Délibérations du Sous-comité sur la Santé des populations
Fascicule 3 - Témoignages du 26 mars 2009
OTTAWA, le jeudi 26 mars 2009
Le Sous-comité sur la santé des populations du Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui, à 10 h 45, pour poursuivre son étude sur les divers facteurs et situations qui contribuent à la santé de la population canadienne, appelés collectivement les déterminants de la santé (sujet : politique en matière de santé des populations pour les peuples autochtones).
Le sénateur Wilbert J. Keon (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : La séance est ouverte. Je ne vais pas présenter tout le monde tout de suite. Je vais plutôt présenter chacun des intervenants au moment où il prendra la parole, pour que ça aille plus vite, puisque nous allons entendre de nombreux témoins. Nous avons très hâte de les écouter.
Je ferai cependant une exception. M. Jeff Reading apparaît à l'écran. Il témoigne depuis Victoria.
Nous allons commencer par Mme Kathy Langlois, directrice générale, Direction des programmes communautaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada. Elle est accompagnée de Mme Catherine Lyons, directrice générale, Direction de la planification et de la gestion des affaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada, ainsi que de Mme Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada.
Kathy Langlois, directrice générale, Direction des programmes communautaires, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : Au nom de Santé Canada, j'aimerais vous remercier de nous avoir invitées à nous adresser à vous aujourd'hui. Je suis heureuse d'être des vôtres avec mes deux collègues qui viennent tout juste d'être présentées.
[Français]
Nous sommes heureux d'être ici pour discuter des travaux du comité qui ont permis d'établir un lien entre les déterminants sociaux de la santé et l'amélioration des politiques et des programmes de santé. Ce matin, j'aborderai deux sujets : premièrement, les efforts déployés par Santé Canada à l'échelle nationale et internationale afin d'intégrer les déterminants sociaux de la santé au processus d'élaboration des politiques; deuxièmement, les travaux menés en collaboration par le ministère pour prendre en compte la santé des populations dans l'élaboration des programmes de santé nationaux.
[Traduction]
Ce matin, j'aborderai deux sujets : les efforts déployés par Santé Canada à l'échelle nationale et internationale afin d'intégrer les déterminants sociaux de la santé au processus d'élaboration des politiques et les travaux menés en collaboration par le Ministère pour prendre en compte la santé des populations dans l'élaboration des programmes de santé nationaux.
Dans les deux cas, mes propos seront axés sur le contexte de la santé des Premières nations et des Inuits et, plus particulièrement, sur le travail de la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. Je mettrai l'accent sur le rôle crucial des partenariats dans les efforts visant à établir un lien entre les connaissances sur la santé de la population et l'efficacité des politiques et des programmes. Comme vous le savez sans doute, les déterminants sociaux de la santé ont des conséquences diverses et complexes sur la santé des gens. Par conséquent, pour créer des politiques et des programmes de santé efficaces, il faut établir de solides relations avec des partenaires clés.
Par exemple, Santé Canada collabore avec d'autres décideurs et spécialistes du monde entier afin d'échanger des connaissances et des pratiques exemplaires en matière de santé de la population. À ce titre, le ministère entretient notamment des relations officielles avec les États-Unis et le Mexique, ainsi qu'avec le Brésil, l'Australie et la Nouvelle- Zélande. Santé Canada a également pris part au symposium de 2007 sur la santé autochtone tenu à Adélaïde et à la rencontre de 2008 de l'Organisation panaméricaine de la santé, qui s'est déroulée sous le thème des déterminants sociaux de la santé et des peuples autochtones d'Amérique.
Ces travaux soulignent le fait que les décideurs doivent absolument tenir compte des déterminants sociaux de la santé. Par exemple, nos connaissances sur la qualité de l'eau, l'hygiène et le logement influent sur l'élaboration d'un plan sur la santé publique des Premières nations. Nous savons que nous devons tenir compte du niveau d'éducation et du revenu si nous voulons vraiment élaborer des politiques et des programmes de santé efficaces. Nous devons aussi tenir compte de facteurs qui revêtent une importance plus particulière pour les Premières nations et les Inuits, par exemple leur rôle dans la structure de gouvernance communautaire ou l'autonomie gouvernementale, ou encore la force de la culture traditionnelle.
Compte tenu du fait que beaucoup de ces déterminants ne sont pas du ressort de Santé Canada, nous reconnaissons que, pour élaborer des politiques et des programmes efficaces, nous devons travailler ensemble avec les autres ministères fédéraux, les gouvernements provinciaux et territoriaux ainsi que les communautés et les organismes des Premières nations et des Inuits. C'est pour cette raison que Santé Canada a établi de solides liens avec ces partenaires, dont certains durent depuis très longtemps.
Cela m'amène au deuxième sujet que je comptais aborder, c'est-à-dire les efforts déployés par le Ministère pour répondre le mieux possible aux besoins uniques en matière de santé de sa population cliente. Pour ce faire, Santé Canada : met en œuvre des programmes et des mesures d'intervention destinés spécifiquement à des populations distinctes telles que les enfants, les personnes atteintes de maladies chroniques et les personnes en santé; assume son engagement continu avec les Premières nations et les Inuits et fait en sorte de respecter leurs choix et leurs conseils; officialise de nouvelles ententes de partenariat entre les gouvernements provinciaux et les Premières nations afin d'intégrer le système de santé fédéral et les systèmes de santé provinciaux ainsi que de favoriser une utilisation optimale des ressources limitées en matière de santé; encourage la conclusion d'ententes de financement plus flexibles entre Santé Canada et les Premières nations pour accorder plus d'autonomie aux communautés et leur permettre d'utiliser les ressources afin de répondre à leurs besoins uniques en matière de santé. Les communautés des Premières nations et des Inuits qui aimeraient exercer un plus grand contrôle sur leurs programmes ont accès à différents types d'ententes de financement qui prévoient divers niveaux de contrôle, de flexibilité, de pouvoir et diverses exigences en matière de rapports et de reddition de comptes. Ma collègue, Mme Lyons, peut fournir plus de détails à ce sujet.
Nous travaillons étroitement avec les autres ministères fédéraux aux principales initiatives relatives à la santé. Par exemple, nous collaborons avec le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, Environnement Canada et les Premières nations pour assurer la qualité de l'eau potable dans les réserves;
Finalement, étant donné que l'accès aux soins de santé est l'un des principaux déterminants de la santé, nous travaillons principalement afin d'améliorer l'accès à des soins primaires de qualité pour les membres des Premières nations et les Inuits qui vivent dans les communautés éloignées et isolées. Nous examinons des façons d'innover en ce qui concerne les technologies de la santé et la composition de nos équipes de soins infirmiers. Pour améliorer la santé des Premières nations et des Inuits, il faut absolument intégrer les connaissances sur la santé de la population aux politiques et aux programmes de santé. Pour réussir cette intégration, nous devons établir des partenariats. Comme je l'ai dit, il s'agit de partenariats avec des groupes nationaux et internationaux, avec les autres ordres de gouvernement, avec des praticiens, avec des chercheurs et, par-dessus tout, avec les Premières nations et les Inuits.
[Français]
Je vous remercie de m'avoir permis de prendre la parole devant votre comité, et si vous avez des questions, c'est avec plaisir que nous ferons de notre mieux pour vous répondre.
[Traduction]
Le président : Madame Quinn, s'il vous plaît.
Mary Quinn, directrice générale, Direction générale de la politique sociale et des programmes, Affaires indiennes et du Nord Canada : Je vous remercie de me donner l'occasion de m'adresser aux membres du sous-comité. Le sous-comité continue de faire un travail important pour permettre une compréhension approfondie des déterminants sociaux de la santé et de leur incidence sur les Canadiens, Autochtones et non Autochtones. C'est un privilège pour moi de témoigner devant vous aujourd'hui, avec les autres témoins, qui ont des connaissances et des points de vue précieux sur les enjeux que nous abordons aujourd'hui.
[Français]
Le ministère que je représente, Affaires indiennes et du Nord Canada, a un mandat général qui touche à de nombreux déterminants de la santé pour les Autochtones dans notre pays. De nombreux autres organismes fédéraux assument également des responsabilités dans ce domaine.
[Traduction]
Nous poursuivons nos efforts afin d'améliorer la coordination en travaillant en partenariat avec les autres ministères et organismes du gouvernement fédéral, les Premières nations, les Inuits et les Métis, ainsi que les gouvernements provinciaux et territoriaux et d'autres partenaires importants.
J'aimerais décrire quelques initiatives récentes qui illustrent l'interaction des déterminants de la santé pour les Premières nations. Comme les membres du sous-comité le savent bien, l'éducation, l'emploi, le revenu, le logement et la santé sont tous interreliés. Le gouvernement du Canada travaille avec des partenaires disposés à cerner les causes des enjeux qui touchent les collectivités de Premières nations, puis à s'attaquer à ces causes. Par exemple, il y a trois ans, 193 systèmes de traitement de l'eau de collectivités de Premières nations faisaient l'objet d'un risque élevé de défaillances. Aujourd'hui, ce chiffre est passé à 58, et il continue de diminuer, grâce aux partenariats dont ma collègue a parlé, entre les Premières nations, Environnement Canada, Affaires indiennes et du Nord Canada et Santé Canada. La semaine dernière, le ministre Strahl a d'ailleurs annoncé des dépenses de 165 millions de dollars visant à accélérer les projets d'infrastructure de traitement des eaux, y compris les eaux usées, dans 14 collectivités de Premières nations, ce qui est essentiel à la santé et à la sécurité des membres de ces collectivités. Ces investissements ne vont pas seulement améliorer la qualité de vie dans les réserves; ils ont également le potentiel de stimuler la croissance économique.
[Français]
À l'aide d'une approche semblable, le gouvernement du Canada met l'accent spécialement sur l'amélioration de l'éducation pour les Premières nations en partenariat avec les provinces et les Premières nations.
[Traduction]
Un exemple d'efforts précoces dans les partenariats en éducation, c'est le protocole d'entente conclu en avril 2008 entre les Premières nations du Nouveau-Brunswick, la province du Nouveau-Brunswick et le gouvernement du Canada, dans le cadre duquel les parties ont convenu de travailler ensemble à l'amélioration des résultats en matière d'éducation des étudiants des Premières nations dans les écoles dirigées par des bandes et des écoles publiques du Nouveau-Brunswick. Dans le cadre de cette entente, le gouvernement provincial s'est engagé à réinvestir la moitié de tous les nouveaux fonds pour les frais d'inscription reçus des Premières nations et du gouvernement fédéral afin d'améliorer les programmes et les services offerts aux étudiants des Premières nations par le système d'éducation publique. En plus de la somme de 1,7 milliard de dollars que le ministère investit actuellement en éducation pour les Premières nations, le gouvernement fédéral investit 268 millions de dollars sur cinq ans et prévoit un financement permanent de 75 millions de dollars pour les années suivantes pour deux nouveaux programmes d'éducation qui serviront de fondement pour l'amélioration à long terme de l'éducation des Premières nations. Ces programmes sont les suivants : le Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations et le Programme de partenariats éducatifs.
[Français]
Avec un nouvel investissement de 200 millions de dollars pendant deux ans dans le Budget de 2009, le ministre Strahl a annoncé la construction d'une nouvelle école dans cette collectivité des Premières nations et trois projets majeurs de rénovation d'écoles.
[Traduction]
Comme dernier exemple, notons le problème du logement inadéquat. Le dernier budget prévoit 400 millions de dollars sur deux ans pour soutenir le logement en réserve. Jusqu'à maintenant, le ministre Strahl a annoncé que des sommes d'environ 50 millions et 65 millions de dollars seront accordées aux Premières nations de la Colombie- Britannique et de l'Ontario, respectivement, pour répondre aux besoins en matière de logement de leurs collectivités situées dans des réserves. Dans ce domaine, la Société canadienne d'hypothèques et de logements est également l'un de nos partenaires importants.
Le gouvernement du Canada a investi 300 millions de dollars dans un fonds pour les logements du marché afin de promouvoir l'accession à la propriété et d'améliorer l'accès à une hypothèque pour les familles des Premières nations. Au cours des dix prochaines années, cet argent devrait permettre la construction de quelque 25 000 maisons dans les réserves. Chacune de ces initiatives qui ont été entreprises ou annoncées est caractérisée par une approche complète de collaboration à long terme d'un enjeu unique.
Pour conclure, je voudrais signaler le fait que le ministère poursuit son examen du Programme d'approvisionnement alimentaire par la poste afin de déterminer s'il s'agit de la façon la plus efficace de régler le problème du coût élevé de la nourriture dans les collectivités isolées du Nord. Je sais que tant le ministère que le sous-comité sont préoccupés par l'accès à la nourriture saine et à un prix abordable, étant donné que c'est un facteur d'importance considérable quant à l'amélioration de la qualité de vie, de l'alimentation et de la santé des collectivités isolées du Nord.
Les travaux de recherche effectués au ministère ont permis de relever certains progrès quant aux conditions de vie et au mieux-être des Autochtones du Canada au cours des 20 dernières années dans des domaines importants comme l'espérance de vie, l'éducation, le logement et le revenu. Il y a eu par exemple des améliorations dans les secteurs comme le niveau d'instruction des femmes chez les Premières nations, les Inuits et les Métis. Il est généralement admis que ce genre d'amélioration contribue à de meilleurs résultats en santé des populations. Il y a toujours beaucoup de défis à relever pour combler les lacunes qui restent, mais l'amélioration du bien-être dans les collectivités des Premières nations est tout de même quelque chose de prometteur.
Dr Jeff Reading, professeur et directeur, Centre de recherche sur la santé des Autochtones, Université de Victoria : Merci de m'avoir invité à participer à la séance d'aujourd'hui. Ça fait longtemps que j'attendais ça, et j'espère que vos délibérations vont permettre de régler certains des problèmes avec lesquels sont aux prises les Autochtones, parce que c'est vraiment une crise. C'est ainsi que je dois caractériser la situation.
La crise actuelle de la santé des peuples autochtones est compliquée par des enjeux profondément enracinés dans les écarts sociaux et historiques qui durent depuis longtemps, et c'est la raison pour laquelle on pense que les évaluations du risque et les recommandations en matière de santé, peu importe la quantité, ne réduiront pas le fardeau de la maladie s'il n'y a pas en même temps une compréhension de l'importance d'apporter des changements sociaux. Nous pouvons régler ce problème dès maintenant ou nous pouvons attendre 10 ans, et je pense que si nous ne faisons rien au sujet de ces déterminants fondamentaux, il n'y aura pas de changement réel.
Le fait que les facteurs déterminants de la santé et du bien-être de toute collectivité résultent de forces historiques, culturelles, sociales, économiques et politiques en amont qui ont une incidence sur la vie des peuples autochtones du Canada a été exprimé clairement depuis plus de deux décennies. Comme l'a signalé Mme Langlois, bon nombre des déterminants de la santé des peuples autochtones dépassent le cadre du système de prestation de soins de santé. Ces déterminants sont notamment l'évolution du régime alimentaire, qui est passé des aliments traditionnels à des aliments non traditionnels, la question de la sécurité alimentaire, le stress causé par des facteurs économiques, la pollution et la dégradation de l'environnement, le capitalisme à l'échelle mondiale, et ainsi de suite. Ce sont là des forces qui se situent en amont du système de soins de santé.
Si le but est de mieux comprendre les causes, il importe de comprendre que les mots qui y sont associés et leur interprétation revêtent une importance capitale. Je vais vous parler un peu des causes des causes des causes, et ça devient un peu redondant, mais c'est quelque chose d'important.
Dans le passé, les peuples autochtones n'ont pas été les participants à part entière de l'État nation qu'est le Canada, et la situation est encore la même aujourd'hui. Avec l'évolution de l'économie politique du Canada, il est devenu nécessaire de déplacer les peuples autochtones de leurs terres ancestrales et de modifier leur mode de vie pour faire place aux sociétés colonisatrices. Il ne s'agit pas de mon opinion; c'est une question de fait. Le processus de déplacement qui a découlé de la colonisation a engendré l'exclusion sociale du reste du Canada d'un grand nombre de peuples et de collectivités autochtones. Cette exclusion a conduit à la marginalisation sur les plans de l'éducation, de l'emploi, du logement, des soins de santé et de nombreux autres services. Cela a ensuite créé une société à deux classes au Canada — ça a créé une norme pour les Canadiens en général et une autre pour les peuples autochtones.
Si difficile que ce soit pour de nombreux Canadiens d'accepter cette réalité, il existe d'innombrables preuves du fait que l'expérience vécue par les Autochtones au Canada n'est pas la même que celle des autres Canadiens. J'ai récemment présenté un rapport au comité et au sénateur Keon qui comptait plus de 500 renvois et 155 pages de texte à simple interligne documentant cette expérience de l'iniquité. Essentiellement, les Autochtones font face à des risques plus élevés sur le plan de la santé dans pratiquement chacune des catégories dans lesquelles nous faisons des mesures, ce qui, par ricochet, occasionne une profonde disparité pour les Autochtones, notamment pour les plus vulnérables d'entre eux, soit des enfants et des personnes âgées.
Les déterminants sociaux sont souvent désignés comme étant l'origine des causes. C'est une expression de sir Michael Marmot, qui est le grand-père des déterminants sociaux. Cela veut dire que la maladie, l'invalidité et la mort ont des facteurs de risque individuels comme le tabagisme, l'obésité, la consommation abusive d'alcool ou de drogues, et ainsi de suite. Ces facteurs de risque ont été critiqués parce qu'ils donnent l'impression qu'on blâme la victime, parce qu'on comprend maintenant pleinement que ces facteurs sont socialement imbriqués dans la vie collective des gens, de leur famille, de leur collectivité, de leur région et même, dans le cas qui nous intéresse, de l'État nation.
Les disparités qui existent au chapitre des déterminants sociaux exigent des solutions sociales, et c'est le message que j'aimerais que vous reteniez. L'une de ces solutions, c'est la campagne visant à mettre un terme à la pauvreté dès maintenant de l'Assemblée des Premières nations. L'élimination de la pauvreté est à mon avis le déterminant de la santé le plus important, étant donné que c'est par le revenu que les gens peuvent s'assurer d'accéder aux autres déterminants de la santé comme le logement adéquat, l'accès aux services de santé et à l'éducation, l'eau potable et les aliments nutritifs, entre autres.
Un rapport récent de l'Agence de la santé publique du Canada précise que les Autochtones sont confrontés à des disparités au chapitre de la santé qui ne peuvent être expliquées simplement ou comprises au moyen des modèles standards utilisés pour déterminer les facteurs qui influent sur la santé des Autochtones. À titre d'exemple, lorsqu'on a comparé les Autochtones vivant à l'extérieur des réserves en milieu urbain à des non-Autochtones, les deux groupes vivant en milieu urbain et ayant un revenu faible et comparable, on a constaté que le groupe des Autochtones vivait des épisodes dépressifs beaucoup plus importants, soit 21 p. 100 par rapport à 13 p. 100 chez les non-Autochtones. Dans ce scénario, d'autres éléments que le revenu et la situation géographique sont en jeu. Fait intéressant, lorsqu'on a comparé le niveau de revenu des deux groupes, du plus faible au plus élevé, on a constaté que la fréquence des symptômes de dépression était presque nulle sur le plan statistique chez les personnes qui gagnaient un revenu plus élevé.
Pour étudier les origines de l'état de santé des Autochtones, il faut tenir compte du contexte unique qui comprend un examen des facteurs socio-politiques et d'une perspective globale en matière de santé qui met l'accent sur l'optimisation de la santé à chacune des étapes de la vie, de la période précédant la conception à la mort. Ce point de vue axé sur l'ensemble des étapes de la vie est extrêmement important.
Je veux parler des causes des causes des causes, que j'ai réparties en causes proximales, intermédiaires et distales. Les facteurs proximaux, pour ce qui est des déterminants, sont les comportements liés à la santé, l'environnement physique, l'emploi et le revenu, l'éducation et la sécurité alimentaire. Les déterminants intermédiaires en amont, décrits comme étant en amont des facteurs proximaux, sont les soins de santé, l'éducation, encore une fois, l'infrastructure communautaire, les ressources et les capacités, la gérance environnementale et la continuité culturelle. Les déterminants les plus distaux sont l'expérience de la colonisation, le racisme, l'exclusion sociale et le besoin d'autodétermination comme moyen d'assurer le rétablissement des populations autochtones.
L'objectif est d'optimiser la trajectoire de croissance au cours d'une vie, et le but est de comprendre l'interaction complexe des déterminants de la santé en ayant soin de tenir compte de l'exposition à des contextes autochtones particuliers, que ce soit chez les Premières nations, les Inuits ou les Métis, en milieu urbain, rural ou en région éloignée, sur l'ensemble de la vie. C'est ça le défi.
Le débat doit porter notamment sur les facteurs de risque à l'échelle communautaire ou ceux qui ont des ramifications profondes et qui ont une incidence sur la santé et le mieux-être durant toute la vie pour ce qui est de la santé collective. Ces facteurs de risque touchant plusieurs domaines aident à préparer le terrain et à mettre en lumière les facteurs de risque sous-jacents, notamment la santé et le mieux-être des populations autochtones.
Nous devons commencer par examiner les différentes étapes de la vie. Je ne peux pas insister suffisamment là-dessus. Naturellement, ça pourrait commencer par un débat sur les facteurs de risque avant la naissance, dont des débats approfondis sur la naissance et le lien entre la petite enfance, l'enfance et l'adolescence et les facteurs de risque qui se posent à l'âge adulte. Il s'agit d'un ordre naturel et logique qui suit le parcours de la vie et l'évolution temporelle de l'exposition au risque et de la maladie. Ces facteurs et influences sont liés les uns aux autres au cours de la vie. Cette distinction entre les différentes étapes de la vie est importante, mais il est également important de se rappeler que de nombreux facteurs de risque sont présents à plusieurs étapes de la vie.
Ma proposition vise l'établissement d'un modèle communautaire de santé des populations qui inclurait les déterminants de la santé, qui faciliterait et compléterait une approche pangouvernementale à l'égard de la santé des Autochtones à l'échelon fédéral, avec un partenariat à l'échelon régional, bien entendu. Le modèle devrait créer une alliance stratégique pour mettre en lien les déterminants de la santé.
D'après le troisième rapport du comité sénatorial, plus de 30 ministères et organismes fédéraux offrent au-delà de 360 programmes et services aux Autochtones, dont plus de la moitié, soit environ 190, sont accessibles à tous les groupes, et le reste, à des groupes déterminés. Il s'agit du rapport de 2008. Les six principaux secteurs de l'alliance stratégique que je propose sont l'éducation, qui est une chose extrêmement importante, la prévention et l'intervention en milieu communautaire, la santé mentale comme domaine d'intervention privilégiée, les questions liées au logement, le développement communautaire et la capacité d'investissement, et, enfin, le besoin de mettre en place un ensemble de professionnels de la santé à tous les niveaux afin d'avoir des effectifs autochtones complets dans le domaine de la santé.
Étant donné qu'environ la moitié de la population autochtone a moins de 25 ans, il est logique d'investir massivement dans la santé des générations futures tout en répondant aux besoins de la génération actuelle. Au stade précoce de la vie, de la période qui précède la conception aux périodes antérieures et postérieures à la naissance, la vie d'un enfant dépend presque entièrement de la santé de la mère. Alors que la malléabilité est à son maximum aux premiers stades de la vie, les dépenses en santé et en éducation ainsi que les dépenses visant le bien-être général sont inverses, les sommes investies au début de la vie de l'enfant étant moindres que celles qui sont consacrées à la dernière étape de la vie. Il faut trouver un équilibre à cet égard pour optimiser le parcours développemental.
L'enquête régionale sur la santé a révélé que le statut socioéconomique et le niveau d'instruction des parents ont des répercussions directes sur le soutien social et le bien-être des membres des Premières nations. Par conséquent, l'éducation des enfants est l'une des solutions les plus évidentes. Les études de suivi longitudinales du programme Bon départ aux États-Unis et ailleurs montrent que les programmes d'éducation de la petite enfance augmentent le niveau d'instruction et réduisent le taux d'aide sociale, de criminalité et de grossesses précoces.
Pour conclure, je crois qu'il est important de réfléchir à l'adoption d'une approche pangouvernementale, ce qui se fait en Australie avec le soutien du premier ministre, et d'appuyer le désir légitime des Autochtones d'atteindre l'autodétermination. Au chapitre des services de santé, cela signifie la création de régies régionales de la santé dirigées par des Autochtones, dont le financement et le soutien seraient assurés par des fonds versés par les gouvernements fédéral et provinciaux. Nous devons encourager les organismes politiques autochtones et les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux à établir un dialogue pendant plusieurs années pour examiner les enjeux et les plans d'action communs afin d'améliorer la santé et le bien-être des Autochtones. La solution ne sera pas simple. Il faut qu'il y ait un dialogue et un débat.
Une autre idée, c'est de faciliter et d'accélérer la diffusion, le transfert et l'application des connaissances en mesures et retombées éventuelles par l'entremise de politiques, d'interventions, de services et de produits. Enfin, il faut favoriser les moyens de collaboration multilatérale entre les collectivités et les organismes voués à l'amélioration de la santé et du bien-être des Autochtones. Il nous faut promouvoir la collaboration entre des intervenants issus de disciplines, d'organismes et de secteurs divers et miser sur les cadres actuels de décideurs et de chercheurs pour renforcer les capacités au chapitre de la santé des Autochtones dans des secteurs de priorités communes.
J'aimerais laisser le dernier mot au Comité sénatorial sur la santé des populations en citant son quatrième rapport, dans lequel il affirme qu'il est inacceptable qu'un pays privilégié comme le Canada continue à tolérer de telles disparités en matière de santé.
Debbie Dedam-Montour, directrice exécutive, Organisation nationale des représentants indiens et inuits en santé communautaire : Notre organisme travaille au nom des RSC, les représentants en santé communautaire. Les RSC sont des fournisseurs auxiliaires de soins de santé de première ligne au service des collectivités des Premières nations et des Inuits depuis 47 ans. Bon nombre de ces collectivités sont situées dans des régions éloignées ou isolées. Chaque année, nous offrons une séance nationale de formation sur la promotion d'une santé globale afin de renforcer les capacités à l'égard des divers enjeux, depuis la prévention de la violence jusqu'à la création de ressources dans le domaine du VIH/ sida ou pour garder les aînés autochtones actifs, en passant par l'usage abusif du tabac, la prévention des blessures et le diabète. Pour réduire l'écart, nous devons nous attaquer aux inégalités. Mon exposé portera sur la façon dont les RSC peuvent faciliter l'atteinte de cet objectif.
En ce qui concerne la santé des populations, tout changement souhaité se produira à l'échelle communautaire. L'approche des RSC consiste à aborder la santé selon un modèle de mieux-être, à l'aide d'initiatives de promotion de la santé, d'éducation en matière de santé et de prévention des maladies. Les RSC jouent un rôle essentiel en ce qui a trait à la santé communautaire; ils surveillent le bien-être de leurs collectivités. En tant que fournisseurs de soins de santé travaillant directement auprès des gens, ils constituent la première ligne de défense et relèvent les problèmes, ils facilitent les interventions en collaboration avec d'autres membres de leur équipe de santé. Voilà le niveau auquel travaillent les RSC. Ils sont essentiels à la prestation de services dans un contexte local, ils sont une bouée de sauvetage en santé communautaire, et pourtant, de nombreux RSC manquent de soutien.
La Commission royale sur les peuples autochtones a déclaré que le programme des RSC est une des initiatives qui ont le mieux contribué à la participation des Autochtones à la promotion de leur santé. Elle a ajouté que les RSC peuvent notamment beaucoup aider les collectivités autochtones et les gens à assumer leurs responsabilités personnelles et collectives en matière de santé.
Nous espérions qu'une telle déclaration dans un rapport de la Commission royale sur les peuples autochtones ouvrirait la voie à plus de soutien aux RSC et à un renforcement de leur capacité. Malheureusement, au lieu de constater un meilleur appui à ce programme et à ses importants fournisseurs auxiliaires de soins de santé de première ligne à qui des collectivités des Premières nations et des Inuits font confiance, nous avons été témoins du fait que le programme des RSC a été retiré du compendium des programmes à l'échelon fédéral et que les fonds de soutien à l'organisme national des RSC ont été réduits. Je crois que c'était en 1999 ou en 2000.
Les RSC travaillent avec tous les membres des collectivités, à toutes les étapes de la vie; ils offrent des services allant de la promotion d'une bonne santé avant la grossesse jusqu'au réconfort offert aux gens à la fin de leur vie. Pour réduire l'écart, on doit tenir compte du fait que, en moyenne, l'espérance de vie des membres des collectivités des Premières nations est de cinq à dix ans inférieure à celle des Canadiens en général.
Nous avons besoin de fournisseurs de soins de santé communautaires dûment formés et en qui la population a confiance, afin d'aider les gens à travailler ensemble sur les facteurs modifiables dans le but de prolonger l'espérance de vie, c'est-à-dire le mode de vie, l'alimentation, l'exercice, la conduite sécuritaire, la réduction de la consommation de tabac et la facilitation de l'accès aux soins de santé.
Tous ces facteurs s'inscrivent dans les fonctions des RSC. Ils peuvent générer des répercussions positives, mais, pour le faire, ils ont besoin de formation, d'occasions d'apprentissage continu, de suffisamment de ressources appropriées sur le plan culturel et de pouvoir bénéficier de l'équité salariale.
Il a souvent été mentionné que nous avons besoin de plus de professionnels des soins de santé; pourtant, une main- d'œuvre importante au sein des collectivités des Premières nations et des Inuits ne reçoit pas le soutien nécessaire pour acquérir des compétences. L'Organisation nationale des représentants indiens et inuits en santé communautaire a préparé une feuille de route visant la question des compétences intitulée La voie de la compétence, mais cette initiative n'a pas évolué depuis mars 2007.
Certaines personnes affirment que le rôle des RSC a diminué ou que les collectivités n'embauchent personne. L'ONRIISC a constaté que l'on est en train de redéfinir le titre de RSC. Plutôt que de renforcer les capacités et d'accroître le nombre de fournisseurs de soins de santé auxiliaires, on crée divers nouveaux postes au sein du programme. Ces nouveaux travailleurs font le même travail que les RSC font depuis près de 50 ans. Ce nouveau titre donné aux RSC mine leur programme et leur capacité de travailler auprès des personnes de tous âges. Les jeunes mères sont maintenant sous la responsabilité des travailleurs du nouveau PCNP — le Programme canadien de nutrition prénatal —, puisque les aînés ont maintenant affaire aux travailleurs de la nouvelle Initiative sur le diabète chez les Autochtones. Ces programmes sont importants, mais ils mènent à un cloisonnement des programmes qui engendre des manques dans la prestation des soins de santé.
Puisque nous sommes témoins d'un manque de professionnels de la santé dans notre pays, il faut maintenant, plus que jamais, travailler à accroître le nombre de RSC et à renforcer leur capacité. Cela est d'autant plus important pour les membres des collectivités isolées des Premières nations et des Inuits, car ils vivent des périodes au cours desquelles aucune infirmière n'est disponible et où ils n'ont accès qu'à des médecins se déplaçant en avion. Le temps que ces travailleurs consacrent aux collectivités en question est limité, et cela ne favorise pas la continuité ni l'établissement de relations de confiance, qui sont les éléments qui donnent les meilleurs résultats en matière de santé.
En conclusion, l'ONRIISC croit qu'il y a deux moyens de réduire l'écart : rétablir le programme des RSC de façon à ce qu'il puisse évoluer pour répondre aux besoins actuels et futurs des collectivités, et élaborer une politique qui viendrait appuyer la mise en œuvre du programme par l'entremise des RSC, car ceux-ci sont des fournisseurs de soins de santé stables et dignes de confiance, qui possèdent l'expertise du contexte local.
Dans un exposé qu'il a présenté récemment dans le cadre d'une conférence sur l'éducation des enfants autochtones, le président du sous-comité, le sénateur Keon, a déclaré que le renforcement du capital humain mènera à un meilleur capital santé. L'ONRIISC est d'accord avec le sénateur Keon sur ce point pour ce qui est des RSC. L'augmentation du nombre de RSC et le renforcement de leurs capacités entraîneront de meilleurs résultats en matière de santé à l'échelle locale.
Peter Dinsdale, directeur exécutif, Association nationale des centres d'amitié : Permettez-moi de commencer par dire que c'est un honneur que de comparaître devant le comité. J'aimerais saluer les autres témoins. C'est un grand honneur pour nous de partager le temps passé ici avec vous. J'aimerais aussi souligner les efforts déployés par la greffière, qui a dû me retracer dans mes déplacements au pays pour s'assurer que mes documents lui parviendraient à temps.
Ce genre de choses n'arrive pas tout seul. J'aimerais insister sur l'excellent travail du Centre de collaboration nationale de la santé autochtone dans le domaine des déterminants sociaux de la santé des Autochtones.
Nous avons également pu travailler avec le Groupe de référence canadien de la Commission des déterminants sociaux de la santé de l'Organisation mondiale de la santé, ce qui a été une excellente occasion pour nous de fournir une rétroaction précise au sujet des enjeux qui touchent les Autochtones. Rien de tout cela ne se fait dans le vide. L'exposé que nous vous présentons aujourd'hui est fondé sur les discussions que nous avons eues avec tous ces chefs de file.
Au cas où certains d'entre vous ne le sauraient pas, l'Association nationale des centres d'amitié est une organisation autochtone nationale. Nous ne parlons parfois que de cinq organisations, mais il y en a de nombreuses autres, et nous sommes l'une d'entre elles. Nous exprimons les préoccupations et défendons les intérêts de 120 centres d'amitié d'un peu partout au Canada. Ces centres ne sont pas situés dans les réserves, mais se trouvent en milieu urbain, dans le milieu rural et dans des régions éloignées. Notre mission est d'améliorer la qualité de vie des Autochtones qui vivent dans ces régions.
Nous offrons des programmes d'une valeur d'environ 114 millions de dollars dans le cadre de toutes sortes de partenariats. Environ le tiers de cette somme découle des investissements d'autres gouvernements provinciaux et territoriaux; un autre tiers vient d'autres ministères du gouvernement fédéral, dont Santé Canada, par l'intermédiaire de certains des programmes pour les enfants dont il a été question aujourd'hui; le dernier tiers provient de toutes sortes de sources, notamment les administrations municipales, de la génération de recettes autonomes et d'autres fondations.
Nous avons fourni un exposé plus étoffé. Je ne vais pas passer les diapositives une par une, mais il y en a une sur laquelle vous pouvez voir une carte qui montre où sont situés les centres d'amitié au Canada.
Le but de mon exposé est de mettre en lumière les problèmes qui se posent en milieu urbain surtout. L'objectif est non pas de minimiser les problèmes vécus ailleurs, mais plutôt d'aborder un aspect des politiques dont on ne tient pas compte bien souvent dans le processus d'élaboration des programmes et des services qui se déroule une fois que ces enjeux ont été abordés. Nous avons entendu parler de cet isolement aujourd'hui.
Selon le recensement de 2000, 54 p. 100 des Autochtones vivent dans les villes. Je vais vous poser une question : dans le cadre de vos délibérations, avez-vous constaté que 54 p. 100 des interventions stratégiques et des programmes sont axés sur les besoins de cette population? Je vais aussi vous donner la réponse : non.
À Winnipeg, une personne sur 10 est autochtone. Nous sommes témoins d'une forte croissance de villes comme Edmonton et Halifax; en fait, un peu partout au pays, la population urbaine est en croissance. D'après le recensement de 2006, près de la moitié — 48 p. 100 — de la population est âgée de moins de 25 ans.
Comme fournisseurs de services, nous avons affaire à une population très urbaine, jeune et appauvrie, pour toutes ces raisons dont il est question quand on parle des déterminants sociaux de la santé. C'est l'enjeu stratégique auquel nous faisons face au quotidien, mais ce n'est pourtant pas sur ça que sont axés les programmes en pratique. C'est ça, le vrai problème qui se pose pour nous.
Vous connaissez les déterminants sociaux de la santé dans l'ensemble. Vous savez que des déterminants touchant plus particulièrement les Autochtones ont été définis par le Centre de collaboration nationale de la santé autochtone et par l'APN, entre autres, qui ont fait un excellent travail pour tenter de régler certains de ces problèmes.
À titre d'organisme national, nous sommes en train de définir des déterminants sociaux de la santé touchant les Autochtones qui vivent en milieu urbain. Comme le temps est limité, j'aimerais me concentrer sur la pauvreté. Je suis content que M. Reading ait dit qu'il s'agit selon lui de l'un des problèmes les plus importants.
Je vais illustrer par un exemple le fait que la pauvreté a une incidence différente en milieu urbain, ce qui exige une intervention stratégique différente, mais ce dont nous ne parlons jamais dans les collectivités autochtones.
Je vais d'abord aborder la question du taux de participation à l'économie du Canada. Selon le recensement de 2006, 66,9 p. 100 des Canadiens participent à l'économie du pays. Chez les Autochtones, cette proportion est de 63,1 p. 100, ce qui est beaucoup moins. Pour ce qui est des Autochtones qui vivent en milieu rural, la proportion est de 64,2 p. 100, proportion qui est donc supérieure à celle de l'ensemble des Autochtones mais qui demeure inférieure à celle de la population canadienne.
Le taux de participation des Autochtones qui vivent en milieu urbain est de 67,5 p. 100, ce qui est plus élevé que la moyenne canadienne; néanmoins, notre revenu moyen est beaucoup plus faible. Le revenu moyen au Canada est de 35 000 $, c'est-à-dire le revenu familial total, tandis que le revenu total des Autochtones qui vivent en milieu urbain est de 26 000 $ et des poussières.
Cet écart s'explique par toutes sortes de choses, y compris le degré de scolarité. C'est facile de trouver un emploi mal payé en ville. À notre avis, nous sommes moins susceptibles d'obtenir des promotions à cause du racisme et de la discrimination qui existent dans les villes. Dans certaines villes, nous voyons le revenu moyen supprimé de façon artificielle en raison de cela.
Comme M. Reading l'a dit, les répercussions sont énormes. Ce qui pose en partie problème, pour nous, dans l'Accord de Kelowna — et nous sommes l'une des rares organisations autochtones à avoir fini par rejeter l'Accord de Kelowna —, c'est que celui-ci ne vient pas en aide à la femme autochtone qui vit au centre-ville de Winnipeg.
Cette femme doit travailler, elle doit terminer ses études, elle doit pouvoir accéder à la formation et aux services de garde. Si nous voulons faire quelque chose pour la communauté autochtone en général, nous devons répondre aux besoins de cette femme et de son enfant. Si elle termine ses études, si elle obtient un meilleur emploi et vit dans un meilleur quartier, son enfant va fréquenter une meilleure école et profiter du fait qu'ils vivent dans un meilleur quartier. La vie de cette femme et la vie de son enfant seront ainsi meilleures pour des générations.
Voilà le genre d'investissements et d'objectifs stratégiques qui sont nécessaires. Pourtant, ce n'est pas le genre de chose que nous voyons en général dans le discours sur les programmes de formation et d'emploi du gouvernement fédéral qui visent les Autochtones, dans les interventions des gouvernements provinciaux ni dans cette zone grise des champs de compétence où le gouvernement fédéral ne veut pas faire preuve de leadership et où les gouvernements provinciaux ne veulent pas intervenir.
Pour ce qui est de la pauvreté, ou peut-être plus précisément de l'emploi et de la formation, quelles sont les interventions qui seront nécessaires à l'échelle nationale, régionale et locale pour changer les choses?
À l'échelle nationale, il faut que notre partenaire fédéral comprenne ces problèmes et soit disposé à agir. À l'heure actuelle, dans tous les programmes d'emploi et de formation visant les Autochtones, l'accent est mis sur les Premières nations, les Métis ou les Inuits. C'est un excellent fondement pour les politiques, mais, si 54 p. 100 des Autochtones vivent en région urbaine, il y a une énorme lacune à cet égard. En mettant l'accent sur ces trois groupes, on ne parvient pas à joindre les gens ou les Indiens non inscrits qui vivent un peu partout au Canada. Il y a une vaste zone grise pour laquelle ce genre de programme reste inefficace.
Les stratégies de développement économique doivent être conçues de façon à atteindre les gens là où ils vivent et à offrir un accès au capital et à une formation adéquate. L'orientation d'une stratégie de développement économique visant les Autochtones qui vivent en milieu urbain est nécessairement différente de celle d'une stratégie visant les Autochtones qui vivent en milieu rural ou en région éloignée. On ne parle pas ici de pétrole et de gaz; il s'agit de la création de petites entreprises.
Tant que le gouvernement fédéral et les gouvernements provinciaux n'auront pas commencé à réfléchir à des modifications qui pourraient être apportées aux programmes visant les Autochtones, nous allons continuer de ne parler que du pétrole et du gaz et de l'extraction des ressources. Nous n'allons pas parler des petites entreprises des régions urbaines où les gens de notre communauté vivent.
À l'échelle régionale, nous devons nous assurer que les initiatives relatives au marché du travail et les ententes conclues entre les provinces, le gouvernement fédéral et les villes fonctionnent pour les Autochtones en milieu urbain. Ce n'est pas toujours le cas, pour toutes sortes de raisons.
À l'échelle locale, il faut nous assurer que le financement des garderies est accessible. Il faut nous assurer qu'il n'y a pas d'obstacles artificiels pour les Autochtones qui vivent en milieu urbain à l'accès aux programmes de formation et d'emploi du gouvernement fédéral — ce qui est parfois le cas à l'heure actuelle.
C'est le genre d'approche stratégique et d'optique qu'il faut adopter si nous voulons vraiment régler les problèmes de façon systématique partout au Canada.
Vous avez posé plusieurs questions précises, et nous y avons répondu dans notre mémoire. Comme le temps est limité, je vais conclure sur quelques recommandations.
Nous avons présenté certains éléments de beaucoup de recommandations. Je veux également mentionner que le budget du Programme des centres d'amitié autochtone a été réduit du quart dans les années 1990 — en 1996, pour être précis. Pas un cent n'a été investi dans ce programme depuis. Avec l'inflation, ça représente une réduction de près de la moitié du pouvoir d'achat.
Imaginez la situation si vos bureaux devaient fonctionner avec le budget de 1996, comment vous pourriez embaucher du personnel pour vos bureaux et le travail que vous pourriez faire. Imaginez ce qui arriverait si le budget du comité était celui de 1996. C'est à cette situation que font face nos organismes communautaires de première ligne partout au pays.
Certains de nos directeurs généraux touchent 40 000 $ par année. Ils font un excellent travail en échange, mais nous n'arrivons pas à attirer les meilleurs éléments pour régler ce problème de plus en plus important.
Nous avons offert des services à 1,3 million de clients dans l'ensemble du pays l'an dernier par l'intermédiaire de ces organismes. Nous avons besoin d'un important soutien de la part des provinces, du gouvernement fédéral et des organisations locales pour offrir nos programmes et nos services. C'est une tâche complexe. Nous avons besoin de gens ayant reçu une bonne formation, qui ont un bon degré de scolarité, mais nous devons également être concurrentiels, au sein d'une économie fondée sur les salaires.
L'une des choses que le comité peut faire, c'est de recommander au ministère du Patrimoine canadien de réagir de façon adéquate et de gérer de façon sûre son programme, le Programme des centres d'amitié autochtones.
Voilà. Vous nous avez posé d'autres questions directes, à nous témoins, et je serai heureux d'y répondre tout à l'heure, si vous le souhaitez.
Rosella Kinoshameg, présidente, Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada : Merci de m'avoir invitée à participer à la séance. Je préside l'Association des infirmières et infirmiers autochtones du Canada, et j'en suis à mon second mandat. Cependant, je suis membre de l'association depuis sa création. Nous nous sommes regroupés en 1974 et avons officiellement établi notre association en 1975.
Nous sommes la seule organisation de professionnels des soins infirmiers autochtones du Canada. Nous savons que les besoins des Autochtones en matière de santé sont mieux comblés et compris par les professionnels de la santé qui ont un bagage culturel semblable.
Nous avons notre propre vision du mieux-être des Autochtones. Je parle d'une vision générale. Ainsi, notre mission est de promouvoir la santé en soutenant les infirmières et les infirmiers autochtones et en favorisant la mise au point de pratiques propres aux Autochtones en matière de soins infirmiers. Nos membres travaillent un peu partout au Canada. Il y a un représentant de chacune des provinces au sein de notre conseil, mais il y a quelques sièges vacants à l'heure actuelle, soit parce que nous ne comptons aucun membre dans certaines collectivités, soit parce que personne n'est disponible pour occuper ces places.
Les infirmières et infirmiers membres de notre association occupent différentes fonctions dans les collectivités. Bien souvent, nos membres sont considérés comme étant les spécialistes de la santé des Autochtones, et ça devrait être toujours le cas, parce que c'est leur domaine. Comme présidente, je fais moi-même tout ça.
Pour l'instant, notre effectif n'arrive pas à répondre aux besoins en matière de santé. Quarante et un pour cent des infirmières et infirmiers du Canada ont plus de 45 ans, et c'est quelque chose que vous savez tous; c'est un fait qui est maintenant bien connu. Vingt-cinq pour cent des infirmières et infirmiers autochtones ont plus de 45 ans. Les baby- boomers quittent la population active et prennent leur retraite. Je vais moi-même le faire très bientôt. Moins de un pour cent des infirmières et infirmiers autorisés du Canada sont membres des Premières nations ou sont inuits ou encore métis. C'est très peu.
En 2011, il y aura un manque à gagner de 78 000 infirmières et infirmiers, et ce chiffre va passer à 113 000 d'ici 2016. Il n'y a tout simplement pas suffisamment de gens.
Nous avons conclu des partenariats avec l'ACESI — l`Association canadienne des écoles de sciences infirmières — et avec l'ACII — l`Association canadienne des infirmières et infirmiers. Nous espérons faire en sorte que le nombre d'infirmières et d'infirmiers ou d'étudiants en soins infirmiers augmente. Sans conclure un partenariat officiel, nous avons convenu avec la Fondation des infirmières et infirmiers du Canada de majorer les bourses offertes aux étudiants autochtones en soins infirmiers au baccalauréat et à la maîtrise, aux infirmières et infirmiers praticiens et aux gens qui font des recherches au sein des collectivités.
Nous souhaitons également venir en aide aux étudiants en soins infirmiers grâce à des programmes de mentorat. Nous avons mené un projet pilote à cet égard au cours de l'année écoulée. Nous souhaitons également offrir un programme de mentorat aux infirmières et infirmiers qui commencent véritablement à pratiquer, parce qu'ils ont besoin d'un encadrement lorsqu'ils commencent à travailler dans la collectivité.
Je ne vais pas parler de tous les déterminants de la santé dont il a été question ici, parce que tout ça est vrai. Ce sont des choses que vous savez tous. Cependant, j'ai examiné toutes les possibilités et toutes les options qui ont été présentées, et je peux envisager une réflexion sur ces trois options dans une certaine mesure.
Il faut qu'il y ait des consultations. J'ai vécu des situations où un Autochtone s'était exprimé, et on considérait que c'était des consultations. Ce n'est pas de ce genre de consultations dont je parle. Il faut qu'il y ait des consultations auprès des Autochtones; il faut que les leaders autochtones participent pleinement au processus. C'est impératif.
Toutes les régions du Canada sont différentes. Nous ne pouvons pas généraliser et parler d'une « approche pancanadienne », parce qu'il n'y a pas de solution universelle. Il faut que les solutions soient toutes différentes.
Il faudrait peut-être que nous nous concentrions sur certains déterminants; c'est peut-être l'approche qu'il faut adopter dans certains domaines. Nous devons également renforcer le processus d'apprentissage auprès des pairs afin de favoriser les échanges au sujet des expériences vécues et des différentes approches. Dans certaines régions, on l'a fait, et le travail effectué est excellent. Les programmes créés fonctionnent, et c'est quelque chose qui doit être partagé avec les autres, pour qu'ils sachent qu'ils n'ont pas à réinventer la roue.
Il faut consulter les leaders autochtones, sans quoi ça n'ira nulle part; ils doivent participer. Par ailleurs, je ne pense pas que le processus peut être descendant. Il faut laisser l'initiative aux leaders qui sont en bas et travailler avec ces gens.
Je proposerais peut-être qu'on demande à un ou deux leaders autochtones de chacune des régions de participer à une séance de formation ou à une séance de planification stratégique commune et de discuter de ce qui a été présenté au chapitre de la santé des populations et des déterminants de la santé — ou peut-être devrions-nous dire des « déterminants du mieux-être » —, des écarts en matière de santé et des chiffres qui ont été présentés.
Ces choses ne se rendent pas aux gens qui sont en bas, et je pense que nous devrions être témoins d'un mouvement une fois qu'ils seront au courant de toutes ces choses — les chiffres et la définition de la santé des populations et des déterminants sociaux de la santé. Je sais qu'il y a des gens qui connaissent déjà ces choses, mais il y en a encore qui ne connaissent pas ces termes.
Nous devons solliciter la participation des leaders autochtones au renforcement des capacités, à la formation par rapport aux termes dont nous avons parlé — la santé des populations — et même faire en sorte qu'ils acquièrent la capacité de participer à tout le processus.
Pour ce qui est de la coordination et de l'intégration des activités des différents ministères et organismes concernés, il faut qu'elles soient coordonnées et que les politiques continuent de l'être aussi, parce que j'ai vécu la situation où on est renvoyé d'un ministère à l'autre et de l'échelon fédéral à l'échelon provincial. Tout le monde dit que ce n'est pas son problème; on se renvoie constamment la balle.
Il faut examiner le processus actuel des programmes, des services et des secteurs de financement. Les chiffres concernant la population sont parfois utilisés pour déterminer le niveau de financement, et je pense que le fait d'utiliser seulement les chiffres et de ne pas examiner la situation des collectivités mène à l'échec du système.
J'ai proposé au Sous-comité de la santé des populations qu'il prenne l'initiative pour ce qui est de réunir tous ces gens, pour que tout ça puisse faire l'objet de débats. C'est en partie ce que nous faisons ici aujourd'hui, mais c'est un petit groupe. Il faut élargir ça pour que tout le monde participe.
Peut-être faudrait-il lancer des projets pilotes visant différents types de collectivités : les collectivités isolées ou petites ou encore celles qui sont près de centres urbains ou de grands centres, parce qu'elles sont toutes différentes.
Le renforcement des capacités est également quelque chose de très important. Il faut qu'une autorité soit exercée sur les ressources. Il est nécessaire d'avoir une marge de manœuvre suffisante pour pouvoir faire ce qui doit être fait dans sa collectivité.
Pour ce qui est de réduire l'écart, nous devrions réunir les responsables de la Direction générale de la santé des Premières nations, et des Inuits, d'AINC, de Santé Canada et des réseaux locaux d'intégration des soins de santé qui sont maintenant en place. Cela leur permettrait de combler ces lacunes pour éviter de travailler de façon isolée. Nous devons collaborer plus étroitement pour nous assurer qu'il n'y ait pas d'écarts.
Selon les enseignements traditionnels, nous devons être attentifs, avec nos yeux, nos oreilles et nos cœurs. J'ai participé à une séance ce matin où on a parlé du fait qu'il est nécessaire d'écouter et d'aimer, pour pouvoir favoriser la guérison. Cet amour, nous le trouverons dans notre cœur. Lorsque nous le ferons, la guérison aura lieu au sein de notre peuple. Meegwetch.
Le président : Les sénateurs ont des questions pour vous tous. J'ai moi-même une question pour Mme Dedam- Montour, Mme Kinoshameg et M. Dinsdale, ainsi que pour toutes les autres personnes qui voudront y répondre.
Nous avons examiné attentivement le système de santé cubain, afin d'étudier les polycliniques des collectivités sur le terrain, où l'on offre les services de soins de santé primaires, la formation, les services sociaux, et où l'on fait la promotion de la productivité, entre autres. Nous sommes revenus de là-bas convaincus, et nous avons rédigé un rapport dans lequel nous disons que ce modèle pourrait être très utile au Canada, et en particulier pour les Premières nations.
Madame Kinoshameg, ce qui m'a impressionné, dans les polycliniques, c'est qu'on y offre non seulement les services, mais également la possibilité d'accroître le capital humain au sens le plus large. Les gens là-bas n'ont pas peur de dépasser les frontières. Certaines infirmières canadiennes, par exemple, nous ont dit que l'un des problèmes, pour ce qui est de trouver des infirmières autochtones, c'est qu'il n'y a pas suffisamment de gens dans les collectivités autochtones qui ont les qualifications nécessaires pour s'inscrire à un programme de soins infirmiers. Les Cubains ne se préoccupent pas de ça. Ils forment les infirmières le mieux possible dans les polycliniques locales. De même, ils forment d'autres professionnels de la santé dont on a besoin dans les polycliniques locales. Ils répondent à leurs besoins en matière de ressources humaines à l'échelle locale, en offrant la formation sur place dans les polycliniques.
Comme vous êtes infirmière, qu'en pensez-vous? Ça s'applique également aux médecins. Il y deux grandes écoles de médecine à la Havane, mais il y a aussi 16 petites écoles de formation dans les polycliniques. On forme des médecins le mieux possible, et il y a des centaines de médecins là-bas. C'est peut-être à Cuba que le nombre de patients par médecin est le plus bas dans le monde.
Je sais que les normes sont une préoccupation importante pour les associations d'infirmières et d'infirmiers, ce qui est compréhensible, et la profession médicale partage cette préoccupation. Que pensez-vous du modèle des polycliniques? Je vous invite à répondre en premier, madame Kinoshameg, mais j'aimerais aussi entendre ce que M. Dinsdale et Mme Dedam-Montour ont à dire là-dessus.
Monsieur Dinsdale, j'aimerais que vous abordiez cette question, parce que le centre d'amitié que j'ai visité pourrait devenir le noyau du développement communautaire des villes sous forme de polycliniques, d'établissements d'enseignement, de centres de services sociaux et de programmes d'éducation menant à la productivité et à l'emploi.
Mme Kinoshameg : Il faudrait que je prenne connaissance du modèle dont vous parlez. Je ne l'ai pas étudié, mais ce que je peux vous dire, c'est que nous travaillons avec les écoles de soins infirmiers et avec l'Association des infirmières et des infirmiers du Canada dans le but de faire quelque chose dans les écoles de soins infirmiers de partout au Canada pour arriver à recruter davantage d'étudiants autochtones et à faire en sorte qu'ils terminent leurs études. Il faut s'assurer que les programmes sont adaptés sur le plan culturel. Bon nombre d'étudiants en soins infirmiers quittent leurs programmes d'études à cause des choses qui se passent, de la façon dont ils sont traités ou de la façon dont on leur parle. Il faut que nous apportions des modifications au système pour qu'ils restent et terminent leurs programmes de soins infirmiers, et aussi qu'ils comprennent que toutes les écoles de soins infirmiers vont offrir la formation culturelle pour leur propre région. Ainsi, l'infirmière va pouvoir revenir. Si elle ne connaît pas les enseignements de sa culture, ils vont lui être présentés. Les infirmières non autochtones vont aussi apprendre ces choses; comme ça, elles pourront mieux travailler auprès des membres autochtones de la collectivité qu'à l'heure actuelle. Nous avons un livre qui s'intitule Twice as Good, parce que nous devons travailler deux fois plus pour en arriver là où nous en sommes aujourd'hui. Pour que je sois ici aujourd'hui, il a fallu que je le fasse aussi.
Le sénateur Pépin : Vous parlez des écoles de soins infirmiers et de faire en sorte que ces jeunes femmes poursuivent leurs études dans le domaine. Est-ce que vous parlez des écoles de soins infirmiers en général ou de celles qui sont réservées aux femmes autochtones? Vous dites qu'elles doivent apprendre davantage de choses au sujet de leur bagage et de leur culture. Où suivent-elles leur formation? Dans une école de soins infirmiers spéciale réservée à votre communauté?
Mme Kinoshameg : Je parle des écoles de soins infirmiers régulières du Canada, où elles suivent leur formation. Il n'y a rien de propre aux infirmières autochtones des collectivités. Nous suivons le processus normal.
Le sénateur Pépin : Selon l'endroit d'où elles viennent, n'ont-elles pas un bagage culturel?
Mme Kinoshameg : Dans certains cas, non. C'est le résultat de la colonisation, qui nous a empêchés de croire à ce en quoi nous croyions il y a bien des années ou de faire les choses que nous faisions.
Le sénateur Pépin : On nous a aussi dit hier que les jeunes femmes qui travaillent comme infirmières dans les collectivités sont des leaders dans leur milieu. Il y a un manque d'infirmières, mais on nous a dit qu'elles étaient des leaders dans leur collectivité et qu'elles pouvaient sans problème travailler dans différentes cliniques. Le problème principal est le manque d'infirmières.
Mme Kinoshameg : Il n'y en a pas assez pour répondre à tous les besoins.
Mme Dedam-Montour : J'aimerais commenter votre observation concernant le modèle cubain. Comme Mme Kinoshameg l'a dit, nous ne connaissons pas bien les polycliniques, mais j'entrevois le rôle que les RSC pourraient jouer dans le renforcement du capital humain à l'échelle locale. Si nous envisageons la situation des RSC, la voie à suivre pour acquérir les compétences nécessaires et le type de formation requis, actuellement, nous voyons que bon nombre d'entre eux ne possèdent pas un niveau de scolarité élevé. Ils sont beaucoup à avoir fréquenté l'université ou à avoir suivi d'autres types de formation en sciences infirmières, mais la plupart viennent de la collectivité. Ils n'ont pas eu l'occasion de faire des études supérieures.
Nous procédons à une évaluation afin de les préparer à suivre la formation. Nous examinons les compétences qu'ils possèdent. Certains de ces RSC travaillent depuis dix ans dans leur collectivité; ils n'ont suivi aucun cours de formation officielle. Ils apprennent sur le tas. Ils proviennent de la collectivité; ils servent leur collectivité; ils connaissent les besoins. Les gens leur parlent et leur disent quels sont leurs problèmes. Ils les aident à passer à travers et à obtenir un accès aux soins de santé.
Il faut reconnaître leurs compétences et ce qu'ils ont acquis en travaillant. Il faut aussi assurer la souplesse de la prestation des cours de formation. Selon moi, c'est ce qu'ils font dans le cadre du modèle cubain. Ils s'arrêtent aux besoins, plutôt que d'envisager le système dans son ensemble. Ils regardent la personne et se demandent de quelle façon renforcer ses compétences, peu importe le point repère dans ce pays ou cette région. Nous devrions au moins travailler en ce sens.
Selon nous, renforcer les compétences des RSC en utilisant divers modèles sont autant de possibilités de les former. Par exemple, nous pouvons utiliser la technologie de télésanté, dont bénéficient un nombre croissant de collectivités. C'est une manière de fournir de la formation.
Un autre problème que nous avons découvert est le fait que les RSC sont soumis à beaucoup de stress et de pression en raison du manque de professionnels de la santé dans la collectivité. Ils sont parfois les seuls à fournir des soins de santé. Les membres de la collectivité ne veulent pas qu'ils partent pour suivre des cours de formation. Il y a un problème quand la main-d'œuvre se doit d'être formée, mais ceux qui pourraient possiblement saisir cette occasion d'avancement et devenir des professionnels — que ce soit pour devenir infirmier ou médecin — n'ont pratiquement pas le droit de saisir l'occasion en raison des besoins dans la collectivité et du manque de fournisseurs de soins de santé.
M. Dinsdale : La visée générale consistant à trouver des moyens de faire participer des tranches précises de la population à des programmes et de surmonter des obstacles artificiels est critique. Il faut se rappeler qu'il y a un plafond de 2 p. 100 sur le financement des études postsecondaires dans les réserves. Ce plafond empêche artificiellement bon nombre d'Autochtones d'entrer dans le système scolaire. La notion selon laquelle le financement en éducation est en quelque sorte fonction de pouvoirs discrétionnaires n'est pas utile. La viabilité à long terme de l'application de cette structure est une zone grise.
Dans le passé, j'ai travaillé au Native Child and Family Services de Toronto. J'ai été embauché pour créer une école parallèle pour les enfants autochtones vivant dans la rue. Nous avions un partenariat avec le Jarvis Collegiate Institute. Le programme a toujours cours et s'appelle le Native Learning Centre.
Ce qu'il faut se rappeler c'est que nous n'avons pas lancé le programme. Nous avons travaillé avec la First Nations House de l'Université de Toronto, qui offre un programme de préparation aux études universitaires. Dans le cadre de ce programme, les jeunes qui ont pu terminer leurs études secondaires grâce au Jarvis Collegiate Institute, ont fréquenté, trois ans plus tard, l'Université de Toronto. Ils sont passés de vivre dans la rue à étudier à l'Université de Toronto — un établissement d'enseignement qui n'a même pas daigné regarder la demande que j'avais présentée à la fin de mes études secondaires. C'est fabuleux.
On pourrait s'inspirer de manières de faire et de modèles canadiens. Nous mettons un accent stratégique sur les avocats autochtones — nous offrons des programmes d'entrée et des programmes d'été. Selon moi, nous devrions mettre un accent semblable sur la formation des infirmiers et des médecins autochtones. Le mandat du Northern Ontario School of Medicine est supposé assurer la formation de médecins autochtones. Je n'ai aucune idée de ce qui en est. J'ai participé aux réunions de création. Certains de mes homologues sont probablement mieux placés que moi pour dire où en sont les autres établissements d'enseignement.
L'esprit du modèle cubain consiste à surmonter les obstacles et les frontières artificielles qui existent au Canada. Il faut que nous comptions sur l'accent et la volonté stratégiques, comme c'est le cas pour les avocats, pour souligner que nous avons aussi besoin de professionnels de la santé.
Vous avez aussi mentionné précisément l'avenir des centres d'amitié. Nous sommes des leaders en matière de développement communautaire. Nous oeuvrons dans le domaine depuis les années 1950. Depuis un certain temps, nous n'avons pas de partenaire viable au sein du gouvernement fédéral en matière d'emploi, de formation, de programmes en santé et dans d'autres domaines. Ce n'est soit pas attrayant soit pas le thème stratégique du jour de mettre l'accent sur les gens en zone urbaine. Nous continuerons d'être efficaces, responsables et professionnels. Nous changeons des choses. Nous pourrions en faire davantage si nous avions un partenaire actif au sein du gouvernement fédéral.
Shelagh Jane Woods, directrice générale, Direction des soins de santé primaires et de la santé publique, Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits, Santé Canada : J'ai presque l'impression de m'exercer pour mon témoignage devant un autre comité la semaine prochaine, nous nous y rendrons pour parler de l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone. J'aurais bien aimé m'être préparée d'avance, mais je peux faire des liens avec certaines des choses qui ont été dites.
Nous exécutons une initiative quinquennale qui se terminera à la fin de la prochaine année — l'Initiative sur les ressources humaines en santé autochtone. Les fonds ont été octroyés en 2004, et nous avons lancé l'initiative en 2005. Nous avions 100 millions de dollars sur cinq ans.
Je n'ai pas les documents avec moi, et j'oublie toujours les derniers éléments d'une liste. Il y avait trois objectifs principaux. Le premier était d'augmenter le nombre de travailleurs de la santé autochtone. Nous avons envisagé d'utiliser le terme « professionnels ». Au départ, on a mis l'accent sur les médecins, ensuite, sur les infirmiers. Nous avons déterminé qu'il fallait mettre l'accent sur tout l'éventail des travailleurs de la santé autochtone. Le deuxième objectif était de faire quelque chose au sujet des programmes de cours. Nous avons commencé par les écoles de médecine. Le troisième objectif consistait à augmenter le nombre de travailleurs qualifiés qui restaient dans les collectivités autochtones et, en particulier, les travailleurs autochtones.
Nous avons parlé de certaines des initiatives de manière indirecte. Je crois que ce sur quoi travaille Mme Kinoshameg avec l'Association canadienne des écoles de sciences infirmières est quelque chose que nous avons soutenu. Il y a une initiative en collaboration avec l'Association des facultés de médecine du Canada et l'Indigenous Physicians Association of Canada dont l'objectif était de créer du contenu pour les programmes des écoles de médecine afin d'y ajouter les thèmes de la sécurité et de la compétence dans une perspective culturelle. En fait, l'initiative sera annoncée aujourd'hui. J'essaie de ne pas couper l'herbe sous le pied de mon ministre en vous apprenant la nouvelle. Ce ne serait pas très bon pour ma carrière.
Il existe de nombreuses initiatives. M. Dinsdale a parlé de la Northern Ontario School of Medicine. Au moins six écoles de médecine ont déjà commencé à créer des programmes de soutien culturel à l'intention des étudiants autochtones. Nous ne savons trop bien comment il peut être difficile pour les étudiants autochtones de se que retrouver dans un environnement hostile, étranger et inconnu et de n'avoir personne vers qui se tourner. Certaines des premières initiatives que nous avons financées visaient la prestation de services d'aînés dans certaines universités et certains collèges, par exemple.
Nos principales activités ont été l'amélioration des programmes de bourses et de bourses d'études à l'intention des étudiants autochtones, et ce, principalement par l'intermédiaire de la National Aboriginal Achievement Foundation. Elle gère des bourses d'études et des bourses pour nous depuis longtemps, et nous lui avons octroyé un important nouveau financement. Cela a permis à des personnes venant d'un large éventail de professions du domaine de la santé de présenter des demandes et de recevoir une aide financière.
Selon moi, il est important de mentionner ces choses. Je crois que nous commençons à avoir du succès.
Le sénateur Eggleton : J'aimerais parler de trois choses. Je vais commencer par Mme Langlois et ses homologues de Santé Canada. Votre exposé sur vos travaux est très bon. Comme vous le soulignez, bon nombre des déterminants de la santé échappent à la compétence de Santé Canada. Cela signifie qu'il faut travailler avec des représentants d'autres ministères, et vous affirmez le faire déjà beaucoup.
Cependant, il y a encore beaucoup de différences et d'inégalités au sein de la communauté autochtone et entre la population générale et les Autochtones. À l'échelon fédéral, il y a non seulement votre ministère qui s'occupe de cela, mais environ 30 autres ministères fédéraux qui s'occupent de santé de la population. Bon nombre des initiatives connexes échappent à votre compétence, comme les mesures anti pauvreté, les stratégies d'hébergement et les programmes d'études. Elles sont quand même liées au thème de la santé et de la population. De quelle façon pouvons- nous tout coordonner pour améliorer la situation actuelle?
En tant qu'ancien président du Conseil du Trésor, je sais qu'il est extrêmement difficile de créer des liens horizontaux. On est devant un système de cloisonnement au sein duquel l'affectation des fonds revient aux différents ministres. Il est extrêmement difficile de déterminer de quelle façon organiser tout cela pour obtenir une approche pangouvernementale.
Quelle est votre opinion sur la marche à suivre, sur la manière d'adopter une approche pangouvernementale? Comment savoir si nous réussissons ou non? Avons-nous besoin d'indicateurs de rendement? Devons-nous inclure des stratégies anti pauvreté et des choses du même genre? Que devons-nous faire pour monter le niveau d'un cran et améliorer la situation actuelle?
Mme Langlois : Je crois que c'est exactement là où le comité veut en venir. Nous formulons cette recommandation qu'il faut adopter une approche pangouvernementale et le moyen d'y parvenir.
Du point de vue de la santé, je dirais que notre objectif est de s'assurer qu'il y a des déterminants de la santé. Je peux vous dire que nos médecins hygiénistes sont souvent préoccupés par ce à quoi ils peuvent s'attendre vu leur connaissance des conditions d'hébergement.
Ils ont hâte de travailler avec les collectivités afin de commencer à régler le problème de l'hébergement. Ils ont hâte de travailler avec AINC à ce sujet. Au sein du système de santé et dans l'attitude de notre effectif, nous sentons cette volonté de commencer à dépasser nos frontières pour s'attaquer à certaines des causes de causes de causes auxquelles M. Reading a fait allusion.
Je peux vous dire que notre SMA — pour commencer à cet échelon de la haute direction du ministère — et certainement notre sous-ministre, communiquent régulièrement avec AINC. On discute des travaux conjoints et de la manière d'aller de l'avant avec ce qui a été prévu. Mme Quinn et moi coprésidons différents comités afin de commencer à déterminer de quelle façon nous pouvons mieux travailler ensemble pour susciter le genre de changements que nous voulons obtenir.
Je m'en voudrais de ne pas dire que cela doit aller au-delà de notre niveau. Nous, les fonctionnaires, avons la responsabilité fondamentale d'assumer notre rôle dans le cadre des activités horizontales. Selon mon expérience et mes connaissances acquises lorsque je travaillais à l'échelon provincial, si vous voulez attirer l'attention des personnes sur le travail horizontal, alors il faut inclure cela dans leurs objectifs de rendement et faire en sorte que leur salaire est fonction de leur travail.
Il y a des exemples au sein du gouvernement de l'Alberta et de celui de la Saskatchewan. Lorsque la rémunération au rendement est liée à la mesure dans laquelle vous réalisez une initiative horizontale et travaillez avec vos collègues, vous commencez à porter attention à cet aspect de votre travail.
Il s'agit de mon point de vue personnel sur une manière de pousser les gens à modifier leur comportement. Je dois aussi reconnaître les immenses défis liés au fait de travailler de façon horizontale au sein du système fédéral puisqu'il est si imposant.
Le sénateur Eggleton : Il faut que les échelons supérieurs fassent preuve de leadership, puis il faut intégrer cela dans la rémunération au rendement, les exigences, les contrats et toute autre entente avec les employés. Ce sont de bonnes idées.
Dr Reading : Je viens tout juste d'assister à une réunion de représentants de l'Australie, de la Nouvelle-Zélande, du Canada et des États-Unis. Le premier ministre australien a fait une déclaration il y a un an sur le besoin de combler l'écart.
En Australie, on s'efforce à l'échelle nationale de combler l'écart entre l'état de santé des peuples aborigènes et celui de la population dans son ensemble. Durant la première journée où siège le Parlement chaque année, le premier ministre présente un rapport au Parlement sur les progrès de l'ensemble du gouvernement pour combler l'écart.
Il y a un écart de 17 ans entre les aborigènes et les non-aborigènes. Ils veulent combler l'écart de l'espérance de vie, de la mortalité infantile et de la mortalité chez les enfants âgés de zéro à cinq ans ainsi que les écarts liés à l'alphabétisation et aux capacités de calcul.
L'Australie aura beaucoup à faire pour y arriver. Cependant, pour que tout soit clair, il faut que ça vienne de l'échelon le plus élevé. Il faut que ce soit la priorité du premier ministre.
Le sénateur Eggleton : Qu'ont-ils mis en place comme structure pour garantir que tout fonctionne adéquatement? Y a-t-il un comité du Cabinet ou est-ce que le premier ministre supervise personnellement l'ensemble du projet?
Dr Reading : À la lumière de mes discussions avec les gens qui travaillent sur le terrain en Australie pour produire les données, je peux vous dire qu'il y a énormément de travail qui est fait à ce sujet. Ils ont leur programme, et les comités parlementaires à l'échelle du gouvernement relèvent directement du premier ministre en la matière. Comme l'a dit le premier ministre, c'est la principale priorité du gouvernement.
Le sénateur Eggleton : En fait, c'était ma deuxième question. J'allais poser au Dr Reading des questions au sujet de l'Australie.
Ma troisième question est pour Mme Quinn, qui a mentionné un investissement de 300 millions de dollars au cours des 10 prochaines années octroyé au Fonds pour les logements du marché destinés aux Premières nations qui doit fournir quelque 25 000 unités d'habitation dans les réserves. Comme M. Dinsdale l'a souligné, 54 p. 100 des Autochtones ne vivent pas dans les réserves. Ils vivent au sein de la population générale dans des villages, des villes et des régions rurales partout au pays.
Ils seront peut-être admissibles à d'autres programmes de logement qui ne sont pas accessibles à la population générale. Cependant, à la lumière des différences dont nous avons parlé aujourd'hui et dont nous sommes au courant, quelles sont les mesures précises à l'intention des Autochtones hors-réserve en matière d'hébergement?
Mme Quinn : Comme vous venez de le dire, il y a des programmes d'application générale à l'extérieur des réserves. Cependant, en raison de l'ampleur et de la portée des enjeux à l'extérieur des réserves, il faut en faire plus. En ce qui a trait à notre ministère, nous fournissons des logements dans les réserves. La Société canadienne d'hypothèques et de logement offre des programmes pour la rénovation et d'autres types d'aide utile. Plus récemment, le gouvernement fédéral a octroyé des fonds pour des logements sociaux dans le Nord, et, selon moi, cela s'est avéré utile.
Le sénateur Eggleton : À moins que quelqu'un d'autre ait quelque chose à ajouter sur ces sujets, j'ai, pour ma part, terminé.
Mme Dedam-Montour : Vous dites que 30 ministères fédéraux sont responsables de la santé de la population. Je ne sais pas si tous ces ministères s'occupent aussi d'enjeux autochtones. Voilà la question que veux poser, parce que dès que je mentionne des enjeux autochtones, les intervenants se limitent à AINC et la DGSPNI, la Direction générale de la santé des Premières nations et des Inuits. RHDCC possède une composante autochtone, mais, pour ce qui est des autres ministères, je ne sais vraiment pas qui s'occupe réellement des Autochtones. Comme quelqu'un l'a dit, il y a des programmes dans les réserves et des programmes pour tous. Je ne sais pas vraiment comment la moitié de la population qui se retrouve dans la population générale gère ces enjeux.
Cela m'a fait penser au texte législatif sur le « principe de Jordan » qui a été déposé — le principe selon lequel l'enfant doit passer en premier. Toute cette situation est survenue en raison de différends entre administrations — qui va payer? Pendant ce temps-là, il y a des enfants qui souffrent.
Et ce n'est pas seulement pour les enfants. C'est la même chose pour tous les groupes d'âge. Peut-être faut-il faire passer la personne en premier et envisager de quelle façon certains autres ministères peuvent travailler avec la population autochtone. Je ne sais pas si cela exige des changements stratégiques au sein du gouvernement ou si c'est à nous d'en apprendre davantage au sujet de ces programmes et de ce qu'ils offrent aux collectivités et aux gens.
Le sénateur Champagne : Permettez-moi de vous présenter une situation utopique pendant une minute. Et si le gouvernement créait un bureau central? Comme vous venez de le dire, AINC, Santé Canada, Patrimoine canadien, et cetera, exécutent tous des programmes. Qu'arriverait-il s'il y avait un bureau, qui rassemblait tous les intervenants des différents ministères, où rien ne serait fait tant que le dossier n'est pas entre les mains de ces intervenants et qu'ils puissent le faire ensemble. C'est peut-être possible; c'est peut-être juste utopique comme je l'ai dit. À tout le moins, c'est une hypothèse.
Je me demande qui représenterait la population autochtone. Vous êtes ici aujourd'hui et vous nous présentez bon nombre d'idées fantastiques, vous faites connaître vos besoins et ainsi de suite.
Si nous avions un bureau central au gouvernement, qui serait le mieux placé pour faire valoir les besoins des Autochtones? Comme vous l'avez dit, il y a des Indiens inscrits et des Indiens non inscrits; il y a divers groupes comme les Inuits et les Métis; certains vivent dans des réserves ou des collectivités isolées tandis que d'autres vivent dans les villes.
Quelle personne ou quel groupe serait le plus en mesure de traiter avec le groupe utopique au sein du gouvernement qui tenterait de réunir les ressources de l'ensemble des différents ministères et de déterminer la chose la plus importante à faire demain matin?
Mme Dedam-Montour : Je ne crois pas que ce soit utopique. Je crois que c'est un cauchemar.
Un organisme central deviendrait un monstre gigantesque. Je suis convaincue que bon nombre des régions du Canada auraient des points de vue différents. Je sais que, du point de vue des Premières nations, chaque région parlerait de ses propres enjeux de gouvernance et aurait de la difficulté à envisager le « macro organisme » national.
Je vous pose la question suivante : qui, selon vous, devrait former cet organisme ou en faire partie? S'agit-il de politiciens ou d'administrateurs? C'est cette information qui permettrait de déterminer qui sera de l'autre côté de la table des négociations.
Le sénateur Champagne : Je ne voulais vraiment pas dire qu'il faudrait abolir les différents ministères qui travaillent pour aider les Autochtones du Canada. Je me disais simplement que, si nous étions pour faire quelque chose — disons, en santé — ce pourrait être une bonne idée de parler à quelqu'un, disons, de Patrimoine canadien afin de voir ce que l'on pourrait faire avec les centres d'amitié. Pourrait-on procéder ainsi dans le domaine de la santé? Je ne voulais pas dire qu'il faudrait tout éliminer.
Je me demandais si on ne pouvait pas trouver quelqu'un ou une structure pour coordonner tous les efforts actuels afin que ça soit plus utile. Je ne voulais certainement pas dire qu'il faut abolir quoi que ce soit afin de créer un seul ministère qui s'occuperait de toutes les questions autochtones au Canada. Je me rends bien compte que cela serait un vrai cauchemar. Vous avez raison.
M. Dinsdale : J'aimerais revenir en arrière parce que je voulais répondre à la question du sénateur Eggleton. Je trouvais cela très instructif. Lorsqu'il y a une excellente approche stratégique en matière de logement, mais qu'un important segment de la population est laissé pour compte... Je ne crois pas qu'il est suffisant de dire qu'il y a des programmes pour tous. Si c'était suffisant, il y aurait égalité des résultats actuellement, ce qui n'est clairement pas le cas.
Je crois que c'est habituellement le type de réponse qu'on nous sert lorsque nous parlons du besoin d'établir des programmes visant les Autochtones à l'extérieur des réserves. L'autre défi est que, il y a quelques années, dans le cadre de son budget, le gouvernement a affecté 300 millions de dollars aux logements à l'extérieur des réserves. Le gouvernement fédéral a transféré immédiatement ces fonds aux provinces sous forme de fiducie de logement. Il revenait aux provinces d'établir les programmes. En cours d'élaboration, une partie des 300 millions de dollars ont servi à couvrir des coûts administratifs et d'autres coûts, et certaines administrations n'ont pas encore dépensé les fonds.
Ça se résume à un manque de leadership. Je crois qu'AINC se concentre trop sur sa responsabilité légale plutôt que sur le besoin de servir les collectivités. La Société canadienne d'hypothèques et de logement (SCHL) ne fournit pas de logements sociaux aux Autochtones qui vivent à l'extérieur des réserves. Ce à quoi nous avons accès en termes de refuges c'est RHDCC qui nous l'offre sous forme de foyers de transition. Vous avez mis le doigt exactement sur le problème.
J'aimerais répondre à la question soulevée ici. Parfois, c'est frustrant quand on demande aux Autochtones qui les représente parce que vous parlez aussi de l'autre groupe : dans les réserves et à l'extérieur des réserves; les Inuits et les Métis; les Indiens inscrits et non inscrits. Je demande souvent aux Canadiens qui les représente. Est-ce votre conseiller, votre maire, votre commissaire d'école, votre député provincial, le gouvernement provincial ou fédéral ou une coalition d'ONG? Diverses organisations représentent les Canadiens, et nous ne semblons pas avoir de problèmes à comprendre à qui il faut parler et quand il faut le faire.
Je crois que nous avons besoin de discipline politique pour établir la structure permettant de déterminer qui s'occupe de qui. L'Assemblée des Premières nations représente les chefs indiens des réserves. Cela ne fait aucun doute. Ils représentent les Indiens inscrits qui sont leurs citoyens et, de certaines manières, le font mieux que d'autres, mais c'est difficile.
Le Ralliement national des Métis (RNM) sert clairement les intérêts des Métis. Il utilise une définition de « Métis », même si cela ne tient pas nécessairement compte des gens de l'Est. Cependant, il s'occupe des Métis.
Inuit Tapiriit Kanatami (ITK) représente les Inuits, peu importe où ils vivent. C'est une petite organisation, et nous vivons dans un grand pays. C'est difficile pour l'organisme.
Le Congrès des peuples autochtones dit représenter les Autochtones qui restent à l'extérieur des réserves, et je ne remets pas en question sa capacité de le faire, mais c'est ce qu'il affirme. La Native Women's Association of Canada dit représenter les femmes autochtones.
Je ne crois pas que cela porte à confusion, mais je crois que parler seulement à des intervenants de l'arène politique de questions liées à la prestation de services peut s'avérer un défi.
Selon moi, il s'agit d'un manque de clarté quant à la réponse que nous voulons obtenir, et, parfois, nous interrogeons les mauvaises personnes.
Le sénateur Champagne : Pendant que j'écoutais tous les intervenants, je me disais que, parfois, la main droite ne sait pas ce qu'est en train de faire la main gauche. Ce n'est pas aussi efficace que cela pourrait l'être. Même si nous avons tous de bonnes intentions, nous ne faisons pas la bonne chose. C'est ce que j'essayais de dire.
M. Dinsdale : Il y avait un Comité ministériel sur les affaires autochtones qui est maintenant dissous. Ce comité relevait du Bureau du Conseil privé. Je ne sais pas si cette structure était plus efficace que celle que nous avons aujourd'hui. Vous pourriez demander à vos collègues de se pencher sur la question afin de déterminer s'il s'agissait d'un outil efficace ou non.
Le sénateur Eaton : Je me demande si je peux revenir sur ce dont vous et le sénateur Eggleton discutiez.
J'ai besoin de renseignements ici. Nous dirons que les « déterminants du bien-être » sont quelque chose de positif. Ne sont-ils pas les mêmes pour les Premières nations, les Métis et les collectivités autochtones qui vivent dans des centres urbains que pour la population générale?
M. Dinsdale : Il s'agit des déterminants sociaux de la santé...
Le sénateur Eaton : En d'autres mots, les enjeux ne sont-ils pas le logement, l'éducation, la santé, et tout le reste?
M. Dinsdale : Pour les Autochtones, la culture et la langue sont aussi des enjeux importants. Il y a des notions liées à l'autodétermination, qui reflètent les interactions que nous avons eues avec les colonisateurs et qui concernent la capacité d'organiser des programmes qui nous sont propres ou d'assumer une gouvernance. Il y en a d'autres que nous pourrions ajouter et qui peuvent être différents.
De plus, les réactions à nos déterminants sociaux de la santé ou du bien-être typiques seraient différentes selon qu'il s'agit d'une personne autochtone vivant en zone urbaine ou d'un Canadien non autochtone. Nous savons, grâce à l'emploi et à la formation — et des experts du domaine de la santé pourraient dire la même chose de divers domaines de la santé —, que les Autochtones ne participent pas beaucoup aux programmes à l'intention du grand public. Je ne veux pas trop approfondir cette question parce que ce n'est pas ce que vous m'avez demandé.
Nous disons que, si c'était le cas, il y aurait parité en emploi, parce qu'il y a l'assurance-emploi, des programmes de formation, et tout le reste, pour tous.
Les Autochtones ont besoin d'approches axées sur la culture.
Le sénateur Eaton : Vous parliez d'un programme de transition de l'Université de Toronto et de votre centre autochtone qui ont très bien fonctionné. Par exemple, l'Hôpital St. Michael est un important hôpital universitaire au centre-ville de Toronto. Ne pourrions-nous pas créer une clinique du mieux-être ou une clinique sans rendez-vous dotée d'une équipe de transition qui travaillerait avec un médecin et du personnel infirmier autochtone, mais à laquelle vous auriez tout de même accès? Ce n'est qu'un exemple, sénateur Keon. Ça pourrait fonctionner dans n'importe quel grand centre urbain. Ils auraient donc accès à tous les soins spécialisés. Pourriez-vous utiliser cela?
M. Dinsdale : Le mouvement des centres d'amitié ne prône pas la création d'un système parallèle pour les Autochtones qui vivent dans les villes. Si c'est ce que vous avez compris, alors ce n'était pas notre intention. Qu'il s'agisse d'un programme de formation ou en santé, il faut trouver des points d'entrée et, parfois, ils sont différents. Dans le domaine de l'éducation, nous disons que nos enfants sont aussi intelligents que les autres. Parfois, nous avons besoin de bien les entourer et de leur offrir des services afin de les protéger de toutes ces autres choses dont nous avons parlé afin de les aider à terminer leurs études.
C'est de cette manière que nous décrivons le Native Learning Centre; c'est cet encadrement et ce soutien offerts à l'étudiant. Parfois, il s'agissait d'un financement accru pour exécuter les autres programmes. Ça nous a vraiment aidés lorsqu'ils ont mentionné leur programme de préparation aux études universitaires; qu'ils offraient ces interventions.
La raison pour laquelle je mentionne le programme de préparation aux études universitaires est qu'il s'agissait d'une approche davantage pangouvernementale pour augmenter le nombre de professionnels de la santé autochtones en éliminant certains des obstacles artificiels qui leur barrent la route. Je ne disais pas nécessairement qu'il fallait en faire une option de prestation de services de première ligne. Je crois que ce serait bien fondé.
Le sénateur Eaton : Nous avons des installations de santé de logement. Ne pourrions-nous pas les utiliser dans les centres d'amitié pour favoriser la transition, en utilisant ce que nous avons déjà?
M. Dinsdale : Dans certains cas, cela pourrait fonctionner. Cela dépendrait de la région et de l'emplacement. De toute façon, nous ne disons pas qu'il faut deux systèmes. Il y a des points d'entrée et diverses manières d'y accéder.
Le sénateur Fairbairn : La séance d'aujourd'hui a été très bénéfique.
Vous avez attiré notre attention afin d'accélérer et d'approfondir le processus. Il est évident que vous avez fait beaucoup de travail. Je viens de Lethbridge, en Alberta. La ville est située sur des terres visées par le Traité no 7 et la nation Kainah est tout près.
Depuis la création de l'université dans les années 1960, on a beaucoup collaboré avec le Red Crow Community College sur la réserve afin qu'il ne ferme pas ses portes quand il semblait voué à l'échec. On s'est efforcé de faire venir le plus de jeunes et de personnes âgées possible dans cette nouvelle université. À de nombreux plans, y compris la santé, le résultat a été une nette amélioration dans la réserve en raison des liens créés grâce à ce pont entre la collectivité et l'extérieur. Des gens de la réserve enseignent maintenant à l'université et au collège de la ville.
Dans la réserve, il est évident qu'il y a des difficultés liées à la santé. Il se passe des choses dans le Sud-Ouest de l'Alberta, et c'est difficile pour tout le monde. Il convient de dire que les liens créés au fil des ans ont modifié les occasions de travailler ensemble. Il y a un groupe de personnes qui travaillent dans la réserve et qui viennent de l'université ou du collège, et cela fait une grande différence.
Il y a encore beaucoup de difficultés, comme c'est le cas partout ailleurs. Est-ce que certains d'entre vous ont participé à cela? Il est intéressant de noter à quel point, au fil du temps, il y a eu des réussites en raison des liens créés. En outre, de solides amitiés se sont créées et il y a eu beaucoup de collaborations entre les deux niveaux. En ce qui a trait aux enfants, les efforts des dernières années pour les rejoindre avant qu'il ne soit trop tard ont été couronnés de succès. Avez-vous entendu parler de ces liens dans cette partie du Canada, où il y a un important et merveilleux groupe d'Autochtones?
Mme Dedam-Montour : Je ne suis pas au courant de cet établissement et de la relation qui a été créée, mais je peux m'appuyer sur mon expérience personnelle. J'ai terminé mes études secondaires en 1976. J'ai fréquenté un établissement qui s'appelle Collège Manitou et qui était affilié avec le Collège Dawson à Montréal. Il s'agissait d'un établissement d'enseignement des Premières nations. Même si j'étais de descendance mi'kmaq et que je vivais dans une réserve, je n'ai pas su ce que signifiait être mi'kmaq avant de fréquenter le Collège Manitou, où il y avait des Montagnais, des Hurons, des Cris, des Mohawks et d'autres groupes. C'est à cet endroit que j'ai pu mieux comprendre d'où je venais. Ensemble, nous avons appris dans un établissement d'enseignement. C'est une période durant laquelle j'ai beaucoup appris et où je suis devenue qui je suis aujourd'hui, devant le Sénat. Je me sens privilégiée d'être ici.
Je ne suis qu'un exemple des nombreux étudiants qui ont fréquenté un tel établissement d'enseignement. Une autre personne que je connais est M. Ghislain Picard, chef régional de l'Assemblée des Premières nations du Québec et du Labrador. Même si je n'ai fréquenté l'établissement qu'un semestre, cela a eu un grand impact sur moi.
Ceux qui ont obtenu leur diplôme de cet établissement travaillent dans divers ordres de gouvernement ou pour des organisations politiques. Certains sont peut-être même politiciens. Ils travaillent aux niveaux communautaire, local, régional, national et parfois même international.
Favoriser les études des membres des Premières nations dans un environnement autochtone est une excellente expérience. Malheureusement, je n'ai pas eu l'occasion d'obtenir mon diplôme de ce collège parce que le gouvernement l'a fermé. Je me rappelle ne pas avoir compris pourquoi, parce que nous y obtenions une bonne éducation. Le gouvernement a parlé de limites budgétaires ou a dit qu'il y avait trop de promiscuité et de consommation d'alcool. Cela se produit dans tous les établissements d'enseignement quand les étudiants de niveau universitaire et collégial s'émancipent de leur environnement familial et profitent de la vie d'une manière différente et passagère.
Peu importe la politique du gouvernement ou sa justification à ce moment-là, le résultat final a été la fermeture de l'établissement. Beaucoup de grands leaders ont fréquenté ce collège. Je suis sûre que c'est la même chose dans votre région — beaucoup de gens qui ont fréquenté un établissement sont devenus des leaders dans leur collectivité.
Le sénateur Fairbairn : Certains sont devenus médecins.
Mme Dedam-Montour : Il y a de nombreux avantages. Le Collège Manitou était situé dans un environnement à caractère très autochtone, et l'expérience était donc enrichissante sur le plan émotionnel et culturel. Cependant, puisque le gouvernement l'a fermé, j'ai dû fréquenter le Collège Dawson à Montréal, et ce n'était pas la même chose. J'avais peur de quitter la station ferroviaire et de marcher parce que j'avais peur de me perdre. C'est l'expérience que j'ai eue. Les étudiants qui viennent de petites collectivités isolées où il n'y a pas de routes, pas de trottoirs et pas d'eau courante doivent complètement se déraciner pour poursuivre leurs études. Ils se retrouvent dans un environnement étranger où la langue et les cultures sont différentes.
L'environnement de soutien mentionné plus tôt favorise le développement.
Dr Reading : Le comité doit réfléchir à ce que les économistes appellent la grande récession comme un facteur général dans tout ça. Les Autochtones sont les plus pauvres des pauvres, et les conséquences de la récession mondiale est que les investissements seront annulés en raison de facteurs qui, nous le savons, ont une incidence sur les déterminants de la santé. Le gouvernement canadien est en retard par rapport à ses homologues dans d'autres pays.
Comme nous le savons tous, Barack Obama a fait un grand effort pour stimuler l'économie grâce à des investissements stratégiques à un moment où de tels investissements sont nécessaires et il a tendu la main aux Amérindiens. Il a fortement augmenté les ressources du Indian Health Service et s'est engagé à rencontrer les leaders amérindiens pour parler des déterminants de la santé.
Comme je l'ai mentionné plus tôt, l'Australie fait la même chose, et la Nouvelle-Zélande travaille depuis longtemps avec les Maoris. Je crois que le Canada est en retard par rapport à ce qui se passe à l'échelle internationale.
Les conséquences seront énormes. Plus de 50 p. 100 des Autochtones ont moins de 25 ans. Cette cohorte de jeunes a besoin d'une formation nécessaire et pratique. Je ne parle pas de devenir professeur d'université — même si certains d'entre eux y arriveront. Cependant, la formation pour obtenir des compétences et des occasions d'emploi sera un élément important pour aborder les déterminants de la santé. Durant une récession, le gouvernement doit investir pour renforcer les capacités de la prochaine génération.
Il faut regarder la réalité en face plutôt que de faire fi de nos responsabilités à l'égard de la population. Il faut investir davantage. M. Dinsdale nous a dit qu'il doit se satisfaire d'une enveloppe de financement qui est la même depuis les années 1990. Et cela, malgré les énormes gains et le fait qu'il respecte les évaluations du gouvernement, et ainsi de suite. C'est tragique. Il y a quelque chose qui ne va vraiment pas avec les priorités du gouvernement. C'est une question d'équité, de droits de la personne et d'inclusion.
Nous l'avons tous compris. J'imagine que je prêche à des convertis. Cependant, la principale chose que je veux faire valoir, c'est que le Canada est en retard par rapport aux autres pays industrialisés.
Le président : Merci, docteur Reading. Nous avons un peu dépassé le temps, mais nous poursuivrons quand même.
Le sénateur Callbeck : En 2005, on a élaboré le Plan directeur de la santé des Autochtones. J'ai compris qu'il s'agissait d'un guide sur la marche à suivre dans le domaine de la santé. Il a été signé par le gouvernement fédéral, les provinces, les Métis, les Inuits et les Premières nations. Il ne semble pas que cela ait donné quoi que ce soit. Est-ce un bon plan directeur? Est-ce un bon point de départ pour aborder le thème de la santé de la population?
M. Dinsdale : Je ne peux pas commenter le Plan directeur lui-même parce que nous n'avons pas participé au suivi.
Même si je suis en désaccord avec le résultat, je crois qu'on a utilisé le bon processus à Kelowna. Le processus aurait pu être plus inclusif et mettre l'accent davantage sur les enjeux en milieu urbain. Les enjeux en milieu urbain devaient être l'angle d'approche, mais c'est plutôt devenu un angle mort selon nous. Cependant, c'était le bon processus.
Il aurait été opportun de compter les trois principales organisations autochtones nationales avec nous, parce qu'elles auraient pu parler de ce qu'elles font. Il y a des activités, et, peut-être, que nos homologues du gouvernement peuvent les commenter. C'est un exemple de cas où les représentants des zones urbaines n'ont participé d'aucune manière à l'élaboration ou à la mise en œuvre du plan directeur.
Mme Dedam-Montour : Je conviens aussi que c'est un bon début. Je siège au Chief's Committee on Health de l'Assemblée des Premières Nations. Je ne suis pas un membre votant et je ne suis pas là pour fournir un soutien technique. Cependant, je fais connaître le point de vue de la collectivité.
Le plan directeur appuie ce que les leaders veulent faire. C'était la marche à suivre parce que cela reflétait beaucoup de collaboration. Le simple fait qu'un certain nombre de groupes s'entendent sur un document est déjà une réussite en soi.
Même si le processus a été entrepris en 2005, certaines de priorités ont changé. Si on reprenait les discussions, ce serait une bonne idée d'avoir l'occasion de réexaminer certains des enjeux et de le mettre à jour pour qu'il réponde aux besoins actuels.
Mme Kinoshameg : Je n'ai moi non plus pas participé à cette initiative. La participation était peut-être limitée à la sphère politique à cette étape de l'élaboration du plan directeur. Cependant, si le plan n'a rien donné, il faudrait peut- être le réexaminer. Ce pourrait être un point de départ s'ajoutant à tout ce dont nous avons parlé précédemment.
Le sénateur Callbeck : Vous et Mme Dedam-Montour avez mentionné le Chief's Committee on Health. Pouvez-vous en parler?
Mme Kinoshameg : Mme Dedam-Montour peut en parler.
Mme Dedam-Montour : L'Assemblée des Premières Nations est composée de leaders politiques de chacune des dix régions du pays. Chaque région choisit un chef responsable du dossier de la santé. Ces chefs se réunissent à l'échelon national quatre fois par année. Pour appuyer le Chiefs' Committee on Health, chaque région choisit un technicien en santé. Cette personne se penche sur les politiques, ce qui se passe, et aide à élaborer les stratégies pour orienter les leaders quant à ce qu'ils doivent faire ensuite.
En tant que leaders, vous êtes ici aujourd'hui, mais il y a beaucoup de personnes derrière vous qui vous ont informés, qui vous orientent et qui vous fournissent le plus de renseignements possibles afin que vous puissiez prendre des décisions éclairées. Le Chiefs' Committee on Health a des techniciens en santé qui font cela. Je siège à ce comité depuis 2005.
Le sénateur Callbeck : Mme Langlois a mentionné que Santé Canada discute beaucoup avec d'autres décideurs et praticiens dans d'autres pays.
Y a-t-il des initiatives ou des pratiques exemplaires que vous avez apprises d'autres pays et que vous avez appliquées ici ou que vous aimeriez appliquer dans les domaines de la santé de la population?
Mme Langlois : Je peux peut-être parler d'une initiative que je connais bien. Il y a un partenariat entre les pays des régions circumpolaires en matière de santé et d'enjeux sociaux. Tous les pays nordiques y participent : Islande, Finlande, Norvège, Russie, Lituanie, et cetera. Ce partenariat présente un intérêt pour les Inuits, mais aussi pour les Premières nations du Nord sur le plan des enjeux qui y sont abordés.
En novembre, nous avons tenu une réunion où des représentants de ces pays ont été conviés. Nous les avons encouragés à amener des indigènes de leurs pays avec eux. Notre approche lorsque nous travaillons avec d'autres pays est de nous assurer qu'il y a toujours un nombre égal de représentants du gouvernement et de représentants indigènes pour créer un partenariat où ce ne sont pas seulement les gouvernements qui parlent à des indigènes, mais des gouvernements qui travaillent côte à côte.
Nous avons organisé une réunion en novembre. Nous avons effectué une activité de remue-méninges portant sur les enjeux importants pour les peuples indigènes dans ces pays. Nous avons eu l'occasion de discuter du VIH/sida, de nutrition et de santé mentale et de toxicomanie. J'y suis allée pour parler de santé mentale et de toxicomanie puisque c'est ma spécialité, mais il y avait d'autres travaux en cours sur le VIH/sida et la nutrition.
J'aborderai principalement le thème de la santé mentale et de la toxicomanie. Nous avons eu l'occasion de parler de ce que nous faisions au Canada aux autres pays. Il était évident que les pays étaient très intéressés à apprendre ce que nous faisions au Canada. On peut regrouper une bonne partie des travaux que nous faisons en trois constellations de programmes récemment mis en place. Il y a la Stratégie nationale de prévention du suicide chez les jeunes Autochtones qui a été mise en place à la suite des réunions des premiers ministres, en 2004, et qui a été confirmée dans le Budget de 2005 et le Budget de 2006 sous un nouveau gouvernement. Il y a aussi la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens qui a permis à Santé Canada d'obtenir du financement pour soutenir les anciens étudiants des pensionnats qui entreprennent les processus prévus dans la Convention de règlement — les excuses et la Commission de vérité et de réconciliation.
Nous avons aussi reçu du financement dans le cadre de la Stratégie nationale antidrogue qui nous permettra de mettre à jour nos programmes de lutte contre la toxicomanie. Un élément clé consiste à mettre en place des équipes multidisciplinaires en santé mentale.
Il se passe beaucoup de choses dans ce domaine. Nous avons eu l'occasion d'en parler, et les autres pays étaient vraiment impressionnés. On nous a invités à nouveau. Un de mes employés est retourné en Suède la semaine dernière. Les travaux se poursuivront, et le Canada sera en fait en mesure de communiquer des pratiques exemplaires à d'autres pays.
Je sais que votre question portait sur des pratiques exemplaires que nous aurions pu apprendre des autres pays. Cependant, c'est de cette manière qu'on initie la communication. Nous avons ouvert la porte, nous avons présenté nos programmes en santé mentale et en lutte contre la toxicomanie et nous examinons activement la stratégie de prévention du suicide au sein du peuple Maori qui a été mise en place en Nouvelle-Zélande. Nous l'examinons, nous tentons de la comprendre et de déterminer quel impact elle peut avoir sur nos travaux.
Par conséquent, oui, nous travaillons ainsi dans le cadre de nos programmes, et je suis sûre qu'il se passe la même chose dans les programmes de Mme Wood. À la lumière d'un récent forum national, ce serait une bonne chose de parler de la tuberculose.
Le sénateur Pépin : Certains témoins ont dit au sous-comité qu'il faudrait créer une politique sur la santé de la population distincte d'une stratégie de réduction de la pauvreté. Qu'en pensez-vous?
M. Dinsdale : Une stratégie de réduction de la pauvreté a une connotation particulière liée à la formation et au renforcement des compétences. Il ne fait aucun doute qu'une telle stratégie a des résultats liés à la santé. Cependant, la prévalence de maladies et de troubles de santé et les résultats particuliers en matière de santé exigent des interventions immédiates.
Je crois que les déterminants sociaux de la santé et cette approche, de lutte à la pauvreté en particulier, sont des initiatives à long terme. Il faut répondre aux besoins immédiats tout en tentant d'établir une vision générale.
Dr Reading : Il est très important de mettre en place une approche axée sur la réduction de la pauvreté parce que les capacités intellectuelles d'un enfant sont extrêmement malléables du point de vue biologique. Cependant, il y a peu d'investissements liés à cette étape de la vie. Nous faisons le contraire : nous consacrons beaucoup de ressources aux aînés par l'intermédiaire du régime fiscal. Rediriger les investissements et le soutien vers les premières étapes de la vie — pour les enfants — grâce à une stratégie de réduction de la pauvreté, est un moyen efficace d'essayer d'optimiser le potentiel de croissance et de développement sain de l'enfant.
Je vais parler des différents gouvernements et de ce qu'ils font. Aux États-Unis, il y a des centres d'épidémiologie pour les Amérindiens qui sont financés par le Center for Disease Control et le Indian Health Service. Il y en a 11 à l'échelle des États-Unis, y compris en Alaska. Même si certains relèvent des tribus et d'autres sont en zone urbaine, ils sont gouvernés par les populations autochtones elles-mêmes. Les centres permettent d'effectuer un suivi des données probantes sur la santé des gens résidant dans leurs régions. En fait, cela a mené à des programmes et des services. C'est quelque chose d'important.
Au Canada, il y a les signataires d'une entente tripartite. Les Premières nations, le gouvernement fédéral et les provinces se sont entendus là-dessus, et le conseil de leadership doit se concentrer sur la santé. Bon nombre d'entre nous espèrent que cela permettra la création de régies régionales de la santé sous contrôle autochtone. C'est un des principaux enjeux qu'il faut aborder. Il faut favoriser l'autodétermination dans le domaine de la santé et faire participer des Autochtones en tant que présidents de régies régionales de la santé.
Pour boucler la boucle, l'idée du sénateur Keon sur les polycliniques de Cuba est une très bonne idée. Cependant, je crois qu'il faut en discuter et procéder à des analyses à l'échelle régionale par l'intermédiaire des régies régionales de la santé auxquelles participent des Autochtones et d'autres leaders régionaux du domaine de la santé pour en parler.
Bon nombre des régies régionales de la santé du Canada ont des budgets de plusieurs milliards de dollars, et la part autochtone est très petite; ce n'est pas vraiment considéré, semble-t-il, comme une priorité. Cependant, si un Autochtone siégeait aux régies de chaque région du Canada, alors il y aurait beaucoup d'interactions positives entre ces régies.
Mon expérience en tant que directeur scientifique des Instituts de recherche en santé du Canada, d'un des 13 instituts, était qu'il y avait une importante synergie en raison de notre expertise dans le domaine. Comme l'a dit Mme Dedam-Montour, parce qu'il y a beaucoup de personnes derrière vous, qui appuient vos décision, cela donne une valeur ajoutée aux IRSC.
Dans le domaine des services de santé, s'assurer qu'un Autochtone fait partie du conseil des régies régionales de la santé ajouterait de la valeur à toute l'organisation.
Le président : Demain, nous rencontrons les gourous de l'information. Cela veut dire à peu près tout le monde au pays. Où en étiez-vous dans votre institut lorsque vous avez terminé votre mandat?
Dr Reading : J'y étais depuis presque huit ans, et nous avions fourni plus de 100 millions de dollars en financement d'activités de recherche autochtones qui, sans nous, n'auraient probablement pas eu lieu. Une bonne partie du financement était accordée par l'intermédiaire de partenariats avec d'autres instituts.
J'aimerais mettre l'accent sur le fait que les IRSC ne font pas de compromis en ce qui a trait à l'objectif d'excellence scientifique; l'excellence est assurée grâce à un rigoureux système d'examen par les pairs. Par conséquent, nous respectons les normes internationales en matière d'excellence en recherche tout en tenant compte des priorités communautaires et en finançant des recherches qui sont pertinentes pour les collectivités autochtones.
Je crois que les IRSC sont un bon modèle qui montre bien comment il est possible d'intégrer les structures à l'échelle nationale de manière inclusive. Comme j'ai dit à quelqu'un présent à la réunion : « Si tu n'es pas assis à la table, tu es au menu ». Je crois qu'il est temps que les Autochtones soient assis à la table.
Le président : On ne pourrait pas finir sur une meilleure note, et je mets donc fin à la réunion.
(La séance est levée.)