Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 8 - Témoignages du 17 novembre 2009
OTTAWA, le mardi 17 novembre 2009
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, afin d'étudier les enjeux émergents liés à son mandat dans le domaine des communications, et de faire rapport sur le secteur du sans-fil, notamment sur l'accès à Internet haute vitesse, la fourniture de largeur de bande, le rôle d'édification de la nation du sans-fil, le rythme d'adoption des innovations, les aspects financiers liés aux changements possibles du secteur ainsi que le développement du secteur au Canada comparativement à ce qui se fait ailleurs.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour. La présente séance est la treizième qu'entreprend notre Comité sénatorial permanent des transports et des communications au sujet du secteur du sans-fil. Ce matin, nous recevons, de Research in Motion : Robert Crow, vice-président, Relations avec les entreprises, les gouvernements et les universités; ainsi que Morgan Elliott, directeur des relations gouvernementales.
[Français]
Research In Motion est une entreprise réputée qui conçoit, fabrique et commercialise des solutions sans fil novatrices pour le marché mondial des communications mobiles. RIM produit le fameux BlackBerry, qui a été mis en vente en 2002 et a contribué à façonner le marché mondial des téléphones intelligents.
[Traduction]
Robert Crow, vice-président, Relations avec les entreprises, les gouvernements et les universités, Research in Motion : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs. C'est un plaisir d'être ici, avec vous.
Nous voudrions vous présenter un document de 20 pages afin de vous donner un aperçu de Research in Motion. Je pense que nous aurons également amplement de temps à consacrer à une période de questions et réponses. C'est un bon moment pour vous donner une mise à jour sur la situation de Research in Motion.
D'après ce que nous avons compris, bon nombre d'entre vous avez visité nos amis et collègues en Europe récemment. Une partie de mon travail consiste à voyager dans les quatre régions du monde dont je suis responsable au sein de l'entreprise. À mesure que nous nous déplaçons dans le monde, nous constatons un immense potentiel de croissance continue et de développement pour notre entreprise en ce qui a trait à l'ensemble de nos activités.
Research in Motion est une réussite commerciale canadienne; c'est très important. Nous voulons que les gens soient conscients de l'importance de l'année 2009. En effet, elle coïncide avec le 25e anniversaire de Research in Motion et la 10e année d'existence du BlackBerry. Notre entreprise en développement existe depuis un quart de siècle, et elle jouit d'une crédibilité importante sur le marché.
Research in Motion est en affaires depuis 25 ans, soit depuis sa fondation par des étudiants de l'Université de Waterloo. Elle a été la première entreprise en Amérique du Nord à mener des projets de développement de données sans fil, à la fin des années 1980. Nous avons collaboré étroitement avec des fournisseurs de services sans fil du Canada comme Rogers, de même qu'avec d'importantes entreprises d'infrastructure et de technologie européennes comme Ericsson. Cela représente plus de 20 ans d'expérience. Au cours de cette vingtaine d'années, nous avons bâti l'entreprise de téléphonie intelligente et de transmission de données la plus importante au monde, grâce à notre équipe de recherche et développement spécialisée.
C'est en 1999 — il y a 10 ans — qu'on a créé pour la première fois la solution BlackBerry. L'an dernier, nous avons embauché 4 000 employés, qui se sont ajoutés aux 8 000 ou 9 000 personnes travaillant déjà pour RIM. Notre croissance de l'emploi a été rien de moins que phénoménale. Je me suis joint à RIM en 2001, alors que nous avions autour de 1 000 employés. Au début des années 1990, j'avais collaboré avec des gens de RIM, à l'époque où le personnel de l'entreprise s'élevait à 10 personnes seulement. J'ai assisté à toutes les étapes du développement de l'entreprise. Au cours de ces huit années que j'ai passées à travailler pour RIM, nous avons multiplié notre taille par près de 15. Nous nous rapprochons d'un effectif de 15 000 personnes dans le monde entier.
Pendant cette période de 10 ans, nous avons expédié plus de 50 millions de BlackBerry. Environ 32 millions sont utilisés activement avec des forfaits de transmission de données. Ainsi que je l'ai indiqué lorsque nous discutions dans le hall, un certain nombre d'autres BlackBerry sont utilisés simplement comme téléphones, sans service de transmission de données.
Lorsque je suis entré au service de RIM, en 2001, le monde était bien plus petit. Nous étions actifs aux États-Unis et au Canada, et nous collaborions avec cinq fournisseurs de services sans fil. Nous avons envoyé trois représentants en Europe pour faire notre entrée sur le marché européen, en commençant par Londres. Aujourd'hui, ainsi que je l'ai dit, nous sommes forts de nos 15 000 employés et faisons des affaires dans plus de 170 pays. Nous sommes associés à environ 500 fournisseurs de services sans fil et partenaires de prestation indirects, y compris des entreprises majeures comme Wal-Mart, Costco, Best Buy, Carphone Warehouse en Europe, et cetera, qui distribuent la solution BlackBerry partout dans le monde. RIM est véritablement devenue une entreprise mondialisée.
Notre infrastructure est l'une des sauces secrètes du BlackBerry. Elle est le réseau privé qui relaye les messages BlackBerry rapidement d'un bout à l'autre du monde. L'infrastructure BlackBerry achemine maintenant plus de 3 pétaoctets de données tous les mois. En comparaison avec le total d'Internet, c'est une fraction raisonnable; c'est donc très important. Il s'agit probablement du plus grand réseau de TI privé au monde. C'est un important secret de notre succès.
Nous sommes une entreprise d'envergure mondiale, et nous sommes fiers d'être une société canadienne dont le siège social est établi à Waterloo, en Ontario. Il y a quelques années, nous aurions pu dire que nous avions des bureaux et des laboratoires dans la région de Toronto — à Mississauga — de même qu'à Halifax, où nous avons des services de recherche et de développement et des services de soutien technique. À Ottawa, nous avons 800 ou 900 employés. Depuis peu, grâce à des acquisitions, nous avons des laboratoires à Vancouver et à Fredericton. On trouvera bientôt des laboratoires ou des bureaux BlackBerry partout dans le Canada. Lorsque nous calculons le travail que nous effectuons en collaboration avec des tierces parties et des universités, nous sommes en fait un écosystème pancanadien.
Nous avons des bureaux ou des laboratoires dans 28 pays étrangers des Amériques, d'Europe et d'Asie du Pacifique.
Puisque notre entreprise a démarré en Amérique du Nord, on y compte relativement davantage d'employés de RIM. Nous sommes ensuite passés à l'Europe. Aujourd'hui, nos activités en Europe dépassent la taille de l'ensemble de RIM à l'époque où j'ai commencé à y travailler, il y a huit ans. Plus tard, nous nous sommes engagés sur les marchés de l'Asie du Pacifique et de l'Amérique latine, qui sont d'excellents marchés. Notre entreprise est robuste, mais elle en est encore à ses premières étapes. Nous constatons beaucoup de potentiel autour du globe.
Comment peut-on passer, en 25 ans, d'une entreprise tout juste naissante à une société qui connaît un succès instantané? RIM est clairement une entreprise de recherche et de développement. Son nom, Research in Motion, a été choisi par ses fondateurs afin de refléter le fait qu'il s'agit d'une entreprise basée sur la recherche scientifique et technologique. Le tout dernier effort de recherche et de développement à avoir été publié était d'une valeur légèrement inférieure à 700 millions de dollars. La croissance a été très rapide. Nous avons des installations de recherche et d'essai de classe mondiale. Je pense que la prochaine fois qu'on prendra la mesure de notre entreprise, celle-ci se classera probablement parmi les trois principales entreprises investissant dans la recherche et le développement au Canada.
Nous bénéficions d'une vaste collaboration avec le milieu universitaire. L'entreprise a d'ailleurs été lancée par des étudiants participant à programme coopératif à l'université. Nous avons beaucoup d'affinités avec les établissements universitaires et leurs chercheurs, et nous leur vouons un immense respect. Nous entretenons une collaboration internationale de recherche permanente avec des professeurs et des étudiants des cycles supérieurs. Encore une fois, tout cela a commencé à Waterloo, mais l'entreprise a pris de l'expansion partout au Canada, et est maintenant stratégiquement positionnée dans d'autres endroits du monde. Le 11e employé de Research in Motion était un étudiant du programme coopératif de l'université de Waterloo. Aujourd'hui, nous demeurons le plus important employeur du secteur privé pour les étudiants du programme coop, avec plus de 1 000 d'entre eux au service de RIM. La dernière fois que j'ai procédé à un dénombrement du personnel du département de la recherche et du développement à Waterloo, une personne sur six avait déjà travaillé pour RIM à titre d'étudiant coop avant d'y occuper un poste à temps plein. Nous faisons vraiment un usage imaginatif de ce système d'enseignement coopératif. Mon département compte des ambassadeurs étudiants de 27 collèges et universités différents du Canada, où nous recrutons des étudiants coop et des étudiants diplômés.
Nous parlions plus tôt du BlackBerry qui suscite l'envie. L'idée, c'est que quiconque a le nouveau modèle de BlackBerry a le meilleur BlackBerry. C'est un beau problème à avoir. Y en a-t-il parmi vous qui ont possédé le premier ou le deuxième BlackBerry?
Le président : J'ai eu le deuxième, mais pas le premier; je me sens mal, maintenant.
M. Crow : Il nous en reste encore quelques-uns dans nos tiroirs. Vous pourriez probablement en avoir un. Lorsque je suis arrivé à RIM en 2001, j'ai pu choisir entre ces deux BlackBerry. J'ai choisi le second, car le premier nécessitait de remplacer les piles AA. Nous avions des corbeilles de piles AA et des boîtes de recyclage pour les piles mortes sur tous les comptoirs d'accueil de l'entreprise. Les gens pouvaient venir y laisser leurs piles usagées. Puis, une grande innovation nous a permis d'enlever les piles sans causer de perte de mémoire. L'appareil était désormais doté d'une pile interne au lithium qui rechargeait et maintenait la mémoire assez longtemps pour laisser le temps d'installer une nouvelle pile.
J'attire votre attention sur cette évolution, qui vous a très rapidement donné le BlackBerry tel qu'on le connaît. Au début de son existence, le BlackBerry a d'abord pris la forme aplatie d'une barre de friandises, puis a été suivi du BlackBerry Pearl, plus mince, qui demeure aujourd'hui un modèle important de BlackBerry sur le marché, partout dans le monde. La famille du BlackBerry Curve est de format moyen. Des données qui ont été publiées hier aux États-Unis indiquent que six des 10 principaux téléphones intelligents sont des BlackBerry, et le BlackBerry Curve arrive en deuxième place. Si vous les additionnez tous, nous dominons le marché, mais le BlackBerry Curve se situe au deuxième rang des ventes de téléphones intelligents aux États-Unis, l'un des plus grands marchés au monde.
Les derniers produits que nous offrons comprennent le BlackBerry Storm et le BlackBerry Bold. La beauté de cette évolution, c'est qu'à mesure que la technologie a progressé, notre capacité à intégrer toujours plus de caractéristiques sans compromettre l'expérience de l'utilisateur s'est améliorée. Nous avons été capables de faire davantage que de la simple transmission de messages. Le grand accomplissement suivant a consisté à intégrer un téléphone au BlackBerry, après quoi on a ajouté la couleur, le multimédia et une caméra. À nos tout débuts, certains disaient que quelque chose clochait avec notre entreprise, parce que nous n'avions pas ces éléments. Néanmoins, nous les avons intégrés au moment opportun, lorsque nous avons été certains qu'ils fonctionneraient convenablement sans jamais compromettre l'expérience de l'utilisateur. La marque distinctive de notre produit est sa capacité de fonctionner sitôt sorti de sa boîte, pour toute la longue durée de vie de sa pile. Cela a été vrai pour 18 à 20 produits durant la totalité de la période de 10 ans. Nous continuons d'innover. Je travaille au centre de recherche et de développement de RIM, alors je sais ce qui se passe. Je ne peux vous divulguer les détails de ce qui est en préparation pour l'avenir, mais c'est vraiment enthousiasmant. Nous n'avons pas cessé d'innover et de rêver d'amener la compagnie là où elle doit aller.
Un autre aspect important de la réussite de notre entreprise est celui de la sécurité. Vous avez certainement connaissance d'incidents particuliers où la sécurité est primordiale. À la suite des événements du 11 septembre, et lors des alertes à l'anthrax à Washington, on a remis des BlackBerry à vos collègues des États-Unis et à leur personnel pour permettre au gouvernement de continuer à fonctionner. On a introduit dans le BlackBerry un dispositif de sécurité solide comme le roc, qui a été vérifié à l'externe par des agences et des laboratoires d'essai indépendants de partout du monde entier. Cela nous donne un avantage important pour fournir des services tant au secteur public qu'au secteur privé, là où la sécurité de haut niveau compte vraiment.
Il existe un système multinational d'accréditation conjointe relativement à la sécurité. Il y a quatre niveaux de certification selon des critères communs, qu'on appelle les EAL. Nous sommes la seule solution sans fil à avoir droit à la certification EAL 4+. Nous avons conclu avec de nombreux pays des arrangements relatifs à la reconnaissance des critères communs.
Nous continuons d'être reconnus en tant que plateforme de courrier électronique en mouvement. Les gens ont commencé à beaucoup utiliser le courrier électronique; on croit que le BlackBerry a été le premier à transformer les courriels en messagerie instantanée ou en clavardage. Les gens utilisent leur service de messagerie électronique sur un BlackBerry, car tout le monde est branché en permanence, de la même manière que les jeunes utilisent maintenant leurs outils de clavardage. Tous ces outils d'échange en ligne sont offerts sur BlackBerry, tout comme bien d'autres choses encore. Dernièrement, nous avons ouvert notre propre boutique d'applications, appelée App World. La semaine dernière, je me trouvais à San Francisco où j'assistais à notre deuxième Developers' Conference. Nous avons présenté ce concept à Silicon Valley, et nous avons appelé les meilleurs et les plus brillants concepteurs de partout dans le monde à se joindre à nous. Ainsi, nous avons 1 300 développeurs enthousiastes de solutions BlackBerry. Ces entreprises privées ont rallié Research and Motion, et leurs développeurs gagnent joyeusement leur vie en produisant tout ce qui va des jeux aux applications d'entreprise, en passant par les fonctions utilitaires et les instructions de conduite. Ces applications se comptent par milliers, et un nombre croissant est disponible par l'entremise d'App World.
Il est important que nous fournissions des expériences multimédias de plus en plus riches. Notre intégration est réellement renversante. La réussite de Research and Motion nous a permis de créer une tradition exceptionnelle de soutien à la communauté. Nous le faisons en tant qu'entreprise, et à titre personnel. L'exemple le plus connu est celui de la philanthropie de nos deux présidents et co-chefs de la direction, Jim Balsillie et Mike Lazaridis. Mike Lazaridis a fondé le Perimeter Institute for Theoretical Physics et l'Institute for Quantum Computing de l'Université de Waterloo. Jim Balsillie, quant à lui, a mis sur pied le Centre pour l'innovation en matière de gouvernance internationale, le CIGI, ainsi que la Balsillie School of International Affairs, qui sont affiliés à l'Université Wilfrid Laurier et à l'Université de Waterloo. Nous avons de nombreuses affiliations. De plus, une partie des profits et de la richesse générée, de l'ordre de centaines de millions de dollars, est octroyée comme financement, et les gouvernements municipaux, régionaux, provinciaux et fédéral contribuent une somme équivalente en vue de créer des centres d'excellence internationale et d'enrichir le milieu universitaire, là où Research in Motion a pris naissance.
Quel est l'effet de tout cela? Notre entreprise est vouée à la croissance, alors je vous parlerai plus amplement de cet aspect. Nous n'avons pas été surpris, mais néanmoins tout à fait ravis que le magazine Fortune traverse la frontière des États-Unis pour examiner les entreprises de partout au monde. Les représentants du magazine ont conclu que Research in Motion avait été l'entreprise ayant connu la croissance la plus rapide au monde ces dernières années. Vous pouvez me croire, c'est ainsi qu'on se sent la plupart du temps, quand on reprend son souffle. Nous passons beaucoup de temps à recruter, à mener des activités de développement et à nous faire de nouveaux amis dans de nouveaux endroits. Cette croissance se reflète également dans nos recettes. En fait, la courbe de croissance de l'entreprise ressemble à celle d'un bâton de hockey. Lorsque je donne cette présentation à des visiteurs étrangers, je leur dis que nous aimons les courbes de ce genre, parce que nous sommes Canadiens et que nous adorons le hockey, et j'ajoute que toutes nos courbes de croissance doivent ressembler à cela. La courbe suivante, celle qui correspond au nombre d'abonnés, a elle aussi une incurvation comparable à celle d'un bâton de hockey. Vous trouverez le graphique de cette courbe à peu près à mi-chemin de ma présentation. Elle montre que la dernière fois, nous avons annoncé avoir environ 32 millions d'abonnés, ce qui était à la fin août.
Il est intéressant de noter qu'il aura fallu cinq ans, à compter du lancement de BlackBerry, pour en arriver à 1 million d'abonnés. L'année suivante, il a fallu neuf mois pour obtenir 1 million d'abonnés de plus. Je crois que les abonnés s'ajoutent maintenant au rythme de 4 ou 5 millions par trimestre; c'est-à-dire 20 millions par année, ou davantage. Cela devient véritablement un phénomène international.
Qu'en est-il de nos activités autour du globe? Comme vous pouvez le voir sur la carte du monde, nous allons devoir faire quelque chose au Groenland, où nous ne connaissons pas de fournisseurs de services. Un de mes collègues a déjà présenté cette diapo où il manquait le Groenland. Je me suis demandé : « Qu'est-il arrivé au Groenland? » Il fait partie des rares territoires étendus restants où le BlackBerry n'est pas disponible. Comme je l'ai dit, il y a tout juste huit ans, le BlackBerry était offert aux États-Unis et au Canada, et ensuite, seulement de manière inégale. Nous avions différents réseaux et différentes normes. Certains se souviendront que si on avait un BlackBerry qui fonctionnait à Toronto, il ne marcherait pas nécessairement à Kingston, et qu'un BlackBerry qui fonctionnait à Kingston ne pourrait pas forcément être utilisé à Peterborough. Aujourd'hui, le BlackBerry fonctionne pratiquement partout au monde.
C'est une réalisation technique difficile à accomplir. Ceux d'entre vous qui voyagez de par le monde — et je sais que les sénateurs le font dans le cadre de leurs fonctions — se rendront compte que l'époque n'est pas si lointaine où l'on s'apercevait qu'il était difficile d'avoir un appareil électronique fonctionnel en sortant d'un avion. Prenez le cas du Japon et de la Corée. En 2008, j'ai représenté l'entreprise à la réunion ministérielle de l'OCDE à Séoul, en Corée. J'avais le seul BlackBerry fonctionnel en Corée. Je disposais du BlackBerry Bold, qu'un bon nombre d'entre vous m'avez montré. C'était un tout nouveau produit, qui était encore à l'étape du laboratoire. C'était la première fois que cette technologie rattrapait son retard et convergeait. Nous avions donc une fusion de ce qu'offraient les fournisseurs de services sans fil coréens et de ce que nous concevions pour les marchés mondiaux.
Ce fut un moment remarquable lorsque le secrétaire général de l'Union internationale des télécommunications, M. Touré, s'est présenté en disant : « Où avez-vous obtenu ce BlackBerry? Il fonctionne, ici ». Encore une fois, c'est une question de convergence technologique, d'avoir le génie technique nécessaire pour prévoir la direction que prendront les normes et d'être capable de fabriquer des produits en conséquence. Aujourd'hui, nous sommes présents dans plus de 170 pays. Comme je l'ai dit, dans beaucoup d'entre eux, notre entreprise demeure toute jeune.
La diapositive suivante dresse une comparaison entre les téléphones intelligents et les téléphones mobiles traditionnels. Un téléphone intelligent est essentiellement le résultat d'une fusion entre un téléphone et un ordinateur. C'est un appareil de télécommunications doté d'un système d'exploitation; c'est ainsi qu'on le définit et qu'on le distingue d'un téléphone mobile traditionnel.
Les colonnes rouges représentent les ventes de téléphones mobiles traditionnels des dernières années à l'échelle mondiale. En 2007, il s'est vendu environ un milliard de ces appareils. Nous avons aussi inclus les prévisions jusqu'en 2013. On s'attend à ce que les ventes de téléphones mobiles traditionnels baissent cette année, puis remontent graduellement avec la reprise économique.
Les ventes de téléphones intelligents, représentées par la colonne bleue, ont été beaucoup plus modestes au départ. Elles ont commencé presque à zéro — parce que c'est nous qui avons lancé les premiers téléphones de ce genre, en 2000 —, mais elles progressent maintenant à un rythme régulier. On peut remarquer une croissance des ventes, même durant la récession. Ce phénomène est encore plus notable dans les pays avancés.
Ces données sont très récentes; elles ont été publiées la semaine dernière. Je n'ai pas les données pour le Canada, mais j'ai celles pour les États-Unis dans le prochain tableau. Vous constaterez qu'il se produit un changement spectaculaire aux États-Unis. Les ventes de téléphones mobiles traditionnels dégringolent, alors que celles de téléphones intelligents augmentent sans cesse. La bonne nouvelle, c'est que la marée montante soulève tous les bateaux; nous sommes l'un de ces bateaux soulevés par la marée. De plus, nous avons la chance d'être les chefs de file dans ce secteur et nous profitons, comme on peut le voir sur la prochaine page, de la croissance de la base installée de téléphones intelligents.
À la page suivante, nous avons des graphiques circulaires en couleurs. Le premier présente des données reçues la semaine dernière qui montrent les parts détenues par RIM sur le marché mondial des téléphones intelligents. Nous sommes non seulement soulevés par la marée montante, mais nous augmentons également notre part du marché. En un an, nous sommes passés de 14,6 à 19 p. 100 de ventes dans le monde. C'est un exploit dont nous sommes très fiers.
Je n'ai pas les résultats pour les États-Unis. Je sais qu'ils sont encore plus spectaculaires, mais ils ne sont inclus pas dans ce document. Notre part de marché en Amérique du Nord dépasse les 50 p. 100 et se maintient très solidement depuis un certain temps. Nous sommes heureux de nos résultats au Canada, où nous détenons la part de marché la plus importante, comme vous pouvez l'imaginer. Les États-Unis sont notre plus grand marché, le deuxième que nous avons percé. Au Royaume-Uni, notre part de marché atteint maintenant 25 p. 100 pour les téléphones intelligents; elle était de 18 p. 100 il y a à peine un an. L'entreprise progresse plutôt bien par rapport à ses concurrents.
Le secret, c'est que RIM est conçue pour prospérer. Autrement dit, nous avons créé l'entreprise pour la faire croître. Je suis extrêmement privilégié de faire ce que je fais aujourd'hui; je vous raconte l'histoire de RIM. Les gouvernements du monde entier s'intéressent beaucoup aux méthodes d'une entreprise qui, en 25 ans, est passée de trois personnes travaillant de chez elles à 15 000 employés, et qui compte des millions de clients et des milliards de dollars de recettes. Ils veulent connaître notre secret. L'entreprise est vouée à la croissance pratiquement depuis le premier jour.
Mike Lazaridis a voulu savoir quels sont les défis de la barémisation. Il y a une chose que vous devez savoir à propos de RIM : c'est une entreprise intégrée. Tous les BlackBerry sont conçus par RIM. Toutes les composantes sont mises au point par RIM, généralement en collaboration avec un partenaire. Tous les BlackBerry sont vendus par des partenaires de RIM, qui sont épaulés par le personnel de l'entreprise. Ce sont nos partenaires qui assurent le service après-vente pour ces appareils; le contrat est rédigé par notre service juridique, et toute la comptabilité est effectuée par RIM. En ce sens, c'est une entreprise complète. Au départ, nous ne nous sommes pas dit que la fabrication n'était pas importante et que nous allions laisser quelqu'un d'autre s'en charger. Les gens qui nous ont visités à Waterloo savent que nous possédons une usine qui peut fabriquer plusieurs dizaines de millions d'appareils par année. Tous les BlackBerry sont produits dans cette usine avant d'être envoyés à nos différents partenaires dans le monde pour la barémisation. Tous les BlackBerry fabriqués à ce jour l'ont été soit directement par RIM, soit par l'un de ses partenaires, sous sa supervision. Ceux qui produisent des appareils pour nous utilisent les mêmes systèmes et ils ont les mêmes structures de gestion que nous; ils sont encadrés comme s'il s'agissait d'usines de fabrication de BlackBerry. Si une entreprise intégrée veut croître, elle doit le faire à tous les niveaux. J'ai dressé une liste des différentes choses qui représentent des défis.
La priorité est toujours de trouver des gens. On me demande souvent comment un petit pays comme le Canada peut soutenir une entreprise de télécommunications d'envergure mondiale. À cela, je réponds que la Finlande est un pays de la taille de Toronto qui semble très bien réussir. Nous ne sommes pas un petit pays. Notre pays est assez grand et a un bassin important de talents. Nous sommes aussi un pays ouvert. Nous retirons beaucoup d'avantages des ressources éduquées et formées au Canada et du fait que nous attirons des gens en ouvrant nos portes, et grâce aussi à notre système d'immigration.
Je suis doué pour les chiffres. Quand je me suis joint à l'entreprise, il y a huit ans, j'ai voulu savoir d'où venaient tous les employés. On m'a donné une liste des établissements où les employés de RIM avaient été formés dans le monde. À l'époque, nous n'avions que 1 200 employés. J'ai découvert qu'ils venaient de plus de 300 collèges et universités de partout dans le monde. Trente pour cent du personnel détenait un diplôme de l'Université de Waterloo, mais le reste venait d'ailleurs dans le monde.
Notre entreprise a bien réussi dans notre ville et, bien sûr, dans d'autres régions du Canada en créant des pôles d'attraction où des gens qualifiés dans toutes les disciplines requises peuvent effectuer un travail productif et contribuer à la croissance de manière positive. C'est l'un des secrets de notre réussite.
Quand j'ai rencontré les gens de RIM pour la première fois, au début des années 1990, ils travaillaient dans l'espace minuscule d'un vieil immeuble de Bell Canada, dont nous sommes propriétaires aujourd'hui. Nous avons maintenant 25 immeubles sur le campus de Waterloo.
Nous avons développé nos marchés dans la distribution, créé des alliances, géré les processus et la complexité.
Dans l'avenir, on parlera certainement de RIM comme d'une entreprise créative et dynamique sur le plan technologique, mais aussi comme d'une entreprise brillamment financée. Au départ, elle a reçu une aide financière du gouvernement pour les étudiants entrepreneurs grâce à différents programmes et initiatives du secteur privé. Elle est devenue une entreprise publique qui amasse des capitaux sur les marchés mondiaux à certains moments clés.
Les coûts liés à la recherche et au développement nécessaires pour qu'une entreprise devienne un chef de file mondial dans son domaine sont élevés. Par conséquent, il est essentiel d'obtenir les ressources à l'avance et surtout, d'atteindre le levier d'exploitation.
Nous établissons des barèmes pour les débouchés. Jim Balsillie compare cela à la conduite dans une tempête de neige. C'est une grosse tempête, mais elle va cesser. Nous ne savons pas combien de temps elle va durer, mais nous savons qu'elle nous procure une occasion exceptionnelle à saisir.
Dans l'entreprise, il y a beaucoup de créativité, de développement technologique, de conception industrielle, d'études de marché, et cetera. Nous en sommes à une étape où nous pouvons réaliser ce que les économistes appellent des économies d'échelle — parce que l'entreprise est plus grosse — et des économies de diversification — parce que beaucoup de nos initiatives se renforcent mutuellement.
Nous obtenons également des rendements élevés sur la productivité individuelle et de groupe. Nos employés travaillent avec les meilleurs outils de l'industrie. Qu'ils s'occupent d'une machine à l'usine ou qu'ils conçoivent la circuiterie d'un BlackBerry, ils ont tout simplement les meilleurs équipements, logiciels et outils. Nous mettons beaucoup l'accent sur les processus d'affaires, entre autres. Sinon, nous ne pouvons pas être concurrentiels. Nous nous plaisons à dire que nous sommes la seule entreprise au monde dans laquelle tout le monde possède un BlackBerry.
J'incite ceux d'entre vous qui utilisent un BlackBerry à réfléchir aux avantages qu'apporte ce produit dans leur vie sur le plan de la productivité. Il vous permet de communiquer de façon efficace avec vos collègues, votre personnel et vos supérieurs. Lorsque l'on étend cela à toute une entreprise, on améliore grandement la productivité du groupe.
Depuis que je me suis joint à l'équipe de RIM, en 2001, nous avons multiplié nos revenus par 50, mais nous n'avons multiplié nos effectifs que par 10 ou 12. Chaque employé est en moyenne cinq fois plus productif qu'il ne l'était à mes débuts dans l'entreprise. C'est ce en quoi consiste la croissance de la productivité : réaliser ces économies d'échelle et de diversification et générer des surplus afin de réinvestir, non seulement pour une croissance soutenue, mais aussi pour nos actionnaires et nos collectivités. C'est vraiment remarquable.
J'aimerais revenir sur nos méthodes de gestion des ressources humaines novatrices et terminer par une réflexion dont j'aimerais faire part au comité. Nos méthodes de gestion des ressources humaines créent une synergie intentionnelle. Nous croyons au modèle du campus. Nous avons constaté que toutes les grandes entreprises technologiques ont un campus quelque part, que ce soit à Sunnyvale, en Californie, à Redmond, dans l'État de Washington, ou dans l'État de New York. Notre campus principal est situé à Waterloo. Nous avons acquis des terrains à Kanata, à Halifax et à Mississauga dans le but d'y aménager de petits campus.
Nous aimons rassembler nos employés là où ils peuvent être les plus productifs. Je vous ai parlé de l'utilisation créative du talent étudiant et d'un groupe international d'experts de plus en plus important et ce, grâce à notre collaboration avec le secteur universitaire. Quinze pour cent des employés à temps plein de RIM — soit un sur six — ont travaillé comme étudiants membres d'un programme d'enseignement coopératif ou comme stagiaires.
Qu'en est-il des politiques publiques qui rendent cela possible? Comment se fait-il qu'une entreprise comme RIM existe au Canada, qu'elle continue d'y investir, de croire en ce pays et de garder plus de la moitié de ses employés ici?
Cela s'explique surtout par le fait que nous avons des conditions favorables. J'ai mentionné le fait que nous avons accès à des gens formidables. Nous continuerons de travailler en collaboration avec le gouvernement en ce sens. Je m'en voudrais de ne pas parler aussi de notre environnement de recherche scientifique. Les programmes sont excellents, en particulier celui de la recherche et du développement expérimental. Il permet de financer la croissance nécessaire pour continuer de générer des idées pour des produits du futur. Il a souvent été rentable. Dans notre cas, il a été géré très équitablement. Il est également très important que ce programme soit géré de manière juste et équitable dans l'ensemble du pays à l'avenir.
Des installations de recherche et des groupes de renommée mondiale créent un solide réseau de pionniers dans les domaines de la science et de la technologie. Ils permettent également d'avoir accès aux services et à l'expertise dont nous avons besoin dans d'autres domaines que l'ingénierie et la science, car pour une entreprise, ce n'est pas suffisant. Je parle d'abord en tant qu'ingénieur faisant partie du service de recherche et de développement, mais je sais que notre entreprise dépend aussi de personnes très qualifiées en finances, en marketing, et cetera.
Hier, j'ai passé un peu de temps avec Mike Lazaridis. Il m'a dit qu'il y a cinq ans, les perspectives de RIM étaient formidables, mais qu'aujourd'hui, elles sont encore meilleures. Nous continuons de voir un potentiel très prometteur. Nous pourrons peut-être vous en parler au cours de la discussion.
Mesdames et messieurs, je vous remercie beaucoup. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Johnson : Je vous remercie de votre excellent exposé, qui était très complet. Comme l'a dit votre patron hier, votre entreprise est un formidable exemple de réussite à l'échelle mondiale. Toutefois, quelques personnes ont fait certains commentaires. Vous pourrez peut-être nous dire ce que vous en pensez.
Croyez-vous que le secteur des télécommunications au Canada soit en crise? Dans l'affirmative, quelles mesures devons-nous prendre pour y faire face? Le professeur Michael Geist a formulé plusieurs observations sur cette question lorsqu'il a témoigné devant le comité.
M. Crow : J'ignore ce que M. Geist a pu dire. J'ai travaillé dans le domaine des technologies de l'information et des communications canadiennes durant toute ma carrière. Il y a eu des hauts et des bas, notamment des événements très déconcertants, comme l'effondrement de Nortel. Néanmoins, quand je vois le nombre de nouvelles entreprises qui s'implantent dans la région d'Ottawa et les autres régions où Nortel exerçait ses activités, j'ai confiance en l'avenir.
On effectue beaucoup d'excellents travaux de recherche sur la technologie sans fil dans nos universités. L'intérêt pour ce domaine est considérable. Chose intéressante, une bonne partie de cette recherche porte maintenant plus sur les applications sans fil ou les logiciels et appareils intégrés, qui représentent davantage ce que nous faisons et moins ce que Nortel faisait autrefois, que sur l'infrastructure sans fil. De plus, il y a beaucoup d'adaptabilité dans le système. Il m'est difficile de parler précisément de crise avec cette vision d'ensemble.
Le sénateur Johnson : Vous avez exprimé votre insatisfaction en ce qui concerne les prix et vous avez dit que les entreprises de télécommunications pourraient vendre davantage de BlackBerry.
M. Crow : Nous avons fait ce commentaire il y a deux ou trois ans. Je n'y ai pas réfléchi depuis un bon moment.
Le sénateur Johnson : Votre entreprise est très respectée pour ses activités philanthropiques et pour sa façon de traiter les étudiants. Mon neveu participe à votre programme et il trouve cette expérience formidable. Qu'est-ce qui vous distingue des autres entreprises?
M. Crow : C'est intéressant d'y réfléchir après huit ans. La culture de notre entreprise est peu courante et elle ne ressemble en rien à ce que j'ai vu ailleurs. J'ai eu l'occasion de travailler dans le milieu universitaire, les associations d'affaires et le secteur privé. Je n'ai jamais rien vu de tel. Nous avons un environnement très collégial pour une entreprise privée, dans lequel la contribution individuelle est valorisée. La diapositive portant sur la sécurité en est le meilleur exemple. L'un des 20 premiers employés de l'entreprise était un étudiant inscrit au programme d'enseignement coopératif que Mike Lazaridis avait embauché. Il travaillait au Centre for Applied Cryptographic Research, à l'Université de Waterloo. Il a convaincu Mike de concevoir un produit ayant déjà des éléments de sécurité et de cryptographie intégrés. C'est devenu l'une des marques distinctives de l'entreprise. Cette contribution est venue d'un étudiant universitaire en ingénierie âgé de 20 ans, qui s'est adressé directement au fondateur de l'entreprise. À ce jour, je n'ai jamais vu d'autres entreprises qui permettent à tant de gens de faire entendre leur voix. C'est également un milieu dans lequel il y a des talents exceptionnels.
Le sénateur Johnson : Il va de soi que vous attirez les meilleurs et les plus brillants.
M. Crow : Nous avons de la chance. Lorsqu'une entreprise atteint un certain niveau, comme la nôtre, c'est beaucoup plus facile que les premières années. J'ai vu Mike et Jim bâtir la compagnie dans les années 1990. Je travaillais pour une association commerciale, et RIM était l'une des nombreuses entreprises avec laquelle nous collaborions. À l'époque, quiconque postulait un emploi chez RIM devait passer une entrevue avec l'un des codirecteurs généraux. Ce sont eux qui ont choisi les premiers employés, et ils souhaitent encore s'assurer d'avoir la meilleure main-d'œuvre. Ce niveau de préparation intellectuelle ne se voit pas ailleurs.
Le sénateur Johnson : Auriez-vous des recommandations à faire à quelqu'un qui devient aussi dépendant de son BlackBerry que moi? Y a-t-il des programmes pour cela?
M. Crow : L'une des premières choses que l'on m'a montrées dans le modèle initial est la fonction automatique de marche/arrêt. Si vous le souhaitez, vous pouvez programmer l'appareil pour qu'il s'allume et s'éteigne à une heure précise. Il y a bien des histoires drôles à ce sujet. Nous avons un nouveau support pour le BlackBerry permettant d'utiliser la fonction de réveil.
Le sénateur Plett : La semaine dernière, j'ai eu la chance de faire un voyage en Estonie et en Belgique avec quatre autres membres du comité. Mes questions découlent de cette expérience.
Selon nos notes, le taux de pénétration au Canada et aux États-Unis est respectivement de 74 et de 86 p. 100, ce qui est bien en dessous de la moyenne des pays membres de l'OCDE. En Estonie, je crois que le taux est de 125 p. 100. Au cours de la visite d'une classe d'élèves de 2e année, le sénateur Housakos a demandé qui possédait un téléphone cellulaire. Tous les élèves ont levé la main; ils avaient tous des cellulaires. Le faible taux de pénétration au Canada a-t-il des effets négatifs sur votre entreprise?
M. Crow : Le fait que notre part de marché au Canada est beaucoup plus importante parce que notre entreprise a été créée ici compense largement les effets négatifs. De plus, lorsque l'on voit des taux de pénétration qui dépassent les 100 p. 100, cela signifie qu'une même personne possède plus d'une carte d'identification d'abonné et qu'elle les échange afin de contourner les frais d'itinérance pour des raisons économiques. C'est un problème important en Europe, dont vous avez sûrement entendu parler durant votre voyage.
Socialement et culturellement parlant, le Canada et l'Europe sont différents. Je me rends très souvent en Europe, et c'est ce que j'ai constaté. Par exemple, il y a une différence en ce qui concerne l'âge auquel nous permettons à nos enfants d'avoir leur premier appareil de communication personnel. Selon mon expérience comme père de quatre enfants, je remarque que les jeunes ont des cellulaires de plus en plus tôt. En général, les jeunes n'obtiennent un cellulaire qu'entre la septième et la neuvième année scolaire. Il y a donc une différence sur le plan social.
Notre principale clientèle est composée d'adultes en âge de travailler. Ce n'est que récemment que les adolescents se sont intéressés au BlackBerry. Nous serons ravis le jour où les élèves de deuxième année auront des BlackBerry, parce que nous avons des options pour ce groupe d'âge.
Le sénateur Plett : En Estonie, les gens utilisent un cellulaire dans presque tout ce qu'ils font. Par exemple, quelqu'un peut stationner sa voiture, entrer son code et recevoir un message indiquant qu'il est stationné légalement. Les gens achètent les journaux et payent leurs billets d'autobus avec leur cellulaire. Ces dépenses sont portées à leur compte et facturées mensuellement.
Qui a la responsabilité d'inciter la population canadienne à utiliser davantage le téléphone cellulaire?
Nous avons rencontré des membres du Parlement européen. Je leur ai demandé pourquoi les autres pays d'Europe ne sont pas aussi avancés que l'Estonie. À quelques exceptions près, ils m'ont tous dit qu'en réalité, le reste de l'Europe n'essaie pas d'imiter l'Estonie à ce chapitre.
Est-ce la responsabilité des entreprises comme Research In Motion ou bien celle du gouvernement que d'amener le Canada jusque-là?
M. Crow : Cette responsabilité est partagée. Selon moi, le rôle du gouvernement est de s'assurer qu'il existe des règlements permettant au secteur privé et aux institutions concernées, notamment les organismes de réglementation, d'aller de l'avant. S'il y a des entreprises sur le point de percer ces marchés et qui veulent être reconnues, nous pourrions les aider à l'étape de la recherche. Mais essentiellement, c'est une question qui relève du secteur privé; il s'agit que les divers fournisseurs construisent les infrastructures nécessaires.
Pour être franc, je dirais que sur le plan technologique, il n'est pas très difficile pour un programmeur de BlackBerry de concevoir un programme permettant d'envoyer des messages à une société de transport pour demander quand passera le prochain autobus. La question est de savoir si la société de transport est en mesure de connaître les itinéraires des autobus afin d'en informer la population. Si nous avons la source des données brutes, nous pouvons faire ce genre de chose.
Comme je me rends souvent à Londres, j'ai téléchargé une carte du métro londonien. Elle donne des informations concernant la circulation et les opérations d'entretien. Si vous entrez dans le métro à Londres, il y aura une barrière, et une personne vous dira poliment : « Je suis désolée, mais nous effectuons des travaux d'entretien aujourd'hui ». Ici, nous pouvons obtenir cette information sur notre Blackberry avant même d'arriver au métro. C'est un service qu'il sera de plus en plus facile d'utiliser. Cela est dû en partie aux critères de diffusion des messages, qui sont de plus en plus normalisés.
Ce que l'on fait dans un pays aussi petit et avancé sur le plan technologique que l'Estonie peut facilement être reproduit dans nos régions urbaines en peu de temps. Le défi de notre grand pays, dont le territoire est si vaste, sera d'atteindre un certain niveau de couverture à un coût raisonnable. À mon avis, nous devrions réussir à faire comme l'Estonie d'ici trois à cinq ans.
Le sénateur Plett : Ma dernière question est d'ordre un peu plus personnel. Comme les sénateurs Johnson et Zimmer, je viens du Manitoba. J'ai presque toujours fait affaire avec MTS, un partenaire de Bell. Après avoir vu des annonces télévisées montrant les fonctions et les nouveautés du BlackBerry, je me suis rendu chez mon fournisseur pour en acheter un. J'ai dit à l'employé que je voulais le meilleur modèle couleur de BlackBerry. Il m'a répondu que malheureusement, Rogers était le seul fournisseur à vendre ce modèle. Quand je suis allé en acheter un autre, je voulais le modèle muni d'une caméra. On m'a dit que malheureusement, seul Rogers disposait de ce modèle et qu'eux ne l'auraient pas avant six mois.
Pourquoi certaines entreprises bénéficieraient-elles d'un traitement de faveur et pas d'autres?
M. Crow : D'abord, le problème s'atténue. Le tout nouveau BlackBerry Storm sera offert dans les trois réseaux en même temps. Ce sera une première. C'est une question de technologie.
Dans les premières années de la téléphonie cellulaire, les fournisseurs de services sans fil devaient choisir entre deux normes numériques : la norme AMRC, populaire aux États-Unis, dans certaines régions du Canada, en Corée du Sud et dans quelques pays d'Amérique latine; et ce que l'on appelait la norme européenne, soit le système GSM. Un grand nombre d'entreprises nord-américaines, dont Rogers et AT&T, ont également adopté cette norme, qui était populaire en Europe. Il y a quelques années, 85 p. 100 des utilisateurs dans le monde employaient la norme européenne et seulement 15 p. 100, la norme dite nord-américaine, soit AMRC. Il se trouve que vous vivez dans une région où un fournisseur a choisi une technologie plutôt qu'une autre.
Si vous étiez un fournisseur d'appareils technologiques comme RIM, qui veut s'imposer sur le marché, le premier marché que vous chercheriez à développer, c'est le plus grand, soit celui qui compte 85 p. 100 d'utilisateurs. Les différences sont si grandes qu'il faut des ondes radio et des technologies de transmission différentes pour le BlackBerry. Ce n'est pas seulement l'écran qui est différent. On utilise un ensemble de puces totalement différent provenant de fournisseurs de puces différents pour les radios AMRC par rapport aux radios GSM qu'utilise Rogers, AT&T ou n'importe quel fournisseur européen.
Au fil des ans, nous sommes passés de ce que l'on appelle une technologie sans fil de seconde génération à une technologie sans fil de troisième génération, et nous constatons un certain degré de convergence. C'est là où nous en sommes aujourd'hui. À la quatrième génération, nous croyons qu'il y aura peu et même pas du tout de différences dans la technologie utilisée par les fournisseurs de services sans fil. En tant que fabricants, nous espérons que cette technologie se normalisera, parce que nous devons construire des BlackBerry pour tous. Heureusement, comme une petite entreprise qui construit ses appareils un à la fois, nous destinerons au plus grand marché mondial le premier qui sera conçu avec les toutes nouvelles fonctions.
Le sénateur Plett : Si vous vous lassez de travailler chez RIM, vous pourrez faire carrière en politique.
Le sénateur Zimmer : Je vous remercie, messieurs, de votre témoignage aujourd'hui. Votre entreprise est un modèle pour le monde entier. En tant que Canadiens, nous en sommes très fiers. Comme ma première question n'en est pas une, ne démarrez pas le chronomètre tout de suite. D'où vient ce nom?
M. Crow : BlackBerry?
Le sénateur Zimmer : Oui.
M. Crow : Vers 1998, avant que je ne me joigne à l'entreprise, les dirigeants de RIM parlaient de donner à l'appareil le nom de « magicien sans fil » ou un autre nom bizarre. Mike Lazaridis a pris une décision judicieuse : il a consulté une entreprise spécialisée en recherche de noms de produits. Il y a des entreprises à New York, Los Angeles et ailleurs qui font des recherches et s'assurent que le nom est disponible et que, quel qu'il soit, il ne signifie rien de terrible dans d'autres langues. Mike Lazaridis a raconté que les représentants de la firme à qui il avait confié ce projet sont arrivés dans son bureau avec les gens du marketing pour lui montrer les noms qu'ils avaient retenus. C'était la catastrophe. Les noms étaient tous terribles. Il a pensé qu'il avait dépensé cet argent pour rien; cela coûtait très cher. Puis, ils lui ont proposé un dernier nom : « BlackBerry », qui lui a tout de suite plu. Il a été attiré par ce nom.
Certaines personnes disent que les touches du premier BlackBerry ressemblaient aux petites parties d'une mûre et qu'en plus, il était noir; c'est le petit appareil vertical qui est dans le coin supérieur gauche de la page. C'est une légende urbaine. Toutefois, il est vrai que ce nom a été choisi sciemment.
L'autre histoire qu'un collègue m'a racontée est qu'une annonce a été faite à la réunion du personnel à laquelle il assistait. À l'époque, l'entreprise ne comptait que quelques centaines d'employés. Mike Lazaridis leur a dit : « Je veux que vous sachiez que l'appareil auquel vous travaillez s'appellera désormais BlackBerry, et pas autrement. » Les employés l'ont regardé comme s'il était devenu fou. Ils étaient incrédules. Cependant, le nom est resté. C'est un nom qui a beaucoup d'impact. Il est intéressant de voir comment la marque s'est imposée. Sans aucune publicité, elle s'est développée et est restée. Selon les personnes qui évaluent la force des marques, c'est l'une de celles qui a la plus grande valeur et qui connaît la plus forte expansion dans le monde. C'est ainsi que tout a commencé.
Le sénateur Zimmer : De temps en temps, il arrive que l'on trouve un nom magique. C'est un peu comme lorsqu'on a commercialisé le thon, qui faisait concurrence au saumon, et qu'on a utilisé le slogan : Achetez du thon, il ne deviendra pas rose dans la boîte. C'était étonnant.
Monsieur Crow, RIM a très bien réussi au pays et à l'étranger. Pour encourager la croissance continue, non seulement dans votre entreprise, mais dans toute l'industrie canadienne des TI, quels efforts avez-vous déployés et quels partenariats avez-vous créés pour encourager la relève dans ce domaine, que ce soit dans les institutions secondaires ou postsecondaires?
M. Crow : RIM est un partenaire et un chef de file. Nous sommes actifs dans toutes nos associations d'affaires. Nous croyons qu'il faut œuvrer dans la collectivité, tant au sein de l'association d'entreprises locales de technologie qu'à la Chambre de commerce. Nous sommes fiers d'être des chefs de file.
Dans mon groupe, il y a une équipe responsable des relations avec le milieu de l'éducation. Nous avons des programmes destinés à établir un contact avec les jeunes dès les premières années du primaire, et d'autres qui servent à financer la recherche des étudiants au doctorat, durant les dernières années de recherche avancée, et la soutenance de leur thèse.
Permettez-moi de vous en décrire quelques-uns. L'un de mes programmes préférés, que nous reprenons et tentons de développer, s'appelle le BlackBerry Academic Program. Nous avons embauché un professeur de sciences qualifié pour le gérer. Il y a toujours un étudiant coop qui travaille avec cette personne. Ils ont conçu un atelier dans lequel les étudiants démontent un BlackBerry et en apprennent ainsi un peu la science. L'atelier se veut une leçon de science, qui peut être destinée aux élèves de 3e année ou adaptée à ceux de 11e ou de 12e année qui étudient les ondes, la physique et les circuits, par exemple. Ils démontent et remontent un BlackBerry pour comprendre son fonctionnement.
Nous avons un laboratoire près de Dortmund, en Allemagne. Notre gestionnaire là-bas s'intéressait à ce programme et il souhaitait qu'il soit mis sur pied chez lui. Nous l'avons fait traduire en allemand et maintenant, le BlackBerry Academic Program est offert en Allemagne. Il est considéré comme une merveilleuse façon de prendre contact avec la collectivité. Nous essayons de reproduire ce programme ailleurs.
Sur le plan scolaire, nous sommes également de fervents défenseurs de Shad Valley. Je ne sais pas combien d'entre vous connaissent le programme Shad au Canada. Il existe depuis 25 ans. En juillet de chaque année, 500 jeunes Canadiens de 10e, 11e et 12e année, par groupes de 50, participent au programme de Shad Valley dans l'une des 10 universités participantes. Ce programme est destiné aux élèves doués qui s'intéressent à la science, à la technologie et à l'entrepreneuriat. Ces jeunes sont appelés à vivre et à travailler ensemble sous les directives du personnel universitaire afin d'élaborer et de bâtir une entreprise dans laquelle ils vont concevoir un prototype de programme technologique. C'est un programme merveilleux, et je vous encourage à le découvrir et à l'appuyer. Environ 30 employés de RIM ont participé à ce programme de niveau secondaire et sont ensuite venus travailler chez nous, dont un collègue avec qui j'ai travaillé la première année.
Nous avons créé des chaires de recherche industrielle dans trois universités et nous envisageons d'en créer dans deux autres. Nous finançons des projets de recherche individuels de 20 000 à 200 000 $ par année dans l'ensemble du pays, en collaboration avec 12 à 15 universités. Notre programme coopératif est maintenant offert dans environ 25 établissements au Canada.
Nous avons mis au point un programme intégré qui permet d'aider les jeunes dès le niveau primaire et ce, jusqu'à la recherche doctorale la plus avancée.
Le sénateur Zimmer : Les codirecteurs généraux donnent des centaines de millions de dollars aux institutions de recherche comme le Perimeter Institute for Theoretical Physics et le Centre for International Governance Innovation. Pourquoi soutenir ces institutions et non des organisations plus reconnues?
M. Crow : Le Perimeter Institute for Theoretical Physics et le Centre for International Governance Innovation, ou CIGI, sont deux institutions qui constituent un ajout net à la structure institutionnelle du Canada. Le Perimeter Institute est maintenant la plus grande institution de physique théorique au monde. Rien de comparable n'existe ailleurs. Le mandat et l'envergure du CIGI sont uniques.
Ce qu'il est important de souligner à propos des dons personnels de Mike Lazaridis et de Jim Balsillie et de leur vision, c'est qu'il y a un lien concret entre chacun de ces investissements et les institutions existantes. Dans le cas du CIGI, il y a les écoles Balsillies, qui forment les étudiants diplômés. Le centre est actuellement en construction et est officiellement affilié à l'Université de Waterloo et à l'Université Wilfrid Laurier. Quant à la physique, M. Balsillie a investi 150 millions de dollars dans l'Institute for Quantum Computing de l'Université de Waterloo, qui est une institution existante. Si vous venez nous visiter, vous pourrez voir la grue et l'immeuble en construction, qui abritera le Mike and Ophelia Lazaridis Institute for Quantum Computing. Il est mis en chantier sur un campus canadien.
Le sénateur Zimmer : La concurrence est féroce parmi les fabricants sur le marché mondial des téléphones intelligents, mais RIM est un chef de file. À quoi attribuez-vous ce succès? Quels obstacles voyez-vous apparaître dans les politiques publiques canadiennes? Comment pouvons-nous créer un environnement propice pour les prochaines entreprises comme RIM?
M. Crow : C'est une bonne question.
Si M. Lazaridis était ici, il serait probablement un peu gêné, mais c'est lui et les 50 ou 100 premiers employés de RIM qui ont créé ce marché. Nous avons conçu les premiers téléphones intelligents et nous sommes donc des experts dans ce domaine. C'est nous qui y travaillons depuis le plus longtemps, qui avons le groupe d'employés spécialisés le plus important et qui les connaissons le mieux. Par conséquent, nous continuons à investir, à regarder vers l'avenir. Nous nous demandons ce qu'il est possible de faire pour enrichir la vie des gens. Nous ne voulons pas regarder dans le rétroviseur.
L'environnement des entreprises canadiennes s'est graduellement amélioré durant la croissance impressionnante de RIM. Nous nous souvenons de l'époque où le Canada avait de graves problèmes budgétaires, au début des années 1990. Notre pays s'en est sorti et il a bâti de solides institutions de recherche ces dernières années. Cela coïncide avec la croissance de RIM. Notre façon d'aborder la fiscalité, notre attitude généreuse en matière d'immigration et l'ouverture de notre gouvernement au monde dans la recherche de partenaires commerciaux y ont toutes contribué. Bon nombre d'anciens premiers ministres ont participé à cet effort, et notre premier ministre actuel perpétue cette tradition en se rendant en Inde et en Chine. Ce sont des initiatives extrêmement importantes pour les entreprises canadiennes.
Nous sommes une entreprise de taille moyenne comparativement à nos concurrents. Nous avons besoin du soutien du gouvernement canadien partout où nous allons. Je ne peux vous dire à quel point nos ambassadeurs, nos missions, le Service des délégués commerciaux, et cetera, ont été utiles pour la croissance de notre entreprise.
Ce sont des secrets propres aux Canadiens qui doivent être bien gardés. Nous conservons notre esprit d'ouverture, notre objectif externe, notre climat commercial efficace, notre engagement et notre passion pour la recherche et l'éducation des gens aux plus hauts niveaux. Nous aurons une chance d'être très compétitifs à l'échelle mondiale.
Le sénateur Zimmer : Merci pour votre exposé d'aujourd'hui. Nous sommes très fiers d'être en votre compagnie. Veuillez souhaiter de notre part la meilleure des chances à M. Balsillie dans ses tentatives d'acquérir les Coyotes de Phoenix pour les relocaliser à Hamilton. Au départ, cette équipe s'appelait les Jets de Winnipeg. Nous ne pouvons pas aller la regarder jouer à Winnipeg, mais à Hamilton, oui. Merci de témoigner.
M. Crow : Merci beaucoup.
Le sénateur Merchant : Bonjour. Je désire également vous remercier d'être venu pour faire votre exposé.
La sécurité, qui est l'objet de notre domaine d'étude, nous préoccupe. Si j'ai bien compris, on autorise au président Obama d'utiliser son BlackBerry, mais uniquement pour communiquer avec sa famille. Autrement, il lui est interdit de communiquer avec cet appareil.
À quel point êtes-vous préoccupé par la sécurité? Comment gérez-vous cet aspect?
M. Crow : Comme je l'ai mentionné dans mon exposé, nous avons intégré la sécurité à l'architecture du BlackBerry lors de sa conception initiale, et cette particularité nous distingue toujours de la concurrence. Je vous ai d'ailleurs présenté toutes nos certifications de sécurité au début de ma déclaration.
Les gouvernements étrangers sont également soucieux de la sécurité à mesure que nous perçons de nouveaux marchés. Avant d'utiliser les technologies sans fil, ils veulent s'assurer que leurs communications ne seront pas interceptées par des gens mal intentionnés, au pays ou à l'étranger. Le vice-président de BlackBerry Security et moi-même avons beaucoup voyagé pour aller rassurer leurs responsables du commerce international au sujet de nos produits.
Le fait que nous comptions dans notre clientèle le gouvernement des États-Unis, qui est un de nos principaux clients — probablement le plus important si on le prend dans sa totalité —, témoigne de la fiabilité des BlackBerry. Nous n'avons pas la prétention de dire qu'il s'agit de téléphones espions aux fonctions révolutionnaires ou ce genre de chose. Toutefois, nous pouvons prouver que notre technologie est à la hauteur du degré de sécurité exigé la plupart du temps, dans la grande majorité des cas : c'est un des aspects de notre gagne-pain.
Cela dit, nous sommes en état d'alerte constant. Aucun BlackBerry ou logiciel ne sort de notre chaîne de production sans subir un examen de sécurité complet.
Le sénateur Merchant : J'ai aussi une question au sujet de votre référence à Nortel. Nous savons que Nortel est une entreprise canadienne remarquable et que vous n'avez pas pu participer à la récente mise aux enchères de ses actifs. Pouvez-vous nous décrire les leçons que vous avez tirées de son échec et du processus d'appel d'offres qui s'en est suivi?
M. Crow : Je le répète, cet événement est regrettable. Nous demeurons déçus, mais la vie continue et, comme vous le savez, nous devons regarder devant sans nous retourner.
Pour toute entreprise que l'on considère, il faut être très attentif aux tendances futures pour tenter de les prévoir, mais aussi porter attention à ce qui se passe aujourd'hui. Je ne me souviens pas du livre qui traite de ce sujet, mais il explique que la chute des grandes entreprises est généralement attribuable à une bourde commise au moins cinq ans plus tôt. À partir de là, l'entreprise poursuit sur sa lancée, puis s'essouffle jusqu'à son démantèlement.
Je ne suis pas un spécialiste du dossier Nortel, mais nous savons qu'une très longue période s'est écoulée entre l'époque où elle était florissante et celle où elle a finalement rendu les armes. Cette situation nous amène à retourner cinq ans en arrière pour trouver l'erreur impardonnable dans ce qui reste des documents de l'entreprise.
Toute entreprise qui se développe essaie d'apprendre de ses erreurs et doit être consciente des effets de son action présente autant que de ses plans d'avenir.
Le sénateur Merchant : Pouvez-vous nous dire pourquoi vous n'avez fait aucune offre?
M. Crow : Il s'agit d'un concours de circonstances. En particulier, on nous a demandé de signer un accord de non-divulgation contenant une clause qui, selon RIM, aurait essentiellement dépourvu de leur valeur les actifs qui l'intéressaient.
M. Lazaridis avait mentionné au comité de l'Industrie que c'était comme acheter la maison de vos rêves, puis apprendre que les avocats ont découvert que, même si elle est à vous, une clause permet à quelqu'un d'autre d'y vivre. Ce détail technique, à cause duquel nous ne pouvions simplement pas signer cet accord, a été la goutte qui a fait déborder le vase, si vous voulez, et qui nous a donc empêchés de faire une offre.
Le sénateur Merchant : Croyez-vous que le gouvernement pourrait mettre de l'avant certaines politiques pour améliorer les choses?
M. Crow : Eh bien, aux fins du compte rendu, je dirais qu'en ce qui a trait à la révision de la Loi sur Investissement Canada, nous croyons que, lorsque la valeur marchande d'actifs dépasse le seuil, un examen s'impose certainement. Le seuil à partir duquel Investissement Canada procède à un examen automatique se situe autour de 300 millions de dollars. Cette transaction avait une valeur marchande dépassant un milliard de dollars, mais une valeur comptable d'environ 100 millions de dollars.
Nous pensons qu'une meilleure politique publique prévoirait dans de telles situations une bonne estimation de la juste valeur marchande et cela appellerait le genre d'examen que nous avions demandé.
L'examen en serait un sur le bien-fondé de la transaction, mais toujours est-il que le changement précis qui devrait être apporté à la politique publique devrait être une modification au règlement d'application de la loi visant à susciter un examen dans de telles situations.
Le sénateur Fox : Merci d'être parmi nous. Vous êtes évidemment une réussite canadienne extraordinaire dont nous sommes très fiers.
Veuillez nous expliquer la différence en matière de sécurité quand il s'agit d'envoyer un message NIP à NIP plutôt qu'un courriel.
M. Crow : La vraie différence tient au fait d'utiliser le serveur d'entreprise BlackBerry, comme le serveur parl.gc.ca, ou bien d'utiliser le serveur Rogers.BlackBerry.net ou un autre de ce genre. Dans le milieu des grandes entreprises ou des institutions, où l'on se sert du serveur d'entreprise BlackBerry, pratiquement toutes les communications entre les BlackBerry et le centre des données d'entreprises sont sécurisées par ce que nous appelons un chiffrement fort.
Pour ce qui est du service Internet des appareils BlackBerry vendus au grand public, sa sécurité est assurée par le fournisseur de réseau sans fil et le système de compression de RIM.
Au sujet de la différence entre les messages NIP à NIP et les courriels, il fut un temps où aucun outil ne permettait à une entreprise de sauvegarder, d'intercepter ou de conserver des dossiers concernant les NIP. Ce n'est plus le cas de nos jours. La vraie différence dépend du fait que le message passe par un serveur de courriel ou non. Les messages NIP à NIP ne passent pas par là, ce qui fait qu'ils ne sont jamais placés dans une base de données où on pourrait les retrouver. C'est un des grands attraits de ce type de messages. Bien que son chiffrement ne soit pas très complexe, il est dans une situation qui le rend très difficile à intercepter.
Le sénateur Fox : Quant au milieu gouvernemental, vous avez indiqué avoir été en mesure de convaincre les autorités américaines de la sécurité des communications effectuées avec le BlackBerry. Du temps où je siégeais au Comité consultatif sur l'autoroute de l'information, il y avait une réelle préoccupation à l'effet que les Américains n'autoriseraient pas la transmission de messages par l'entremise de leur pays ni l'envoi de messages dans leur pays à moins qu'ils n'obtiennent la clé de chiffrement.
Avez-vous eu à fournir aux Américains la clé de chiffrement pour les informations traversant leur territoire?
M. Crow : Non.
Le sénateur Fox : Êtes-vous autorisé à répondre honnêtement à cette question?
M. Crow : Je suis autorisé à répondre honnêtement à cette question, monsieur le sénateur. Tout à fait. Pour être honnête avec vous, ceci est une question sujette à une longue discussion. RIM a collaboré pendant plusieurs années avec la NSA aux États-Unis depuis nos bureaux de la sécurité d'Ottawa; nous avons donc développé une collaboration technique étroite. Ceux qui effectuent ce genre de travail sont autorisés à le faire, et peuvent participer, à tous les niveaux, aux discussions classifiées.
Ce que nous disons publiquement, que ce soit au cours de nos présentations publiques ou dans nos livres blancs, c'est que le système BlackBerry génère des clés qui ne sont connues que du BlackBerry portatif et du serveur BlackBerry. Ces clés ne sont jamais connues de RIM ni d'aucune tierce partie. Comme on dit dans le domaine, c'est ce qu'on pourrait appeler une solution de type « zéro connaissance ». Nous n'avons pas de clés à donner à qui que ce soit.
C'est un sujet de discussion très intéressant, quand je visite d'autres pays, parce qu'il y a des pays qui préféreraient avoir accès aux clés afin de déverrouiller les communications de terroristes ou d'ennemis potentiels. Convaincre ces pays qu'il ne nous est pas possible de leur fournir les clés est un travail constant.
Le sénateur Fox : Je voudrais poser une question sur l'avantage du Canada en matière de recherche et de développement. Vous mentionnez ceci en page 24 de votre présentation. Parlez-vous en termes absolus? Avons-nous, au Canada, un avantage comparatif en matière de recherche et de développement?
M. Crow : Il n'est pas aussi grand qu'autrefois. Certains pays nous rattrapent. Je n'ai pas reçu de nouvelles informations à ce sujet récemment. J'ai participé à la plupart des comités consultatifs qui ont eu lieu sur notre programme. Jusqu'à il y a quatre ou cinq ans, suivre de près cet enjeu était très important. Il est probablement grand temps que nous comparions la compétitivité de ce programme à celle des programmes des autres. La France, l'Australie et la Grande-Bretagne ont maintenant des programmes très vigoureux. Dans leur plan de redressement, les États-Unis se proposent de mettre en place un programme permanent très structuré, mais ce n'est pas encore fait. Il y a d'autres pays qui pourraient revendiquer avoir d'aussi bons programmes. Je n'ai pas vu d'analyses récentes à ce sujet.
L'autre point est qu'au cours de cette longue période pendant laquelle j'étais impliqué dans le processus consultatif pour l'ensemble de l'économie, nous avions l'obligation de fournir ce programme de façon uniforme dans tout le pays et d'une industrie à l'autre. Il s'agit d'un programme très difficile à administrer et qui, par conséquent, demande qu'on y consacre une attention constante.
Le sénateur Fox : Parlez-vous de vos préoccupations à Industrie Canada?
M. Crow : Industrie Canada joue davantage le rôle d'intermédiaire, mais le programme est administré par l'Agence du revenu du Canada aux termes des politiques de la Loi de l'impôt sur le revenu. C'est le ministère des Finances qui adopte les politiques et leur mise en œuvre relève de l'ARC.
Le sénateur Fox : Je constate que vous mentionnez, toujours en termes très élogieux, la collaboration éclairée des gouvernements fédéral et provinciaux. Si j'ai bien compris, afin d'avoir un bon système de recherche et de développement au Canada, nous avons besoin à la fois de programmes horizontaux fournis par le gouvernement fédéral et de programmes verticaux fournis par les provinces. Trouvez-vous que toutes les provinces fournissent de manière égale l'environnement propice à vos activités ou que certaines provinces ont de meilleures structures verticales que les autres provinces?
M. Crow : Les provinces ont effectivement des approches différentes. Nous n'avons pas de laboratoire au Québec. Le Québec a une toute autre approche pour ce qui est de sa capacité à égaler l'offre du programme fédéral sur la base des dépenses de main-d'œuvre par opposition à la prise en charge d'une tranche verticale. C'est une approche intéressante. La plus grande part de la recherche et développement que nous faisons au Canada est faite en Ontario, où le programme est plus généreux pour les entreprises en démarrage, tout comme le programme fédéral. Cependant, contrairement au programme fédéral qui continue le financement, mais à des taux plus bas, pour les grandes entreprises, le programme de l'Ontario ne prévoit aucun financement pour les entreprises qui ont bénéficié d'un autre type de mesure incitative. C'est pourquoi d'autres aspects de l'environnement de l'entreprise — tels que l'appui des universités, la disponibilité de la main-d'œuvre et la proximité du domicile — deviennent les facteurs les plus importants.
Le sénateur Cochrane : Nous sommes tous fiers de RIM, vous pouvez me croire.
Vous êtes vraiment une entreprise socialement responsable. Il y a beaucoup de petites entreprises de haute technologie à Ottawa, et cela résulte peut-être du fait que Nortel avait beaucoup de salariés dans la région. Certaines de ces entreprises sont déjà lancées tandis que d'autres sont en démarrage. J'aimerais savoir quels conseils, après avoir connu tant de succès, RIM pourrait donner à ces petites entreprises.
M. Crow : Le conseil le plus important est celui d'avoir un vrai client. Monsieur Doug Barber, un professeur de l'université McMaster, est bien connu dans le milieu des affaires, ici comme ailleurs au Canada. Originaire de Hamilton, M. Barber est un des fondateurs de la société Gennum. Il a récemment complété une étude qui a démontré que trop d'entreprises en démarrage sont si obsédées par le gadget, le produit ou le service qu'elles en oublient la recherche de clients et l'interaction avec le client, qui va à la fois financer l'entreprise en achetant le produit ou le service, et payer. Trop souvent, cette étape est gardée pour la fin.
De son côté, RIM a débuté un peu comme une société d'experts-conseils. Mike et Doug avaient des clients dès le début. Le doyen les a autorisés à faire leur dernier stage coop sous réserve de décrocher un contrat avec General Motors pour l'automatisation d'une partie de l'usine. La leçon est qu'il faut d'abord avoir une composante commerciale solide pour un développement technologique. Vous ne pouvez pas réussir autrement.
Ensuite, il y a la persévérance. J'ai beaucoup de respect pour ceux qui ont fondé RIM. J'en ai connu plusieurs au milieu des années 1990. Ils ont mangé beaucoup de Kraft Dinner et beaucoup de ces trucs qui ne deviennent jamais périmés. Ces gens ont fait des sacrifices personnels, mais ils avaient foi l'un dans l'autre et avaient foi dans leur produit. Cela ne fonctionne pas toujours. Les statistiques concernant les entreprises émergentes sont connues; elles ne sont pas reluisantes, quel que soit le secteur de l'économie. Toutefois, lorsque les gens travaillent ensemble et font les sacrifices nécessaires, cela est possible.
Enfin, il faut établir des liens avec la communauté. RIM est un des membres fondateurs de la Communitech Technology Association de Waterloo. Quand nous avons commencé à prendre de l'expansion et que nous nous sommes établis ici, nous avons tout de suite joint les rangs du Centre de recherche et d'innovation d'Ottawa. Nous sommes également membres d'associations de haute technologie du monde entier. C'est là que les petites et les grandes entreprises peuvent interagir, apprendre l'une de l'autre et réaliser qu'elles ne sont pas seules dans leur domaine. Il y a beaucoup à apprendre à côtoyer ses pairs.
Le président : J'ai quelques commentaires. Vous parlez du nom BlackBerry. Peut-être vous a-t-on déjà raconté cette anecdote : un jour, nous étions en caucus à Chicoutimi et les gens avaient planifié leurs stratégies de communication en fonction de l'utilisation de leurs BlackBerry. J'ai dû expliquer que la technologie n'y était pas encore implantée, qu'à Chicoutimi ils ont des « blueberries » (bleuets), pas des BlackBerry. Tous avaient planifié leurs communications et ont dû revoir comment ils allaient communiquer entre eux.
La semaine dernière, au cours de notre voyage, nous avons été peinés d'apprendre que quelques personnes que nous avions rencontrées à Paris, à Londres et ailleurs en Europe et qui travaillent dans les ambassades du Canada faisaient la promotion du BlackBerry in absentia parce qu'ils n'avaient pas de BlackBerry. Le ministère avait décidé de couper le budget pour les BlackBerry.
C'est un peu surprenant que parmi toutes les dépenses qu'ils peuvent couper, ils ont choisi de couper dans la promotion d'un produit canadien de premier ordre. Je vous lance le défi de convaincre les auteurs de cette décision que cela n'est certainement pas très brillant.
Ici, au Sénat, nous avons dû longtemps batailler pour obtenir le droit d'utiliser nos BlackBerry dans la salle du Sénat. Une fois par semaine, le président se levait et disait qu'ils étaient interdits. Certains d'entre nous continuaient à les utiliser. Nous avons encore des problèmes. Nous n'avons toujours pas le droit d'utiliser certaines applications sur nos BlackBerry. Il existe de bonnes applications pour la réservation de billets d'avion sur Air Canada et pour des services de traduction. Si vous allez en Estonie, il y a, pour les devises, une application de conversion facile à utiliser. Elles existent toutes, mais nous n'avons pas le droit de les utiliser. Convaincre les deux niveaux, puisque c'est le même scénario dans les deux Chambres, voilà qui serait sûrement un défi pour monsieur Elliot. Nous devrions promouvoir le produit plutôt que de créer des obstacles à sa promotion.
Nous avons en effet remporté un vif succès avec les BlackBerry. Lorsque nous demandions aux gens, pendant les réunions de haute technologie, combien d'entre eux avaient un BlackBerry, la réponse était qu'ils en avaient tous un. Nous étions très fiers. Nous avions une très bonne opinion au départ et quand nous sommes revenus, notre opinion sur le bien que vous faites pour la réputation du Canada était renforcée.
Sur ce, merci beaucoup.
M. Crow : Merci de nous avoir reçus.
(La séance est levée.)