Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 12 - Témoignages du 2 novembre 2009
OTTAWA, le lundi 2 novembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 16 h 30, pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi. Sujet : Étude de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et d'autres enjeux.
Le sénateur Andrée Champagne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Je vois que nous avons quorum. Je déclare donc la séance ouverte.
Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Andrée Champagne, sénateur du Québec, vice-présidente du comité.
Avant de présenter les témoins pour la réunion d'aujourd'hui, j'aimerais, madame la ministre, vous présenter les membres du comité qui sont ici aujourd'hui.
À ma droite, le sénateur Tardif, de l'Alberta. À côté d'elle, le sénateur Losier-Cool du Nouveau-Brunswick. À ma gauche, le sénateur Nolin du Québec; le sénateur Seidman et finalement le sénateur Brazeau, tous deux du Québec.
Notre comité étudie présentement l'état de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et particulièrement les mesures prises par les organisations fédérales à cet effet. Nous recevons aujourd'hui des représentants de deux ministères pour nous parler des accomplissements et initiatives à cet égard dans leurs organisations respectives.
Nous accueillons en première partie de la réunion l'honorable Lynne Yelich, ministre d'État à la Diversification de l'économie de l'Ouest. Elle est accompagnée de Daniel Watson, sous-ministre.
[Traduction]
Madame la ministre, merci d'avoir accepté l'invitation du comité. Je crois comprendre que vous devrez nous quitter dans 45 minutes et que M. Watson et Mme Kapitany resteront avec nous jusqu'à la fin de la séance. Vous pouvez commencer votre présentation, madame la ministre.
[Français]
L'honorable Lynne Yelich, C.P., députée, ministre d'État à la Diversification de l'économie de l'Ouest : Madame la présidente, c'est un honneur d'être ici aujourd'hui devant ce comité. Je vous remercie.
[Traduction]
Je suis accompagnée de représentants de mon ministère, soit Daniel Watson, sous-ministre, et de Marilyn Kapitany, sous-ministre adjointe, qui pourront répondre à vos questions après mon départ. Je m'excuse de ne pas m'adresser à vous dans notre autre langue officielle, mais je fais des efforts. Je suis certainement honorée de venir témoigner ici aujourd'hui.
Il ne fait aucun doute que l'adoption de la Loi sur les langues officielles a constitué une étape importante dans le développement du Canada en tant que nation. Depuis sa proclamation, il y a 40 ans, la loi a permis d'affirmer notre identité et d'accroître l'accès aux services en français. En tant que ministère chargé de favoriser le développement et la diversification de l'économie de l'Ouest canadien, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, ou DEO, est conscient de l'importance de la partie VII, du projet de loi S-3 et de la Feuille de route pour la dualité linguistique dans l'accomplissement de son mandat.
Les communautés de langue officielle en situation minoritaire du Canada contribuent énormément à la vigueur de l'économie canadienne. L'appui fourni à ces communautés pour les aider dans leur développement économique constitue une grande partie des moyens mis en œuvre par DEO pour atteindre son objectif principal, qui est de développer une économie régionale plus compétitive et plus diversifiée. Bien que le français soit la langue maternelle d'environ 2 p. 100 des citoyens de l'Ouest, 7 p. 100 ont une connaissance des deux langues officielles. L'importance de la dualité linguistique va au-delà des nombres. Les origines de nombreuses communautés francophones de l'Ouest canadien sont profondes et formatrices. La riche histoire des communautés francophones de l'Ouest constitue un atout économique important pour la région et confère une dimension supplémentaire à la présence de l'Ouest canadien sur la scène internationale. Mon ministère est bien décidé à exploiter cet atout.
Le Plan d'action 2008-2011 de DEO pour la mise en œuvre de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles permet au ministère d'incorporer les dispositions de la loi dans ses mécanismes internes et ses relations externes. Les quatre organisations francophones à vocation économique (OFVE), qui sont membres du Réseau de service aux entreprises de l'Ouest canadien, sont des intervenants incontournables dans le domaine des langues officielles. Nous sommes d'ailleurs heureux de les soutenir dans leurs activités. Le personnel de DEO, en particulier l'équipe ministérielle des langues officielles, travaille en étroite collaboration avec ces organisations afin de répondre au mieux aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire de l'Ouest canadien. DEO alloue un budget annuel de près de 2,2 millions de dollars aux OFVE pour la prestation d'un vaste éventail de services destinés au développement économique des entreprises et des collectivités.
Par exemple, le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba joue un rôle essentiel en s'assurant que les entrepreneurs francophones ont accès aux capitaux, à la formation et à l'information dont ils ont besoin pour lancer ou développer leurs petites entreprises. Sur le plan international, le Conseil a parrainé des missions en Europe et organisé des visites au Manitoba à l'intention de propriétaires d'entreprises français et belges souhaitant investir dans la province. En Saskatchewan, au cours des cinq dernières années, le Conseil de la Coopération de la Saskatchewan a déployé d'importants efforts au sein du milieu de l'entreprise francophone. Grâce à ces efforts, 60 entreprises ont été lancées, maintenues ou agrandies et 152 emplois ont été créés, maintenus ou améliorés dans la province.
En Alberta, le Conseil de développement économique de l'Alberta aide à établir des relations entre les entrepreneurs de la province et leurs homologues au Québec. Par exemple, l'organisme a permis à une entreprise du Québec d'entrer en relation avec des clients souhaitant réaliser des projets liés au patrimoine francophone de l'Alberta. Depuis, l'entreprise a décroché de nombreux contrats, dont celui de publier des livres consacrés aux Métis de l'Ouest et à Léo Piquette, ancien député de la circonscription d'Athabasca-Lac La Biche à l'Assemblé législative de l'Alberta et ardent défenseur de la langue française dans cette province.
Sur la côte Ouest, la Société de développement économique de la Colombie-Britannique a mis sur pied une série d'ateliers pour aider les entreprises francophones à devenir des fournisseurs de biens et services à l'occasion des Jeux olympiques d'hiver de 2010 à Vancouver. Plus de 500 personnes ont participé aux ateliers, qui se sont tenus tant dans l'Ouest canadien qu'au Québec, au Nouveau-Brunswick et en Ontario.
J'ai également le plaisir de vous annoncer que notre ministère a approuvé récemment un investissement de 840 000 $ destiné au Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba, ou CDEM. Ce nouvel investissement concorde avec la Feuille de route pour la dualité linguistique du gouvernement du Canada et est accordé dans le cadre de l'initiative de développement économique. Cet investissement vise à soutenir les jeunes, la diversification rurale et les activités de développement économique dans 17 municipalités bilingues du Manitoba. Plus précisément, le nouveau financement permettra au CDEM d'investir dans l'entrepreneuriat chez les jeunes et de les inciter à revenir dans les collectivités rurales une fois leurs études postsecondaires complétées. Plusieurs municipalités en profiteront pour mettre à jour leurs plans communautaires et élaborer des initiatives axées sur l'environnement et l'adoption de technologies dans les communautés.
De plus, le CDEM pourra soutenir les néo-Canadiens qui lancent une entreprise en leur offrant des services consultatifs sur une plus longue période, ce qui facilitera leur réussite au Canada. Enfin, le CDEM pourra entreprendre d'autres initiatives grâce à ce financement. Manifestement, ce sont des résultats importants qui favoriseront la croissance durable dans les communautés francophones du Manitoba.
Ces initiatives, qui ne sont que quelques exemples parmi tant d'autres, viennent corroborer une récente étude d'impact, selon laquelle les OFVE jouent un rôle de soutien direct important dans la planification économique des communautés francophones et dans la mise en œuvre de projets communautaires.
Les groupes de discussion ayant pris part à cette étude ont signalé l'effet positif inattendu du programme de DEO. Les municipalités de l'Ouest sont de plus en plus nombreuses à considérer la présence locale d'une communauté francophone comme un atout économique important. Non seulement elles sont conscientes du rôle central du développement économique dans la pérennité des communautés francophones, mais elles reconnaissent aussi la place importante qu'occupent les communautés francophones dans le domaine du tourisme et constatent à quel point le patrimoine linguistique et culturel des communautés francophones contribue à l'établissement de liens avec le Québec, la France et d'autres pays francophones.
La Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne, un investissement de 1,1 milliard de dollars sur cinq ans, illustre l'engagement ferme du gouvernement du Canada envers les deux langues officielles dans l'ensemble du pays. La Feuille de route mise sur la dualité linguistique et offre un soutien aux communautés de langue officielle en situation minoritaire. Le développement économique figure parmi ses priorités.
Grâce à l'Initiative de développement économique prévue dans la Feuille de route, DEO a aussi contribué, au printemps dernier, à l'achat de nouveau matériel pour la Faculté des sciences et les laboratoires multimédia du Collège universitaire de Saint-Boniface. L'objectif est de former une main-d'œuvre hautement qualifiée et bilingue, et de bâtir une économie plus diversifiée et vigoureuse.
L'an prochain, la principale initiative de développement économique consistera à soutenir la mise sur pied de la Place de la Francophonie, un pavillon situé sur la populaire Granville Island, à Vancouver. Pendant les Jeux olympiques d'hiver, ce pavillon présentera des attractions agroalimentaires et touristiques organisées par des communautés francophones et acadiennes du Canada.
Comme une trentaine des 80 pays qui participeront aux Jeux olympiques sont membres de l'Organisation internationale de la Francophonie, le projet pourrait avoir des retombées économiques considérables parmi les communautés de langue officielle en situation minoritaire de l'Ouest canadien.
Grâce à des initiatives comme celle-ci, DEO s'est vu attribué des notes élevées de la part du commissaire aux langues officielles, qui a récompensé le ministère pour ses efforts dans le développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire et dans la promotion de la dualité linguistique. Nous sommes fiers de cette appréciation.
Au sein de DEO, nous poursuivrons nos efforts visant à sensibiliser davantage et en permanence nos employés aux obligations du ministère en vertu de la Loi sur les langues officielles et à l'importance des communautés de langue officielle en situation minoritaire. De plus, nous continuerons de travailler en consultation avec d'autres ministères afin de tirer parti de l'expertise et des pratiques exemplaires de chacun.
Nous sommes aussi conscients que la faculté de s'exprimer dans les deux langues officielles constitue un élément important de notre capacité interne et du renouvellement de la fonction publique. Trouver des employés dotés des compétences linguistiques requises demeure un défi dans l'Ouest canadien. C'est pourquoi DEO a récemment instauré un processus plus intensif et individualisé à l'intention des employés actuels qui ont clairement indiqué être prêts à suivre une formation linguistique. DEO pourra ainsi continuer de se doter des personnes, des connaissances et des compétences dont il a besoin pour accomplir efficacement son mandat et contribuer à l'enrichissement du patrimoine historique exceptionnel des communautés francophones de l'Ouest canadien.
À l'extérieur du ministère, DEO continuera d'entretenir d'étroites relations de travail avec les OFVE et d'autres intervenants, tels les établissements postsecondaires et les provinces. Ces relations constituent la base des efforts permanents du ministère visant à enrichir et à souligner le patrimoine unique des communautés francophones de l'Ouest canadien et à favoriser le développement et la diversification de l'économie de cette région.
DEO se félicite du rôle de premier plan joué par les communautés francophones dans le renforcement du tissu culturel et de l'activité économique de l'Ouest canadien. En soutenant ces communautés, nous rendons hommage au passé et préparons l'avenir de l'Ouest.
Je suis prête à répondre à vos questions.
[Français]
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame la ministre.
[Traduction]
J'aimerais également vous présenter le sénateur Pépin, du Québec, qui vient de se joindre à nous.
[Français]
Le sénateur Tardif : J'aimerais vous souhaiter la bienvenue, madame la ministre, ainsi qu'aux gens qui vous accompagnent. En tant que citoyenne de l'Ouest, je suis très heureuse de voir que Diversification de l'économie de l'Ouest Canada est probablement un des seuls ministères fédéraux à avoir un gestionnaire au niveau de sous-ministre dans l'Ouest canadien, plus particulièrement à Edmonton. Voilà une occasion unique d'agir en tant qu'ambassadeur dans l'Ouest pour la promotion du français, auprès des communautés et avec cela, évidemment vient beaucoup de responsabilités.
J'étais heureuse de voir que vous aviez un plan d'action par rapport à l'article 41 et pour toute la question de sensibilisation, de consultation, de communication afin de faire avancer les objectifs de l'article 41.
Lorsque vous faites vos consultations, tenez-vous compte de l'impact de vos décisions sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire?
[Traduction]
Mme Yelich : Je suis heureuse que vous ayez posé cette question, car nos rapports de contrôle préalables tiennent notamment compte de l'impact qu'ont nos projets et nos programmes sur les communautés francophones. Il existe des critères en matière de langues officielles pour les communautés de langues officielles en situation minoritaire que nous représentons.
[Français]
Le sénateur Tardif : Quelle définition accordez-vous au terme « mesure positive »?
[Traduction]
Mme Yelich : Notre mandat consiste à accroître la vitalité de nos communautés de langue officielle en situation minoritaire grâce au développement, à la diversification de nos projets — communications, programmes de sensibilisation et investissements dans les OFVE. Mon mandat vise la diversification économique et le développement. Nous investissons dans les OFVE afin que les communautés de langue officielle en situation minoritaire soient représentées à notre niveau.
Le sénateur Tardif : Vous concentrez-vous sur les OFVE de chacune des provinces?
Mme Yelich : Oui. Nous comptons sur elles pour connaître leurs préoccupations. C'est ainsi que nous sommes mieux en mesure d'avoir un impact sur le plan stratégique.
[Français]
Daniel Watson, sous-ministre, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Cet aspect est évidemment très important. Mais la ministre a aussi fait allusion au fait que pour chacun de nos projets, lorsque nous faisons nos analyses, nous devons nous assurer d'avoir pensé à l'impact sur les communautés de langues officielles en situation minoritaire dans l'Ouest.
Donc pour chacun de tous les projets du Plan d'action économique, on s'est demandé s'il y avait un impact positif possible sur les communautés francophones de l'Ouest. Parce que, évidemment, dans l'Ouest, on parle en ce sens de communautés francophones.
Le sénateur Tardif : Et quand vous vous posez la question, est-il aussi question d'égalité de services, non seulement pour savoir s'il y a un impact, mais est-ce que vous pouvez dire que dans cette décision, le citoyen francophone — que ce soit en Alberta ou en Saskatchewan — aura un service équitable?
[Traduction]
Mme Yelich : En effet, il ne fait absolument aucun doute qu'ils peuvent bénéficier de services dans l'une ou l'autre des langues officielles.
Le sénateur Tardif : Auront-ils aussi accès égal dans les deux langues à tous les programmes et services offerts?
Mme Yelich : À notre ministère et dans nos bureaux, oui.
Le sénateur Nolin : Bonjour, madame la ministre. Merci d'avoir accepté notre invitation.
J'aimerais d'abord faire un suivi sur cette question de participation équitable. Le commissaire aux langues officielles vous accorde la mention exemplaire, ce qui est remarquable. J'espère que vous n'êtes pas gênée d'avoir obtenu une telle note.
Je suis davantage intéressé à connaître les rouages gouvernementaux qui permettent d'obtenir de tels résultats.
Prenons par exemple les données de 2006-2007 sur la promotion du développement communautaire de la dualité linguistique sur lesquelles le commissaire se fonde pour en arriver à un résultat qui passe de bon à exemplaire. Est-ce uniquement l'œuvre de votre ministère, de vos fonctionnaires, ou est-ce le résultat de pressions gouvernementales internes qui vous poussent à développer et promouvoir l'atteinte de ces objectifs?
Mme Yelich : Nous travaillons fort pour offrir de bons services à nos communautés francophones de l'Ouest, mais c'est la Feuille de route pour la dualité linguistique qui a donné le coup de pouce nécessaire. Il s'agit d'un plan qui prévoit des investissements stratégiques conçus spécialement pour répondre aux besoins en matière de services de ces communautés. C'est un plan destiné à promouvoir le développement des communautés, des innovateurs et des entrepreneurs francophones. Cette planification nous a définitivement aidés à poursuivre nos efforts visant à obtenir une telle note. Mais il y a une volonté très forte, surtout dans l'Ouest, où il existe des communautés francophones très énergiques. Nous travaillons tous très fort. Il est encore plus important que jamais cette année, avec la tenue des Jeux olympiques de Vancouver de 2010, que nous mettions en valeur le bilinguisme de notre pays. Nous travaillons fort à cette fin.
J'avais espéré au départ que les OFVE feraient en sorte que nous obtenions des commentaires positifs, surtout vu que nous sommes les hôtes des Jeux olympiques de 2010, sur le fait que notre pays est bilingue, ce dont nous devons être très fiers. J'en suis fière. J'ai des racines slaves. Dans ces pays, les gens sont très fiers lorsqu'ils peuvent parler une autre langue. Je suis très fébrile et enthousiaste, surtout à l'approche des Jeux de 2010. Cet événement suscite définitivement beaucoup de fébrilité. Nos communautés francophones ont beaucoup à apporter. Cela fonctionne très bien. Nous voulons des partenaires commerciaux plus importants, et le fait que le commerce et l'investissement fassent partie de notre mandat en matière de langues officielles va aider notre pays. Il y a là une contribution, en effet.
[Français]
Le sénateur Nolin : Peut-être que M. Watson aimerait compléter la réponse de Mme Yelich?
M. Watson : En effet, les Jeux olympiques sont un excellent exemple du travail qui se fait entre les différents ministères du gouvernement fédéral. On travaille sur certains dossiers en partenariat avec Patrimoine canadien ainsi qu'avec d'autres ministères.
J'ajouterais aussi que dans le contexte des conseils fédéraux, qui rassemblent tous les ministères fédéraux d'une région quelconque, un des grands projets sur lequel travaillent les gens c'est l'amélioration des services en français. En tant que sous-ministre de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, j'ai quatre sous-ministres adjoints qui sont chacun présidents d'un de ces conseils fédéraux. C'est une des grandes priorités pour les quatre cas. Donc tout le monde à l'échelle du gouvernement travaille là-dessus.
Le sénateur Nolin : Si vous n'y voyez pas d'inconvénient, madame la ministre, je vais m'entretenir avec votre sous- ministre.
Monsieur Watson, en 2005, la loi a été modifiée pour ajouter l'élément de proactivité à la partie VII, ce qui a fait une énorme différence pour nous. Notre comité a d'ailleurs longuement réfléchi à cet amendement. On part de la bonne volonté, acceptée par tous, et on s'en va vers la question de ce que l'on doit faire maintenant pour mettre en œuvre, donc pour « proagir ». C'est pourquoi la machinerie à l'intérieur du gouvernement m'importe.
J'aimerais savoir comment le bureau du Conseil privé interagit avec vous. Est-ce quelqu'un vous demande s'ils peuvent vous aider et le cas échéant, de quelle façon ils peuvent le faire? Quels sont vos plans pour l'an prochain? C'est ce que je veux savoir. Est-ce que de telles mesures existent à l'intérieur de l'administration fédérale, avec votre ministère — puisque vous avez eu une notation remarquable de la part du commissaire aux langues officielles —, est-ce votre seule initiative ou y a-t-il quelqu'un, au bureau du Conseil privé ou ailleurs dans l'administration publique, qui vous a dit : voici les résultats qu'on veut avoir?
M. Watson : Le rapport fait par le commissaire aux langues officielles est un outil très important, qui nous dit que chaque année nous devons faire rapport de ce qu'on a fait.
C'est aussi un outil très reconnu dans le gouvernement pour rappeler aux gens ce qu'ils doivent accomplir et qu'éventuellement, ils devront produire un rapport public.
À notre ministère, nous avons toujours travaillé, en tout cas depuis longtemps, avec les communautés francophones de l'Ouest. Donc, on avait toujours des discussions avec eux, ils ont toujours été des partenaires importants. Ils étaient au courant de ce qu'on faisait et même, parfois, de ce qu'on ne faisait pas. On ne pouvait pas échapper à ces discussions.
Donc en plus de la relation que l'on établissait avec ces personnes, et en plus du fait qu'on finançait ces gens qui avaient toujours de très bonnes idées pour se diversifier, il fallait continuer ces discussions. On a maintenant l'impact du rapport annuel.
Et oui, il y a une machinerie à l'intérieur du gouvernement où l'on compare les pratiques d'un ministère à l'autre. Il y a aussi de l'aide qui vient des agences centrales, que ce soit du secrétariat du Conseil du Trésor ou du bureau du Conseil privé, qui donne parfois des conseils, et qui nous rappelle parfois, des aspects importants et quand vient le moment de préparer les rapports. Ils nous en avisent assez longtemps d'avance pour que si jamais quelqu'un avait à fournir un deuxième effort, au cours de l'année, que ce serait fait avant la fin du délai.
Justement. Donc, il s'agit de toute une série de choses, mais nous avons un calendrier indiquant que nous avons plusieurs rapports rédigés, que ce soit pour la Commission de la fonction publique, pour le commissaire aux langues officielles, pour le commissaire à la vie privée ou d'autres. Cela fait maintenant partie intégrale de notre travail.
Le sénateur Nolin : Votre cheminement critique de l'année.
M. Watson : Absolument, oui.
Le sénateur Nolin : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Je voulais moi aussi vous féliciter lorsque j'ai vu que le commissaire aux langues officielles jugeait exemplaire le rendement de votre ministère en ce qui concerne la mise en œuvre de la partie VII.
Vous dites que, partout au pays, l'engagement indéfectible du gouvernement du Canada à l'égard des deux langues officielles s'incarne dans cet investissement de 1,1 milliard de dollars sur cinq ans, la Feuille de route pour la dualité linguistique, qui met l'accent sur la dualité linguistique et l'appui aux communautés de langue officielle en situation minoritaire.
Vous nous avez présenté les détails de certains de vos plans pour 2008 à 2013. Existe-t-il des obstacles, internes ou externes, qui pourraient nuire à votre atteinte des objectifs, et est-ce qu'il serait possible d'améliorer ou de rendre plus utiles certains éléments pour contribuer à l'atteinte de ces objectifs?
Mme Yelich : Nous nous débrouillons très bien avec les outils dont nous disposons. Je ne dirais pas qu'il y a des obstacles, à moins que mon sous-ministre ne me cache des choses.
M. Watson : Non, madame.
Mme Yelich : Merci de votre reconnaissance. Je crois que c'est important. J'avais parlé de certaines de nos préoccupations avec le premier commissaire aux langues officielles. Je sais que nous devons travailler très fort pour qu'on reconnaisse que l'Ouest s'efforce de devenir officiellement bilingue. Notre ministère s'est mis à l'œuvre par l'entremise de la Feuille de route, ce qui démontre que nous prenons ce dossier au sérieux et que nous allons effectuer de très bons investissements. C'est très bien que les communautés de langue officielle en situation minoritaire fassent partie de notre plan de diversification de l'Ouest.
[Français]
Le sénateur Pépin : Au cours de la dernière année, la Cour suprême a rendu une décision dans l'affaire Desrochers selon laquelle le gouvernement doit prendre les mesures nécessaires pour que les francophones et les anglophones contribuent de façon égale à la définition des prestations de services. Votre ministère a-t-il pris des mesures particulières pour tenir compte de cette décision de la Cour suprême du Canada?
[Traduction]
Mme Yelich : Les OFVE servent de modèles de pratiques exemplaires.
[Français]
M. Watson : Si je me souviens bien du contexte de l'affaire devant la Cour suprême, il s'agissait d'un organisme qui n'offrait pas de services en français. Dans chacune des provinces de l'Ouest du Canada, nous avons un organisme qui assure les mêmes types de services offerts en anglais d'un côté, mais aussi qui cible ces services selon les besoins de chacune de ces communautés francophones dans chacune de ces provinces. C'est en partie pour cela, je pense, qu'on l'a cité en exemple.
Le sénateur Pépin : Si vous ciblez les besoins des différentes communautés francophones, vous êtes donc de plus en plus en mesure de leur donner ce dont ils ont besoin. À ce moment-là, l'accessibilité est-elle un peu plus facile?
M. Watson : Oui, dans un sens, plus facile au niveau linguistique parce que les gens peuvent parler dans la langue de leur choix.
Le sénateur Pépin : Au niveau des services.
M. Watson : Au niveau du type d'aide dont ils ont besoin, parce que les besoins des communautés francophones de la Saskatchewan, du Manitoba et de la Colombie-Britannique sont parfois différents de leurs voisins anglophones et pour toutes sortes de raison. L'idée est donc d'avoir un organisme qui comprend ces besoins, qui est attaché à cette communauté et qui peut répondre en fonction de ces besoins particuliers, plutôt que de devoir passer par l'intermédiaire d'une personne qui ne comprend pas toujours ou qui risque de mal interpréter, toute une série de situations qui, finalement, nuisent au développement de la communauté francophone dans l'Ouest du Canada.
Le sénateur Pépin : Vous nous avez dit que vous aviez de bonnes communications avec les différents ministères fédéraux, mais quelles sont vos relations avec les différents gouvernements provinciaux concernant les francophones?
[Traduction]
Mme Yelich : Je crois avoir ici un bon exemple concernant les gouvernements provinciaux. Je suis persuadée que Mme Kapitany peut parler au nom de l'ensemble des provinces. J'aimerais que vous entendiez le témoignage d'un de nos employés sur le terrain. Je peux affirmer sans l'ombre d'un doute que nous entretenons de bonnes relations avec les provinces.
[Français]
Marilyn Kapitany, sous-ministre adjointe, Bureau de liaison à Ottawa, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Je suis plus familière avec la province du Manitoba, mais je crois que c'est pareil avec mes partenaires de l'Ouest.
Nous avons des ententes et des partenariats économiques avec les provinces et nous travaillons ensemble. Par exemple, Mme la ministre a mentionné le projet avec le Conseil de développement économique des municipalités bilingues du Manitoba; nous travaillons depuis longtemps avec la province du Manitoba sur les projets du CDM, pas seulement depuis cette année.
Nous travaillons également avec l'Agence nationale et internationale du Manitoba — ANIM —, sur les fonds de projet, les fonds organisationnels, par exemple Centrallia ou Futurallia.
Futurallia est une organisation internationale qui a pour but de promouvoir le développement des ententes au niveau des affaires entre les pays et même entre les entrepreneurs dans un pays. Futurallia a eu lieu au Québec en 2008 et l'événement a été couronné d'un grand succès. Un groupe de Manitobains ont fait des liens avec les organisateurs de Futurallia, pour finalement développer Centrallia maintenant, une espèce de mini Futurallia. Nous avons fait cela en partenariat avec nos collègues de la province, de la Chambre de commerce à Winnipeg et d'ANIM.
Le sénateur Pépin : Avez-vous des programmes semblables pour les francophones d'autres provinces?
Mme Kapitany : Surtout avec le programme comme CDM, les organisations francophones à vocation économique. Centrallia est particulière au Manitoba en ce moment.
Le sénateur Pépin : Oui, mais d'autres programmes sont-ils accessibles aux francophones des autres provinces?
Mme Kapitany : Je ne suis pas aussi familière avec les projets des autres provinces, mais notre travail a un effet de levier avec les fonds fédéraux et les fonds des provinces.
Le sénateur Pépin : Des sommes importantes seront disponibles, comme Mme la ministre l'a dit, et c'est important de donner cet accès à tous les francophones des différentes provinces qui ont probablement des besoins un peu différents.
Mme Kapitany : Oui.
Le sénateur Losier-Cool : À mon tour, je vous souhaite la bienvenue.
[Traduction]
Mme Yelich : J'allais dire que je peux aussi répondre à une question.
Le sénateur Losier-Cool : Je vous promets d'être très précise.
[Français]
Si vous ne pouvez pas donner une réponse exacte aujourd'hui, peut-être que vous pourriez la faire parvenir au comité.
En ce qui concerne le programme de Développement économique de l'Ouest, est-ce que vous seriez capable de nous donner un pourcentage des demandes de programmes par les francophones? Il serait intéressant de savoir si les francophones demandent plus de programmes.
[Traduction]
Mme Yelich : Nous vous fournirons les renseignements demandés, mais nous répondons aux besoins. Je crois que nous sommes davantage proactifs pour savoir quels projets les communautés souhaiteraient promouvoir, surtout en matière de développement économique. C'est très important en ce moment, avec les Jeux en Colombie-Britannique, car les besoins augmentent.
De nombreuses initiatives dérivent d'autres programmes du gouvernement fédéral. Il existe des collèges francophones en Alberta et en Saskatchewan. Nous répondons aux besoins en matière de commercialisation et de commerce. Il n'y a peut-être pas de montants ou de pourcentages. Nous sommes ouverts aux suggestions. Nous faisons de notre mieux pour répondre aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire. Elles nous présentent de nombreuses idées.
Le sénateur Losier-Cool : Je sais que vous faites de votre mieux. Vous nous dites que vous allez au-devant des communautés, que vous ne réagissez pas simplement à une demande issue d'un programme particulier.
Mme Yelich : Le développement des communautés francophones fait partie de mon mandat. Ce mandat inclut la commercialisation, la technologie et le commerce. Les communautés francophones peuvent s'adresser à nous pour que nous les aidions à renforcer leur économie dans ces domaines. Je crois que nous pouvons affirmer que nous répondons effectivement à leurs besoins.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Dans votre présentation, vous avez dit le mot « impact ». On a fait des études sur l'impact environnemental, que ce soit sur le plan de la construction, la rénovation ou sur un site du gouvernement fédéral. Est- ce que le concept d'impact linguistique pourrait s'appliquer à vos programmes? Et de quelle façon cela pourrait être un impact linguistique et devenir ce qu'on appelle « une mesure positive »?
[Traduction]
Mme Yelich : La meilleure mesure de notre impact sur le plan linguistique est probablement notre travail au chapitre des échanges commerciaux avec d'autres communautés francophones du pays. J'ai parlé d'échanges commerciaux entre l'Ouest et le Québec dans mon allocution d'ouverture. Nous avons aussi contribué à des échanges commerciaux avec la France et d'autres pays francophones. Je crois en effet que nous serons capables de mesurer notre impact.
Je dois maintenant vous quitter. Mme Janet King répondra à vos questions à ma place. Je tiens à vous dire que nous avons mérité ce bulletin de notes.
La vice-présidente : Madame la ministre, nous vous remercions d'être venue témoigner ici aujourd'hui et de permettre à vos fonctionnaires de rester avec nous un peu plus longtemps.
Mme Yelich : Merci beaucoup.
[Français]
La vice-présidente : Félicitations encore et merci.
[Traduction]
Mme Yelich : J'ajouterai que le commissaire aux langues officielles m'a remis un livre après notre rencontre. Il a dit qu'il était facile de parler le français.
[Français]
La vice-présidente : Monsieur le sous-ministre, vous pouvez peut-être nous présenter la personne qui se joint à nous.
M. Watson : Il s'agit de Mme Janet King, sous-ministre adjointe régionale de notre bureau de liaison à Ottawa. Le siège social de DEO, comme l'a remarqué le sénateur Tardif, est à Edmonton et non pas ici à Ottawa.
La vice-présidente : Merci. Nous commençons donc un deuxième tour de table.
Le sénateur Tardif : Dans le cadre du Partenariat interministériel avec les communautés de langues officielles, ce qu'on appelait le PICLO, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada a collaboré avec Patrimoine canadien pour le financement de certains projets qui pouvaient aider le développement économique des communautés francophones en situation minoritaire. Le PICLO a été aboli au mois d'avril. Est-ce que cela aura un effet sur votre capacité de mettre sur pied certains projets en collaboration avec d'autres ministères?
M. Watson : Non, cela n'aura pas d'impact. Diversification de l'économie de l'Ouest Canada, si on le compare aux ministères qui ont plusieurs milliards de dollars, a toujours été un petit ministère. Nous avons 500 employés à travers l'Ouest du Canada et certains ici à Ottawa. Nos budgets ne se comptent pas dans les milliards de dollars. Cela veut dire que nous avons toujours dû travailler en partenariat avec d'autres. Cela fait partie de notre culture. Nous avons toujours su que si nous ne travaillons pas avec d'autres ministères fédéraux, avec les OFVE, avec les provinces et les collectivités, nous n'arriverions nulle part. Nous n'avons pas l'argent pour faire cavaÏlier seul. Ce n'est pas juste dans le contexte du travail francophone, mais dans l'ensemble de notre travail. Quel que soit le projet du ministère, nous serons presque toujours en partenariat avec d'autres. C'est un peu dans notre ADN de travailler ainsi. Que nous ayons un encadrement formel, des ententes formelles ou non, nous allons travailler avec d'autres comme nous l'avons fait depuis fort longtemps et que nous serons tenus de le faire à l'avenir.
Le sénateur Tardif : Le PICLO permettait un levier financier. Les autres ministères pouvaient avoir accès à des sommes d'argent pour collaborer avec vous. Maintenant, cette somme d'argent est réduite. Est-ce qu'il y a toujours cette ouverture de la part des autres ministères pour collaborer à ces projets dont bénéficieront les francophones de l'Ouest canadien?
M. Watson : Je peux simplement parler de ce que nous faisons à notre ministère. Notre budget pour le programme de Diversification de l'économie de l'Ouest est à peu près 135 millions de dollars. Le simple financement des OFVE, c'est 2,2 millions de dollars. Si on ajoute à cela d'autres projets que nous mettons sur pied, nous dépassons nettement le seuil des 2 p. 100, ce qui est à peu près la population francophone de l'Ouest du Canada.
Je n'ai jamais pris cela comme un plafond où il fallait arrêter. Il était question d'identifier les besoins et d'y répondre. Je peux seulement répondre pour le ministère de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada. Vous trouverez que les projets que nous poursuivons continuent d'être les mêmes types de projets que par le passé, avec la même importance.
J'ajouterais, pour revenir à ce qu'a dit Madame la ministre, que pour les 450 millions de dollars que nous livrons dans le contexte du Plan d'action économique, nous nous posons, pour chaque instance, la question à savoir si nous avons un impact sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. On essaie même d'utiliser nos autres programmes pour aller plus loin dans ce contexte.
Le sénateur Tardif : D'après moi, le fait que vous utilisiez des analyses et des études d'impact pour connaître les effets sur les communautés et aussi leurs besoins pourrait être un exemple de « mesures positives »?
M. Watson : Oui.
Le sénateur Tardif : S'agit-il de conseils que vous avez reçus, par exemple, du ministère de la Justice ou du Conseil du Trésor par rapport à ce que vous devez faire pour répondre à vos exigences pour la partie VII de la Loi?
M. Watson : Ils nous ont peut-être conseillés, mais ils l'auraient peut-être fait après que l'on a commencé à utiliser cette méthodologie parce qu'on faisait cela avant même l'affaire CALDECH. Notre travail avec les OVFE se poursuit depuis fort longtemps. Cela a été cité même comme un excellent exemple lors de cette affaire. On a été conseillé sur des manières de répondre, mais nous avions déjà entrepris les démarches nécessaires pour être certains que l'on connaissait ce que voulaient les collectivités francophones dans l'Ouest du Canada afin de trouver des façons d'y répondre. Je ne vous dirais pas que l'on a tout identifié et que l'on a répondu à toutes les demandes, il y a toujours place à l'amélioration, mais on a essayé d'identifier les besoins et d'y répondre.
Le sénateur Tardif : J'espère que vous allez partager vos bonnes pratiques avec d'autres ministères et organismes.
M. Watson : Absolument.
La vice-présidente : Est-ce qu'il y a d'autres questions?
Le sénateur Nolin : Je voudrais continuer sur la lancée du sénateur Losier-Cool. Cette notion d'étude d'impact en environnement pose le principe de l'antériorité; autrement dit, avant qu'on mette en œuvre une politique, on se demande s'il y aura des impacts.
L'idée soulevée par ma collègue est qu'avant de mettre en place une politique, on sait qu'il y aura des impacts pour les communautés, entre autres, de langue française, dans l'Ouest. Avez-vous réfléchi à ce type d'approche?
M. Watson : Absolument. Il y a une grande différence entre les deux domaines. Dans le domaine environnemental, on essaie d'éviter le mal. Dans ce contexte, on essaie de créer du bien. Une « mesure positive » consiste à créer du bien et c'est ce que l'on essaie de faire.
C'est un avantage d'être petit. Un des avantages de notre ministère, de taille moyenne, est que nous avons toujours su qu'il était nécessaire pour notre réussite de partager le fardeau avec les autres dans quelque domaine que ce soit où nous œuvrions ou de conclure des ententes avec d'autres afin de comprendre quels sont les besoins d'autres gens. Cela fait partie de notre culture.
Le travail que l'on fait avec les OVFE a toujours été un point de repère très important nous rappelant quels sont les besoins. Quel travail a bien marché ou n'a pas aussi bien marché qu'on l'aurait voulu jusqu'à maintenant? Quel chemin nous reste-t-il à parcourir et que faut-il identifier pour l'avenir?
Le sénateur Nolin : Comment verriez-vous une mesure proactive comme celle-là étendue à la grandeur des ministères? Avant qu'une mesure, ou un programme, soit mise en œuvre, pour que systématiquement on exige du ministère, le promoteur du programme, une étude d'impact linguistique? Selon votre témoignage, votre réaction serait positive, n'est-ce pas?
M. Watson : Je suis sous-ministre depuis le mois de juillet. Jamais je n'oserais donner des conseils à mes collègues sous-ministres en fonction depuis bien plus longtemps. Cependant, nous avons un autre avantage, parce que nous travaillons surtout sur des projets. Quand on travaille sur des projets, c'est très facile de regarder l'encadrement du projet et de se demander qu'est-ce qu'on pourrait faire pour aider ces partenaires que nous connaissons bien.
Si on connaît bien les collectivités en question, les gens de Vonda en Saskatchewan ou ceux d'autres communautés francophones de l'Ouest du Canada, on comprend bien quels sont leurs besoins, leurs intérêts et leurs rêves. On peut changer ce que l'on est en train de faire, tourner cela un peu pour ajouter un élément de ce qui est important pour telle ou telle communauté. Si on ne connaît pas ce que recherche cette communauté, on ne connaît pas ses partenaires, on ne connaît pas leurs capacités, c'est d'autant plus difficile. Mais nous avons la chance, en partie grâce au type de travail que nous faisons, au type de financement que nous offrons, qui est généralement sur la base de projets à court terme, un, deux, trois ans, quelque chose comme cela, de pouvoir cibler ce que nous faisons pour créer un impact important dans des collectivités francophones dans l'Ouest du Canada.
Le sénateur Nolin : Merci bien.
Le sénateur Pépin : Y a-t-il des groupes de francophones qui sont plus difficiles à rejoindre ou qui ont plus de difficultés à embarquer dans ces programmes, et si oui, savez-vous quelle est la nature des problèmes qui les empêchent d'embarquer dans tous ces programmes?
M. Watson : Il faut diviser deux choses. Notre ministère s'occupe de diversification économique. C'est certain qu'à travers le Canada, dans le contexte purement économique, si on enlève la question linguistique, certaines régions ont toujours eu plus de difficultés ou d'avantages à travailler dans certains domaines de l'économie. C'est d'autant plus vrai pour les communautés francophones que d'autres communautés au Canada.
Cependant, nous ne faisons pas la prestation directe de services aux communautés francophones de l'Ouest du Canada. Nous travaillons avec des partenaires. Par exemple, ma collègue, Marilyn Kapitany, travaille avec le Conseil de développement économique des municipalités bilingues, contexte tout à fait différent de celui du Conseil de la coopération de la Saskatchewan, un organisme francophone plutôt que bilingue. Ce n'est pas à nous de décider que la réalité de chaque situation soit comprise par une seule institution, ce que nous avions défini à Edmonton pour l'ensemble de l'ouest du Canada. Cette capacité d'avoir des organismes créés par des gens qui viennent des régions est un aspect très important dans notre réponse à cela.
Les défis sont différents, mais si les membres de cette communauté ne peuvent pas rejoindre leurs propres membres, c'est certain qu'un fonctionnaire comme moi va avoir d'autant plus de difficultés. Mais je dois dire que cela marche bien.
Mme Kapitany : Au Manitoba, nous utilisons les vidéoconférences pour rejoindre les gens qui vivent en régions rurales afin qu'ils puissent recevoir les mêmes cours que ceux qui vivent en milieu urbain.
Pour avoir un service plus égal partout au Manitoba, ils partagent l'équipement et le réseau afin que tous ceux qui le désirent puissent avoir le cours comme le développement de plan d'affaires ou comment exporter les produits.
Le sénateur Pépin : L'accessibilité est la même partout?
Mme Kapitany : Peut-être pas exactement la même, mais c'est disponible. C'est le but du partenariat entre les partis.
Le sénateur Pépin : Le but est que ce soit disponible à tous les groupes.
Le sénateur Losier-Cool : Dans sa présentation, Mme la ministre a parlé du défi d'avoir des employés avec des compétences linguistiques pour faire le programme. Où sont ces employés? Viennent-ils d'un peu partout au Canada ou des pays francophones?
Je reviens à ma question de systématique d'étude d'impact linguistique. Dans un encadrement systémique, il faudra s'assurer que nous ayons des employés capables. C'est un défi. De quelle façon vous y prenez-vous pour avoir des employés conscients de la partie VII de la Loi sur les langues officielles?
M. Watson : Le sénateur Brazeau et moi avons travaillé dans un domaine où il y avait certains défis semblables lorsque j'étais au ministère des Affaires indiennes et du Nord. Je suis parfois préoccupé par les communautés francophones de l'Ouest du Canada. Nous devons penser à combien de ces gens on devrait faire venir au gouvernement fédéral. Ces gens ont souvent du travail très important à faire dans leur communauté en tant qu'artistes, enseignants, médecins ou avocats. C'est très facile pour le gouvernement fédéral d'aller chercher ces gens. Parfois je me demande quel serait l'équilibre à atteindre entre les gens qui représentent le fédéral et qui connaissent très bien l'importance de ces communautés et ceux qui travaillent directement sur tous les aspects qui ne sont pas de l'essor du gouvernement et qui sont très importants aussi.
Dans le contexte d'avoir des employés, nous avons entrepris plusieurs mesures pour avoir de la formation formelle et informelle. Une formation formelle pour ceux qui désirent une formation linguistique à temps plein, mais aussi pour ceux qui veulent le faire à temps partiel, quelques heures par semaine au bureau ou peut-être le soir.
Donc nous avons fait les deux. Chacun des sous-ministres adjoints est bilingue. Évidemment, je parle les deux langues officielles et pour nous que d'utiliser les deux langues officielles dans l'ensemble de notre travail est une chose très importante.
Janet King, sous-ministre adjointe, Bureau de liaison à Ottawa, Diversification de l'économie de l'Ouest Canada : Je pourrais ajouter quelques points au sujet de nos employés au sein du ministère. Nous avons une équipe de langues officielles partout dans l'Ouest. Dans chaque région, nous avons un coordonnateur pour les langues officielles qui a aussi une équipe. Leur mandat est d'encourager, d'informer, d'engager leurs collègues et de s'assurer que chacune des régions est au courant de ses obligations. Ces gens sont très enthousiastes en ce qui concerne la communication, l'engagement et la vie en français.
M. Watson : J'ai été sous-ministre adjoint en Saskatchewan. J'ai cité Vonda en Saskatchewan tantôt. On m'avait invité au lancement d'un livre de l'histoire de trois petits villages fransaskois parce que j'étais sous-ministre adjoint du gouvernement fédéral qui faisait du travail en français. J'avais même demandé à mon fils qui avait alors 8 ou 9 ans de m'accompagner; il était tout à fait bilingue. Le fait d'être invité dans ce petit village loin de toutes villes en Saskatchewan m'a fait réaliser l'impact que nous avons dans ces communautés. Je n'oublierai jamais cette expérience.
La vice-présidente : Étant donné que nous arrivons à la fin de notre temps, je crois tout à fait normal que le sénateur Tardif ait le mot de la fin.
Le sénateur Tardif : Parlant d'impact, croyez-vous avoir un rôle dans la promotion du français dans l'Ouest auprès d'organismes tels que The Alberta Federal Council et The Pacific Federal Council? Tous les ministres fédéraux se regroupent. Vous êtes sous-ministre de Diversification de l'économie de l'Ouest Canada; vous avez un rôle d'ambassadeur. Croyez-vous avoir ce rôle? Si oui, comme cela se traduit-il?
M. Watson : Oui absolument. Oui, nous avons cette responsabilité. Lorsqu'on est sous-ministre et sous-ministre adjoint, on l'est de la fonction publique du Canada. La fonction publique du Canada est une institution bilingue qui travaille dans les deux langues officielles, peu importe où l'on est. On a une responsabilité particulière lorsqu'on est sous-ministre adjoint et sous-ministre. Donc, on m'entendra très peu souvent faire un discours dans une langue ou l'autre. Aujourd'hui est une exception. Peu importe que je sois à Vancouver, Edmonton ou ailleurs, on m'entendra presque toujours parler les deux langues. J'ai demandé à mes sous-ministres adjoints de s'impliquer dans la mesure du possible dans les événements francophones des communautés de l'Ouest et aussi de démontrer comment utiliser le français dans le contexte de l'Ouest du Canada. Cela peut paraître un peu bizarre, mais tous ceux qui ont été dans un milieu surtout anglophone savent qu'il n'est pas toujours facile de le faire et parfois il faut tout simplement le faire. Je considère cela comme une des responsabilités qui viennent avec les titres que nous avons. Lors des réunions avec grand public des conseils fédéraux ainsi que les événements communautaires auxquels nous participons, il faut considérer cela comme un aspect important de nos responsabilités.
La vice-présidente : Nous en sommes arrivés à la fin de cette partie de notre réunion. À l'instar de Mme la ministre, vous nous avez fait passer de bons moments où nous avons appris beaucoup. Nous vous encourageons à continuer à mettre de l'avant la Partie VII de la Loi sur les langues officielles. Merci beaucoup.
Chers collègues, nous allons suspendre la séance pendant quelques minutes.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La vice-présidente : Chers collègues, nous accueillons maintenant, pour cette deuxième partie, Claudette Deschênes, sous-ministre adjointe, opérations, Citoyenneté et Immigration Canada. Comme mentionné au début de la réunion, le comité étudie présentement l'état de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles et tout particulièrement les mesures prises par les organisations fédérales à cet effet.
Le comité est intéressé d'en apprendre davantage sur les accomplissements et les initiatives des ministères et aujourd'hui nous écouterons ce qui se passe à Citoyenneté et Immigration Canada.
Madame Deschênes, les membres du comité vous remercient d'avoir accepté notre invitation aujourd'hui. Brièvement, je vous présente à nouveau mes collègues :
À ma droite le sénateur Tardif de l'Alberta; à sa droite, le sénateur Losier-Cool du Nouveau-Brunswick et à sa droite le sénateur Pépin du Québec.
À ma gauche, le sénateur Seidman du Québec et le sénateur Nolin du Québec aussi. Je suis Andrée Champagne, vice-présidente du comité.
Madame Deschênes, les membres du comité vous remercient d'avoir accepté leur invitation. Nous vous invitons à prendre la parole.
Claudette Deschênes, sous-ministre adjointe, Opérations, Citoyenneté et Immigration Canada : Madame la présidente, je vous remercie de m'avoir invitée à comparaître aujourd'hui. Je suis la sous-ministre adjointe aux opérations à Citoyenneté et Immigration Canada, et également la championne du ministère pour les langues officielles.
Je vais commencer par une brève allocution, je me ferai ensuite un plaisir de répondre à vos questions, avec l'aide de mes collègues.
Madame la présidente, le gouvernement du Canada soutient l'épanouissement des langues officielles au Canada.
Comme l'immigration est un élément majeur dans la construction de notre pays, je suis ici aujourd'hui pour parler des objectifs de Citoyenneté et Immigration Canada en vue d'appuyer les communautés minoritaires francophones au moyen de l'immigration. En outre, je soulignerai les mesures que le ministère est en train de prendre pour revitaliser les communautés francophones hors du Québec.
Madame la présidente, CIC a créé des partenariats avec des intervenants clefs aux niveaux fédéral, provincial et territorial, pour aider les communautés minoritaires francophones qui se trouvent à l'extérieur du Québec à profiter de l'immigration. En 2002, le ministère a créé le Comité directeur CIC-Communautés francophone en situation minoritaire. Je suis actuellement coprésidente de ce comité avec un représentant des communautés, Marc Arnal.
Le comité réunit des représentants des ministères et organismes fédéraux, des représentants des provinces et des territoires, et des représentants des communautés minoritaires de langues officielles de tout le pays. Son but est de mettre sur pied des stratégies pour favoriser l'immigration dans les communautés minoritaires francophones. En septembre 2006, le comité directeur a lancé le plan stratégique pour favoriser l'immigration au sein des communautés francophones en situation minoritaire. Le but était de présenter des mesures à long terme applicables de 2006 à 2011. Un des buts principaux de ce plan était d'augmenter le nombre d'immigrants francophones s'établissant ailleurs qu'au Québec pour le porter à 4,4 p. 100 d'ici 2008. Il s'agissait d'égaler le pourcentage de Canadiens dont la langue maternelle est le français vivant hors du Québec, selon les données du recensement de 2001.
L'an dernier, après des discussions menées au sein du ministère et avec les intervenants, on a révisé cet objectif et on a fixé une date plus réaliste, soit 2023, pour atteindre cet objectif. Nous avons aussi maintenant une date et un objectif intermédiaire, à savoir 1,8 p.100 d'ici 2013.
Cet échéancier tient compte des difficultés que nous avons rencontrées pour recruter des immigrants francophones et les faire s'établir ailleurs qu'au Québec. Cette difficulté nécessite l'effort concerté des provinces, des territoires, des collectivités et des employeurs, car il faut trouver des emplois pour ces immigrants.
Malgré cela, nous nous efforçons de consolider la capacité des communautés francophones à accueillir et à retenir les nouveaux immigrants.
[Traduction]
Dans le cadre de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne du gouvernement du Canada, qui a été annoncée l'an dernier, notre ministère s'est engagé à coordonner un investissement global de 30 millions de dollars jusqu'en 2013 pour soutenir les communautés d'immigrants francophones hors du Québec. De plus, nous sommes déterminés à fournir des ressources supplémentaires pour mettre le plan stratégique en œuvre et pour atteindre nos objectifs en matière d'immigration.
En conséquence, CIC a réservé 10 millions de dollars des fonds d'aide à l'établissement pour poursuivre et développer les activités qui sont déjà en place en vertu du plan stratégique. Ces activités servent à améliorer la prestation des services de réception et d'aide à l'établissement pour les immigrants et les réfugiés.
En voici un exemple récent : le ministre Kenney a annoncé au mois de septembre le versement d'une aide financière destinée à l'Accueil francophone, organisme aidant les réfugiés pris en charge par le gouvernement qui vivent dans le quartier Saint-Boniface de Winnipeg. Depuis 2008, des aides similaires pour des services francophones d'assistance à l'établissement ont été annoncées en Ontario et au Nouveau-Brunswick.
De plus, le ministère intensifie les programmes promotionnels à l'étranger, d'une part, pour encourager des immigrants éventuels et des étudiants à venir dans des communautés minoritaires francophones au Canada et, d'autre part, pour faire la promotion du Programme des candidats des provinces. Ce mois-ci, le ministère dirigera Destination Canada, activité pangouvernementale qui aura lieu à notre mission de Paris, où nous rencontrerons des employeurs, les provinces et les territoires pour discuter de la façon dont nous pouvons promouvoir le Canada et y attirer des immigrants francophones.
Nous allons aussi améliorer les formulaires de demande que les nouveaux arrivants remplissent pour savoir la langue officielle qu'ils préfèrent utiliser et pour mieux mesurer nos efforts et les résultats qu'ils produisent.
Enfin, je tiens à mentionner que le plan d'action basé sur des résultats pour 2009-2013 de notre ministère comprend aussi des activités visant à soutenir les communautés minoritaires anglophones au Québec. Des activités comme des projets de recherche et des cérémonies de citoyenneté organisés en anglais ainsi que d'autres initiatives viseront à créer des relations entre toutes les communautés de nouveaux arrivants dans la province par l'intermédiaire du programme sur le multiculturalisme. Les programmes respecteront toutefois l'accord signé entre le Canada et le Québec, en vertu duquel le Québec a la responsabilité exclusive de la sélection des immigrants destinés au Québec et de l'accueil et de l'intégration des résidents permanents au Québec.
CIC donne le ton en ce qui concerne le soutien des immigrants francophones s'installant à l'extérieur du Québec. Le commissaire aux langues officielles l'a reconnu dans son rapport annuel de 2006-2007. Plus récemment, dans son rapport annuel de 2008-2009, le commissaire a signalé que nos efforts dans ce domaine avaient produit des résultats modestes, mais il a ajouté que l'intégration d'une seule famille immigrante au sein d'une petite communauté francophone peut faire une grande différence.
[Français]
Bien que CIC ait atteint certains de ses objectifs dans ce domaine, nous admettons qu'inciter les immigrants francophones à s'installer dans des collectivités canadiennes à l'extérieur du Québec n'est pas une mince affaire. Certains programmes comme la catégorie de l'expérience canadienne peuvent nous aider à augmenter le nombre d'immigrants qui s'installent dans des collectivités hors du Québec.
Je dois dire, madame la présidente, que le gouvernement du Canada ne peut pas réussir seul. Le domaine ne relève pas uniquement de notre compétence et le niveau d'engagement à l'égard du soutien ou de la promotion des communautés francophones au Canada varie d'un gouvernement provincial ou territorial à l'autre. Néanmoins, nous continuons à travailler avec les outils à notre disposition pour aider les communautés minoritaires de langues officielles et les encourager à faire des efforts afin d'attirer des immigrants francophones.
Pour terminer, madame la présidente, je tiens à souligner que CIC est conscient des difficultés auxquelles il est confronté en essayant d'installer de nouveaux arrivants francophones dans des collectivités partout au Canada et qu'il ne reste pas les bras croisés. Nous sommes déterminés à observer la Loi sur les langues officielles dans nos programmes, car la dualité linguistique du Canada est un des fondements de notre société. L'immigration demeure un facteur important de la croissance et de la vitalité des communautés minoritaires francophones à l'extérieur du Québec.
Je vous remercie encore de m'avoir invitée. C'est avec plaisir que nous allons répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Deschênes.
Le sénateur Tardif : Bienvenue, madame Deschênes. Vous avez indiqué dans votre présentation que l'un des buts du plan stratégique en 2006 était d'augmenter le nombre d'immigrants francophones s'établissant ailleurs qu'au Québec pour le porter à 4,4 p. 100 d'ici 2008. Vous avez dernièrement changé ce chiffre. Maintenant vous avez indiqué que vous pourriez atteindre 4,4 p. 100 en 2023. Il y a toute une différence entre ces deux dates.
Quels sont les obstacles? Quels sont les facteurs qui rendent la situation difficile pour faire le recrutement et aussi pour convaincre les immigrants francophones de venir s'installer dans les communautés francophones à l'extérieur du Québec?
Mme Deschênes : Je voudrais premièrement noter que la définition d'un immigrant ou une immigrante francophone a été changée pour mieux refléter ce que l'on pense être la réalité. Un des problèmes que nous avons dans nos systèmes présentement est qu'on ne tient pas compte du fait de savoir si vraiment on a affaire à un immigrant qui va vouloir travailler et vivre en français. Nous sommes en train de changer notre définition pour que nos demandes indiquent bien si la langue maternelle de la personne est le français ou, si la langue maternelle n'est ni le français ni l'anglais, que la personne indique une préférence pour vivre dans un milieu français.
Une des raisons pour lesquelles la date de réalisation de l'objectif a été repoussée, c'est qu'on a une définition qui, je pense, reflète mieux ce qu'est un immigrant qui va vivre en français dans une communauté minoritaire. C'est la première des raisons pour lesquelles nous avons changé la date.
Quand Daniel Jean, qui était le sous-ministre associé à l'immigration a comparu devant votre comité — je pense que c'était il y a trois ou quatre ans — il avait déjà indiqué que ce serait probablement difficile d'atteindre l'objectif initial.
Ce n'est pas seulement un problème difficile dans les régions minoritaires hors Québec. En 2008, par exemple, 1522 immigrants dont la langue maternelle était le français ont été admis à l'extérieur du Québec, alors qu'au Québec, il y en a eu 6811. Ce pourcentage nous indique que c'est difficile de trouver des immigrants de langue française qui veulent venir s'établir au Canada. Une partie du problème vient du fait que non seulement ils veulent aller au Québec, mais aussi que nombre d'entre eux ne veulent pas nécessairement immigrer. C'est en partie la raison pour laquelle on a pensé changer notre chiffre.
Aussi, le programme d'immigration a énormément changé dans les dernières années. Auparavant, les gens venaient s'établir comme immigrant alors que maintenant ils viennent de façon temporaire et s'établissent par la suite. Par exemple, des étudiants viennent au Canada de façon temporaire via le programme Canadian Experience Class et s'établissent par la suite. Nous nous questionnons à savoir si nous ne devrions pas viser plus spécifiquement cette clientèle. Contrairement à ce qu'offrait notre ancien programme, un candidat potentiel peut venir travailler ou étudier au Canada et faire une demande d'immigration par la suite afin de rester de façon permanente. Une partie de nos efforts du côté opérationnel est consacrée à analyser s'il serait plus avantageux de continuer à encourager les Français et les Belges à immigrer ou encourager les gens à venir étudier en français, par exemple à Saint-Boniface, et espérer qu'ils décident de rester par la suite. La situation ressemble à cela présentement.
Le sénateur Tardif : Il y a tellement d'informations, je voudrais poursuivre.
Le sénateur Losier-Cool : Une petite supplémentaire puisque l'on est dans les chiffres.
Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir. Je n'ai pas terminé.
La vice-présidente : Une supplémentaire sur le même sujet.
Le sénateur Losier-Cool : Sur le 4.4 p. 100 du tout, présentement, au Nouveau-Brunswick, la population francophone est de 32 p. 100; tenez-vous compte du pourcentage de la population francophone pour décider du nombre d'immigrants admis dans telle province ou telle autre?
Mme Deschênes : Oui et non. Voilà pourquoi le programme des nominations des provinces a été mis sur pied, soit dans le but d'encourager les gens à s'établir dans des régions spécifiques. Je pense qu'il est logique de penser que si un immigrant s'intègre bien dans une région, il va y rester. C'est pourquoi nous nous efforçons d'apprendre à nos communautés à aider les nouveaux immigrants à bien s'intégrer dans leur région. Au Nouveau-Brunswick, des fonds supplémentaires ont été investis à ce niveau.
Le sénateur Tardif : Par rapport aux efforts que vous faites pour le recrutement des immigrants francophones, par exemple dans l'Ouest canadien — et vous avez indiqué beaucoup de changements dans les politiques d'immigration et par rapport à l'immigration —, faites-vous une analyse de l'impact des décisions prises par rapport aux communautés en situation minoritaire?
Mme Deschênes : En matière de changements politiques, vous voulez dire?
Le sénateur Tardif : Oui, changements politiques, administratifs ou autres.
Mme Deschênes : On travaille de très près avec les communautés de toutes les provinces du Canada et aussi à l'étranger pour bien cerner et essayer d'encourager l'intégration. On se fait souvent dire que les écoles francophones dans les communautés voudraient recruter de façon plus assidue des individus qui pensent rester dans leur pays, parce que souvent ces gens, s'ils ne viennent pas d'Europe, ont peut-être plus de difficultés à déterminer la bonne foi du candidat, par exemple. Chez Destination Canada à Paris, nos agents comprennent bien ce qu'on essaie de faire avec les communautés minoritaires; on leur a donc demandé de prendre en main nos gestionnaires dans de plus petits postes en Afrique du Nord, en Afrique, à Abidjan, pour essayer d'améliorer leur compréhension de notre programme dans le but d'atteindre de meilleurs résultats. Initialement, on visait fortement la France, la Belgique et la Suisse, alors que maintenant, beaucoup de communautés nous disent qu'il ne s'agit peut-être pas de la meilleure clientèle si l'on veut penser à du long terme; on nous suggère la Tunisie, l'Algérie, la Côte d'Ivoire. Nous en sommes à sensibiliser nos agents à comprendre que ce programme est important à cause de nos responsabilités législatives.
Le sénateur Tardif : Parce que notre comité étudie la partie VII de la Loi sur les langues officielles, comment encouragez-vous, dans vos pratiques et politiques, la proactivité du fédéral et la mise sur pied de « mesures positives » par rapport à l'immigration? Quels gestes concrets faites-vous?
Mme Deschênes : Chaque fois qu'on a un nouveau programme, on fait une analyse d'impact sur les programmes d'immigration. Du côté opérationnel, je pense qu'on n'utilise pas la pleine capacité du programme pour atteindre nos buts en ce qui concerne les communautés. Depuis les deux dernières années, nous mettons vraiment plus d'emphase sur nos responsabilités et nous constatons qu'il faut démontrer un peu plus de flexibilité dans notre façon de livrer le programme afin de rencontrer les normes.
Le sénateur Pépin : Vous dites que les échéanciers tiennent compte des difficultés rencontrées pour recruter des immigrants francophones pour l'extérieur du Québec. Quelles difficultés spécifiques avez-vous rencontrées?
Mme Deschênes : Une des grandes difficultés, je dirais, c'est que les gens ne réalisent pas encore qu'il y a des communautés francophones hors du Québec. Leur première pensée est d'aller s'établir au Québec; à leur connaissance, c'est la seule province francophone du Canada et le reste est anglophone. Un travail énorme doit être fait à ce niveau et Destination Canada y consacre beaucoup d'énergie.
Je dirais aussi qu'une autre de nos difficultés, c'est que nos agents qui ne sont pas desservis par Paris ne comprennent pas toujours ce que l'on essaie de faire. Nous devons mettre beaucoup d'énergie de ce côté également pour bien faire comprendre à nos agents que nous avons des responsabilités, mais aussi des objectifs à rencontrer. Il s'agit de travailler avec les communautés, les écoles par exemple, puis voir comment on peut mieux attirer des gens ailleurs qu'au Québec.
Le sénateur Pépin : Vous dites également « car il faut trouver des emplois pour ces immigrants ». Avant leur arrivée ou après?
Mme Deschênes : Après leur arrivée. Mais le travail d'intégration n'est pas seulement de les faire venir, mais aussi de les intégrer. Une bonne partie de ce que nous faisons dans les régions présentement est de travailler avec les communautés pour tenter, à l'aide de subventions, de mettre sur pied des programmes, des réseaux qui aideront à retenir ces gens. Parce que si la personne parle le français et l'anglais, elle va s'établir dans une communauté minoritaire; si elle ne reçoit pas de support, elle va peut-être aller ailleurs.
Le sénateur Pépin : Après cela, vous dites « le ministère intensifie les programmes promotionnels à l'étranger ». Pouvez-vous me dire quels sont ces programmes promotionnels?
Mme Deschênes : C'est le programme Destination Canada. C'est un programme où les employeurs, les provinces et les agents d'immigration rencontrent des gens intéressés à immigrer et leur font réaliser qu'il y a des communautés francophones ailleurs qu'au Québec.
Le sénateur Losier-Cool : Ils commencent à le réaliser?
Le sénateur Pépin : Plus loin, vous dites : « Le gouvernement du Canada ne peut pas réussir seul. Le domaine ne relève pas uniquement de notre compétence et le niveau d'engagement à l'égard du soutien ou de la promotion des communautés francophones au Canada varie d'un gouvernement provincial ou territorial à l'autre ». Les difficultés varient. De quelle sorte de difficultés parle-t-on? Est-ce qu'il y a quelque chose que vous retrouvez spécifiquement dans une province ou que vous retrouvez... On va éliminer le Québec, on va simplement parler des provinces à l'extérieur.
Mme Deschênes : Par exemple, c'est le gouvernement fédéral qui prend les décisions concernant la distribution des fonds que nous offrons pour l'intégration, dans certaines provinces.
Par exemple, au Manitoba ou en Colombie-Britannique, les fonds vont à la province et la province travaille avec les communautés. Alors, dans ce cas, notre travail est de s'assurer que si on a des accords avec les provinces, que nos responsabilités sur la partie VII sont clairement énoncées et définies.
On dit également qu'il est très important que ce soit les provinces qui fassent le recrutement. C'est un autre mécanisme pour aider ces gens. Ils ne rencontreront peut-être pas toutes les normes de l'immigration, mais s'ils ont un certificat de sélection de la province, ils vont pouvoir venir.
Il s'agit donc de travailler avec les provinces afin de les encourager à utiliser le Programme des candidats des provinces pour permettre à des immigrants francophones de s'établir, par exemple.
On a fait beaucoup de travail en Colombie-Britannique avec les communautés afin que la province émette des certificats pour aider certains immigrants francophones à aller s'établir chez eux.
Le sénateur Pépin : J'ai une dernière question. On sait évidemment que le Québec est la province qui choisit ses immigrants. Mais vous avez dit que le Plan d'action de votre ministère comprend des activités visant à soutenir les communautés minoritaires anglophones au Québec. De quelle façon? Est-ce que les anglophones du Québec ont des problèmes bien spécifiques? Comment pouvez-vous les aider? À la page 2, au dernier paragraphe, vous parlez « des activités visant à soutenir les communautés minoritaires anglophones au Québec ».
Mme Deschênes : Cela fait quelques années que les communautés anglophones du Québec viennent nous rencontrer, au ministère, et nous disent que nous avons des responsabilités envers eux, en vertu de la partie VII. Comme on manque de fonds et qu'on veut évidemment s'assurer qu'on ne piétine pas sur l'accord Canada-Québec, on a donc travaillé avec eux pour faire un peu de recherche pour avoir de meilleures pratiques.
On travaille aussi afin de comprendre le contexte de régionalisation de l'immigration pour voir comment on peut aider les communautés à retenir les immigrants anglophones dans les régions à l'extérieur de Montréal, par exemple.
Nous ne sommes pas encore prêts à agir, mais plutôt de les aider à faire de la recherche. On leur a donné un peu d'argent à cette fin, c'est ce dont ils avaient le plus besoin.
Le sénateur Nolin : Merci, madame Deschênes, de vous être déplacée.
Vous avez fait référence, dans vos remarques, au commissaire aux langues officielles. Dans des rapports précédents, on voit qu'il y a des domaines où vous semblez bien performer en matière de participation équitable et de développement des communautés. Je pense que c'est exemplaire, et c'est ce que le rapport dit.
Par contre, en matière de services au public et de langues de travail, c'est moins performant. Qu'est-ce qui pourrait vous aider à améliorer une cote qui semble toujours varier entre moyen et bien? Qu'est-ce qui vous permettrait de devenir exemplaire? Qu'est-ce qui accroche?
Mme Deschênes : Une des choses qui accroche toujours, mais qui accroche également pour les langues officielles et partout, si vous demandez à quelqu'un...
Le sénateur Nolin : C'est le manque d'argent.
Mme Deschênes : Je ne dirais pas cela, puisque je suis fonctionnaire. Mais plusieurs personnes diraient que l'on pourrait offrir de meilleurs services si on avait plus de formation. Par exemple en français, on pourrait offrir plus de services.
On essaie aussi de sensibiliser les gens aux services à la clientèle. Il faut offrir le service, non pas parce que vous pensez que quelqu'un veut parler en français, mais toujours pouvoir faire une offre active.
Le sénateur Nolin : Pas juste à l'occasion.
Mme Deschênes : Oui. Nous envoyons présentement des messages à nos employés pour leur rappeler leurs responsabilités. Il faut également leur rappeler que l'offre active doit être faite continuellement.
Je dirais que le plus grand accroc, pour nous, c'est qu'on aimerait donner encore plus de formation afin que les gens se sentent plus à l'aise dans les deux langues. Si le travail ne se déroulait pas si vite, ce serait peut-être plus facile. Des fois, on utilise l'excuse que comme tout va trop vite, on va offrir le service dans une langue et pas dans l'autre. On continue de travailler sur le problème des langues de travail.
Le sénateur Nolin : Cela m'amène à parler de la partie VII. D'après vous, est-ce que le gouvernement fédéral devrait adopter un cadre réglementaire pour encadrer le respect de la partie VII? Parce que vous savez qu'on l'a modifiée en 2005, et le but de notre travail en ce moment c'est de savoir comment mieux livrer cette proactivité qui est maintenant statutairement reconnue par le projet de loi S-3.
Est-ce qu'on devrait encadrer cela de façon réglementaire? Et cela vous aiderait peut-être à devenir exemplaire en matière de langues de travail.
Mme Deschênes : Je ne suis pas experte dans ce domaine, je ne sais pas si je peux vous répondre. Mais d'un point de vue personnel, je vous dirais que je ne suis pas certaine qu'encadrer cela dans un règlement changerait nécessairement quelque chose. Pour moi, il faut vraiment prendre le temps de bien expliquer nos responsabilités afin de savoir comment on doit réagir.
Et je vais mettre cela en termes d'immigration : on a un cadre réglementaire important, mais on ne réussit pas nécessairement à faire tout ce que l'on doit faire. Pour moi, il faut bien expliquer aux gens les responsabilités sous la partie VII. Ce n'est pas nécessairement dire que c'est une obligation et qu'il faut le faire, mais plutôt que cela devient une question de respect et de valeurs. C'est mon opinion personnelle.
Le sénateur Nolin : Avez-vous recours à des agences centrales? Ou les agences centrales sont-elles proactives elles- mêmes de façon qu'elles interviennent dans vos activités pour vous aider à rencontrer ces obligations?
Mme Deschênes : Je ne parlerai pas des langues officielles, mais les agences centrales sont toujours là pour nous aider.
Je pense sans aucun doute que les agences centrales étaient là pour nous supporter dans le travail qu'on a fait pour recevoir le nouveau financement sur le Plan d'action.
Entre le fait d'être le plus flexible possible pour nous aider et aller vite, ou de prendre plutôt notre énergie afin d'arriver où on doit être, je pense que l'on préfère le deuxième choix.
Ce n'est pas parce que l'agence centrale ne veut pas nous appuyer, mais plutôt parce que les règles font que nous faisons beaucoup de travail pour obtenir ce dont nous avons besoin.
Le sénateur Nolin : Si je vous comprends bien, il y a, à l'intérieur de la machinerie gouvernementale, des gens qui ont la responsabilité de regarder par-dessus votre épaule pour s'assurer que vous atteignez les objectifs fixés?
Mme Deschênes : Absolument. Nous avons un très bon cadre. Nous avons passé beaucoup de temps à regarder le cadre cette année; comment rapporter les résultats et le 4,4 p. 100 et tout le reste? Si nous faisons une promesse, il est important de démontrer les résultats et nous en sommes arrivés à changer nos formulaires. Nous ne les avons pas changés plus rapidement parce que c'est lié à un nouveau système.
Le sénateur Nolin : Pas informatique?
Mme Deschênes : Cela s'en vient. Il s'agit de Global Case Management. On aurait pu changer les formulaires, mais cela n'aurait pas été dans le système. Le système sera inauguré en mai prochain et sera en mesure de rapporter les résultats de façon concrète.
Le sénateur Nolin : Votre objectif est le 4,4 p. 100 et le 1,8 p. 100 en 2013. En ce moment, c'est combien? On s'entend qu'il s'agit du pourcentage d'immigrants de langue française qui s'installent à l'extérieur du Québec?
Mme Deschênes : Nous en sommes à 0,75 p. 100 présentement.
Le sénateur Nolin : C'est ambitieux.
Mme Deschênes : Il ne faut pas oublier que nous avons un système, avec la catégorie temporaire qui pourrait devenir immigrant, on pourrait réussir à changer les résultats radicalement. C'est pourquoi on peut faire venir nos gestionnaires de plusieurs postes qui n'ont jamais été vraiment impliqués dans Destination Canada parce qu'on aimerait pouvoir dire que l'an prochain, on n'a peut-être pas fait un Destination Canada en Europe, mais ailleurs dans le monde pour nous aider.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Vous semblez prendre toutes les mesures nécessaires pour atteindre vos objectifs tout en tenant compte de la réalité et des difficultés concrètes.
J'aimerais revenir aux minorités anglophones du Québec. Le plan d'action fondé sur les résultats de votre ministère pour 2009-2013 comprend aussi des initiatives destinées à appuyer les communautés minoritaires anglophones du Québec. Il en a été question plus tôt lorsque le sénateur Pépin a abordé le sujet. J'aimerais des renseignements plus précis.
Dans quelles régions travaillez-vous avec les associations communautaires? Quelles sommes sont prévues à cette fin? Quels projets sont actuellement en cours ou à l'étude, outre le projet de recherche dont vous avez parlé?
Mme Deschênes : Nous travaillons actuellement avec le Quebec Community Groups Network. Nous devons bientôt rencontrer les représentants d'un autre groupe du Québec, qui nous ont approchés pour savoir ce que nous pouvions faire.
La réaction initiale, au ministère, a été de dire que nous ne devrions rien faire à cause de l'entente entre le Canada et le Québec. Je ne cessais de revenir à notre responsabilité en vertu de la partie VII. Il me semble que si nous avons des responsabilités envers une partie de la collectivité, nous en avons aussi envers l'autre.
Il ne s'agit pas d'une somme importante, mais nous travaillons à diverses initiatives. Nous avons ciblé quatre projets. C'est notre première année et nous tenons à évaluer la situation.
[Français]
L'évaluation du capital d'attraction et de rétention des populations immigrantes au sein des collectivités rurales au Québec où il y a une présence significative d'anglophones; publication d'une édition spéciale de l'Association des études canadiennes portant sur l'immigration et la diversité au sein des communautés anglophones du Québec en situation minoritaire prévue pour la prochaine conférence nationale Metropolis en mars 2010 à Montréal; une contribution à l'organisation d'un atelier lors du prochain congrès national de Metropolis sur l'immigration et la diversité au sein des communautés anglophones en situation minoritaire au Québec et une revue de la littérature existante reliée aux collectivités francophones hors Québec pour déterminer les meilleurs approches en matière de politique, programme et activité pouvant également s'appliquer aux communautés anglophones du Québec.
Donc, c'est un commencement. Puis, après avoir fait cela, on espère avoir des pistes pour les aider à plus long terme; en ayant toujours en tête l'accord Canada-Québec. Il faut faire attention de ne pas empiéter.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Il me semble qu'il s'agit là de projets de recherche. D'où vient l'idée de tels projets? De la communauté, des universités ou d'ailleurs?
Mme Deschênes : L'idée des projets vient surtout de la communauté. Nous tentons de collaborer avec les diverses communautés afin de trouver un mécanisme qui nous permettrait de les aider sans empiéter sur les plates-bandes de qui que ce soit. Nous nous sommes engagés à déterminer ce que nous pourrions faire d'autre avec ces projets l'an prochain.
Il y a peut-être eu d'autres propositions, mais nous avons estimé que cela dépassait le cadre de notre mandat. Nous avons donc décidé de commencer avec ces projets pour voir où cela nous mènerait.
Le sénateur Seidman : Avez-vous prévu à cette fin un budget pour plusieurs années?
Mme Deschênes : Il ne s'agit pas d'un budget sur un an. Avons-nous les moyens de réaliser ce que nous croyons pouvoir faire? Lorsque nous avons entrepris cette initiative, nous avons convenu de rendre des comptes aux communautés. Nous allons donc les appuyer.
Le sénateur Seidman : Merci. Je suis impressionnée et satisfaite.
[Français]
Le sénateur Nolin : Je voudrais revenir sur la question de l'accord Canada-Québec. Je comprends votre crainte de ne pas vouloir écraser les fleurs qui semblent s'épanouir en matière de bonnes relations Canada-Québec, mais si un immigrant anglophone veut s'installer au Québec, rien n'empêche cela?
Mme Deschênes : Pour s'établir au Québec, l'immigrant doit avoir un certificat de sélection de la province du Québec. Ce sont eux qui choisissent plus ou moins.
Le sénateur Nolin : Même ceux qui ne sont pas d'expression française?
Mme Deschênes : Oui.
Le sénateur Nolin : Et en termes de quota, s'agit-il là d'une entente négociée année après année?
Mme Deschênes : Il n'y a pas vraiment de quota. Environ 7 000 immigrants se sont établis au Québec en 2008. Le reste des immigrants au Québec sont des gens dont la langue maternelle n'est pas le français.
Le sénateur Nolin : Je comprends. Merci bien.
Le sénateur Losier-Cool : Avant de devenir citoyen canadien lors de la remise de la citoyenneté, faut-il que l'immigrant passe un certain temps dans la province ou c'est comme au Québec?
Mme Deschênes : Quelqu'un doit être immigrant ou résident permanent au Canada durant trois ans avant de pouvoir faire sa demande pour devenir citoyen.
Le sénateur Losier-Cool : Au Canada?
Mme Deschênes : Au Canada. Quelqu'un peut être sélectionné par le Québec et décider d'aller s'établir ailleurs, mais l'inverse n'est pas aussi facile. Pour recevoir des bénéfices de santé, il faut que le gouvernement du Québec émette un certificat de sélection.
Le sénateur Losier-Cool : Peut-il être sélectionné par le Québec et s'établir ailleurs?
Mme Deschênes : Il pourrait oui.
Le sénateur Pépin : Le contraire est plus difficile.
La vice-présidente : Il semble que le sénateur Tardif aura encore fois la dernière question.
Le sénateur Tardif : J'aimerais revenir sur un commentaire que vous avez fait en réponse à une de mes questions.
Vous avez indiqué que le ministère pourrait démontrer plus de flexibilités envers les communautés de langues officielles en situation minoritaire. Pouvez-vous donner plus d'explications? Avez-vous une infrastructure institutionnelle différente pour répondre aux besoins de la majorité anglophone comparativement à la minorité francophone en matière d'immigration?
Mme Deschênes : Je vais répondre à la deuxième partie de votre question en premier. Nous n'avons pas d'infrastructure différente, mais je pense que l'on peut faire du travail en termes de formation et d'ouverture. Je vais vous donner l'exemple que l'on va peut-être retrouver dans un des rapports du commissaire aux langues officielles, sinon cette année, l'année prochaine; c'est celui d'un travailleur temporaire qui s'en venait comme aide familiale résidant pour des enfants à Victoria. Un des préalables est que la personne doit parler un minimum la langue pour être capable, s'il y a un problème, d'appeler l'ambulance, l'hôpital ou autre.
Le sénateur Tardif : Vous parlez soit de l'anglais soit du français.
Mme Deschênes : L'un ou l'autre. Normalement, on parle de la langue de la province.
Le sénateur Nolin : Ou du service d'urgence en question.
Mme Deschênes : C'est cela. La personne a été refusée parce qu'elle ne parlait pas l'anglais assez à Victoria pour répondre au critère minimum pour être acceptée dans ce travail. Nous avons vu cela et nous nous sommes dits : attendez, la personne s'en vient travailler pour une famille francophone à Victoria. Si la famille est consentante, peut- être que l'on doit faire preuve de plus de flexibilités pour soutenir les communautés minoritaires. Dans ce cas, nous avons changé notre décision et laissé la personne entrer.
Si on oublie les communautés minoritaires, il est clair que si quelqu'un va s'établir à Moncton, il peut parler le français ou l'anglais. S'il va s'établir au Yukon, on pense que la personne doit être capable de parler un minimum d'anglais pour appeler les services appropriés.
Il y a donc une certaine flexibilité en termes de soutien aux programmes pour les communautés minoritaires. Nous sommes en train d'éduquer nos agents à faire preuve de souplesse quand il s'agit de ces questions. Au bout du compte, la famille qui parraine l'aide familiale résidante doit être au courant qu'il y a un risque. Mais si c'est important que cette personne parle français aux enfants, pourquoi le gouvernement fédéral ne soutiendrait-il pas cela?
Le sénateur Tardif : Je suis heureuse que vous ayez cité cet exemple parce que je crois que souvent on ne reconnaît pas les besoins de la minorité, qui sont différents des besoins de la majorité. On fait la traduction de tel ou tel programme en supposant que ce programme qui est adapté aux besoins de la majorité le soit pour ceux de la minorité. Or, ce n'est pas le cas. Vous commencez donc à y être sensibles davantage; j'imagine aussi que vous consultez les minorités pour avoir leur avis à ce sujet, n'est-ce pas?
Mme Deschênes : C'est cela. Je pense que nos programmes sont là pour répondre aux besoins. Nous devons maintenant sensibiliser nos agents et nous assurer que la formation est là pour bien comprendre.
Le sénateur Tardif : Il faut aussi voir les impacts que cela peut avoir sur la communauté. Est-ce que cela ferait partie de ce que vous considérez être une « mesure positive »?
Mme Deschênes : Je suis un peu partiale quand cela il s'agit du programme d'immigration, car il est parfois très difficile de connaître l'impact. Je n'ai aucun problème à dire que l'on devrait se questionner sur cela, mais souvent on ne le sait pas avant que le programme arrive. Il faut faire attention de ne pas juste croire à ce que les gens pensent être l'impact probable. Je pense par exemple aux instructions ministérielles. On a eu beaucoup de plaintes disant que notre nouveau programme d'instructions ministérielles jouerait contre les francophones qui veulent s'établir dans les communautés minoritaires. Or le travail que nous avons fait ne nous démontre pas que cela va être un problème. Il se peut que cela puisse être un problème, mais je ne voudrais pas qu'on décide que l'impact sera celui du dernier expert qui a parlé.
Le sénateur Tardif : Que disent les communautés à ce sujet? Est-ce qu'elles disent que cela va avoir un effet? Les avez- vous consultés?
Mme Deschênes : Nous les avons consultés autant que les autres lorsqu'il s'est agi des instructions ministérielles, car il s'agissait d'un changement lié au budget.
Le sénateur Tardif : Oui, mais cela n'a pas le même effet sur la majorité que cela peut avoir sur la minorité.
Mme Deschênes : Nous avons fait l'étude, nous avons regardé cela de près et, du côté ministériel, nous ne croyons pas que cela aura un impact.
Le sénateur Tardif : Mais ce sont les communautés qui seront en mesure de le dire.
Mme Deschênes : Si cela a eu un effet, oui. Est-ce que cela va avoir un effet, c'est là que je me pose la question de faire attention.
La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Deschênes, de nous avoir parlé de tout ce qui vous préoccupe au ministère. Ce fut un grand plaisir de vous accueillir.
Le sénateur Losier-Cool : C'était très intéressant.
(La séance est levée.)