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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité permanent du
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 8 - Témoignages du 26 mai 2009


OTTAWA, le mardi 26 mai 2009

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui, à 9 h 39, pour examiner le système de comités du Sénat établi conformément à l'article 86, en tenant compte de la taille, du mandat et du quorum de chaque comité; du nombre de comités; et des ressources humaines et financières disponibles.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables sénateurs, nous avons le quorum. Nous examinons aujourd'hui le système de comités, comme nous l'a demandé le Sénat, sur motion des leaders des deux partis officiels au Sénat. Nous avons déjà tenu une réunion sur la question. Si vous vous souvenez bien, nous avons convenu, au cours de celle-ci, d'envoyer un questionnaire à tous les sénateurs pour recueillir leur point de vue sur divers sujets.

Les questionnaires ont été passés en revue. L'analyse des résultats a été transmise au comité. Si, demain, nous arrivons à terminer assez rapidement l'étude du projet de rapport sur les changements apportés au Règlement en vue de l'adapter au code régissant les conflits d'intérêts des sénateurs, nous examinerons les résultats du sondage et les témoignages entendus aujourd'hui, ce qui nous permettra de déterminer l'orientation que nous entendons donner à notre étude.

[Français]

Aujourd'hui, nous avons l'honneur de recevoir Sonia L'Heureux, vice-bibliothécaire parlementaire. Mme L'Heureux est responsable de la section du service d'information et de la recherche parlementaire qui nous fournit les excellentes analyses dont nous dépendons en grande partie pour notre travail en comité.

Le service de recherche a subi une réorganisation ces derniers mois et, entre autres choses, Mme L'Heureux pourra nous informer des avantages à long terme pour nos comités.

[Traduction]

Par ailleurs, Mme L'Heureux répondra à toutes vos questions sur les services que fournit la Bibliothèque aux comités et les principes qui la régissent. Je suis certain, aussi, qu'elle accueillera avec plaisir vos propositions sur les améliorations à apporter aux services offerts.

Madame L'Heureux, vous avez préparé une déclaration. Vous pouvez nous la présenter. Nous passerons ensuite aux questions.

[Français]

Sonia L'Heureux, vice-bibliothécaire parlementaire, Bibliothèque du Parlement : Monsieur le président, je suis heureuse d'être avec vous aujourd'hui. Les comités ont toujours été une partie extrêmement importante du travail du Sénat et bien des sénateurs trouvent leur travail au sein des comités particulièrement fructueux. Entreprendre d'évaluer la structure de votre système de comités est donc une initiative à la fois utile et opportune, et la Bibliothèque est ravie de l'occasion qui lui est donnée de contribuer à cette analyse.

[Traduction]

En ma qualité de vice-bibliothécaire parlementaire, je suis responsable du service de recherche de la Bibliothèque. Je commencerai donc par un bref aperçu de ce que nous faisons pour soutenir le travail de vos comités.

En 2008-2009, la Bibliothèque a répondu à près de 900 demandes de recherche provenant de comités parlementaires. Environ 35 p. 100 de ces demandes, soit plus de 300, nous sont venues de comités sénatoriaux. Comme le montre la fiche technique que nous sommes en train de vous distribuer, qui indique le nombre de demandes traitées par le service de recherche, il s'agit là d'un niveau d'activité légèrement inférieur à celui des années précédentes, dû en grande partie au fait que les comités sont restés inactifs pendant la période électorale de 2008, puis pendant la prorogation de la Chambre qui a eu lieu en décembre.

[Français]

Comme vous le savez, tous les comités du Sénat sont différents. Leurs besoins et leurs exigences varient considérablement, de même que la fréquence de leurs réunions. Le nombre, la profondeur, l'étendue de leurs études, leurs déplacements, la quantité de témoins qu'ils entendent, les sous-comités qu'ils créent et les responsabilités qu'ils ont au chapitre de l'examen des projets de loi varient d'un comité à l'autre.

[Traduction]

Il n'y a donc pas de formule unique quand vient le temps de décider quel niveau et quel type de soutien sera nécessaire. L'expérience nous a d'ailleurs montré qu'il s'agit là d'un art beaucoup plus que d'une science.

Au point de départ, toutefois, un analyste principal est affecté à chaque comité. Cette personne a pour tâche de veiller à la préparation de divers documents : notes d'information, analyses à l'usage des membres du comité, suggestions de témoins, et en bout de piste, ébauches des rapports du comité. L'analyste principal soutient le travail de tous les membres du comité et collabore étroitement avec le greffier afin que le travail soit réalisé conformément aux exigences du président du comité.

Pendant ce temps, à la Bibliothèque, les directeurs de recherche évaluent la charge de travail et déterminent si un analyste principal aura besoin d'aide et si ce besoin sera temporaire ou permanent. Le rôle du directeur de recherche est de veiller à ce qu'un soutien suffisant soit accordé à un portefeuille de comités traitant de sujets connexes. Par exemple, un directeur de recherche sera responsable du soutien aux comités qui traitent de l'énergie, des ressources naturelles et des questions environnementales, tandis qu'un autre s'occupera des comités qui traitent de commerce international, d'affaires extérieures et de défense. Cette façon de regrouper les comités par portefeuilles permet aux directeurs de recherche de répartir le travail aux membres de son équipe en fonction des disponibilités, mais aussi en tenant compte des demandes des autres comités et parlementaires.

La Bibliothèque évolue désormais vers la constitution d'équipes pluridisciplinaires formées de membres aux antécédents divers, afin de soutenir le travail des comités qui traitent de sujets connexes. Une telle équipe pourra servir tant les comités du Sénat que ceux de la Chambre des communes, chaque membre de l'équipe pouvant prêter main- forte à un collègue en cas de besoin.

La plus grande souplesse que nous donnera ce travail d'équipe rendra la Bibliothèque plus efficace, surtout lorsqu'un projet de loi doit être étudié par les deux chambres ou que des sujets semblables sont abordés par différents comités. Par exemple, lorsqu'un projet de loi traitant de droit pénal est adopté par la Chambre des communes et renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous tentons de mettre au service du comité sénatorial les analystes qui ont travaillé à l'examen du même projet de loi par la Chambre des communes. Et grâce à cette approche par équipe, le savoir est mieux conservé et mieux transféré entre analystes, considération essentielle au moment où nos analystes de la génération des baby-boomers s'apprêtent à prendre leur retraite.

[Français]

En répartissant le travail, le gestionnaire de recherche tient compte des compétences et du savoir nécessaire pour répondre aux demandes de chacun des comités et de son portefeuille. Si certains comités font de nombreuses demandes de recherche, un second analyste peut être affecté au soutien de l'analyste principal. Vous verrez alors deux représentants de la Bibliothèque aux réunions du comité.

Dans l'ensemble, nous nous efforçons de trouver l'équilibre entre la continuité du soutien et le niveau d'expertise exigé. Vous avez ainsi un service constant, et les ressources de la Bibliothèque sont bien mises à profit au moment de répondre à vos demandes. Les gestionnaires de la recherche de la Bibliothèque cherchent à rencontrer les présidents de façon régulière pour pouvoir mieux planifier les besoins de vos comités et l'utilisation des analystes.

[Traduction]

Autre point : avons-nous assez d'analystes? Pour le moment, nous avons 32 analystes qui soutiennent 19 comités sénatoriaux, ce qui comprend les comités spéciaux et les sous-comités, soit une moyenne de 1,7 analyste par comité. Comme tout gestionnaire vous le dira, il n'y a jamais assez de ressources pour offrir le niveau de service visé. Mais les ressources sont en nombre limité. C'est la dure réalité. Qui plus est, la demande fluctue et n'est jamais la même, d'une année à l'autre. Par exemple, les demandes individuelles, faites par des sénateurs, ont doublé en 2008-2009 par rapport à l'exercice précédent. Et pour ce qui est des comités parlementaires, la portée des études, le nombre de témoins, de projets de loi étudiés et de déplacements exigés : tout varie, et fait qu'il est difficile de dire avec exactitude ce que pourrait être le nombre optimal d'analystes.

Et puis, il ne faut pas oublier les sous-comités. Chaque fois qu'un sous-comité est créé, notre travail augmente, tout comme celui de la Direction des comités sénatoriaux. Plus de réunions auxquelles assister, plus de notes à préparer. Mais le calendrier, lui, reste le même. Et tout ce travail supplémentaire se fait parallèlement au soutien que nous apportons déjà au comité lui-même. Je suppose que la situation est semblable pour les greffiers.

[Français]

Lorsque vous envisagerez la structure des comités et des sous-comités, je vous invite à garder à l'esprit les répercussions qu'auront vos décisions sur les analystes de la Bibliothèque et les greffiers du Sénat. Si le nombre absolu des comités et des sous-comités devait augmenter, l'effet en serait ressenti par la Bibliothèque et fort probablement par le personnel du Sénat.

[Traduction]

Il importe aussi d'aborder la question des consultants auxquels font appel les comités sénatoriaux. Le personnel de la Bibliothèque ne sait pas tout. C'est vrai. Il y aura donc des cas où un comité qui doit avoir accès à des compétences précises voudra retenir les services d'un consultant. Malheureusement, les rôles et responsabilités des consultants vis-à- vis des analystes sont ambigus. Et un temps précieux est souvent perdu à tenter de tirer les choses au clair. Qui tiendra la plume au moment de rédiger une note ou un rapport? De qui relève le consultant? Qui révise le travail? Qui en assure le contrôle? Qui en est responsable?

Je ne m'attends pas à ce que les membres des comités se préoccupent de détails de ce genre. Après tout, c'est au président du comité, à l'analyste et au greffier de trouver des solutions. Mais ce n'est pas toujours facile. Le président du comité ne voudra pas prendre parti, de sorte que des documents se promènent parfois d'une personne à l'autre jusqu'à ce qu'au bout du compte, l'analyste soit obligé de récrire le travail du consultant. Non pas à cause du contenu, mais pour des raisons de neutralité et de mise en contexte par rapport aux travaux antérieurs des comités. Tout ce travail de départage des rôles est parfois frustrant pour les consultants autant que pour les analystes.

Une partie du problème tient au fait que les analystes ont l'habitude de travailler avec les comités, mais pas les consultants. Le Parlement est un milieu bien particulier. Nos analystes en ont acquis une bonne compréhension qui les guide au moment d'écrire pour vous ou pour votre comité. Les consultants vous font bénéficier de leur savoir et de leurs compétences, mais les pratiques et le fonctionnement des comités leur sont souvent inconnus. Nous pensons que le travail des comités serait plus efficace si l'on précisait davantage les rôles et responsabilités respectives des consultants et des analystes.

Et puis, le problème ne se pose pas uniquement aux comités sénatoriaux. En fait, la Bibliothèque a élaboré un protocole d'entente avec la Direction des comités de la Chambre des communes précisément sur cette question, afin de définir les rapports de travail entre les analystes et les consultants des comités. Selon ce protocole d'entente, le comité prend la décision de s'adresser à un consultant et règle les services du consultant à même son budget, mais la responsabilité de choisir le consultant, de réaliser et d'approuver tous ces produits livrables revient à l'analyste de la Bibliothèque. Ce protocole d'entente a été élaboré au terme d'un projet pilote qui s'est déroulé de 2004 à 2008. Vous pourriez peut-être vous en inspirer au moment de vos délibérations.

[Français]

En terminant, je tiens à réitérer l'engagement de la Bibliothèque de soutenir le travail du Sénat, et donc de votre comité, et, comme toujours, nous sommes entièrement disposés à vous fournir tous les renseignements supplémentaires dont vous vous avez besoin.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

[Traduction]

Le président : Merci beaucoup pour cet excellent exposé. Il contient des faits et des détails intéressants. C'est exactement ce dont nous avions besoin d'entendre. Nous allons avoir de nombreuses questions à vous poser.

Pour de nombreux Canadiens, le travail des comités sénatoriaux représente l'un des plus grands apports du Sénat au Canada. D'une certaine façon, cela tient, du moins en partie, à la compétence des attachés de recherche fournis par la Bibliothèque du Parlement. Vous avez parlé de la restructuration majeure que vous avez entreprise. Or, depuis celle-ci, certains attachés de recherche très chevronnés de la Bibliothèque du Parlement ne sont plus affectés directement auprès des comités, où ils ont travaillé pendant des années et accumulé un bagage de connaissances incroyable.

J'aimerais savoir si cette réorganisation a donné des résultats et, si oui, lesquels, et pourquoi vous avez décidé de ne plus confier un tel rôle à ces analystes compétents qui, pour la plupart, jouissaient d'un très grand respect au sein des divers comités auxquels j'ai siégé.

Mme L'Heureux : Deux facteurs expliquent cette décision. Mentionnons d'abord le problème structurel touchant les effectifs de notre service. Nous avions des groupes formés d'une trentaine de personnes environ qui relevaient d'un seul directeur, de sorte que ce dernier ne pouvait fournir aux analystes l'aide et le soutien dont ils avaient besoin. En effet, il est très difficile pour un directeur responsable d'une trentaine de personnes de contribuer au développement professionnel des employés moins expérimentés, de leur fournir un appui.

Ensuite, au problème de surveillance et d'encadrement s'en ajoutait un autre : le départ à la retraite de nos employés les plus chevronnés. En 2007-2008, nous avons perdu huit personnes au profit, surtout, des comités sénatoriaux. Cette année, il y a une quinzaine d'employés qui vont pouvoir prendre leur retraite. Comme il est essentiel d'assurer le transfert du savoir et de sensibiliser ceux qui ont moins d'expérience aux rouages du Parlement, nous avons décidé de constituer des groupes de travail plus petits et une équipe pluridisciplinaire incorporant beaucoup de connaissances.

Nous nous sommes tournés, pour ce faire, vers les ressources à l'interne. Nous avons réaffecté le personnel, c'est-à- dire déterminé qui serait le mieux placé pour remplir ce rôle et effectuer le travail. Nous avons également créé des postes de directeur de recherche. De nombreux membres du personnel de niveau supérieur ont assumé ce rôle de leadership.

Ils ont pour tâche de guider et de superviser les personnes qui, au sein du comité, s'occupent des demandes individuelles. Ils passent en revue leur travail, mais se chargent également de planifier la relève : ils cernent les lacunes qui existent dans les compétences et s'entendent sur les ressources qui s'avéreront nécessaires pour préparer l'avenir, à la lumière du départ à la retraite des employés les plus chevronnés. Voilà, grosso modo, pourquoi nous avons opté pour cette approche.

Le président : A-t-on formulé à ce sujet des plaintes, des préoccupations?

Mme L'Heureux : Non. Nous suivons l'évolution de la situation et consultons les employés. J'ai commencé à rencontrer tous les présidents de comités pour voir comment les choses progressent. Nous encourageons vivement nos chefs d'équipe à communiquer avec eux pour cerner les problèmes qui pourraient se poser. Je sais qu'il est parfois difficile d'aborder ces questions avec les analystes, mais ils peuvent à tout le moins en discuter avec le directeur de ceux- ci s'ils estiment que des lacunes existent dans certains domaines. Si un de nos superviseurs souhaite s'entretenir avec vous, c'est dans le but de garder les voies de communication ouvertes et de s'assurer que tout se passe comme prévu.

Le président : Merci.

Le sénateur Andreychuk : J'ai beaucoup de questions. Je vais en poser quelques-unes. J'attendrai ensuite le deuxième tour.

On dit souvent au Sénat que les attachés de recherche ont pour mandat de servir le Sénat, les sénateurs, le président, et c'est là une bonne chose, à mon avis. Toutefois, ce qui importe pour nous, c'est leur compétence et leur neutralité, un principe qui est rarement mentionné. Je suis heureuse que vous l'ayez mentionné.

Passons maintenant aux analystes et aux consultants. D'après vous, quel genre de consultant est en mesure d'allier à la fois compétence et neutralité? Nous choisissons des employés ministériels qui prennent leur retraite, parce qu'ils ont manifestement de l'expérience dans leur domaine de travail, et nous les embauchons à contrat peu de temps après leur départ. Toutefois, ces personnes arrivent avec des idées bien arrêtées, autrement, elles ne seraient pas restées aussi longtemps dans leur ministère.

Y a-t-il eu des discussions, du côté de la Chambre, au sujet du délai de carence qui doit exister entre le départ à la retraite et l'embauche comme contractuel? Prenons, par exemple, le ministère de la Santé. Si vous y avez travaillé à titre de sous-ministre ou de directeur principal, vous connaissez manifestement bien le système. Vous êtes recruté immédiatement après votre départ à la retraite. Le Sénat est toujours à l'affût de projets nouveaux, d'idées nouvelles. Nous essayons de constituer un noyau d'options crédibles. Est-il possible d'interdire l'embauche d'une personne comme contractuel, analyste, consultant, tant qu'un délai de carence n'a pas été observé?

Mme L'Heureux : Pas à ma connaissance. Dans le cas de la Bibliothèque, nous recrutons en fonction de nos besoins précis, et je fais allusion aux produits livrables. Il peut s'agir d'une étude particulière, d'un rapport, d'une consultation, peu importe. Nous embauchons la personne qu'il nous faut, selon nos besoins.

Nos analystes sont des gens expérimentés. Les superviseurs veillent à ce que leur travail soit objectif. Si une personne a un point de vue particulier en raison de ses antécédents professionnels, il est de notre devoir de nous assurer que la question qu'elle est chargée d'examiner est explorée sous tous les angles. Voilà pourquoi il est important que les attentes des membres du comité et du président soient clairement définies, que vous sachiez qui approuvera le document, qui tiendra la plume, qui révisera notre travail, car, autrement, nous pourrions dire que si vous voulez vraiment un rapport objectif, voici certains des points de vues que vous devez inclure dans celui-ci. Il est difficile pour nous d'accomplir notre tâche si nous travaillons en parallèle, si aucun contrôle n'est exercé.

Le sénateur Andreychuk : Il y a quelques années, nous avons créé un comité des droits de la personne. Nous avons du mal à recruter des analystes qui se spécialisent dans ce domaine. Ceux qui travaillent pour nous ont tendance à connaître un aspect précis de la question, par exemple, les droits des femmes. Or, notre comité examine divers volets du dossier des droits de la personne — qu'il s'agisse des droits de la personne à l'étranger ou au Canada —, ce qui fait qu'il est très difficile de trouver des analystes.

Au début, il n'y avait pratiquement personne, selon ce que m'avait dit le bibliothécaire en chef, qui pouvait nous conseiller sur la question. Comme il s'agissait à l'époque d'un sujet qui suscitait un vif intérêt au Canada, les analystes étaient recrutés par des organismes et des cabinets d'avocats versés, pour la plupart, dans le droit international, les relations internationales. Nous avions, et avons toujours, du mal à mettre la main sur ces personnes. Est-ce que cette question, pour vous, relève d'un domaine général ou bien précis?

Si nous entreprenons une étude sur les droits des femmes, par exemple, et que nous nous adressons au bureau de la promotion de la femme, nous aurons accès à certains renseignements sur les droits de la personne, mais également à toute une foule de données sur d'autres enjeux intéressant les femmes. Les analystes qui travaillent pour nous ont quelques connaissances sur les droits des femmes. Toutefois, ils ne savent pas comment situer ceux-ci dans le contexte des droits de la personne à l'échelle internationale et nationale, un domaine qui suscite de plus en plus d'intérêt.

Mme L'Heureux : Je comprends votre point de vue. Je ne peux cependant pas répondre à votre question avec grands détails aujourd'hui. J'espère que notre approche pluridisciplinaire nous permettra de diversifier nos services de soutien, mais je dois vous donner raison. C'est un marché concurrentiel, et nous en sommes tout à fait conscients.

Plus nous serons en mesure d'entreprendre différents dossiers de différentes manières et d'établir un climat de collégialité avec nos employés, plus nous aurons de chance de maintenir notre personnel en poste. C'est un manque auquel nous devrons remédier promptement si votre comité en souffre. Nous devrons nous assurer d'aller chercher l'aide dont nous avons besoin pour répondre à ces différentes dimensions.

Le sénateur Andreychuk : À titre d'information, vous avez un nombre X de recherchistes et vous devez offrir des services à la Chambre ainsi qu'au Sénat, et vous nous dites maintenant que vous devez aussi répondre aux demandes des sous-comités, ce qui pose problème. Qui prend la décision finale? À quels dossiers seront affectés les analystes en priorité si les ressources ne sont pas assez nombreuses pour répondre aux demandes concurrentes? Est-ce que la décision revient au Sénat, ou est-ce vous qui tranchez pour savoir à quoi les analystes devront travailler?

Mme L'Heureux : La décision revient à la Bibliothèque. Nous examinons toutes les demandes soumises et les délais demandés pour chacune d'elles. Lorsqu'un comité examine un projet de loi, par exemple, le processus requiert la présence d'un avocat pour aider le comité. S'il s'agit d'une étude sur un sujet particulier, nous tentons d'y affecter un analyste possédant des connaissances en la matière.

Comme je l'ai mentionné dans mon exemple, il arrive parfois qu'une question étudiée à la Chambre soit approuvée et renvoyée au Sénat. Il peut être préférable d'assigner le même analyste au dossier, vu les connaissances qu'il a pu développer dans le premier volet de l'examen. En ayant la marge de manœuvre nécessaire pour réaffecter les ressources, nous espérons être en mesure d'offrir un soutien plus efficace.

Le président : Vous nous avez dit que 15 de vos employés seraient admissibles à la retraite cette année. Avez-vous entrepris un processus d'embauche pour doter ces 15 postes? Si oui, où en êtes-vous aujourd'hui?

Mme L'Heureux : Nous avons lancé un vaste concours pour doter les postes vacants. Plusieurs candidats ont accepté les offres qu'on leur avait faites. Je crois que des candidats sont entrés en fonction au cours du mois d'avril. D'autres arriveront en mai, et nous espérons en embaucher quelques autres de plus avant l'été. Nous voulons assurer des mesures de dotation continues afin d'établir un bassin de candidats compétents et de pouvoir planifier la relève des employés qui partent à la retraite. Certains employés nous ont communiqué la date à laquelle ils comptent prendre leur retraite, alors en ayant un bassin de candidats à notre disposition, nous serions plus en mesure d'assurer une transition sans heurt pour appuyer le travail que nous devons effectuer.

Le président : Cherchez-vous des titulaires de diplômes post-maîtrise et des titulaires de doctorat?

Mme L'Heureux : Tous les candidats aux postes d'analyste ont des diplômes d'études supérieures. Quelques-uns ont aussi des doctorats. Nos avocats sont membres d'ordres provinciaux et territoriaux, ce sont donc tous des gens diplômés.

Le sénateur Furey : Merci d'avoir accepté notre invitation ce matin, madame L'Heureux. Pour ce qui est des consultants, vous nous avez parlé du protocole d'entente que vous avez conclu avec la Chambre des communes il y a quatre ans. Pouvez-vous nous dire exactement comment cela fonctionne et, si vous le voulez bien, pouvez-vous nous parler des problèmes qui sont survenus au cours des quatre années visées par le protocole d'entente?

Mme L'Heureux : Dans le cadre du protocole d'entente, l'analyste de la Bibliothèque assume le rôle de chargé de projet pour le contrat en question. C'est généralement l'analyste qui prépare l'énoncé des travaux. Il détaillera le travail requis pour produire le document demandé par le comité. Nous lançons ensuite un appel d'offres et évaluons les entrepreneurs avant d'en recommander un au comité. Une fois le consultant engagé, nous examinons le travail qu'il a fait et les produits livrables. En pratique, c'est ainsi que les choses se passent.

Le salaire du consultant est tiré du budget du comité. En fin de compte, le comité décide s'il veut engager un consultant, mais c'est l'analyste qui est en charge du processus, comme si nous avions fait appel à un autre analyste spécialisé dans un domaine particulier.

Personnellement, je n'ai pas eu connaissance que le protocole d'entente ait engendré des problèmes. Je ne suis à la Bibliothèque que depuis un an, alors je ne suis peut-être pas en meilleure position pour vous parler de ce qui s'est passé auparavant. Des membres chevronnés de mon équipe m'accompagnent. Je ne sais pas s'ils ont éprouvé des difficultés avec le protocole. On me dit que non. Nous pouvons faire les vérifications nécessaires si vous le voulez.

Le sénateur Furey : Ce n'est pas vraiment nécessaire. Je pensais plutôt aux problèmes que pourrait régler le modèle que vous nous recommandez. Nous savons comment les choses fonctionnent actuellement au Sénat. Pourquoi nous recommandez-vous d'envisager ce modèle? Quelles lacunes ou quels problèmes ce modèle permettra-t-il de corriger?

Mme L'Heureux : Comme je l'indiquais plus tôt, ce qui pose problème, c'est de définir les attentes du demandeur et de savoir qui est responsable de veiller à ce qu'elles soient satisfaites. À l'heure actuelle, il arrive souvent que ce ne soit pas très clair. Les choses sont souvent ambiguës. Les intérêts des membres du comité ne sont pas toujours bien exprimés. Il peut arriver qu'il y ait des opinions divergentes au sein du comité, et nous ne sommes pas nécessairement en position de gérer les différentes perspectives. Nous nous retrouvons parfois coincés entre le président et un membre du comité, qui ont tous deux des vues différentes sur la question. Il est ainsi difficile pour nous d'obtenir des directives claires, et nous ne voulons pas nous retrouver dans des discussions parfois à saveur partisane. Si nous avions des directives claires à suivre, nous pourrions répondre à vos besoins plus efficacement.

Le sénateur Furey : Merci.

Le président : Sénateur Furey, j'ai demandé que des copies du protocole d'entente soient distribuées aux membres du comité, alors vous pourrez l'examiner en détail.

Le sénateur Joyal : Pour poursuivre dans la même veine, madame L'Heureux, ai-je raison de présumer que l'on fait davantage appel aux consultants lorsque les comités font ce que j'appelle des études stratégiques que lorsqu'il s'agit de l'examen de projets de loi?

Mme L'Heureux : Vous avez raison. Je crois que c'est en effet le cas. Je ne voudrais toutefois pas généraliser, car il arrive que l'examen des projets de loi nécessite des connaissances très techniques, que nous devons parfois aller chercher ailleurs.

Le sénateur Joyal : Oui. Si je pose la question, c'est que je siège au Comité des affaires juridiques depuis 11 ans maintenant, et de mémoire — et je pense aussi au sénateur Andreychuk qui fait partie de ce comité depuis un bon moment —, je ne crois pas que le comité ait jamais engagé de consultants. Bien sûr, le Comité des affaires juridiques est celui qui est le plus appelé à étudier des projets de loi. Le sénateur Oliver peut vous le confirmer.

J'imagine qu'un comité chargé d'un mandat spécial — je pense au Comité spécial sur le vieillissement, dont fait partie le sénateur Carstairs — qui doit étudier un sujet précis, comme les médicaments ou toute autre question d'ordre politique, et qui veut comprendre tous les paramètres d'une problématique sur laquelle le gouvernement devra légiférer, aurait davantage besoin de consultants, vu que les analystes de la Bibliothèque n'auraient peut-être pas l'expertise requise pour répondre à ces questions. Je peux comprendre.

Toutefois, si nous devions procéder à une restructuration, les besoins des nouveaux comités créés ou fusionnés ne seraient plus les mêmes en ce qui a trait aux services des consultants. Je ne veux pas que vous engagiez d'énormes dépenses pour examiner la question, mais j'aimerais savoir quelles seraient les répercussions.

Il me vient spontanément à l'esprit que le Comité de la défense consacre la majeure partie de son temps à des études de toutes sortes. Je peux comprendre qu'un comité comme celui-là veuille faire appel à des consultants externes. Cependant, j'ai siégé aux Comités sur la Loi antiterroriste, les quatre qui ont été créés, et je ne me rappelle pas que nous ayons engagé des consultants. En fait, à mon avis, qui est aussi celui d'autres membres, la Bibliothèque avait un excellent analyste qui connaissait très bien toutes les implications de la Loi antiterroriste. J'ai l'impression que c'est un aspect qui pourrait être touché.

Vous hochez la tête, mais votre réponse ne sera pas consignée dans les délibérations du comité. Pourriez-vous préciser votre pensée pour que nous puissions profiter de vos commentaires?

Mme L'Heureux : J'imagine que vous avez raison de dire qu'un comité qui étudie des questions d'ordre politique sera probablement plus porté à aller chercher les services d'un consultant que lorsqu'il est question de l'étude d'un projet de loi. J'aimerais toutefois vérifier si c'est bel et bien le cas. Je sais qu'il peut arriver qu'un comité demande l'aide d'un consultant spécialisé en communication pour corriger la rédaction d'un texte. Je n'ai pas de statistiques claires à ce sujet avec moi, alors c'est quelque chose que j'aimerais vérifier.

Le président : Sénateur Joyal, avant que vous ne posiez votre deuxième question, permettez-moi de vous rappeler qu'une étude a été faite par le Sénat sur les drogues illicites, un sujet spécialisé. Si je ne m'abuse, le comité a demandé l'aide d'un expert en la matière de l'extérieur de la Bibliothèque, et cet expert a travaillé avec le comité et le président, et les choses se sont très bien déroulées. C'est un exemple de secteur pour lequel la Bibliothèque n'a pas nécessairement l'expertise requise.

Le sénateur Joyal : Je conviens que c'est une approche valide dans certaines situations. Je crois que lorsque nous créons des sous-comités ou des comités spéciaux, dont le mandat est principalement axé sur l'étude de politiques, le besoin d'engager un consultant se fait peut-être davantage sentir. Vous venez de donner un bon exemple de connaissances spécialisées qui ne se trouvent pas d'emblée à la Bibliothèque.

Dans un tel cas, comme le sénateur Oliver l'a mentionné, prendriez-vous l'initiative de proposer des consultants ou de signaler que vous n'avez pas les connaissances nécessaires et qu'une des solutions possibles est de trouver un consultant, ou attendriez-vous que le comité vous le demande?

Mme L'Heureux : Je n'ai absolument aucune objection à proposer les services d'un consultant si nous n'avons vraiment pas l'expérience requise pour faire le travail demandé. Ce qui complique les choses, c'est que nous n'avons pas le budget pour procéder de cette façon. Nous devrions travailler avec le comité et le greffier pour établir un budget.

Le sénateur Joyal : J'aimerais deuxièmement parler de la perte d'analystes chevronnés, qui prennent leur retraite. Vous avez indiqué avoir perdu huit personnes en 2008.

Mme L'Heureux : Oui.

Le sénateur Joyal : En 2009, vous aurez 15 personnes admissibles à la retraite. Avez-vous déjà remplacé les huit personnes qui sont parties en 2008?

Mme L'Heureux : Nous avons perdu des analystes d'expérience que nous aurons du mal à remplacer.

Le sénateur Joyal : Non. Je veux savoir si vous avez doté ces postes.

Mme L'Heureux : Nous avons doté quelques postes vacants depuis l'an dernier, alors on peut dire que les choses vont bon train.

Le sénateur Joyal : Combien de postes vacants reste-t-il à pourvoir?

Mme L'Heureux : Je vais devoir vérifier. Les choses changent de semaine en semaine. Je ne sais pas.

Le sénateur Joyal : Vous avez parlé des gens qui partent à la retraite, mais y a-t-il un roulement d'employés qui démissionnent parce qu'ils ont trouvé un autre emploi ailleurs?

Mme L'Heureux : Comme c'est le cas dans l'ensemble du marché du travail, des événements de la vie vont pousser des employés à s'en aller, en congé parental ou dans une autre ville pour suivre un conjoint, par exemple. Nous avons eu des départs de ce genre. Nous avons aussi perdu des employés qui s'étaient trouvé des emplois leur offrant de meilleures conditions ailleurs. Nous travaillons aux côtés du plus grand employeur de la région, c'est-à-dire la fonction publique. C'est évidemment un concurrent pour nous sur le marché.

Le sénateur Joyal : C'est là où je voulais en venir. Je comprends qu'il puisse arriver que des employés soient affectés dans une autre ville et qu'ils veulent suivre leur conjoint, ou encore qu'ils aient entre autres la chance d'aller enseigner à l'université, mais je m'inquiète surtout de la concurrence que peut vous faire la fonction publique, car elle aussi est évidemment aux prises avec le phénomène d'attrition précipité par le départ des baby-boomers. La situation est exactement la même dans la fonction publique.

Pouvez-vous nous donner une idée du pourcentage annuel de départs qui privent votre équipe de ressources? Si un de vos employés part pour joindre les rangs de la fonction publique, on peut présumer que c'est un candidat compétent et assez bien préparé pour réussir un concours. Autrement dit, il s'agit d'une personne tout à fait employable sur le marché.

Pouvez-vous nous dire combien d'employés partent à la retraite chaque année, et combien partent pour d'autres raisons?

Mme L'Heureux : Je n'ai pas ces statistiques avec moi, mais je vais vérifier.

Le sénateur Joyal : Très bien. J'ai une question quelque peu délicate à vous poser. Règle générale, est-ce que votre budget est suffisant pour embaucher tous les analystes dont vous avez besoin?

Mme L'Heureux : Comme je l'ai mentionné, nous avons toujours besoin de plus de ressources.

Le sénateur Joyal : Je vois.

Mme L'Heureux : Je vous dirai que nous allons évidemment accepter tous les analystes que l'on voudra bien nous donner. Le problème qui se pose, c'est que ces analystes doivent avoir accès aux outils du métier, notamment les services d'édition et de traduction. C'est ce qui fait défaut à notre milieu de travail. Nos structures sont celles d'une petite organisation. Notre infrastructure de technologie de l'information (TI) n'est pas vraiment adaptée à nos besoins. Nos employés doivent avoir accès à un bon système de TI et pouvoir compter sur du soutien administratif pour être en mesure de bien faire leur travail. Il est plutôt rare que de l'argent soit investi dans ces services. On a plus ou moins tendance à vouloir investir dans des analystes, et je peux comprendre pourquoi. Recruter de nouveaux analystes nous donnera plus de chevaux-vapeur, mais cette capacité risque de se perdre si nous ne pouvons ni éditer, ni traduire, ni traiter leur travail. Il nous faut ainsi jouer sur les deux tableaux.

Avons-nous suffisamment d'analystes? Je vous répondrais que nous n'en avons jamais assez. À savoir s'il s'agit de notre priorité numéro un, je n'en suis pas certaine. Il nous faudrait examiner l'ensemble du système, et c'est justement ce que je tente de faire actuellement, pour voir où les besoins sont les plus criants. Je peux d'ores et déjà affirmer que l'aspect production du travail des analystes est problématique. J'estime qu'un analyste ne devrait pas consacrer tout son temps à éditer des textes, à réviser des traductions et à mettre en forme des documents. Les compétences d'un analyste doivent être utilisées à meilleur escient, c'est-à-dire à faire des synthèses et des analyses. Des investissements devront être faits de ce côté.

Le sénateur Joyal : Combien de vos employés prendront leur retraite en 2010? Vous avez parlé de 15 personnes en 2009. Avez-vous les statistiques pour 2010? Combien d'employés seront alors admissibles à la retraite? Cela ne signifie pas qu'ils partiront effectivement à la retraite, mais ils y seront admissibles en 2010.

Mme L'Heureux : J'ignore quels sont les chiffres pour 2010-2011. Je vais devoir le vérifier et faire les calculs nécessaires.

Le sénateur Joyal : Combien de temps faut-il à un analyste qui se joint à votre équipe pour devenir entièrement autonome? Je n'aime pas beaucoup ce terme, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire.

Mme L'Heureux : Oui.

Le sénateur Joyal : Quand on embauche un nouvel employé, il faut un certain temps à ce dernier pour s'adapter au milieu et comprendre la complexité du Parlement. Les choses ne sont pas aussi simples qu'elles peuvent le paraître de l'extérieur.

En moyenne, combien faut-il de temps à quelqu'un pour devenir pleinement fonctionnel?

Mme L'Heureux : Vous voulez dire pour entrer dans les ligues majeures.

Le sénateur Joyal : Oui.

Mme L'Heureux : Autrefois, avant la mise en place de notre structure actuelle, il arrivait souvent que les nouveaux analystes aient à attendre un an avant d'être affectés à un comité. Nous avons maintenant adopté une structure différente. Certains employés sont placés sous une supervision directe. Les nouveaux analystes sont affectés à des comités beaucoup plus rapidement, parfois dans le mois suivant leur arrivée. Ils ne sont toutefois pas laissés à eux- mêmes. Nous tâchons de les affecter comme deuxième analyste, pour qu'ils puissent suivre l'analyste principal et voir comment le tout fonctionne; les gestionnaires sont aussi là pour les aider.

C'est également une question de compétences. Ont-ils une bonne capacité de synthèse et sont-ils en mesure de travailler en équipe nombreuse? Possèdent-ils l'expérience leur permettant de s'adapter plus rapidement au travail des comités?

À quel aspect du travail du comité leur expérience correspond-elle? C'est de plus en plus ce qui se passe. La situation est analogue dans la plupart des organisations : les gens de ma génération devenaient opérationnels après une période plus beaucoup longue que ceux de la génération suivante. C'est certes ce qui s'est produit également à la bibliothèque.

Le sénateur Joyal : Serait-ce que les analystes sont, je ne dirais pas plus jeunes, mais moins expérimentés en général?

Mme L'Heureux : C'est effectivement probable. Ils sont certes plus jeunes, parce que plusieurs employés prennent leur retraite dans la cinquantaine notamment. Certains, je le répète, ont été affectés aux comités sénatoriaux. Vous les avez déjà vus, car ils vous appuient au sein de vos comités. Nous assistons à l'arrivée d'une nouvelle génération d'employés. C'est pourquoi j'estimais qu'il était important d'établir une structure d'encadrement pertinente au lieu de leur accorder une période d'essai pour déterminer s'ils sont en mesure de s'adapter. Je ne voulais pas courir un tel risque. Nous ne pouvions pas nous le permettre. Nous avons donc voulu les encadrer correctement.

Le sénateur Joyal : À cause de votre échelle de rémunération, êtes-vous contraints d'embaucher des candidats — je n'aime pas employer cette expression — sans expérience? Est-ce à cela que vous condamne, grosso modo, votre échelle de rémunération lorsque vous devez doter les postes devenus vacants à la suite de l'attrition?

Mme L'Heureux : Je n'ai pas analysé ce phénomène. Je me fonde uniquement sur mon expérience personnelle.

Sur le plan de la rémunération, il faut se comparer au marché où nous livrons concurrence. Nous devons, de toute évidence, nous comparer au reste de la fonction publique.

J'ai presque toujours travaillé au sein de la fonction publique. Le problème de la rémunération et de l'expérience est généralisé. Il n'est pas propre à la bibliothèque. Les gens sont beaucoup plus mobiles sur le marché du travail. On n'a pas tous les mêmes aspirations en matière de rémunération et de conditions de travail. Le milieu particulier du secteur parlementaire constitue un avantage. On participe différemment à l'élaboration des politiques. De plus, les conditions de travail sont susceptibles de susciter l'intérêt d'un grand nombre en raison du calendrier parlementaire.

La nouvelle génération d'employés attache beaucoup d'importance à l'équilibre entre le travail et la vie personnelle, et j'estime que la bibliothèque possède un avantage à ce chapitre par rapport aux autres employeurs. Nous devons demeurer sur nos gardes. Nous devons tenir compte de ces facteurs, mais ces avantages, nous les soulignons pendant les entrevues d'embauche avec les candidats éventuels, et ceux-ci n'y sont pas insensibles.

Le président : Lorsque vous avez parlé de la technologie de l'information, vous avez évoqué les lacunes sur le plan de l'infrastructure. Quelles sont les lacunes précises et quels montants faudrait-il engager selon vous?

Vous avez évoqué les employés expérimentés qui sont partis. Je pense notamment à Jack Stillborn, qui était véritablement un puits de connaissances institutionnelles. Êtes-vous autorisée à offrir des contrats aux employés retraités pour leur faire effectuer des tâches spéciales?

Dans mes observations préliminaires, j'ai indiqué que les honorables sénateurs avaient tous reçu un questionnaire comportant des questions sur la bibliothèque. Des problèmes ont été soulignés à propos des services offerts par la Bibliothèque du Parlement, notamment que les analystes étaient souvent trop jeunes et ne possédaient pas l'expérience nécessaire. Et un répondant s'est dit inquiet de la surcharge de travail des analystes. Que pensez-vous de ces deux exemples?

Mme L'Heureux : Sur le plan de la technologie de l'information, nous essayons actuellement d'améliorer notre système de suivi des demandes. En fait, nous avons recours à un système pour assurer le suivi des demandes présentées par un comité ou un parlementaire.

Le président : Utilisez-vous un logiciel?

Mme L'Heureux : C'est un logiciel. Nous utilisons en fait deux ou trois bases de données qui ne sont pas reliées entre elles. Il est très difficile de savoir qui a effectué telle ou telle tâche sur tel ou tel sujet, renseignements qui nous permettraient d'avoir accès à ce qui a déjà été fait et nous aideraient à vous fournir plus rapidement les réponses dont vous avez besoin.

Nous pouvons difficilement obtenir les paramètres sur les tâches effectuées, les modalités et le temps nécessaire pour que nous puissions planifier les ressources dont nous avons besoin, ce qui a une incidence sur le travail des analystes et notre gestion des ressources.

La même chose vaut pour la gestion des documents. À ce chapitre, nous avons besoin d'un système de gestion qui optimiserait la consultation des documents, de sorte que nous ne serions plus obligés de chercher qui a travaillé sur tel ou tel document.

Étant donné les nouvelles technologies, nous cherchons notamment à mettre en réseau nos outils électroniques pour faciliter la communication et la consultation entre les employés.

Ce sont là les améliorations que nous souhaiterions apporter pour moderniser nos méthodes de travail. Je ne suis pas en mesure de vous indiquer quel en serait le coût. Je pourrais cependant faire des recherches en ce sens, mais pour l'instant, je ne saurais vous donner un chiffre. Ce sont là les défis qui nous attendent en matière de technologies de l'information.

En ce qui concerne les contrats passés avec les analystes à la retraite, c'est une solution que nous privilégions certes lorsque ceux-ci sont intéressés. Nous n'hésitons pas à offrir un contrat à ceux dont les compétences correspondent à la tâche à effectuer.

J'aborde maintenant vos questions sur le sondage et le fait que les analystes manquent d'expérience. C'est un peu ce que j'ai évoqué en répondant au sénateur Joyal. Plusieurs de nos employés ont moins d'expérience et sont affectés aux comités plus tôt que par le passé. Ils possèdent tous, je le répète, un diplôme postsecondaire. Si des problèmes particuliers surviennent dans le déroulement des travaux des comités, nous espérons en être informés pour que nous puissions les corriger.

Nous nous penchons sur la difficulté d'attirer les personnes expérimentées, mais il nous faudra envisager des méthodes de recrutement différentes. Nous n'en sommes pas encore rendus là, mais ce sont des aspects que nous envisageons. Plus nous sommes en mesure de cerner les compétences dont nous avons besoin, plus nous serons en mesure de les trouver.

Sommes-nous surchargés de travail? L'examen de nos feuilles de temps révèle qu'en 2008-2009, les employés des comités sénatoriaux ont travaillé 9 p. 100 de leurs heures en temps supplémentaire.

Le président : Est-ce plus élevé ou moins élevé par rapport aux autres années?

Mme L'Heureux : C'est légèrement supérieur par rapport à l'année précédente, principalement en raison des séances tenues le soir ou des déplacements des comités. Je le répète, chaque année est différente. Par exemple, en 2008-2009, il y a eu des élections et une prorogation; le gouvernement est minoritaire; les comités effectuent diverses études intéressantes qui nécessitent la comparution de beaucoup de témoins et font augmenter la charge de travail.

Pour la petite histoire, nous constatons que les comités effectuent un plus grand nombre d'études et convoquent davantage de témoins. Cette situation accroît par conséquent notre charge de travail. Cela signifie qu'une partie du travail doit être effectuée en soirée, étant donné que les délais sont les mêmes. Nos ressources n'ont pas été nécessairement augmentées. En raison de la dynamique actuelle au Parlement, le travail des comités a des répercussions sur nous.

Le sénateur McCoy : Je devrais probablement m'adresser au sénateur Carstairs, présidente du Comité mixte permanent de la Bibliothèque du Parlement, mais je voudrais pouvoir mettre les choses en contexte. Quelle est votre budget total?

Mme L'Heureux : Le budget salarial de mon service s'établit, je pense, à 12,9 millions de dollars.

Le sénateur McCoy : À combien se chiffrait-il il y a quatre ou cinq ans? Disons cinq ans pour faciliter le tout.

Mme L'Heureux : Il faudrait que je vérifie.

Le sénateur McCoy : Savez-vous si c'était plus élevé ou moins élevé?

Mme L'Heureux : Le budget salarial était alors moins élevé, car le nombre d'analystes a augmenté depuis.

Le sénateur McCoy : Quel est l'effectif total de la Bibliothèque du Parlement?

Mme L'Heureux : La bibliothèque compte environ 350 employés.

Le sénateur McCoy : Est-ce exact que 80 d'entre eux sont des analystes?

Mme L'Heureux : Oui.

Le sénateur McCoy : Est-ce exact que 32 des analystes sont affectés en permanence aux comités sénatoriaux?

Mme L'Heureux : Leurs tâches sont diverses. L'analyste affecté à votre comité répond à vos demandes de renseignements et peut être mis à contribution pour traiter une demande d'un autre comité, en fonction de la nature des travaux accomplis par les différents comités.

Le sénateur McCoy : Les analystes reçoivent-ils des évaluations de rendement?

Mme L'Heureux : Leur rendement est évalué. Ils doivent avoir obtenu deux évaluations de rendement satisfaisant pour obtenir une promotion.

Le sénateur McCoy : Qui évalue leur rendement?

Mme L'Heureux : Leur gestionnaire.

Le sénateur McCoy : Quels critères utilise-t-on?

Mme L'Heureux : Si ma mémoire m'est fidèle, l'un des critères est l'atteinte des objectifs fixés pour l'exécution du travail. De plus, nous consultons le président du comité auquel l'analyste est affecté éventuellement.

Les analystes prêtent également main-forte au service des publications. Il s'agit d'évaluer comment l'analyste s'acquitte de ses fonctions : communique-t-il efficacement? Fait-il preuve de neutralité dans son travail? C'est le gestionnaire qui effectue l'évaluation du rendement. Nous avons constitué un comité des promotions qui examine le tout.

Le sénateur McCoy : Comment évalueriez-vous par exemple la pertinence des connaissances d'un analyste dans un domaine?

Mme L'Heureux : Et il ne s'agit pas de déterminer s'il satisfait aux exigences fixées. Ils possèdent tous, je le répète, des diplômes postsecondaires. Certains sont encore aux études.

Le sénateur McCoy : De nombreux juristes ont des diplômes en droit mais ne sont pas de très bons avocats. Il faut naturellement posséder les qualifications de base, mais ce n'est qu'un point de départ. Cela n'entre pas en ligne de compte dans les évaluations, n'est-ce pas?

Vous êtes arrivée à la Bibliothèque il y a un an, je pense. Où travailliez-vous auparavant?

Mme L'Heureux : J'étais fonctionnaire. J'ai occupé différents postes dans divers ministères. Au cours des 10 dernières années, j'ai été gestionnaire dans la fonction publique.

Le sénateur McCoy : Quel type de gestionnaire?

Mme L'Heureux : J'ai été directrice générale de différents...

Le sénateur McCoy : Programmes?

Mme L'Heureux : J'ai été surtout gestionnaire responsable de l'application de politiques.

Le sénateur McCoy : Dans votre mémoire de trois pages, vous en consacrez le tiers aux consultants embauchés par la Bibliothèque. Quelqu'un vous a-t-il demandé d'aborder ce sujet?

Mme L'Heureux : Non.

Le sénateur McCoy : Vous l'avez fait alors de votre propre initiative?

Mme L'Heureux : Oui.

Le sénateur McCoy : Je comprends ce que vous dites que lorsque vous parlez notamment de gestion de contrats, de définition des résultats visés et d'évaluation de la réalisation des exigences du contrat. J'ai dirigé un groupe de réflexion pendant 10 ans. Je suis au courant de tout cela. Je peux très bien comprendre que ces aspects ne relèvent pas des principales attributions des présidents des comités de la Chambre des communes et du Sénat.

Par contre, l'administration des contrats peut donner des résultats tout à fait différents de ceux visés. Le terme « consultant » est également utilisé, il me semble, dans un sens très large pour englober les compétences recherchées. Vous indiquez que vos analystes doivent récrire les rapports rédigés par des consultants. Je peux vous dire que je corrige les fautes commises par les analystes de la Bibliothèque du Parlement dans les rapports qu'ils rédigent.

Votre témoignage est, à mon avis, valable mais incomplet. Avant de pouvoir tirer des conclusions en fonction de votre témoignage, j'estime qu'il nous faudra un tableau exhaustif et impartial de la situation, ce que vous exigez sans doute également de vos analystes.

Savoir communiquer avec la population canadienne au XXIe siècle est l'un des défis signalés par de nombreux sénateurs entre eux. Le style classique utilisé dans la rédaction des rapports au Sénat n'est pas très adapté au lecteur contemporain.

Y a-t-il dans votre effectif des personnes qui ont reçu la formation leur permettant de rédiger des rapports dans un style convaincant, si je peux exprimer ainsi?

Mme L'Heureux : Je ne suis pas certaine de bien saisir ce que vous entendez par « style convaincant ». Nos analystes essaient de tenir compte des directives que leur donne le comité. Ce ne sont pas des spécialistes en communication. Ce n'est pas ce que nous recherchons à la Bibliothèque. Nous recherchons d'autres compétences.

Je crois que le Sénat compte des agents de communications qui, de toute évidence, ont reçu de la formation dans ce domaine. Selon nous, on ne nous demande pas d'avoir des compétences en communications. Nos compétences sont différentes. Si vous estimiez que nous devrions apporter des modifications à ce chapitre, nous en tiendrions certes compte.

Le sénateur McCoy : Nous devrions peut-être, me semble-t-il, un peu mieux définir les services dont les comités ont besoin.

Je n'ai peut-être pas très bien formulé ma question. Ce que vous dites à mon avis, c'est que 32 des 80 analystes, c'est- à-dire environ 10 p. 100 de l'effectif de la Bibliothèque, sont affectés à la collecte de renseignements et, dans une certaine mesure, à la réalisation d'analyses, même si, d'après mon expérience de quatre ans, il n'y a pas eu beaucoup d'analyses. Le personnel la Bibliothèque nous procure surtout des services de collecte de renseignements, ce qui est pertinent et nécessaire. Nous ne devrions peut-être pas en demander davantage, étant donnés les restrictions importantes avec lesquelles vous devez composer sur le plan des ressources.

Le président : Voulez-vous obtenir une réponse à cet égard?

Le sénateur McCoy : Non. Je pense que je vais laisser la parole à quelqu'un d'autre.

Le sénateur Carstairs : Le sénateur Joyal ayant évoqué l'étude spéciale sur le vieillissement, je voudrais donc aborder les questions soulevées par le sénateur McCoy. J'ai pu compter sur une excellente analyste qui a effectué les recherches nécessaires pour analyser d'une façon pertinente les données qu'on lui avait présentées. Il est juste de dire que la personne qui s'est chargée de la rédaction n'avait pas un style mordant. C'est peut-être ce qu'il nous manque, il me semble.

Il n'y a absolument rien à dire contre le travail exécuté par mon analyste. Son travail était excellent. Je n'aurais pas pu demander mieux. Nous avons cependant embauché quelqu'un pour rédiger un rapport en fonction des besoins des lecteurs, comme l'a signalé le sénateur McCoy. Voici un exemple très simple : nous avons demandé une taille de caractère supérieure parce que le rapport s'adressait surtout aux personnes âgées. Pour faciliter la lecture du rapport, il ne fallait pas utiliser la taille de caractère 6 ou 8, mais 12.

Estimez-vous qu'il incombe à la Bibliothèque du Parlement de jouer un rôle sur le plan des communications et d'embaucher des agents de communications ou encore qu'il appartient aux comités de trouver dans le personnel du Sénat les employés qui sont en mesure de satisfaire à ce besoin ou de faire appel à des consultants?

Mme L'Heureux : Je pense que vous avez raison. Dans notre équipe, nous n'avons pas de spécialistes capables de rédiger des rapports percutants. Si les sénateurs sont d'avis que cela devient une nécessité, il faudra se consulter sur la façon d'obtenir le personnel nécessaire et sur l'organisation dont il devrait relever — est-ce de la Bibliothèque? Comme vous siégez au Comité de la Bibliothèque, vous savez que nous ne possédons pas les ressources nécessaires à cette fin. Par contre, si les parlementaires souhaitaient un tel service, nous pourrions certainement explorer les différentes solutions et vous formuler des recommandations.

Le sénateur Carstairs : Il faut tenir compte également que la nature des comités varie. Vous avez le comité législatif, dont le principal exemple au Sénat est le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Je ne crois pas que ses études ont porté vraiment sur les politiques, à l'exception des études secondaires qu'il a effectuées sur la magistrature militaire. Le comité est trop occupé à examiner les nombreux projets de loi dont il est saisi successivement. Il y a également les comités spéciaux qui s'occupent uniquement des politiques. Il y a en outre les comités comme le Comité sénatorial permanent des droits de la personne qui est parfois saisi d'un projet de loi, mais ce n'est pas très fréquent. Il se penche surtout sur les politiques.

Ce qui me préoccupe, cependant, c'est qu'une fois qu'un analyste est affecté à un comité, il semble que c'est une décision permanente. Je me demande s'il n'est pas mieux de faire les affectations en fonction de l'objet de l'étude plutôt que des comités. L'analyste du Comité des droits de la personne n'est peut-être pas dans son élément lorsqu'il est question des relations avec les Nations Unies, mais il ou elle l'est peut-être lorsqu'il s'agit des relations au sein de la fonction publique.

Peut-on envisager un moyen de faciliter la mobilité des analystes au sein des divers comités?

Mme L'Heureux : C'est bien sûr un élément sur lequel nous nous concentrons. En ce qui concerne les analystes de la Bibliothèque du Parlement, nous ne leur faisons pas faire de rotation parce que nous tentons d'arrimer leurs compétences aux exigences des divers comités. Cela dit, l'affectation au comité varie à l'occasion parce que nous avons besoin d'analystes polyvalents qui peuvent s'adapter facilement à diverses situations. Par exemple, même si les comités du Sénat ne fonctionnent pas tout à fait comme ceux de la Chambre des communes, il faut que les analystes soient en mesure de travailler pour les deux.

Nous avons parlé tout à l'heure des départs à la retraite. Il nous faut amener nos employés au niveau de travail voulu pour qu'ils puissent assumer la relève. Il faut donc parfois effectuer de petites réorganisations de sorte que la transition se fasse en douceur.

Ce genre d'affectation fait partie du perfectionnement professionnel des employés. Dans un marché où règne la concurrence, certains employés souhaitent être capables de travailler dans plus d'un domaine. Nous espérons qu'en les regroupant au sein d'équipes, les analystes qui travaillent dans des domaines apparentés vont s'entraider et se relever et, de la sorte, assurer aux divers comités les différentes formes de soutien dont ils ont besoin.

Nous n'avons pas adopté de système de rotation parce que nous voulons conserver un certain savoir collectif pour appuyer les comités. Cependant, je serais plutôt d'accord avec vous qu'il nous faut un peu de souplesse afin de bien affecter les ressources en fonction des travaux qu'effectue un comité à un moment précis. Il se peut qu'un comité entame une étude qui requiert l'expertise d'un analyste autre que celui qui y est affecté.

Le sénateur Carstairs : Voici ma dernière question que l'on m'a posée. Que font les analystes lorsque la Chambre des communes et le Sénat ne siègent pas? L'an dernier, il y a eu plusieurs temps morts en raison des prorogations, des élections et ainsi de suite. Le Comité de la régie interne, dont le président est aujourd'hui des nôtres, nous a fait savoir que, durant une prorogation, nous n'avons pas accès aux services des attachés de recherche. De nombreux collègues ont donc l'impression, à tort, qu'ils se tournent les pouces. Pouvez-vous les convaincre que cette impression est fausse?

Mme L'Heureux : Elle l'est. En fait, durant ces temps morts, nous continuons de recevoir des demandes des sénateurs qui, durant une prorogation, ne perdent pas leur statut. Nous répondons effectivement à leurs requêtes individuelles — pas à celles des comités parce qu'ils ont été dissous, mais les sénateurs peuvent effectivement continuer de solliciter nos services.

Par ailleurs, nos analystes profitent de cette période pour approfondir leurs connaissances dans certains dossiers. Ainsi, ils font des lectures et du rattrapage et se mettent à jour sur un certain nombre de questions — des activités de suivi pour s'assurer que leurs connaissances sont à jour dans leurs différents domaines de travail.

Ils profitent également de cette période pour suivre des formations, dont les cours de langue, parce que nous tenons à ce que nos employés soient capables de s'acquitter de leurs tâches avec efficacité dans les deux langues. Nous les encourageons également à prendre les congés qu'ils ont accumulés en période d'intersession parce que nous souhaitons qu'ils soient frais et dispos au retour des parlementaires, prêts à donner le meilleur d'eux-mêmes. Ils ne chôment pas.

Le sénateur Carstairs : C'est bien ce que je croyais.

Le président : Honorables sénateurs, vous avez maintenant tous reçu, tel que promis, un exemplaire du protocole d'entente entre la Bibliothèque du Parlement et la Chambre des communes à propos de l'affermage de services professionnels pour les comités.

Le sénateur Keon : J'aimerais m'attarder aux relations qu'entretiennent les analystes et les consultants, puisque le sénateur Joyal et d'autres sénateurs en ont beaucoup discuté.

Au fil des ans, j'ai siégé à bien des comités qui ont produit des documents de politique. Il fallait fréquemment avoir recours à des consultants au cours de leur préparation, ce qui se passait plus ou moins bien, selon le cas.

Il m'a semblé que, lorsque les choses allaient de travers, c'était parce que le président du comité n'en assumait pas la direction. Parfois, les consultants finissaient essentiellement par rédiger une ébauche de rapport, à laquelle s'opposait alors l'analyste. Vous savez probablement ce que je veux dire.

Dans d'autres circonstances, on peut engager un consultant pour profiter d'une expertise que ne possède pas actuellement la Bibliothèque du Parlement. On peut s'inspirer du document produit; il est possible de le mettre, en tout ou en partie, en annexe du rapport ou de le référencer. Cependant, il ne faut pas qu'il subsiste de doute quant à l'auteur du rapport, à son public et à la personne chargée de voir à ce qu'il n'y ait pas de contradiction entre le produit du consultant et celui de l'analyste.

J'estime que la responsabilité revient au président du comité, ce qui évite toute confusion. L'élaboration d'un document de politique consiste d'abord à recueillir des renseignements, puis à en faire un tout et, enfin, à rédiger les recommandations. Il est possible de travailler coude à coude avec les analystes et les consultants. Comme vous l'avez dit, les consultants permettent d'obtenir l'expertise dont on a besoin pour produire un bon document.

Je ne suis pas en train de vous poser une question; je ne fais qu'une déclaration. C'est mon apport à cet égard.

Le président : J'aimerais entendre votre réponse, madame L'Heureux, si vous le voulez bien.

Mme L'Heureux : Notre expérience avec les consultants est parfois bonne. N'allez pas croire que tout est mauvais, loin de là.

J'insiste sur le fait que le comité doit nous faire connaître clairement ses attentes. Dans certains cas, nous sommes coincés entre des attentes conflictuelles du comité et du président, et le travail à effectuer n'est pas clair. Quel est le rôle du président, du comité de direction et des analystes par rapport aux consultants? Des précisions à cet égard nous aideraient à vous offrir un soutien plus efficace.

Les consultants ne sont certes pas un mauvais choix. Au contraire, je crois qu'ils ont un savoir-faire que nous n'avons pas et qu'ils facilitent notre travail lorsqu'il est possible d'y avoir recours. Par contre, il faut que vous nous communiquiez clairement vos attentes.

Le président : J'aimerais informer le comité que l'une des personnes qui m'a demandé à de multiples reprises de pouvoir venir témoigner est le sénateur Colin Kenny, président du Comité de la défense. Le comité de direction a déjà été saisi de la requête et il y reviendra cet après-midi avant de prendre une décision. Le comité du sénateur Kenny produit des rapports qui ont du mordant — pour reprendre les mots du sénateur Carstairs —, car on y trouve notamment des paragraphes d'une seule phrase. S'il vient témoigner, nous pourrions lui demander de nous toucher un mot de ce style particulier, mais c'est un exemple des rapports qui ont du mordant.

Le sénateur Andreychuk : C'est la première fois qu'on me dit qu'un président a demandé à témoigner. J'espère que le comité de direction s'en occupera.

Nous organisons souvent des séances à propos de diverses études, nous entendons des témoignages et nous touchons à divers sujets. Par la suite, nous décidons parfois qu'il faut publier un rapport, soit de notre propre initiative, soit sur instruction du leadership, soit en raison d'autres circonstances atténuantes. Nous travaillons dans une seule langue, après quoi il faut s'assurer que le rapport est bien rédigé dans les deux langues. Souvent, il est rédigé en anglais, puis traduit. Il faut aussi le réviser. Selon vous, jusqu'à quel point est-ce votre responsabilité? Est-ce un problème qui relève du comité et qu'il faut régler ailleurs?

Voici mon problème. La date limite pour faire une étude à court terme est le 11 juin. Il est déjà difficile de respecter la limite de temps, mais vers la fin, je crains constamment que les deux versions ne soient pas de la même qualité ou parfaitement équivalentes.

Mme L'Heureux : Je ne me suis pas arrêtée autant à la révision et à la traduction des rapports. Je sais entre autres que le Bureau de la traduction est actuellement aux prises avec un nombre record de demandes. Il est donc très difficile de respecter les délais.

Si je ne m'abuse, c'est le Sénat et non la Bibliothèque qui est responsable de la traduction. Il nous faudrait donc explorer diverses possibilités visant à rapprocher l'analyste de ce savoir-faire. L'analyste ne participe pas au processus de traduction parce que la demande passe par l'administration du Sénat.

Nous pourrions envisager diverses options si les membres du comité veulent que l'analyste participe plus au processus de traduction, mais ce n'est pas la manière de procéder actuellement.

Le sénateur Andreychuk : Bien que je ne sois pas bilingue, je suis consciente que la manière de rédiger un rapport et de présenter des points de vue est différente d'une langue à l'autre. Le véritable exploit au Canada consiste à produire deux versions parfaitement équivalentes. Si ce n'est pas fait lors de la rédaction et de la conception, il faut alors recourir à la traduction. Or, l'ouvrage traduit diffère de l'original. Le roman de Dostoïevski traduit en anglais n'est pas identique à l'œuvre originale. C'est là une de mes préoccupations lorsque j'essaie de rédiger des rapports qui sont justes.

Mme L'Heureux : Je suis d'accord avec vous qu'une traduction n'est jamais en tous points identique à l'original. Nous nous efforçons d'engager des analystes qui maîtrisent la langue d'arrivée afin de nous aider à saisir les nuances lorsqu'ils révisent les traductions.

À mon arrivée à la Bibliothèque du Parlement, j'ai été agréablement étonnée par la maîtrise des langues qu'ont les employés, contrairement à ce que j'avais auparavant observé dans la fonction publique. Les gens ont eu une meilleure formation dans les deux langues officielles.

Le sénateur Joyal : Ma question vient compléter celle du sénateur Andreychuk. Madame L'Heureux, vous devriez savoir que les sénateurs francophones sont appelés bien plus souvent qu'on ne le croit à réviser l'ébauche de rapport et à apporter des corrections. C'est un problème récurrent dont j'ai fait les frais, particulièrement au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Nous travaillons d'abord sur la version anglaise, puis à la fin, le président nous demande, à moi ou à un autre de mes collègues francophones, de lire la version française pour s'assurer qu'elle est rédigée dans le même esprit que l'original. Je passe donc je ne sais trop combien d'heures à m'assurer que le génie de ma langue maternelle est respecté.

Je ne suis certainement pas le seul à avoir le problème. L'intervention du sénateur Andreychuk témoigne de son respect pour les deux langues officielles du Canada. Je veux bien croire que les services de la Bibliothèque du Parlement se sont améliorés et qu'ils constituent en quelque sorte un modèle pour la fonction publique. Néanmoins, il est question du Parlement du Canada. Tout comme la femme de César, nous devons être au-dessus de tout soupçon lorsqu'il s'agit de respecter le principe d'égalité du statut et de la qualité des deux langues officielles.

Il me semble que, s'il y a un service au sein duquel il faut que ce respect soit exemplaire, c'est bien la Bibliothèque du Parlement. Je suis d'accord avec vous; il se démarque des autres, mais j'estime qu'il reste du rattrapage à faire. La meilleure façon d'utiliser au mieux le temps de vos attachés de recherche serait d'exiger qu'ils maîtrisent les deux langues. Il vous incombe, tout autant qu'à nous, de voir à ce que nous disposions des bonnes ressources pour faire notre travail, particulièrement lorsque nous publions un rapport sur une étude ou une question de politique qui rejoint un large public et qui sera lu et retiendra l'attention dans les deux langues. Il vous revient de faire en sorte que le service continue de s'améliorer, plutôt que de dire que la Bibliothèque offre un meilleur service et de vous asseoir sur vos lauriers.

Mme L'Heureux : Je retiens votre commentaire, qui rejoint ce que j'ai mentionné plus tôt. Il faut que les services de révision appuient le travail des analystes. C'est une étape importante de la production de documents de qualité. Nous faisons de notre mieux pour que les services de révision et de traduction livrent des produits de la qualité voulue. Nous avons effectivement des problèmes à cet égard.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Y aurait-il de la place pour une personne qui aurait la responsabilité — surtout lorsqu'on fait la traduction de l'anglais vers le français — de s'assurer que le message transmis reflète la pensée et n'est pas du mot à mot?

Mme L'Heureux : C'est le rôle des réviseurs. Par exemple, lorsque l'on prépare nos notes, les réviseurs vont s'assurer qu'au-delà de la traduction il y ait une concordance, mais que la pensée soit reflétée dans le texte en français ou en anglais, dépendant de la traduction.

On a besoin de plus de réviseurs pour s'assurer que ce message passe bien dans les deux langues officielles. Je crois qu'on a une déficience sur le plan des réviseurs, on n'en a pas assez.

Le sénateur Robichaud : On vous encourage à aller dans cette direction.

[Traduction]

Le président : Étant donné les dernières questions des sénateurs Joyal et Robichaud, nous allons ajouter à l'ordre du jour de la réunion du comité de direction cet après-midi la possibilité d'inviter à témoigner M. Alain Wood, directeur de la Direction de la traduction parlementaire et de l'interprétation. Il faut s'informer sur cette très importante question.

Je remercie mes chers collègues pour leurs excellentes questions et Mme L'Heureux pour son remarquable exposé et ses réponses.

J'ai posé une question qui faisait suite à celles du sénateur Joyal sur l'infrastructure. Pourriez-vous nous faire parvenir des précisions sur ce dont vous avez besoin pour faciliter l'accès aux technologies de l'information de manière à ce que les sénateurs et les comités sénatoriaux bénéficient de services modernes et opportuns? Des renseignements supplémentaires quant à l'infrastructure des TI seraient des plus utiles.

Honorables sénateurs, le comité ajourne ses travaux jusqu'à demain.

(La séance est levée.)


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