Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 21 - Témoignages du 10 mars 2011
OTTAWA, le jeudi 10 mars 2011
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 10, pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat.
Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour, chers collègues et témoins, mesdames et messieurs qui suivez nos délibérations ici même, sur le réseau CPAC, sur la Toile ou encore sur notre site web, www.canadianenergyfuture.ca. J'ouvre officiellement la réunion du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.
Après la réunion formidable que nous avons eue hier soir avec le nouveau ministre de l'Environnement, nous reprenons l'étude de notre mandat, et plus précisément des questions liées à l'environnement. Nous avons aujourd'hui le plaisir d'accueillir Scott Vaughan, commissaire canadien à l'environnement et au développement durable, ainsi que son collègue, James McKenzie, qui vont nous parler du rapport que le commissaire a déposé en décembre dernier.
M. Vaughan a déjà comparu devant notre comité, tout comme son prédécesseur. Nous sommes heureux d'avoir l'occasion de discuter avec vous.
Le commissaire est venu me voir à mon bureau, à la fin novembre, pour me donner un avant-goût du rapport qu'il allait publier, et que nous avons tous reçu puisqu'il a été déposé au Parlement.
J'avais alors dit à M. Vaughan : « Bien entendu, vous n'allez pas être trop sévère avec le gouvernement. »
Et il m'avait répondu : « Au contraire, le rapport est flatteur pour le gouvernement. »
Deux jours plus tard, je reçois un coup de téléphone.
Je dis : « Comment allez-vous? »
Et on me répond : « Nous ne sommes toujours pas remis des coups que nous a portés ce fin limier de commissaire. »
Après tout, vous faites votre travail, monsieur Vaughan. C'est pour cela que nous sommes heureux de vous accueillir aujourd'hui.
Mon collègue, le sénateur Banks, avait fait venir Johanne Gélinas devant notre comité, et elle nous avait dit que le gouvernement avait tous les outils nécessaires pour remédier aux effets inquiétants des changements climatiques, mais qu'il ne les utilisait pas.
Le sénateur Banks m'avait alors regardé en me disant : « Je sais bien que c'est mon gouvernement, mais nous voulons entendre ce qu'elle a à nous dire. »
Notre objectif est d'essayer de comprendre pourquoi le gouvernement n'utilise pas adéquatement les outils dont il dispose.
Monsieur Vaughan, nous sommes ravis de vous avoir parmi nous ce soir, ainsi que votre collègue. Nous avons entrepris, il y a près de deux ans, une étude importante sur le secteur énergétique, et son interaction avec l'environnement et l'économie. Ce sont, pour ainsi dire, les trois E. Les questions que vous abordez dans votre rapport nous sont toutes familières, mais vous insistez tout particulièrement sur les déversements pétroliers et sur les responsabilités en cas de déversements provenant de navires.
Lorsque nous avons étudié les circonstances de l'accident qui s'est produit dans le golfe du Mexique, nous avons notamment étudié la question des déversements, et cela nous a amenés à rencontrer des organismes de réglementation, histoire de savoir qui était le premier responsable. Nous avons appris que, dans le cas de déversements provenant de navires, les responsables n'étaient pas les mêmes que dans le cas de déversements provenant d'installations pétrolières. Ce n'est pas clair, mais nous aurons plus de précisions là-dessus.
Votre rapport porte également sur la surveillance de la qualité de l'eau et l'adaptation aux changements climatiques, ce qui tombe en plein dans notre mandat.
Je suis le sénateur David Angus, de Montréal, au Québec, et je suis le président du comité. Le sénateur Rose-Marie Losier-Cool va arriver d'un instant à l'autre et représentera le vice-président, Grant Mitchell. Sam Banks et Marc LeBlanc sont des attachés de la Bibliothèque du Parlement. Le sénateur Judith Seidman vient de Montréal, au Québec. Le sénateur Richard Neufeld vient de la Colombie-Britannique, et mon prédécesseur, le sénateur Tommy Banks, vient de l'Alberta. Lynn Gordon est notre greffière. Le sénateur Rob Peterson vient de la Saskatchewan. Le sénateur Dan Lang vient du Yukon, et le sénateur Paul Massicotte vient du Québec.
Maintenant, nous sommes prêts à vous écouter, monsieur Vaughan. Ensuite, nous vous poserons des questions. Monsieur Mackenzie, n'hésitez pas à intervenir quand vous le souhaitez.
Scott Vaughan, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada : Je vous salue, honorables sénateurs, et je vous remercie de nous avoir invités pour discuter de notre rapport de l'automne 2010, qui a été déposé le 7 décembre 2010. Je suis accompagné de James McKenzie, cadre supérieur de mon bureau, et de Bruce Sloan, Andrew Ferguson et Richard Arsenault, entre autres, du Bureau du vérificateur général du Canada.
[Français]
Notre rapport aborde plusieurs sujets, depuis les déversements de pétrole provenant de navires à la surveillance des ressources en eau et aux impacts des changements climatiques. Il souligne des faiblesses communes, des faiblesses qui ne sont pas nouvelles dans la façon dont le gouvernement fédéral gère les enjeux liés à l'environnement, autant un manque de données essentielles qu'une information insuffisante sur les grandes menaces environnementales et un manque de plan pour faire face à ces menaces.
[Traduction]
Le gouvernement s'est engagé plus d'une fois, au fil des années, à assumer le leadership en matière de protection de l'environnement et d'avancement du développement durable. Un leadership soutenu est nécessaire pour s'attaquer à ces enjeux que nous avons signalés à maintes reprises.
Le premier chapitre du rapport examine la mesure dans laquelle le gouvernement est prêt à faire face aux déversements de pétrole provenant des navires. Chaque jour, en moyenne, au moins un déversement de pétrole est signalé à la Garde côtière canadienne. Heureusement, la plupart de ces déversements sont petits.
Cependant, étant donné les constatations de la vérification, je crains que le gouvernement ne soit pas prêt à faire face à un déversement majeur.
[Français]
Nous avons constaté que le plan national de gestion des urgences de la Garde côtière canadienne n'est pas à jour et que celle-ci n'a pas fait d'évaluation complète de sa capacité d'intervention depuis 2000. Transports Canada évalue les organismes d'intervention certifiée du secteur privé pour confirmer qu'ils sont prêts à intervenir en cas de déversement. Il n'existe pas de pratiques équivalentes pour la Garde côtière.
[Traduction]
Nous avons aussi constaté que, faute d'avoir un système fiable pour consigner l'information sur les déversements de pétrole, la Garde côtière n'est pas en mesure de déterminer avec précision combien de déversements se produisent chaque année et quels en sont la taille et les impacts sur l'environnement.
Nous avons relevé plusieurs lacunes inquiétantes, allant d'évaluations de risques incomplètes à des plans d'intervention d'urgence désuets. Ces lacunes doivent être comblées pour que le gouvernement fédéral soit prêt à réagir à tous les déversements de pétrole provenant de navires qui se produisent dans les eaux canadiennes.
Le chapitre 2 se penche sur la façon dont Environnement Canada surveille la qualité et la quantité des ressources en eau douce du Canada, par le biais de programmes de surveillance à long terme. Environnement Canada dirige les programmes fédéraux de surveillance de l'eau depuis 40 ans. Pourtant, il n'a toujours pas fait des choses élémentaires, par exemple, définir ses responsabilités et réagir aux menaces qu'il a reconnues comme pesant sur les ressources en eau du Canada.
Environnement Canada ne surveille pas la qualité de l'eau sur la majorité des terres fédérales, et il ignore si d'autres ministères fédéraux y exercent une surveillance quelconque.
[Français]
Le ministre a reconnu les menaces pour les ressources en eau douce du Canada, mais n'a pas adapté son réseau de surveillance en fonction du développement industriel, des changements climatiques et de la croissance démographique dans certaines régions.
[Traduction]
Environnement Canada devrait évaluer les risques qui menacent les ressources en eau du Canada, de la pollution aux changements climatiques, pour pouvoir reconnaître les menaces les plus urgentes pour les ressources en eau et les impacts possibles sur la santé humaine.
[Français]
Le chapitre 3 présente nos constatations sur le rôle que joue le gouvernement fédéral dans l'adaptation aux impacts des changements climatiques.
[Traduction]
Le gouvernement a reconnu que les impacts des changements climatiques sont inévitables, et qu'ils se produisent déjà. La santé des Canadiens et l'environnement naturel, les collectivités ainsi que l'économie du Canada sont vulnérables aux impacts des changements climatiques. Le gouvernement n'est pas prêt à faire face à ses impacts.
L'absence de stratégie et de plan d'action du gouvernement fédéral a nui aux efforts du ministère pour coordonner les interventions afin de faire face aux effets des changements climatiques. Les ministères que nous avons choisis en vue d'une vérification ont recensé les risques auxquels ils pourraient être exposés en raison des changements climatiques, mais ils ont pris peu de mesures concrètes pour s'adapter aux impacts qui pourraient se concrétiser. L'adaptation aux changements climatiques exige un leadership soutenu, notamment la mise en place d'une stratégie fédérale et d'un plan prévoyant des mesures concrètes tant pour informer les Canadiens sur les impacts des changements climatiques que pour les aider à s'y adapter.
Le dernier chapitre de mon rapport est mon rapport annuel sur les pétitions en matière d'environnement. Le processus de pétition a été établi en 1995 pour fournir aux Canadiens un mécanisme officiel, mais simple, d'exprimer leurs préoccupations environnementales aux ministres fédéraux et d'obtenir une réponse.
[Français]
Nous avons reçu 18 pétitions cette année. Encore une fois, l'incidence des enjeux environnementaux sur la santé est le sujet qui a été le plus souvent soulevé par les pétitionnaires, suivi des substances toxiques, des pêches et de l'eau.
[Traduction]
Monsieur le président, je termine ainsi ma déclaration d'ouverture. Nous serons heureux de répondre aux questions du comité.
Le président : Je vous remercie beaucoup, commissaire. Au moins, avec vous, les choses sont claires.
Je suis désolé que mon collègue, le sénateur Mitchell, ne soit pas ici aujourd'hui, car c'est notre spécialiste à demeure des changements climatiques. Vous ne mâchez pas vos mots. Vous dites clairement que le gouvernement n'est pas prêt à répondre aux risques sanitaires, environnementaux et communautaires qui accompagnent les changements climatiques. Cela fait réfléchir.
Le sénateur Peterson : La première chose qui m'est venue à l'esprit, c'est que si j'étais un élève de cinquième année, je n'oserais pas montrer un bulletin de notes pareil à mes parents.
M. Vaughan : Comme je vous comprends.
Le président : Vous seriez sûr d'être rétrogradé en quatrième année l'année d'après.
Le sénateur Peterson : À la lecture de votre rapport, j'ai l'impression que les ministères qui ont fait l'objet d'une vérification manquent soit d'un plan bien défini soit du financement adéquat, et parfois même des deux. Par contre, ils ont tous répondu à vos recommandations, et se sont engagés à faire des évaluations des risques, à élaborer des règles d'intervention et à établir des procédures pour que les recommandations soient prises en compte par les personnes responsables. Ce sont là de belles paroles, mais je n'ai pas réussi à savoir qui a vraiment la responsabilité de s'assurer que tout cela sera fait. Je n'ai pas vu non plus d'échéanciers ni d'évaluations régulières.
Croyez-vous vraiment que des progrès vont se faire, et quelles recommandations pourrions-nous faire pour y contribuer? Sinon, nous risquons de nous retrouver dans deux ans face à la même situation. Tout le monde se gorge de belles paroles, mais il n'y a aucune évaluation de prévue.
M. Vaughan : Merci, sénateur. Nous prenons soin d'adresser les recommandations que nous faisons dans nos rapports au secteur ou au ministère visé en particulier. Nous n'employions jamais la formule « le gouvernement du Canada devrait... ».
S'agissant du chapitre sur les déversements provenant de navires, nous avons adressé nos recommandations précisément à la Garde côtière canadienne, en lui disant que son plan national d'intervention d'urgence était dépassé de plus de 10 ans, et qu'elle devait l'actualiser, ce qu'elle a accepté de faire.
Et généralement, deux ou trois ans plus tard, nous allons vérifier s'ils ont bien fait ce qu'ils avaient promis de faire. Nous ne le faisons pas dans tous les cas, seulement lorsque la situation nous paraît particulièrement critique, compte tenu des intérêts des parlementaires et de la population canadienne. Si le ministère accepte nos recommandations et s'engage à les appliquer mais que, au final, il ne fait rien, nous disons alors dans notre rapport que la mise en oeuvre des recommandations ne progresse pas de façon satisfaisante.
Il y a quelque chose qui pourrait vous intéresser de façon plus générale. Souvent, quand on leur fournit cette réponse, les comités demandent alors au ministère de leur faire parvenir un plan d'action détaillé. Avec mon rapport, ils ont une réponse claire, provenant d'un niveau plus élevé, et ils sont mieux en mesure de vérifier quelles mesures concrètes ont été prises pour combler les lacunes que nous avons relevées, généralement sur une durée d'un an.
Le sénateur Peterson : Pour ce qui est du contrôle que vous exercez, vous dites que vous faites une deuxième vérification trois ans plus tard pour constater, encore une fois, que rien n'a été fait. Serait-il raisonnable que notre comité recommande que cette vérification se fasse tous les ans plus tôt que tous les trois ans?
M. Vaughan : Nous sommes prêts à faire ce que vous recommandez.
C'est la raison pour laquelle il est important de convoquer ces responsables devant les comités pour leur demander quel est leur plan et quelles mesures concrètes ils ont prises, afin qu'ils puissent rendre des comptes. Je pense que c'est absolument essentiel si l'on veut que les ministères rendent des comptes sur ce qu'ils promettent de faire et sur ce qu'ils font en réalité. S'ils ont reconnu qu'il y avait des lacunes, que font-ils pour les combler?
Le président : Il y a quelque chose qui me tracasse beaucoup depuis longtemps, et j'aimerais bien savoir ce que vous en pensez. Je dois d'abord vous dire que j'ai été spécialiste du droit maritime pendant près de 50 ans, et que j'ai traité beaucoup de dossiers relatifs à des déversements provenant de navires, entre autres. À une époque, la personne morale responsable était Transports Canada. Aujourd'hui, le nombre de ministères gouvernementaux a augmenté de façon incroyable.
J'ai constaté que, lorsque le ministère des Pêches et des Océans, ou MPO, s'est vu confier une partie de la Garde côtière, c'était alors une agence indépendante avec un commissaire de la Garde côtière. Ils formaient une équipe fière et enthousiaste, drapeau au vent, et ils seraient horrifiés d'entendre un responsable dire aujourd'hui qu'il n'est pas prêt à faire face à un déversement de pétrole.
Cela a été une chance pour moi quand on m'a proposé de présider ce comité. C'est un comité qui s'appelle bizarrement « Comité de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles », mais nous transcendons au moins ces deux ministères. En fait, nous avons constaté que pas moins de six ministères s'occupaient des dossiers qui intéressent notre comité. Il y a, par exemple, Affaires indiennes et du Nord Canada, ou AINC, et il y a aussi Environnement Canada et Ressources naturelles Canada.
Je sais que mes collègues sont d'accord avec moi lorsque je dis que l'un des principaux obstacles à la solution des problèmes que vous avez mentionnés ce matin, c'est l'absence d'une direction cohérente, le rejet constant des responsabilités sur les autres : c'est lui qui est responsable, non c'est elle. Nous en avons parlé hier soir avec le ministre de l'Environnement, qui vient tout juste d'accéder à ce portefeuille important, et qui a estimé, pour sa part, que trop de cuisiniers gâtent la sauce.
Qu'en dites-vous? Est-il possible de rendre tout cet appareil un peu plus efficace?
M. Vaughan : Cela fait justement partie des observations que nous faisons au sujet de l'impact des changements climatiques. Nous avons examiné cinq ministères, mais il y en a plus. Et si nous avons mis ce problème en évidence, c'est justement parce que, comme vous l'avez dit, il y a trop de cuisiniers qui ne savent pas ce que les autres font. Il faudrait qu'ils sachent exactement ce qu'ils doivent faire, à quoi correspond leur contribution relative, s'il y a des chevauchements ou au contraire des lacunes, et cetera.
Étant donné que le gouvernement lui-même a reconnu que les changements climatiques allaient avoir un impact sur toutes les régions du pays, sur tous les grands secteurs et sur les collectivités, sans parler de la santé des Canadiens, cela va impliquer un grand nombre de ministères. D'où la nécessité d'avoir un plan coordonné et cohérent.
C'est la même chose pour l'eau douce. C'est l'un des secteurs où les compétences sont partagées. Les provinces ont compétence sur les eaux de surface. Dans le meilleur des mondes, le partage des compétences, c'est-à-dire le partenariat, devrait aboutir à des résultats bien meilleurs. Malheureusement, il y a souvent des dérapages, et à ce moment-là, personne n'est responsable ou en tout cas pas de façon claire.
Enfin, j'ai lu avec beaucoup d'intérêt le rapport de votre comité sur les offices des hydrocarbures extracôtiers. Lorsque Stuart Pinks, de l'Office Canada-Nouvelle-Écosse des hydrocarbures extracôtiers, a comparu devant vous l'an dernier, il a fait remarquer que le dispositif réglementaire fédéral était extrêmement complexe. En ce qui concerne les déversements pétroliers, la responsabilité incombe, comme vous l'avez dit, au ministère des Pêches et Océans, par l'intermédiaire de la Garde côtière canadienne, ainsi qu'à Transports Canada et à Environnement Canada. Il y en avait d'autres aussi — les organismes d'intervention certifiés du secteur privé et AINC au nord du 60e parallèle.
La coordination entre les différents ministères est absolument cruciale. On le constate régulièrement. Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est l'une des raisons pour lesquelles nous avons l'intention d'examiner de très près les rôles et responsabilités d'un grand nombre de ministères et de leur demander : savez-vous ce que vous êtes censés faire et ce que les autres font?
Le président : Je vous remercie de votre franchise.
Le sénateur Banks : Je pourrais vous poser des questions là-dessus pendant des heures car, comme l'a dit le président, c'est toujours le même refrain qu'on entend depuis des années; rien ne change, quel que soit le gouvernement au pouvoir.
Le gouvernement, ce n'est pas la même chose qu'une entreprise. Mais le fond du problème, comme l'a dit le président, c'est le manque de direction. Vous ne pouvez pas diriger quelque chose dont vous ne savez rien.
Dans votre déclaration liminaire d'aujourd'hui, vous avez dit qu'on manquait de données cruciales, et qu'on avait des informations inadéquates dans tous les grands dossiers environnementaux, je dis bien tous. Ce sont pourtant des problèmes qui ont été relevés dans des rapports antérieurs de notre comité, surtout en ce qui concerne l'eau, par exemple.
Que pouvons-nous faire pour avoir l'assurance que nous allons avoir ces informations? Si on n'a pas ces informations, si on ne sait pas ce qu'il faut essayer de mettre en oeuvre ou de corriger, il est impossible de faire quoi que ce soit. Et cela vaut autant pour les gestionnaires que pour leurs subalternes, ceux qui sont en première ligne.
Quelle solution avez-vous à nous recommander?
M. Vaughan : C'est un problème qui me tracasse sérieusement depuis que j'occupe ce poste, c'est-à-dire depuis un peu plus de deux ans et demi. On connaît le vieil adage : on ne peut pas gérer sans mesurer.
Nous avons signalé à maintes reprises que des informations essentielles manquaient dans les systèmes de données, et qu'il fallait donc se demander si le gouvernement du Canada était conscient de l'état de l'environnement canadien dans certains secteurs importants. Vous avez parlé de l'eau. Nous avons justement examiné le genre de données produites par les stations de surveillance afin de vérifier leur fiabilité, mais malheureusement, nous ne savons pas si elles sont fiables.
Je vais laisser M. Mackenzie vous donner plus de détails sur la Garde côtière, dont j'ai parlé dans ma déclaration liminaire, mais quand on n'a pas une idée précise de l'ampleur de ces déversements ou de leur impact sur l'environnement, il est difficile de savoir où on en est exactement et quels plans on devrait mettre en oeuvre.
Avons-nous les équipements appropriés? À quel genre de risques sommes-nous exposés? Voilà le genre de données qu'il faut avoir. Quand on élabore un plan, on a besoin de savoir où on en est, où on veut aller et quels défis on aura à relever en ce qui concerne la qualité de l'environnement. Je vais laisser M. Mackenzie compléter ma réponse, seulement en ce qui concerne les données de la Garde côtière canadienne.
James McKenzie, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : Votre question touche directement, non seulement notre chapitre sur les déversements pétroliers, mais bien d'autres dossiers concernant l'environnement. Pour ce qui est des déversements pétroliers, nous espérons que certaines de nos recommandations retiendront l'attention des responsables et les amèneront à compiler davantage de données fiables.
Par exemple, nous recommandons que des ministères comme Transports Canada et la Garde côtière canadienne, en l'occurrence, fassent régulièrement des évaluations des risques. Je pense que cela les amènera à rechercher des données fiables sur la nature des déversements qui se sont produits, leur nombre et leur gravité. Nous recommandons par ailleurs que les ministères revoient leurs plans d'intervention d'urgence à intervalles réguliers.
Ces deux recommandations, ainsi que la mise en place d'évaluations régulières, devraient amener les ministères à compiler des données plus précises et, partant, plus fiables, plus opportunes et plus accessibles, autrement dit des données qu'on pourra utiliser. Ce qu'il faut, c'est amener les ministères à avoir besoin de données fiables, faute de quoi, les données sont peut-être compilées quelque part, mais personne ne s'en sert. Nous espérons qu'avec notre chapitre sur les déversements pétroliers, nous allons encourager les ministères à compiler des données de meilleure qualité.
Le sénateur Banks : À l'époque du gouvernement Mulroney — qui à bien des égards a été le premier ministre le plus écolo que nous ayons jamais eu —, ils avaient mis en place une sorte de passage obligé au Cabinet, c'est-à-dire que tous les projets de loi et toutes les ébauches de politiques qui lui étaient soumis devaient avoir reçu l'imprimatur du ministre de l'Environnement.
Le gouvernement qui lui a succédé était un gouvernement libéral. M. Dion, qui était alors ministre de l'Environnement, nous avait dit qu'il n'y avait plus ce passage obligé au Cabinet, qui permettait pourtant de faire une vérification supplémentaire de tous les projets de loi et de toutes les ébauches de politique, de sorte que les données étaient connues et que, s'il y avait quelque chose qui clochait à un endroit, cela apparaissait immédiatement ailleurs. Était-ce une bonne idée? Faudrait-il le réinstituer?
M. Vaughan : Tout ce que je peux vous dire, c'est que, dans la Loi fédérale de 2008 sur le développement durable, l'objectif est de protéger l'environnement, certes, mais pas séparément de toutes les autres activités du gouvernement; l'objectif est aussi d'instaurer des couplages entre l'économie et l'environnement, entre la santé des populations et l'environnement, entre la gestion des ressources et l'environnement, sans oublier les politiques sociales.
Cela dit, dans le cadre de cette structure et de cette loi, ils ont mis en place, comme vous dites, un système qui permet de s'assurer que, si ça cloche à un endroit, le dossier est alors confié à un sous-comité du Cabinet, comme l'exige la loi. Je pense qu'en effet, on s'est dit que, pour simplifier le système, il fallait avoir une idée d'ensemble de la situation. C'est pour cela, à mon avis, qu'on a prévu cette structure dans la loi.
Le sénateur Banks : Est-ce que ça marche?
M. Vaughan : C'est une question que nous devrons nous poser. Comme vous le savez, la loi nous confère certaines obligations, et nous n'en sommes que dans la première phase de notre activité. La loi nous oblige à dispenser une première série de conseils et recommandations au gouvernement et au ministre de l'Environnement, ce que nous avons fait en juin de l'an dernier. Nous leur avons fait part de graves préoccupations sur la façon dont les choses se passent, mais nous n'en sommes encore qu'au début. Nous allons voir comment les choses évoluent avant de présenter un rapport au Parlement l'an prochain.
Pour en revenir à votre question, je dirai que, à mon avis, le développement durable passe par la convergence. Autrement dit, il ne faut pas considérer l'environnement comme un secteur isolé, mais plutôt mettre en place des couplages avec d'autres secteurs et d'autres ministères, faute de quoi il est impossible d'avoir des interventions coordonnées. D'après ce qui a été dévoilé en octobre dernier, il y a une liste d'environ 450 programmes ou projets environnementaux qui existent déjà, mais on n'a pas une idée précise des passerelles qui peuvent exister entre les uns et les autres. C'est donc seulement la liste des programmes environnementaux qui existaient avant.
Toute cette question de convergence n'est pas très claire, en tout cas pour ce qui est de la façon dont le gouvernement va pouvoir faire rapport là-dessus. L'une des obligations qui lui sont conférées consiste à accroître sa transparence vis-à- vis du Parlement, mais nous ne savons pas exactement si le système de rapport qui a été mis en place contribuera à augmenter ou à diminuer cette transparence. Nous examinerons la question de près lors d'une vérification, et nous en ferons rapport au Parlement.
Le sénateur Banks : S'agissant des programmes et des politiques de développement durable, chaque ministère est tenu de faire un rapport chaque année. Pouvez-vous me dire si les réponses des ministères et la qualité de leurs réponses se sont améliorées depuis la dernière fois que vous en avez parlé?
M. Vaughan : Les ministères n'ont pas encore présenté leur rapport individuel. Vous avez raison, la loi oblige 30 ministères fédéraux à faire un rapport là-dessus, mais les échéanciers n'ont pas encore été déterminés. Quand ce sera fait, les 30 ministères disposeront d'un certain délai pour préparer leur rapport individuel.
L'une des questions qu'on peut se poser est de savoir si ces rapports seront présentés à part, ou s'ils feront partie d'autres rapports du gouvernement comme les RMR, les Rapports ministériels sur le rendement, ou les RPP, les Rapports sur les plans et des priorités. Car si c'est le cas, je me demande s'ils vont contribuer à accroître la transparence.
Nous allons également voir si ce mécanisme permet d'améliorer l'ancien système. Comme vous le savez, nous reprochions à l'ancien système de n'être qu'une liste de contrôle plutôt qu'un mécanisme proactif d'examen des problèmes sous-jacents du développement durable.
Le président : Vous avez employé le terme de « gestion », ce qui est le terme approprié quand on a une orientation secteur privé. D'une façon générale, peut-on raisonnablement dire que le gestionnaire en chef du gouvernement est le greffier du Conseil privé? Dans l'affirmative, j'aimerais savoir si, dans les différents aspects de votre fonction, vous avez l'occasion de rencontrer le greffier et de lui expliquer la gravité de la situation.
M. Vaughan : Nous cherchons toujours à améliorer les systèmes de gestion. C'est là notre rôle de vérificateur. Il y a des choses qui ne marchent pas, mais quand ça marche bien, nous le signalons également, alors je ne voudrais pas vous donner l'impression que tout va mal. Les fonctionnaires travaillent fort.
Le président : Sans aucun doute.
M. Vaughan : Lorsque le BCP, c'est-à-dire le Bureau du Conseil privé, ou une autre agence centrale, est en cause, mes collègues coordonnent leurs activités avec cet organisme. Avant de présenter un rapport, j'informe généralement le greffier ou le greffier adjoint de l'essentiel de nos conclusions.
Au cours d'une vérification, si le BCP et le Conseil du Trésor sont en cause, ou si nous estimons qu'une agence centrale doit être informée, nous les tenons régulièrement au courant de la situation, en plus des ministères faisant l'objet d'une vérification de notre part.
Le président : Cela me fait penser à une autre question. Mes collègues se souviendront qu'il y a environ un an et demi, le ministre de l'Environnement nous avait soumis cette proposition de développement durable. Le témoin avait aussi reçu la lettre où le ministère donnait un aperçu de ce qu'il allait faire, de son ébauche de stratégie de développement durable, et cetera, et il nous demandait nos commentaires par écrit avant le 31 juillet 2009, ou dans ces eaux-là.
Nous avons travaillé fort. Nous avons coordonné nos réponses avec les vôtres, si vous vous souvenez, et en fait, vous avez pris la peine de nous présenter les vôtres. Mais depuis, que s'est-il passé? Cela a-t-il servi à quelque chose ou avons-nous tout simplement perdu notre temps?
M. Vaughan : C'est une question que vous devriez poser à Environnement Canada. Je sais que le ministère a consacré beaucoup d'énergie à l'organisation de ces consultations publiques. Je crois qu'il a reçu plus de 160 soumissions. Comme vous l'avez dit, cela a amené beaucoup de gens à réfléchir très sérieusement aux attentes du gouvernement fédéral.
Mais je n'ai vu aucun rapport du ministère indiquant : « Voici ce que nous avons reçu, voici ce que nous avons entendu, et voici ce que nous avons fait pour mettre en oeuvre certaines de ces suggestions. » Bien sûr, on ne peut pas mettre en oeuvre toutes les recommandations qui sont faites. Le ministère n'a pas donné suite à toutes nos recommandations, et je ne m'attendais d'ailleurs pas à ce qu'il le fasse.
C'est donc une question que votre comité est tout à fait en droit de se poser.
Le sénateur Lang : J'apprécie beaucoup la franchise des témoins. J'aimerais faire une observation sur la question des déversements pétroliers, dont vous parlez dans votre rapport. Tout cela est inquiétant. D'un côté, je pense qu'il faudrait également vérifier, au niveau de la gestion des risques, quels systèmes nous avons en place pour prévenir un déversement pétrolier, plutôt que de se concentrer uniquement sur l'éventualité d'un déversement pétrolier.
Je crois que, pour transporter du pétrole, il faut avoir un navire à double coque, c'est en tout cas obligatoire sur la côte Ouest, et le sénateur Neufeld me corrigera si je me trompe. Lorsqu'un navire pénètre dans les eaux intérieures, ils envoient à bord un pilote local qui s'assure que le navire arrive à bon port tout en respectant les conditions locales.
Nous avons mis un certain nombre de mécanismes en place qui réduisent pas mal ces risques. Et souvent, le public n'est pas au courant. Très franchement, je ne l'aurais pas été si je n'avais pas été membre du comité et si je n'avais pas lu tous ces documents. Il me semble que nous avons la responsabilité, tout comme votre bureau d'ailleurs, de vérifier que des mesures ont été prises pour réduire les risques de déversement, mais que si un déversement se produit, nous sommes peut-être coupables de négligence dans ces autres domaines. C'est ce que je tenais à dire.
J'aimerais maintenant parler de la question de l'eau douce et de l'obstination du gouvernement fédéral à vouloir empiéter sur les compétences des provinces et sur les responsabilités que leur confère la Constitution. En général, j'estime qu'elles font ce qu'elles sont censées faire, mais je trouve cette situation alarmante, comme beaucoup d'autres personnes d'ailleurs. L'eau douce est une source de préoccupation pour la population en général, et c'est normal, mais ici, à Ottawa, on pense qu'on peut régler tous les problèmes. Je ne suis pas nécessairement de cet avis, car, très franchement, ceux qui consomment l'eau au niveau local sont certainement plus inquiets que vous et moi, ici à Ottawa.
Le président a parlé tout à l'heure de la gestion et de la coordination des ministères. C'est vrai, c'est une lacune qui va falloir combler. Il faut aussi que les provinces coordonnent leurs programmes et qu'elles s'acquittent de leurs responsabilités.
Il a aussi été question des sables bitumineux, et du contrôle inadéquat des ressources aquatiques de cette région. J'ai lu pas mal de documents sur les sables bitumineux, et il est clair que la province surveille la qualité des eaux en question depuis de nombreuses années. Nous n'avons aucune raison de penser qu'elle ne fait pas tout ce qu'elle peut, et nous n'avons aucune raison de penser que le gouvernement fédéral ferait nécessairement mieux.
Il faut savoir qu'un grand nombre d'informations qui sont communiquées au public par ceux qui critiquent le système ne sont pas nécessairement exactes, et que ce sont souvent des informations à moitié scientifiques ou pas scientifiques du tout.
Cela m'amène à une autre question. Votre organisme a-t-il envisagé de recommander au gouvernement fédéral de mettre en oeuvre un mécanisme qui permettrait au public ou à la communauté scientifique de faire évaluer les mérites scientifiques de tout document dénonçant le non-respect de tel ou tel paramètre?
A l'heure actuelle, dès qu'un rapport est préparé par quelqu'un qui a le moindre diplôme universitaire, par exemple, un baccalauréat en sciences, alors ça devient parole d'évangile. Il se peut que ça le soit, mais il me semble qu'il faudrait instaurer un mécanisme selon lequel les pairs pourraient évaluer ce genre de rapport, pour que, finalement, on sache si les hypothèses qui sont retenues ont une valeur scientifique ou pas. Qu'en pensez-vous?
M. Vaughan : Je vais demander à mon collègue, M. Ferguson, de répondre à votre question sur l'eau douce.
Auparavant, je vais répondre à votre dernière question et en profiter pour vous faire une petite annonce. Nous sommes en train de faire une vérification, que nous présenterons à l'automne prochain, sur le rôle de la science, ce qui répond exactement votre question. Autrement dit, nous sommes en train de voir si le gouvernement fédéral s'est doté des systèmes adéquats pour assurer la qualité de ces travaux scientifiques, pour faire évaluer ces travaux par des pairs.
Cela nous amène à nous poser des questions cruciales sur le processus décisionnel : les décisions sont-elles fondées sur des preuves, que fait-on quand il y a des zones d'incertitude, ce qui est fréquent, comme on le sait, dans le domaine de l'environnement, car on ne peut pas tout savoir sur tout. Nous sommes donc en plein milieu de ce travail, et si nous l'avons entrepris, c'est précisément parce que nous nous posions les mêmes questions que vous.
Pour revenir à la question précédente, au sujet des données environnementales et des mécanismes de surveillance, je peux vous dire que nous sommes en train de préparer un autre rapport pour l'automne, qui portera précisément sur tous les grands systèmes de compilation de données et de surveillance que le gouvernement fédéral a mis en place dans le secteur de l'environnement, afin de voir s'il y a des chevauchements, et de faire des comparaisons avec des systèmes internationaux de compilation de données environnementales. Les deux ensemble vont nous permettre de répondre à votre question, à savoir quelle est la valeur des données qu'on nous communique et qu'est-ce que la communauté scientifique fait de ces données. Je suis absolument d'accord avec vous.
Si nous ne mettons pas carrément toutes les données sur la table, ce sera un dialogue de sourds. Quand on parle d'environnement, c'est toujours politiquement délicat.
En ce qui concerne l'eau douce, je suis absolument d'accord avec vous, il s'agit d'une compétence partagée, où les provinces jouent un rôle important. C'est ce que prévoit la Constitution, et c'est ainsi que fonctionne notre fédération. Le gouvernement fédéral a la responsabilité exclusive des terres fédérales, et à ce niveau, il y a de graves lacunes.
Pour 3 000 réserves des Premières nations, on dénombre 12 stations de surveillance de la qualité de l'eau. C'est absolument insuffisant, surtout quand on voit tous les problèmes de santé et de mauvaise qualité de l'eau qui se posent dans ces réserves depuis de nombreuses années.
Le président : Andrew Ferguson est directeur principal au Bureau du vérificateur général du Canada. Monsieur Ferguson, vous avez la parole.
Andrew Ferguson, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada : En ce qui concerne la surveillance de la qualité de l'eau, les responsabilités des provinces et du gouvernement fédéral sont bizarrement définies. Nous avons examiné les secteurs qui relèvent de la compétence fédérale pour tirer nos conclusions. La plupart des gens reconnaissent, non seulement ceux qui ont participé à l'étude mais aussi ceux qui y sont étrangers, que le réseau fédéral d'installations de surveillance de la qualité de l'eau ne permet au gouvernement ni de s'acquitter de ses engagements dans le domaine, ni de compiler et diffuser des informations sur la qualité de l'eau et sur la santé des écosystèmes aquatiques. Dans sa propre analyse interne, le ministère indique qu'il lui faudrait entre deux et huit fois plus d'installations de surveillance de la qualité de l'eau pour être en mesure d'assurer une surveillance adéquate des ressources aquatiques qui relèvent de la compétence fédérale.
Le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces rend la collaboration indispensable. Cela dit, même dans les secteurs de compétence fédérale, nous constatons à l'évidence, et nous ne sommes pas les seuls, que ce qui se fait depuis 20 ou 25 ans n'est pas adéquat.
En ce qui concerne la surveillance de la qualité de l'eau, le gouvernement consacre plus des deux tiers de son budget à la surveillance à long terme. C'est le secteur de dépenses le plus important, et ce n'est pas adéquat.
Le sénateur Lang : C'est toujours inadéquat, même si cette somme a été doublée au cours des dernières années? Nous sommes passés de 20 à 35 ou 40 millions de dollars.
M. Ferguson : Nous avons calculé que cette somme représentait moins de 1 p. 100 du budget du ministère. Il faudrait que je vérifie pour vous donner le chiffre exact.
M. Vaughan : Sénateur, je suppose que vous allez me demander combien il en faudrait, mais ce n'est pas à nous de vous le dire. M. Ferguson vous a fait remarquer que même le ministère reconnaît qu'il lui en faudrait au moins deux fois plus. Il existe aujourd'hui des normes internationales qui ont été établies par l'Organisation mondiale de la météorologie, l'OMM, sur le nombre d'installations à fournir selon la densité géographique. Il s'agit là de recommandations auxquelles le Canada a été partie. Nous avons proposé que le gouvernement applique ces normes au Canada pour calculer le nombre d'installations qu'il faut, et là où il les faut. Cette recommandation a été acceptée.
Dans quelques années, nous pourrons lui poser la question suivante : « Avez-vous tenu parole? »
En ce qui concerne les sables bitumineux, nous allons déposer un rapport le 12 mai, conformément à la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, qui va porter sur la responsabilité qu'a le gouvernement fédéral d'évaluer les effets cumulatifs et les problèmes de surveillance de la qualité. Nous prenons en compte un rapport de la Société royale du Canada, publié l'an dernier, et un rapport d'Elizabeth Dowdeswell auquel le gouvernement devrait, me dit-on, répondre sans doute la semaine prochaine.
C'est un dossier extrêmement complexe. Nous avons constaté qu'il y a une station de surveillance de la qualité de l'eau à 150 km en aval des sables bitumineux. Nous n'avons pas examiné certains des éléments qu'Environnement Canada considérait comme un risque éventuel. En 2001, le ministère avait dit que les polluants toxiques provenant des sables bitumineux pourraient représenter un risque. Il avait donc identifié ce risque, mais depuis, il n'a pratiquement rien fait. Nous avons donc entrepris un examen plus global de la question que vous posez au sujet des sables bitumineux.
Le sénateur Lang : Pour la préparation de ce rapport, votre bureau a-t-il des rencontres en face à face avec des représentants de la province, afin que la main gauche sache ce que fait la main droite?
M. Vaughan : Oui. Je suis moi-même allé dans la région des sables bitumineux trois fois au cours des 18 derniers mois. Nous avons rencontré des fonctionnaires du ministère albertain de l'Environnement lors de chacune de nos visites, ainsi que des représentants de l'industrie, de la société de développement des sables bitumineux en la personne du président, et du Bureau du vérificateur général de l'Alberta. Notre mandat consiste à examiner les responsabilités fédérales dans ce contexte. Cela nous a bien sûr amenés à observer attentivement ce que font les autres parties, même si nous ne sommes pas habilités à faire un rapport là-dessus.
Le sénateur Lang : Il faut faire la distinction entre les responsabilités du fédéral et celles de la province.
M. Vaughan : Il y a une multitude d'acteurs et d'intervenants, dans les ministères et ailleurs, qui travaillent sur les mêmes dossiers. Lorsqu'une agence fédérale conclut un partenariat avec un homologue provincial, a-t-elle une idée de ce que son homologue provincial fait exactement? Ce partenariat est-il conforme aux responsabilités fédérales? Idéalement, il faudrait pouvoir collaborer avec les provinces lorsqu'il y a des conflits de juridiction. Avec Terre-Neuve et la Nouvelle-Écosse, ça pourrait être dans un autre domaine. Toutefois, la question que nous posons toujours est la suivante : savez-vous ce que fait votre partenaire? Êtes-vous sûr que ce partenariat est conforme à vos obligations juridiques en tant qu'entité fédérale?
M. Ferguson : Le rapport de Mme Dowdeswell conclut en disant que les approches multilatérales qu'on adopte actuellement souffrent de l'absence d'un leadership clairement défini, reconnu et accepté. Il manque également une vue d'ensemble, des objectifs bien précis et des processus décisionnels statistiquement prouvés.
Elle conclut en disant que ce genre de relation ne conduit pas à une approche cohérente en matière de surveillance de la qualité de l'eau.
Le président : Sénateur Lang, vous ne semblez pas satisfait. Avez-vous terminé?
Le sénateur Lang : Oui.
M. Vaughan : Dans le rapport, nous saluons les mesures de prévention qui ont été prises. Depuis janvier 2010, tous les pétroliers de plus de 5 000 tonnes doivent avoir une double coque. Quand on actualise les évaluations de risque, on se rend compte que les risques n'augmentent pas tous systématiquement. Nous reconnaissons qu'il y a aujourd'hui de meilleurs systèmes de navigation, de meilleurs systèmes GPS, et de meilleurs pilotes.
M. McKenzie : La prévention est la clé. Dans l'introduction de notre rapport, nous replaçons dans son contexte la gestion des déversements chimiques et pétroliers provenant de navires. Cela comprend la prévention, la détection, la planification des interventions et les interventions elles-mêmes. Il est évident que la prévention joue un rôle clé, et, à cet égard, les pétroliers à double coque et le pilotage en sont deux aspects fondamentaux, tout comme l'inspection des navires. Transports Canada gère un programme d'inspection des navires afin de vérifier que les bâtiments nationaux et étrangers sont conformes aux normes et aux règlements.
Il faut aussi parler des services de météorologie et de cartographie hydrographique. D'aucuns remettent en question l'adéquation de ces services dans l'Arctique. Cela dit, le gouvernement fédéral a annoncé de nouveaux financements pour l'amélioration des services météorologiques et pour les services de cartographie hydrographique dans le Nord, et c'est important.
S'agissant de la détection, nous parlons dans notre rapport du Programme national de surveillance aérienne, de Transports Canada. C'est un programme important, non seulement parce qu'il permet de détecter des déversements pétroliers, mais aussi parce qu'il a un effet dissuasif. Sous cet angle-là, on peut dire que c'est un moyen de prévention important.
Les aéronefs de Transport Canada ont été utilisés l'an dernier lors du déversement pétrolier dans le golfe du Mexique, et les technologies dont ils sont équipés sont reconnues comme étant très sophistiquées. Ce sont donc là des éléments importants de la prévention et de la détection.
En conclusion, l'évaluation des risques dépend des mesures de prévention qui ont été mises en place, comme l'a dit M. Vaughan. Comme nous le faisons remarquer dans notre chapitre, il est important d'évaluer les risques à intervalles réguliers afin de voir comment ils évoluent, notamment suite à l'introduction de mesures de prévention, lesquelles peuvent alors avoir une incidence sur l'évaluation du risque en tant que tel et sur la planification des mesures d'urgence et d'intervention.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie d'être parmi nous. À la lecture de votre rapport, on se dit que le nombre de choses qui restent en suspens est presque scandaleux. Le problème existe depuis quelques décennies et il n'est toujours pas réglé. On se rappellera l'époque du rapport d'Exxon Valdez, il y a de cela 20 ans, concernant les déversements de produits chimiques. J'essaie de comprendre ce qui se passe.
Votre rapport est quand même très sévère. Il a été bien rapporté. Pourtant, la population canadienne ne semble pas scandalisée. Il n'y a pas de réaction majeure. Les gens se disent qu'il ne s'agit là que d'un autre rapport d'un vérificateur qui cherche la perfection et que la perfection n'existe pas. On le lit et quelques heures plus tard, on l'oublie parce qu'on sait qu'il est facile de trouver le coupable après le fait. Et aujourd'hui avec les déversements dans le golfe du Mexique, les gens sont plus sensibles.
Votre rapport dit clairement que ce risque existe. J'essaie de comprendre pourquoi la population ne crie pas au scandale. Oui, le ministre, comme le gouvernement, dira être en accord avec le rapport. Cela fait 20 ans qu'ils sont en accord avec le rapport. Mais un an, deux ans passent, et très peu est fait. J'essaie de mettre tout cela en perspective. Pourquoi la population canadienne n'est-elle pas heurtée?
M. Vaughan : C'est une question très intéressante. Nous avons noté dans la perspective de ce chapitre que ces problèmes ne sont pas nouveaux. Ils existent depuis plus de 20 ans. Il y a des lacunes dans le système, par exemple pour répondre aux impacts de changements climatiques dans les systèmes des déversements de pétrole. Aucun système n'existe présentement pour répondre aux déversements des substances nocives ou toxiques. Des recommandations existent depuis les années 1980. Je ne sais pas exactement pourquoi le public ne s'y intéresse pas. C'est probablement une question pour les politiques. Nous avons examiné le système de gestion du gouvernement du Canada et nous avons donné notre perspective et nos constatations au Parlement.
La question concernant la réaction du public devrait être posée aux médias, aux journalistes. J'ai noté qu'il y a beaucoup d'intérêt au Québec, de la part des médias, des questions environnementales. On peut voir chaque jour dans les journaux au Québec ce qui se passe dans le fleuve Saint-Laurent, les impacts des changements climatiques dans cette province. Je suis originaire de la Nouvelle-Écosse. Si vous demandez à la population de la Nouvelle-Écosse si elle est préoccupée par les impacts des changements climatiques au bord de la mer de la Nouvelle-Écosse, 80 p. 100 vous diront être très préoccupés par la situation. Les problèmes que nous avons notés sont sérieux et nous avons fait des recommandations parce que nous pensons qu'il y a des solutions pour combler ces lacunes.
Le sénateur Massicotte : Je suis certain qu'il y a des solutions. La Garde côtière a déjà répondu qu'il s'agissait d'un manque de fonds. Tout le monde va se lancer la balle. On commence déjà à répondre à votre rapport. J'espère bien qu'on trouvera des solutions. Le risque est majeur. La perfection n'existe pas, mais il faudrait au moins s'engager à trouver une solution. J'espère que l'intérêt du public est sincère ; même si je n'en suis pas certain. Les sondages démontrent un grand intérêt pour l'environnement. Mais lorsqu'on parle des coûts qui y sont rattachés et d'une contribution financière des particuliers, l'intérêt diminue. J'espère qu'on y arrivera.
M. Vaughan : Bien sûr qu'il y a toujours des préoccupations concernant les ressources. La qualité des données par exemple n'est pas un problème qui demande beaucoup de ressources ; c'est un problème de pratique de gestion. Les lacunes notées dans les données de la Garde côtière canadienne relèvent d'un problème de pratique de gestion. C'est la raison pour laquelle nous avons fait des recommandations pour améliorer la qualité des données.
[Traduction]
Le président : Pour paraphraser votre question, sénateur Massicotte, je dirai : qu'est-ce que c'est que ce foutoir? Ce serait bien de poser la question.
Le sénateur Seidman : Merci, messieurs. Avec le temps qu'il fait, ce n'est pas l'idéal de devoir venir ici à une heure aussi matinale, et nous vous en sommes d'autant plus reconnaissants.
Je constate que votre rapport a été présenté à l'automne 2010. Pendant quelle période avez-vous compilé des données pour rédiger ce rapport?
M. Vaughan : Depuis quatre ou cinq ans. Je vais demander à M. McKenzie et à M. Ferguson de vous donner des précisions, mais en général, c'est de 2005 à 2010 ou de 2006 à 2010, autrement dit une période de quatre ou cinq ans.
C'est bien cela?
M. McKenzie : Oui.
Le sénateur Seidman : Je comprends. Depuis quelques années, surtout depuis le déversement dans le golfe l'an dernier, on accorde beaucoup plus d'attention à ce genre de choses.
Quel genre de réponses avez-vous eues de la part des ministères depuis que vous avez déposé votre rapport? Vous dites des choses inquiétantes, qui ont de quoi alarmer les Canadiens, et cela nous intéresse directement.
J'aimerais aussi savoir quelle réponse vous avez eue du gouvernement, et quel système de suivi vous utilisez.
M. Vaughan : Merci. Je vais demander à mes collègues de vous répondre rapidement. Je suis désolé si nos réponses ont été trop longues.
Ma réponse nous ramène à une question antérieure. Notre objectif est de faire des recommandations détaillées et de rencontrer les ministères pendant la préparation de ces recommandations. Ils peuvent les accepter ou pas. Dans le cas de ce rapport, ils ont accepté chacune de nos recommandations, qui sont très détaillées, comme je l'ai dit.
Nous faisons des recommandations générales, du style « améliorez vos systèmes de gestion », « mettez à jour vos données », « actualisez vos plans », « repérez les lacunes » ou encore « renseignez-vous sur ce que font les autres ». Les recommandations sont très précises. Ils ont répondu qu'ils les acceptaient et qu'ils allaient les mettre en oeuvre.
Pour en revenir à une question antérieure, je dirai que notre système interne de suivi consiste à remonter deux ou trois ans en arrière pour voir si le ministère a fait ce qu'il s'était engagé à faire. Cela dit, il y a d'autres systèmes, comme les services de vérification internes des ministères. J'ai rencontré les sous-ministres, et je peux vous dire que leurs responsables de la reddition de comptes prennent cela très au sérieux. On a dit tout à l'heure que ce qui retenait l'attention des sous-ministres et du greffier retenait l'attention du système dans son ensemble. Ensuite, nous vérifions si les engagements ont été tenus.
Le sénateur Seidman : Au moins c'est une chose positive. J'essaie justement de voir ce qu'il y a de positif dans votre rapport, car vous avez bien dit que, parmi tous les commentaires négatifs, il y en a qui sont positifs.
Le fait qu'on ait une approche adéquate et systématique pour examiner toutes ces questions et ensuite pour en assurer le suivi est déjà quelque chose de positif.
M. Vaughan : Oui.
Pour vous donner un autre exemple, nous avons dit tout à l'heure, en réponse à une question d'un sénateur, que les systèmes de prévention et de détection étaient adéquats. Comme l'a dit M. McKenzie, les trois aéronefs de Transports Canada ont à leur bord des équipements à infrarouges, et ce sont les meilleurs au monde. C'est la raison pour laquelle la Garde côtière américaine nous a demandé de lui prêter main forte lors de la catastrophe du golfe du Mexique.
Bien sûr qu'il y a de bonnes choses, le tableau n'est pas tout noir. De notre point de vue, nous estimons que les systèmes sont là et qu'ils ont besoin d'être améliorés, mais vous avez déjà quelque chose au départ, ce n'est pas comme si vous démarriez à zéro.
Le sénateur Seidman : La tragédie du golfe du Mexique nous a enseigné un certain nombre de choses. Cela a été une terrible catastrophe, mais certainement très riche en enseignements. J'oserai même dire qu'elle a révélé des lacunes dans la science et la R-D, la recherche et le développement, qui sont liées à toutes ces questions, ainsi que de réels problèmes au niveau de ce qu'on peut appeler « les systèmes de commandement et de contrôle ».
Votre rapport indique bien — et le sénateur Angus en a parlé, tout comme un certain nombre de mes collègues — que plusieurs ministères sont impliqués dans ces dossiers, et que l'important, c'est de déterminer qui est censé chapeauter toutes les interventions en cas de catastrophe.
Par exemple, vous avez dit que Transports Canada, la Garde côtière canadienne et Environnement Canada avaient tous un rôle à jouer en matière de prévention, qu'il s'agisse des programmes qu'ils administrent actuellement ou de la supervision des interventions en cas de catastrophe. Pouvez-vous nous donner des précisions?
M. Vaughan : Je vais demander à M. McKenzie de vous donner plus de détails. Je voudrais toutefois vous dire, comme nous l'indiquons dans le rapport, que, vu le nombre élevé d'intervenants, il est important de faire des tests en situation réelle. En effet, un plan peut paraître infaillible sur le papier, mais quand il y a autant d'intervenants en jeu — le secteur privé joue un rôle très important en vertu du principe pollueur/payeur —, il est important de voir comment les choses fonctionnent dans la réalité en procédant à des exercices de simulation.
Nous avons constaté que cela ne se faisait pas assez régulièrement. Les ministères ont accepté cette recommandation, car même si on espère que tout ira pour le mieux, il faut aussi planifier pour le pire. C'est sans doute l'une des leçons qu'on peut tirer de l'accident du golfe du Mexique.
M. McKenzie : J'ajouterai, en ce qui concerne la réponse que nous avons eue du gouvernement et des ministères avec lesquels nous avons travaillé, qu'ils prennent les choses très au sérieux. Ils reconnaissent qu'il y a du travail à faire et qu'il y a des choses à améliorer.
Nous sommes raisonnablement optimistes et nous pensons que les ministères — et l'agence, dans le cas de la Garde côtière canadienne — sont dans la voie du progrès. Ils se rendent compte qu'il y a des lacunes à combler.
Ils y ont affecté davantage de personnel, notamment à l'administration centrale, et c'est ce qui compte. En cas de déversement important, la fonction commandement et contrôle est importante, comme vous l'avez fait remarquer. Au Canada, c'est la Garde côtière canadienne — notamment son administration centrale — qui a dans ce cas un rôle important à jouer. Je crois qu'elle en est consciente.
Je dois dire que la Garde côtière reconnaissait qu'il y avait des choses à améliorer avant la tragédie du golfe du Mexique. Elle en était parfaitement consciente, et je pense qu'elle a décidé qu'il était temps d'agir.
Le sénateur Seidman : Parfait. J'aimerais maintenant passer à un autre gros problème, la surveillance des ressources aquatiques, et les données scientifiques dont nous disposons, ce dont parlait tout à l'heure le sénateur Lang.
Premièrement, vous dites que la surveillance des ressources aquatiques n'est pas adéquate. Que voulez-vous dire exactement? Je constate que nous avons un programme de surveillance de la qualité de l'eau douce, qui relève de la direction des sciences et de la technologie d'Environnement Canada.
Je voudrais donc savoir ce que vous voulez dire par « pas adéquate ». Ensuite, j'aimerais que vous me disiez s'il y a des systèmes en place qui permettent d'obtenir des données scientifiques fiables. Cette science existe-t-elle? Peut-on s'inspirer de pratiques exemplaires ou de normes internationales?
Pour ce qui est de la compilation des données, avons-nous un système qui produit des données cohérentes, fiables et comparables? Au fond, c'est cela le problème. On peut compiler toutes les données qu'on veut, mais il faut s'assurer qu'elles sont cohérentes, fiables et comparables. La terminologie est-elle bien définie dans tout le système pour que tout le monde comprenne quel genre de données vous compilez?
M. Vaughan : Je vais demander à M. Ferguson de vous répondre.
M. Ferguson : Par « adéquat » nous entendons tout système capable de mettre en oeuvre le mandat ou les objectifs stratégiques du programme. Par exemple, le programme de surveillance de la qualité de l'eau a pour objectif de favoriser une meilleure compréhension des impacts et des risques des activités humaines sur la qualité de l'eau et sur la santé des écosystèmes aquatiques.
Nous essayons donc de voir si les réseaux, les systèmes et les données permettent de s'acquitter de ce mandat qui est, je le répète, une meilleure compréhension des impacts et des risques des activités humaines sur la qualité de l'eau et sur la santé des écosystèmes systèmes aquatiques. Quand nous disons que ce n'est pas adéquat, cela signifie que cela ne permet pas d'atteindre l'objectif fixé.
Le sénateur Seidman : C'est une tâche considérable. Il faudrait pouvoir mesurer tout cela. Pour compiler des données, il faut pouvoir mesurer ce qui...
M. Ferguson : C'est vrai, et c'est ce qu'une bonne gestion permet de faire. C'est le ministère qui a l'expertise nécessaire pour déterminer, dans chaque région du pays, quels paramètres il doit surveiller pour s'acquitter de son mandat, et ensuite, il doit surveiller que ces paramètres sont bien respectés.
Le sénateur Seidman : Toutes ces réponses sont très utiles et très concises. Je vous en remercie.
M. Vaughan : Sénateur, en réponse à l'autre question que vous avez posée, je dirai qu'il existe des normes internationales, comme le nombre de stations selon la densité géographique, géomorphologique en fait. Ainsi, le nombre de stations dans les Prairies ne doit pas être le même que dans les régions montagneuses. C'est l'OMM qui les a établies. Nous avons proposé que, étant donné que le Canada avait joué un rôle de chef de file dans l'élaboration de ces normes internationales, il convenait que nous les appliquions dans notre propre pays. Cela nous permettra de déterminer combien de stations de ce genre il nous faut au Canada.
Pour ce qui est de la comparabilité des données, je suis absolument d'accord avec vous. Par exemple, le dossier des sables bitumineux relève de toutes sortes de juridictions, et Mme Dowdeswell le montre bien dans son rapport de décembre. Il existe 20 000 stations ou activités de surveillance de la qualité de l'eau dans cette région, mais il n'y a aucune interface entre elles car les données ne sont pas comparables. Les paramètres, les données temporelles et les échelles de grandeur sont en effet différents. Pour toutes ces raisons, Mme Dowdeswell conclut qu'il y a beaucoup d'activités, mais qu'il n'y a pas de système.
Le problème de la comparabilité des données peut être résolu. Ce n'est pas impossible, et cela ne nécessite pas des ressources considérables. Nous attendons avec impatience la réponse du gouvernement. Je pense que nous allons faire rapidement des progrès à ce niveau-là.
Le sénateur Seidman : En ce qui concerne la recherche scientifique, vous avez dit que vous étiez en train de constituer une réserve, en quelque sorte, ce que je trouve très intéressant.
M. Vaughan : Non, ce n'est pas cela. Dans le rapport que nous allons présenter à l'automne, nous examinons le rôle de la science environnementale au gouvernement fédéral, notamment en ce qui concerne le processus décisionnel et l'importance des décisions fondées sur des preuves. Combien de preuves faut-il? Quel est le degré d'incertitude? Quel est le rôle du principe de précaution? Ce sont des questions qui touchent le coeur même des activités du ministère et de son processus décisionnel.
Nous n'examinons pas la décision en soi, car notre système est fondé sur la discrétion ministérielle. Dans chaque ministère, des centaines de millions de dollars sont consacrés chaque année à des recherches scientifiques sur l'environnement, mais en a-t-on vraiment pour notre argent?
Le sénateur Seidman : Merci.
Le sénateur Neufeld : Merci de comparaître devant notre comité. Avant de faire un commentaire, j'aimerais vous poser une question. Dans les rapports, on indique qu'il y a eu à peu près 4 160 déversements de pétrole ou de produits chimiques entre 2007 et 2009, ce qui est un nombre très élevé. Comment définit-on un déversement? Un litre, un demi- litre, une pinte? À partir de quel moment y a-t-il déversement, et comment le déversement est-il signalé? Par la personne qui l'a provoqué?
Supposons qu'un bateau de plaisance, un bateau de pêche ou même une barge ait un accident. Le propriétaire est-il obligé de le signaler? Pensez-vous que tous ces incidents vous sont signalés, ou bien que certaines personnes se disent : « Personne ne m'a vu, alors tout va bien »?
M. Vaughan : Je vais demander à M. Mackenzie de vous donner des détails. Mais pour répondre à votre question, c'est oui, tous les types de déversement, quelle que soit leur ampleur, qu'ils proviennent de petits bateaux de plaisance ou de superpétroliers, doivent être signalés à la Garde côtière canadienne par celui qui en est à l'origine. Voilà pour la première partie de ma réponse.
Nous n'avons pas calculé ce chiffre nous-mêmes, nous l'avons demandé à la Garde côtière. Nous avons été surpris de constater au cours de nos recherches — et je pense l'avoir indiqué dans ma déclaration liminaire — que la Garde côtière n'avait pas de données adéquates sur le nombre, l'ampleur et l'impact environnemental des déversements qui se sont produits. Croyez-moi, nous n'employons pas ces mots dans un rapport sans avoir de solides preuves à l'appui.
Le problème de la qualité des données rejoint donc celui du nombre de déversements qui se sont produits.
M. McKenzie : L'ampleur des déversements varie, et, dans certains cas, il ne s'agit peut-être même pas d'un déversement. Lorsqu'un déversement est signalé, il se peut qu'il y ait une enquête qui détermine que ce n'était pas vraiment un déversement. Nous le disons dans ce chapitre. Il peut donc s'agir de déversements mineurs.
Nous avons justement constaté qu'en ce qui concerne l'ampleur du déversement, il y avait des erreurs au niveau de l'entrée des données compilées par la Garde côtière. Je sais que la Garde côtière prend des mesures à ce sujet, afin d'accroître la fiabilité de ces informations. Il est important qu'on se pose des questions sur l'ampleur de ces déversements : s'agit-il de déversements mineurs? S'agit-il de déversements tout à fait négligeables? Plus nous aurons de données fiables là-dessus, plus nous serons en mesure de déterminer l'ampleur de ces déversements. Voilà pour un aspect de la question.
En ce qui concerne maintenant la nature des bâtiments, il peut s'agir aussi bien de petits bateaux de plaisance que de porte-conteneurs, en passant par les bateaux-remorqueurs et les barges de mer. Les déversements peuvent provenir de toutes sortes de bâtiments.
Ils sont tantôt signalés par le propriétaire, tantôt par de simples citoyens qui observent un déversement dans un port, par exemple, ou encore par le Programme national de surveillance aérienne. Ils peuvent aussi être signalés par les ministères provinciaux, par la Défense nationale ou par d'autres organisations.
Il y a toutes sortes de façons d'aller chercher ce genre d'informations, et il est de l'intérêt non seulement de la Garde côtière mais de toutes les parties prenantes de mieux comprendre toute la question.
Le sénateur Neufeld : Vous êtes en train de me dire que vous ignorez l'ampleur et le lieu de la plupart de ces déversements. Vous ignorez dans quel plan d'eau ils se sont produits, et s'il s'agissait de déversements mineurs ou majeurs, de quelques gouttes de pétrole ou de barils entiers?
Quand les gens voient ces chiffres, ils se demandent vraiment si nous ne sommes pas en train de polluer le monde entier. Si vous perdez 10 cents, ce n'est pas du tout pareil que si vous perdez 1 000 $. C'est ce que je veux dire.
Quand ces chiffres apparaissent dans le rapport du vérificateur — même si ce sont les chiffres qui ont été rapportés par la Garde côtière et que le vérificateur s'est contenté de les reprendre —, cela signifie-t-il que vous ne les vérifiez pas, que vous n'avez pas les moyens de le faire ou que cela nécessiterait trop de temps ou trop d'argent?
Il faut que nous apportions des améliorations aux systèmes. Je veux parler aussi bien des vérifications, qui devrait être conçues différemment, que des informations que vous y consignez, qui devraient être beaucoup plus complètes et exactes. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Vaughan : Quand nous citons des chiffres dans un rapport, nous en avons préalablement vérifié la véracité au degré de certitude qu'exige toute vérification, et qui est sans doute le degré le plus élevé possible. Nous ne reproduisons dans notre rapport aucun chiffre que nous n'ayons pas vérifié une fois, deux fois et même trois fois.
Si nous avons signalé de graves lacunes quant à la qualité des données, c'est parce que les responsables auraient dû avoir ces données, et que nous avons dû passer beaucoup de temps à vérifier et à contre-vérifier ces données. Nous avions une personne qui était chargée de dépouiller tous les dossiers pour essayer d'en extraire le chiffre que nous indiquons et qui est en fait le chiffre le plus exact qu'on puisse avoir.
Mais vous avez raison de dire que c'est à la Garde côtière et aux autres ministères de prendre les mesures nécessaires pour avoir les informations dont ils ont besoin pour planifier leurs activités. Vous avez aussi raison de faire remarquer que la plupart de ces déversements sont mineurs, car c'est la réalité.
Nous ne voulons pas être indûment alarmistes. La question principale que nous nous sommes posée était la suivante : le système est-il en mesure de faire face à une catastrophe importante? Notre réponse est non, pas seulement à cause de l'insuffisance des données, mais pour toutes sortes d'autres raisons que nous exposons dans le chapitre.
Le sénateur Neufeld : Puisque vous dites que vous avez vérifié et contre-vérifié les chiffres qu'on vous a donnés, comme celui de 4 160, pourriez-vous nous dire quelle était l'ampleur de chacun de ces déversements et le lieu où ils se sont produits? Avez-vous ces informations à l'appui de vos affirmations?
M. McKenzie : Nous avons tenu compte de l'ampleur du déversement avant de citer ce chiffre dans le rapport.
Il y a deux caractéristiques à mesurer. La première est l'évaluation de la quantité de liquide réellement déversé, et la deuxième, une estimation de la quantité de liquide qui aurait pu être déversée, c'est-à-dire qui se trouve peut-être encore dans la soute du bateau mais qui ne s'est pas encore déversée. C'est donc une estimation potentielle.
Nous avons examiné ces données, et c'est là que nous avons constaté des erreurs au niveau de l'entrée des données. Finalement, nous avons préféré ne pas les inclure dans notre rapport, car même en ajoutant une mise en garde, elles ne nous paraissaient pas assez fiables pour pouvoir être incluses dans notre rapport. Je dois dire toutefois que la Garde côtière est tout à fait consciente de ce problème et qu'elle va s'efforcer d'améliorer les données sur le nombre et l'ampleur des déversements.
Le sénateur Neufeld : J'aimerais maintenant revenir sur la question posée par le sénateur Massicotte. J'entendais déjà, quand j'occupais d'autres fonctions, et je continue d'entendre aujourd'hui que nous sommes vraiment nuls au Canada, que notre système de production d'électricité est épouvantable, que nous devons passer à l'énergie éolienne et à toutes ces nouvelles formes d'énergie, et cetera. Or, nous sommes l'un des meilleurs pays au monde. Soixante-quinze pour cent de notre électricité provient de sources énergétiques propres. Ces mêmes gens nous comparent à des pays qui tirent 40 p. 100 de leur électricité du charbon. Nous nous en sortons donc bien, et même très bien. Sommes-nous parfaits? Non. Serons-nous parfaits un jour? J'en doute. Mais je pense que nous passons beaucoup trop de temps, non seulement vous, messieurs, mais tout l'appareil politique, à essayer de blâmer les autres.
Comme l'a fait remarquer le sénateur Banks, peu importe le gouvernement qui est au pouvoir, il se trouve que certaines choses n'avancent pas, et nous ne savons pas vraiment pourquoi. Bref, j'essaye de vanter un peu les mérites du Canada et des Canadiens, car nous ne le faisons pas assez.
Je vais maintenant passer à votre rapport et en citer certains extraits. Dans le paragraphe intitulé « Point de vue du commissaire », vous commencez par parler de « lacunes communes ». Il n'y a pas un mot sur ce que nous faisons bien, comme lorsque la Garde côtière américaine a eu besoin de nos avions. Vous commencez donc par parler de « lacunes communes », et à la troisième ligne, vous dites que « les mesures prises manquent généralement de précision et de coordination ». C'est vraiment le coup de massue. Je ne dis pas que nous sommes parfaits, ne vous méprenez pas.
Je passe au chapitre suivant : les déversements de pétrole provenant de navires. Vous commencez le deuxième paragraphe en citant ce fameux chiffre de « 4 160 ». Encore une fois, vous ne soufflez mot de la demande d'aide que les Américains nous ont adressée, puisque nous avons d'excellents systèmes au Canada et que nous sommes capables de faire de la surveillance.
Si le public lisait ce rapport, qu'en conclurait-il?
Au chapitre 3, vous dites que « le gouvernement n'a pas établi de priorités claires pour répondre au besoin de s'adapter aux changements climatiques ». Celui qui lit cette première phrase est bien obligé de s'alarmer face à l'inertie du gouvernement.
Le chapitre de la surveillance des ressources en eau en est un autre exemple. Je n'ai pas eu le temps de le lire entièrement ce matin, mais au troisième paragraphe, vous rapportez tout ce qui va mal.
Et la liste continue.
Que va penser celui qui lit un rapport pareil? Que nous sommes vraiment nuls, quel que soit le gouvernement au pouvoir, d'ailleurs, puisque vous dites que tous les gouvernements ne se sont guère souciés de l'environnement.
J'habite dans le Nord de la Colombie-Britannique, où la plupart des gens travaillent dans le secteur du pétrole et du gaz naturel. Il n'y en a pas un qui se lève le matin et qui se dit : « Je vais me rendre au travail, et la première chose que je vais essayer de faire, c'est polluer l'environnement. » Je ne pense pas que tous ces gens-là travaillent pour des entreprises dont l'objectif soit de polluer davantage.
Je sais par expérience qu'elles ont accompli beaucoup de choses. Sont-elles parfaites? Non. Y a-t-il place à l'amélioration? Certainement. Mais quand allons-nous commencer à parler de nos réalisations positives, afin que les pays étrangers cessent de nous critiquer lors des rencontres internationales, car c'est ce qu'ils font? Quand on sait que nous ne contribuons que pour 1 ou 2 p. 100 au problème des changements climatiques...
J'ai peut-être parlé pendant trop longtemps, et je vous prie de m'en excuser, monsieur le président. Mais quand allons-nous commencer à parler de ce que nous avons accompli tout en proposant certaines améliorations?
M. Vaughan : Merci, sénateur. J'accepte votre point de vue.
Premièrement, chaque fois que nous constatons qu'un programme fonctionne bien, nous sautons de joie et nous ne manquons pas de le signaler au Parlement; nous l'avons déjà fait dans le passé. Par exemple, nous avons dit que l'inventaire d'Environnement Canada sur la surveillance de la qualité de l'air était un modèle qui devrait être utilisé dans le monde entier. Nous l'avons dit en 2009. Nous avons dit aussi que le système d'eau potable du Canada et les lignes directrices de Santé Canada s'étaient considérablement améliorés, et nous l'avons mentionné dans notre rapport au Parlement.
Quand nous disons que les problèmes se succèdent les uns après les autres, nous ne le disons pas par rapport à ce que nous voudrions qui se fasse, mais plutôt, en tant que vérificateurs, par rapport à ce que le gouvernement s'est lui-même engagé à faire. Autrement dit, notre conclusion ne reflète nullement un décalage par rapport à nos aspirations personnelles ou par rapport à d'autres normes. C'est ce que le gouvernement du Canada s'est publiquement engagé à faire dans ce domaine.
À partir de cet engagement exprimé publiquement, nous nous employons à déterminer si le gouvernement l'a respecté. Dans la négative, nous essayons de déterminer s'il y a des variantes, et nous ne signalons que les variantes importantes qui existent entre l'objectif fixé et ce qui a été accompli. Nous ne portons pas de jugement sur la politique elle-même, car c'est votre rôle, mais nous portons un jugement sur le système de gestion. C'est de cette façon que nous pouvons expliquer l'écart qui existe entre l'objectif fixé et le résultat obtenu, notre principe étant l'optimisation des deniers publics.
Mais je suis tout à fait d'accord avec vous : quand ça marche bien, nous sommes les premiers à le reconnaître, en termes non équivoques. Cela dit, la Loi sur le vérificateur général nous confère la responsabilité de soumettre au Parlement les principales constatations que nous faisons à partir de nos analyses. Libre ensuite aux parlementaires de les interpréter comme ils le veulent.
Je comprends votre point de vue, et nous aurions pu formuler les choses différemment. Mais il n'en reste pas moins que ce sont les messages que nous voulions communiquer.
Le sénateur Neufeld : Dans vos principales constatations, vous auriez dû aussi parler des choses qui marchent bien. Je dois dire que vous parlez de tous ces gens qui font un excellent travail, et je suis d'accord avec vous. J'ai entièrement confiance dans la fonction publique. Ce sont des gens qui sont consciencieux et qui font du bon travail.
Si on met toujours en exergue ce qui ne marche pas et qu'on ne parle pas de ce qui marche bien, ces gens-là vont finir par s'écoeurer au bout de 20 ou 30 ans et se demander à quoi servent tous leurs efforts, puisque les vérificateurs ne parlent que de ce qui ne va pas.
Je vois que le président me montre du doigt, alors je vais m'arrêter là.
Le président : Je ne vous montrais pas du tout du doigt, je vous applaudissais intérieurement. Nous apprécions les messages que nous envoie le commissaire à propos des problèmes qui pourraient être facilement résolus mais qui ne le sont pas, alors que l'argent et les moyens sont là. D'un autre côté, je comprends que vous ayez une autre perspective.
Monsieur le commissaire, le comité m'a autorisé à assister à la conférence sur le climat à Copenhague, en décembre 2009, juste avant Noël. Je dois vous dire que cela a été la semaine la plus éprouvante que j'ai jamais vécue, et je le dis en toute sincérité. Le temps n'était pas tout à fait de la partie, mais avec en plus les autres événements qui se sont produits, cela a vraiment été un cocktail explosif.
J'aime passionnément le Canada, vraiment. Mais pendant sept jours consécutifs, je n'ai entendu là-bas que des choses épouvantables sur le Canada, que nous étions les plus gros pollueurs de la planète. « Soyez au rendez-vous à 16 heures pour apprendre que le Canada va être désigné ``fossile colossal'' de l'année. » Cela a été très déprimant car nous n'avons rien fait pour nous défendre.
Vous ne mâchez pas vos mots dans votre rapport. J'ai vu le sénateur Dickson hocher la tête en lisant ce que vous dites à la page 3 et que j'ai cité tout à l'heure, que nous ne faisons rien pour nous adapter aux changements climatiques. En fait, nous avons discuté hier soir avec le ministre de l'Environnement pendant trois heures et demie, et je peux vous dire qu'il y a beaucoup de choses qui se font.
Je pense que c'est ce que vous vouliez dire, n'est-ce pas, sénateur Neufeld? Vous avez très bien exprimé votre point de vue. Si j'ai fait un signe, c'était un signe approbateur.
Le sénateur Peterson : J'aimerais qu'on remette ces 4 160 déversements dans leur contexte. De ce nombre, combien y a-t-il eu de déversements importants, où les pollueurs ont enfreint les règlements en vigueur et où des mesures ont été prises à leur encontre, par opposition au nombre de déversements mineurs?
M. McKenzie : C'est justement l'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés. La Garde côtière a plusieurs catégories, à commencer par le niveau 1, où il ne s'est pratiquement rien passé mais où il a quand même fallu vérifier que rien ne s'était passé, jusqu'au niveau 5, où on a affaire à un incident international, qui nécessite la collaboration de plusieurs États, y compris le Canada. La majorité des déversements appartiennent aux niveaux 1 et 2, ce qui signifie que ce sont des déversements mineurs.
L'un des problèmes auxquels nous nous sommes heurtés se situe au niveau de la qualité. Pendant la vérification, nous avons constaté que la classification de certains déversements avait été modifiée. Dans certains cas, un déversement était passé du niveau 3, qui exigeait un certain type d'intervention, au niveau 2, qui exigeait simplement une enquête, mais pas d'intervention et pas de déploiement de ressources.
Nous ne sommes pas en mesure de vous donner une réponse définitive. Je pense toutefois pouvoir vous dire que, d'après les informations que nous avons eues, la majorité des déversements étaient des déversements mineurs. Cela ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu de déversements plus importants.
Le sénateur Massicotte : Quand vous dites majorité, c'est 51 p. 100 ou 99 p. 100?
M. McKenzie : Je dirai les trois quarts.
Le sénateur Peterson : Dans ce cas-là, il faudrait préciser dans le rapport que la plupart de ces déversements sont mineurs.
M. Vaughan : Mais nous l'avons dit. Pour illustrer ce que disait M. McKenzie tout à l'heure, je vais vous donner l'exemple suivant. Pendant que nous faisions cette vérification et que nous rassemblions toutes les données, la Garde côtière a déclassé certains déversements du niveau 3 au niveau 2. Elle nous a ensuite indiqué ce qu'elle estimait être le nombre total de déversements, y compris de déversements importants. Puis elle nous a dit qu'elle avait fait une erreur, et que l'un d'entre eux — de 5 000 ou 6 000 tonnes — n'était qu'un exercice de simulation et pas un vrai déversement. Et pourtant, il faisait partie du chiffre initial.
Cela nous ramène à ce que disait M. McKenzie tout à l'heure. Si nous avions eu des preuves suffisantes pour pouvoir dire au Parlement qu'il y a eu tant de déversements mineurs et tant de déversements majeurs, nous l'aurions fait. Mais nous avons estimé que nous ne pouvions pas, et vous non plus par conséquent, nous fier à d'autres chiffres que le chiffre global.
La recommandation que nous avons faite à la Garde côtière est d'établir une nette distinction entre les différents niveaux de déversements, afin qu'elle sache s'il s'agit d'un déversement mineur ou d'un déversement de niveau 3 ou de niveau 4.
Le sénateur Lang : Dans le cas d'un déversement important, des poursuites doivent être intentées. Nous avons sûrement des statistiques sur le nombre de poursuites qui ont été intentées sur ces 4 000 incidents? Avez-vous ces renseignements?
M. McKenzie : Nous n'avons pas fait de recherches de ce côté-là, nous avons plutôt tenu compte des interventions.
Le sénateur Neufeld : Dans votre rapport sur les 4 160 déversements de pétrole, de produits chimiques et d'autres polluants, vous dites, à la page 1 :
... ont été signalés à la Garde côtière canadienne. Environ 2 000 de ces incidents impliquaient des navires de divers types, allant de bateaux de plaisance et de pêche aux barges, navires de charge et pétroliers.
Vous ne dites nulle part qu'un grand nombre d'entre eux impliquent de petits bâtiments. On pense plutôt à des gros pétroliers. Si vous avez ces informations, pourquoi ne pas les indiquer ici? Si, dans 75 à 80 p. 100 des cas, il s'agit d'un déversement d'une demi-pinte, vous devriez le préciser. Sinon, le lecteur s'imagine que les 4 160 déversements étaient des déversements majeurs.
M. Vaughan : Nous l'avons précisé, et je vais vous trouver la phrase exacte. L'incidence environnementale d'un déversement n'est pas toujours proportionnelle à la quantité de liquide déversé. Ce que nous disons s'applique autant à un déversement de pétrole qu'à un déversement de substances toxiques, et pour les substances toxiques, il suffit parfois d'une seule goutte. De plus, au large de la côte Est, une très petite quantité de pétrole peut avoir un impact très grave sur les oiseaux de mer.
Le sénateur Neufeld : Je vous le concède.
M. Vaughan : La Garde côtière signale un certain nombre de déversements chaque année, et nous avons voulu vérifier l'exactitude et la fiabilité de la procédure suivie. Supposons que vous dirigiez un service communautaire de lutte contre les incendies. À la fin de l'année, vous annoncez qu'il y a eu 300 incendies, mais que vous n'êtes pas tout à fait sûrs, que cela peut être 250, et que vous ne savez pas exactement s'il s'agissait de feux de cuisine ou d'incendies qui ont ravagé quatre ou cinq étages. Pourtant, c'est une distinction importante, parce qu'à la fin de l'année, vous avez besoin de savoir si vous devez acheter des échelles plus hautes ou des camions différents. C'est pour cela qu'il est indispensable d'avoir des données solides, pour pouvoir faire les ajustements nécessaires en fonction des risques.
Sénateur, je ferai parvenir au comité une ventilation de ce chiffre total, en fonction des niveaux de gravité que la Garde côtière utilise. D'ailleurs, la Garde côtière pourrait peut-être vous donner des explications sur ces chiffres et sur le niveau de gravité, car nous, nous ne faisons que vérifier les systèmes.
Le président : Le sénateur Fred Dickson vient de Truro, en Nouvelle-Écosse. Il est bien placé pour surveiller les déversements de pétrole à partir de la fenêtre de son salon.
Le sénateur Dickson : Si je faisais l'objet de poursuites judiciaires, je demanderais au sénateur Neufeld d'être mon avocat, sans la moindre hésitation.
Comme M. Vaughan et moi-même venons tous les deux des Maritimes, je dois me porter à sa défense. Il occupe un poste que je ne lui envie pas, mais il fait un travail extraordinaire. Depuis que je fais partie de ce comité, c'est vraiment la première fois que nous avons une discussion aussi approfondie sur l'environnement.
J'aimerais savoir ce que vous pensez des activités de forage et d'exploration qui ont eu lieu à Terre-Neuve et en Nouvelle-Écosse. Y a-t-il eu des déversements importants, ou ne s'agissait-il que de quelques gouttes?
M. Vaughan : Notre vérification n'a pas porté là-dessus, seulement sur les déversements provenant de navires. Il y a un mois, nous avons eu des échanges de lettres et plusieurs réunions avec le bureau de la Nouvelle-Écosse et celui de Terre-Neuve. Nous sommes convenus que nous ferions une vérification des deux bureaux cette année. Ils n'ont jamais fait l'objet d'une vérification, ni par un vérificateur général fédéral, ni par un vérificateur provincial.
Le sénateur Dickson : J'aimerais maintenant vous poser une question au sujet de la fluoruration de l'eau. On en parle beaucoup en Nouvelle-Écosse, surtout dans la région de Cap Breton. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, sinon, avez-vous l'intention de l'examiner?
M. Vaughan : Non, nous n'avons pas étudié la question dans le cadre de notre rapport. Par contre, nous avons fait un rapport sur l'eau potable en 2009, dont je peux vous faire parvenir une copie. Nous disons dans ce rapport que le système fonctionne bien, et que Santé Canada, après avoir actualisé ses lignes directrices en matière de fluoruration de l'eau potable, s'assure que tout est conforme aux normes internationales. Ce ministère s'acquitte bien de cette responsabilité, et je vous ferai volontiers parvenir des informations à ce sujet.
Le président : Je vous prie de les envoyer à Mme Gordon, notre greffière.
Le sénateur Dickson : Est-ce vraiment à vous de le faire? Il me semble que c'est plutôt aux autres ministères du gouvernement de communiquer des messages positifs sur les réalisations du Canada? Cela m'amène à la question que je voudrais vous poser au sujet du chapitre 4, sur les pétitions en matière d'environnement. Je reconnais que ma première question ne relève pas de votre mandat, d'une certaine façon. J'essaie de vous aider.
Le président : Je crois qu'il est tout à fait capable de se défendre tout seul.
Le sénateur Dickson : Je ne voudrais surtout pas que vous vous fassiez enterrer vif par notre comité.
M. Vaughan : Nous nous concentrons sur les programmes importants, mais nous n'avons pas d'idées préconçues à leur sujet. Nous comparons tout simplement les objectifs que le gouvernement a attribués à ces programmes et aux systèmes de gestion mis en place, et nous tirons des conclusions sur leur bon fonctionnement ou non. C'est notre rôle.
Ce n'est pas à nous de décider s'il s'agit de bonnes nouvelles ou de mauvaises nouvelles. Nous faisons attention à ce que nous disons, et nous ne nous mêlons pas de politique. C'est ensuite au Parlement et aux Canadiens de décider.
Ceux qui travaillent pour la fonction publique canadienne sont des professionnels dévoués, travailleurs et extrêmement compétents. Notre rôle est de les aider. Les systèmes de gestion qui ont été mis en place n'ont pas pour objectif de compliquer la vie des gens. Comme l'a dit Franklin Delano Roosevelt, « donnez-nous les outils et nous ferons le travail ». Nous espérons que nos vérifications servent à cela. Lorsque nous identifions un problème, nous espérons qu'il sera réglé et que les professionnels de la fonction publique seront ensuite mieux en mesure de faire leur travail. Les employés de la Garde côtière n'interviennent pas quand il fait beau. C'est dans des situations d'urgence qu'on fait appel à eux, pour répondre aux besoins des Canadiens et pour protéger notre environnement.
Je n'insisterai jamais assez sur le dévouement de ceux qui travaillent dans ces ministères du gouvernement fédéral.
Le sénateur Dickson : Pourriez-vous nous donner des précisions sur le passif éventuel du gouvernement fédéral? Quand vous parlez de risques environnementaux pour le gouvernement fédéral, vous faites le plus souvent référence à des travaux de remise en l'état, mais ce n'est pas vraiment cela, c'est plutôt un manque de fonds. Autrement dit, on demande à l'organisation de gérer le risque, mais le passif éventuel est gigantesque.
M. Vaughan : Nous examinons en effet les passifs environnementaux pour les 12 mois à venir. Il y a bien sûr ce que le gouvernement a déjà dans ses livres, mais le plus difficile est de déterminer ce qui pourrait être un passif éventuel. Vous avez raison.
D'abord, il faut déterminer ses responsabilités réelles et ses responsabilités éventuelles. Dans le cas de déversements provenant de bateaux, par exemple, c'est d'abord le secteur privé qui est responsable, en vertu du principe du pollueur payeur. Comme nous l'avons vu dans le cadre du golfe du Mexique, lorsqu'un grave accident se produit, c'est souvent le gouvernement qui se retrouve avec la facture. Ensuite, tout dépend des poursuites qui sont intentées.
Au nord du 60e parallèle, c'est le secteur privé. La Garde côtière est le premier intervenant; c'est elle qui est responsable, y compris des coûts de nettoyage éventuel. Le Conseil de l'Arctique a déclaré en 2009 qu'un déversement dans l'Arctique aurait des conséquences catastrophiques.
Le sénateur Dickson : À propos de pollution, je voudrais revenir en Nouvelle-Écosse et parler des poursuites collectives qui ont été intentées dans le cas de l'aciérie. Le gouvernement fédéral est-il partie à ces poursuites collectives?
M. Vaughan : Je crois que oui.
Le sénateur Dickson : C'est ce que j'avais cru comprendre aussi. Cela me ramène aux questions de santé. Comme vous le savez, c'est dans la région de Sydney, au cap Breton, qu'on enregistre le taux le plus élevé de cancers. Y a-t-il d'autres exemples de cette ampleur au Canada, où le gouvernement fédéral doit se défendre contre des poursuites collectives?
M. Vaughan : Je n'ai pas d'exemple en tête. Cela dit, il faut se garder de faire le moindre commentaire quand une affaire est devant les tribunaux. Même si j'avais un exemple en tête, je pense qu'il serait inapproprié de ma part de faire une comparaison. J'en resterai donc là, si vous le permettez.
Le président : Quand vous allez faire votre étude sur les indemnisations et le passif éventuel, je ne sais pas si vous allez inclure le secteur nucléaire, mais je l'espère, car le Canada est à la traîne des autres membres de l'OCDE, l'Organisation de coopération et de développement économiques, en matière de responsabilité nucléaire. Il existe une loi quelque part, mais nous ne semblons pas faire beaucoup de progrès, d'après ce que j'ai lu. J'aimerais bien savoir ce que vous en pensez.
Je ne vous ai pas encore présenté le sénateur Bert Brown, sénateur élu de l'Alberta. Dans la ferme où il habite, il a du pétrole et du gaz naturel littéralement devant sa fenêtre, par conséquent il s'y connaît sur la question.
Le sénateur Brown : Je vous prie de m'excuser d'être arrivé en retard. J'ai attendu un taxi pendant 35 minutes, avant de décider finalement de venir à pied. Ce n'était pas très agréable non plus.
J'aimerais savoir si vous avez suivi de près le dossier depuis que le puits a été scellé, dans le golfe du Mexique. Comment la situation évolue-t-elle là-bas? J'ai lu plusieurs documents publiés par des sociétés pétrolières, ainsi que des articles des magazines Time et Maclean's. Ils ont apparemment découvert que certaines bactéries, au fond de la mer, là où le déversement s'est produit, absorbent littéralement le pétrole. C'est vraiment impressionnant.
Je sais que ça se fait déjà dans le cas de sols contaminés par des produits pétroliers, à l'occasion d'une fuite dans une station-service, par exemple. Ils entassent le sol contaminé et ils y injectent des bactéries qui le nettoient complètement. Je ne savais pas qu'on pouvait en faire autant dans l'océan. Avez-vous lu des études là-dessus?
M. Vaughan : En préparation à notre réunion d'aujourd'hui, j'ai lu, hier, le rapport final, publié en janvier, de la commission américaine chargée d'enquêter sur l'explosion de la plate-forme Deepwater Horizon. C'est le rapport le plus récent et le plus complet que j'ai lu sur le sujet, et je vous recommande d'en prendre connaissance, si vous ne l'avez déjà fait.
Dans ce rapport, ils examinent les conséquences à long terme de ce déversement pétrolier, l'utilité des agents dispersants et l'efficacité des barrières de confinement. Le rapport ne fait pas mention de ces bactéries, et je vais demander à M. Mackenzie s'il en sait davantage sur la question.
M. McKenzie : Au Canada, le dossier des agents dispersants ou agents de traitement relève d'Environnement Canada, dans son application de la Loi sur les pêches et de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le ministère est en train de revoir les lignes directrices qu'il applique dans l'ensemble du Canada en ce qui concerne ces agents dispersants, afin de s'assurer que leur utilisation est uniforme.
Pour ce qui est de ces bactéries, j'ai entendu dire que, dans certains déversements, les bactéries ont joué un rôle, notamment dans le golfe du Mexique. Je ne sais pas si c'est particulier au golfe, vu son climat et sa géographie — la température de l'eau, entre autres — et si ce genre de bactérie pourrait exister dans notre environnement, par exemple, au large de la côte Est, de la côte Ouest ou dans l'Arctique. C'est quelque chose qu'il va falloir examiner de façon plus approfondie pour voir si c'est vraiment efficace.
J'ai entendu dire qu'on utilisait cette bactérie pour remettre en l'état des sites contaminés, et c'est certainement une option à envisager.
Le sénateur Brown : Je me souviens d'avoir été alarmé par certains rapports qui présageaient de terribles conséquences lorsque l'accident s'est produit, notamment qu'il n'y aurait plus de crustacés et de poissons dans le golfe du Mexique pendant des décennies. Aujourd'hui, ils vendent déjà des produits de cette région.
J'ai entendu dire que ces bactéries n'avaient pas été injectées dans le fond marin, qu'elles sont apparues spontanément. Cela m'intrigue. Si vous trouvez quoi que ce soit là-dessus, ce sera intéressant d'en parler dans le rapport.
Le sénateur Banks : Comme mes collègues ont fait beaucoup de remarques aujourd'hui, je vais en faire une aussi avant de poser ma question.
Le président : Vous êtes bien placé pour le faire.
Le sénateur Banks : Lorsque M. Vaughan et ses collègues, de même que ses prédécesseurs et Sheila Fraser elle-même, font des commentaires de ce genre, cela ne plaît pas à certains d'entre nous, qui s'en offusquent parfois. Je voudrais simplement rappeler que le bureau de M. Vaughan n'est pas une organisation environnementaliste, ce ne sont pas des écolos. Ils ne portent pas de jugement sur la politique, ils ne recommandent pas une politique, et ils ne font même pas de commentaires sur la politique.
Les critères à partir desquels le Bureau du vérificateur général fait ses évaluations sont les objectifs déclarés du gouvernement, ainsi que les politiques et les systèmes mis en oeuvre pour les atteindre.
M. Vaughan l'a clairement dit aujourd'hui, mais je pense qu'il était bon de le rappeler. Son équipe évalue si le gouvernement, quel qu'il soit, a atteint ses propres objectifs et si le système qu'il a mis en place lui permet de faire ce qu'il s'est engagé à faire.
Le vérificateur général ne fait pas de commentaires sur le bien-fondé des politiques qui sont à l'origine de ces systèmes. Il ne faut pas oublier à qui nous nous adressons ici, et le cadre dans lequel les témoins font leurs analyses.
Deuxièmement, le sénateur Lang a fait remarquer que les provinces faisaient du mieux qu'elles pouvaient. Je viens de l'Alberta, et je peux vous dire que cette province ne fait pas du mieux qu'elle peut. Le sénateur Seidman m'a montré ce matin un article selon lequel un groupe de scientifiques nommés par le gouvernement de l'Alberta a appuyé des travaux de recherche indiquant que l'exploitation des sables bitumineux provoquait le déversement de contaminants dans les bassins hydrologiques du Nord de l'Alberta, que le programme provincial de surveillance ne cherchait même pas à déterminer si l'industrie polluait la rivière Athabasca, et que le groupe nommé par le gouvernement avait maintenant conclu qu'elle polluait bel et bien la rivière Athabasca. Ils essayent d'expliquer pourquoi les mesures officielles de la pollution, dans la région, sont tellement différentes de celles des autres rapports. Le gouvernement de l'Alberta a affirmé pendant longtemps que la contamination de la rivière Athabasca se maintenait à un faible niveau, et qu'elle provenait de la dégradation de dépôts de sables bitumineux le long des rives. Or, des chercheurs indépendants, y compris le groupe qui a été mentionné lors des audiences de la National Academy of Sciences, ont établi que les hydrocarbures lourds et les métaux lourds présents dans le sol et dans l'eau provenaient directement des émissions des hauts-fourneaux.
Dans ce cas au moins, ma province n'a pas fait de son mieux. Notre Constitution a été élaborée à une époque où personne n'aurait pu imaginer ce qui se passe aujourd'hui dans le monde, à bien des égards, y compris la répartition des responsabilités, mais les rivières ne s'arrêtent pas aux limites de la province. Elles vont au-delà, et la rivière Athabasca se prolonge vers le Nord. Quand ce genre d'incident se produit, il faut qu'il y ait un responsable. Dans certains cas, il faudrait même que quelqu'un puisse employer les grands moyens, mais reste à savoir exactement comment. J'aimerais poser une question précise à M. Vaughan.
Notre comité a déjà fait un rapport sur des études hydrologiques, notamment des études longitudinales des eaux de surface et des eaux souterraines. Malgré la nette répartition des responsabilités dans la Constitution, jadis, au bon vieux temps, les provinces recevaient des fonds du gouvernement fédéral pour compiler des données sur l'écoulement et le contenu des eaux dont elles doivent assurer la gestion. À cette époque, des milliers de stations de surveillance parlaient la même langue, se parlaient les unes aux autres et compilaient ces données avant de les mettre à la disposition des provinces.
Le gouvernement libéral, dans ses efforts de réduction du déficit, a réduit considérablement ces financements, qui n'ont jamais été complètement rétablis. Vous pouvez lire le rapport du comité à ce sujet. C'était fait correctement, et ça n'a jamais déclenché de querelles constitutionnelles entre le gouvernement fédéral et les provinces. Tout le monde savait que les provinces faisaient leur travail et tenaient compte des résultats obtenus, tandis que le gouvernement fédéral alignait les fonds nécessaires pour exercer la surveillance et le contrôle nécessaires à une bonne gestion. Comme on le faisait remarquer tout à l'heure, sans données fiables, il est impossible de gérer quoi que ce soit.
À votre avis, monsieur Vaughan, y a-t-il dans la rue Constitution quelque chose qui empêche le gouvernement fédéral de contribuer financièrement, comme il le faisait jadis, à des études longitudinales appropriées des eaux de surface, et de permettre ainsi la compilation de données fiables? Pensez-vous que ce serait une bonne idée — comme l'a déjà recommandé notre comité dans un rapport et comme le sénateur Seidman l'a suggéré tout à l'heure — qu'on ait une réserve unique où seraient rassemblées toutes les données, car cela n'existe pas à l'heure actuelle? Pensez-vous que cela faciliterait la réalisation des objectifs dont vous avez parlé?
M. Vaughan : Que je sache, mais je ne suis pas avocat, rien dans la Constitution n'empêche ce genre de choses. J'ai toujours pensé que le gouvernement fédéral avait une responsabilité claire et explicite sur tous les cours d'eau et plans d'eau qui transcendent les frontières provinciales et notre frontière avec les États-Unis.
Dans ce chapitre, nous indiquons, en ce qui concerne le programme hygrométrique, qu'il y a 2 100 stations de surveillance au Canada, et que ce programme donne de bons résultats. La qualité des données est fiable et répond à des critères élevés. Ils ont établi des partenariats avec les provinces, les uns en recouvrement de coûts, les autres indépendants. Les systèmes sont en place.
Par contre, on peut se demander si c'est suffisant. Les données sur l'écoulement des eaux sont indispensables au secteur agricole et au secteur industriel, au fur et à mesure que les collectivités se développent. Certaines collectivités estiment aujourd'hui qu'elles n'auront pas suffisamment d'eau potable dans 20 ou 30 ans, en raison de la démographie et des nouveaux aménagements industriels.
Nous disons qu'il y a une bonne base, et que, comme le gouvernement lui-même reconnaît qu'il y a des lacunes, nous lui recommandons de combler ces lacunes.
Le sénateur Lang : En réponse au sénateur Banks, j'aimerais simplement dire que nous sommes tous préoccupés par la qualité de l'eau, y compris l'eau potable, et par l'avenir de nos rivières.
Mais j'aimerais revenir sur la question de la responsabilité des provinces. C'est facile pour nous de critiquer l'Alberta, le Yukon ou la Colombie-Britannique. Ce que je veux dire, c'est que ce sont eux qui ont cette responsabilité. Quand certaines lacunes sont mises au jour dans un rapport qu'ils ont plus ou moins demandé, c'est à eux d'y remédier. Ce sont eux qui imposent les règlements.
Ce qui me tracasse, c'est qu'à partir de notre petite bulle ici, à Ottawa, nous voulions régler les problèmes de l'Alberta. Cette province a fait faire un rapport, qui indique qu'elle ne fait pas tout ce qu'elle est censée faire. Or, il y a beaucoup de choses que nous-mêmes ne faisons pas bien, alors que nous en avons la responsabilité directe. Je pourrais vous en parler pendant une heure.
Le président : Avez-vous une question?
Le sénateur Lang : Le témoin l'a dit très clairement, et le sénateur Banks a lui aussi parlé des ententes avec les provinces et des ressources financières nécessaires à l'exécution de ces responsabilités. C'est de cette façon que je vais conclure.
Le président : C'est parfait, sénateur Lang. Monsieur Vaughan, c'est toujours avec grand plaisir que nous vous accueillons parmi nous pour nous faire profiter de votre sagesse. Vous avez répondu aux questions avec beaucoup de neutralité, et je vous remercie infiniment d'être venu nous rencontrer. Nous attendons impatiemment votre prochain rapport.
Je vais mettre fin à la réunion. Chers collègues, je vous demande de rester encore quelques instants. La séance est levée. Merci beaucoup.
(La séance est levée.)