Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 14 - Témoignages du 7 décembre 2009
OTTAWA, le lundi 7 décembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 16 h 36 pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant, au sein des institutions assujetties à la loi. Sujet : La partie VII de la Loi sur les langues officielles et d'autres enjeux.
Le sénateur Andrée Champagne (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[English]
La vice-présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons quorum et je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Je suis le sénateur Andrée Champagne, du Québec, vice-présidente du comité. J'aimerais tout d'abord présenter aux témoins les membres du comité ici présents :
À ma droite, de la Colombie-Britannique, le sénateur Jaffer; à ma gauche, du Québec, le sénateur Seidman et, finalement, le sénateur Mockler, du Nouveau-Brunswick.
Le comité étudie présentement l'état de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, et tout particulièrement, les mesures prises par les organisations fédérales à cet effet.
Nous recevons, en première partie de la réunion aujourd'hui, l'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux. La Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada suivra en deuxième partie.
Nous accueillons donc l'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux pour nous parler de l'état de la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles dans son ministère. M. Paradis est accompagné de Mme Diane Lorenzato, sous-ministre adjointe des Ressources humaines, de Mme Francine Kennedy, présidente-directrice générale du Bureau de la traduction, et de M. Marc Olivier, gestionnaire de la Division du développement professionnel du Bureau de la traduction, Division du développement professionnel.
Monsieur Paradis, les membres du comité vous remercient beaucoup d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite maintenant à prendre la parole, et les questions des sénateurs suivront.
L'honorable Christian Paradis, C.P., député, ministre des Travaux publics et des Services gouvernementaux : Madame la vice-présidente, je suis très heureux d'être ici aujourd'hui à titre de ministre des Travaux publics et Services gouvernementaux Canada au sujet du respect des obligations du ministère en regard de la Partie VII de la Loi sur les langues officielles et des obligations qui nous incombent relativement à la Feuille de route pour la dualité linguistique.
Je crois que nous avons fait d'importants progrès durant les dernières années et je suis très heureux d'en faire rapport au Comité. Tel que vous le disiez, Madame la vice-présidente, je suis accompagné de Mme Francine Kennedy, présidente-directrice générale du Bureau de la traduction, ainsi que de Mme Diane Lorenzato, sous-ministre adjointe de la direction générale des Ressources humaines.
Je voudrais commencer en vous disant que chez nous, à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada, nous prenons très au sérieux nos obligations en ce qui a trait aux langues officielles. Depuis que notre gouvernement est entré en fonction, en 2006, mon ministère a mis en œuvre une vaste gamme d'initiatives pour renforcer notre programme des langues officielles.
Une statistique qui parle d'elle-même — et je pense que c'est la plus importante —, le commissaire aux langues officielles a reconnu nos progrès et a fait passer la cote globale du ministère de « D » en 2005-2006 à « B » en 2007- 2008.
Dans le cadre d'une vérification du suivi menée en août 2008, le commissaire a, premièrement, souligné que Travaux publics a réalisé des progrès; deuxièmement, que nous prenons très au sérieux nos obligations relatives aux langues officielles; et troisièmement, que l'on a fait preuve d'un leadership solide. J'y reviendrai plus tard.
[Translation]
En ce qui a trait à la partie VII de la Loi sur les langues officielles, je tiens à vous présenter quelques-unes des mesures positives que nous avons prises à cet égard. D'abord, nous avons mis sur pied un secrétariat dont le mandat porte exclusivement sur l'appui aux communautés de langue officielle et sur la promotion de l'usage du français et de l'anglais par nos employés et la société canadienne.
Aussi, nous avons revu la politique ministérielle sur les langues officielles afin d'y intégrer des lignes directrices pour la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Entre autres, les lignes directrices dictent la procédure à suivre pour que les initiatives soumises à l'approbation du Conseil du Trésor fassent l'objet d'une analyse systématique des incidences sur les langues officielles. Notre obligation de prendre des mesures positives pour mettre en œuvre la partie VII de la Loi sur les langues officielles y est clairement énoncée.
[English]
De plus, mon ministère a mis sur pied le programme d'appui à la traduction qui soutient les organismes nationaux porte-parole des communautés de langues officielles en situation minoritaire. J'aimerais ajouter que mon ministère siège à la table gouvernementale des comités nationaux pour le développement économique et l'employabilité de la communauté anglophone au Québec et des communautés minoritaires francophones et acadienne du Canada.
Par sa participation assidue à la table, mon ministère est à l'affût des enjeux des communautés et cherche des moyens d'innover pour répondre aux besoins et priorités des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Permettez-moi maintenant de vous parler de la promotion de la dualité linguistique à Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.
Mon ministère a fait preuve de leadership puisqu'il célèbre annuellement depuis 2007, la semaine de la dualité linguistique, c'est l'exemple dont je faisais mention au début de la présentation.
Nous étions le premier ministère fédéral à célébrer cet évènement qui avait pour but de sensibiliser tous les employés à l'usage du français et de l'anglais et aux besoins des communautés de langues officielles en situation minoritaire. Nos efforts ont été reconnus dans le dernier rapport du commissaire 2007-2008 dans lequel Travaux publics et Services gouvernementaux Canada a fait l'objet d'une évaluation et a obtenu des cotes « A » pour les deux articles de la Partie VII.
[Traduction]
En ce qui a trait au travail du Bureau de la traduction, je suis heureux de souligner le 75e anniversaire de l'organisme cette année, ainsi que le 50e anniversaire de son volet interprétation. Je suis aussi heureux de vous dire que des progrès concrets ont été réalisés par mon ministère au sujet de l'exécution de nos responsabilités dans le cadre de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013.
Nous avons affecté 34 millions de dollars sur une période de cinq ans pour mettre en œuvre deux initiatives au Bureau de la traduction. La première, le Programme de renforcement du secteur langagier du Canada, a reçu 18 millions de dollars et la deuxième, le Portail linguistique du Canada, 16 millions de dollars.
Je vais prendre quelques instants pour parler plus en détail de ces deux initiatives car, dans le marché mondial actuel, le Canada doit être en mesure de compter sur une industrie langagière dynamique pour demeurer concurrentiel. Nous devons agir car l'industrie risque de ne pas être en mesure de répondre aux besoins du gouvernement du Canada — et de l'ensemble du pays — à court et à moyen termes. L'effectif vieillit et il y a un manque de professionnels qualifiés.
[Français]
Notre première initiative est le Programme du renforcement du secteur langagier au Canada, en vigueur depuis l'été dernier. Le but de ce programme est d'appuyer la formation d'une main-d'œuvre qualifiée et d'accroître la capacité de l'industrie langagière. Le programme comporte deux composantes principales. La première, on parle de bourses universitaires en traduction qui visent à permettre aux établissements postsecondaires d'accroître le nombre de diplômés en traduction et en interprétation. La seconde, on parle d'initiatives de l'industrie de la langue qui visent à accroître la promotion de l'industrie de la langue et le développement de la capacité langagière. Le Bureau de la traduction prépare actuellement des accords de financement avec des partenaires clés pour chacune de ces composantes.
Notre deuxième initiative est le Portail linguistique du Canada, qui a été lancé au début du mois d'octobre. Ce portail permet l'accès Internet gratuit à la première collection nationale de ressources linguistiques canadiennes. En se rendant sur notre site Internet, les internautes canadiens y trouveront tout ce dont ils ont besoin pour étudier, travailler et communiquer plus efficacement dans les deux langues officielles.
Il y en a peut-être parmi vous qui êtes familiers avec la banque de données linguistique et terminologique de Termium. Termium fait partie intégrante du portail maintenant. Tous ont donc maintenant accès à cet outil des plus fiables produit par le Bureau de la traduction ainsi qu'à tous ses outils d'aide à la rédaction.
S'il vous est possible de nous accorder deux minutes pour vous démontrer les bienfaits du nouveau portail, Marc Olivier, gestionnaire au Bureau de la traduction, Division du développement professionnel est ici pour faire un rappel du survol du portail.
Marc Olivier, gestionnaire au Bureau de la traduction, Division du développement professionnel, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Madame la vice-présidente, je vais prendre quelques minutes pour vous parler du Portail linguistique du Canada, qui a été lancé le 8 octobre dernier.
Dans la rubrique « À propos du Portail » on a une petite idée des objectifs du portail linguistique : diffuser et promouvoir des produits linguistiques élaborés au Canada; partager et mettre en valeur l'expertise canadienne en matière linguistique; aider les Canadiens et les Canadiennes à communiquer dans les deux langues officielles.
Je vais revenir à la page d'accueil. Le portail est divisé en deux, si on peut dire. Tout le côté gauche de l'écran est un volet « collection ». Donc, il y a des articles de fond sur des difficultés de la langue française. À partir du point « Découvrir », il y a des liens vers des sites externes au gouvernement fédéral et du ministère de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada.
Tout ce qui est au centre est un volet d'actualité. On a la section « En manchettes » au centre qui est mise à jour toutes les semaines. Mon équipe trouve des sujets d'actualité du domaine de la langue et on en fait un article.
Si on prend ici « Les bébés pleureraient dans leur langue maternelle», nous avons un descriptif de l'article et on nous renvoie vers un site. C'est une recherche. Ce sont les résultats d'une recherche. Donc, c'est très intéressant de ce côté.
Les manchettes sont mises à jour toutes les semaines. Nous avons le volet « Nos collaborateurs » qui est très particulier. On essaie d'avoir la collaboration d'un océan à l'autre, que ce soit des gouvernements provinciaux, territoriaux ou même d'universités. On communique avec ces gens pour obtenir des collaborations. Donc pour le lancement, on a eu quatre articles de gens qui ont collaboré.
Et on continue à faire des démarches pour obtenir d'autres collaborations. Ici, on a la communauté fransaskoise de la Saskatchewan. C'est un exemple d'article signé par M. Boudreau, Bureau du secrétaire provincial de la Saskatchewan. Il s'agit d'une collaboration pour le lancement.
[Traduction]
Nous devons agir. Je reviendrai au site anglais afin de vous le montrer. Le contenu de la rubrique En manchettes- Archives est parfois un peu différent dans la version anglaise.
Je vais vous montrer Termium Plus.
[Français]
Termium est une banque de terminologie du Bureau de la traduction qui contient plus de quatre millions d'entrées en français et en anglais et quelques-unes en espagnol. Prenons l'exemple d'une recherche pour trouver l'équivalent de « Standing committee on Official Languages ».
[Traduction]
Vous pouvez passer de l'anglais au français et vous voyez l'équivalent français de l'expression « Comité permanent des langues officielles ».
[Français]
Nous y retrouvons aussi une fiche en espagnol. On veut développer le volet espagnol aussi, mais ce n'est pas dans nos priorités pour l'instant.
On peut voir aussi un exemple du français à l'anglais pour vous montrer la différence. Par exemple, quelqu'un veut connaître l'équivalent de l'expression « Jeux olympiques » du français à l'anglais; on donne l'équivalent : « Olympic Games ». C'est un sujet d'actualité qui aura lieu bientôt.
Retournons à « l'Accueil ». Nous avons également des outils d'aide à la rédaction qui peuvent nous aider à faire des recherches sur une difficulté de la langue française ou de la langue anglaise. On peut montrer l'application ConjugArt qui est un peu l'équivalent de l'ouvrage Bescherelle pour la conjugaison. Si on tape le verbe « découvrir », nous obtenons la conjugaison à tous les temps du verbe « découvrir ». Cela peut être très utile pour les étudiants de tous les niveaux.
La vice-présidente : Aux étudiants, aux secrétaires.
M. Olivier : À tous ceux qui sont appelés à rédiger dans les deux langues officielles.
[Traduction]
Le Quiz éclair est très populaire. Il change tous les jours. Par exemple, si vous êtes astucieux, êtes-vous poli, créatif ou intelligent? La réponse, c'est « intelligent ». Il y a une question différente tous les jours en français et en anglais. Essayons le quiz en français.
[Français]
Par exemple, la question posée est la suivante : « Laquelle de ces expressions est correcte? : C'est ça dont je parle; c'est de ça dont je parle; c'est ça que je parle. » Je vais essayer la dernière. J'ai essayé et ce n'est pas la bonne réponse; la bonne réponse est donnée et il s'agit de : « C'est ça dont je parle. » Je savais la réponse, mais c'était pour essayer les deux volets du quizz.
Il y a également un lien vers la Feuille de route pour la dualité linguistique, donc le portail vient de cette initiative.
[Traduction]
Vous pouvez cliquer sur Nos collaborateurs. Par exemple, si vous êtes en Alberta et que vous voulez en savoir plus sur des questions qui se rapportent à la langue, il y a des liens vers plusieurs universités, et cetera. C'est la même chose pour chaque province et territoire. C'est un travail continu. Nous ajoutons des liens tous les jours et on peut également nous envoyer des liens à afficher.
[Français]
C'est vraiment un projet collectif. C'était donc un aperçu du portail.
M. Paradis : Une image vaut 1 000 mots! Pour faire une présentation complète, nous aurions eu besoin d'une quinzaine de minutes, mais déjà en deux ou trois minutes nous voyons que le Portail est polyvalent.
Enfin, je tiens à souligner que mon ministère ne ménage pas les efforts pour atteindre les objectifs prescrits par la loi. Nous voulons respecter à la fois l'esprit et la lettre de la loi. Il y a toujours place à l'amélioration et nous le reconnaissons; mais je pense qu'avec la donnée statistique dont je vous ai parlé tantôt, la direction est certaine et fait en sorte que les services s'améliorent. D'ailleurs, le fait de passer d'une notre globale de « D » à « B » en dit long.
Je vous remercie beaucoup et il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci, monsieur le ministre. Je dois vous dire qu'étant une personne qui utilise l'outil Termium régulièrement, je suis ravie de voir que c'est maintenant vraiment fonctionnel.
Lorsque la Feuille de route pour la dualité linguistique a été annoncée par le ministre Moore, on nous disait justement que l'application Termium deviendrait un outil gratuit pour tous les Canadiens, mais je me suis fait demander à un moment donné de renouveler mon abonnement et je me suis donc dit qu'on attendait pour la gratuité de l'application. Je suis bien contente aujourd'hui de voir qu'en passant par le portail linguistique, c'est maintenant une chose à laquelle on peut accéder facilement. Et c'est tellement utile.
Nous allons commencer la période des questions; la parole est au sénateur Jaffer.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Je sens votre enthousiasme mais je vous félicite de la note que vous a accordée le commissaire aux langues officielles. Je suis très enthousiasmée par ce portail. Comment définissez-vous la « francophonie » et la « communauté francophone »?
[Français]
M. Paradis : En ce qui concerne la partie VII, il faut toujours considérer quelles sont nos obligations; et lorsque des francophones sont en situation minoritaire, le ministère doit prendre les actions voulues — des « mesures positives » tel qu'indiqué dans la loi — pour faire en sorte que ces gens soient impliqués dans n'importe quel processus.
On parle souvent de la prestation des services et du fait que le gouvernement est redevable envers la population, mais il y a aussi un aspect de mon ministère qui est important.
[Traduction]
J'ai dit à mon sous-ministre que les PME sont une priorité pour moi, car elles nous donnent le pouls de notre économie. Nous devons les faire participer autant que possible. Au Manitoba, il y a des groupes francophones minoritaires. Lorsqu'ils décident de créer une entreprise, ils ont accès à un processus d'appel d'offres bilingue MERX, mais ils ont également besoin d'aide. Nous nous sommes assurés que les gens ont accès à des services dans leur propre langue.
En ce qui concerne la loi, je tiens toujours compte de nos obligations de fournir des services et de faciliter la communication. Les gens me demandent où aller pour faire affaire avec le gouvernement du Canada. C'est la même chose au Québec, pour certaines PME qui communiquent davantage en anglais. S'ils veulent nous faire part de leurs préoccupations et communiquer avec le gouvernement ou avec notre ministère, ils peuvent le faire dans les deux langues officielles. C'est comme ça que je vois les choses, en tant que ministre.
Le sénateur Jaffer : Monsieur le ministre, vous avez parlé de la promotion de l'usage du français et de l'anglais parmi vos employés. En tant que membre du comité, je suis frustrée d'entendre parler de promotion des deux langues parmi les employés, alors que, dans ma province, les fonctionnaires sont victimes de discrimination. Ils ne reçoivent pas les mêmes services de formation linguistique que les employés reçoivent ici.
Je sais que cette question ne relève pas de votre mandat, mais vous dites promouvoir l'apprentissage des deux langues officielles. Je crois que vous êtes sérieux dans votre démarche. Au fur et à mesure que le Canada grandira, beaucoup de gens qui ne parlent ni le français ni l'anglais s'installeront ici. Je m'inquiète de la façon dont on enseigne le français aux employés unilingues anglophones de ma province. Les fonctionnaires de ma province sont victimes de discrimination. Ils n'obtiennent pas le même niveau de formation linguistique en français qu'un employé d'Ottawa. Je vous laisse réfléchir à ce problème.
Dans votre exposé, vous avez parlé de la promotion de la dualité linguistique parmi les employés de la société canadienne. J'aimerais savoir ce que vous voulez dire quand vous parlez de « promouvoir le français et l'anglais dans la société canadienne? » Vous tournez-vous vers les journaux ethniques? Faites-vous appel aux collectivités ethniques? Beaucoup de journaux ethniques sont écrits en anglais. Incluez-vous réellement toute la société canadienne?
M. Paradis : Prenez l'exemple du site Internet que vous venez de voir. Nous voulons aller encore plus loin, évidemment. Je suis ici aujourd'hui pour vous parler des langues officielles. Nous pouvons et voulons en faire encore plus dans beaucoup d'autres domaines.
Nous avons pris la situation en main. C'est pourquoi, en 2007, nous avons lancé le Secrétariat des communautés minoritaires de langue officielle. C'est très important. Cela a été mis sur pied en 2007. Nous voulons joindre les gens grâce à cet outil.
C'est un exemple parmi d'autres. Je vais parler de ma province. Le Québec n'a pas reçu une bonne cote au sujet des services qu'il fournit aux anglophones. Pourquoi? Si vous regardez les anglophones qui travaillent dans la région du Québec, la plupart du temps, ils sont dans la région de la capitale nationale. Cependant, il y a des emplois ailleurs au Québec, mais les gens ne le savent pas forcément. Ils postulent ici, parce que la région est bilingue, mais ils ne postulent pas ailleurs au Québec, même s'il y a du travail là-bas.
Nous avons tenu compte de cela. Nous voulons être proactifs et joindre les gens. Nous voulons leur dire : « Hé, il y a des postes disponibles au Québec ». C'est ça que nous voulons faire.
Deuxièmement, c'est une question de communication. Les gens diront peut-être : « Écoutez, je veux être servi en anglais, mais il n'y a personne qui peut m'offrir ce service. » Il se peut qu'il y ait quelqu'un quelque part. Il suffirait de téléphoner et de prendre rendez-vous.
Il faut gérer certaines questions. C'est une question de communication. C'est là qu'intervient ce secrétariat, qui permet de joindre autant de personnes que possible. Nos employés sur le terrain sont prêts à entendre des suggestions et des critiques constructives pour nous permettre de mieux satisfaire à nos obligations.
Le sénateur Jaffer : Dans votre exposé, vous parlez du soutien et de la création d'une main-d'œuvre qualifiée. Je suis convaincu qu'il ne suffit pas d'embaucher des gens d'Ottawa pour avoir une main-d'œuvre qualifiée. Vous devez venir dans ma province. Je vous livre ce message : vous n'arriverez pas à vous doter d'une main-d'œuvre qualifiée si vous refusez d'offrir des cours de français à ma province.
Puisque je parle de ma province, j'aimerais passer aux Jeux de 2010 et vous parler des services de traduction. Tous mes collègues sont très fiers que les jeux aient lieu au Canada. Parfois, en Colombie-Britannique, nous oublions que nous faisons partie du Canada, tellement nous sommes éloignés. Cependant, une des inquiétudes que nous avons, et que j'ai moi aussi, c'est d'avoir des services de traduction français et anglais adéquats pendant les jeux.
J'aimerais savoir si le Bureau de la traduction et le COVAN ont signé une entente relativement aux services d'interprétation et de traduction pour les Jeux olympiques. J'aimerais que vous expliquiez au comité le type d'aide que le Bureau de la traduction fournira au COVAN. Je crois que le COVAN a besoin d'aide pour les jeux du Canada.
M. Paradis : Je vais m'exprimer en français, parce que je veux être bien clair.
[Français]
L'industrie langagière est effectivement méconnue de la population en général. C'est quand je suis arrivé à Travaux publics que j'ai découvert que le Bureau de la traduction relevait du ministère. On m'a sensibilisé à tous ses aspects et à tous les défis qui devaient être relevés. Souvent, sans vouloir prêter de mauvaises intentions à personne, des gens s'improvisent dans cette industrie qui requiert de l'expertise. J'ai beaucoup de respect pour les gens qui oeuvrent dans l'industrie langagière. C'est une industrie qui se réinvente suite aux technologies émergentes qui n'existaient pas il y a quelques années seulement. Je suis d'accord avec vous qu'elle doit exister à l'échelle nationale et non pas seulement à Ottawa.
C'est la direction que nous voulons prendre, et c'est pourquoi nous avons annoncé notre programme qui fait écho à la Feuille de route pour la dualité linguistique en ce qui concerne les bourses d'études. Les bourses doivent être offertes aussi à l'échelle nationale. Pour réussir notre coup, des critères ont déjà été évalués par le Bureau de la traduction de façon sérieuse. Il faut donner un coup de pouce à cette industrie précieuse pour lui assurer une relève.
Pour en revenir aux Jeux olympiques, je suis d'accord vous. Je suis maniaque de l'écriture en français. Si je lis une lettre officielle qui contient ne serait-ce que deux fautes, je suis offusqué parce que cela démontre une certaine négligence. Il est important de pouvoir maîtriser la langue et, pour ce faire, cela requiert des experts en la matière.
Le Bureau de la traduction est fier, et moi aussi, en tant que ministre, d'appuyer le COVAN de la meilleure façon possible parce que les Jeux sont une porte d'entrée de notre pays. Une traduction adéquate démontre aux étrangers et aux francophones du pays l'importance que nous accordons à notre langue et nos exigences quant à la compétence de nos travailleurs de l'industrie.
Je cède maintenant la parole à Mme Kennedy, qui vous parlera de la signature de l'entente avec COVAN.
Francine Kennedy, présidente-directrice générale du Bureau de la traduction, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Nous sommes enchantés d'appuyer le COVAN dans le cadre des Jeux olympiques. C'est important si nous voulons nous assurer que la dualité linguistique canadienne soit reflétée pendant les Jeux olympiques.
Nous sommes très près de signer une entente avec le COVAN, cependant, cela ne nous a pas empêchés de commencer le travail avec eux. Nous avons un gestionnaire qui vient de passer deux ou trois semaines à Vancouver pour préparer le terrain. Nous avons identifié notre capacité et nous sommes fin prêts à débuter le travail.
La vice-présidente : Dans le cadre des Jeux olympiques, il est important d'avoir des gens qui non seulement sont de bons interprètes, mais qui ont une expertise en matière de vocabulaire sportif. J'imagine que cela demande encore plus de travail et de professionnalisme.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Bonjour. Je vous remercie d'être venu. Monsieur le ministre, vous méritez des félicitations pour le travail extraordinaire que vous faites ainsi que pour votre enthousiasme. J'ai remarqué que votre bilan, qui a été jugé par le commissaire aux langues officielles, s'est nettement amélioré entre 2006 et 2008.
Vous avez parlé d'une chose qui m'intéresse particulièrement, faisant moi-même partie d'un groupe minoritaire anglophone au Québec, notre province à tous les deux. Vous dites être proactif et travailler très fort pour améliorer les choses, parce que l'évaluation du commissaire au Québec n'était pas très bonne. Je crois comprendre que les groupes minoritaires anglophones dans votre ministère représentent 3 ou 5 p. 100 de vos employés au Québec. Vous dites, par conséquent, que vous essayez d'être proactif auprès de cette collectivité.
Pouvez-vous nous en dire davantage, à ce sujet? Premièrement, travaillez-vous avec les groupes communautaires de Montréal et des régions pour mieux comprendre comment joindre ces groupes minoritaires anglophones, surtout dans les régions, des groupes plus préoccupants à cause de leur isolement?
Deuxièmement, au sujet des petites et moyennes entreprises, dans quelle mesure pouvez-vous aider les collectivités minoritaires anglophones? Je sais que vous jouez un rôle dans ce domaine.
M. Paradis : Merci, madame le sénateur. J'ai parlé du cas du Québec parce que, si vous regardez les notes du ministère, elles sont plutôt bonnes. Nous avons reçu beaucoup de A en leadership. Alors, je me suis demandé pourquoi nous avions reçu un B. Quelles sont nos faiblesses?
Une des choses que m'a soulignées Mme Lorenzato, c'est qu'il y a une faiblesse au Québec. C'est pourquoi j'ai préféré mettre les cartes sur la table et vous dire que nous avons reçu une mauvaise note dans cette région, mais que nous travaillons là-dessus. Elle m'a donné des exemples concrets et m'a dit que la plupart du temps, les anglophones cherchent automatiquement à Ottawa pour trouver du travail. C'est une question de communication. Je vais laisser Mme Lorenzato vous parler plus précisément de cette question et vous donner des exemples pratiques.
Au sujet du deuxième élément, il s'agit du Bureau des petites et moyennes entreprises, qui a été lancé en 2005. Nous avons fait une annonce il y a quelques mois, car nous avons amélioré le processus. Nous voulons être plus faciles d'accès. Le BPME était situé quelque part à Portage et il fallait passer par la sécurité. Les gens étaient déjà épuisés une fois arrivés. Maintenant, le bureau principal est situé à Ottawa et c'est également un site virtuel. Vous pouvez vous asseoir et travailler à l'ordinateur, avec une simulation du système MERX et des échantillons. Nous sommes également présents à Montréal et dans les Maritimes. Nous voulons être accessibles dans les régions. Lorsque nous recevons des demandes, nous envoyons nos équipes dans les régions pour travailler sur le terrain.
Évidemment, nous devons nous assurer de travailler de façon coordonnée. Le BPME est en relation étroite avec le secrétariat, ce qui est très important. Si vous déployez des efforts, du temps et de l'argent pour envoyer votre personnel sur le terrain, si vous avez une barrière de communication, alors tous vos efforts sont inutiles. Nous devons nous assurer dès le départ de couvrir autant de terrain que possible. J'ai été fier d'apprendre des responsables du secrétariat qu'ils étaient en relation étroite avec le BPME. Comme je l'ai dit, c'est une de mes priorités et je veux être aussi efficace que possible.
Même si vous êtes quelque part au Manitoba en situation minoritaire ou quelque part au Québec, en situation minoritaire, nous devons pouvoir répondre à vos besoins.
Diane Lorenzato, sous-ministre adjointe, Ressources humaines, Travaux publics et Services gouvernementaux Canada : Lorsque nous avons reçu la cote du commissaire et lorsque nous nous sommes rendu compte que les choses n'avaient pas beaucoup changé en ce qui a trait au recrutement d'anglophones au Québec, nous avons travaillé avec la région pour mettre en place un plan concret afin d'améliorer notre bilan. Lorsque nous avons lancé notre plan, la représentation des anglophones au Québec était d'environ 2 à 3 p. 100. Nous avons décidé de travailler avec les collectivités et de cerner les obstacles existants, afin de comprendre pourquoi nous n'arrivions pas à attirer les anglophones à TPSGC dans la région du Québec. Nous nous sommes aperçu que beaucoup postulent directement aux bureaux nationaux parce qu'il y a davantage de mobilité et de possibilité d'avancement.
Nous essayons maintenant d'embaucher au premier échelon pour que les gens puissent envisager une progression dans leur cheminement professionnel. Nous nous rendons dans les campus des universités et des collèges pour sensibiliser les recrues potentielles. Nous allons à McGill, à Concordia et à Bishops et travaillons avec les représentants des collectivités, qui nous aident à cibler les groupes et à attirer des employés potentiels.
Nous essayons également de nous servir des employés et de voir si nous pouvons utiliser leur réseau pour attirer des candidats. Lorsque nous nous rendons dans les campus, nous essayons d'emmener des anglophones avec nous, pour ne pas avoir une équipe uniquement francophone au kiosque de recrutement. Tous les employés sont bilingues, mais ils peuvent montrer qu'on peut évoluer dans notre organisation.
[Français]
L'objectif est vraiment d'augmenter la présence. Depuis que cette mesure a été mise en place, on a vu une augmentation de 2 p. 100 de notre main-d'œuvre anglophone au Québec. On va continuer avec cette approche. Évidemment, on espère avoir une représentation qui est plus près du profil de la population.
Les postes à Travaux publics sont très spécialisés : des ingénieurs, des architectes, des gestionnaires de projet. Ce n'est pas toujours facile d'attirer des gens dans ce domaine, mais on fait un effort. On estime que si on continue, on devrait pouvoir redresser la situation au cours des deux prochaines années.
Le sénateur Seidman : J'ai une question supplémentaire.
[Traduction]
Vous parlez de collectivités. S'agit-il d'un réseau de collectivités? Pouvez-vous m'en dire plus, s'il vous plaît?
Mme Lorenzato : Il s'agit d'un réseau de collectivités. Nous sommes en contact avec plusieurs groupes communautaires. La table de discussion rassemble plusieurs groupes.
Notre objectif, c'est de consulter les réseaux existants pour apprendre de leur expérience. Nous avons des relations continues avec le RDÉE, le Réseau de développement économique et d'employabilité, et avec La Fédération canadienne-française et acadienne, de sorte que nous ne réinventons pas la roue. Nous allons chercher l'information là où elle existe.
Le sénateur Seidman : Je vous félicite, parce qu'en effet, vous n'avez pas besoin de réinventer la roue, alors que ces groupes communautaires peuvent grandement vous aider. Pouvez-vous nous envoyer la liste de ces groupes que vous consultez?
Mme Lorenzato : Oui.
M. Paradis : Nous vous enverrons la liste des membres du groupe qui représente les anglophones, le Quebec Community Groups Network.
Le sénateur Seidman : Avez-vous des contacts concrets avec ce groupe?
M. Paradis : Oui.
[Français]
Le sénateur Pépin : Je m'excuse de mon retard, monsieur le ministre. Est-ce que vous pourriez nous donner des détails sur l'entente qui est sur le point d'être signée entre le Bureau de la traduction et le COVAN? Et quelle aide le Bureau de la traduction entend-il offrir au COVAN pour répondre à ses besoins? En même temps qu'il y aura les Jeux olympiques et que l'on offrira des services de traduction, est-ce que vous serez capable de répondre aux autres services qui vous seront demandés?
M. Paradis : Merci de votre question. Je ne m'attarderai pas trop, mais je suis, moi aussi, pour la vertu. Je vais laisser Mme Kennedy parler des aspects plus techniques. C'est elle qui travaille sur cette question et elle fait un très bon travail.
Effectivement, c'est un sujet qui me tient à cœur. Je pense qu'avec le Bureau de la traduction, on a toute l'expertise requise pour venir en aide au COVAN. Comme je le disais tantôt, la traduction est la porte d'entrée. C'est l'apparence. On sait que des documents mal traduits ne démontrent pas le sérieux et la compétence.
Madame la vice-présidente l'a souligné à juste titre également. Il y a beaucoup de petites difficultés techniques. Le langage peut devenir sophistiqué ou spécialisé lorsqu'on parle de disciplines X, Y ou Z. Je pense qu'il est important d'apporter une expertise sur ce plan.
Je pose continuellement des questions à mes sous-ministres pour voir comment ça va avec nos amis de Patrimoine canadien ou avec le COVAN afin d'être certain que tout rentre dans l'ordre. Et je suis très heureux. Jusqu'à présent, on me dit que les choses avancent à notre goût. Je vais maintenant céder la parole à Mme Kennedy.
Mme Kennedy : Nous travaillons de très près avec le COVAN et nos collègues à Patrimoine canadien. Nous sommes sur le point de signer une entente, aujourd'hui ou demain. Toutes les modalités ont été finalisées. Nous avons déjà commencé le travail. Nous avons identifié une gestionnaire qui est déjà allée sur place, à Vancouver. Le travail va impliquer un effort d'une centaine de personnes. Une grande partie du travail sera effectuée ici, à Ottawa. Tout le travail rattaché aux biographies des athlètes sera fait dans la région de la capitale nationale.
L'autre volet consistera à envoyer quelques-uns de nos traducteurs chevronnés à Vancouver pour appuyer le COVAN. Nous avons développé des lexiques sur le sport et venons de terminer notre lexique sur les Jeux paralympiques. Ce document de référence sera aussi disponible. Je vous rassure tout de suite, nous avons toute la capacité pour offrir notre appui afin que les Jeux soient un grand succès.
Le sénateur Pépin : Vous offrez également des services à d'autres départements. Serez-vous en mesure de coordonner toutes vos opérations avec les Jeux olympiques?
Mme Kennedy : Tout à fait. Une partie de nos opérations se font en partenariat avec le secteur privé. Nous avons l'habitude des changements et apportons constamment les ajustements nécessaires pour assurer notre capacité à desservir notre grand réseau à travers le pays. Nous fonctionnons ainsi sur une base quotidienne sans inquiétude.
Le sénateur Pépin : Tout va donc continuer à bien fonctionner.
Mme Kennedy : Oui.
Le sénateur Mockler : Monsieur le ministre, j'aimerais aussi ajouter mes commentaires au sujet de votre performance. Vous avez passé d'une note de « C » à la note « A ». Je crois que ce résultat démontre encore une fois votre le leadership au ministère.
Ma question concerne le portail. Cette question revenait à maintes reprises lorsque j'étais ministre de la Francophonie et que nous nous trouvions à la table, que ce soit à Québec, en 2008 ou en Roumanie, en 2006. Le gouvernement peut-il rendre le Portail Termium1 disponible aux ONG?
M. Paradis : Ce site est accessible à tous gratuitement. Quiconque a accès à Internet peut accéder au portail gratuitement.
Le sénateur Mockler : Le portail est-il disponible aussi aux pays de la Francophonie?
M. Paradis : Oui, car le portail se trouve sur Internet. Quiconque peut se brancher n'aura aucun problème à accéder au portail.
Le sénateur Mockler : Est-il juste de conclure que le Canada sera le seul pays de la Francophonie à offrir ce genre de portail?
M. Paradis : Je ne pourrais vous le confirmer. Il faudrait vérifier.
M. Olivier : À ma connaissance, il n'existe aucun autre portail aussi complet dans la Francophonie. Il faudrait toutefois vérifier.
M. Paradis : Il serait intéressant d'avoir cette statistique.
Le sénateur Mockler : J'aimerais que vous fassiez parvenir au comité cette statistique. Selon mon expérience, en tant que ministre de la Francophonie, et pour avoir participé à deux sommets de la francophonie, je crois pouvoir affirmer que cet outil de travail pour le développement linguistique, tant du côté anglophone que francophone, serait le premier en son genre. Si c'est le cas, je crois que l'on devrait partager ce bijou et le faire connaître.
M. Paradis : Je suis d'accord avec vous et ce serait avec fierté.
Le sénateur Mockler : Cette fierté s'ajouterait à la conviction que nous sommes un des meilleurs pays au monde.
La vice-présidente : D'après les données que vous nous avez exposées, on ira même vers l'espagnol et nous serons peut-être trilingues ou même polyglottes.
Le sénateur Pépin : La Cour suprême du Canada a rendu une décision, dans l'affaire Desrochers, selon laquelle le gouvernement doit prendre des mesures nécessaires pour que les francophones et les anglophones contribuent d'une façon égale à la définition des services. Votre ministère a-t-il pris des mesures particulières pour répondre à la décision de la Cour suprême?
M. Paradis : J'ai soulevé deux points plus tôt à cet effet. Le Secrétariat aux Communautés de langue officielle en situation minoritaire (SCMLO) fut mis sur pied en 2007. Ce secrétariat, au sein de notre ministère, a pour mission de colliger l'information et faire en sorte qu'elle soit distribuée afin de ne pas travailler en vase clos.
Nous sommes l'acheteur du gouvernement fédéral. Des services sont offerts, bien sûr, par Travaux publics, mais beaucoup d'achats sont effectués en matière d'approvisionnement, ce qui me concerne particulièrement au niveau des PME. Comme je l'ai toujours dit depuis que je suis ministre, les PME sont pour nous une priorité. Il faut faire en sorte qu'elles aient accès aux marchés avec le gouvernement fédéral. Il serait malheureux que des personnes de talent n'aient pas accès aux marchés à cause d'un formulaire trop compliqué ou d'une mauvaise compréhension de l'information.
On retrouve des entreprises en situation minoritaire au Québec, au Manitoba, au Nouveau-Brunswick et un peu partout. Le secrétariat peut faire en sorte que, lorsque le Bureau des petites et moyennes entreprises se déplace ou fait affaires avec des PME en situation minoritaire, les services soient fournis dans la langue appropriée.
Nous avons déployé beaucoup d'efforts pour rendre le Bureau des petites et moyennes entreprises plus accessible. Nous avons même fait en sorte que le bureau se déplace sur le terrain. Toutefois, si personne ne peut communiquer avec les intervenants, ces efforts sont réduits à néant.
Nous sommes l'un des plus gros acheteurs, car nous agissons au nom du gouvernement. Il faut donc s'assurer que ceux et celles qui ont des produits à nous vendre puissent le faire.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Vous avez parlé de votre première initiative, le Programme de renforcement du secteur langagier au Canada. Cela semble être une initiative très intéressante et enthousiasmante. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet, s'il vous plaît?
[Français]
M. Paradis : Ces données proviennent de la Feuille de route pour la dualité linguistique. Nous travaillons sur deux points en particulier. Tout d'abord, on retrouve les bourses universitaires en traduction. Ce programme, se chiffrant à 8 millions de dollars, s'étend de 2008 à 2013. Nous voulons encourager l'étude dans le secteur langagier, car il manque de relève et de main-d'œuvre spécialisée.
Plusieurs défis se posent. Le secteur est en train de se réinventer avec de nouvelles technologies. Comme on me l'a indiqué au Bureau de la traduction, certaines gens qui n'ont pas les compétences s'improvisent parfois comme traducteurs. Je ne dis pas que ces personnes sont de mauvaise foi, mais il s'agit tout de même d'un travail sérieux où il peut être question d'apparence. On a vu par le passé des exemples malheureux de mauvaises traductions qui ont terni l'image du gouvernement fédéral. Il faut donc gérer ces questions sérieusement. Nous voulons donc doter le Bureau de la traduction de personnel qualifié. Pour ce faire, il faut aller en amont en encourageant les études dans ce secteur.
Deuxièmement, nous avons l'initiative de l'industrie de la langue pour laquelle un montant de 10 millions de dollars fut budgétisé sur cinq ans, soit jusqu'en 2013. Cette initiative vise à aider les industries dans le secteur langagier.
Lorsque j'ai été nommé ministre des Travaux publics, j'avais une opinion assez générale du Bureau de la traduction. Je rencontrais à l'occasion des traducteurs à la Chambre des communes sans connaître exactement leurs tâches. Je viens d'une région rurale unilingue francophone.
Cette industrie génère beaucoup de retombées, mais plusieurs défis se posent. Les gens doivent se faire connaître et beaucoup de restructuration est nécessaire. Pour optimiser le tout, on doit compter sur l'appui du gouvernement. Nous voulons favoriser l'implantation de ces industries à long terme pour assurer à la fois une relève, mais également la présence d'intervenants dans le milieu pour continuer dans la bonne voie. Ce secteur d'activités est très pointu. On m'a donné un briefing sur le sujet et j'ai été très surpris de voir toute la finesse et les subtilités qui entourent ce secteur.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Pouvez-vous nous dire pourquoi ce programme relève de Travaux publics et Services gouvernementaux?
[Français]
M. Paradis : Le programme relevait d'Industrie Canada. Or, pour plusieurs raisons, il ne cadrait plus avec ses critères. Le programme correspondait, par contre, aux critères du Bureau de la traduction.
Il y a un intérêt évident également de la part du Bureau de la traduction. C'est donc avec plaisir que nous nous sommes impliqués dans ce programme. Les experts sont chez nous, donc on est très heureux de faire partie de ce programme.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : J'aimerais répondre au sénateur Seidman, après quoi j'aurais une autre question.
Lorsque l'on parle de traduction, vous avez raison : la traduction, ce n'est pas simplement la langue, mais aussi la culture, les mots, et beaucoup d'autres choses. Je suis très heureuse que vous vous penchiez sur ce dossier, parce que pendant des années, j'ai eu des difficultés avec des interprètes qui croient qu'il suffit de connaître la langue pour traduire, il n'existe pas encore de normes professionnelles.
Je vous encourage à établir des normes, surtout en français et en anglais. Sans cela, nous n'arriverons pas à améliorer la qualité de la traduction dans notre pays.
Monsieur le ministre, j'ai une réelle inquiétude et je vais prendre le risque de vous en parler. J'en ai parlé avec d'autres, et mes collègues en ont déjà entendu parler. Je crois que le Québec dispose d'une des politiques d'immigration les plus avancées. C'est très encourageant et vous avez parlé avec enthousiasme du soutien aux petites et moyennes entreprises.
Je connais beaucoup de gens qui ont profité de la politique d'immigration du Québec, mais ensuite, ce sont ma province et les autres qui en profitent, puisque ces personnes quittent le Québec par manque de soutien. Je crois qu'il y a beaucoup de travail à faire. Ces personnes ont les compétences linguistiques mais pour une raison ou pour une autre, elles n'ont pas le soutien nécessaire.
Par conséquent, j'aimerais vous faire part de cette réflexion : Je crois qu'il faut travailler pour arriver à garder ces personnes, car notre croissance dépendra de l'immigration et nous n'arrivons pas à conserver les immigrants au Québec. Si vous avez déjà réfléchi à la question, j'aimerais avoir votre avis et vos propositions, peut-être.
M. Paradis : Évidemment, les politiques d'immigration relèvent du ministre de l'Immigration. De mon point de vue et en ce qui a trait à mon portefeuille, nous tâchons de rendre le BPME aussi facile d'accès que possible. C'est pour cela qu'il a été créé. C'était une très belle initiative en 2005 mais nous nous sommes rendu compte par la suite que trop peu de gens le connaissaient et nous l'avons rendu plus accessible.
Nous avons notre bureau principal ici, qui est plus facile d'utilisation. Sur demande, nous nous rendons dans les collectivités pour fournir les services nécessaires.
Il faut continuer de nous améliorer. Comme je l'ai dit dans mon exposé, notre bilan n'est pas parfait. Il ne sera jamais parfait, mais nous pouvons nous améliorer et c'est le défi qui nous attend. Nous avons fait passer notre cote de « D » à « B ». J'ai demandé pourquoi nous n'avions qu'un « B », alors que nous avions reçu beaucoup de « A ». Nous avons relevé nos faiblesses et nous essayons de les éliminer.
J'ai confiance, mais je vais m'assurer que le comité sait ce que j'ai l'intention de faire. Je veux m'assurer que notre BPME est efficace et accessible. C'est extrêmement important. Travaux publics et Services gouvernementaux Canada est l'acheteur du gouvernement. Les concitoyens ont le droit et devraient avoir la possibilité de faire affaire avec le gouvernement du Canada.
J'ai déjà vécu cette situation. Parce que j'étais président d'une chambre de commerce d'une région rurale du Québec, j'étais extrêmement frustré. Il fallait aller à Québec pour faire affaire avec certains ministères. C'était un vrai labyrinthe; nous étions épuisés. À notre retour, j'ai dit : « Un jour, si je le peux, je vais faire quelque chose pour régler ce problème. » C'est pourquoi je suis aussi passionné. Je l'ai déjà vécu.
Je veux faciliter la vie des PME pour qu'elles aient la possibilité de faire affaire avec le gouvernement du Canada, si elles ont quelque chose à offrir.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur le ministre, ma question sera très simple : Comment définissez-vous le concept de « mesures positives »?
M. Paradis : Le concept de « mesures positives » est une question qui revient souvent. Je comprends que ce n'est pas une mesure juridique à proprement parler. Chez nous, comme je le disais dans ma présentation, des politiques sont mises en place à l'intérieur du ministère afin de répondre à la partie VII, autant en ce qui concerne nos employés que des directives.
Donnez-moi une petite minute, je vais retrouver un document qui contient de bons exemples de « mesures positives » que je vais partager avec vous.
Premièrement, le ministère a revu ses programmes et services existants en fonction de la partie VII. La direction de la distribution des biens de la Couronne a communiqué avec plus de 420 organismes et communautés de langues officielles en situation minoritaire pour les informer de sa politique sur les ventes pour les clients prioritaires à titre d'organisme sans but lucratif. Donc, des organismes à but non lucratif transigent avec nous pour acheter les surplus des biens de la Couronne. Ce sont des sources d'approvisionnement très intéressantes pour la communauté autant que pour le gouvernement qui se débarrasse de ses surplus.
Le parallèle que je pourrais faire avec le bureau sur les petites et moyennes entreprises, c'est qu'on a contacté approximativement 420 organismes en situation minoritaire pour s'assurer que le service leur soit accessible. C'est un bel exemple.
Plus tôt, nous avons mentionné des organismes comme RDEE, Quebec Community Groups Network et Community Table; ce sont tous des intervenants dans le milieu qui se penchent sur ce sujet, qui sont en contact constant avec les gens de notre ministère, surtout au niveau du secrétariat et des communautés en situation minoritaire.
Un autre exemple que j'aime beaucoup, c'est le programme du ministère qui assure aux communautés de langues officielles en situation minoritaire des tarifs réduits au sein de certains hôtels participants, par voie de cartes d'hôtel. Je trouve la mesure intéressante. C'est une source de fierté et d'identification. Le fait de présenter cela afin d'offrir des tarifs réduits veut dire que des hôtels s'impliquent dans le programme. Au delà de faire des affaires, il y a certainement des motivations qui les amènent là.
Sans imposer de définition juridique — parce que je comprends qu'il n'y en a pas, mais je ne suis pas expert de cette loi — par contre, à l'interne — il y a des exemples comme cela —, après que les services et les programmes ont été révisés, il y a quand même des directives au plan politique qui nous permettent de prendre de telles « mesures positives ». C'est dans cette direction qu'on veut aller.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aurais une autre question à vous poser. Y a-t-il des obstacles qui rendent la mise en œuvre de vos obligations à l'égard de la partie VII plus difficile?
M. Paradis : Oui, il y en a quelques-uns.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Pourriez-vous nous en faire part?
M. Paradis : Bien sûr.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous déjà répondu à cette question?
M. Paradis : Non. De par notre nature et notre mandat, nous ne disposons pas de mécanismes de financement provenant de subventions et de contributions. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux Canada est un ministère de gestion.
Le sénateur Fortin-Duplessis : D'accord.
M. Paradis : Tantôt, j'ai fait état de bourses d'étude ou de l'initiative d'aide à l'industrie langagière, mais il s'agit d'une mesure d'aide exceptionnelle chez nous, parce qu'on n'est pas un ministère de contribution. Nous mettons en place ce programme via la Feuille de route pour la dualité linguistique, mais autrement, de par sa nature, le ministère n'est pas là. Il faut regarder à l'interne ce que l'on peut faire, comment on peut améliorer les choses à notre façon, c'est- à-dire via la gestion. Donc, oui, il y a le niveau des employés, il y a le niveau de la fourniture de services, mais surtout, il y a le fait qu'on est le ministère qui approvisionne le gouvernement canadien.
C'est là où nous devons faire davantage d'efforts, même si nous n'avons pas nécessairement les fonds qui y sont rattachés, comme un ministère qui exercerait la gestion d'une subvention avec les frais administratifs qui y sont rattachés. C'est donc un défi pour nous.
Il y a également le fait qu'il faille se conformer à la Politique sur les marchés du Secrétariat du Conseil du Trésor et au Guide de la gestion des biens immobiliers du Secrétariat du Conseil du Trésor. C'est technique, mais il n'en reste pas moins que ce sont des défis supplémentaires compte tenu de nos effectifs. Ce seront des points à surveiller.
Toutefois, il y a la volonté de mettre l'emphase là où nous pouvons effectuer une gestion et là où nos actions pourront avoir un impact sur la communauté.
La vice-présidente : Le temps qui nous était imparti est écoulé ou presque. J'aimerais en profiter pour vous remercier, Monsieur le ministre, d'avoir bien voulu accepter notre invitation. Merci également à ceux et celle qui vous accompagnent.
Bravo pour cette belle note que le commissaire aux langues officielles vous a accordée; il paraît qu'il y a encore de la place pour obtenir un « A ». L'année prochaine, vous pourrez nous dire comment vous avez réussi à obtenir une note de « A »!
Honorables sénateurs, nous allons suspendre la séance pour quelques minutes pour accueillir nos autres témoins.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La vice-présidente : Bienvenue à nouveau. Nous accueillons maintenant des représentants de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Mme Marie-France Kenny, présidente de la fédération et Mme Suzanne Bossé, directrice générale.
La FCFA a publié un rapport sur la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles le mois dernier et, dans ce rapport, elle expose sa nouvelle vision de la mise en œuvre de la loi.
Le comité a un intérêt à entendre la FCFA à ce sujet, puisqu'il étudie présentement la mise en œuvre de la Partie VII de cette loi. Mesdames, les membres du comité vous remercient d'avoir accepté leur invitation à comparaître aujourd'hui. Je vous invite maintenant à prendre la parole et les questions suivront.
Marie-France Kenny, présidente, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Madame la vice-présidente, je vous remercie d'avoir accepté de nous entendre aujourd'hui. Je suis accompagnée de Suzanne Bossé, directrice générale de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada.
Il y a maintenant un an, nous avons entamé à la FCFA un important travail de réflexion et d'analyse sur le bilan des quatre décennies de la Loi sur les langues officielles et nous sommes très fiers de vous en présenter le résultat.
Il n'y a de rien nouveau dans le constat que nous vous présentons aujourd'hui. La FCFA a parlé à plusieurs occasions, au cours de ses 34 années d'existence, des lacunes de la politique sur les langues officielles, que ce soit au niveau des services aux francophones ou de l'appui aux communautés.
Elle n'a pas été la seule. Année après année, depuis 40 ans, les commissaires aux langues officielles qui se sont succédé ont utilisé dans leurs rapports des mots comme « plafonnement », « stagnation », « détérioration » ou « manque de leadership ».
À ce niveau, le ton des rapports du commissaire Fraser ne diffère pas de celui des rapports du commissaire Yalden il y a 30 ans.
Il est difficile de comprendre pourquoi, à plusieurs égards, les choses n'ont pas changé. Et en cette fin de l'année du 40e anniversaire de la Loi sur les langues officielles, il faut se demander si l'on a appris des leçons des quatre dernières décennies et il faut se demander maintenant on fait quoi? C'est notre propos aujourd'hui. Nous sommes ici pour présenter des solutions pour que dans dix ans on n'ait pas à livrer encore une fois les constats que nous livrons aujourd'hui. Qu'on me comprenne bien, il y a certes matière à célébrer les 40 ans de la Loi sur les langues officielles cette année.
On doit en bonne partie à la Loi sur les langues officielles, les institutions, les écoles, et les services de langue française qui existent d'un bout à l'autre du Canada et qui ont permis à nos communautés de vivre mieux dans leur langue. Je ne voudrais certainement pas passer sous silence le rôle qu'ont joué sur ce plan tous les citoyens de langue française qui se sont plaints au commissariat ou qui sont allés devant les tribunaux pour faire respecter leurs droits.
D'autre part, des institutions fédérales prennent effectivement très au sérieux leurs obligations sous la Loi sur les langues officielles. Toutefois, il reste des lacunes, beaucoup trop de lacunes.
Comment se fait-il que dans trois bureaux fédéraux désignés bilingues sur quatre on ne soit pas en mesure de nous faire savoir que l'on peut être servi en français par un simple Hello/Bonjour ou encore par le pictogramme English/ Français? Comment se fait-il que la plupart du temps, la façon dont on respecte les obligations de la loi soit laissée à la discrétion de la haute direction dans chaque ministère ou agence fédéral? Parce que justement, il y a eu constamment au cours des 40 dernières années, des lacunes importantes en termes de volonté politique et administrative d'agir et d'appliquer la loi dans son intégralité. Laissées dans une large mesure à elles-mêmes, plusieurs institutions fédérales en sont venues à ne même pas faire le strict minimum pour remplir leurs obligations. À force de ne penser qu'aux obligations minimales, il nous semble qu'on en soit venu à oublier la raison pour laquelle on a créé la Loi sur les langues officielles. La Loi sur les langues officielles est un projet d'égalité réelle entre le français et l'anglais dans la société canadienne. C'est un projet de promotion de notre dualité linguistique à l'échelle du pays. C'est un projet d'appui au développement de la capacité des minorités de langues officielles de vivre et de s'épanouir dans leur langue. Quand on perd de vue ces trois objectifs, on se voue à l'échec. Il est temps de revenir à l'essentiel.
Pour atteindre ce grand objectif d'égalité, la Loi sur les langues officielles a été conçue comme un tout et non comme une série d'initiatives séparées. Par exemple, on ne peut pas vraiment dire qu'on appuie le développement d'une communauté francophone lorsque le bureau régional n'offre même pas de services en français. Encore, la réglementation est tellement complexe qu'il est difficile pour un francophone de savoir où, au juste, il a le droit d'être servi en français. Je vous donne un exemple. Si vous êtes sur la transcanadienne et que vous vous faites arrêter par la GRC, dépendamment d'où vous êtes, vous allez avoir droit au service en français, mais 10 kilomètres plus loin, vous n'y aurez pas droit et il y a une école francophone juste à côté. Évidemment, s'il y a une école francophone, il y a une communauté francophone. Parce qu'on a décidé que ce serait uniquement des statistiques qui décideraient où on a droit au service et 10 kilomètres plus loin, le pourcentage de francophones n'est pas suffisant. C'est pourquoi il faut se donner une nouvelle réglementation pour offrir des services là où se trouvent véritablement les francophones. Une réglementation qui prend en compte non plus uniquement des statistiques qui ne reflètent pas nécessairement la réalité, mais aussi le fait que s'il existe une école et un centre communautaire de langue française dans une région, c'est forcément parce qu'il y a une communauté qui habite là. Cette réglementation s'appliquerait à toute la loi. Elle définirait des façons de faire pour offrir des services qui appuient le développement des communautés en répondant à leurs besoins et qui tiennent compte du fait qu'à certains endroits le gouvernement provincial est maintenant plus généreux que le gouvernement fédéral en termes de politique linguistique. En même temps, elle définirait des mesures pour permettre aux employés fédéraux francophones de travailler dans leur langue, ce qui aurait un impact positif sur la capacité d'offrir des services en français aux citoyens. Voilà pour l'aspect des règles du jeu, maintenant, parlons de l'équipe.
La cacophonie des 40 dernières années a clairement montré le besoin d'avoir, au sein du gouvernement fédéral, un seul chef d'orchestre sur le plan des langues officielles. On doit confier la coordination de toute l'application de la Loi sur les langues officielles à une institution qui a une autorité claire sur l'ensemble de l'appareil fédéral et qui peut exiger des résultats. Cette institution, c'est le Bureau du Conseil privé. C'est là que, selon nous, doit se retrouver la responsabilité suprême pour le dossier des langues officielles.
Voilà pour le capitaine. Mais il y a également trois autres joueurs très importants dans l'équipe, ils sont nommés en toutes lettres dans la loi. Il s'agit de Patrimoine canadien, du ministère de la Justice et du Conseil du Trésor. Ces trois institutions sont sur la ligne de front quand on parle de l'application et du respect de la loi. Il est important qu'elles travaillent ensemble. Nous proposons qu'il y ait un protocole d'entente entre ces trois institutions afin d'assurer que tout ce qui se fait en matière de langues officielles se travaille à trois et non de façon séparée.
Cela n'enlève rien à la responsabilité qu'a le reste de l'équipe, le reste de l'appareil fédéral par rapport aux langues officielles. Il y a dans chaque ministère, dans chaque agence des employés qui croient à l'importance de la Loi sur les langues officielles, qui veulent agir pour en assurer le respect. Trop souvent, ils sont isolés. Trop souvent on relègue le bureau responsable des langues officielles dans un coin. Nous proposons un changement de culture. Il faut décloisonner, il faut ouvrir et faire en sorte que la question des langues officielles soit présente partout dans chaque ministère, que l'institution au complet devienne un champion sur ce plan.
En troisième lieu, parlons de nous, les francophones. Il faut des mesures pour que les communautés puissent influencer toutes les étapes de l'élaboration des programmes et des politiques qui ont un impact sur elles, mais surtout, il faut que les institutions fédérales soient contraintes de démontrer comment elles ont consulté les communautés et comment elles répondront aux besoins exprimés lors de ces consultations. À cet égard, il faut que les institutions fédérales soient imputables des mesures qu'elles prennent pour appuyer le développement et l'épanouissement de nos communautés.
Enfin, parlons de l'arbitre. Depuis 40 ans, les six personnes qui ont occupé les fonctions de commissaire aux langues officielles ont fait un travail exceptionnel et je tiens à le souligner. Tous, étaient des gens brillants et le sont toujours, qui ont tout mis en œuvre pour faire progresser la dualité linguistique au Canada. Mais il reste qu'on ne les écoute que lorsque ça fait notre affaire.
Pourtant, ce que nous voulons, c'est que la Loi sur les langues officielles soit prise au sérieux par tous et toutes. C'est pourquoi nous proposons d'explorer la possibilité d'un pouvoir accru qui permettrait au commissaire d'exiger des mesures correctives des institutions fédérales qui ne respectent pas leurs obligations ainsi qu'un pouvoir de sanction à l'égard de ces institutions pour assurer que les mesures correctives soient effectivement mises en place.
Voilà donc ce que nous proposons. Cette approche, nous la présentons dans un esprit d'ouverture et de dialogue avec le gouvernement dans une volonté de trouver ensemble des solutions aux lacunes que les communautés francophones et acadiennes, les commissaires aux langues officielles, les comités parlementaires sur les langues officielles, le Comité sénatorial des langues officielles et bien d'autres déplorent année après année depuis quatre décennies.
Je vous remercie. Je suis prête à répondre à vos questions.
Le vice-président : Merci beaucoup, madame Kenny. La première question sera posée par le sénateur Tardif.
Le sénateur Tardif : Merci, madame la vice-présidente. Je tiens à féliciter la FCFA pour l'important travail de réflexion et d'analyse qu'elle a fait menant à des recommandations pour une nouvelle vision, une nouvelle approche pour la mise en œuvre de la Loi sur les langues officielles. Vous avez plusieurs excellentes recommandations.
Si les progrès linguistiques devaient dépendre d'une étape clé, quelle serait-elle, à votre avis?
Mme Kenny : En isoler une seule serait assez difficile. Les trois premières recommandations exigeraient des changements sur le plan de la réglementation et de l'administration du programme des langues officielles.
La dernière recommandation exigerait une modification à la loi. Si on prenait les trois premières recommandations, soit celles de revoir la réglementation, la consultation et la gouvernance, je ne suis pas certaine qu'on aurait besoin de donner des pouvoirs accrus à un commissaire puisque je pense qu'on réglerait une grande partie des lacunes identifiées.
Sur le plan de la réglementation et de la gouvernance, la gouvernance est très importante parce qu'à l'heure actuelle, les trois ministres nommés ne peuvent pas se dire un à l'autre quoi faire et de rendre des comptes. Cela ne se fait pas d'un ministre à l'autre. C'est pourquoi on suggère une autorité ultime au Conseil privé, qui pourrait leur dire qu'ils sont responsables de la mise en œuvre et des résultats. Il y a actuellement une imputabilité sur le plan de la mise en œuvre et sur l'apport de solutions, mais on ne demande pas de compte quant à l'impact et aux résultats de ces mises en œuvre.
Le sénateur Tardif : Entre 2002 et 2006, une coordination se faisait parce que le Secrétariat des langues officielles était placé au Conseil privé. Par la suite, cela a été déménagé à Patrimoine canadien.
Croyez-vous qu'on n'aurait pas dû prendre la décision de déménager le secrétariat qui s'occupe des langues officielles et de le retourner à Patrimoine canadien?
Mme Kenny : Il y a très certainement eu un impact, mais un ministre ne peut pas dire à un de ses pairs ce qu'il doit ou non faire, tandis que le Bureau du Conseil privé avait cette autorité. Oui, c'était un recul au plan de l'application, mais surtout au plan de la reddition de comptes quant à l'impact des initiatives mises en œuvre, parce que ces trois ministères particulièrement visés et nommés dans la loi sont responsables de mettre en œuvre des initiatives. Toutefois, personne ne leur demande de rendre des comptes quant aux résultats de ces initiatives.
Le sénateur Tardif : Croyez-vous que la Feuille de route pour la dualité linguistique a suffisamment précisé les objectifs? Et comment pourrions-nous savoir si les résultats sont atteints pour la Feuille de route pour la dualité linguistique?
Suzanne Bossé, directrice générale, Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada : Il est clair que le gouvernement a récemment publié son cadre de gestion d'imputabilité dans l'évaluation. Une structure a été mise en place. Par contre, il est clair qu'il y a beaucoup de chemin à parcourir avant de rédiger un calendrier et déterminer qui sera à la table. Déjà, au départ, en établissant les cibles de rendement et les indicateurs de rendement pour chacun des ministères, les communautés n'ont pas toujours été consultées.
Il est certain qu'on a des questions, à savoir : comment ces cibles ont été identifiées? Quel était le point de départ? Et pourquoi un tel pourcentage par rapport à un autre? Tout cela a déjà été identifié auparavant par les communautés. On a demandé d'être impliqués dans les prochaines étapes de cette évaluation. On attend une rencontre qui serait organisée par le Secrétariat des langues officielles à cet effet.
Le sénateur Tardif : Y a-t-il eu consultations à ce jour?
Mme Bossé : Pas par tous les ministères. Même, que dans certains cas, des ministères ont fait des consultations, mais les cibles de rendement qui ont été identifiées dans le cadre de la feuille de route ne sont pas celles qui ont été discutées et identifiées lors des consultations.
Le sénateur Tardif : Vous avez des explications pour cela?
Mme Bossé : Non. Le seul élément d'information qu'on a eu est que cela n'a pas été un processus harmonisé dans l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
Mme Kenny : C'est-à-dire que chaque ministère ou institution choisissait ou non de consulter en établissant les cibles et les mesures. Dans certains cas, il y a eu les consultations, et les cibles qu'avait fixées la communauté sont différentes de celles fixées par les ministères.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : Je connais votre organisation, mais pas très bien. Je sais que vous êtes très actif dans ma province, en Colombie-Britannique. Combien comptez-vous de membres? Comment faites-vous pour en recruter davantage?
Mme Kenny : Nous comptons 22 membres. Toutes les agences satellites des provinces et des territoires sont membres de notre organisation, ainsi que plusieurs organisations nationales qui représentent le domaine culturel, les parents, les personnes âgées et le milieu de la santé. Nous acceptons tous ceux qui souhaitent se joindre à nous. Ces organisations représentent les francophones de leur province ou de leur territoire. Nous représentons tous les artistes francophones à l'extérieur du Québec également.
Le sénateur Jaffer : Qu'appelez-vous « un artiste francophone »?
Mme Kenny : Les définitions peuvent être très larges. Je crois que ce sont des concepts différents pour chacun. Pour moi, un artiste francophone, c'est quelqu'un qui écrit, produit, parle ou fait son interprétation en français.
Le sénateur Jaffer : Vous considérez un danseur arabe sur de la musique française comme un artiste francophone.
Mme Kenny : Tout à fait. Nous avons plusieurs artistes anglophones qui écrivent et se produisent en français et je les considère comme des artistes francophones.
Vos propositions concernant la consultation m'intéresse.
Mme Kenny : Oui.
Le sénateur Jaffer : J'aimerais en apprendre davantage sur la participation active. Pouvez-vous nous donner des exemples de pratiques exemplaires utilisées par les institutions fédérales en matière de consultation? Comment le gouvernement fédéral devrait-il s'y prendre pour consulter les groupes concernés? Je suis impatiente de vous entendre parce que vous avez des représentants partout au pays et vous avez beaucoup à nous apprendre.
Mme Kenny : Absolument. Il y a plusieurs bonnes pratiques. Nous sommes un organisme à but non lucratif. De toute évidence si tous les ministères doivent frapper à notre porte pour nous consulter, c'est une perte de temps pour les ministères et pour nous. Les conseils fédéraux de certaines provinces utilisent des pratiques exemplaires. Tous les ministères se rassemblent et consultent une collectivité à un moment donné. Si quelqu'un crée des projets qui nous concernent, nous voulons être consultés. Si vous concevez des projets de façon générale, nous voulons aussi être consultés. Nous voulons savoir ce que vous avez pris en compte. Nous ne disons pas qu'il faut faire tout ce que nous demandons. Nous comprenons que chaque ministère a son propre mandat. Le ministère de l'Agriculture s'occupe d'agriculture et le ministère des Pêches et des Océans s'occupe des pêches. Chaque ministère a son propre mandat et ses paramètres, mais il s'agit de déterminer quel rôle nous pouvons jouer et comment nous pouvons collaborer à l'intérieur de ces paramètres?
Une des meilleures pratiques que j'ai observées a été la présentation conjointe d'une composante sur les langues officielles par plusieurs conseils provinciaux-fédéraux. Partout au pays, il y avait des conseils fédéraux qui disposaient de financement pour s'occuper des langues officielles. Certains existent encore.
Mme Bossé : J'aimerais ajouter quelques mots. L'un des bons exemples récents de consultation est notre collaboration avec Patrimoine canadien pour la conception du nouveau programme linguistique, après l'abolition de l'ancien. La FCFA représentait toutes les collectivités francophones; elle a coopéré avec Patrimoine canadien à toutes les étapes de la conception du programme, en respectant les paramètres établis par le ministère. Nous avons été consultés tout au long du processus, et le ministre Moore a lancé le programme en septembre. C'est un excellent exemple à suivre.
La vice-présidente : Nous verrons à ce que le ministre soit mis au courant de votre appui.
Le sénateur Seidman : J'ai hâte de lire votre document, La loi sur les langues officielles : Une nouvelle approche — Une nouvelle vision. Dans ce document, que vous nous avez résumé aujourd'hui, vous recommandez que le gouvernement adopte un règlement universel pour la mise en œuvre intégrale de la Loi sur les langues officielles y compris la partie VII.
L'ancien juge Bastarache, lorsqu'on lui a demandé ce qu'il pensait du règlement présenté par le gouvernement pour mettre en œuvre la partie VII, a répondu que c'était possible, mais difficile, puisque le règlement devait tenir compte des spécificités des ministères et des programmes.
Nous avons également entendu le témoignage du commissaire aux langues officielles, qui, à la réglementation, préfère une approche pragmatique basée sur des mesures positives et la coopération entre une institution fédérale et une collectivité donnée.
J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Mme Kenny : La réglementation dont il est question relève de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, soit les fameux 5 p. 100; si votre groupe minoritaire représente plus de 5 p. 100, vous avez droit à des services en français. C'est le règlement en vigueur. Il est basé sur des statistiques, des statistiques statiques, alors que les collectivités et les temps ont changé. Les différentes parties de la loi ont été compartimentées. La partie IV porte sur le service à la population; la partie V, sur le droit des employés fédéraux à travailler dans la langue de leur choix dans des régions désignées; et la partie VII, sur l'épanouissement des communautés linguistiques en situation minoritaire.
Or, on ne peut favoriser l'épanouissement des communautés linguistiques en situation minoritaire si on ne leur offre pas des services, lesquels ne peuvent pas être fournis si on ne donne pas aux employés les outils nécessaires pour offrir ces services en français. Ce que l'on propose, c'est d'adopter un règlement universel qui relierait toutes les parties de la loi, plutôt que les compartimenter.
Ce que nous essayons de dire, c'est que les différentes parties de la loi sont interdépendantes. Nous ne devrions pas les cloisonner, mais plutôt les unir.
Je suis d'accord avec l'ancien juge Bastarache et le commissaire aux langues officielles au sujet des lacunes de la réglementation. Ce qu'il faut faire, c'est établir des normes minimales. Or, on craint qu'ainsi, les gens ne s'en tiennent qu'au strict minimum.
La Loi sur les langues officielles était une loi sociétale. Elle a été créée pour que tous les citoyens canadiens soient égaux. Nous devons donc envisager la loi dans son ensemble, et se concentrer sur les principaux objectifs de celle-ci, plutôt que de créer des règlements pour chacune des dispositions — il faut des lignes directrices, très certainement, mais pas un règlement pour la partie VII.
Nous ne recommandons pas l'adoption d'un règlement pour la partie VII. Nous proposons plutôt un examen de la réglementation en vigueur en vertu de la partie IV de la loi.
Le sénateur Seidman : En gros, selon vous, le règlement ne devrait porter que sur la partie IV, est-ce exact?
Mme Kenny : Nous devons nous pencher sur la partie IV. Il n'y a un règlement que pour cette partie en ce moment. Ce que nous souhaitons, c'est qu'on étudie la question complexe des minorités composant 5 p. 100 de la population dans une zone donnée, en fonction uniquement de la région desservie par un ministère. Nous ne recommandons pas l'adoption d'un règlement en vertu de la partie VII.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai trouvé vos recommandations très intéressantes.
J'aurais deux questions à vous poser. Pouvez-vous nous expliquer les démarches que vous avez entreprises auprès des représentants gouvernementaux, des parlementaires et des institutions fédérales afin de les convaincre du bien- fondé de votre nouvelle vision?
Mme Kenny : Nous avons publié le document ou nous l'avons rendu public la semaine dernière. À la suite de la conférence de presse que nous avons tenue la semaine dernière, nous avons rencontré le ministre Moore et M. Layton. Nous avons également comparu devant le comité de la Chambre des communes. Nous sommes ici aujourd'hui et nous accordons plusieurs entrevues. Nous recevons des demandes de rencontre avec les différents ministres, donc le ministre de la Justice et le président du Conseil du Trésor. Nous continuons nos démarches politiques sur ce plan et nous avons également rencontré le commissaire aux langues officielles.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Justement, est-ce que le commissaire aux langues officielles est d'accord avec cette nouvelle vision?
Mme Kenny : Comme le document est tout récent, ce qu'on nous dit au bureau du commissaire, c'est qu'on est intéressé par ce qu'on a à dire, mais que cela demande une analyse très approfondie.
On n'arrive pas avec des solutions très concrètes comme : « Voici ce que vous devez faire et voici ce qu'on doit faire. » C'est un projet de toute une société. C'est aux différents intervenants clés — entre autres ce comité, le comité de la Chambre des communes, les ministres qui sont touchés, le Bureau du commissaire aux langues officielles — de s'asseoir et d'explorer les différentes possibilités que nous avançons.
On n'est pas arrivé en disant : « Changeons le règlement pour telle et telle chose. » Pour nous, ce n'était pas logique de le faire. Je dois vous avouer qu'étant un organisme sans but lucratif, on n'avait ni les ressources ni l'expertise pour le faire. Cependant, il nous apparaît clair qu'il faut des changements. Il est incroyable qu'après 40 ans, on ne soit pas en mesure de faire une offre bilingue dans les trois quarts de nos bureaux.
Le sénateur Pépin : Chacun travaille dans sa petite boîte. Vous proposez qu'ils se mettent ensemble pour trouver une solution plus appropriée.
Mme Kenny : Exactement.
Le sénateur Pépin : Les institutions fédérales respectent-elles leurs obligations quant à la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles? Est-ce que ces institutions performent mieux? Quelles sont les institutions qui performent mieux et celles qui performent moins? Et quels sont les éléments manquants pour qu'elles puissent mettre en œuvre la partie VII?
Mme Kenny : On l'a bien dit dans notre document. Il y a des ministères et des sociétés d'État où cela va très bien. Je ne pourrais pas vous en nommer à brûle-pourpoint. Il y en a d'autres où cela va vraiment moins bien. On parle de cacophonie. Chaque ministère est laissé à lui-même. On dit : « Travaillons ensemble. » Il y a eu, au fil des 40 ans, un manque de volonté politique administrative. Je ne blâme pas un gouvernement quelconque.
Des gens qui travaillent sur le terrain ont plein d'initiatives et se font arrêter en haut. Dans d'autres cas, il y a une volonté en haut, mais il n'y a pas nécessairement la volonté de le faire plus bas. Je dois dire que si la volonté ne part pas d'en haut, cela ne fonctionnera pas, peu importe le degré d'initiative ou d'intelligence des employés qui proposent des mesures. Il faut que cela parte d'en haut. Il faut qu'il y ait un engagement clair et solide. C'est une loi et nous allons l'appliquer de façon intégrale.
Le sénateur Pépin : À mesure que vous parliez, j'ai noté le Conseil privé et les différents ministères qui s'y rapporteraient comme Patrimoine canadien, Justice Canada et le Conseil du Trésor. En dessous, il y aurait le commissaire aux langues officielles qui y travaillerait conjointement.
Mme Kenny : Oui. Pour nous, il est clair qu'on veut qu'ils conservent les pouvoirs qu'ils ont actuellement. Il faut que le commissaire aux langues officielles soit encore l'ombudsman et qu'il fasse des études et qu'il présente des rapports. Ce rôle est essentiel. Cependant, une fois qu'il a enquêté et qu'il a dit : « Vous avez contrevenu à la loi », il devrait pouvoir revenir en disant : « Vous devez apporter tel et tel correctif. » Et si ce n'est pas fait, il devrait avoir un pouvoir de sanction. Donc on parle de pouvoirs qui sont progressifs.
Le sénateur Pépin : Quand on parle des éléments manquants actuellement, il y a effectivement un manque de travail en équipe pour que la partie VII soit appliquée?
Mme Kenny : Tout à fait.
Mme Bossé : Je voudrais ajouter un élément. Il est certain que lorsqu'on parle de changement sur le plan de la gouvernance, lorsqu'on parle d'un rôle du Conseil privé, cela demande une intervention du bureau du premier ministre. On vise une volonté manifeste de changement en ce sens. On va, bien entendu, revoir le ministre Moore. On a fait une demande de rencontre avec M. Harper, le premier ministre, et on espère recevoir des réponses positives afin de poursuivre ce dialogue amorcé depuis presque deux semaines.
Le sénateur Pépin : Vous êtes sur le terrain alors vous savez ce qui se passe.
La vice-présidente : Je vais me permettre d'intervenir suite à votre dernière phrase, madame Kenny. Lorsque vous voulez donner ce pouvoir au commissaire, c'est-à-dire d'exiger des mesures correctives et de sanctionner les institutions, qu'est-ce que vous envisagez comme sanction?
Mme Kenny : Quand on parle de sanctions, cela peut être différentes choses.
La vice-présidente : C'est pour cela que je vous le demandais.
Mme Kenny : Oui. Nous parlons de la possibilité d'explorer; nous ne nous sommes pas arrêtés concrètement à comment cela se traduirait.
Par exemple, au Nunavut, il y a une Loi sur les langues officielles parce qu'il y a trois langues officielles au Nunavut. Et s'il était prouvé que quelqu'un avait contrevenu ou exercé une discrimination par rapport aux langues officielles, cette personne serait assujettie à une amende qui irait dans un Fonds pour la communauté francophone — si c'était francophone — pour la promotion de la communauté et des droits linguistiques.
La vice-présidente : Bon. Continuons.
[Traduction]
Le sénateur Jaffer : J'aurais une question concernant les moyens de communication électronique modernes. Je ne comprends pas qu'on ne puisse pas trouver de moyen pour donner à la population un accès plus rapide au gouvernement et pour communiquer. Votre organisation essaie-t-elle de trouver des façons novatrices de mener des consultations?
Mme Kenny : Non, ce n'est pas nous qui avons l'obligation de mener des consultations. Évidemment, nous participons à celles-ci. Nous sommes une organisation à but non lucratif; tous nos membres le sont également, et nos ressources sont déjà utilisées au maximum. Je ne veux pas parler d'argent, mais c'est presque impossible. Nous n'avons pas les ressources nécessaires pour nous occuper de ce genre de travail.
C'est au gouvernement qu'il incombe de le faire. Nous sommes ravis d'être consultés, et nous utiliserons avec plaisir les méthodes choisies, tant et aussi longtemps qu'elles fonctionnent pour tous. Comme vous l'avez dit, rien ne nous empêche de le faire, que ce soit par voie électronique ou autre. Cependant, il y a évidemment des façons de consulter les collectivités.
[Français]
Le sénateur Tardif : Avant de poser ma question, j'aimerais vous demander une clarification suite à une question posée par le sénateur Seidman.
Si je comprends bien, vous suggérez une modernisation de règlement pour la partie IV qui traite des services au public dans le cadre de la Loi sur les langues officielles. Cependant, vous n'êtes pas en faveur de l'ajout d'un règlement, tel que prévu à l'article 41 de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Mme Kenny : Ce n'est pas ce que l'on demande. Comme je l'ai dit tout à l'heure, nous voudrions un règlement universel qui tienne compte des différentes composantes de la loi.
Cela pourrait peut-être se traduire par des règlements au niveau de la partie, mais cela n'est pas ce que l'on avance. Nous sommes conscients qu'en créant un règlement comme on l'a fait avec le fameux concept du 5 p. 100, on s'en va vers le strict minimum. Et on se dit qu'un projet de société d'une société canadienne comme la nôtre, un grand peuple comme le nôtre ne devrait pas se contenter du strict minimum. Notre crainte, donc, en ajoutant une réglementation à la partie VII, c'est qu'ensuite on s'en tienne au strict minimum. Nous voudrions pouvoir observer l'interdépendance des différentes parties de la loi. En effet, afin d'arriver à l'épanouissement, il faut offrir les services; et si on veut offrir les services, il faut donner aux employés les outils pour offrir ces services.
Par contre, la partie IV, tout de suite c'est là; vous êtes 5 p. 100 et vous avez le service, sinon vous ne l'avez pas. Et c'est tout. C'est un règlement qui est à la fois complexe et statique, et qui ne tient pas compte de nos réalités.
Le sénateur Tardif : Je suis tout à fait d'accord avec la nécessité de voir la Loi sur les langues officielles comme un ensemble puisque toutes les parties se complètent les unes les autres.
Je viens de l'Alberta et si l'on considérait que les services ne sont offerts que là où ils peuvent s'adresser à 5 p. 100 de la population, cela voudrait dire qu'aucun service ne serait offert en français, car, dans les faits, la population est à un niveau de 2 p. 100, sauf peut-être dans certaines régions. Et même à cela, je ne crois pas que l'on arrive au niveau du 5 p. 100, même avec cinq conseils scolaires et 30 écoles francophones dans la province.
Ma question porte sur la partie VII et sur les « mesures positives ».
Avez-vous obtenu dans vos négociations ou discussions avec les ministères, une définition de ce qu'eux entendent par « mesure positive »?
Mme Kenny : Non. À la suite de la modification de la loi, il y a eu des réunions d'information. Je vous le dis tout de suite; je viens de l'appareil fédéral et je gérais un programme national des langues officielles au sein d'une société d'État fédérale et j'ai moi-même, lorsque la loi a été modifiée, assisté à plein d'ateliers où l'on me parlait de ce qu'est une « mesure positive ». Pas une définition n'était pareille selon les différents intervenants. Il n'y a donc pas de définition commune. Je vous dirais que nos ministères, à l'heure actuelle, ne s'entendent pas de façon uniformisée à savoir ce qu'est un francophone.
Plus tôt, le sénateur Jaffer m'a demandé ma définition de ce qu'est un francophone. Ma définition peut être différente de celle de Mme Bossé, et nos ministères n'ont pas défini ce qu'est un francophone ou ce qu'est une « mesure positive » et comment cela se traduit.
Pour moi, une « mesure positive » se décide avec la communauté. Un ministère doit rencontrer la communauté, énoncer son mandat et établir ce qui peut être fait au sein de la communauté et comment travailler avec elle. Pour moi, ce sont des mesures positives. Mais chaque ministère est un peu laissé à lui-même relativement à cette partie de la loi.
Le sénateur Tardif : Croyez-vous que Patrimoine canadien, responsable de la coordination des Lois sur les langues officielles, joue un rôle de leadership dans cette définition? Ainsi que Justice Canada? Avez-vous reçu des avis à ce sujet? Qu'en pensez-vous?
Mme Kenny : Très certainement, Patrimoine canadien a été un des premiers à donner une définition ou à apporter un peu de viande à la partie VII de la loi. On a entendu les experts du commissaire aux langues officielles; on a entendu Justice Canada et plusieurs autres. Mais encore là, c'est très flou. Et si c'est très flou pour moi qui gérais un programme national, imaginez donc comment c'est flou pour la personne en région qui doit favoriser l'épanouissement des communautés.
Ce n'est pas très concret encore. Également, cela n'est pas tellement connu non plus. À l'intérieur d'un même ministère, je ne suis pas certaine que l'on s'entende à ce jour sur une seule définition.
Le sénateur Tardif : Que suggérez-vous pour remédier à cette situation?
Mme Kenny : Des rencontres et des consultations avec les communautés. Les communautés ne veulent pas seulement que les ministères leur offrent des services; elles veulent travailler de concert avec les ministères pour savoir quels projets pourraient être réalisés dans le cadre des paramètres des ministères. Il ne faut pas s'attendre à ce que le ministère de l'Agriculture vienne faire de la pêche à Regina, mais nous voudrions que dans le cadre de son mandat il rencontre la communauté et voit s'il n'y a pas des projets à réaliser. Peut-être qu'il n'y en aura pas, mais il y a fort à parier qu'il y aura des projets où le ministère et la communauté pourront travailler ensemble. Je parle de véritables partenariats et de collaboration.
Le sénateur Tardif : Les gens nous disent de tenir des ateliers de sensibilisation avec leurs employés, mais vous me dites que cela ne suffit pas et que cela prend de la consultation.
Toutefois, est-ce que dans le processus de consultation on tient compte de l'impact que ces décisions auront sur les communautés?
C'est beau de dire que l'on a consulté les communautés, mais la deuxième étape consiste à tenir compte de ce que les communautés nous disent.
Mme Kenny : C'est pour cela que dans notre document toute une partie traite de la consultation. Non seulement nous voulons être consultés, mais on veut que l'on rende des comptes sur comment on a tenu compte des consultations auprès de la communauté.
Et à nouveau, je veux être bien comprise. Nous ne voulons pas que parce qu'on nous a consultés et que nous avons dit « blanc », tout le monde dise « blanc ». On veut que l'on tienne compte de nos consultations. Et si on ne tient pas compte de certains éléments, qu'on explique pourquoi et qu'il y ait un raisonnement derrière ce qu'on a retenu ou non.
Mme Bossé : Actuellement, il n'y a pas d'imputabilité au niveau des impacts des programmes et services. Dans le cadre de la feuille de route, le cadre de gestion et d'évaluation prévoit une évaluation de la livraison des actions, mais pas une évaluation des impacts de ces initiatives.
C'est certain qu'au départ, dans nos premières rencontres avec Patrimoine canadien et le Secrétariat aux langues officielles, les communautés ne figuraient pas dans la structure d'évaluation et des intervenants qui allaient participer à ce processus d'évaluation.
Maintenant, on y est. Il ne reste qu'à tenir ces rencontres. Une première rencontre communauté/ministères devait avoir lieu ce mois-ci, mais elle a été reportée au printemps 2010.
Et ce sera, je pense, un début de définition de ces « mesures positives » et de ces cadres d'évaluation. Et puis peut-être que l'on pourrait discuter des indicateurs de rendement. Je pense que c'est un début, et on attend une date avec impatience.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Vous avez dit que l'égalité tangible de l'anglais et du français, la promotion de la dualité linguistique dans l'ensemble du pays et l'appui au développement et à l'épanouissement des communautés de langue officielle en situation minoritaire doivent devenir des valeurs fondamentales de la société canadienne.
Je dois dire que, puisque je fais partie de la minorité de langue anglaise du Québec, je compatis tout à fait.
Au Québec, nous avons le Quebec Community Groups Network, une organisation plutôt semblable à la vôtre. Avez-vous discuté de votre nouvelle vision avec les responsables de ce groupe? Collaborez-vous avez eux?
Mme Kenny : Nous leur avons en effet parlé, et ils ont reçu également le document. Nous sommes tout à fait conscients qu'il s'agit là de notre homologue anglophone au Québec, lequel est aussi concerné que nous. Toutefois, je dois dire que nous avons tendance à considérer la Loi sur les langues officielles comme la « loi des francophones » et la « loi pour les francophones hors Québec », parce que c'est nous qui nous plaignons le plus de l'absence des services visés par la Loi sur les langues officielles.
J'irais même jusqu'à dire que la plupart des plaintes déposées au bureau du commissaire proviennent de francophones. Oui, nous avons assurément discuté avec cet organisme à ce sujet, mais également dans le cadre d'autres projets.
[Français]
Le sénateur Mockler : Pour ma part, je suis confus — mais cela ne sera pas la première fois. C'est parce que je trouve qu'il y a une déconnexion lorsqu'on parle de manque de volonté administrative. Je prenais connaissance du document que vous nous avez dévoilé la semaine dernière; est-ce que tous vos membres ont été consultés pour la présentation de ce document?
Mme Kenny : Oui, absolument.
Le sénateur Mockler : Quel processus avez-vous utilisé?
Mme Kenny : Pour consulter nos membres? C'était un comité nommé par les membres qui a mené la réflexion, et le document a été adopté par le conseil d'administration, donc par l'ensemble de nos membres.
Le sénateur Mockler : Si on va à la conclusion du document, à la page 20, sondage après sondage la majorité des Canadiens disent que « le fait d'avoir deux langues officielles est un atout pour leur pays et il est difficile de comprendre pour quelles raisons nous n'avons pas davantage cherché à tirer profit de cet état de fait, de cet atout ». C'est vrai que c'est un atout. Je suis parfaitement d'accord avec vous. Est-ce qu'il y a des régions du Canada qui l'utilisent davantage que d'autres?
Mme Kenny : Le français?
Le sénateur Mockler : L'atout d'avoir deux langues officielles, d'être bilingue.
Mme Kenny : Il y a de plus en plus, comme nous le disons, une ouverture. Si on regarde la conférence ministérielle, elle comprend tous les ministres responsables, dans leurs provinces et territoires, des services en français. Il y a là une grande prise de conscience et une ouverture des provinces et territoires à travailler avec les communautés francophones. Il y a vraiment un ministre responsable des services en français dans chacune des provinces et territoires — y compris au Québec, évidemment, mais le Québec, c'est davantage intergouvernemental. Dans les autres provinces et territoires, il y a cette ouverture, absolument.
Le sénateur Mockler : Est-ce qu'il y a certaines régions du pays ou certains ministres dans certaines provinces pour qui c'est plus évident que pour d'autres?
Mme Kenny : Au niveau de la province comme telle? Je dirai que nous avons des défis dans chacune des provinces, mais que nous avons quand même de belles réussites. Pour ne parler que de certaines initiatives, en Saskatchewan il y a un comité qui se penche sur tous les services en français et qui relève directement de la ministre responsable. C'est un comité qui relève du Cabinet, finalement, pour veiller à la mise en œuvre des services en français selon la politique de la Saskatchewan.
Ce n'est qu'un exemple; on a parlé du Nunavut tantôt qui a une loi assez « béton » sur les langues officielles. C'est un autre exemple où ça va très bien. Il y a des régions où cela reste encore un défi.
Le sénateur Mockler : Dernière question, est-ce que vous avez schématisé chacune des provinces avec leurs succès depuis 40 ans?
Mme Kenny : Avec le gouvernement provincial toujours?
Le sénateur Mockler : Conjointement avec le gouvernement fédéral.
Mme Kenny : Je vous dirais que non; nous ne l'avons pas fait, mais les organismes porte-parole territoriaux et provinciaux l'ont certainement fait. Ils pourraient vous donner un très bon historique du cheminement qu'ils ont fait.
Un autre bel exemple, qui peut être aussi une possibilité à explorer dans tout ce contexte, ce sont les services au Manitoba, où le fédéral, le provincial et le municipal travaillent ensemble pour offrir des centres de services bilingues, une zone de confort. C'est un très bel exemple d'initiative fédérale, provincial — et municipale d'ailleurs.
Le sénateur Mockler : Est-ce que c'est possible, avec votre organisme, de schématiser ce que fait chaque province, et peut-être que l'on pourrait emprunter, comme vous le dites, au Manitoba — je sais qu'ils l'ont emprunté du Nouveau- Brunswick et aussi de l'Île-du-Prince-Édouard; et je sais que l'on a emprunté aussi à la Nouvelle-Écosse — mais est-ce que ce serait concevable que vous puissiez identifier ce qui se passe dans d'autres provinces pour permettre, peu importe le gouvernement, au gouvernement fédéral de voir exactement ce qui entre et ce qui sort pour la communauté francophone?
Mme Kenny : Oui, on pourrait très certainement demander à nos membres. Il faudrait voir justement ce que l'on veut mesurer et la raison de cette mesure, de l'exercice. Qu'est-ce que vous cherchez à obtenir comme renseignements et à quelles fins serviront ces renseignements par la suite?
Le sénateur Mockler : C'est juste une observation et je termine là-dessus, il est dit à la page 8 que les francophones reçoivent des services en français dans seulement 75 p. 100 comparativement à 25 p. 100 des bureaux. Ce qu'on veut obtenir c'est 100 p. 100.
Mme Kenny : C'est du ressort du fédéral et non pas du provincial.
Le sénateur Mockler : C'est pour cela que j'ai posé la question au préalable, c'est pour servir au fédéral et vice-versa.
Mme Kenny : Je comprends.
Le sénateur Mockler : C'est parce qu'il y a souvent une déconnexion. Je pense que c'est un rôle que vous, Mme Kenny, pouvez jouer comme observateur.
Mme Kenny : Tout à fait; c'est bien compris, merci.
Le vice-président : Merci beaucoup, sénateur Mockler. Le temps qui nous était imparti aujourd'hui est écoulé, je veux vous remercier très sincèrement, madame Bossé et madame Kenny. Continuez votre beau travail. Ce que vous nous avez appris aujourd'hui se retrouvera sûrement dans notre prochain rapport. Je vous remercie beaucoup. Honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)