil magnifique pour l'assurance de la qualité et pour suivre toutes les choses que nous voulons suivre. Je pense que c'est votre comité qui a déclaré, le 10 décembre 1998, qu'il était important que nous sachions à tout moment où se trouvait un échantillon et comment on l'utilisait. Nous avons élaboré un logiciel appelé « système de suivi et de contrôle des échantillons », STaCS, parce que nous voulions être en mesure de suivre en continu ces échantillons. C'est une propriété intellectuelle du Canada, qui est vendue dans le monde entier et que l'on trouve dans les grands laboratoires judiciaires — par exemple, au FBI et en Floride; il est également possible que la Californie en possède un.

À l'époque, nous avions une sélection de quatre robots. J'ai travaillé, il y a moins d'un an, avec le gouvernement australien et 18 sociétés de ce pays — ils ont limité ce nombre à 18; il y en avait sans doute à peu près 25 — qui s'occupent de concevoir des robots pour l'analyse de l'ADN. À l'heure actuelle, nous avons 96 puits d'échantillon, mais à l'avenir, nous en aurons 384. Vous remarquez ici que le volume est plus faible. Nous pouvons, à l'heure actuelle, obtenir des résultats d'ADN plus rapidement et placer davantage d'échantillons sur une seule plaque avec moins de substance. C'est important. À mesure que la sensibilité du lecteur augmente, nous pouvons retracer des éléments de preuve qui sont plus difficiles à trouver et en plus petites quantités. Cette technique permet également de préserver les preuves pour effectuer d'autres analyses et pour les gens qui souhaiteraient analyser plus tard ces échantillons. Je pense qu'à l'avenir il y aura différents types de robots.

Voici une fiche de prélèvement de taches de sang, qui est en fait de l'encre rouge — il n'y a pas de sang sur cette fiche. Vous ne les voyez peut-être même pas, mais il y a trois trous ici. Je vais faire passer cette fiche. C'est un trou de 1,2 millimètre de diamètre. Il peut contenir près de 750 cellules. J'ai besoin de 2 p. 100 de cette quantité pour obtenir un résultat d'ADN. Vous pouvez voir les petits fragments du trou qui a été percé. Vous pouvez le voir vous-même, c'est de l'encre. Il y a un tube de ce côté.

Le sénateur Milne : Vous obtenez environ 15 cellules, est-ce tout?

M. Fourney : Je vais y arriver. Vous m'avez devancé.

Nous aimons disposer d'au moins 80 à 100 cellules, parce que ce genre de nombres nous donne une sécurité. Si l'échantillon est contaminé, ou s'il est mélangé aux cellules d'une autre personne, nous en voulons davantage. Nous utilisons entre 250 et 500 picogrammes d'ADN. Un picogramme est un millième d'un milliardième de gramme.

Nous avons résolu le problème que pose l'automatisation de l'extraction des échantillons d'une fiche de prélèvement de taches de sang. Voici comment nous obtenons nos échantillons. Nous utilisons un emporte-pièce, tout le processus est automatisé, et nous obtenons, grâce à cela, des résultats d'analyse génétique.

Avec les lieux du crime spéciaux, nous nous trouvons maintenant dans la zone grise des échantillons. Il n'y a pas d'échantillon prélevé dans un environnement propre avec une personne qui porte des gants, et cetera. On peut trouver sur ces lieux du crime spéciaux un os; des taches sur des murs ou quelque chose qui est resté enterré dans une cour pendant des années. Comment prélever l'ADN dans ces conditions et en automatiser l'analyse? Cela m'amène à vous parler du petit truc que nous avons ici.

La solution noire qui se trouve dans la bouteille est une simple solution tampon avec un peu de détergent. Cependant, les particules noires qui s'y trouvent sont des microns magnétiques ou des microporteurs magnétiques. Nous pouvons placer 150 cellules sur la tête d'une aiguille. Une cellule mesure 10 microns. Les microporteurs qui se trouvent dans ce contenant ont la même taille qu'une cellule humaine. Pour vous donner une idée, le plus petit grain de sable que vous pouvez trouver sur une plage est neuf fois plus gros que les microporteurs que vous voyez ici, ce sont des petites particules noires. Ces particules sont des morceaux de fer, des noyaux ferriques. Nous avons un morceau de fer entouré de silicone et à la surface du silicone, il y a quelque chose qui attire l'ADN. Cela nous permet de prélever tout l'ADN qui se trouve sur un échantillon prélevé sur les lieux du crime, un frottis, des taches, n'importe quoi, de le placer dans le tube et d'ajouter les microporteurs. Ces microporteurs ont un revêtement qui fixe uniquement l'ADN. Nous utilisons quelque chose qui ressemble à cet aimant. C'est un élément magnétique. Ces microporteurs ont un noyau ferrique, et c'est pourquoi nous les plaçons sur un aimant.

Vous voyez ce qui se passe? Tous ces microporteurs sont maintenant collés à l'aimant. C'est ce qu'on appelle l'extraction magnétique par microporteurs. C'est ce qui nous permet de prélever l'ADN trouvé sur les lieux du crime en utilisant un processus automatisé. C'est l'avenir. Nous avons effectué cette opération 250 000 fois pour une affaire importante dans l'Ouest qui nous aurait pris 12 ans si on avait utilisé les procédures conventionnelles de manutention que l'on applique normalement dans un laboratoire. C'est ce que permet l'extraction par microporteurs magnétiques. Le secret est l'ajout d'un aimant. Vous savez maintenant pourquoi les enfants aiment jouer avec les aimants.

Je crois que vous avez visité notre laboratoire et avez vu les séquenceurs. Les séquenceurs marquent, avec une substance fluorescente, un segment d'ADN qui passe ensuite devant une caméra appelée dispositif à transfert de charge qui prend une image et nous obtenons différentes tailles d'ADN de différentes couleurs.

La présidente : Non. C'est quelqu'un d'autre qui est venu vous voir. Nous n'avons pas encore eu ce plaisir. Nous avons l'intention de le faire, mais nous devons encore franchir quelques obstacles procéduraux avant que je puisse vous dire, en qualité de présidente de ce comité, que nous allons effectivement visiter votre laboratoire. Nous avons toutefois la ferme intention de le faire.

M. Fourney : C'est un appareil que je ne pouvais pas vous apporter, je le regrette. C'est un appareil très coûteux et volumineux. Vous en verrez beaucoup à l'avenir.

Lorsque nous avons commencé tout ceci, il y a environ 10 ans, il n'y avait qu'une seule procédure. Le chargement de l'appareil est une opération à fort coefficient de main-d'œuvre. Aujourd'hui, cela se fait dans une rangée de capillaires, qui est un petit tube. Nous avons commencé avec un tube, nous sommes passé à huit, à 16, puis à 48 et à l'avenir, nous en aurons 96. Chacun de ces petits tubes ou capillaires est chargé automatiquement par un robot, et 20 minutes plus tard, il est photographié avec l'ADN, ce qui est magnifique. La difficulté est d'interpréter les images. Je vous en parlerai.

Quelqu'un m'a demandé combien d'ADN il nous fallait. La GRC utilise environ 83 cellules d'ADN, c'est le niveau minimum. Nous préférons en avoir davantage, mais c'est la limite. Il est intéressant de mentionner que certains laboratoires d'autres pays ont choisi une limite plus basse — ce que nous appelons un chiffre modèle faible. Il leur faut entre 20 et 25 cellules. Cela semble extraordinaire, parce qu'il est maintenant possible d'obtenir de l'information très importante sur les segments de l'ADN à partir de quantités infimes de substance. Lorsque l'on obtient des résultats, c'est extraordinaire. Nos amis du Service de criminalistique du Royaume-Uni, en particulier, ont utilisé ce procédé plus de 30 000 fois. J'ai reçu un mot d'eux cette semaine. Je leur ai demandé « Avec quelle fréquence utilisez-vous ceci? » Ils l'utilisent très souvent. Nous ne le faisons pas autant en Amérique du Nord, parce que nous obtenons d'assez bons résultats avec notre technologie.

Par contre, et nous examinerons cela à l'avenir — à mesure que l'on abaisse le nombre de copies de cellules, d'autres problèmes peuvent apparaître, comme la contamination. Il est très difficile d'interpréter les résultats d'une analyse génétique, lorsqu'il y a contamination.

Dans une affaire assez célèbre, appelée l'attentat à la bombe d'Omagh, au Royaume-Uni, le juge a mis en doute les technologies fondées sur un petit nombre de cellules. Le Service de criminalistique a été obligé de démontrer que la technologie qu'il avait utilisée était efficace et avait été fortement validée; mais les membres du Service ont également reconnu que les résultats dépendaient de la qualité du prélèvement des échantillons.

Je peux obtenir votre ADN si vous éternuez ou me parlez et si j'ai un morceau de papier assez près de vous. Il n'est pas nécessaire d'avoir beaucoup de substance. Il faut toutefois être prudent avec la sécurité que donnent les chiffres : il faut qu'il y ait davantage d'ADN de l'individu concerné que d'ADN apporté par contamination. Cela arrive toujours lorsque nous ne pouvons pas contrôler les lieux du crime, et c'est la raison pour laquelle des nombres élevés offrent une sécurité.

Nous viendrons un jour à prendre un petit nombre de cellules, j'en suis certain. Nous aurons reçu une formation spéciale, et nous utiliserons des procédures spécifiques avec la participation des personnes chargées de l'application de la loi.

Par exemple, au Royaume-Uni, ils doivent élaborer ce que nous appelons des bases de données d'élimination. Ils s'inquiètent tant d'utiliser un petit nombre de cellules qu'ils ont enregistré l'ADN des agents de police pour le comparer à l'ADN retrouvé sur les lieux du crime au cas où un échantillon serait contaminé accidentellement. C'est la technologie utilisée, et la base de données d'élimination du Royaume-Uni contient les empreintes génétiques de 150 000 policiers.

Parlons de ce que nous faisons avec toute cette information génétique. Il faut trouver des façons de l'interpréter. Nous le faisions auparavant manuellement; nous avons maintenant des systèmes spécialisés. Un système spécialisé est un type de logiciel utilisant l'intelligence artificielle qui applique un ensemble de règles préprogrammées pour fournir une interprétation ou des conclusions et qui essaie d'imiter le processus décisionnel logique humain, acquis grâce à la spécialisation et à l'expérience.

Un des aspects les plus difficiles de la criminalistique est qu'il faut interpréter un grand nombre de données génétiques. Mettez-vous à la place des gens qui ont dû identifier des restes humains provenant du World Trade Center ou du tsunami. Cela représente une quantité considérable de données qui arrivent d'un seul coup. Il faut absolument un logiciel électronique pour suivre tous les échantillons, pour gérer l'information et examiner les résultats.

Toutefois, la qualité des résultats dépend de celle des données introduites. Les systèmes spécialisés sont uniquement construits à partir de notre interprétation et de ce que nous savons de l'apparence d'un profil génétique, la hauteur de ses pics, les différents contrôles et les différents éléments que nous, les biologistes moléculaires, examinons; tout cela est programmé dans le logiciel pour nous aider à effectuer cette évaluation.

J'aimerais vous dire quelques mots de l'utilisation de l'ADN dans les catastrophes et les recherches de parenté. Je pense que, lorsque je vous en avais parlé, il y a 10 ans, je venais de terminer l'identification des victimes de la catastrophe aérienne du vol 111 de Swissair; nous avons identifié la dernière personne, quelques semaines avant ma comparution.

Nous y sommes parvenus grâce à une collaboration extraordinaire et un travail considérable effectué par une équipe très importante. L'ADN a joué un rôle, mais les radiographies dentaires et le travail des enquêteurs et des gens qui fouillaient les lieux de l'accident ont également été très utiles.

Nous avons rapidement constaté que nous étions dépassés par la quantité d'ADN que nous avions prélevé chez les victimes du vol Swissair. Nous avons même dû élaborer notre propre ensemble de logiciels pour suivre les échantillons, et c'est ce que nous avons fait. Un jeune scientifique, du nom de Benoît Leclair, a fait de l'excellent travail et a élaboré ce logiciel pour nous. Son logiciel a également été utilisé pour certains aspects du travail effectué sur le World Trade Center.

La raison pour laquelle nous avons réussi à identifier les victimes du vol Swissair ou de l'attentat du World Trade Center vient du fait que nous recevons la moitié de notre ADN de notre mère et l'autre moitié de notre père. Si vous aviez un fils ou une fille à bord de cet appareil ou qui se trouvait dans le World Trade Center, et que l'on obtienne l'ADN des parents, il est possible de savoir si un enfant donné était votre fils ou votre fille. Cela s'appelle l'analyse de parenté.

Une autre technologie s'appelle la recherche axée sur les membres de la famille. Cette recherche est une technique d'enquête qui consiste à comparer l'ADN trouvé sur les lieux du crime avec celui de membres de la famille proche qui se trouvent dans des bases de données génétiques, en utilisant le fait que les membres de la famille proche ont des motifs et des profils génétiques semblables.

L'analyse de la parenté est un processus qui est souvent utilisé pour identifier des personnes disparues ou les victimes de catastrophe et qui consiste à faire des comparaisons d'ADN avec des échantillons de référence connus prélevés chez les membres de la famille. Il y a une légère différence, mais elle repose sur les mêmes principes. Si vous êtes l'enfant d'un parent, ou un frère ou une sœur, nous pouvons vous identifier grâce aux membres de votre famille proche. Cette technique est fondée sur les probabilités, ainsi que sur certains calculs statistiques comme les ratios de probabilité. C'est ainsi que nous avons aidé à identifier certains des disparus de l'accident de l'appareil Swissair.

La police et d'autres groupes, principalement au Royaume-Uni, se servent maintenant de cette technique pour trouver des personnes dont l'ADN pourrait correspondre à celui qui a été trouvé sur les lieux du crime, en recherchant dans la base de données des personnes dont l'ADN ne correspond pas parfaitement avec celui des lieux du crime, mais qui s'en rapproche beaucoup. Lorsqu'une preuve obtenue sur les lieux du crime ne débouche pas sur une concordance parfaite avec un élément de la base de données, si nous recherchons les concordances imparfaites, nous pouvons parfois identifier les membres de la famille proche. À partir de là, on réduit le nombre de personnes que l'on souhaite interroger.

Cette technique a réussi dans 16 p. 100 des cas, lorsqu'elle a été appliquée à 160 affaires au Royaume-Uni. Lorsqu'on obtient un succès, c'est un succès incroyable, parce qu'il s'agit d'affaires difficiles et très anciennes. Je pense que, dans quelques cas, cette technique a innocenté certaines personnes.

C'est une technique très puissante, mais comme toute technologie, il faut savoir quand et comment l'utiliser, parce que dans ce cas, nous n'examinons pas seulement un individu en particulier, mais aussi les membres de sa famille.

Le même principe peut s'appliquer aux Y-STR et à une autre technologie appelée l'ADN mitochondrial. Je ne veux vous ennuyer avec cela, mais c'est un segment spécial de l'ADN qui se trouve à l'extérieur du noyau dans les organites.

Votre corps est composé d'organes comme le cœur et le foie; une cellule contient des organites, des parties spéciales où se trouve l'ADN mitochondrial. La mitochondrie est la centrale électrique de la cellule et c'est elle qui fournit l'énergie. Elle contient un seul segment d'ADN, ce qui a été très utile parce qu'il est transmis uniquement par la mère.

L'ADN-Y est transmis par les pères à leurs fils et petits-fils; et la mère transmet l'ADN mitochondrial. Il est donc possible d'effectuer la même analyse à l'aide d'un ADN mitochondrial. L'aspect intéressant de cette technique est que nous disposons d'une grande quantité et de nombreuses copies de l'ADN mitochondrial. C'est donc, bien souvent, la dernière source d'ADN accessible, lorsqu'il s'agit d'échantillons très anciens et très dégradés; elle a été extrêmement utile pour résoudre les affaires très anciennes.

Nous n'utilisons pas l'ADN mitochondrial à la GRC, mais nous pouvons le faire. Nous ne l'utilisons pas, même si nous le pourrions, parce que c'est une méthode très sensible et qui exige une grande dextérité. Compte tenu du nombre de fois que nous l'utilisons, nous avons conclu qu'il serait préférable de demander à un laboratoire professionnel de le faire pour nous. Un des laboratoires avec qui nous travaillons s'occupe d'anthropologie criminalistique et a une grande expérience dans ce domaine. Nous l'utiliserons peut-être un jour — le FBI s'en sert — mais c'est un autre outil dans notre boîte.

Enfin, nous pouvons faire tout cela avec un processus automatisé qui utilise des micromachines ou des biopuces.

J'ai un exemple ici d'une des meilleures micromachines que je n'ai jamais vu. Savez-vous ce que c'est? Vous devriez le savoir, maintenant que je l'ai allumée. C'est le « tricorder » de Star Trek. J'aimerais vous dire comment cela fonctionne, mais j'ai le regret de vous dire que c'était le jouet favori de mon fils.

Nous aurons un jour un outil semblable à celui-ci, une micromachine qui sera capable de mesurer l'ADN sur les lieux du crime. Il ne faudra pas attendre très longtemps, parce que certains d'entre vous ont peut-être déjà vu un appareil semblable, un appareil de mesure de la glycémie. Vous mettez un peu de sang sur une languette et vous le branchez.

Ma femme va m'en vouloir beaucoup, parce qu'elle enseigne cette technique, et je ne sais pas comment elle fonctionne. Vous placez un peu de sang sur la puce et elle vous donne une mesure. C'est une micromachine simple.

J'ai été extrêmement intéressé par les premières micromachines d'ADN, il y a huit ou neuf ans. La technologie existait, mais la taille de l'appareil était malheureusement un problème. Ces appareils sont passés de la taille d'une pièce à celui d'une petite voiture et maintenant, ils ont la taille d'une valise. Nous nous rapprochons. J'ai vu deux prototypes l'année dernière qui prélèvent l'ADN et séparent les spermatozoïdes des cellules épithéliales, en utilisant la sonication sur une puce. Les puits situés sur ces puces ont une largeur de 10 microns, qui est la même dimension qu'une cellule. Vous pouvez faire entrer 10 cellules sur la largeur d'un morceau de papier, de sorte que nous ne parlons pas de grande quantité. Ces prototypes vont également détecter l'image d'une empreinte génétique.

Il y a deux façons de le faire; un appareil modulaire qui sépare les cellules avec une biopuce, procède à une analyse avec une autre et détecte et fait rapport avec encore une autre puce; il y a enfin un modèle intégré, où tout se fait en même temps. J'ai vu un modèle modulaire dans lequel, lorsque la puce a fait son travail, elle s'occupe d'un autre échantillon. J'ai vu une partie d'un modèle intégré qui nous a beaucoup intéressés. Peut-être que dans un an ou deux, nous aurons un appareil semblable à un tricorder qui nous permettra de traiter rapidement l'échantillon, et peut-être même de le faire sur les lieux du crime, ou du moins, dans un laboratoire où nous pouvons contrôler certaines variables.

À mon avis, c'est là que se trouve l'avenir de cette technologie.

La présidente : Merci, monsieur Fourney.

[Français]

Le sénateur Nolin : Nous avons ici présents de nouveaux sénateurs qui n'étaient pas ici il y a dix ans. Je leur cède volontiers mon tour s'ils ont des questions à poser.

La présidente : À ce moment-là, j'ajoute tous les noms à la liste.

Le sénateur Nolin : Je suis prêt à laisser mes collègues poser des questions.

[Traduction]

Le sénateur Baker : Il y a des membres du comité qui n'étaient pas là lorsque vous avez comparu devant nous en 1998, mais la plupart d'entre nous ont lu Jack Pine.

La présidente : Sénateur Baker, cette séance d'information est de nature plus technique que juridique. M. Fourney reviendra. Cette séance ne porte pas sur les politiques ni sur le droit.

Le sénateur Baker : Je faisais référence à la remarque du sénateur Nolin et le témoignage que vous avez livré devant le comité a été abondamment cité dans la jurisprudence. J'imagine que ce qui se dira à la présente séance sera également cité abondamment dans la jurisprudence.

Ma question porte sur l'automatisation de la section d'enquête de la GRC. L'automatisation s'est effectuée en 2007 et a fait l'objet d'une enquête de la part du Vérificateur général.

M. Fourney : Oui.

Le sénateur Baker : Le Vérificateur général a estimé que l'automatisation introduite dans le laboratoire de la GRC ne donnait pas de très bons résultats, si on la comparait aux procédures manuelles. On a mentionné un cas où il y avait 100 gouttes de sang sur un vêtement et où l'enquêteur de la GRC l'avait envoyé au processus automatisé qui n'a pas été en mesure de trouver une goutte de sang suffisamment grande pour l'étudier. L'enquêteur de la GRC en a été très frustré et l'a renvoyée à votre laboratoire. Je vois que vous hochez la tête, M. Fourney.

Cependant, manuellement, on a découvert un échantillon suffisant pour procéder à une analyse. Votre processus automatisé n'a pas fonctionné dans 3 p. 100 des cas. Que répondez-vous au Vérificateur général au sujet de votre processus automatisé?

M. Fourney : Je suis responsable de la recherche et du développement ainsi que de la Banque nationale de données génétiques. Je peux vous assurer que l'automatisation de la Banque nationale de données génétiques donne d'excellents résultats. En fait, j'ai regardé les chiffres — et je pourrais vous fournir demain, lorsque je témoignerai, d'autres détails — et je pense que sur plus de 160 000 échantillons, nous avons eu un taux de rejet inférieur à 1,3 p. 100. La plupart de ces rejets viennent du fait que l'ordonnance judiciaire de prélèvement n'était pas valide. Autrement dit, l'erreur concerne l'obtention du prélèvement et non pas le côté de la biologie. Dans quelques très rares cas, nous n'obtenons pas d'empreinte génétique. Je fournirai demain ces chiffres au comité.

Vous vouliez savoir ce qui suit : si l'automatisation donne d'aussi bons résultats pour la banque de données, pourquoi n'en va-t-il pas de même du côté opérationnel? Une partie du problème vient de la banque de données. Comme vous pouvez le constater à partir des fiches de prélèvement, c'est un processus où il y a de nombreux contrôles. Nous ne faisons même pas d'évaluation quantitative de l'ADN, parce que nous savons que nous en obtiendrons une certaine quantité à partir de cette fiche quand nous étudierons l'ADN. C'est un processus très contrôlé. Dans le cadre opérationnel, c'est comme si l'on pénétrait dans une zone grise, parce que nous ne savons jamais vraiment à quoi nous attendre.

Il y a eu des cas où les enquêteurs s'attendaient à obtenir un résultat et ils ne l'ont pas obtenu. Il y a toujours des cas où nous n'obtenons pas de réponse. À la différence de l'émission « CSI », il arrive que nous ne trouvions pas d'ADN sur les lieux du crime; nous faisons donc face à certains problèmes.

Dans le cas particulier que vous avez mentionné, nous avons transféré une technologie d'un environnement très contrôlé à un environnement très difficile. L'affaire de l'Ouest dont vous avez parlé est un de ces cas difficiles. Si l'on mélange différents types de sol avec différents types de sang animal et qu'il faut obtenir un profil génétique humain à partir d'une très petite quantité, cela n'est pas facile. Notre technologie a été adaptée à ce genre d'environnement et a donné d'excellents résultats.

Dans les cas où nous devions obtenir un résultat, mais nous ne l'avons pas fait, nous examinons à nouveau les données, parce qu'en tant que chercheur, cela me dérange. Il est intéressant de noter que, dans certains cas, nous n'arrivons pas à obtenir de résultats, mais dans d'autres, le processus manuel donne parfois de meilleurs résultats. Bien souvent, le processus d'extraction par microporteurs magnétiques est très efficace et nous obtenons toujours un résultat. À l'heure actuelle, plus de 90 p. 100 de notre charge de travail est automatisée, non seulement parce que c'est plus rapide, et que nous pouvons donc faire davantage, mais parce que c'est un processus plus précis qui donne un résultat avec des prélèvements très endommagés, qui comprennent bien souvent de la terre, par exemple.

Nous avons remarqué quelque chose dans les échantillons de sang lorsque nous avons examiné à nouveau ce dossier. Nous avons constaté que les taches de sang comportaient un peu de vert et nous nous sommes demandés d'où cela venait. Vous souvenez-vous que je vous ai parlé de l'analyse présomptive qui nous dit si un échantillon donné est du sang ou non? Ce test, fait à l'aide d'un « hemastix », permet de savoir s'il s'agit de sang. L'hemastix ne doit pas toucher directement le sang. En fait, on touche le sang avec un morceau de papier, et ensuite, on touche ce papier avec l'hemastix. Si un policier ou même un membre du personnel de notre laboratoire touche directement le sang avec un hemastix alors il y a un peu de ce produit chimique qui se retrouve, dans l'échantillon de sang, et ce produit chimique n'est pas très compatible avec les microporteurs magnétiques. Dans ce cas, nous avons rédigé un protocole pour la recherche de pièces à conviction et sur la façon d'utiliser l'hemastix, ce qui a pratiquement éliminé le problème.

Le sénateur Baker : Sur le site Web de la GRC, j'ai remarqué, il y a quelques jours — je crois que c'était le 12 mars — un rapport indépendant concernant ce dont nous parlons, à savoir l'établissement de rapports et l'automatisation.

M. Fourney : Parlez-vous du rapport iforensic du Service de criminalistique?

Le sénateur Baker : Oui. J'ai lu ce rapport. Tous les membres du comité auront lu ce rapport lorsque nous rédigerons nos conclusions finales. Je pense qu'il contenait toute une série d'affirmations très générales. Cependant, il contenait de nombreuses recommandations sur la façon d'améliorer la prestation de votre service.

M. Fourney : Oui.

Le sénateur Baker : Pourriez-vous dire au comité qui a effectué cette étude et pourquoi ses auteurs ont pris autant de temps — elle n'a été publiée que le 12 mars 2009 — ce qui semble indiquer qu'il faudrait modifier complètement votre façon de procéder? Pourriez-vous nous expliquer cela?

M. Fourney : Oui. Après le rapport du Vérificateur général, nous avons pris le temps d'examiner toutes les recommandations qui figuraient dans ce rapport. Une de ses recommandations était de faire examiner, de façon approfondie, notre processus par une entité externe. Nous avons donc invité ce groupe du Service de criminalistique du Royaume-Uni à venir examiner ce que nous faisons, à poser autant de questions qu'il le souhaitait et à prendre le temps qu'il voulait. Ce groupe a commencé son travail en mai et l'a terminé, je crois, en novembre.

Ces chercheurs ont visité tous nos laboratoires et interrogé tout notre personnel. Nous leur avons bien expliqué que nous voulions améliorer notre technologie et tenions à entendre ce qu'ils avaient à dire. Nous avons lancé un projet de transformation qui va prendre en compte toutes ces recommandations. Nous allons complètement modifier notre programme au cours des deux ou trois prochaines années. Nous allons donner suite à la plupart de ces recommandations, même si nous ne pouvons pas le faire pour toutes, en raison des différences législatives qui existent entre le Canada et le Royaume-Uni. Mais nous avons certainement pris au sérieux ce rapport.

Je peux vous dire que nous avons également procédé à un examen approfondi de l'aspect scientifique et technologique de notre service. C'était un examen complet. Cependant, même avant cet examen, nous nous sommes dit que, s'il y avait quelque chose que nous devions savoir et que nous ne savions pas, il faudrait demander à des experts de nous le dire.

Nous avons fait venir un groupe d'experts en criminalistique et leur avons demandé d'examiner l'aspect scientifique de notre service ainsi que les validations techniques, c'était au cours de l'été précédent. Ce rapport est public. Ces experts ont constaté que les principes scientifiques et la technologie que nous utilisions étaient très fiables et fortement validés. Ils ont proposé de modifier certains aspects de la façon dont nous formons notre personnel et adaptons la technologie du côté de la recherche et du développement, du côté de la mise en pratique et de l'utilisateur final. D'une façon générale, cela voulait dire que nous avions une technologie très solide et très stable, mais qu'il existait probablement une meilleure façon de l'appliquer et une meilleure façon de former notre personnel.

Dans le rapport iforensic, je crois que vous trouverez des recommandations semblables. Nous avons tous les outils et un bon processus; il ne suffit pas toutefois d'avoir tous les outils et un bon processus, il faut que toutes les étapes de notre processus soient optimisées pour améliorer l'ensemble. Le rapport iforensic et le projet de transformation ont pour but de prendre connaissance des bonnes pratiques adoptées à l'étranger et de les appliquer ici. Nous avons pleinement l'intention de le faire.

Le sénateur Baker : Nous présumons que le gouvernement va fournir les 15 millions de dollars nécessaires à la mise en œuvre de ces recommandations. Avez-vous demandé ces fonds? Sinon, est-ce la GRC qui va le fournir? Voulez-vous faire des commentaires à ce sujet?

M. Fourney : Je ne suis pas sûr que je sois en mesure de faire des commentaires à ce sujet.

Le sénateur Milne : Mes salutations, encore une fois. Je suis heureuse que vous soyez revenu, mais je pense à la première fois où vous étiez ici. Vous nous aviez parlé du processus et vous aviez quelques diapositives. Essentiellement, à cette époque, un profil génétique ressemblait à 94 de ces petits prélèvements — les 94 codes-barres que vous examiniez — mais maintenant, vous parlez de graphique. Est-ce bien exact?

M. Fourney : Nous pouvons encore examiner les codes-barres. Cependant, un graphique fournit davantage d'information, parce que, lorsque nous le construisons, nous obtenons non seulement un pic qui nous dit de quelle barre il s'agit, mais la hauteur de la colonne nous permet de connaître la quantité. Nous obtenons donc ainsi davantage d'information. Nous pouvons le construire des deux façons.

Le sénateur Milne : Plus tôt, vous avez dit que nous naissions avec certaines caractéristiques génétiques et que nous mourrions avec les mêmes, pratiquement. Que se passe-t-il lorsque quelqu'un subit une greffe de la moelle osseuse?

M. Fourney : En fait, c'est un sujet intéressant. Nous avons travaillé avec un certain nombre de laboratoires spécialisés dans la greffe de moelle osseuse, et ils utilisent une technologie semblable à la nôtre, en plus de la nôtre, pour identifier les individus chez qui la greffe de la moelle osseuse va probablement réussir.

Ils ont constaté que dans une greffe réussie, la moelle osseuse du receveur est essentiellement celle du donneur; le receveur, qui a peut-être eu un cancer et subi des irradiations, par exemple, ne récupère aucune de ses propres cellules. Une des façons qu'ils le vérifient — ou qui a été utilisée dans certaines études cliniques — consiste à examiner quelle proportion des cellules comporte les éléments génétiques du donneur et quelle est la proportion qui contient encore celles du receveur. Bien souvent, ils peuvent ajuster les divers régimes de traitement en se fondant sur ce rapport.

Après une greffe de la moelle osseuse, le sang du receveur est en réalité celui du donneur. En fait, j'avais avec moi quelques diapos qui montraient qu'un receveur de sexe masculin possédait un sang féminin et qu'un receveur de sexe féminin recevait un sang masculin. Par contre, si vous perdez un cheveu, par exemple — ou des cellules provenant d'une autre partie de votre corps, comme un prélèvement buccal — ce sera votre ADN. Vous êtes devenu une mosaïque; vous avez deux empreintes génétiques.

Le sénateur Milne : Vous avec une empreinte pour le sang et une empreinte cellulaire, est-ce bien cela?

M. Fourney : Oui, vous avez votre empreinte génétique, et toutes les cellules que fabrique la moelle osseuse contiendront l'empreinte génétique du donneur. Vous êtes une mosaïque, un individu unique.

Le sénateur Milne : Je voulais vous poser une question au sujet de l'ADN mitochondrial, mais vous en avez parlé. Pourquoi est-il beaucoup plus complexe? Est-ce parce que cet ADN se trouve à l'intérieur de la cellule, alors que l'ADN génétique se trouve dans le noyau de la cellule?

M. Fourney : C'est exact. Je ne devrais peut-être pas dire « complexe » dans le sens que l'ADN mitochondrial est en fait un chromosome unique; il contient environ 16 000 paires de bases, ce qui représente un petit fragment.

Le sénateur Milne : Il est transmis aux femmes par les femmes.

M. Fourney : Absolument. C'est un travail différent, parce qu'il faut séquencer les segments — compter les blocs de LEGO un à la fois s'appelle séquencer — alors que la plupart des techniques que nous utilisons visent à mesurer la taille d'un segment agrandi. Cela représente une centaine de ces blocs de LEGO. Avec l'ADN mitochondrial, on recherche une différence qui se trouve sur un bloc LEGO; nous en examinons entre des centaines et des milliers. C'est tout simplement plus facile.

Cependant, la technologie nous permet d'utiliser des quantités si petites que les questions de contamination et de procédure prennent une importance extrême. Nous devons nous sensibiliser à différents types de contrôles et veiller à ce que les procédures et les protocoles de prélèvement soient extrêmement sûrs. Je ne dis pas qu'il est impossible de travailler avec ces éléments, parce que de nombreux laboratoires, y compris ceux du FBI, font de l'excellent travail.

Il demeure qu'il est plus coûteux de travailler sur l'ADN mitochondrial, et, comme c'est le cas pour de nombreuses situations touchant l'analyse génétique, c'est également une question financière. Il nous en coûte moins d'envoyer un prélèvement pour faire une analyse de l'ADN mitochondrial dans un laboratoire agréé disposant d'équipement spécial et de personnel spécialement formé et agréé; ce genre de laboratoire ne fait que des analyses de l'ADN mitochondrial. Il nous coûterait extrêmement cher de mettre sur pied la même procédure, former le personnel et obtenir un agrément.

Il faut équilibrer les choses. Si nous sommes appelés à faire davantage d'analyses mitochondriales, alors nous les ferons sans doute nous-mêmes. Par exemple, avec le vol 111 de Swissair, 97 p. 100 de tous les échantillons que nous avons analysés avec notre procédure standard ont été des réussites. Nous n'avons pas été obligés de demander des analyses de l'ADN mitochondrial.

Le sénateur Milne : Voilà qui est intéressant. Vous avez parlé de 13 à 16 marqueurs, en disant que la GRC en utilise à l'heure actuelle 13 et que vous pensez qu'il serait peut-être légèrement préférable d'en prendre 16. Vous les avez qualifiés de segments polymorphes ou non différenciés. Êtes-vous absolument certain que ces marqueurs ne seront jamais identifiés avec un trait génétique particulier susceptible d'être retracé chez un individu, par exemple, la couleur de ses yeux ou de ses cheveux, la longueur de son nez, par exemple? Oubliez la question de savoir si la personne est bilingue, je ne pense pas que cela fasse partie de nos caractéristiques génétiques.

M. Fourney : Nous avons choisi des marqueurs qui ne codent rien pour la raison que vous avez formulée, à savoir, que nous voulons être absolument certains d'examiner des segments de l'ADN qui ne déterminent aucune caractéristique physique, mentale ou autre. D'après ce que nous savons à ce moment-ci, il n'existe pas de profils d'identification. En fait, un de mes pires cauchemars serait de me réveiller un jour et de lire dans les journaux que notre marqueur le plus polymorphe, c'est-à-dire notre meilleur marqueur, serait relié à la schizophrénie ou à autre chose, parce que nous ne pourrions plus nous en servir.

Cela m'amène à mentionner que pour ces autres marqueurs, comme les SNP, il y a des groupes au Royaume-Uni et aux États-Unis qui recherchent précisément des traits comme des attributs physiques ou la couleur, par exemple, parce que, de leur point de vue, c'est un outil d'enquête extraordinaire. C'est un des nombreux domaines où il faut en arriver à un équilibre et dans lequel nous devons décider si l'importance de l'outil d'enquête l'emporte, par exemple, sur le respect de la vie privée et la sécurité des citoyens.

Je ne veux pas décevoir qui que ce soit dans la salle, mais je peux vous dire que vous n'êtes pas purs à 100 p. 100. Vous saurez que vous êtes un mélange incroyable de nombreux groupes différents. Vous pensez peut-être que vous êtes de race caucasienne, par exemple, mais vous seriez surpris de savoir dans quelle mesure vous ne l'êtes pas.

Une des questions intéressantes qu'il faudra régler à l'avenir est celle des entreprises qui offrent des services d'analyse de l'ADN. Une de ces sociétés s'appelle 23andMe, et il y a un autre groupe en Floride à qui vous pouvez envoyer un peu de votre ADN et qui vous dira si vous êtes d'origine asiatique, afro-américaine ou caucasienne à x pour cent, si vous êtes chauve, si vous avez le gène de la fibrillation pour les réflexes musculaires et toutes sortes de choses intéressantes, j'en suis certain. Cependant, lorsqu'on examine les pourcentages, on constate que cette entreprise mesure la variation de la population et essaie d'extrapoler au niveau de l'individu.

Le sénateur Milne : Lorsque vous êtes venu ici la dernière fois, vous utilisiez 13 marqueurs. Vous venez de parler des marqueurs.

M. Fourney : On les appelle des loci. J'ai parlé ici de marqueurs de l'ADN. La banque de données en utilise 13, mais les enquêteurs en utilisent habituellement neuf. S'ils ont besoin d'une série supplémentaire de marqueurs, ils ont un système multiplex qui leur permet d'aller jusqu'à 13.

Le sénateur Milne : Aucun des 13 marqueurs originaux que vous avez utilisés n'est associé à des traits identifiables.

M. Fourney : Non, ils ne le sont pas; c'est exact. Aucun de ces marqueurs ne code quoi que ce soit à ce que je sache ou à ce que nous sachions.

Le sénateur Milne : Aucun de ces marqueurs n'est codant, d'après ce que nous savons.

Le sénateur Wallace : Monsieur Fourney, il est évident que vous prenez extrêmement au sérieux la fiabilité de votre analyse et votre travail. Cela est vraiment très clair. C'est évidemment très important pour l'accusé.

Vous dites cependant que la technologie évolue. En tant que scientifique, je suis sûr que vous essayez constamment d'améliorer la technologie, de renforcer la fiabilité de l'analyse, et cetera, et cela va continuer de changer.

Existe-t-il un processus d'approbation officiel qui légitimise les changements dans la technologie et dans la méthode d'analyse que l'on peut utiliser pour l'analyse des empreintes génétiques et pour présenter des résultats en preuve devant les tribunaux? Je sais qu'en qualité de scientifique, vous cherchez constamment à améliorer les choses, mais je me demande s'il existe une norme qui vous est applicable et que vous devez respecter avant de reconnaître qu'un changement technologique peut être légitimement accepté?

M. Fourney : Oui, il y en a une. Depuis le tout début, depuis 1989, je crois, nous sommes membres du Scientific Working Group on DNA Analysis Methods, le SWGDAM. C'est un groupe officiel qui est chapeauté par le Département de la justice des États-Unis. Nous avons beaucoup de chance d'avoir été invités à y participer pour représenter l'Amérique du Nord. Je pense que Toronto et Québec ont également été invités à ces réunions. Les participants, y compris les laboratoires étatiques, les laboratoires fédéraux et l'armée américaine, parlent de différentes technologies. Nous avons un processus officiel appelé les normes SWGDAM, qui doit être appliqué avant qu'une technologie puisse être déclarée acceptable pour les tribunaux. Il fait appel non seulement à une norme en matière de formation, mais également à des normes de validation que l'on applique toujours à une nouvelle technologie. Elle doit être conforme aux lignes directrices SWGDAM, et en même temps, elle est publiée à l'interne ou à l'externe.

Un des problèmes que posent de nombreuses technologies que nous utilisons est que cela revient à réinventer la roue. La plupart des journaux scientifiques les connaissent déjà et ne sont aucunement intéressés à les publier. Cela nous amène à présenter ce matériel à diverses réunions nationales ou internationales, accompagné d'une validation standard que tout le monde peut examiner. Nous sommes en fait agréés selon les normes ISO no 17025, ce qui veut dire que toutes nos procédures, la formation et l'assurance de la qualité sont conformes à une norme internationale de l'ISO en matière d'agrément des laboratoires, plus précisément des laboratoires criminalistiques.

Le sénateur Wallace : Cela fait-il partie du règlement d'application de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques?

M. Fourney : Non.

Le sénateur Wallace : C'est davantage un processus interne que vous avez adopté comme pratique exemplaire et non une norme établie par la loi ou le règlement?

M. Fourney : La loi ne contient en fait pas de norme, si ce n'est que le commissaire est chargé de surveiller la Banque nationale de données génétiques. Nous avons formé notre propre groupe de membres pour constituer la version canadienne de SWGDAM. Il n'existe au Canada que trois laboratoires criminalistiques : Montréal, Toronto et le nôtre. Nous nous réunissions régulièrement pour parler des technologies et des bonnes pratiques. Cela est demeuré, jusqu'ici, informel. Cela vient du fait que nous travaillons très bien ensemble, que nous nous communiquons des renseignements et les validations; c'est la raison pour laquelle cela n'a jamais été formalisé. Il n'y a pas grand-chose que nous faisons que ne connaîtraient pas nos collègues du milieu canadien de la criminalistique. En fin de compte, la Banque nationale de données génétiques, qui est sous ma responsabilité, ne peut pas utiliser une technologie que personne d'autre n'utilise, parce que, comment pourrait-on alors comparer les résultats? J'estime que cela fait partie des obligations de la Banque nationale de données génétiques de veiller non seulement à ce que nous utilisions la meilleure technologie, mais également des données génétiques criminalistiques que tout le monde peut comprendre et échanger.

Le sénateur Wallace : Au cours des procès pénaux, les avocats de la défense vont toujours vous demander de prouver que la technologie que vous avez utilisée est toujours valide et crédible et n'a pas été remplacée par quelque chose d'autre.

M. Fourney : C'était comme cela lorsque j'ai commencé en 1988, et je ne pense pas que cela changera.

Le sénateur Joyal : Bienvenue encore une fois, Monsieur Fourney. Ma première question concerne le rapport que le comité a rendu public en juin 2007 au sujet du projet de loi C-18. Ce rapport parle de la dernière recommandation de la Vérificatrice générale du Canada, contenue dans son rapport de mai 2007, qui concernait la gestion des Services de laboratoire judiciaire, les SLJ, dans lequel elle déclare ce qui suit :

La GRC devrait veiller à ce que les parlementaires reçoivent l'information requise pour demander des comptes au gouvernement sur le rendement de toutes les activités reliées aux Services de laboratoire judiciaire [...]

Qu'avez-vous fait après cette recommandation pour que les parlementaires puissent mieux contrôler l'évolution des SLJ et leur rendement?

M. Fourney : La direction de notre programme a communiqué avec les gens de la Vérificatrice générale. Nous leur transmettons régulièrement des rapports. Je crois que nous avons comparu devant plusieurs comités — pas moi-même, mais je dirais que oui, nous avons comparu devant plusieurs comités parlementaires pour leur fournir de l'information. Bien sûr, il y a l'examen de la loi elle-même prévu par la loi que nous effectuons actuellement, qui est, je présume, ce que nous sommes en train de faire en ce moment, à savoir, vous fournir toute l'information possible.

Il existe de nombreux rapports; je pense qu'ils sont publics. Certains se trouvent sur notre site web. D'autres membres des Services de laboratoire judiciaire de la GRC ont comparu devant le comité à plusieurs reprises. Je ne crois pas, par contre, être en mesure d'être plus précis.

Le sénateur Joyal : Il faudrait que nous entendions d'autres témoins de la GRC pour obtenir l'information qui manque, d'après la Vérificatrice générale, pour que nous puissions vous demander de rendre des comptes au sujet du rendement des laboratoires.

M. Fourney : Cela me paraît approprié, si vous estimez que cette question devrait être soumise à votre comité.

La présidente : Nous allons entendre demain d'autres personnes et bien sûr, nous pouvons en inviter davantage si cela est nécessaire, parce que c'est certainement un aspect que nous voulons continuer d'explorer.

Le sénateur Joyal : C'est quelque chose qui a été signalé il y a deux ans. S'il y a quelque chose qui manque dans la loi, par exemple, si nous devions recommander que vous communiquiez tous les ans des informations précises sur le plan de l'analyse, notamment, c'est ce que nous aimerions savoir pour être sûrs qu'à l'avenir, nous pourrons exercer nos fonctions de parlementaires.

M. Fourney : Absolument. Je devrais probablement préciser que mon domaine d'expertise est la recherche et les empreintes génétiques, mais la banque de données relève également de mes attributions. Je peux probablement vous décrire, de façon très détaillée, —plus détaillée que vous ne le souhaiteriez — comment fonctionne la Banque nationale de données génétiques, mais le rapport de la Vérificatrice générale n'a pas porté sur la Banque nationale de données génétiques. Les questions que vous posez touchent davantage le côté opérationnel. Je pourrais ajouter qu'il s'applique sans doute tout autant aux autres laboratoires criminalistiques du Canada.

Je pense également que vous aurez la possibilité, si vous vous intéressez au fonctionnement de la Banque nationale de données génétiques, de lire le rapport annuel, qui est présenté au Parlement. Nous avons un comité consultatif, parce que vous avez décidé que ce serait une bonne idée d'avoir un comité indépendant nommé par le ministre, qui serait chargé d'aider le commissaire et le ministre à examiner le fonctionnement et les activités de la Banque nationale de données génétiques. Je pense que deux membres de ce comité vont comparaître devant vous la semaine prochaine. Bien sûr, si vous avez besoin d'information au sujet de la Banque nationale de données génétiques ou sur nos activités, ce serait là une excellente occasion de les obtenir. Je peux vous fournir ce qui vous manque et les membres du comité pourront également vous informer. Je pense que vous centrez davantage votre étude sur le côté opérationnel de l'analyse génétique.

La présidente : D'après notre calendrier, les membres du comité consultatif vont comparaître le 2 avril.

Le sénateur Joyal : Ma deuxième question concerne le secteur privé. Vous en avez parlé en passant. Quel genre de rapport avez-vous avec le secteur privé pour ce qui est de renforcer votre capacité et quel genre d'information ou de recherche communiquez-vous au secteur privé?

M. Fourney : Nous avons d'assez bonnes relations de travail avec la plupart des laboratoires criminalistiques au Canada, y compris ceux du secteur privé. Nous travaillons également beaucoup avec les laboratoires universitaires, par exemple celui de l'Université Trent, qui a un excellent programme génétique pour la faune. Nous participons à la formation de certains de leurs étudiants et nous échangeons des conférenciers. En fait, ce laboratoire vient d'obtenir un contrat, à la suite d'un appel d'offres, pour nous aider à donner notre propre formation dans le cadre des activités reliées à la génétique pour les Services criminalistiques et d'identification.

Il n'y a pas beaucoup de laboratoires privés au Canada. Les deux que je connais le mieux sont Maxum, à Toronto, et Molecular World Inc., à Thunder Bay. Nous travaillons avec ces deux laboratoires; ils se sont occupés de certains dossiers; Maxum, en particulier, a conclu un contrat en vertu duquel il nous aide dans certains dossiers que nous devons confier à l'extérieur. Molecular World est financé par un groupe génétique d'anthropologie. C'est ce qui explique que cette société a une excellente expertise dans des domaines comme l'ADN mitochondrial, les Y-STR, les micro ou mini-satellites, et nous avons recours à ses services dans certains cas précis pour des dossiers partiellement importants, comme, par exemple, celui de l'ouest du Canada.

De plus, sur le plan de la recherche, je me suis occupé de nombreux étudiants. Je ne sais pas combien d'étudiants j'ai eus au cours de ma carrière. J'ai obtenu une nomination conjointe et d'autres membres de mon groupe en ont également. Ils doivent obtenir une cote de sécurité et faire vérifier leurs antécédents. Nous ne pouvons pas en inviter un très grand nombre, mais nous avons eu des étudiants dans le passé. J'ai participé à des programmes de maîtrise et nous avons conclu des contrats de recherche, après appel d'offres, avec plusieurs universités avec lesquelles nous publions non seulement des résultats, mais nous sommes souvent les coéditeurs de leurs études.

Le sénateur Joyal : Depuis que nous nous sommes rencontrés, il y a 10 ans, l'analyse génétique s'est beaucoup commercialisée. Lorsque nous avons adopté, au départ, ce projet de loi, nous savions que cela viendrait à un moment donné. Vous avez mentionné toutes sortes d'initiatives commerciales qui visent à offrir à la population des résultats génétiques ou la capacité de mieux nous connaître grâce à des analyses, mais cela comporte également un côté négatif. Vous y avez fait allusion en mentionnant le fait qu'il est possible d'obtenir des échantillons ou des prélèvements, définis au sens large, beaucoup plus facilement qu'avant.

Vous avez déclaré qu'il suffit que quelqu'un respire sur un morceau de papier et vous avez son empreinte génétique. Par conséquent, au cours d'une entrevue pour obtenir un emploi, une personne peut fort bien vous donner un papier, vous demander de remplir un formulaire et obtenir ainsi l'empreinte génétique du candidat. Je n'essaie pas de vous décrire un scénario cauchemardesque, mais il est incontestable qu'au cours des 10 dernières années, la recherche a tellement évolué que ce domaine est devenu un monde complètement différent de celui qu'il était au début lorsque nous avons adopté le premier texte législatif. De toute façon, comme vous l'avez pensé, nous avons également envisagé que cet aspect apparaîtrait.

Quel est l'aspect de votre recherche et des connaissances que vous avez dans ce domaine qui pourrait être qualifié de progrès à double tranchant, d'aspect qui devrait nous préoccuper, notamment à cause de la façon dont ces nouvelles technologies sont utilisées?

M. Fourney : Cette histoire de papier, c'est une étude que j'ai vue. Si vous en voulez un exemplaire, je l'ai remise à la greffière.

La présidente : Vous l'avez remise à la greffière?

M. Fourney : Oui. Je l'ai surnommée le rêve d'un insomniaque, parce qu'elle est assez longue et contient 350 références. Elle fait notamment référence à une étude effectuée au Royaume-Uni où l'on examinait ce genre de transfert.

Il est intéressant que vous ayez abordé ce sujet, parce que lundi, j'ai passé toute la journée dans un atelier du Commissaire à la protection de la vie privée qui portait sur ce sujet, à savoir la protection des empreintes génétiques. Nous avons entendu une dizaine de spécialistes nord-américains. J'ai eu le privilège d'être invité à cette rencontre pour entendre ce qu'ils avaient à dire. La criminalistique n'a été qu'un des sujets de discussion. Un certain nombre de personnes, membres de ce comité, étaient très sensibilisées au fait que chacun peut faire à peu près ce qu'il veut avec son propre ADN et que maintenant, on peut obtenir facilement, en payant, son empreinte génétique. La question que se pose tout le monde en Amérique du Nord et ailleurs est que faut-il faire? Ce genre d'analyse n'est pas contrôlée. La question est tout à fait légitime et pourrait être posée aux membres du Commissariat à la protection de la vie privée du Canada qui vont peut-être comparaître également devant vous parce que nous avons passé toute une journée à parler de ce sujet.

Pour ce qui est des technologies sensibles, il est évident que toute technologie génétique est sensible, parce qu'elle touche une partie de votre personne. Cependant, à la différence d'un milieu universitaire, d'un milieu de diagnostic médical ou même à la différence de certaines installations génétiques privées commerciales, nous devons respecter la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques et son règlement. Comme je l'ai fait remarquer à mes collègues à la réunion lundi, aucun membre d'un laboratoire de recherche n'a encore été envoyé en prison parce qu'il avait divulgué des renseignements personnels tirés d'une empreinte génétique, mais c'est exactement ce qui se passerait si un membre du personnel de la Banque nationale de données génétiques divulguait ce genre de renseignements.

Il est tout à fait légitime de poser ces questions. Il y a beaucoup de gens en Amérique du Nord qui se les posent. Il s'est tenu plusieurs grandes conférences qui ont porté sur ce sujet. On s'est même demandé à qui appartenait votre empreinte génétique. Si l'on tient compte des lois relatives à la protection des renseignements personnels des divers États et des études faites par différents groupes commerciaux qui ont porté sur cette question, on ne sait même pas qui est propriétaire de votre empreinte génétique.

Si on a fait un prélèvement clinique sur vous pour établir un diagnostic de cancer, vous pourriez vous retrouver dans une situation semblable à celle qui s'est produite en Californie, par exemple, où une équipe de recherche a utilisé ce prélèvement pour mettre au point toute une série de médicaments visant ce type de cancer particulier. Cet ADN a été prélevé sur une personne à une autre fin, à savoir dans le but de poser un diagnostic clinique dans un hôpital.

Je pense que vous avez tout à fait le droit de poser ces questions. Je dois toutefois vous dire qu'il existe des textes législatifs et que nous travaillons pour un organisme d'application de la loi où ce genre de choses ne pourrait pas se produire deux fois.

Le sénateur Joyal : Si nous voulions obtenir une image d'ensemble, comme celle que vous avez essayé de nous exposer, des répercussions de l'évolution des connaissances scientifiques que vous avez décrite en 1993 — des connaissances que nous possédons aujourd'hui par rapport à celles d'il y a 10 ans — quels seraient les experts que nous devrions inviter pour qu'ils nous parlent des répercussions et des risques associés à cette technologie, des façons de nous y sensibiliser et d'obtenir des conseils sur d'éventuelles initiatives législatives?

M. Fourney : J'espère que je vous suis de quelle utilité. Si je n'arrive pas à répondre à une de vos questions, je vais certainement m'efforcer de vous apporter une réponse.

Il y a un certain nombre de spécialistes qui travaillent sur l'ADN, d'un point de vue clinique, et ce, de façon régulière ainsi que sur la génétique démographique. Vous pourriez envisager d'inviter des membres du conseil consultatif.

La présidente : Nous allons entendre certains d'entre eux.

M. Fourney : Vous avez l'honorable Peter Cory du point de vue judiciaire, qui a une formation juridique, ainsi que M. Bergman, le président. Siègent également à ce comité, un généticien démographique, un généticien médical agréé d'Harvard qui étudie précisément les questions de diagnostics cliniques et d'éthique — la recherche génétique sur les liens de parenté, en particulier — M. Fred Bieber. Il y a un des meilleurs chercheurs génomiques au Canada, à mon avis, M. William Davidson , de l'Université Simon Fraser. Il y a d'excellents spécialistes. Il y a également un membre du Commissariat à la protection de la vie privée qui fait partie de ce comité.

Je pense personnellement que c'est un des meilleurs comités dont on puisse faire partie, parce que ses membres ont des expertises très variées. Je vous invite à appeler ces personnes si vous voulez obtenir des renseignements sur ce qui se passe dans ce domaine. Surtout, ils connaissent également la situation de la Banque nationale de données génétiques et travaillent également sur les empreintes génétiques. Ils ne viennent pas du milieu de l'application de la loi, de sorte que cela vous donnerait un autre point de vue.

Le sénateur Nolin : Non, ils font partie du milieu de l'application de la loi.

La présidente : Dans un sens différent.

Le sénateur Joyal : Pour ce qui est de l'aspect éthique de cette technologie, quelles sont, d'après vous, les études les plus récentes qui ont été publiées et qui décrivent les diverses questions de philosophie et de protection de la vie privée que soulève la propriété de l'ADN?

M. Fourney : Je dirais que ce sont les documents qui ont été distribués au cours de notre atelier lundi par le Commissariat à la protection de la vie privée et qui étaient excellents. Vous pourriez peut-être communiquer avec un membre du Commissariat, et je pourrais probablement m'en occuper avec la greffière si vous le souhaitez. Les documents qui nous ont été distribués étaient volumineux, mais excellents.

Le Commissariat a présenté, l'année dernière, une étude sur cette question de la génétique et de la protection de la vie privée. C'était une excellente étude, très détaillée. Le Commissariat a fait un excellent travail sur cette question.

Il y a d'autres groupes qui sont associés à la John F. Kennedy School of Government; ils ont effectué une étude des banques de données génétiques de la population sur une période de trois ans. Ils ont obtenu une subvention de recherche importante qui leur a permis d'examiner les rapports entre l'éthique et les empreintes génétiques, tant sur le plan médical que criminalistique. Un des bénéficiaires de cette subvention était M. Fred Bieber, qui est membre du comité consultatif. Il possède énormément d'information et de connaissances dans ce domaine et a beaucoup écrit sur ce sujet. Il y a dans le Commissariat à la protection de la vie privée à Ottawa, des experts qui sont parmi les meilleurs au monde.

Le sénateur Dickson : Je suis simplement en train de passer une audition. Tous les sénateurs qui sont ici font partie de ce comité depuis un certain temps et connaissent le contexte, sauf pour le sénateur Wallace et moi. Nous venons tous les deux des Maritimes, et vous devez donc nous prendre au sérieux.

Mes questions portent sur les aspects qu'ont soulevés les sénateurs Baker et Joyal — qui ont tous les deux défloré un peu les questions que je voulais vous poser. Ma première question s'adresse à la présidente.

Je viens d'examiner la loi. Serait-il possible d'entendre comme témoin le Commissaire de la GRC, celui qui est en poste?

La présidente : Notre liste est déjà tellement longue. Le commissaire figure-t-il sur notre liste? Nous pouvons toujours l'inviter et nous vous sommes reconnaissants d'avoir fait cette suggestion.

Le sénateur Dickson : Lorsque la vérificatrice générale nous a fait savoir qu'il y avait un problème, je ne sais pas si c'est un problème de calendrier ou de technologie, qui était la personne chargée, à l'époque, des opérations? Pourrions- nous l'entendre comme témoin?

M. Fourney : Je n'en sais rien, en fait. J'ai été convoqué pour parler de la banque de données et de la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Cependant, si vous voulez élargir la portée de votre examen, vous allez devoir vous adresser à quelqu'un des opérations.

La présidente : Si nous voulons faire des suggestions au sujet des témoins à convoquer, je pense qu'il serait préférable de ne pas choisir pour le faire un moment où nous avons des interprètes. Le comité peut se réunir à ce sujet, et nous pouvons même en parler à M. Fourney après la séance. Pour ce qui est des témoins à convoquer, je vous invite donc à en parler après la séance officielle, d'accord?

Le sénateur Dickson : Parfait. Ma dernière question concerne l'indépendance. Vous n'êtes peut-être pas en mesure d'y répondre, mais la GRC a embauché les services d'un consultant qui a préparé ce rapport.

M. Fourney : Oui.

Le sénateur Dickson : Vous ne répondrez sans doute pas à cette question, mais à votre avis, est-ce le meilleur consultant au monde? J'aimerais simplement le savoir.

M. Fourney : Je pourrais vous demander quel genre de voiture vous conduisez.

Le sénateur Dickson : Je suis prêt à vous le dire.

M. Fourney : Je peux vous dire que ces personnes savaient ce qu'elles faisaient. Le Service de criminalistique a un programme professionnel très ancien dans le domaine du service criminalistique. Ce service a été le premier à utiliser les empreintes génétiques. Ce sont les gens qui se sont occupés du meurtre de Pitchfork, dont je vous ai parlé au début de la séance. C'est à ma connaissance, le premier service de criminalistique au monde qui se spécialise dans ce domaine. Ce service a également un volet commercial. Je ne pense pas qu'il soit une société d'État, mais une entité équivalente, ce qui leur permet de faire ce travail sur une base commerciale. Ce service possède une grande expertise et j'ai lu des études d'un bon nombre de ses membres. Nous connaissons bien leurs antécédents, parce qu'ils sont bien connus dans le domaine.

Si vous voulez savoir s'ils ont été exigeants avec nous, je vous répondrai que oui. Je pense qu'ils ont fait du bon travail. Y a-t-il d'autres groupes qui pourraient le faire? Je n'aimerais pas moi-même faire partie d'un comité d'examen, en fait. Je crois que ce serait probablement un véritable cauchemar. À mon avis, cet examen a été très bien effectué et nous en avons également subi d'autres. Il y a eu celui dont je vous ai parlé, l'examen scientifique et technique, qui touchait davantage mon programme; plus précisément, il s'agissait de savoir si les principes scientifiques appliqués étaient valides et fiables. Cet examen a été confié à des scientifiques criminalistiques praticiens des États-Unis.

Je pense que nos activités ont été examinées de façon approfondie et qu'ils ont fait de l'excellent travail.

Le sénateur Dickson : Le dernier rapport que vous venez de mentionner est celui qui a été fait par des indépendants dans le domaine dont vous êtes responsables et ils ont présenté certaines recommandations, n'est-ce pas?

M. Fourney : Oui, c'est exact.

Le sénateur Dickson : Ont-elles été mises en pratique?

M. Fourney : D'après ce que je sais, la plupart d'entre elles ont été mises en œuvre. Je ne me souviens pas de toutes ces recommandations, mais nous avons été très satisfaits de ce rapport et du fait que les auteurs du rapport ont estimé que nos principes scientifiques étaient bons et qu'ils avaient été correctement validés. La plupart de leurs commentaires étaient semblables à ceux que l'on trouve dans le rapport subséquent, le rapport préparé par iforensic; si elles n'ont pas été mises en œuvre, elles l'ont certainement été à la suite du rapport iforensic.

C'était un examen de portée beaucoup plus réduite et qui était principalement axé sur les aspects scientifiques. Les auteurs de l'examen nous ont dit que nous devions faire l'objet d'un examen plus large et plus détaillé; c'est ce qui a déclenché le deuxième examen, plus approfondi.

Nous tenons compte de toute cette information — le rapport du vérificateur général et les deux examens subséquents. C'est un projet très important qui est en cours actuellement.

Le sénateur Dickson : Quel est le calendrier prévu pour l'achèvement de la mise en œuvre de toutes les recommandations? Est-ce un calendrier qui s'étale sur deux ou trois ans.

M. Fourney : En fait, nous sommes déjà en train de mettre en œuvre certaines de ces recommandations. Le rapport vient d'être rendu public et nous avons constitué les équipes au cours des dernières semaines pour les affecter à des domaines particuliers sur lesquels il est possible de travailler immédiatement. La mise en œuvre d'autres recommandations prendra plus de temps. Certaines d'entre elles touchent l'amélioration de la formation, par exemple. Cela veut dire que nous sommes en train de repenser également notre programme de formation. Bien évidemment, cette recommandation sera mise en œuvre et nous saurons ce qu'elle a donné lorsqu'un certain nombre de personnes auront suivi ce programme.

La mise en œuvre à court, moyen et long terme de ces recommandations s'effectue de façon professionnelle et constitue un projet en soi. C'est un projet de grande envergure auquel participent un bon nombre d'entre nous.

Le sénateur Dickson : Craignez-vous — qu'à cause des lacunes qui ont pu être trouvées dans votre système — de perdre certains dossiers? Autrement dit, y a-t-il des avocats qui vont se servir de tout ceci, ainsi que des avocats qui se trouvent autour de la table, en particulier après ce soir?

M. Fourney : C'est difficile à dire. Pour être franc, je vous avouerai que pour ce qui est de l'analyse génétique, les choses ont été difficiles depuis le début. Si vous vous posez des questions au sujet de la criminalistique, je peux vous dire qu'il y a beaucoup de gens qui étudient cette question à l'heure actuelle pour voir comment nous pourrions nous améliorer.

Je peux vous dire en tout cas que les scientifiques cherchent toujours à améliorer la façon dont ils travaillent. Nous regardons ce qui se fait, nous prenons les meilleures solutions, nous allons de l'avant et modifions certaines choses. Le jour où nous nous arrêterons d'améliorer les choses ou de les changer, c'est que nous serons sans doute morts.

Je dirais que nous cherchons constamment à améliorer nos techniques. On vient de publier aux États-Unis quelques études, y compris le rapport de l'Académie nationale des sciences, il y a environ deux semaines, qui portent sur toutes les sciences criminalistiques, pas uniquement les empreintes génétiques, mais toutes les sciences criminalistiques. Le rapport a été remis au Congrès des États-Unis. L'examen de la nature de la criminalistique est un sujet très populaire à l'heure actuelle.

Les auteurs du rapport estiment qu'il faut faire beaucoup plus pour appuyer la criminalistique et veiller à ce que les finances, le personnel et les connaissances soient en place. Il y a beaucoup de petits laboratoires qui n'ont pas les moyens de s'occuper de certains aspects.

C'est un rapport très vaste, et les auteurs s'appuient en fait dans ce rapport sur les analyses génétiques. Nous représentons en quelque sorte la norme d'excellence dont on se sert pour mesurer les autres sciences et technologies.

Le sénateur Nolin : Monsieur Fourney, je vous souhaite la bienvenue et vous remercie d'être venu.

Dans votre témoignage, vous avez parlé des rapports que vous avez eus avec vos collègues à l'étranger. Évidemment, ils sont régis par des lois différentes et appliquent des principes différents sur lesquels reposent ces lois. En vous écoutant témoigner, je peux dire que je suis fier de ce que nous avons fait il y a 10 ans. Il ressort des préoccupations que vous avez exprimées ainsi que de la façon dont vous appliquez ces principes, par rapport à ce qui se fait dans d'autres pays, que nous voulions protéger des principes — du moins en tant que préoccupations — qui ont survécu à ces 10 années.

Est-ce que les autres pays utilisent la technologie et l'attitude que vous avez adoptées pour mieux protéger la population et créer un meilleur environnement social et sécuritaire sans compromettre les principes que nous défendons?

Si c'est le cas, quelles sont les modifications législatives que vous aimeriez nous voir demander? Vous pouvez répondre par écrit si vous le souhaitez.

M. Fourney : Je ne voudrais pas paraître me vanter, mais les pratiques et les mesures qui ont été mises en place, en grande partie à la suite des conseils des honorables sénateurs pour ce qui est du comité consultatif, jouissent d'une excellente réputation. Nous sommes devenus un exemple pour la plupart des autres pays.

En fait, lorsque nous participons à différents groupes, y compris au Réseau de demande de recherche du G8, nous sommes un des premiers groupes consultés lorsqu'il s'agit de défendre les aspects liés à la vie privée et à la sécurité de la collecte des prélèvements et de séparer les renseignements personnels de l'information génétique pour que, par exemple, aucun membre du personnel de la banque de données ne sache à qui appartiennent les empreintes traitées. Nous sommes devenus un modèle extraordinaire, à mon avis, pour plusieurs pays.

Nous avons introduit cette technologie de façon progressive et prudente. C'est la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui. Nous avons fait un essai et nous allons voir où il va nous mener.

Ce serait, en particulier, une excellente question à poser au comité consultatif. Je vous invite également vivement à parler à des représentants du Commissaire à la protection de la vie privée. Ils ont témoigné à la Chambre basse, il y a deux semaines et j'ai été heureux d'entendre ce qu'ils savaient à dire.

Le sénateur Bryden : Je vais poursuivre sur le sujet qu'a abordé le sénateur Nolin et vous dire que je trouve préoccupant que le rapport au sujet de vos collègues qui vient d'être préparé, ait été effectué en Grande-Bretagne. D'après mon souvenir, ce contexte, au moins du point de vue du droit pénal en Grande-Bretagne par rapport aux empreintes génétiques et aux banques de ce genre, est très différent du contexte canadien.

Au Canada, je pense que les empreintes génétiques sont un outil d'identification, alors qu'en Grande-Bretagne, si vous êtes inculpé, vos données génétiques sont enregistrées dans la banque. Celle-ci contient d'ailleurs les empreintes de dizaines de milliers de personnes.

Il semble également que la police britannique ainsi que les personnes qui effectuent les analyses génétiques utilisent les résultats de ces analyses pour déterminer le lignage ou l'origine ethnique des gens. Le risque est que l'utilisation d'un tel système débouche sur des coups de filet génétiques — dans la mesure où, si les policiers restreignent leur recherche à un groupe plus réduit, ils ont de bonnes chances d'attraper le poisson.

Nous sommes impressionnés et très intéressés par ce que vous, M. Fourney, et votre groupe, avez fait pour améliorer cet outil et l'utiliser. Nous fonctionnons avec une Constitution et avec une Charte des droits et libertés qui n'est pas tout à fait la même que ce qui existe dans d'autres pays, y compris la Grande-Bretagne. Je serais inquiet si, au cours d'une conférence internationale, quelqu'un félicitait la GRC, l'organisme qui a payé la facture, du fait qu'elle avait, elle aussi, organisé un coup de filet génétique.

Il y a un aspect que nous ne devons jamais oublier : les nouvelles technologies nous apportent beaucoup, mais elles doivent respecter notre Charte des droits, notre Constitution, notre vie privée et notre individualité. Il est évident qu'en Grande-Bretagne, les autorités sont disposées à sacrifier tout ceci pour obtenir une liste de criminels potentiels.

Ne craignez-vous pas que cela exerce des pressions sur les Canadiens au point où ils se diraient que si cela est satisfaisant pour notre pays d'origine, du moins pour certains d'entre nous, alors ce devrait être bon pour le Canada. Qu'en pensez-vous?

M. Fourney : Absolument. C'était un appel d'offres qui a été lancé selon la procédure habituelle. Trois groupes ont fait des offres et il a été jugé que la leur était la meilleure. Les offres ont été évaluées selon le processus d'acquisition habituel. Nous n'avons pas eu grand-chose à dire au sujet du gagnant de l'appel d'offres si ce n'est qu'on a estimé que c'était l'offre la plus appropriée et qu'elle apporterait des réponses aux questions posées.

Le sénateur Bryden : Puis-je vous demander quels étaient les auteurs des autres offres?

M. Fourney : Je préférerais ne pas vous le dire. Je crois que je ne suis pas autorisé à vous le dire. Un certain nombre des personnes qui ont participé à la préparation de la demande de proposition ne savaient pas qui allait faire des offres. Cela se fait à l'aveugle et nous en sommes informés par la suite. Le processus d'acquisition ou d'appel d'offres s'est déroulé selon les normes.

Pour répondre à votre autre préoccupation, les auteurs du rapport n'ont pas examiné nos textes législatifs ni la façon dont nous appliquions notre technologie. Ils ont plutôt examiné la technologie utilisée et les façons de l'améliorer. Les honorables sénateurs et les membres de l'autre endroit écrivent les règles qui régissent la mise en application de notre technologie. Vous pourriez poser cette question à ceux qui examinent les textes législatifs et leur demander la raison d'être de l'orientation actuelle. C'est une bonne approche. J'ai des collègues, dont certains se trouvent assis derrière moi, qui seraient beaucoup mieux placés que moi pour témoigner à ce sujet. Je pense qu'ils vous ont remis une étude des attributions législatives de pouvoirs qui pourrait être demandés à l'avenir.

Pour ce qui est des recommandations et du suivi, ces gens possédaient l'expertise nécessaire et semblaient savoir ce qu'ils faisaient. Ils ont examiné nos procédures et les principes scientifiques appliqués pour savoir si nous pouvions faire davantage avec moins, atténuer peut-être certains aspects touchant la formation et l'acquisition de nos connaissances et ils nous ont suggéré d'améliorer nos rapports avec les enquêteurs, ce qui, je crois, a été fait et mis en œuvre. Quels que soient les textes législatifs, les recommandations sont valides puisqu'elles touchent la façon dont nous procédons, examinons nos procédures et les moyens que nous utilisons pour effectuer les analyses génétiques. C'est au comité de décider ce que nous ferons avec les nouvelles technologies à l'avenir.

La présidente : Le sénateur Bryden a soulevé un aspect qui nous a préoccupés dès le départ. J'ai été grandement rassuré, comme la plupart d'entre nous, qu'on nous ait garanti que ces marqueurs étaient de simples marqueurs, comme des chiffres, et qu'ils ne se rapportaient pas aux caractéristiques physiques ou mentales de la personne concernée, tout comme un numéro d'assurance sociale ne nous apporte aucun élément concernant la personne qui le détient.

Vous avez parlé de questions fascinantes qui nous conduisent plus loin à propos des aspects qui vous inquiétaient avec les SNP et les recherches sur la famille. Pourriez-vous nous dire si ces parties de votre témoignage portaient sur les renseignements qui sont versés dans la banque de données juridiques ou non, et si ce n'est pas le cas, ce qui arrive aux renseignements ainsi obtenus? Sont-ils entreposés quelque part ou est-ce qu'ils disparaissent lorsque le dossier est classé? Comment établissons-nous cet équilibre compte tenu des progrès réalisés par la criminalistique dont vous nous avez parlé?

M. Fourney : Mon exposé avait pour but de vous renseigner sur l'état de la science dans ce domaine et j'espère qu'il était équilibré. Je ne vous ai pas dit ce que je pensais de ces aspects.

La présidente : C'était un exposé qui portait sur des faits, mais j'essaie de voir comment s'appliquent ces faits.

M. Fourney : Pour ce qui est de la Banque nationale de données génétiques, les marqueurs dont je vous ai parlés sont les seuls que nous utilisons. La technologie n'a pas encore changé dans ce domaine. Une des discussions que nous allons devoir avoir touche les technologies que nous pourrions introduire et comment nous pourrions le faire à l'avenir. C'est un débat qu'il nous faudra avoir.

La Banque nationale de données génétiques relève de mes attributions et j'ai un officier qui est responsable des opérations tandis que je dirige l'ensemble du programme. Nous suivons la Loi sur l'identification par les empreintes génétiques. Cette loi ne prescrit pas les protocoles opérationnels à suivre pour les dossiers, ni les technologies qu'il convient d'utiliser pour ce travail. Je crois savoir que nos collègues de Toronto et de Montréal, par exemple, ont utilisé les Y-STR, ont examiné les mini-microsatellites et ont sans doute l'intention d'examiner plus tard les SNP. Nous ne savons pas si ces éléments pourraient ou devraient être enregistrés dans la banque de données. C'est un aspect dont nous n'avons pas encore discuté. La Loi sur l'identification par les empreintes génétiques énonce que le commissaire doit examiner ces questions. Il faut alors se demander quelle est la procédure à suivre pour le faire.

La présidente : Il y a quatre sénateurs qui ont hâte de vous poser des questions et le temps dont nous disposons est presque écoulé. Je sais toutefois que vous allez revenir ici demain matin, M. Fourney.

M. Fourney : Je porterai mon autre casquette demain matin.

La présidente : Je le comprends, mais je me demandais si vous pouviez garder cette casquette demain pendant les 15 premières minutes. Est-ce que cela conviendrait aux sénateurs?

M. Fourney : Les personnes qui m'accompagneront seront peut-être un peu déçues parce qu'elles ont beaucoup de renseignements utiles à vous présenter.

La présidente : J'en suis certaine.

Le sénateur Joyal : Ma question se rapporte à ce que le sénateur Fraser vient de mentionner. Le problème est pour l'essentiel le suivant : notre capacité d'obtenir davantage d'information est en train d'évoluer. Autrement dit, la taille de notre filet augmente et nous permet d'obtenir davantage d'information. Vous avez mentionné que ce filet devenait de plus en plus grand et son maniement de plus en plus facile, par exemple. Nous voulons en fait savoir, chaque fois que ce filet s'agrandit, quelles sont les répercussions sur les principes que nous voulons appliquer comme l'a mentionné notre ami le sénateur Bryden. La recherche sur les membres de la famille peut être utile, mais cela peut comprendre des membres de la famille qui n'ont rien à voir avec le crime et à qui nous demandons de fournir des échantillons pour qu'ils soient entreposés. Ce sont là les questions que nous allons poser aux autres spécialistes. À mesure que la science évolue, devient de plus en plus efficace et permet d'obtenir des conclusions plus précises, nous devons nous demander quelles sont les répercussions de cette évolution sur le respect de la vie privée et les principes énoncés dans la Charte, ainsi que sur la protection de l'individu que nous voulons préserver dans notre pays.

C'est là, en gros, où nous en sommes à l'heure actuelle. Vous n'êtes peut-être pas en mesure de répondre à cette question ce soir, mais c'est essentiellement ce à quoi nous réfléchissons.

La présidente : Effectivement.

M. Fourney : Je dirais que nous n'utilisons pas certaines des technologies dont nous avons parlé, mais que nous les connaissons très bien. Une de nos activités consiste à faire de la recherche et à mettre en œuvre les découvertes.

Vous souhaiterez peut-être convoquer des spécialistes provenant des groupes qui mettent en œuvre cette technologie. Il y a un certain nombre d'entre eux qui pourront vous le dire.

La présidente : Nous vous consulterons pour savoir quelles pourraient être ces personnes.

Le sénateur Milne : Il me semble que nous allons devoir commencer à penser au-delà de la banque de données génétiques que vous dirigez et que vous administrez conformément à la loi que nous examinons. Il se pourrait que nous recommandions à ce gouvernement ou à des gouvernements futurs d'examiner l'aspect éthique de toute cette question. Il y a aujourd'hui ces sociétés privées, de « loisir », comme vous les appelez, qui font des analyses génétiques. Qui sait où va l'information qu'elles possèdent, une fois qu'elles l'ont remise à la personne qui a demandé son arbre généalogique génétique? Qui sait si ces sociétés conservent encore ces substances et ces connaissances et ce qu'elles en font?

La présidente : Ce sont des questions qui vont un peu au-delà de la séance d'information technique de ce soir, à moins que vous ne vouliez y répondre. Ce sont toutefois des questions fondamentales.

Honorables sénateurs, j'ai promis de libérer les interprètes de sorte que je vais lever la séance. Nous nous réunirons demain matin à 10 h 45 avec le témoin préféré de tous les membres du comité pour ce qui est de l'ADN, M. Fourney.

(La séance est levée.)


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