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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10 - Témoignages du 8 juillet 2010


OTTAWA, le jeudi 8 juillet 2010

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 10, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada, y compris les énergies de remplacement (sujet : l'exploration et le forage pétroliers/gaziers au large des côtes du Canada : la situation actuelle des activités/règles et règlements applicables).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour mesdames et messieurs. Avant d'accueillir nos témoins, je vais laisser le temps au sénateur Banks de mentionner, pour le compte rendu, certains renseignements pertinents à notre travail. Aussi, j'aimerais demander à tous les membres du comité de rester 10 minutes après les témoignages pour discuter de questions importantes à huis clos.

Si vous me le permettez, je laisse la parole au sénateur Banks.

Le sénateur Banks : Merci, monsieur le président. Les membres du comité se souviendront avoir entendu, dans le cadre de notre étude sur l'énergie, le témoignage de Dave Core, directeur et président du conseil d'administration de la Canadian Association of Energy Pipeline Landowner Associations. Il disait que les propriétaires des terrains sur lesquels passent les pipelines qui distribuent l'énergie ne sont pas toujours satisfaits de ce qui se passe une fois que le pipeline est retiré et qu'ils ne savent pas toujours qui est responsable des problèmes qui en découlent.

Par la suite, nous avons entendu Gaétan Caron, président et premier dirigeant de l'Office national de l'énergie, qui n'est pas d'accord sur certaines affirmations. Il a déclaré que l'organisme exerce son rôle de réglementation avec neutralité. M. Core nous a dit que son association avait présenté, en 2007, une demande à l'Office national de l'énergie en vertu de la Loi sur l'accès à l'information. Je vais vous en lire un extrait. L'association avait demandé à l'office de lui remettre :

[...] un registre de toutes les modifications réglementaires et législatives apportées depuis septembre 1985 portant spécifiquement sur les questions de la cessation d'exploitation de pipelines et de la valeur de récupération négative, et...

[...] toute autre modification réglementaire ou législative liée aux pipelines apportée depuis septembre 1985 et qui concerne la Loi sur l'Office national de l'énergie.

J'ai demandé à M. Core de m'avertir lorsqu'il recevrait une réponse. J'en ai une copie entre les mains, et j'aimerais vous la présenter; vous verrez que c'est une lecture intéressante. Elle est accompagnée d'une lettre de l'Office national de l'énergie.

Le président : Elle est signée par M. Caron?

Le sénateur Banks : Elle provient de Claudine Dutil-Berry, coordonnatrice de l'accès à l'information et de la protection des renseignements personnels à l'Office national de l'énergie.

Le président : Quelle date figure sur la lettre?

Le sénateur Banks : La lettre est datée du 11 mars 2008. Voici ce qu'elle dit :

[...] nous avons trouvé des registres qui pourraient répondre à votre demande. Ils contiennent des renseignements provenant d'un autre ministère, que nous avons dû consulter en vertu de la politique gouvernementale. Ces consultations sont maintenant terminées.

Vous trouverez ci-joint les copies des registres que vous avez demandés.

Plus loin, on peut lire :

Il s'agit des derniers documents à divulguer qui sont liés à votre demande.

Je pense que les membres vont trouver ces documents intéressants. Ils sont accompagnés d'une lettre de l'Office national de l'énergie. Il s'agit d'une copie d'une lettre envoyée à l'avocat général de la Section du Bureau du Conseil privé qui est datée du 25 février 1986, ce qui fait partie de la période couverte par la demande. Vous pouvez voir qu'elle a été caviardée au point d'être assez difficile à lire.

Le président : On a déjà dit à la blague que celui qui s'oppose à M. Caron le fait à ses risques et périls.

Le sénateur Banks : Voici les pages qui suivent la lettre d'accompagnement. Elles sont complètement censurées; un peu plus de 300 pages blanches, des pages vides. C'est ce que l'Office national de l'énergie a envoyé en réponse à la demande de renseignements de la Canadian Association of Energy and Pipeline Landowner Associations. Monsieur le président, je vais remettre le document à la greffière pour qu'il figure au dossier. Je vous remercie de votre indulgence, chers collègues.

Le président : Notre greffière, Lynn Gordon, va classer le document dans le dossier de notre étude générale. Je crois que les membres devraient y jeter un coup d'œil, et il se peut même que nous voulions ensuite interroger le sénateur Banks. Dans tous les cas, nous nous réservons tous les droits puisque nous n'avons pas vu le document. Nous comprenons tous qu'il faut essayer de mener une bonne étude.

Le sénateur Massicotte aimerait dire quelque chose.

Le sénateur Massicotte : Je veux simplement m'assurer que ce que vous dites, c'est que les pages sont vierges et que, par conséquent, aucun renseignement n'a été remis, contrairement à ce qui a été demandé. Est-ce possible qu'il s'agisse d'une erreur administrative?

Le sénateur Banks : Je ne peux pas dire que les pages sont vierges : le document est paginé, et un genre de code, qui, je suppose, renvoie à un article de la Loi sur la protection des renseignements personnels, se trouve sur chaque page. J'ignore ce qu'il signifie. Cela veut probablement dire que l'office ne peut pas nous donner ces renseignements. Les pages sont vides en ce sens qu'elles ne contiennent aucun renseignement.

Le sénateur Massicotte : Vous ne savez pas si les pages sont blanches en raison d'une erreur technique; se pourrait-il que quelqu'un se soit trompé de bouton à l'ordinateur pour que les pages aient été imprimées de cette façon?

Le sénateur Banks : Non; regardez-les, et vous verrez que ce sont les pages qui devaient être envoyées.

Le président : Nous examinerons le document. Merci pour votre excellent travail de détective.

Nous poursuivons maintenant notre étude de la situation de l'industrie de l'exploration et de l'exploitation des ressources pétrolières et gazières au large des côtes du Canada, en particulier celles du Pacifique, de l'Arctique et de l'Atlantique; si tout va bien, nous la terminerons aujourd'hui. Nous avons entendu de nombreux témoins et avons constaté qu'en ce moment, il semble que les seules activités en mer au Canada soient menées dans l'Atlantique. Toutefois, on nous a indiqué que différentes administrations s'occupent de l'octroi des licences de même que des divers règlements et règles applicables. Par exemple, c'est le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qui est responsable de ce qui se trouve au nord du 60e parallèle, je crois.

Le comité de direction estimait que nous devions recevoir ce matin des représentants des Affaires indiennes et du Nord canadien pour fermer la boucle, ce sur quoi tout le monde était d'accord. Au nom du comité, je souhaite la bienvenue à Patrick Borbey, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord; à Michel Chenier, directeur, Politiques et coordination, Affaires du Nord; et à Kerry Newkirk, directeur, Gestion du gaz et du pétrole, Affaires du Nord.

Je crois que M. Borbey a un exposé à présenter, puis les trois témoins tenteront de répondre à nos questions.

Je crois que vous avez suivi les travaux du comité et que vous avez une idée générale de là où nous en sommes dans le dossier. Pour le compte rendu et pour les gens qui nous écoutent sur la chaîne parlementaire et sur le web, j'aimerais dire que nous menons cette étude spéciale en réponse aux résultats d'un sondage effectué auprès du public. D'après ce sondage, il semble que toute activité au large des côtes canadiennes devrait cesser en raison du désastre de Deepwater Horizon dans le golfe du Mexique survenu le 20 avril dernier. Parmi les répondants, certains désiraient que les activités cessent de façon temporaire, et d'autres, de façon permanente.

Dans la mesure où l'économie des provinces de l'Atlantique dépend en grande partie de cette industrie, nous redoutions que ce soit une réaction excessive, ou bien qu'on ne jette le bébé avec l'eau du bain. Nous avons pensé qu'il était raisonnable que le Sénat mène sa propre enquête pour informer les Canadiens des vrais enjeux, de ce qui est inquiétant, le cas échéant, ou de l'état actuel de la situation.

On nous a dit que, dans le Nord, aucune activité liée au forage n'était en cours. Nous croyons cependant savoir qu'on a élaboré des plans, accordé des licences et d'autres permissions et qu'on passe actuellement en revue les règlements applicables. Pour compléter notre portrait de la situation, nous avons pensé qu'il serait bien d'entendre le témoignage de ces personnes, comme je viens de le dire.

Pour que vous sachiez à qui vous vous adressez ce matin, je vais faire les présentations. Je suis le sénateur David Angus. Je viens de Montréal, au Québec, et j'assume la présidence du comité. Le sénateur Grant Mitchell, de l'Alberta, est notre vice-président, et nous avons deux employés de la Bibliothèque du Parlement du Canada, Marc Leblanc et Sam Banks.

Il y a un autre Banks dans la salle : le sénateur Tommy Banks, de l'Alberta, qui a assuré la présidence du comité avant moi. Nous avons le sénateur Hector Daniel Lang, du Yukon. Notre greffière est Lynn Gordon. Nous avons aussi le sénateur Richard Neufeld — dont on parle beaucoup dans les nouvelles ce matin —, un ancien ministre de la Colombie-Britannique qui s'occupait notamment des ressources naturelles; le sénateur Paul Massicotte, du Québec; le sénateur Linda Frum, de Toronto, en Ontario; et le sénateur Bert Brown, de l'Alberta.

Nous avons hâte de vous entendre, messieurs. Monsieur Borbey, la parole est à vous.

[Français]

Patrick Borbey, sous-ministre adjoint, Affaires du Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada : Monsieur le président, c'est un plaisir pour moi d'être ici.

[Traduction]

Le président : Nous avons votre exposé dans les deux langues officielles.

[Français]

M. Borbey : Je m'appelle Patrick Borbey, sous-ministre adjoint aux Affaires du Nord, pour Affaires indiennes et du Nord Canada.

[Traduction]

Au sein du ministère, c'est moi qui m'occupe du programme de gestion du pétrole et du gaz dans le Nord.

Je suis heureux de témoigner ce matin. Je suis accompagné de Kerry Newkirk, directeur, Gestion du gaz et du pétrole, Affaires du Nord, et de Michel Chenier, directeur, Politiques et coordination, Affaires du Nord.

Ce matin, je commencerai par présenter mes observations liminaires et vous décrirai les responsabilités de l'AINC relativement au pétrole et au gaz dans le Nord. Nous répondrons ensuite à vos questions avec plaisir.

Avant toute chose, j'aimerais souligner que vous avez entendu plusieurs de mes collègues de différents ministères fédéraux, dont Ressources naturelles Canada et des organismes canadiens de réglementation de l'énergie côtière. Nous avons soigneusement examiné les délibérations de ces réunions. Elles comportaient des renseignements très utiles qui aident à comprendre les régimes canadiens régissant l'exploitation de gisements pétroliers et gaziers en haute mer, de même que les conséquences de la récente tragédie du golfe du Mexique sur les activités pétrolières et gazières au large des côtes du Canada.

[Français]

Cet incident et la catastrophe écologique qu'il représente suscitent de nombreuses questions sur les politiques et procédures appliquées par notre ministère dans la gestion du pétrole et du gaz du Nord. Depuis le 20 avril, nous nous efforçons inlassablement de faire connaître nos pratiques et politiques de gestion des richesses naturelles du pays dans l'intérêt public.

[Traduction]

En vertu des lois fédérales, c'est au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien qu'incombe la responsabilité de gérer l'exploration et l'exploitation des ressources pétrolières et gazières sur le territoire domanial dans les Territoires du Nord-Ouest, au Nunavut et dans les régions extracôtières du Nord.

AINC, notre ministère, a formé des partenariats avec des organisations et des gouvernements autochtones et nordiques dans le but de régir l'attribution de terres de la Couronne à des entreprises privées à des fins d'exploration des ressources pétrolières et gazières; de mettre en place le contexte de réglementation; d'établir et de percevoir des redevances; de coordonner les projets scientifiques dans ce domaine; et d'approuver des plans de retombées avant le début des travaux.

Ces fonctions sont assurées par un groupe d'environ 30 professionnels qui travaillent ici, dans la capitale nationale de même qu'à Yellowknife.

[Français]

L'octroi des droits d'exploitation pétrolière et gazière obéit aux lois du marché. Le secteur privé fait les travaux de prospection et la mise en valeur des terres de la Couronne. En contrepartie, l'État touche de justes redevances sur le produit de cette exploitation.

L'investissement consenti par l'industrie est source de possibilités économiques pour les collectivités et de retombées directes ou indirectes pour les économies septentrionales et canadiennes.

[Traduction]

De plus, AINC participe activement au Fonds pour l'étude de l'environnement, dont le mandat est de financer, grâce aux cotisations des détenteurs de permis, des études environnementales ou sociales ayant trait à l'exploration, à l'exploitation et à la production de pétrole et de gaz sur les terres domaniales du Canada. Nous aidons également à orienter les recherches menées grâce au Programme de recherche et de développement énergétiques, administré par Ressources naturelles Canada, recherches qui portent particulièrement sur les hydrocarbures des terres domaniales.

[Français]

Sur le plan international, le ministère fait valoir les enjeux pétroliers et gaziers par l'intermédiaire du Conseil de l'Arctique, une tribune intergouvernementale de haut niveau, offrant un mécanisme de règlement des questions communes qui se posent aux gouvernements et aux populations de l'Arctique. Ce conseil a pour principales fonctions de protéger le milieu arctique et de favoriser le développement durable pour le mieux-être économique, social et culturel du Nord.

[Traduction]

La gestion des ressources pétrolières sur les terres domaniales au nord du 60e parallèle est régie par deux lois fédérales : La Loi fédérale sur les hydrocarbures, la LFH, et la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, la LOPC.

En vertu de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, les responsabilités de gestion incombent aux ministres des Affaires indiennes et du Nord canadien et celui de Ressources naturelles Canada. Notre ministre soumet un rapport annuel au Parlement sur la gestion des gisements pétroliers et gaziers des Territoires du Nord-Ouest, du Nunavut et de la région extracôtière septentrionale.

[Français]

L'Office national de l'énergie administre la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, les règlements techniques qui s'y rattachent et certains volets du même ordre que la Loi fédérale sur les hydrocarbures. On peut ainsi répartir les rôles en laissant les politiques, la gestion domaniale et les redevances à notre ministère, et les aspects techniques, réglementaires et consultatifs à l'Office national de l'énergie. Cette structure de gouvernance n'a rien de nouveau puisqu'elle est en place depuis le début des années 1990.

[Traduction]

Pour assurer le développement durable des ressources pétrolières et gazières du Nord, il faut d'autres lois sur l'utilisation des terres et la protection de l'environnement. Ce sont l'AINC et les conseils de cogestion, créés conformément aux ententes sur la revendication territoriale dans le Nord, qui doivent s'en occuper.

Pour ce qui est de la région désignée des Inuvialuit, les projets présentés sont tous analysés par le Comité d'étude des répercussions environnementales et pourraient faire l'objet d'une évaluation environnementale plus approfondie. La Loi canadienne sur l'évaluation environnementale s'applique également. En vertu de cette loi, il faut procéder à une évaluation environnementale lorsqu'une demande pour un projet en mer est déposée à l'Office national de l'énergie, un organisme de réglementation fédéral.

[Français]

La délivrance des permis de prospection pour le pétrole ou le gaz est régie par la Loi sur les hydrocarbures. Tout se déroule en quatre étapes dans ce qui forme le cycle d'attribution des droits. Première étape, une consultation préliminaire avec les gouvernements, les organisations et les collectivités autochtones, les gouvernements territoriaux et les commissions d'experts afin d'évaluer l'appui à l'octroi de droits dans une région précise, de désigner les zones d'exclusion et de confirmer les conditions de l'octroi.

[Traduction]

En deuxième lieu, on procède à une demande de désignation, ce qui permet à l'industrie d'indiquer les terres dignes d'intérêt qui pourraient faire l'objet d'un appel d'offres subséquent. La troisième étape est l'appel d'offres en soi, qui doit demeurer ouvert pour une période minimale de 120 jours selon la loi. En dernier lieu, le ministre délivre un permis de prospection au soumissionnaire dont l'offre a été retenue.

Chaque année, on utilise le cycle d'attribution des droits dans trois régions du Nord : la région de la mer de Beaufort et du delta du Mackenzie, la partie centrale de la vallée du Mackenzie et l'archipel arctique du Nunavut. Le processus repose essentiellement sur la participation des communautés et des parties intéressées. Dans le secteur de la mer de Beaufort, AINC collabore avec les institutions et les communautés des Inuvialuit depuis 1984, après la ratification de la Convention définitive des Inuvialuit. Depuis 1989, on procède chaque année à des appels d'offres dans la région du bassin Beaufort- Mackenzie, et la convention permet de prendre en considération les préoccupations des Inuvialuit.

Les droits d'exploration sont octroyés à la suite d'un appel d'offres ouvert et concurrentiel. L'offre retenue est sélectionnée en fonction de « l'engagement pécuniaire », soit la valeur monétaire des travaux proposés pour le permis. Un permis de prospection d'une durée maximale de neuf ans est octroyé au soumissionnaire retenu. Ce dernier bénéficie de droits de forage exclusifs pour le pétrole et le gaz. Il peut aussi déposer une demande de licence de production pour exploiter les ressources découvertes. L'Office national de l'énergie s'occupe de l'approbation d'activités comme le forage, et doit procéder à une évaluation environnementale du projet en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, comme je l'ai déjà dit.

On s'attend à ce que le soumissionnaire retenu dépense la valeur monétaire des travaux proposés durant la période du projet visée par le permis, et qu'il effectue le forage d'un puits. La méthode de l'engagement pécuniaire diffère de celle utilisée dans les régions où l'exploitation des ressources pétrolières et gazières est bien développée, comme en Alberta. Là- bas, on utilise généralement les « offres-primes au comptant » pour l'attribution des terres. Le système utilisé dans le Nord est conçu pour les régions éloignées où le potentiel de prospection est mal connu et où il pourrait y avoir des délais considérables entre l'exploration et la réalisation de profits tirés de la production. Les processus d'appel d'offres reposant sur les engagements pécuniaires est aussi utilisé pour l'exploration au large de la côte Est du Canada.

[Français]

Avant la délivrance de permis dans les zones extracôtières du Nord, les fonctionnaires de notre ministère s'assurent de la participation des collectivités autochtones du Nord. Dans le processus de décision, l'accent est mis sur la protection des zones vulnérables sur le plan environnemental ou culturel. À cette fin, Affaires indiennes et du Nord Canada s'appuie sur des connaissances scientifiques et traditionnelles afin de faire des choix éclairés dans la délivrance des droits.

[Traduction]

On connaît bien l'écosystème de la région de Beaufort. Il a fait l'objet de plusieurs études financées par le Fonds pour l'étude de l'environnement, par le Programme de recherche et de développement énergétiques du gouvernement fédéral, de même que par de nouveaux programmes d'ArcticNet ainsi que par le programme de l'Année polaire internationale. Ces projets de recherche, qui s'ajoutent aux renseignements que l'industrie a recueillis au cours de ses activités des dernières décennies, confèrent un fondement scientifique solide à AINC, aux autres ministères, aux entreprises qui prévoient effectuer des activités d'exploration et aux organismes de réglementation.

De plus, les renseignements sont évalués à l'aide de l'outil de gestion de l'environnement et des ressources pétrolières. Cet outil en ligne comprend des renseignements essentiels sur les facteurs environnementaux et socioéconomiques. Les responsables de l'exploration pétrolière et gazière du Nord s'en servent pour discuter avec les parties intéressées et pour prendre des décisions éclairées lors de l'attribution des droits pétroliers et gaziers. Par exemple, l'outil contient des cartes répertoriant les régions particulièrement sensibles sur le plan environnemental ou culturel.

[Français]

Ces valeurs sont issues de consultations et des conseils d'experts. L'une des incidences a été que de vastes régions de la mer de Beaufort ont été exclues de la désignation, y compris toutes les zones maintenant proposées à titre de zone maritime protégée et les eaux côtières le long de la côte du Yukon.

[Traduction]

En 2007 et en 2008, le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien a attribué des droits pour des zones de la mer de Beaufort en eaux plus profondes qui n'avaient jamais été explorées. En tout, on a prévu des travaux équivalant à près de 2 milliards de dollars pour six parcelles.

[Français]

À ce jour, les activités en eaux profondes se sont concentrées sur l'exploration sismique et la planification d'un éventuel programme de forage, qui aurait lieu dans un délai de neuf ans, soit la durée des permis prévue par la loi. Il est entendu que lesdits forages ne seront pas entrepris avant 2014, sous réserve de l'approbation de l'Office national de l'énergie.

[Traduction]

Le ministre envisage la possibilité d'octroyer un permis additionnel dans la mer de Beaufort à la suite de l'appel d'offres qui a pris fin plus tôt cette semaine. Les résultats du processus seront annoncés sous peu.

[Français]

Pour conclure, soulignons que notre ministère collabore de près avec ses partenaires dans les démarches menant aux décisions de gestion du pétrole et du gaz du Nord et exploite à cette fin les connaissances scientifiques les plus actuelles.

[Traduction]

Le MAINC continuera de collaborer étroitement avec Ressources naturelles Canada, l'Office national de l'énergie et d'autres organisations afin de colliger l'ensemble des renseignements et des connaissances qui se dégageront des enquêtes et des examens, tant au Canada qu'aux États-Unis.

M. Newkirk, M. Chenier et moi nous ferons un plaisir de répondre à vos questions. Merci.

[Français]

Le président : Merci, monsieur Borbey. Tout d'abord, j'aimerais vous féliciter pour votre superbe bilinguisme.

[Traduction]

Vous avez présenté un exposé fort intéressant et utile.

Avant de laisser la parole à mes collègues, j'aimerais moi-même vous poser une question. Je ne sais pas si c'est en raison des discussions en cours sur le projet de loi C-9 ou du fait que je m'y perde dans la profusion de renvois à différents textes de loi, mais à vous entendre parler du cadre législatif applicable, j'ai l'impression que de nombreuses lois entrent en ligne de compte. J'aimerais savoir si vous considérez que le tout fonctionne bien, ou si on risque de semer la confusion quant à qui fait quoi — créant ainsi une espèce de vide.

Qu'en pensez-vous? La législation est un vrai labyrinthe. Je pense que le sénateur Banks aime la qualifier de bol de spaghetti, et je suis d'accord avec lui. Il n'est pas toujours facile pour les sénateurs de trouver qui détient le pouvoir de décision ultime. Puisque vous êtes responsable d'un dossier délicat, j'aimerais vous entendre à ce sujet.

Mr. Borbey : Notre ministre a déjà discuté de la rationalisation du système réglementaire dans le Nord, et a d'ailleurs pris des mesures pour qu'on se penche sur cette question. En ce qui concerne la gestion des ressources pétrolières et gazières, nous considérons que le système est assez simple et plutôt bien compris par l'industrie et les autres intervenants; à notre avis, il fonctionne bien. Mes collègues voudront peut-être parler de certains éléments particuliers des lois ou règlements et de leur application.

Michel Chenier, directeur, Politiques et coordination, Affaires du Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada : En ce qui nous concerne, deux grands systèmes de réglementation s'appliquent dans le Nord : l'Office national de l'énergie et une série de régimes découlant des revendications territoriales. Les deux fonctionnent de façon harmonieuse et coordonnée et donnent d'excellents résultats.

Le président : En passant, au tout début, lorsque nous avons commencé à prendre conscience de la nécessité de protéger ces eaux cristallines et ces écosystèmes fragiles dans le Nord, nous avons adopté la Loi sur la prévention de la pollution des eaux arctiques et d'autres lois complémentaires. À l'époque, je pratiquais dans ce domaine et il me semblait que Transports Canada et la Garde côtière canadienne étaient responsables de la surveillance. Or, on ne fait que très peu référence à ces deux organismes dans les lois aujourd'hui. Ont-ils encore un rôle à jouer? Y a-t-il un risque de confusion?

Mr. Borbey : La Garde côtière canadienne a effectivement un rôle à jouer en matière de capacité d'intervention en cas d'urgence et de déversement. Certaines dispositions de la Loi, dont le gouvernement a étendu la portée jusqu'à la limite des 200 milles, s'appliquent également aux activités de prospection et de mise en valeur de gisements pétroliers, et portent notamment sur la responsabilité et les garanties. Nous pourrions en discuter plus en détail, si vous le souhaitez.

Le président : Ce n'est pas nécessaire, vos explications suffisent. Chers collègues, nous allons passer aux questions, en commençant par le sénateur Mitchell.

Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup. Au Comité sénatorial permanent des finances nationales, nous avons longuement étudié le projet de loi C-9, auquel le président a d'ailleurs fait référence. Cette mesure législative comprend des dispositions qui, selon certains d'entre nous, affaibliront considérablement le Règlement sur l'évaluation environnementale.

Dans son exposé, M. Borbey a parlé de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Avez-vous examiné les nouvelles dispositions du projet de loi C-9 qui pourraient permettre au ministre de limiter considérablement la portée de l'examen d'un projet? Pensez-vous que ces dispositions pourraient influer sur l'examen des projets dans le Nord?

M. Chenier : Les dispositions du projet de loi C-9 ne changent pas le système régissant les projets dans la zone extracôtière. La portée des évaluations dans cette région a toujours été bien définie. Il est question ici, dans le cas précis de la mer de Beaufort, de projets bien au large des côtes. La portée a toujours été vaste, et les facteurs à considérer, nombreux; cela ne devrait pas changer.

Le sénateur Mitchell : Une entreprise — je pense que c'était Chevron — nous a dit prévoir qu'un navire de forage de puits de secours puisse atteindre ses installations au large de Terre-Neuve-et-Labrador en moins de 11 jours. Ce ne sera probablement pas le cas dans le Nord, dans les eaux arctiques. Devrait-on imposer des dispositions particulières, différentes de celles qui s'appliquent au large de la côte Est, aux entreprises qui effectuent du forage en mer dans l'Arctique? On a notamment proposé de forer un puits d'intervention en même temps que le puits principal. Y avez- vous songé?

Nous sommes tous conscients que l'Arctique représente un environnement beaucoup plus hostile que la côte Est. Il y fait plus froid, les eaux compliquent le nettoyage et il est plus difficile d'y amener l'équipement de dépollution. Qu'en pensez-vous?

M. Borbey : Cette question relève de l'Office national de l'énergie, ONE, mais je peux vous dire ce que j'en pense. Tout d'abord, on a déjà foré dans l'Arctique. Pas dans un passé récent, mais cela a déjà été fait, dans le respect des dispositions concernant les puits de secours. L'ONE a donné son autorisation, à condition qu'on puisse effectivement forer un puits d'intervention.

L'ONE a affirmé que rien n'a changé. Les propositions des entreprises désirant forer dans l'Arctique devront respecter la politique et les exigences actuelles concernant les puits d'intervention. Quant au côté technique, et à savoir si le puits doit être foré simultanément, il incombe aux experts d'en décider. L'industrie doit en tenir compte dans la planification de ses activités et de ses dépenses, en prévoyant notamment les plates-formes nécessaires au forage ultérieur.

Le sénateur Neufeld : J'aimerais obtenir certaines précisions. Au bas de la page 2 de votre exposé, vous dites que les responsabilités de gestion découlant de la Loi fédérale sur les hydrocarbures relèvent du ministre des Affaires indiennes et du Nord et de Ressources naturelles Canada. Puis, au paragraphe suivant, au constate que c'est l'Office national de l'énergie qui se charge de l'administration.

Par « gestion », entendez-vous « élaboration d'un cadre réglementaire »? Il me semble qu'il s'agit du règlement, alors je tiens à m'assurer qu'on établit une distinction entre son élaboration et sa gestion. Mon interprétation est-elle juste?

M. Chenier : Oui. Je peux tout de même préciser que si l'Office national de l'énergie se charge d'appliquer la Loi sur les opérations pétrolières au Canada, notre ministre assume la responsabilité législative des changements au règlement et à la loi elle-même. C'est tout à fait différent de la Loi fédérale sur les hydrocarbures, comme vous l'a déjà dit M. Caron, et comme l'a indiqué plus tôt M. Borbey dans son exposé.

Le sénateur Neufeld : Ensuite, il est question de fixer le montant des redevances et de les percevoir; est-ce que le MAINC les conserve? Ou entend-on par-là qu'elles sont envoyées directement au ministère des Finances?

M. Borbey : Elles sont versées directement au Trésor.

Le sénateur Neufeld : On n'a pas beaucoup parlé de la gestion de l'intervention en cas de déversement. Vous avez dit que la Garde-côtière canadienne était responsable. Nous avons entendu le témoignage de celle-ci à l'égard des forages au large des côtes et dans la mer de Beaufort, mais peut-être pourriez-vous nous expliquer comment se déroulerait l'intervention. Qui commande? Qui prend les décisions? Et comment déterminez-vous qui est responsable? Le MAINC, Ressources naturelles Canada, l'ONE, quelques autres administrations ainsi que la Garde côtière ont tous un rôle à jouer. Ce qu'on constate dans le golfe, c'est que tout le monde affirme être aux commandes, mais lorsque vient le temps de démêler les responsabilités, c'est un peu n'importe quoi.

Je veux vous l'entendre dire : qui est responsable?

M. Borbey : Nous vous fournirons une réponse détaillée à cette question. C'est un dossier complexe, mais les responsabilités sont clairement définies. Lorsque je vous ai parlé de la Garde côtière, je vous ai dit qu'elle intervenait dans certaines circonstances. En effet, elle n'est pas la principale responsable en cas de déversement. Ce genre d'incident relève plutôt du secteur de la prospection pétrolière et gazière. M. Newkirk pourra vous donner des détails.

Kerry Newkirk, directeur, Gestion du gaz et du pétrole, Affaires du Nord, Affaires indiennes et du Nord Canada : Puisqu'il n'y a pas de forage en ce moment, nous nous employons principalement à nous préparer à l'exploitation pétrolière et au forage dans cette région.

Dans le cadre du processus d'évaluation environnementale régi par l'ONE, les entreprises doivent soumettre leur plan d'intervention en cas d'urgence. Comme dans d'autres cas, et dans le golfe du Mexique, la première ligne de défense est l'entreprise elle-même.

Il existe dans le Nord un service téléphonique 24 heures pour le signalement des déversements. Si l'on sait que le pétrole s'échappe d'installations pétrolières ou que le déversement a été causé par des activités de forage, c'est l'Office national de l'énergie qui sera principal responsable et qui interviendra. En effet, l'office dispose d'ingénieurs experts en la matière qui surveilleront le déversement. S'ils ne sont pas satisfaits des mesures prises par la société, ils pourront faire venir des ressources additionnelles de la région ou d'autres exploitants, et les coûts devront être assumés par l'entreprise.

En dernier recours, si l'ONE est carrément mécontent de l'intervention de l'entreprise, il peut prendre les commandes, et c'est d'ailleurs ce qu'on a envisagé dans le golfe du Mexique à un certain moment.

En ce qui concerne la planification et la préparation, sachez que le MAINC préside un groupe de travail sur la capacité d'intervention en cas d'urgence dans la mer de Beaufort. Ce groupe se rencontre dans le Nord deux fois par année pour discuter précisément de ce genre de scénario. Par exemple, Imperial Oil lui a présenté un plan d'intervention préliminaire, qui a fait l'objet de discussions. Il semble que l'industrie désire participer aux activités de ce groupe, ainsi qu'à la planification et à l'organisation de l'intervention en cas d'urgence.

J'ai dit plus tôt qu'il n'y avait pour l'instant pas de forage. Or, il y en a déjà eu, et dans ce cas on doit toujours prévoir les ressources nécessaires pour planifier et mettre en place des mesures d'intervention en cas d'urgence, avant que ne se produise un déversement comme celui dans le golfe du Mexique.

Le sénateur Neufeld : On nous dit en général qu'on maîtrise bien la situation. Cependant, je ne suis pas certain d'en être convaincu, parce qu'on nous dit qu'initialement, c'est l'entreprise qui est responsable. Ensuite, si l'Office national de l'énergie n'est pas satisfait de l'intervention de celle-ci, il peut s'interposer, examiner la situation et proposer un autre plan d'action. Si le pétrole continue de s'échapper, l'Office national de l'énergie peut après un moment prendre les commandes.

Une chose qui a été démontrée dans le golfe du Mexique, du moins pour moi, c'est que tout le monde veut être le chef et personne ne veut faire le travail, et j'ai une certaine expérience en ce qui concerne des ministères du gouvernement fédéral qui, sur le terrain, n'ont pas vraiment connu de succès. Il faut examiner de près le fonctionnement de la chaîne de commandement. Je suis convaincu que l'entreprise devrait être tenue entièrement responsable de tout, mais quelqu'un doit être le chef. Quelqu'un doit prendre les décisions. Je ne suis toujours pas certain si le processus que vous avez décrit me réconforte.

Le président : Vous nous avez fait part d'un commentaire objectif, ce qui est pertinent, mais j'espère que ces personnes auront la chance de formuler des observations à ce sujet, du moins si elles le veulent.

M. Borbey : Nous allons acquérir beaucoup de connaissances grâce à cet incident récent, qui révélera probablement les faiblesses des systèmes partout en Amérique du Nord. L'ONE a lancé cette étude, et ces questions y seront incluses; nous allons apprendre et nous ajuster en conséquence.

Nous pouvons aussi fournir au comité une description des groupes de travail dont nous avons parlé et qui s'occupent de la planification en prévision d'une urgence. Nous avons cette description, si vous avez besoin de plus de renseignements.

Le président : Pouvez-vous nous donner ces renseignements par l'intermédiaire de la greffière, je vous prie?

Le sénateur Neufeld : Ma dernière question se trouve à la page 4. Vous dites : « Le ministre étudie la possibilité d'émettre un permis supplémentaire pour la mer de Beaufort à la suite d'un appel d'offres qui s'est terminé plus tôt cette semaine. » À quel moment cet appel d'offres a-t-il été déclenché?

M. Borbey : J'ai décrit le processus plus tôt. Nous avons tenu toutes les consultations nécessaires. La première étape était la consultation, et le projet a été appuyé par l'industrie, les Inuvialuit et d'autres participants. Puis nous sommes passés à l'étape d'appel de candidature avec l'industrie, ce qui nous a permis de déterminer les lots qui les intéressaient. Ensuite, il y a eu un processus de 120 jours. L'appel d'offres a été déclenché bien avant l'incident du golfe.

Nous faisons appel au même processus que celui que nous utilisons depuis 1989. Essentiellement, cet appel d'offres est la conclusion d'un processus annuel prévisible pour l'industrie et les participants.

Le sénateur Neufeld : Pouvez-vous me dire à quelle date il a été déclenché?

M. Newkirk : Peut-être en février. Nous pouvons fournir la date exacte au comité.

Le sénateur Lang : Je voudrais poursuivre dans la même veine que la dernière question du sénateur Neufeld et de la question des soumissions et de l'intérêt pour la mer de Beaufort. Vous avez dit que l'appel d'offres est terminé. Pouvez- vous nous dire si des soumissions ont été déposées?

M. Borbey : Je ne peux pas divulguer cette information à ce moment-ci. Il s'agit d'un avis au ministre, et celui-ci devra étudier le tout en fonction des offres de l'industrie, puis il devra prendre une décision.

Le sénateur Lang : En ce qui concerne les nouveaux lots qui pourraient être ou qui ont déjà été attribués, nous découvrons qu'il y a une grande différence entre le forage en eau profonde et le forage en eau peu profonde. J'ai cru comprendre que la majorité des puits de la mer de Beaufort, sinon tous, sont des puits de forage en eau peu profonde. Quand on parle de forage en eau profonde dans la mer de Beaufort, de quelle profondeur parle-t-on? Est-ce 2 000 pieds? Est-ce 2 500 pieds?

M. Newkirk : Tout est fonction de la définition que vous donnez à « peu profond » et « profond ». Dans le golfe, on considère comme eau peu profonde tout ce qui est au-dessus de 350 mètres de profondeur.

Dans la mer de Beaufort, il y a un certain nombre de gradients, et vous avez raison de dire que la majorité du forage s'est fait en eau peu profonde, soit à une profondeur de 200 mètres ou moins. Les lots en eau profonde sont situés en périphérie de la plateforme continentale. Il y a donc une gradation en dessous de ces lots qui vont de 200 à 1 000 mètres de profondeur.

Le sénateur Lang : Pouvez-vous répéter ces chiffres encore une fois, s'il vous plaît?

M. Newkirk : Nous appelons « lots en eau profonde » ceux qui dépassent la bordure de la plateforme continentale, et la profondeur de l'eau à cet endroit — dans les limites du territoire visé par la délivrance de permis — est de 200 à 1 000 mètres environ.

Le sénateur Lang : En matière d'eau profonde, ce n'est pas profond, en comparaison avec le golfe ou d'autres régions?

M. Newkirk : À titre d'exemple, la profondeur du puits de Deepwater Horizon était de 1 500 mètres.

Le sénateur Lang : Ce qui nous préoccupe, c'est ce qu'on appelle parfois un incident et parfois un désastre, selon l'ampleur de la situation et son évolution. Revenons maintenant sur la question du déversement de pétrole et de notre capacité de faire face à un déversement dans l'Arctique. Pouvez-vous nous en dire davantage au sujet de la capacité d'intervention de niveau trois? Si un tel événement se produit, avez-vous le matériel nécessaire pour vous en occuper, à votre avis? Ce qui nous préoccupe, de notre point de vue — et je pense que je peux parler au nom de tous les sénateurs —, c'est le temps. S'il y a éruption, quelle est notre capacité de régler le problème? Chaque jour qui passe nous préoccupe tous davantage et cause encore plus de tort à l'environnement.

Quand vous délivrez un permis, les conditions établies prévoient-elles une limite de temps, comme une période de trois jours où, si un puits d'intervention est nécessaire, le titulaire du permis doit faire appel à ce puits d'intervention immédiatement? Autrement dit, l'entreprise ne peut pas attendre deux semaines avant de faire appel au navire, ou à quoi que ce soit qui doit être envoyé sur les lieux en raison de la distance, et le reste. Vous pourriez nous en dire un peu plus à ce sujet, en quoi l'Arctique est différent du littoral est, par exemple.

M. Borbey : Je vais commencer, puis je céderai la parole à M. Newkirk pour les comparaisons avec le littoral est. À titre de rappel, le permis délivré en vertu de processus d'octroi des droits n'autorise pas automatiquement l'entreprise à procéder au forage. Le permis permet à l'entreprise d'aller de l'avant en ce qui concerne la présentation d'une offre à l'ONE, et le processus comporte habituellement deux étapes.

Premièrement, on procède à des études sismiques et à d'autres études scientifiques. Donc, ce travail doit être approuvé, en vertu des modalités du permis. Une évaluation environnementale peut être exigée. Ensuite, à un certain moment, une demande de forage sera déposée auprès de l'ONE, qui détermine ensuite si les mesures de sécurité nécessaires sont en place et si l'entreprise peut faire face à tout incident qui pourrait survenir, que ce soit une éruption ou quoi que ce soit d'autre. Le permis ne sera pas délivré par l'ONE à moins que cet organisme soit certain que l'entreprise est préparée et qu'elle est capable de réagir à tout incident qui pourrait survenir.

M. Newkirk : Historiquement, en ce qui concerne la mise en œuvre de la capacité de forage de puits de secours disponible au cours d'une saison, il n'a jamais été question d'en faire venir un d'un autre site. Le secours disponible au cours d'une saison signifiait, en raison des distances, qu'un deuxième appareil de forage était disponible dans la mer de Beaufort, par exemple. Historiquement, et il n'a jamais été question d'en faire venir un du golfe ou de plus loin au sud. Encore une fois, toutes ces mesures font actuellement l'objet d'une réévaluation par l'ONE.

Le sénateur Lang : Il est quelque peu réconfortant de savoir qu'il s'agissait d'une exigence dans le passé et que ce le sera aussi, manifestement, à l'avenir.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Dans votre présentation, vous parlez beaucoup d'écosystème, dont celui de Beaufort qui a été bien étudié, ainsi que des outils de gestion de l'environnement. Vous avez la réputation de bien connaître les écosystèmes du Nord et de prendre les mesures adéquates pour protéger cet environnement.

Nous n'avons pas vos connaissances quant à la gestion de crise dans le cas d'un accident ni des conséquences qu'il pourrait entraîner. Pourriez-vous nous décrire quelles seraient les conséquences probables si un accident survenait et nous dire comment elles seraient gérées? À cause du froid qui emprisonne le pétrole sous la glace, cela nécessite d'autres types d'interventions que celles qu'on utilise présentement en Louisiane. La récupération du pétrole serait-elle possible?

M. Borbey : On ne peut pas faire de généralisation parce que plusieurs types d'accidents pourraient survenir. Un accident pourrait causer un déversement de pétrole ou de gaz qui ne se rendrait pas à la surface, par exemple. Il y a toutes sortes de possibilités. La profondeur à laquelle survient un accident peut déterminer d'autres types d'interventions.

Le sénateur Massicotte : Prenons l'exemple d'un accident majeur comme celui de la pétrolière BP. Comment gérerait-on cela?

M. Borbey : Si on ne peut pas, avec toutes les ressources présentement disponibles dans le Golfe du Mexique, gérer le problème, on peut imaginer que dans l'Arctique le défi serait d'autant plus énorme encore. Dans un premier temps, on s'assure que les mesures préventives sont prises afin d'éviter ce genre d'accident. Y a-t-il un risque de déversement de pétrole dans la mer? Oui. Aurions-nous les capacités de pouvoir intervenir? Oui, mais dans des conditions plus difficiles que celles qu'on voit présentement dans le golfe du Mexique.

Le sénateur Massicotte : On voit bien ce qui se passe dans le golfe grâce aux reportages télévisés. Environ 30 000 personnes s'affairent chaque jour à réparer les dégâts avec des sortes de buvards pour éponger le pétrole, mais dans la glace que ferait-on? Quelle technologie nous permettrait de gérer cela?

[Traduction]

M. Newkirk : M. Chenier peut fournir plus de renseignements en ce qui concerne les études précises financées par le Fonds pour l'étude de l'environnement de même que dans le cadre d'un programme de recherche et développement dans le secteur de l'énergie.

Je ne suis pas un spécialiste dans ces domaines. Il appartient à l'ONE de déterminer quelles activités précises sont sécuritaires et quelles ne le sont pas, mais il y a beaucoup de recherches dans ce domaine. Nous savons que la glace, selon le type de déversement, peut aider à endiguer le pétrole et à le contenir dans un secteur. Il y a eu des cas de déversement modéré où le pétrole a gelé dans la glace, ce qui a permis de le brûler au printemps, par exemple.

La recherche se poursuit dans ce domaine. Nous avons bon espoir que cette recherche aidera l'ONE à prendre une décision au sujet de la sécurité des opérations dans la mer de Beaufort — en environnement glacé —, mais je ne suis pas un spécialiste des questions d'interaction entre le pétrole et la glace. Nous nous fions à l'ONE pour ce genre de renseignements.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Ce que je comprends de votre présentation, c'est que vous n'êtes pas certain, que ce n'est pas votre responsabilité, mais en même temps vous donnez l'impression que vous êtes très soucieux de l'environnement et très connaissant des écosystèmes de la région de Beaufort. D'une part, vous nous dites de vous faire confiance et, d'autre part, vous n'avez pas vraiment beaucoup de réponses. Même des témoins nous ont dit que la technologie pour capter le pétrole n'était pas disponible aujourd'hui. On lit des articles sur l'Exxon Valdez, qui disent qu'il y a toujours des conséquences 20 et même 30 ans plus tard. Il faudrait trouver un moyen de réconforter les Canadiens en leur disant qu'il y a certainement un risque d'accident, le contraire serait irréaliste, mais aussi les assurer qu'on sait comment gérer les conséquences et cela avec beaucoup d'informations et de transparence.

M. Borbey : Certainement. L'incident du golfe du Mexique était inimaginable il y a quelque mois. Cela a donc complément changé nos perspectives. La revue de l'Office national de l'énergie, qui sera complétée dans les mois qui viendront, pourra certainement nous guider dans ce domaine. C'est un domaine où il reste beaucoup à apprendre. On a confiance qu'on a du temps pour pouvoir s'ajuster parce qu'il n'y a pas de plan présentement pour faire du forage dans l'Arctique avant 2014, d'après les licences déjà émises.

Le sénateur Massicotte : Le temps passe vite, ce n'est pas beaucoup quatre ans. Je comprends que si jamais il y avait un accident, la compagnie de pétrole serait responsable jusqu'à un niveau de 40 millions de dollars, s'il est démontré qu'il n'y a pas eu négligence. S'il est démontré que des mesures raisonnables ont été prises et qu'il n'y a pas eu négligence, la responsabilité est limitée à 40 millions de dollars. Est-ce exact?

M. Borbey : On peut passer en détail sur la question de la responsabilité.

Le sénateur Massicotte : Est-ce 30 ou 40 millions de dollars?

M. Chenier : Oui, dans le cas de l'Arctique, le montant spécifique en lien avec la responsabilité financière, sans faute, est de 40 millions de dollars.

Ceci étant dit, on considère toujours que le promoteur ou l'opérateur est toujours responsable des opérations ainsi que de tous les coûts qui s'y rattachent. De plus, certaines mesures incluses dans l'entente territoriale des Inuvialiut sont un peu différentes et viennent ajouter un autre système de responsabilité, qui a été spécifiquement mis en place afin de s'assurer qu'il n'y ait pas de pertes au niveau des pratiques culturelles ou pratiques de chasse qui sont importantes pour les Inuvialuit.

Le sénateur Massicotte : On voit souvent dans les tribunaux qu'il est très difficile de prouver la responsabilité parce qu'il faut démontrer sa compétence ou sa négligence.

On sait que toutes les entreprises sont responsables et ont une conscience morale. Mais si la compagnie pétrolière, qui fait le forage, est responsable à hauteur de 40 millions de dollars, considérant le fait que dans le golfe du Mexique, on parle de 100 millions de dollars par jour, certains peuvent se dire que 40 millions de dollars c'est peu. Puisque les profits d'Exxon sont de 50 milliards par année, ils doivent se dire que cela vaut la peine d'aller de l'avant, puisque le risque appartient au public et eux bénéficient des profits le cas échéant.

Est-ce que cela n'encourage pas une attitude moins responsable ou même un peu négligente? Parce qu'ils profitent des bénéfices, mais ne paient pas pour la conséquence de leurs erreurs.

M. Chenier : Dans le Nord, on traite avec des compagnies qui opèrent partout dans le monde et qui sont considérées comme des compagnies responsables et conscientes de l'impact de leurs opérations sur l'environnement et sur le mode de vie des habitants du Nord et d'ailleurs.

Pour revenir à la question de la responsabilité financière, on a aussi remarqué un certain intérêt pour la question spécifique du montant de 40 millions de dollars, à savoir si cette somme était adéquate. On remarque que la revue globale, qui sera faite par l'office de l'énergie, sera une question qui sera mise de l'avant. Et au ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien, nous allons nous informer de ce ressortira de cette revue.

M. Borbey : J'aimerais rajouter quelque chose. Lorsque l'Office national de l'énergie donne le permis de forage, il applique aussi une responsabilité financière. Dans le cas du dernier puits qui a été foré dans l'Arctique, en 2005, un montant de 500 millions de dollars était identifié comme responsabilité financière par la compagnie. Il n'y a pas que le montant de 40 millions de dollars qui doit être examiné.

Le sénateur Massicotte : J'ai de la difficulté à comprendre nos lois dans ce sens. Pouvez-vous faire un résumé? Plusieurs pensent que s'il n'y a pas de négligence, c'est 40 millions de dollars, et maintenant vous dites que c'est 500 millions de dollars. Et même 500 millions de dollars c'est peu comparativement à 100 millions de dollars par jour.

Est-ce qu'il y a des documents, un résumé que vous pouvez nous fournir relativement aux responsabilités financières et légales des entreprises?

M. Chenier : Il nous fera plaisir de vous fournir un résumé, qui va expliquer exactement toutes les composantes du régime de responsabilité.

Le président : Ce serait bien utile pour nous. Nous serions alors en mesure de comparer ce document avec les autres résumés fournis au sujet des régimes de responsabilité.

[Traduction]

Je vous annonce l'arrivée du sénateur Stephen Greene, lui aussi de Halifax, en Nouvelle-Écosse. Il remplacera le sénateur Neufeld, qui a dû nous quitter. Les représentants des Maritimes nous ont à l'œil ce matin.

Le sénateur Banks : Je vais reprendre le sillon tracé par les sénateurs Lang, Neufeld et Massicotte, notamment parce que je crois qu'il serait important, comme le président nous l'a soigneusement exposé, de rassurer les Canadiens qui sont, comme nous, très peu instruits en la matière. Je vais vous poser la question naïve que poserait une personne alors qu'elle prend l'autobus de 17 heures pour retourner chez elle. Le contexte vers lequel mon esprit se tourne pour vous poser cette question, c'est celui de la responsabilité, dont j'ai souligné l'importance auparavant, et particulièrement son caractère infini. Elle n'est circonscrite par aucune limite. Rien ne peut s'y opposer. Le foreur du puits, quel qu'il soit, est responsable.

Comme je l'ai déjà dit, en réaction au terrifiant exemple de marée noire que nous offre le golfe du Mexique, qui est fort heureusement unique, les personnes touchées par le déversement se moquent de savoir qui est responsable. La provenance des fonds importe peu. Tant que le problème n'est pas réglé, seul le problème demeure digne d'intérêt.

Vous nous avez communiqué aujourd'hui quelque chose que nous n'avions jamais entendu en ce qui a trait aux forages prévus dans le Nord. On nous a dit à ce sujet que le soumissionnaire sélectionné était tenu de dépenser un certain montant d'argent avant que sa concession prenne fin, mais pas précisément de forer un puits. J'ai du mal à me souvenir du témoin qui nous a révélé cette information; il s'agissait peut-être de l'Office national de l'énergie. Vous nous avez appris aujourd'hui qu'il est tenu de forer un puits, ce qui est nouveau et différent. Est-ce bien le cas? Est-ce que l'acte de concession exige, comme vous l'avez dit, que la société fore un puits?

M. Newkirk : Je peux répondre à la question. Si vous tenez pour acquis que l'objectif est d'obtenir une attestation de découverte importante en vue d'obtenir le droit d'exploiter cette ressource, il faut savoir que le seul moyen d'obtenir une telle attestation doit passer par le forage d'un puits, de manière à prouver la réserve. Le libellé de la licence d'exploration n'exige pas qu'un puits soit foré, mais c'est sur les efforts de forage que repose le maintien du droit d'occupation de ce territoire. La licence ne stipule pas qu'il est nécessaire de forer un puits sous peine de procès. Il est dans l'ordre du possible d'acquérir une licence d'exploration et de ne forer aucun puits, mais cela se traduit par le fait même par une renonciation de son dépôt. La licence comme telle ne précise pas que la démarche en question doit inclure des activités de forage.

Le sénateur Banks : Je reprenais les propos de M. Borbey. Le gouvernement du Canada n'exige pas du titulaire qu'il fore un puits. Il peut choisir d'abandonner le projet, n'est-ce pas?

M. Newkirk : Tout à fait.

M. Borbey : Le titulaire perdrait ainsi ses droits et son dépôt.

Le sénateur Banks : Ce qui est équitable.

Le président : Il doit exploiter la concession sous peine de perdre ses droits.

Le sénateur Banks : Nous appliquons ce principe à de nombreuses ventes de terres, où nous offrons une affaire avantageuse en échange d'une promesse de développement. C'est ainsi que nous avons vendu les lots de colonisation dans l'Ouest canadien, et il s'agit d'une pratique acceptable.

La sélection de l'endroit et du moment opportun quant à l'octroi d'une licence, de même que l'établissement de ce que peuvent faire les divers intervenants dans différentes conditions, visent l'atteinte d'un équilibre entre les produits du développement, de l'exploration et de l'exploitation de nos ressources. Le pays en a besoin. On recherche cet équilibre sur le plan des risques et des avantages. De nombreux Canadiens estiment que l'on doit appliquer un principe de précaution en ce qui a trait à l'équilibre visé.

Vous avez affirmé être relativement sûr que la technologie nécessaire peut probablement être développée, dans le meilleur des cas, avant le forage des puits en 2014. Est-ce le moyen de trouver un juste équilibre entre l'analyse coûts- avantages et l'analyse risques-avantages?

J'aimerais revenir à une question qui a été soulevée plus tôt, au sujet de l'application du principe de précaution, qui est d'ailleurs désiré par un grand nombre de Canadiens. Des risques de catastrophe existent si nous exploitons un puits dans le Nord depuis une installation de forage flottante, contrairement au forage depuis une île que l'on construit, comme il est possible de le faire en eau peu profonde. Nous devons, en demeurant optimistes, nous préparer aux pires éventualités. On oppose toutefois une certaine résistance à l'idée d'exiger des sociétés qu'elles forent un puits de secours en même temps que le puits principal, puisque cette exigence double pratiquement les coûts, et que ces coûts pourraient nuire au développement.

J'aimerais que vous contribuiez à rassurer un peu les Canadiens, puisqu'il se peut que des Canadiens soient actuellement à l'écoute. Imaginez une situation où, en plein cœur de l'hiver, la mer de Beaufort est recouverte d'une épaisse couche de glace. Comme je vous le disais, nous devons nous préparer au pire. Le sénateur Massicotte a fait allusion à cette situation. Si le pire venait à se produire, quel que soit l'appareil de forage que l'on prévoyait utiliser pour forer un puits de secours, il serait impossible de l'y conduire, car on ne peut pas fendre cette glace. Si les installations de forage sont à 10 milles du site, il est impossible de l'atteindre.

Compte tenu de cette situation, nous devons arriver à la conclusion que nous serions impuissants, d'autant plus que, dans le pire des scénarios, le pétrole surgirait du plancher océanique, sous la glace, et que nous ne sommes pas actuellement en mesure d'atteindre le puits, ni en pratique ni à l'aide des technologies existantes. Sachant qu'une telle catastrophe pourrait nous frapper, estimez-vous qu'il serait prudent d'accorder une licence permettant de forer un puits en eau profonde, sous la glace de la mer de Beaufort, sans que le forage simultané d'un puits de secours soit requis?

M. Borbey : J'aimerais réitérer que l'obtention d'une licence ne garantit pas l'obtention d'un permis de forage.

Le sénateur Banks : Non, mais si je dépense quelques millions de dollars, je risque fort d'assurer un suivi.

M. Borbey : Lorsque les dirigeants d'une société se présentent devant l'ONE pour obtenir un permis de forage, ils doivent pouvoir compter sur la technologie, les moyens et les ressources financières nécessaires pour soutenir l'application de leurs plans. C'est ainsi que le système fonctionne. L'Office national de l'énergie doit également être certain de détenir tous les renseignements et toutes les réponses nécessaires pour accorder un permis à un moment où les bonnes conditions sont réunies pour minimiser les risques qu'un incident se produise. L'ONE ne doit pas douter du fait que la société est positionnée en vue de pouvoir réagir à tout incident pouvant survenir.

De nouveau, j'aimerais souligner que ce processus fera l'objet de cet examen, et je suis certain que des modifications seront apportées. À court terme, nous risquons non seulement d'être témoins de modifications technologiques, mais aussi de modifications des conditions dans lesquelles la technologie actuelle pourra être utilisée. Il se pourrait bien que la technologie suscite une majoration des coûts pour les sociétés désirant forer. Celles-ci devront alors prendre une décision de nature économique, à savoir si elles désirent poursuivre leur exploration et leur développement dans le Nord ou si elles jugent plutôt que le jeu n'en vaut pas la chandelle. Il s'agira là d'une décision d'affaires.

Le sénateur Banks : J'en suis conscient. Je ne veux pas parler de l'office, mais de votre organisme, car c'est vous qui accordez la concession, et non l'ONE. Est-ce que je fais erreur? C'est bien vous qui accordez les concessions, n'est-ce pas?

M. Borbey : Tout à fait.

Le sénateur Banks : Et c'est cette concession qui exige et qui permet l'exploration et le développement. C'est vous qui octroyez cette concession.

Quant à la remarque selon laquelle « c'est ainsi que le système fonctionne », nous savons comment il fonctionne et nous savons que BP sera tenue responsable de tout ce qui se déroulera dans le golfe du Mexique. Je suis désolé, mais cette connaissance ne nous est d'aucun secours.

Ma question est la suivante. Étant donné les circonstances actuelles, est-il prudent d'accorder des concessions dans des zones désignées de la mer de Beaufort, compte tenu de l'avertissement qui nous a été servi au Sud et des technologies existantes qui permettraient un forage à l'hiver 2014? Appliquons-nous toutes les précautions requises à cet égard?

M. Borbey : Je dois répondre par l'affirmative. Nous croyons que c'est prudent et qu'il y a suffisamment de mesures de protection et de processus à l'égard de notre décision pour nous permettre de mener nos activités de manière sécuritaire. Encore une fois, nous ne pouvons pas garantir qu'il n'y aura jamais d'incident. C'est le principe de prudence. Cependant, nous pouvons prendre des mesures qui vont en réduire les risques, de manière à ce que nous soyons prêts et que nous tirions des leçons de l'expérience des autres pour être parés à toute éventualité.

Le sénateur Banks : Voici ma dernière question. Êtes-vous d'accord avec les personnes qui affirment que les contraintes imposées dans la mer de Beaufort, relativement au forage simultané d'un puits de secours, vont constituer un tel obstacle à l'exploitation et à l'obtention de capitaux que l'exploitation de cette ressource s'avèrerait inutile?

M. Borbey : Il s'agit d'une question technique, et je ne suis pas réellement un spécialiste. Je ne saurais vous dire si le forage de deux puits en parallèle au même moment est plus risqué. Ce sont là des questions pour lesquelles il faudrait obtenir l'évaluation des ingénieurs et d'autres spécialistes du domaine.

Le président : Je vous remercie. Il a fallu du temps pour explorer la question, mais ce fût efficace.

Le sénateur Frum : Le sénateur Banks a abordé ma question en partie. D'après ce que je comprends de votre témoignage, les licences dépendent du forage d'un puits, mais vous dites maintenant que ce n'est pas nécessairement le cas.

Êtes-vous en mesure de projeter ce à quoi vous vous attendez sur le plan du volume, à partir de 2014? Savez-vous combien de forages sont confirmés jusqu'à maintenant?

M. Borbey : Nous avons un certain nombre de parcelles de terrain qui ont été cédées au cours des dernières années, comme je l'ai expliqué dans ma déclaration préliminaire. À un moment donné, ces parcelles pourraient mener à une demande de forage, mais je répète que cela dépend si les travaux d'exploration et de prospection géosismique, de même que les recherches scientifiques révèlent un certain potentiel.

Il y a un certain nombre de sociétés différentes, ce qui signifie que diverses ressources seront déployées pendant la même saison. Cela constitue également un avantage. Au lieu d'avoir un seul exploitant dans une telle zone, le fait d'avoir un certain nombre d'exploitants offre cette capacité de secours en cas d'urgence. De fait, certaines entreprises envisagent actuellement de partager les plateformes et de travailler en collaboration pour réduire les coûts.

Monsieur Newkirk, voulez-vous préciser les chiffres auxquels nous pouvons nous attendre?

M. Newkirk : Si nous parlons des parcelles en eau profonde, il y en a essentiellement trois principales. Il se peut qu'il y ait plusieurs puits forés par parcelle. Pour l'instant, nous nous attendons à moins de cinq ou six puits, mais il s'agit d'une estimation. Actuellement, il n'y en a pas des dizaines et des dizaines.

Le sénateur Frum : Vous avez dit qu'il y a eu un processus d'appel d'offres et que davantage de licences ont été octroyées dernièrement. Cette estimation inclut-elle ces licences?

M. Newkirk : Si une offre était acceptée par rapport à cette parcelle, il y aurait alors trois parcelles en eau profonde. Si chacune d'entre elles demandait une attestation de découverte importante, au moins trois puits seraient forés, peut- être plus.

Le sénateur Lang : À ce sujet, que se passe-t-il à propos des puits en eau peu profonde? Le forage de certains d'entre eux est-il planifié?

M. Newkirk : Je vais fournir à la greffière une carte sur laquelle sont indiqués les emplacements précis de nos puits actuellement. Ainsi, vous aurez une idée de l'étendue des licences d'exploration et des attestations de découverte importante. J'estime qu'il y a de cinq à 15 licences concernant des puits en eau peu profonde. Je vais vous transmettre les détails.

Le sénateur Frum : Cette question est peut-être injuste, mais vous avez dit au début de votre exposé que vous avez suivi les délibérations du comité et que vous avez trouvé des renseignements utiles. En vue de notre rapport, est-il juste de vous demander ce qui vous a été utile et ce que vous avez appris de nouveau, le cas échéant?

M. Borbey : Je crois que je vais demander à mes collègues de répondre. Je dois admettre que je n'ai pas tout lu d'un bout à l'autre, mais j'ai travaillé en étroite collaboration avec mes collègues, MM. Caron et Corey, ainsi qu'avec notre directeur général, qui n'est pas ici aujourd'hui. Mimi Fortier a également comparu devant le comité de la Chambre des communes.

Depuis le 20 avril, ce sujet a fait couler beaucoup d'encre. Du côté du ministère, nous n'avons pas chômé, puisque nous avons pris le temps d'étudier et de comparer tous les enjeux. Nous avons également appris à connaître le fonctionnement des offices des hydrocarbures extracôtiers, que nous avons pu comparer avec celui de l'Office national de l'énergie et les régimes que nous administrons dans l'Arctique et dans l'Atlantique : les différences, les similitudes, les aspects propices à la collaboration avec l'Office national de l'énergie ou à la prestation d'une forme ou d'une autre de soutien technique. Voilà quelques-unes des choses que nous avons apprises.

Nous avons également pu en apprendre beaucoup sur ce qui se fait ailleurs dans le monde, notamment au Groenland, sur les intentions de certaines entreprises et sur la manière dont elles réagissent à l'incident. Chevron, par exemple, s'affaire à vérifier que ses activités sur la côté Est ne présentent aucun danger. Ce fut une expérience extrêmement enrichissante.

M. Chenier : Je vous donne un exemple. Comme nos activités touchent davantage à l'aspect « gestion » du secteur, nous avons trouvé que l'information sur les diverses fonctionnalités des instruments et de l'équipement déployés sur la côte Est afin de répondre aux différents aspects des incidents était particulièrement utile. Personnellement, j'ai accroché sur les capacités volumiques. Comme nous sommes plus proches du CPAR que du côté technique, ces renseignements nous étaient spécialement utiles. De mon côté, j'étais content de savoir qu'une foule de renseignements étaient réunis en un seul et même endroit et que nous pouvions nous en resservir chez nous, dans notre organisation.

M. Newkirk : Moi, j'ai tout lu. Mon passage préféré est celui où Mark Corey affirme qu'il n'y a rien pour obliger quelqu'un à se concentrer comme de savoir qu'on va comparaître devant un comité du Sénat. Comme je n'occupe mon poste que depuis quelques années seulement et que j'ai déjà travaillé à Pêches et Océans Canada et à Environnement Canada, j'ai aimé le fait que les sénateurs nous obligent, par leurs questions, à douter de nous-mêmes et de nos réponses. Disons que ma courbe d'apprentissage a pris du pic. D'un point de vue personnel, je me sens mieux outillé pour bien faire mon travail. C'est avec beaucoup d'impatience que j'attends les examens de l'Office national de l'énergie et les renseignements que nous pourrons en apprendre.

Le sénateur Frum : Nul besoin de vous dire que c'est le genre de réponse qui nous plaît.

Le sénateur Massicotte : J'essaie de comprendre vos réponses. Vous dites que, malgré ce que nous savons aujourd'hui, vous ne voyez aucun inconvénient à ce qu'on attribue ces permis et ces licences. Pourtant, dans votre témoignage, vous dites aussi que nous avons beaucoup à apprendre des accidents. L'Office national de l'énergie doit se pencher sur la situation. Nous devons nous pencher sur la situation. Peut-être conclurons-nous que certaines choses doivent changer.

Vous avez également répondu à l'une de mes questions que vous espériez que, d'ici trois ou quatre ans, la technologie nous permette de gérer les risques. Bref, vous attendez qu'il se passe quelque chose d'autre.

Vous dites que vous n'avez aucun inconvénient à ce qu'on attribue des permis dès aujourd'hui et que ce sont des risques que nous devons assumer, en tant que pays et en tant que gouvernement, mais vous dites aussi qu'il nous reste encore beaucoup de choses à apprendre et que vous espérez que la technologie sera au point quand les risques se concrétiseront. Comment réconcilier ces deux positions?

M. Borbey : Je répète que la licence dont on parle ici autorise le titulaire à faire de l'exploration et, éventuellement, à forer. Et si le forage présente des avantages certains, il n'est cependant pas obligatoire.

Plus nous investirons dans l'exploration et la recherche scientifique dans l'Arctique et la mer de Beaufort, plus nous en saurons et plus nous serons préparés à ce qui nous attend. La première partie du processus d'attribution des licences se résume essentiellement aux investissements, dans les études scientifiques et l'activité sismique, pour ne nommer que ces deux domaines-là; bref, elle sert à alimenter notre base de connaissances. ArcticNet, par exemple, mène actuellement des travaux de recherche, qui ont débuté l'an dernier et qui se poursuivent cette année. ArcticNet est un consortium d'universités financé par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, mais il possède également le brise-glace de recherche Amundsen, qui naviguera encore cet été dans les eaux de la mer de Beaufort pour faire d'autres recherches. Ces dernières sont financées par l'industrie, et l'argent vient du volet « soumissions par engagements pour des travaux » des licences. Nous en saurons plus dans quelques années.

Est-ce que c'est prudent d'attribuer des licences? Oui, c'est prudent, parce l'activité, l'exploration et la recherche scientifique vont aller en s'intensifiant au cours des prochaines années. Nous savons en outre que certaines mesures de sécurité — je parle bien sûr du processus d'attribution des permis de l'Office national de l'énergie — doivent être respectées avant qu'il puisse y avoir forage. Si l'office n'est pas convaincu que les travaux ne présentent aucun danger, ils n'ont pas lieu.

Le sénateur Massicotte : Parle-t-on d'une licence de forage ou d'une licence de recherche et développement?

M. Borbey : Les deux. Les licences donnent au titulaire le droit d'explorer un territoire et de déterminer s'il renferme des ressources, puis de demander une licence de découverte importante et, à terme, de produire. Sur une période de neuf ans, le titulaire doit faire les recherches, forer un puits s'il veut conserver ses droits et demander une licence de découverte importante.

Le sénateur Massicotte : Je présume que, lorsqu'une entreprise qui reçoit une licence dépense des millions de dollars en recherches, le droit de forer lui est déjà acquis.

M. Newkirk : Non.

Le sénateur Massicotte : Ah non? La licence lui donne uniquement le droit de faire des études?

M. Borbey : Oui; on tombe ici dans la spéculation, évidemment. S'il n'y a pas de ressources ou qu'il est impossible de forer, les sommes investies sont perdues.

Le sénateur Massicotte : Et si le forage est possible, est-ce qu'elle en a le droit?

M. Borbey : Si le forage est possible, l'entreprise peut demander un permis à l'Office national de l'énergie. Elle doit alors se plier au processus d'évaluation environnementale et aux autres procédures d'usage.

Le sénateur Banks : Pour qu'on se comprenne bien : les puits forés en vertu d'un bail n'ont pas besoin d'être des puits producteurs; il peut s'agir de puits de reconnaissance, n'est-ce pas?

M. Borbey : C'est exact.

Le sénateur Dickson : Je vous remercie, messieurs, de votre excellente présentation. Mes inquiétudes sont essentiellement les mêmes que celles des autres sénateurs qui sont intervenus avant moi : l'équilibre entre les risques et les avantages. Selon ce que je comprends maintenant, l'Office national de l'énergie dispose d'un processus d'examen, qui devrait commencer sous peu. Est-ce que l'un d'entre vous pourrait m'expliquer brièvement l'interface qui unit toutes les organisations actives dans le Nord? Car il semblerait qu'il y en a une multitude qui participeront au processus d'examen, et plus particulièrement la vôtre. Si vous préférez répondre par écrit, je n'ai rien contre, mais j'aimerais également savoir si l'Office national de l'énergie entendra aussi des experts-conseils externes et, si oui, quelle proportion des audiences leur sera consacrée. Les risques que présentent les activités des pétrolières dans le Nord seront-ils évalués par une tierce partie?

Ce que je veux dire, c'est que CNN est partout, et que la dernière chose que les membres du comité veulent, c'est que la catastrophe qui s'est produite en Louisiane se reproduise dans le Nord. Nous voulons, une fois que le processus sera terminé, pouvoir affirmer aux gens qui nous regardent aujourd'hui que, si notre système n'est pas le meilleur du monde, il est néanmoins excellent et que les risques ont été réduits au minimum.

M. Borbey : Une fois encore, je dois faire attention à ce que je réponds. C'est l'office qui a la responsabilité du processus, et je crois savoir que le cadre de référence du processus a été communiqué au comité, s'il n'est pas déjà public. Il s'agit d'un document très détaillé, qui définit très précisément la portée de l'étude.

Le sénateur Dickson : En êtes-vous satisfaits? Devrait-elle avoir une plus grande portée?

M. Borbey : D'après ce qu'on en a vu, oui, nous sommes satisfaits. La période durant laquelle les intervenants pourront s'inscrire au processus aura lieu à la fin de la semaine prochaine.

M. Newkirk : Le 16 juillet.

M. Borbey : Nous devons encore déterminer la teneur de notre intervention à titre d'organisme de réglementation et non d'élaboration des politiques. Comme je le disais, c'est l'Office national de l'énergie qui mène le bal.

Oui, nous sommes convaincus que nous allons apprendre des choses et qu'un nouveau régime émergera du processus. Selon nous, le régime actuel est déjà très bon, mais il n'en sera que meilleur. Nous en sommes convaincus.

Le sénateur Dickson : À quels organismes gouvernementaux ou tierces parties recommanderiez-vous d'intervenir? Autrement dit, le MAINC a-t-il tenu des consultations et a-t-il incité qui que ce soit à intervenir?

M. Borbey : Pas directement; l'office a son propre réseau de contacts et il est lui-même actif dans le Nord, alors je n'ai aucun doute que tous ceux que la question est susceptible d'intéresser sauront sa manifester, qu'il s'agisse des organisations autochtones, des gouvernements territoriaux ou des groupes environnementalistes. Je suis convaincu qu'ils seront tous de la partie.

M. Chenier : Pour revenir à ce que nous disions tout à l'heure, nous n'avons pas établi plusieurs processus d'examen : il n'y en a qu'un seul, qui est dirigé par l'Office national de l'énergie. Tous les ministères et les organismes, privés ou publics, le savent. Nous nous attendons à ce que tous les spécialistes qui estiment avoir de quoi à porter à l'attention de l'office se manifestent.

Le sénateur Dickson : Vous avez dit que vous étudiiez les régimes en vigueur sur la côte Est. Croyez-vous, d'après l'étude que vous avez faite de l'Office Canada-Terre-Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, qu'il y aurait lieu de créer un organisme-cadre dans le Nord, comme sur la côte Est, sans nécessairement lui conférer les mêmes pouvoirs?

M. Borbey : On tombe ici dans les considérations stratégiques. Dans les deux cas dont vous parlez, le gouvernement fédéral s'est entendu avec la province concernée. Nous avons un processus d'engagement avec les gouvernements des territoires en ce qui concerne la dévolution des responsabilités, mais pour l'instant, dans deux des trois territoires, c'est encore au gouvernement fédéral que revient l'essentiel de la gestion des ressources naturelles.

C'est différent au Yukon. Les ressources pétrolières et gazières extracôtières du Yukon sont visées par un protocole d'entente qui prévoit que le gouvernement fédéral doit collaborer avec le gouvernement du Yukon. Rien ne nous dit cependant que des ententes du genre ne pourraient pas être conclues aussi sur la côte Est.

Le sénateur Brown : J'aimerais revenir à ce que disait le sénateur avant moi. Beaucoup de ministères et d'organismes ont leur mot à dire dans le processus : Ressources naturelles Canada, l'Office national de l'énergie, l'Office Canada-Terre- Neuve-et-Labrador des hydrocarbures extracôtiers et l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers. Il s'agit de trois organismes indépendants qui relèvent directement du Parlement, et des assemblées législatives provinciales, le cas échéant. Certains comptent neuf membres, d'autres, cinq. S'agit-il de spécialistes du forage pétrolier ou doit-on avoir recours à des spécialistes de l'extérieur? Car si ces organismes ne comptent pas de spécialistes en leurs rangs, ça revient à dire que nous demandons à l'industrie pétrolière elle-même de nous dire ce qui nous attend avec le forage en eau profonde dans tel ou tel secteur. Il me semble que ça me rassurerait un tant soit peu si je savais que nous pouvons compter sur l'opinion de gens qui sont indépendants des grandes pétrolières.

M. Borbey : Je suis désolé, je ne peux pas vous répondre avec certitude, car nous ne participons pas au processus de nomination des membres de l'Office national de l'énergie et des deux autres offices des hydrocarbures extracôtiers. La responsabilité de notre ministre se limite à tout ce qui touche les revendications territoriales dans le Nord. Il doit par exemple recommander au gouverneur en conseil les personnes à nommer aux organismes de réglementation de l'Inuvialuit.

Le sénateur Brown : Vous accordez un bail à une entreprise de forage et lui demandez de faire les recherches pour prouver qu'elle devrait bel et bien forer. Comment savez-vous qu'elle vous dit la vérité? Que tous les points sont couverts? Qu'elle a ce qu'il faut pour mener ses projets à bien? Qu'elle a les moyens d'intervenir en cas d'accident ou de déversement? D'où viennent les données qu'on vous fournit? Est-ce qu'elles viennent de l'entreprise elle-même, ou est- ce que vous avez des gens, chez vous, qui sont là pour poser les bonnes questions?

M. Newkirk : Votre question comporte deux volets. En ce qui concerne notre responsabilité quant à la décision de lancer ou non une demande de désignation pour une zone donnée, je peux vous garantir que mon équipe peut compter sur une très grande expertise. Nous disposons d'un outil web de géocartographie tout ce qu'il y a de plus transparent, qui nous permet de répertorier tous les écosystèmes et les endroits qui ont la moindre valeur. Nous prenons les cartes ainsi générées, nous les validons, puis nous les soumettons aux autres ministères pour qu'ils les valident à leur tour. Par exemple, si on parle d'une zone où il y a des baleines, nous demanderons au ministère des Pêches et des Océans de valider notre carte; ou à Environnement Canada s'il y a des oiseaux. Toutes ces données servent à alimenter notre processus annuel. D'autres organisations non gouvernementales nous disent également ce qu'ils pensent de nos responsabilités concernant l'attribution de baux sur telle ou telle partie du territoire.

Vous vous préoccupez davantage de ce que l'entreprise doit fournir comme données pour qu'elle soit autorisée à forer. Cette partie du processus relève de l'office. L'Office national de l'énergie compte plus de 400 employés techniques. Je ne peux pas vous donner mon opinion pour la simple et bonne raison que je ne connais pas les personnes qui font partie de son conseil d'administration ni leurs antécédents. Je ne doute pas un seul instant que ces renseignements sont publics, mais ça ne change rien au fait qu'il y a deux processus distincts. Notre assurance nous vient de la solidité à toute épreuve du processus initial. En tant que ministère, nous décidons si nous souhaitons que les activités prévues se poursuivent ou non dans telle ou telle zone, qu'elle soit vierge ou pas. C'est pour cette raison que, lorsqu'un autre ministère annonce qu'il a l'intention de faire une aire marine protégée d'une zone donnée, nous la retirons de nos cartes pour les besoins des demandes de désignation.

M. Borbey : Avant de prendre la décision d'ouvrir une zone de l'Arctique qui n'a jamais été le théâtre d'aucune activité d'exploration, nous faisons une évaluation environnementale stratégique — qui consiste en un processus rigoureux auquel participent les intervenants du milieu. Le Groenland, le détroit de Lancaster et la côte Est de l'île de Baffin ont beaucoup retenu notre attention. Cette zone n'est pas ouverte à l'exploration. Et si jamais elle devait l'être, ce serait à cause des résultats de l'évaluation environnementale stratégique.

Le sénateur Brown : J'aimerais revenir à ce qui nous inquiète à propos de BP. Et des autres entreprises par le fait même. Selon ce que j'ai compris, BP a dû descendre à un mile de profondeur avant d'atteindre la surface à forer. À moins que je me trompe grossièrement, on nous a dit qu'un puits était actuellement en forage au large de la côte de Terre-Neuve-et-Labrador. Je crois qu'on parle de 2 600 mètres. Vous nous avez parlé des forages extracôtiers qui avaient lieu au Canada, mais vous ne vous avez pas parlé de ce puits-là. Grosso modo, 2 600 mètres, ça équivaut à 7 800 pieds, ce qui veut dire qu'on doit descendre quasiment 50 p. 100 plus profond avant de commencer à forer. Il me semble que, si le puits est situé plus en profondeur, ce sera encore plus difficile de prévenir un accident. C'est peut-être pour ça que British Petroleum éprouve autant de problèmes, parce que le puits qui fuit est le plus profond de tout le golfe du Mexique. Il y a d'ailleurs eu un autre déversement il y a quelques années, il me semble, et c'était aussi en eau profonde. Personnellement, j'aime mieux qu'on fasse tout pour prévenir les déversements que de tenter de déterminer après coup à qui revient la faute. Je me demandais, lors de notre dernière rencontre, si ces puits en eau profonde n'allaient pas au-delà de la force des produits métallurgiques utilisés pour les forer. Peut-être que l'équipement utilisé ne peut tout simplement pas supporter de telles profondeurs, que la tige n'est pas assez forte pour creuser à un mile de profondeur sans casser. Personnellement, je crois que c'est ce qui est arrivé à BP.

Je demande donc aux gens que je rencontre de vérifier que l'équipement de forage peut bel et bien tenir le coup.

M. Borbey : Je tiens à préciser que, lorsque nous parlons des forages extracôtiers, nous parlons seulement de ceux qui relèvent de nous, c'est-à-dire ceux dans l'Arctique. Nous ne sommes aucunement responsable de ce qui se fait sur la côte Est. Nous gérons les activités qui ont lieu sur les deux territoires auxquels les responsabilités n'ont pas été dévolues ainsi que celles qui ont lieu dans l'Arctique. Et dans les exemples donnés par M. Newkirk, on parle de profondeurs variant de 200 à 1 000 mètres pour les parcelles actuellement explorées. Tout ce qu'on pourra apprendre de l'expérience aura une très grande valeur et nous permettra notamment, comme vous le dites, de déterminer si la technologie résistera aux pressions qu'on trouve à des profondeurs comme celles-là.

Le sénateur Brown : Pardonnez-moi; je croyais qu'on nous avait donné les chiffres pour tous les puits en eau profonde situés dans le Nord du pays.

Le président : Il reste deux derniers intervenants; le sénateur Lang d'abord, puis le sénateur Banks. Je vous demanderais d'être brefs.

Le sénateur Lang : J'aimerais parler d'un autre point soulevé par le témoin. J'aimerais savoir ce qui arrive avec les forages au large du Groenland. Vous avez dit, dans votre exposé préliminaire, que vous aviez votre mot à dire sur le sujet grâce au Conseil de l'Arctique. J'imagine que c'est le cas aussi du Groenland, qui compte deux puits. Pourriez- vous nous dire quelle était l'opinion du Canada et nous dire si le Groenland s'appuie sur le même type de processus réglementaire que nous?

M. Borbey : Mon ministère, l'Office national de l'énergie et le ministère des Affaires étrangères ont discuté de leurs intentions avec le Groenland et le Danemark. Les ministères de l'Environnement se sont même rencontrés à Ilulissat il y a quelques semaines, si ma mémoire est bonne. M. Prentice a pu discuter avec son homologue groenlandais de leurs intentions.

Selon ce que j'en comprends, l'office entend suivre l'évolution des travaux, voir ce qui s'y fait et la manière dont les choses se déroulent. Le Canada et le Groenland ont également conclu une entente d'intervention en cas de déversement d'hydrocarbures, que ce déversement soit lié ou non à l'exploration, laquelle entente entrera en vigueur au moindre incident.

Oui, nous allons apprendre des choses de cette expérience, et j'imagine que l'industrie se montrera intéressée elle aussi, parce que si les résultats sur la côte Ouest du Groenland sont positifs, cela voudra dire qu'il y aura fort probablement des hydrocarbures de l'autre côté de la frontière aussi, c'est-à-dire, comme je le disais, au large de la côte Est de l'île de Baffin. Nous allons suivre la situation de près.

En ce qui concerne le régime réglementaire en vigueur là-bas, je n'ai pas ce renseignement, et je ne sais pas si l'un de mes collègues souhaite commenter.

M. Newkirk : Je dirais simplement que le régime adopté par le Groenland s'inspire grandement de celui du Danemark, dont il relevait encore récemment. C'est un bon système, très bien adapté à la réalité nordique. Selon ce que nous en savons, les autorités ont peu ou prou repris à leur compte les procédures et les usages de la Norvège.

Le sénateur Banks : Monsieur Borbey, vous avez parlé des évaluations environnementales stratégiques, qui ont lieu avant qu'un bail ne soit signé.

M. Borbey : J'ai dit qu'elles avaient lieu avant qu'on ouvre une nouvelle zone à l'exploration.

Le sénateur Banks : Et ces évaluations, est-ce qu'elles sont faites conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale?

M. Newkirk : Malheureusement, le sens du terme « évaluation environnementale stratégique » a beaucoup évolué, et il a...

Le sénateur Banks : Je voudrais savoir de quoi il s'agit.

M. Newkirk : Théoriquement, les ministères ne sont pas tenus de tenir des évaluations environnementales stratégiques avant l'entrée en vigueur des nouvelles politiques, mais disons que le principe est le même. On cherche en fait à évaluer toutes les répercussions environnementales d'une décision avant qu'elle ne soit prise; j'estime donc que ce que nous faisons est plus complet que si nous suivions le processus prévu dans la LCEE.

Le sénateur Banks : Aux termes de la LCEE, en matière de développement des ressources, l'essentiel des évaluations environnementale est pour ainsi dire réalisé par l'entreprise demandeuse elle-même.

M. Newkirk : Non, pas nous.

Le sénateur Banks : Ah non, ce n'est pas ce qui arrive dans le cas des évaluations environnementales stratégiques?

M. Newkirk : Pas dans le cas des évaluations environnementales stratégiques, non.

Le sénateur Banks : Et elles ont lieu avant que vous ne lanciez le processus de demande de désignation, c'est bien ça?

M. Newkirk : Oui. En fait, l'outil dont je parlais... Grâce à nos outils web, nous recueillons systématiquement une grande quantité de données de base sur une zone donnée. Et ce sont ces données qui servent de fondement à nos évaluations environnementales stratégiques.

Le sénateur Banks : Et est-ce que c'est vous qui les réalisez, ces évaluations, ou est-ce que c'est quelqu'un d'autre? Est-ce que c'est vous?

M. Newkirk : Nous retenons généralement les services de spécialistes qui connaissent bien la zone à évaluer, mais le rapport est rédigé à notre intention. L'évaluation est faite au nom du ministère, qui prend une décision en fonction du contenu du rapport.

Le sénateur Banks : Pouvez-vous nous dire d'où proviennent les spécialistes dont vous retenez les services? Des grandes pétrolières?

M. Newkirk : Non. Évidemment, tout ça est hypothétique, car la réponse peut varier selon la région à évaluer, mais la plupart du temps, nous retenons les services de scientifiques qui ne font pas partie de l'industrie. Même s'il faut cependant admettre que c'est justement là que travaillent une bonne partie des meilleurs scientifiques, dans l'industrie. Si on regarde ce qui s'est fait dans le Nord et les deux baux d'importance qui y ont été conclus, des centaines de millions de dollars ont déjà été dépensés, et pas seulement sur les études sismiques, mais aussi sur l'Arctique en général, alors on peut pas ne pas tenir compte de ces données. Nous avons cependant recours à des études validées par les pairs et puisons également dans les connaissances écologiques traditionnelles.

Le sénateur Banks : C'est certain que c'est l'industrie qui est la mieux placée pour bien connaître le forage pétrolier et tout ce qui s'y rapporte, c'est son boulot.

Le président : Comme nous avons fait le tour des intervenants, j'aimerais d'abord vous remercier, messieurs, et mes collègues seront certainement d'accord avec moi pour dire que c'était une bonne idée que d'inviter des représentants du MAINC. Vous avez apporté une dimension intéressante et non négligeable à notre étude.

Sous réserve de ce qui pourrait être décidé plus tard, à huis clos, c'est théoriquement ce qui clôt notre étude spéciale sur la situation des hydrocarbures extracôtiers au Canada. Pour ceux que ça intéresse, et j'ai cru comprendre que nos travaux suscitaient beaucoup d'intérêt, nous avons l'intention de publier un rapport dans les semaines qui suivent. Ce ne sera pas un rapport comme on en voit d'habitude, c'est-à-dire axé sur la formulation de recommandations, mais plutôt une description détaillée de l'état des lieux.

À peu près tout le monde au Canada qui s'intéresse de près ou de loin aux hydrocarbures extracôtiers — le gouvernement, les organismes de réglementation, l'industrie elle-même — s'entend pour dire que nous avons été très chanceux que l'accident de la plateforme Deepwater Horizon ne se soit pas produit ici, pas parce que nous sommes particulièrement vulnérables, mais parce que nous avons encore tant de choses à apprendre de ce qui s'est passé et parce que c'est quelque chose qu'on ne voit même pas tous les cent ans. C'est tout simplement extraordinaire, et nous avons appris que le Canada suit la situation de près, en fait que les experts du Canada et de tous les ministères et organismes concernés se tiennent informés au jour le jour. Le régime de surveillance et de réglementation canadien est scruté à la loupe.

Force est d'admettre que c'est la conséquence positive d'un accident aussi terrible que néfaste et qui a donné lieu à ce qui est désormais considéré comme la pire catastrophe environnementale de l'histoire de l'Amérique du Nord, une catastrophe qui, dans les faits, se répercute sur l'ensemble des Nord-Américains, car n'oublions pas que les oiseaux migrateurs et autres espèces canadiennes sont aussi touchés. Nous voyons les choses évoluer et nous apprenons toutes sortes de choses de l'industrie. Pour les téléspectateurs et pour les citoyens qui nous regardent sur le web, j'espère que le rapport à venir fera avancer un tant soit peu la situation.

Je remercie tous ceux et celles qui ont participé à nos audiences et contribué à nos travaux. Nous vous sommes extrêmement reconnaissants, et c'est l'espoir du Sénat que ce service sera apprécié de la population et constituera le premier d'une série d'études du même acabit.

Sans plus tarder, je vais demander aux membres du comité de demeurer à leur place pour la séance à huis clos.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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