Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 7 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 12 mai 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour étudier l'émergence de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et les répercussions sur les politiques canadiennes.
Le sénateur Peter A. Stollery (vice-président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le vice-président : Honorables sénateurs, la séance est ouverte.
Notre premier témoin est M. Niraj Bhargava, président-directeur général d'Energate. Il a occupé les fonctions de doyen de l'École de commerce de l'Université Royal Roads et il est ingénieur agréé et titulaire d'un MBA. Il a fait une belle carrière dans le secteur privé et il a été président-directeur général d'Enerstat Limited, une société de haute technologie. Il a aussi été directeur du marketing et des ventes mondiales de General Electric Co. et il a travaillé comme spécialiste du marketing et de la R-D chez Northern Telecom.
Niraj Bhargava, président-directeur général, Energate : Je suis très heureux d'être ici aujourd'hui. J'espère que nous pourrons avoir une franche discussion et je pense que mes commentaires vous seront utiles. Je suis impatient de répondre à vos questions.
J'ai intitulé mon bref exposé « Obstacles au commerce international », et j'espère que mon point de vue vous aidera à faire avancer vos délibérations, puisque leur accent porte sur le commerce international. Je vais me servir de notre société, Energate, comme étude de cas et pour mieux expliquer les défis de la croissance, les occasions de croissance sur la scène internationale et les obstacles à cette croissance.
Pour ce qui est de l'ordre du jour, j'aimerais me concentrer particulièrement sur les microréalités plutôt que les questions de niveau macro. Je sais que vous avez longuement débattu des grandes questions, et elles sont importantes. J'espère que mon point de vue sur le commerce de niveau micro — en me fondant, je le répète, sur l'exemple d'Energate, sur ce qui se passe pour les compagnies en croissance — vous apportera des faits nouveaux. Je me réjouis de traiter des perspectives d'Energate en Inde et de la façon dont nous envisageons la croissance là-bas, mais j'aimerais aussi commenter la situation en Chine et en Russie.
J'aimerais me présenter rapidement et vous présenter Energate. Je consacrerai ensuite quelques minutes au contexte général et je m'appuierai sur ce contexte pour expliquer en détail le défi lié au fait que les petites et moyennes entreprises forment une grande part de l'économie canadienne. Quelles sont les conséquences pour les PME qui s'intéressent au commerce international dans ces régions?
Energate est une société privée qui fait des affaires sur un marché concurrentiel, mais je veux vous parler ouvertement de ce qui se passe chez Energate, de notre avantage concurrentiel, de la façon dont nous envisageons les perspectives commerciales, de ce que nous pouvons en faire et, peut-être, de l'aide qui nous permettrait d'être plus efficaces dans le domaine du commerce international, en particulier en Inde.
J'ai l'expérience des défis de croissance pour la petite et moyenne entreprise, mais je ne suis pas spécialiste du commerce avec l'Inde, la Russie ou la Chine en tant que tel. J'ai certainement une opinion sur ces régions du monde. J'ai voyagé, j'ai fait des affaires en Inde, en Chine et en Russie, j'ai l'expérience du commerce, mais ce que je connais vraiment ce sont les défis que présentent la croissance et la création d'une société prospère, à fort potentiel de croissance.
Dans l'introduction, on vous a résumé un peu ma carrière. Je connais le point de vue des grandes compagnies comme General Electric et Bell-Northern Research. J'ai déjà été président-directeur général d'une entreprise et je dirige maintenant une société de croissance appelée Energate. J'ai aussi été pendant quelque temps membre du corps professoral de l'École de commerce de l'Université Queen's et, à cette époque, j'ai dirigé une étude sur les perspectives de croissance et les sociétés à fort taux de croissance ainsi que sur ce que cela peut signifier pour la gestion de la croissance. Je m'appuierai en partie sur cette expérience également pour les discussions d'aujourd'hui.
Commençons par le contexte général.
J'aimerais d'abord poser quelques hypothèses et conclusions que nous partageons. La première, c'est que l'Inde, la Chine et la Russie sont d'importants marchés pour le Canada. Il est indéniable qu'il faut encourager le commerce avec ces régions; j'en suis absolument convaincu. Je crois que nous devrions accorder beaucoup d'attention à la croissance dans ces régions et je pense qu'au cours des prochaines années, nos échanges avec l'Inde, en particulier, pourraient s'avérer très importants, peut-être aussi importants que ce que nous avons maintenant avec les États-Unis. Tout l'indique, il est évident que c'est un marché important. J'accepte l'idée que les échanges avec cette région doivent être encouragés et facilités.
Une foule de données montrent que la petite et moyenne entreprise canadienne domine les échanges. Plus de 80 p. 100 des sociétés canadiennes sont des PME, et ces sociétés sont responsables de 70 p. 100 de la croissance de l'emploi et d'environ 50 p. 100 de la production nationale. Nous pouvons contester certains aspects de ces chiffres, mais il est évident qu'une grande partie de notre économie est dominée par la petite et moyenne entreprise. Dans le segment des PME, la moitié des entreprises, sinon plus, sont des sociétés axées sur un style de vie, des microsociétés qui ne s'intéressent pas au commerce extérieur.
Il ne reste donc que les sociétés à fort potentiel de croissance. Nous pouvons les appeler autrement, parler de sociétés innovatrices en croissance, mais ce sont des PME axées sur la croissance. Elles s'efforcent d'obtenir un fort taux de croissance, et le commerce peut être un volet important de cette course à la croissance. Je crois que c'est un segment clé dont nous devrions nous préoccuper tout particulièrement lorsque nous parlons de commerce international et de ce que nous pouvons faire pour appuyer l'activité dans cette région.
Depuis deux ou trois ans, l'économie mondiale a connu toute une correction et bien des changements. Cette évolution a entraîné un ralentissement pour certaines industries en termes de perspectives de croissance, tandis que d'autres en bénéficiaient. Nous pourrions parler de celles qui vont dans la bonne direction et de celles qui vont dans la mauvaise direction, mais parmi les industries qui me semblent en croissance, et bien des données le confirment, il y a les technologies propres, les technologies vertes, ce que j'appelle la nouvelle économie de l'énergie.
Parce que nous avons l'expérience de l'économie de l'énergie, nous devons admettre que nous n'avons pas de stratégie viable d'utilisation de l'énergie à l'échelle mondiale, qu'il nous faut envisager l'énergie sous un nouveau jour, qu'il s'agisse d'énergie renouvelable ou d'efficacité énergétique. Il y a de nombreuses occasions d'innovation et de progrès dans le domaine des technologies propres et de l'énergie.
Une fois posés ces éléments du contexte global, je crois que nous devrions discuter plus précisément des défis des PME en croissance et de la façon dont le commerce international peut être appuyé dans ce secteur.
Il y a quelques années, à l'Université Queen's, j'ai dirigé un programme de recherche sur la création et la gestion de sociétés à fort potentiel de croissance, et un certain nombre de personnes ont contesté certains des défis que présente une croissance soutenue dans notre économie. Je cite Gord Nixon, PDG du Groupe financier RBC :
Le Canada et les États-Unis ont des taux de création d'entreprises comparables, mais le Canada accuse un net retard pour ce qui est de la croissance de ces nouvelles entreprises, qui devraient devenir des entreprises de taille moyenne et même de grandes entreprises. L'absence d'un solide secteur composé d'entreprises de taille moyenne au Canada et le peu de capacité qu'a le pays pour favoriser une croissance assez rapide des grandes entreprises afin de remplacer celles qui disparaissent sont des enjeux de taille relativement à la prospérité future du Canada.
Je crois que M. Nixon veut dire que même s'il y a beaucoup de création et d'entrepreneuriat au Canada, nous perdons peut-être du terrain sur le plan de la croissance soutenue. Quand nous parlons de prospérité, une bonne partie de notre croissance est attribuable à l'entrepreneuriat et à l'innovation, et nous voulons soutenir cette croissance. Le commerce international pourrait largement contribuer à une croissance soutenue dans le secteur des sociétés innovatrices à forte croissance.
Je vous communique l'une des conclusions de la recherche que nous avons menée il y a quelques années. Les défis auxquels se heurtent ces sociétés à fort potentiel de croissance, les problèmes que les PDG doivent régler et qui les empêchent de dormir la nuit en termes de croissance soutenable, ne sont pas nécessairement ceux que vous croyez. Du point de vue du gouvernement, des banques et des organismes de réglementation, on suppose que les difficultés sont liées à la fiscalité, aux régimes de réglementation, aux règles et aux politiques. Tout cela est important, mais en réalité, si vous regardez ce qui se passe dans ces sociétés à fort potentiel de croissance, la gestion de la croissance constitue un défi en soi. Bien des changements se produisent dans ces sociétés, et la plupart des données montrent que la gestion de cette croissance et du changement constitue le principal défi pour ces entreprises.
Les questions de ressources humaines, l'évolution adéquate de l'équipe de gestion, les problèmes liés aux ventes et au développement des marchés, tous ces éléments sont importants pour gérer et soutenir la croissance de ces entreprises. Toute cette activité occupe les chefs de ces sociétés en croissance, et la complexité des échanges internationaux et la possibilité de commerce avec l'Inde ne sont peut-être même pas sur leur écran radar.
Il y a beaucoup à faire pour soutenir la croissance dans ces sociétés, et je crois que la plupart des gens vous diraient qu'il existe peut-être des perspectives sur la scène internationale si vous regardez les nouveaux marchés comme l'Inde, mais que cela n'est pas nécessairement une grande préoccupation pour les équipes de gestion et les cadres de ces sociétés en croissance. En soi, c'est un aspect dont nous devons tenir compte pour élaborer la politique, et nous devrions reconnaître les contextes dans lesquels fonctionnent ces sociétés pour tenter d'encourager et de faciliter le commerce international.
À ce point de mon exposé, j'aimerais vous présenter Energate. Je suis heureux de parler précisément de notre point de vue. Energate est une jeune société, créée en 2004, basée ici à Ottawa. Nous avons commercialisé des solutions de gestion de l'énergie pour les résidences. Le noyau de notre équipe possède des décennies d'expérience en domotique résidentielle et en communications. Notre croissance est financée par le privé et notre marché de prédilection est l'Amérique du Nord. Nous avons commercialisé notre technologie en 2007 et nous réalisons plus de 90 p. 100 de nos ventes aux États-Unis. Nous avons obtenu de bons résultats et nous avons été reconnus comme des chefs de file dans notre domaine, notre domaine étant le « smart grid » et la gestion de la demande, et je vais prendre le temps de définir ces concepts. Nous avons déployé notre technologie et nous envisageons de devenir non seulement une excellente PME, mais aussi une réussite mondiale, une société valant un milliard de dollars, une société rentable et viable, ici même, à partir de notre base canadienne. Nous avons bien démarré avec Energate, et un certain nombre de partenaires ont validé nos efforts. Nous sommes satisfaits du rythme de notre progression.
Je vais brièvement vous expliquer quel est le marché qu'Energate cible, parce que cela peut également être utile à notre discussion sur l'Inde. Aux États-Unis, il y a un nouveau type de crise énergétique liée au fait que la demande d'énergie continue de croître rapidement même si l'économie bat un peu de l'aile. Il n'y a pas suffisamment d'énergie pour soutenir la croissance et répondre à la demande.
Par le passé, lorsque la demande augmentait, les services publics et les entreprises d'énergie construisaient simplement de nouvelles centrales. Ils pouvaient s'adresser à l'organisme de réglementation, demander l'autorisation de construire une nouvelle centrale pour répondre à la demande et éviter les pannes de courant. De nos jours, les services publics n'obtiennent plus l'autorisation de construire de nouvelles centrales. Ils sont en outre conscients des coûts considérables des impacts environnementaux, et les organismes de réglementation refusent généralement d'autoriser la construction de nouvelles centrales.
Que font les services publics pour arriver à répondre aux besoins et assurer l'approvisionnement en énergie? Ils se tournent vers les nouvelles initiatives — l'énergie renouvelable, l'efficacité énergétique et la gestion de la demande. Nous sommes tous en faveur des énergies renouvelables, mais les données indiquent qu'elles ne satisfont qu'une petite partie de nos besoins. La plus importante façon pour les services publics de gérer l'énergie consiste à gérer la demande et à utiliser la technologie pour modifier cette demande. Aux États-Unis, c'est une importante tendance, à tel point que l'administration Obama a annoncé des milliards de dollars en stimulus pour promouvoir le « smart grid », la gestion de la demande, l'efficacité énergétique et l'utilisation d'énergies renouvelables.
La gestion de la demande, c'est la notion voulant que l'on réduise la demande aux heures de pointe et qu'on la déplace vers les creux, pour éviter de devoir construire une nouvelle centrale et réduire la demande de pointe. La gestion de la demande est une série de mécanismes qui encouragent les consommateurs à modifier leur demande. Energate participe à ces efforts, et l'analyse de rentabilisation est convaincante pour les services publics, car grâce à la technologie le déplacement de la demande est plus efficace que la construction de nouvelles centrales.
Ce qui alimente cette demande est intéressant. On pourrait penser que c'est le secteur industriel ou les grands édifices commerciaux, mais de fait ce sont les petits bâtiments, nos résidences, la climatisation de l'air, le chauffage de l'eau et les gros électroménagers. Dans l'ensemble, la climatisation de l'air est le principal facteur qui pousse la demande de pointe. Les applications domestiques qui consomment de l'énergie sont un important contributeur de ces pointes de demande et de ce qui se passe dans le secteur énergétique.
Les services publics ont mené de nombreuses analyses et ils ont dû reconnaître qu'il était plus efficace d'utiliser des technologies pour déplacer la demande que de construire de nouvelles centrales, à tel point que la gestion de la demande est considérée comme étant de 40 p. 100 moins coûteuse que la génération d'énergie en période de pointe. Un marché est né aux États-Unis pour la technologie proposée par des sociétés comme Energate, et c'est un marché très lucratif.
Passons maintenant à l'Inde. La croissance est très forte en Inde, et les débouchés pour des sociétés comme Energate et notre technologie sont plus importants en Inde qu'aux États-Unis. En Inde, la demande dépasse déjà l'offre. Ici, en Amérique du Nord, nous essayons d'éviter les interruptions de service en nous assurant d'une offre suffisante en période de pointe et en utilisant les concepts de l'efficacité énergétique et de la gestion de la demande. En Inde, il est trop tard. Pendant la saison de climatisation, les pannes sont si fréquentes qu'à New Delhi, vous pouvez manquer d'électricité huit heures par jour parce que la demande a dépassé l'offre. Nous ne pouvons pas construire de centrales assez rapidement en Inde. Quels que soient les impératifs environnementaux, il est essentiel en Inde de construire des centrales aussi rapidement que possible. Si elle utilisait une technologie comme la nôtre pour déplacer la demande, l'Inde pourrait très certainement améliorer la pénétration et le maintien du service. Les données révèlent que la demande dépasse l'offre de 17 p. 100 et que cette tendance s'accentue et s'est accentuée au cours des dernières années.
Energate offre une solution aux services publics : un logiciel qui permet aux services publics de contrôler la demande d'énergie, des dispositifs pour les résidences, des thermostats intelligents, des interrupteurs communicants pour les chauffe- eau, une technologie qui donne aux services publics la possibilité de déplacer la charge ou d'envoyer des signaux de prix pour que les consommateurs puissent prendre leurs propres décisions. Il y a divers moyens de gérer la demande, et Energate a commercialisé une technologie de pointe, un logiciel, du matériel et des systèmes de communication pour répondre à ce besoin. Nous sommes à la fine pointe, nous sommes un important fournisseur de technologie sur le marché américain.
Voilà le défi d'Energate : nous avons des perspectives extraordinaires aux États-Unis. Nous nous positionnons rapidement sur ce marché, auprès des nouveaux services publics, notre position et notre technologie de pointe sont accueillies à bras ouverts sur le marché américain. Nous sommes entièrement mobilisés par les perspectives de croissance aux États-Unis. Nous restons toutefois conscients du fait qu'il existe un important marché mondial.
Dans le dossier que je vous ai communiqué, il y a des données au sujet de la taille du marché en Amérique du Nord, en Europe et en Asie. Comme je l'ai dit, l'Inde doit absolument recourir dès maintenant à des technologies comme la nôtre. Évidemment, il y a un cycle pour piloter la technologie, pour veiller à ce que chacun la comprenne, mais le marché de l'Inde est aussi avancé que celui des États-Unis.
Je vais tirer quelques conclusions avant de répondre à vos questions. Il y a des perspectives mondiales pour les sociétés à forte croissance comme la nôtre. Energate illustre bien cette situation. Dans notre cas, le marché nord- américain est complexe. Il est difficile de s'y orienter. L'un des problèmes, pour les sociétés comme la nôtre, c'est que nous n'avons pas beaucoup de liquidités. Il n'est pas facile de réunir des capitaux sur le marché à l'heure actuelle, et nous avons à peine assez de capitaux pour pénétrer le marché nord-américain. Nous sommes sur le point de nous imposer sur le marché des États-Unis. Environ 300 services publics ont financé des programmes, et notre équipe travaille avec eux ou essaie de les rejoindre. Nous avons un avantage concurrentiel, mais tout est question de rapidité, d'activité et de concentration dans ce que nous faisons.
L'Inde est certainement un marché très prometteur. Comment une société comme Energate peut-elle gérer les ressources nécessaires et exécuter une stratégie en Inde? J'ai eu l'occasion de me rendre à nouveau en Inde avec la mission de technologie propre du premier ministre McGuinty, en décembre. J'étais déjà allé en Inde par le passé, et j'avais bien vu cette possibilité, mais je ne peux pas dire que nous avons suffisamment étudié la question pour comprendre les stratégies que nous devons déployer. Est-ce que nous avons l'orientation voulue? Ce serait plutôt une distraction, pour nous, à l'heure actuelle, parce qu'il y a tant à faire aux États-Unis.
C'est donc ainsi que je vois le contexte. Je répondrai avec plaisir à vos questions. Je crois qu'Energate et les sociétés à forte croissance comme la nôtre sont le type de sociétés qui seront en mesure de contribuer aux échanges commerciaux, mais il y a dans notre environnement des obstacles à notre engagement.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Après avoir centré sa politique monétaire sur la reprise de l'activité économique, la Banque centrale indienne s'attaque désormais à la lutte contre une inflation qui a atteint son plus haut niveau depuis 17 mois.
Les taux d'intérêt directeur à court terme ont été élevés de 5 p. 100 à 5,25 p. 100 pour contenir une hausse de prix qui a frôlé les 10 p. 100 en mars. L'institut d'émission s'est contenté d'une hausse minimale surtout pour ne pas freiner la reprise. Vous avez dû constater en allant en Inde comment cela se passait. Sachant cela, pourriez-vous nous dire si cela a beaucoup affecté les entreprises indiennes? Comment se portent-elles aujourd'hui, surtout votre entreprise et celles de vos entreprises partenaires? Est-ce que cette façon de faire vous a affecté?
[Traduction]
M. Bhargava : Nous savons que de nombreux changements se produisent en Inde, mais ils n'ont pas encore d'effet sur nos activités. Nous comprenons que les sociétés indiennes font face à ces changements. Toutefois, du point de vue de notre société, nous en sommes aux premières étapes de la pénétration du marché indien. Le message que nous captons, c'est que les facteurs économiques sont tous en faveur de notre technologie. En conséquence, les changements du type dont vous parlez sont sans effet sur les principes économiques ou les propositions que nous pouvons faire.
Essentiellement, les services publics sont notre principal client. Si nous pouvons leur éviter de devoir construire une centrale, c'est un argument économique convaincant, et les changements que vous décrivez sont sans effet direct sur nos activités, à l'heure actuelle.
Le sénateur Segal : Je remercie notre témoin de ce solide exposé stratégique. Il est agréable de voir un ancien professeur de la Faculté de commerce de Queen's qui travaille concrètement, qui fait de l'argent et qui s'en tire bien.
M. Bhargava : Merci.
Le sénateur Segal : Lorsque vous avez parlé des principaux défis des sociétés à forte croissance, en termes généraux, vous avez mentionné les ressources humaines en deuxième place, et les capitaux et la trésorerie ainsi que la fiscalité en neuvième et dixième places. Lorsque vous avez parlé de votre propre analyse de rentabilisation, relativement à la pénétration de la technologie de gestion de la demande en énergie sur le marché indien, vous avez mentionné principalement les capitaux.
Il serait bon que vous puissiez donner au comité une idée de la situation réelle en matière de sources de capitaux. Je vais vous dire ce que je pense, et vous pouvez me corriger en me fournissant des données concrètes, tirées de votre expérience. J'ai l'impression que les banques font de belles promesses mais qu'elles ne sont jamais là lorsqu'on a besoin d'elles. Elles ne prêtent de l'argent qu'à ceux qui n'en ont pas besoin, les organismes du gouvernement fédéral garantissent les créances — Exportation et développement Canada, notamment —, et cela fait une grande différence. Toutefois, il est difficile de trouver des capitaux pour s'installer pendant une période de trois à cinq ans, à moins de s'associer à un fonds d'investissement précis qui poursuit ce but et dont les taux de rendement, les exigences, sont relativement élevés. On dit souvent des sociétés de capital-risque — et injustement, j'en suis certain — que ce sont des « vautours ». Mais le puits est, de fait, plutôt sec.
J'aimerais savoir si vous pensez qu'il devrait y avoir une intervention de politique publique. Devrions-nous dire quelque chose à nos institutions prêteuses internationales et venir en aide aux petites et moyennes entreprises, ou y a-t- il suffisamment d'encouragement pour que le secteur privé s'engage, par exemple, sur le plan des dispositions fiscales? Devrions-nous penser à recommander quelque chose à ce sujet?
Si j'ai bien compris, l'une de vos options ne vous paraît peut-être pas très intéressante, pas plus qu'à vos intervenants ou à vos débiteurs. Il y a de grands intérêts canadiens qui sont déjà installés en Inde. On essaie de vendre des wagons de chemin de fer, on offre de construire des éléments de grande infrastructure ou des ouvrages, et cetera. Tous ces gens seraient ravis d'offrir vos services et votre technologie dans le cadre de leurs solutions globales à de grands problèmes. Vous pourriez dire : nous ne voulons pas de cette structure, il faut que nous soyons indépendants pour remplir notre mission.
J'aimerais savoir ce que vous pensez de cela.
M. Bhargava : C'est une question qui me tient à cœur. Premièrement, vous formulez une observation valable au sujet des données par opposition à ce qui se passe chez Energate. Les données datent déjà de quelques années. Les marchés ont changé considérablement du côté financier. En outre, il s'agit des données agrégées, venant de nombreuses sociétés, et non pas de données propres à notre situation particulière.
Le capital de risque est difficile à trouver ces jours-ci, pour en revenir à ce que vous disiez. Pour ce qui est des sources de capitaux, les banques ont un rôle à jouer, mais ce n'est pas du capital de risque. C'est du capital sans risque. Elles jouent un rôle, mais ce n'est pas un rôle qui nous aidera à remplir la mission dont nous parlons actuellement.
Y a-t-il d'autres sources de capitaux? Il y en a quelques-unes, mais ce que nous cherchons surtout, à l'heure actuelle, c'est du capital de risque. Le capital de risque est l'une des sources communes. Est-ce qu'il y a de grandes quantités de capital de risque au Canada? Non. Même si nous sommes dans un secteur où les taux de croissance sont attrayants, il est difficile de trouver du capital de risque, et c'est très compliqué.
Nous avons du capital de risque et nous avons du financement pour le marché nord-américain, mais cela n'a pas été facile à obtenir. Pour trouver le même type de financement sur le front international et repérer un débouché rentable en Inde, le processus est tout à fait différent et il n'est pas facile.
J'accepte ce que vous dites, il faut encourager le capital de risque, en supposant que le gouvernement canadien souhaite appuyer la croissance de sociétés comme la nôtre, ce qui me paraît logique. Il nous faut plus de sources de capital de risque, et il faudrait éliminer le plus possible les obstacles à cet égard.
L'un des défis, pour nous, consiste à trouver du financement pour essayer de saisir une belle occasion en Inde.
Le sénateur Segal : D'autres sont peut-être de cet avis, mais d'après ce qu'on m'a dit je crois qu'il y a de vastes réserves de capitaux en Inde, des réserves qui n'attendent que des investissements stratégiques. À en juger par ce que vous nous avez dit de votre société, il me semble qu'elle offre une belle occasion d'investissement stratégique pour les fonds d'investissement collectifs.
Outre le fait que les fonds d'investissement collectifs sont, par définition, fortement discrétionnaires et subjectifs partout dans le monde, est-ce qu'il y a d'autres obstacles auxquels vous vous heurtez en tant que société canadienne? Est-ce qu'il y a des obstacles de réglementation qui vous interdisent d'investir parce que vous n'avez pas de succursale en Inde ou que vous n'êtes pas constitué en société indienne? Y a-t-il d'autres contraintes pour vous?
Et si cela n'est pas confidentiel, pouvez-vous nous dire quels contacts vous avez ou avez tenté d'avoir avec des fonds d'investissement collectifs indiens?
M. Bhargava : Je n'ai pas encore eu de contacts directs avec nombre de ces fonds d'investissement. Divers groupes d'investissement, ici, sont affiliés à ces fonds collectifs et ils reconnaissent qu'il en existe.
Je reviens à la réalité d'Energate. Nous sommes monopolisés par le marché américain et les occasions qu'il offre. Il faut beaucoup de temps et d'efforts non seulement pour réaliser des ventes, mais aussi pour trouver des bailleurs de fonds et des investisseurs appropriés, et il y a seulement 24 heures dans une journée.
Le sénateur Segal : Pouvez-vous m'en dire plus sur la question des ressources humaines? Si je vous affirmais que j'ai des investisseurs du secteur privé qui aimeraient bien mettre 20 millions de dollars dans votre initiative, en particulier en Inde...
M. Bhargava : Laissez-moi vous passer votre chéquier.
Le sénateur Segal : Vous avez des objectifs, et tous vos employés occupent des emplois à temps plein à l'heure actuelle, y compris vous-même. Est-ce que vous seriez en mesure de réunir les ressources humaines nécessaires, ici et là- bas, pour remettre un pro forma à un investisseur, avec un taux de rendement raisonnable pour une période raisonnable?
M. Bhargava : Je suis convaincu que nous le pourrions. Nous devons établir ce plan d'affaires. Il faudra un certain temps et quelques efforts pour simplement réunir les ressources nécessaires pour dresser ce plan d'affaires. Je crois que notre approche serait de créer un nouveau réservoir de talents axés sur le marché indien plutôt que d'essayer de tout faire ici, dans nos bureaux. Évidemment, nous avons déjà pensé créer une succursale indienne d'Energate pour avoir l'infrastructure voulue pour nous lancer sur le marché indien, le pénétrer en profondeur et le comprendre.
Vous ne pouvez pas le faire efficacement à partir d'ici. Nous devrions réunir les ressources appropriées pour ce marché et nous aurions un plan d'affaires pour dépenser ces 20 millions de dollars judicieusement.
Le sénateur Segal : Est-ce que le Haut-commissariat du Canada pourrait vous prêter main-forte, vous fournir des renseignements ou des conseils sur la réalité là-bas, ou est-ce que vous considérez que ce serait une perte de temps pour vous comme pour lui?
M. Bhargava : Je crois que nous voudrions profiter de ces ressources et de ces contacts et les utiliser au maximum. Toutefois, je le répète, nous cherchons un appui aussi efficace que possible. Je vous parle des réalités propres aux entreprises comme la nôtre, parce qu'elles ne sont pas nécessairement aussi bien intégrées qu'elles pourraient l'être.
Le sénateur Downe : Dans votre exposé, aujourd'hui, vous avez indiqué que le gros de votre travail et de vos activités commerciales se faisait actuellement aux États-Unis. Sans nous confier vos secrets d'entreprise, est-ce que vous avez eu de l'aide du gouvernement du Canada, par exemple, d'Exportation et développement Canada et de la Banque de développement du Canada, pour pénétrer ces marchés?
M. Bhargava : Le gouvernement du Canada offre un appui. Je dirais que l'appui le plus important, pour moi et pour d'autres entreprises de croissance, est celui qui concerne la R-D. Nous avons un bon appui en R-D au Canada, et cela constitue un avantage concurrentiel. Cela est utile pour bien développer notre technologie efficacement, à partir de notre base canadienne.
L'un des défis consiste à commercialiser efficacement cette technologie et à maintenir notre société. Nous ne voulons pas être simplement des inventeurs, nous voulons aussi pouvoir nous maintenir à long terme. C'est l'un des grands avantages, au Canada.
Je ne dirais pas que nous avons bénéficié d'importants appuis à l'extérieur du soutien en R-D. Nous avons récemment rencontré certains délégués commerciaux, et ils sont disposés à travailler avec nous à certains de ces dossiers concernant les services publics et les débouchés aux États-Unis, et nous allons en profiter. Toutefois, jusqu'à maintenant, nous n'avons pas vraiment eu l'occasion d'exploiter certains des appuis qui peuvent être offerts pour nos activités.
Le sénateur Downe : Si je comprends bien, vous dites que vous n'avez pas profité de ces appuis parce que nous n'avez pas vraiment essayé. Ce n'est pas parce que le gouvernement n'offrait rien.
M. Bhargava : Oui. Nous avons fait deux ou trois tentatives pour comprendre ce qu'offraient la BDC et EDC, et cela ne semblait pas adapté à ce que nous faisions à ce moment-là. Les bureaux du délégué commercial sont une nouvelle possibilité que nous n'avons pas encore exploitée.
Le sénateur Downe : Il y a quelques semaines, un témoin nous a dit qu'il y a 20 ou 30 ans, le Canada avait une excellente réputation et un certain avantage en Inde. Toutefois, depuis cette époque, d'autres pays, dont l'Allemagne et Israël, nous ont surpassés parce que leurs gouvernements collaborent avec les milieux d'affaires pour la question des capitaux et veillent à ce qu'il y en ait suffisamment. Vous avez dit qu'il s'agissait là d'un problème. Est-ce que vous croyez que le gouvernement du Canada devrait reproduire ce que font d'autres pays?
M. Bhargava : Je crois que la disponibilité des capitaux aiderait des sociétés comme la nôtre. Il semble que les sociétés canadiennes ne soient pas aussi présentes en Inde, dans l'ensemble. Les sociétés d'autres pays sont beaucoup plus actives que les sociétés canadiennes. Pour la majorité des gens avec qui nous avons communiqué jusqu'à maintenant, nous sommes probablement la première société canadienne à prendre contact avec eux. Ils ont donc pris l'habitude de rencontrer des sociétés d'autres régions du monde, mais nous espérons faire changer les choses.
Le sénateur Downe : Est-ce que vous savez ce que la Corée du Sud, Israël, l'Allemagne et les États-Unis font dans ce domaine?
M. Bhargava : Pas vraiment, non.
Le sénateur Mahovlich : Si j'ai bien compris votre exposé, vos thermostats régularisent la chaleur et la climatisation dans ces bâtiments. Est-ce que l'Inde a des lois disant que lorsque la climatisation fonctionne, les fenêtres doivent être fermées?
Je rentre de la Nouvelle-Orléans. Là-bas, ils mettent la climatisation et toutes les fenêtres sont ouvertes dans les restaurants. C'est du gaspillage.
M. Bhargava : Je ne sais pas s'il existe une telle loi, mais je reconnais que l'enveloppe du bâtiment devrait être adaptée à votre utilisation de la climatisation. Il y a divers défis à cet égard. Les climatiseurs de fenêtre représentent une grande partie de la demande de pointe en Inde. Les gens installent des génératrices diesel parce que l'alimentation est constamment coupée.
Je crois que vous nous dites qu'il y a d'autres façons d'être plus efficace lorsqu'on utilise l'énergie, il ne suffit pas d'accroître la capacité de production. L'efficacité énergétique est un élément essentiel de l'équation ainsi que le déplacement de la demande de pointe vers les heures creuses.
Le sénateur Mahovlich : Est-ce que vous savez quelque chose en matière de biomasse? L'Europe s'intéresse de très près à la biomasse comme énergie verte. Je me demande ce que l'Inde en pense. Est-ce que l'on envisage la biomasse là- bas?
M. Bhargava : Je ne suis pas un spécialiste de ce sujet. Je sais que les énergies renouvelables suscitent beaucoup d'intérêt. De notre point de vue, nous jugeons que les énergies renouvelables ne fourniront qu'une faible partie de ce qui est nécessaire. L'efficacité énergétique et la gestion de la demande sont les secteurs qui nous intéressent. J'ignore quelle est la pénétration de la biomasse en Inde.
Le sénateur Marshall : Votre exposé m'a paru très intéressant — certaines parties étaient absolument fascinantes. C'est la troisième réunion à laquelle je participe aujourd'hui où l'on discute d'énergie.
Je me trompe peut-être, et dans ce cas vous me corrigerez, mais je crois comprendre que même si vous vous apprêtez à pénétrer le marché indien, vos marchés principaux se trouvent aux États-Unis et au Canada?
M. Bhargava : C'est exact.
Le sénateur Marshall : Pourriez-vous expliquer au comité les effets qu'a eus la récession sur votre entreprise, en particulier compte tenu du fait que l'expérience a été différente au Canada et aux États-Unis? Vous avez indiqué précédemment que vous aviez un accès limité au capital. Pourriez-vous nous donner une rétroaction concernant l'effet que la récession a eu sur les deux marchés?
M. Bhargava : Cela nous a certainement touchés de diverses façons. L'offre de capitaux a beaucoup diminué au cours de la dernière année. Dans la mesure où la clientèle est concernée, il n'était plus aussi nécessaire pour les services publics d'apporter rapidement des changements parce que la demande d'énergie n'a pas été aussi élevée que prévu en 2009-2010. En raison du ralentissement du secteur manufacturier, il y avait plus d'énergie qu'on ne l'avait espéré. Cet état de choses a atténué l'urgence de certains de ces projets.
En outre, les fonds de stimulation de l'économie annoncés par l'administration Obama ont eu un effet contraire pour nous, il y a un an. Lorsque la mesure a été annoncée, tous nos clients qui étaient prêts à mettre des projets en œuvre se sont dit qu'il ne servait à rien d'utiliser les budgets alloués à ces projets alors qu'ils pouvaient profiter des fonds de stimulation. En conséquence, le marché s'est immobilisé pendant quelques mois pour l'ensemble de notre industrie.
En novembre, lorsque ces projets ont été annoncés, le marché a débloqué. C'est un autre effet que les fluctuations de l'économie ont eu pour nous. Toutefois, les mesures de stimulation sont, dans l'ensemble, positives aux États-Unis. Auparavant, la moitié des services publics songeaient au « smart grid » et à la gestion de la demande; maintenant, ils envisagent à peu près tous des solutions de ce genre. Cette réalité est maintenant reconnue. L'économie nous a donc touchés de diverses façons.
Le sénateur Marshall : Avez-vous remarqué des différences au Canada? Est-ce que les affaires étaient en hausse au cours de la récession ou est-ce qu'elles étaient en baisse? Que nous réserve l'avenir, selon vous? Quelle est votre impression, d'après l'expérience que vous avez au sein de votre société?
M. Bhargava : Comme je l'ai dit, nous réalisons plus de 90 p. 100 de nos ventes aux États-Unis. Nous entrons aussi sur le marché ontarien qui a les mêmes besoins en termes de gestion de la demande, mais là aussi on a eu l'impression que la situation n'était pas aussi urgente qu'on l'avait cru, en raison de la demande d'énergie.
Nous n'avons sans doute pas senti sur nos activités l'effet auquel on aurait pu s'attendre parce que nous traitons avec des services publics qui réalisent de grands projets énergétiques. Les analyses de rentabilisation sont convaincantes, qu'il y ait ou non une récession. Mais nous avons quand même ressenti certains effets.
Le sénateur Finley : J'aimerais parler de capital de risque pendant un instant, et aussi de partenariats avec l'Inde.
À la dernière page de votre document, que vous n'avez pas abordée dans votre exposé, vous parlez de la nécessité d'un appui et d'une aide. Vous mentionnez notamment l'identification de candidats solides qui pourraient diriger et faire fonctionner Energate en Inde sans trop de préavis. Est-ce que cela comprend une association avec des partenaires en Inde? Deuxièmement, est-ce que vous avez tenté d'agir par l'entremise de partenaires basés en Inde en ce qui concerne les sources de capital de risque? Et dans quelle mesure avez-vous communiqué avec les bureaux des délégués commerciaux en Inde pour trouver des partenaires? Avez-vous entamé ce processus?
M. Bhargava : Je vous remercie de présenter le dernier graphique de mon exposé, qui contient quelques suggestions pratiques qui pourraient nous aider. Le problème, c'est qu'il ne faut pas distraire notre équipe. Un appui serait donc le bienvenu. J'ai mentionné plusieurs types d'appuis dans le document.
Pour répondre à votre question, je crois à l'utilité des partenariats. Nous croyons à l'utilité des partenariats en Amérique du Nord; c'est un élément important de notre modèle parce que la question est complexe, toute cette activité de « smart grid ». Nous collaborons étroitement avec des partenaires ici, et nous voudrions faire de même là-bas. Les partenaires intermédiaires sont importants, et je crois qu'il y aurait des possibilités en Inde.
Nous avons entamé le processus, mais je répète que nous ne nous y sommes pas investis à fond, tant sur le plan du financement que sur celui des partenariats pour pénétrer le marché. Les bureaux du délégué commercial nous ont donné un certain appui. Jusqu'à maintenant, je ne peux pas leur faire de reproches : ce n'est pas nous qui leur avons demandé de l'aide, ce sont eux qui nous en ont offert.
Je crois qu'il devrait y avoir des sources, tant pour les partenariats de marché que pour les partenariats de financement. Toutefois, le défi vient du fait que nous sommes une société entièrement monopolisée par le marché américain. Comment pouvons-nous lui consacrer toute l'attention qu'il mérite et mener à bien ces possibilités de partenariats? Je n'ai pas assez d'informations pour pouvoir dire qu'il y aura assez de capital de risque si nous nous engageons dans ce partenariat.
Le sénateur Finley : Selon vos diverses réponses et votre exposé, on a l'impression que vous êtes vraiment très axés sur le marché américain, mais que vous regardez avec envie le marché indien. Est-ce que vous risquez — et vous pouvez peut- être me donner un cadre temporel — de voir ces perspectives vous échapper?
M. Bhargava : C'est une préoccupation. Et nous avons la même préoccupation aux États-Unis. Il ne suffit pas d'avoir la meilleure des technologies pour réussir. Il faut la commercialiser efficacement. Cela est important pour maintenir la croissance, cela est tout aussi important que d'avoir le bon produit.
Nous nous attaquons avec détermination au marché américain parce que nous y avons un avantage à l'heure actuelle et que nous voulons en profiter. Sinon, nos concurrents vont nous rattraper, même avec un autre modèle. La même observation s'applique à l'Inde.
Il y a en Inde d'immenses problèmes, de grands défis et de grands besoins. Si j'attends cinq ans pour avoir réalisé suffisamment de profits pour pouvoir investir en Inde, je ne crois pas que j'aurai les mêmes perspectives. Je crois que nous accuserons un retard. J'aimerais mieux trouver un moyen de m'attaquer aussi en parallèle au marché indien, mais c'est un des défis qu'il nous faut relever. Dans la mesure où la politique et l'aide du gouvernement peuvent nous aider, nous en profiterons.
Le sénateur Finley : Est-ce que vous êtes une société entièrement privée?
M. Bhargava : Oui.
Le sénateur Finley : Avez-vous l'intention de devenir une société ouverte?
M. Bhargava : Nous croyons être une société viable, une société de croissance à long terme, basée au Canada. Bien sûr, nous devons obtenir un rendement sur l'investissement pour nos investisseurs, alors la question du retrait revient régulièrement, à juste titre, pour nos actionnaires.
Il y a deux façons de procéder — par acquisition ou par appel public à l'épargne. Un appel public à l'épargne nous maintiendrait. L'acquisition serait peut-être une meilleure décision pour nos actionnaires, au bout du compte, mais nous envisageons sérieusement un appel public à l'épargne.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question porte sur la corruption en Inde. Soixante-quinze pour cent des hauts dirigeants indiens estiment que la fraude financière et la corruption touchent les entreprises de leur pays, et ce phénomène est en hausse, selon une étude publiée le 6 avril 2010 par le cabinet d'audit KPMG basé en Inde. Sur les hauts responsables de plus de 1 000 entreprises interrogés, 45 considèrent que le phénomène s'aggrave dans leur société, et les fraudes atteignent des montants très élevés.
Parmi les victimes déclarées, 87 p. 100 ont été lésées de plus de 22 000 $ alors qu'elles n'étaient que 47 p. 100 il y a deux ans, lors de la précédente étude.
La corruption touche tous les échelons de l'entreprise, surtout les services d'approvisionnement et de distribution. Vous disiez tantôt ne pas être encore complètement établis là-bas; est-ce que cela vous fait peur ou est-ce que vous y allez à fond de train sans vous préoccuper de cela? Est-ce important pour vous?
[Traduction]
M. Bhargava : C'est une bonne question. Nous savons que la corruption est un problème en Inde. C'est un problème dans le monde entier, et les statistiques révèlent qu'il est peut-être plus sérieux qu'ailleurs en Inde. Nous en sommes conscients.
Nous sommes d'avis que l'intégrité et le respect sont les valeurs qui conviennent à notre société, et nous y tenons absolument. Ce qu'il y a de bien, c'est que nous connaissons des sociétés qui réussissent sur le marché indien et qui elles aussi refusent les compromis, et cela nous donne confiance de pouvoir réussir sans renoncer à nos valeurs.
Évidemment, il faut savoir comment faire des affaires efficacement en Inde, mais nous croyons que nous pouvons éviter la corruption et réussir quand même là-bas. Jusqu'à maintenant, les données et notre expérience semblent le confirmer.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Quelles recommandations feriez-vous à d'autres compagnies canadiennes qui veulent s'implanter là-bas?
[Traduction]
M. Bhargava : Je crois qu'il ne faut pas avoir peur des marchés étrangers. Bien sûr, les choses se font différemment selon les pays. Vous devez apprendre, et il vous faut plus de temps lorsque vous travaillez dans une culture distincte. Selon moi, l'intégrité finit toujours par donner de bons résultats.
Le vice-président : Vous avez parlé de climatisation. Avant de savoir que c'était là votre domaine, j'ai parlé de l'Inde avec notre recherchiste. J'étais en Inde avant l'époque du cellulaire et même avant l'avènement de la climatisation. J'ai passé ma jeunesse sous les tropiques, et pendant des années je me suis demandé à quel moment ces pays allaient se réveiller et lancer cette grande révolution de la climatisation et ce que cela coûterait. Cela se produit partout, en Amérique du Sud, en Amérique centrale, en Afrique et en Inde, et cela crée un grave problème en raison du coût de l'énergie.
M. Bhargava : La demande d'énergie augmente, et nous ne pouvons pas tenir le rythme.
Le vice-président : Au nom de mes collègues du comité, je vous remercie infiniment.
Notre témoin suivant est Gurprit S. Kindra, professeur à l'École de gestion Telfer, à l'Université d'Ottawa. Les travaux récents de M. Kindra ont porté sur la région de l'Asie-Pacifique. Ses dernières publications comprennent le Role of Marketing In Foreign Development Generation : Evidence from ASEAN Countries, Emerging Issues Related to Marketing Activity in Asia-Pacific Countries, Economic Transformation in Asia-Pacific and Implications for Canadian Business et Risks and Costs of Doing Business in Asia-Pacific. Il participe à un projet de la Banque mondiale en matière de lutte contre la corruption et il est consultant auprès de Santé Canada. M. Kindra a travaillé dans de nombreux pays.
Nous vous souhaitons la bienvenue, monsieur Kindra. Si vous voulez bien nous présenter votre exposé, les sénateurs vous poseront ensuite quelques questions.
Gurprit S. Kindra, professeur, École de gestion Telfer : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, je désire remercier le comité sénatorial de me permettre de comparaître devant vous aujourd'hui pour discuter de la question de la montée de la Chine, de l'Inde et de la Russie dans l'économie mondiale et des répercussions de cet état de fait sur la politique canadienne.
La première partie de mon exposé portera principalement sur l'Inde, et la seconde sur un outil concurrentiel important, soit la stratégie de marque et de commercialisation du Canada sur la scène mondiale. Pour conclure, je vous présenterai certaines recommandations.
L'ascendance rapide de l'Inde sur la scène mondiale attire de plus en plus l'attention dans les grandes économies du monde axées sur le marché. Tout le monde connaît les principaux indicateurs économiques : la population de l'Inde dépasse le milliard de personnes, sa classe moyenne augmente rapidement et montre un appétit vorace pour toutes les bonnes choses de la vie. Actuellement, la classe moyenne représente 5 p. 100 de l'ensemble de la population de l'Inde. On s'attend à ce qu'elle croisse jusqu'à représenter 40 p. 100 de la population totale du pays d'ici 20 ans, ce qui fera de l'Inde la cinquième économie la plus importante du monde, une puissance économique.
Malgré la demande croissante d'importations en Inde, le commerce du Canada avec ce pays est minuscule. Comme d'autres l'ont indiqué au comité, notre commerce bilatéral avec l'Inde constitue environ 0,5 p. 100 de l'ensemble du commerce du Canada. Notre commerce avec la Chine, en revanche, représente environ 6 p. 100 de l'ensemble de notre commerce. Par rapport à d'autres pays, dont les économies se sont développées à un rythme plus rapide, les relations commerciales du Canada avec l'Inde ne sont pas bien développées. C'est particulièrement le cas de marchés comme ceux des États-Unis, du Mexique et du Chili, des pays avec lesquels le Canada a des accords de libre-échange.
Comme le comité l'a entendu au cours des derniers mois, un pays commerçant comme le Canada a beaucoup d'opportunités de profiter de la montée de l'Inde dans l'économie mondiale. Je sais que, au stade actuel de ses travaux, le comité a entendu beaucoup de commentateurs très qualifiés, alors j'ai décidé de concentrer mes commentaires sur des secteurs particuliers d'opportunité, par exemple, l'enseignement comme produit d'exportation, et sur les déficiences du Canada dans sa commercialisation et sa stratégie de marque elle-même. Je proposerai également des façons pour le Canada et les compagnies canadiennes d'améliorer leur accès aux marchés de l'Inde.
Mesdames et messieurs les sénateurs, en 1973, quand j'ai quitté l'Inde pour venir étudier à l'Université Dalhousie, à Halifax, l'Inde était très loin d'être la force économique et culturelle moderne qu'elle est aujourd'hui. Air India utilisait le logo du maharaja et la menace de la famine planait dans nombre de régions du pays. Dans les cercles diplomatiques et politiques, l'Inde était une source d'exaspération. Les commentateurs ont souvent cité l'Inde comme exemple des limites de la démocratie, et les institutions financières, comme la Banque mondiale et le FMI, disaient de l'Inde qu'elle était un désastre sur le plan économique.
Aujourd'hui, il règne un sentiment d'euphorie à propos de tout ce qui est indien, des films de Bollywood et de la mode indienne jusqu'à son économie, évidemment. Le premier ministre de l'Inde a un doctorat en économie et son cabinet est plein de personnes éduquées et motivées. L'Inde n'est plus un désastre; aujourd'hui, la Banque mondiale et le Fonds monétaire international citent l'Inde comme un exemple brillant d'une nouvelle économie en émergence.
L'an dernier, quand j'étais à Delhi, j'étais présent à la rencontre Pravasi Bharatiya Divas des membres de la diaspora indienne, où j'ai vu le premier ministre et ses collègues du cabinet présenter des exposés PowerPoint et des sommaires exécutifs, tout à fait comme des PDG et des membres des conseils d'administration du monde des grandes entreprises de l'Occident.
L'Inde tire sa force de sa démocratie dynamique, de sa jeune population, de sa culture entrepreneuriale et de la langue anglaise dont elle a hérité, la langue commune du commerce. Je peux m'asseoir dans un pub à Bengaluru ou à Delhi et parler affaires ou cricket tout aussi aisément que je parlerais affaires ou hockey à Ottawa ou à Toronto.
La philosophie politique de Manmohan Singh, l'architecte des perspectives économiques de l'Inde, et les forces sociales et économiques de la mondialisation ont réduit les entraves culturelles et le protectionnisme économique que les sociétés occidentales ont dû affronter depuis que l'Inde a obtenu son indépendance de la Grande-Bretagne. À cet égard, sous le gouvernement actuel de l'Inde, la croissance économique et la prospérité du secteur privé sont sans précédent. L'ampleur des activités commerciales étrangères en Inde aujourd'hui reflète le progrès considérable accompli par l'Inde.
Quand le haut-commissaire de l'Inde au Canada a comparu l'an dernier devant votre comité, il a indiqué que beaucoup de problèmes bureaucratiques étaient simplement des irritants. Il a fait état des nombreuses compagnies rentables de Fortune 500 qui sont heureuses de faire des affaires en Inde. C'est peut-être le cas pour les grandes entreprises mondiales, mais les mêmes soi-disant irritants mineurs peuvent être des obstacles majeurs pour les pays comme le Canada, dont les exportateurs sont surtout des petites et moyennes entreprises. Inutile de dire que par rapport aux compagnies de Fortune 500, nos PME n'ont pas le même degré de tolérance et de patience, ni les ressources et le savoir-faire pour composer avec une myriade d'exigences réglementaires et administratives difficiles et changeantes.
Il est évident que le Canada veut devenir un joueur sur le marché indien, mais comment pouvons-nous livrer concurrence efficacement sur un marché dominé par les États-Unis et les autres grandes nations commerçantes dans la région? Comment le Canada peut-il mettre à profit notre héritage commun du Commonwealth et notre importante communauté indo-canadienne pour améliorer le profil du Canada et sa présence en Inde?
Comme d'autres l'ont dit, il s'agit de faire correspondre les capacités et le savoir-faire canadiens à la demande indienne dans des secteurs particuliers. Dans le secteur de l'enseignement, le Canada a un énorme avantage concurrentiel. Nous avons créé un réseau national d'universités et de collèges communautaires de classe mondiale qui forment des diplômés hautement qualifiés; en d'autres mots, nous avons du savoir-faire dans la conception et l'offre de l'enseignement. Pourtant, nous avons été de piètres exportateurs de l'enseignement, au mieux, et ce, de façon sporadique. C'est particulièrement étonnant parce qu'il existe déjà un marché pour les services d'enseignement canadiens en Inde.
En 2009, dans son exposé devant votre comité, le haut-commissaire indien au Canada a souligné que l'Inde n'a pas suffisamment d'excellents établissements d'enseignement supérieur pour satisfaire ses propres besoins intérieurs. Pour chaque étudiant brillant admis dans une école de haut niveau, 99 autres étudiants doivent se contenter d'un établissement de deuxième ordre. L'Inde a besoin de partenariats avec de bonnes universités étrangères, a-t-il dit.
Le Canada n'a pas réussi à profiter du manque d'universités de classe mondiale en Inde. Au lieu, nos universités et nos collèges communautaires ont concentré leurs efforts sur le recrutement d'étudiants étrangers de l'Inde et de la Chine. Selon Citoyenneté et Immigration Canada, en 2008, il y avait 3 244 étudiants de l'Inde dans les établissements d'enseignement du Canada. Ce chiffre était censé doubler en 2009.
Si cela représente plus d'étudiants inscrits au Canada — ce qui est une bonne nouvelle pour les universités en mal de fonds —, c'est simplement une solution provisoire pour relever nos défis de financement actuels. Mais surtout, l'arrivée de plus d'étudiants étrangers dans les universités et les collèges communautaires canadiens nuit à la qualité de l'éducation que les étudiants nés au Canada et ceux qui sont nés à l'étranger reçoivent au Canada. Les classes sont aujourd'hui surpeuplées, les laboratoires de recherche sont inadéquats, on s'égare dans la formation linguistique et les étudiants sont de moins en moins satisfaits.
Il y a une limite au nombre d'étudiants que les établissements d'enseignement supérieur canadiens peuvent accueillir. Nos universités et nos collèges sont largement financés par les impôts des Canadiens, et la capacité des contribuables de soutenir nos écoles est mise à rude épreuve par les niveaux d'inscription des étudiants.
Le vice-président : Je ne veux pas interrompre votre exposé, mais je dois vous demander de résumer, si possible. Je dois garder un œil sur l'horloge et je vous serais reconnaissant de m'aider un peu.
M. Kindra : Certainement. Merci de cette suggestion.
Alors pour résumer, dans le domaine de l'éducation le Canada importe des étudiants d'Inde et de Chine plutôt que d'exporter ses compétences en éducation vers l'Inde. Il y a un boom de la construction. Des universités sont construites, et l'Inde cherche des partenaires, des partenariats et des compétences au Canada, dans divers domaines de l'éducation.
Il y a deux ans, l'École de gestion Telfer a lancé une activité que l'on a fini par appeler le « Forum pour les sociétés canadiennes ». Il s'agit d'un programme de certificat dans le cadre duquel des entreprises canadiennes envoient leurs employés s'initier à divers aspects des affaires en Inde. Ce programme est une belle réussite.
Toutefois, en règle générale, il ne se passe pas grand-chose pour ce qui est d'exporter vers l'Inde le savoir-faire canadien en éducation. Le premier ministre de l'Ontario, Dalton McGuinty, a dirigé une délégation en Inde en 2009 pour stimuler la demande pour nos exportateurs. Cette délégation comprenait quatre universités canadiennes, mais aucun collège communautaire n'y a participé. L'objectif du voyage pour les universités était essentiellement traditionnel. Elles voulaient recruter des étudiants pour les faire venir étudier au Canada.
Ces derniers mois, plusieurs de mes collègues et moi avons reçu des invitations de l'Inde, soit pour aller enseigner là- bas soit pour aider le pays à mettre sur pied et à administrer des établissements d'enseignement. Il y a une énorme demande dans ce domaine.
Lorsque je me suis informé au sujet de la mission commerciale de l'Ontario, je me suis dit qu'il aurait fallu faire un peu de recherche, étudier la concurrence et découvrir, par exemple, que le cabinet indien envisageait d'approuver une politique qui permettrait aux universités étrangères d'ouvrir des campus et de fonctionner en Inde. Ce projet devrait devenir loi dans un proche avenir.
À mes yeux, les efforts canadiens auraient dû être plus dynamiques, c'est-à-dire que cette mission commerciale, organisée en collaboration avec le MAECI, aurait dû être au courant de l'adoption prochaine de ces dispositions législatives et négocier avec l'Inde des partenariats dans le domaine de l'éducation. C'est maintenant qu'il faut commencer à travailler sur cet aspect.
Outre qu'elle répondrait aux besoins des étudiants indiens en matière d'éducation, l'exportation de services éducatifs aurait de nombreux avantages pour le Canada. En formant les travailleurs indiens avec des systèmes et du matériel canadiens, nous créerions une demande pour les outils et l'équipement canadiens en Inde. En outre, si elles savent qu'il existe un bassin de personnel qualifié et fiable en Inde, les sociétés canadiennes seraient plus enclines à soumissionner pour décrocher des contrats d'infrastructure. Elles seraient plus portées à soumissionner sur des projets d'infrastructure et elles seraient plus confiantes.
Mon deuxième point porte sur la stratégie de marque et de commercialisation du Canada. Dans les milieux d'affaires mondiaux, où l'on se bouscule, il faut se faire remarquer, il faut avoir une marque qui représente quelque chose, qui signifie quelque chose. Google, par exemple, est une marque estimée à 114 milliards de dollars; IBM vaut 6 milliards de dollars, entre autres. Ce sont des atouts précieux à posséder — la marque est un actif.
Quelle est la valeur de la marque Canada, quelle est la valeur du logo « fabriqué au Canada, conçu ou dessiné au Canada » pour les produits et services d'une société? Quelle reconnaissance, quelle crédibilité et quel respect une feuille d'érable éveille-t-elle dans l'esprit des dirigeants et des citoyens du monde? C'est un élément très important dont il faut tenir compte.
L'établissement et la commercialisation de l'image de marque d'un pays ne sont pas des activités à prendre à la légère. L'an dernier, quand le gouvernement australien a lancé sa campagne d'image de marque pour l'Australie, le ministre du Commerce, M. Crean, a déclaré que la marque de son pays avait l'objectif franchement commercial de promouvoir l'Australie sur de nombreux fronts.
Aujourd'hui, l'Inde s'annonce comme une terre de possibilités, un endroit où le monde entier peut venir faire des affaires. Son message est uniforme sous le slogan « L'Inde incroyable ». C'est son titre d'appel.
La demande de produits frais est en pleine croissance en Inde, par exemple. À mesure que le revenu des familles augmente, les gens vont s'installer dans les villes et la demande augmente. L'importation de fruits frais en Inde a fait un bond d'environ 217 p. 100 entre 2004-2005 et 2007-2008, et les pommes viennent au premier rang. Quand j'ai regardé cet exemple, récemment discuté lors d'un séminaire que j'ai animé pour Agriculture Canada, je me suis rendu compte qu'une partie du problème venait peut-être du fait que les pommes canadiennes Spartan, par exemple, n'étaient pas vendues en Inde essentiellement en raison d'une confusion de marque. Les choses ont des significations différentes. Les Indiens achètent généralement les Spartan de l'État de Washington plutôt que celles de n'importe où ailleurs, et pas celles du Canada. Une confusion de marque sous-tend le problème, à mon avis. La commercialisation n'est pas faite comme elle devrait l'être.
Pour promouvoir les produits, les services et la propriété intellectuelle du Canada sur les marchés étrangers, qu'il s'agisse de pommes, de technologie verte ou d'éducation, le Canada et ses exportateurs doivent utiliser un message unique, une image de marque qui nous aidera à affronter la concurrence plus efficacement.
Le Canada n'a pas de système de gestion ou d'entretien méticuleux de son image de marque. Il n'a pas d'objectif commun pour son image de marque; ses produits sont excellents, mais sa marque est vague.
En Inde, en Chine et dans de nombreux autres pays d'Asie, lorsqu'ils entendent le mot « Canada », les gens pensent immédiatement aux stéréotypes des grands espaces, de l'air pur, de la Gendarmerie royale et des longs hivers glacés. Ils ne pensent pas à RIM, ni à Bombardier, ni au Cirque du Soleil. Pour modifier la perception que les autres ont de nous, nous devons ouvertement promouvoir le Canada, les ressources canadiennes et notre ingéniosité.
L'image de marque constitue une position psychologique dans l'esprit des dirigeants et des citoyens des autres pays. Agriculture Canada a sa propre notion de l'image de marque, la CCT a la sienne, le MAECI a des idées bien à lui au sujet de l'image de marque, et c'est un problème. Le MAECI, par exemple, mène actuellement une campagne intitulée « Imagine — Éducation au Canada », en collaboration avec le Conseil des ministres de l'Éducation. Toutes ces variantes et ces approches de l'image de marque et du positionnement créent de la confusion sur le marché.
Pendant des années, j'ai animé des séminaires sur le marketing et l'image de marque pour les cadres supérieurs de divers ministères. Quand je leur demande pourquoi nous avons tant de variantes de l'image de marque, ils me répondent toujours qu'ils aiment avoir leur propre version de la marque, en raison de la responsabilité ministérielle et parce qu'il leur est ainsi plus facile de contrôler leur version ou leur variante de la feuille d'érable; ils peuvent contrôler la façon dont ils font la promotion du produit. À l'heure actuelle, il y a tant de variantes de la feuille d'érable et tant de messages contradictoires au sujet du Canada qu'on peut se demander si l'un ou l'autre de ces messages atteint son but. Il y en a de toutes les sortes.
L'image de marque devrait être gérée suivant le modèle de Johnson & Johnson — une position unique, soigneusement cultivée et gérée par le dirigeant du pays, le gestionnaire en chef de la marque.
Si l'on se reporte aux années 1970, le Canada était probablement plus connu et reconnu grâce à son célèbre gestionnaire d'image de marque, l'ancien premier ministre Pierre Elliott Trudeau. Parce qu'il était une célébrité internationale, il a placé le Canada au sommet de l'échelle. C'est un concept psychologique. Les psychologues savent que nous avons une échelle dans le cerveau. Cette échelle comporte six ou sept niveaux, et c'est un exploit que d'arriver au sommet. Vous pouvez être premier, deuxième ou troisième, mais après cela vous êtes un peu perdu dans la foule.
Le Canada a désespérément besoin d'une marque nationale commune pour promouvoir uniformément ses exportations, son tourisme, son éducation, sa culture, ses sports et sa philosophie, dans le monde entier. C'est une tâche qui incombe à l'ensemble du gouvernement et, selon moi, c'est sans doute au greffier du Bureau du Conseil privé qu'il convient de la confier, plutôt qu'à divers ministères.
La troisième question dont je veux traiter aujourd'hui concerne le secteur commercial, tous les secteurs en fait, l'éducation supérieure, l'agroalimentaire... il s'agit du choix d'un endroit approprié où faire des affaires en Inde. Lorsque vous allez en Inde, ce qui m'arrive assez souvent, vous constatez que les gens d'affaires canadiens restent dans les métropoles comme Mumbai, Delhi et Bengaluru. Vous en voyez très peu qui vont dans les villes secondaires de l'Inde pour rencontrer des représentants des gouvernements provinciaux. La présence dans les villes secondaires et tertiaires est faible, et il y a de bonnes raisons à cela. C'est, dans une large mesure, lié à des questions d'infrastructure : les grandes entreprises sont plus à l'aise dans les hôtels internationaux des grandes villes que dans l'environnement inconfortable des petites villes.
Je veux vous parler de l'incertitude des affaires en Inde. C'est un souci que j'ai eu moi-même en tant que petit investisseur, en tant que personne qui cherche à prendre sa retraite et peut-être à acheter une propriété en Inde pour y passer ses vieux jours.
J'ai eu bien des hésitations et bien des expériences malheureuses. Je me suis demandé quelle pouvait être la position du Bureau de la concurrence du Canada lorsqu'il s'agit de protéger les activités de gens comme moi, qui veulent investir ou voyager en Inde. Je sais que le Canada négocie actuellement un APIE avec l'Inde, un accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers, mais cet accord n'est pas encore en vigueur.
En outre, le Bureau de la concurrence, si j'ai bien compris, exerce des pressions sur l'Inde pour qu'elle devienne membre du réseau de protection de la propriété intellectuelle, et cetera, et l'Inde ne s'est pas encore engagée.
Ce que j'essaie de dire, ici, c'est qu'il y a des risques liés aux affaires, à l'application des lois et à l'administration de la justice en Inde. C'est une très grande préoccupation pour moi. Pour que les PME du Canada puissent s'épanouir et faire plus d'affaires en Inde — et pour que les particuliers puissent investir et envisager de prendre leur retraite en Inde —, il faut prévoir des protections.
Je sais que le temps file, je vais donc conclure en disant que le Canada devrait exporter des services d'éducation vers l'Inde plutôt que d'importer des étudiants indiens dans les universités et les collèges communautaires du Canada. De la sorte, non seulement il réduira les pressions sur l'infrastructure de l'éducation au Canada, améliorant de ce fait la qualité de l'éducation ici même au pays, mais il ouvrira aussi à nos entrepreneurs du domaine de l'éducation les portes d'un monde infini de possibilités de réseautage.
Deuxièmement, le Canada devrait suivre l'exemple de nombreux pays du monde et se doter d'une image de marque canadienne unique. Cet effort devrait être mené par le greffier du Conseil privé, suivant les instructions du premier ministre.
Troisièmement, les entreprises canadiennes devraient s'aventurer dans les villes secondaires de l'Inde où la compétition est moins vive et où les occasions dans certains secteurs, dont l'éducation, sont plus nombreuses.
Quatrièmement, même si les entreprises canadiennes se réjouissent à l'idée de faire des affaires et d'investir en Inde, elles devraient être prudentes dans le choix de leurs partenaires locaux. Quant au gouvernement du Canada, il devrait travailler sérieusement avec d'autres nations commerciales animées des mêmes valeurs pour veiller à ce que des protections adéquates soient instaurées.
Finalement, si vous me le permettez, je dois dire qu'hier encore, j'ai trouvé dans les journaux un article sur M. Bill Gates, président de Microsoft. Il visite actuellement une petite ville perdue de l'Inde appelée Amethi. C'est vraiment une ville perdue, une ville tertiaire, une toute petite ville. Les journalistes lui ont demandé ce qu'il faisait là-bas. Il a dit qu'il avait des plans pour faire d'Amethi une nouvelle plaque tournante de la TI et de la mise au point des logiciels. Il y a une leçon à tirer de cela : il faut être plus proactifs et ne pas se confiner dans les grandes villes.
Merci de m'avoir permis de vous faire part de mes points de vue.
Le sénateur Segal : Monsieur Kindra, je vous remercie du temps et du soin que vous avez apporté à préparer cet exposé.
Est-ce que l'école Telfer elle-même, qui est tout près d'ici, à l'Université d'Ottawa, organise des échanges avec des établissements d'enseignement supérieur en Inde? Est-ce que vous offrez des cours, au niveau exécutif ou du MBA, pour aider les Canadiens qui voudraient en savoir plus sur la façon de faire des affaires en Inde, pour profiter de certaines des compétences culturelles et de gestion que vous et d'autres professeurs possédez?
En outre, savez-vous si d'autres établissements canadiens, selon vous, comprennent la situation et font un bon travail?
M. Kindra : L'École de gestion Telfer administre des programmes d'échange avec l'Inde comme avec de nombreux autres pays du monde. Nous avons un programme axé sur l'Inde qui est offert aux entreprises désireuses de faire des affaires là-bas. Les participants se réunissent pendant deux ou trois jours pour se sensibiliser aux différences culturelles, aux aspects juridiques, aux règles et méthodes essentielles des affaires. Nous les encourageons à établir un plan d'affaires pour l'Inde. Dans bien des cas, nous les incitons à se rendre là-bas pour suivre une formation sur place. Il s'agit de gens qui travaillent actuellement pour des sociétés canadiennes. C'est un programme très populaire, que nous offrons, je crois, depuis 2008.
Comme je l'ai dit, et c'est dans mon rapport, un certain nombre d'universités, surtout en Ontario, créent des partenariats avec des établissements en Inde à l'heure actuelle. Toutefois, dans l'ensemble, l'accent porte sur la réalisation de travaux de recherche conjoints dans des établissements indiens ou le recrutement d'étudiants indiens qui viendront au Canada. Les seuls établissements qui, à ma connaissance, établissent vraiment des partenariats, par exemple pour offrir une formation de type MBA à des cadres du secteur des affaires, sont l'école de commerce Ivey, Schulich et c'est à peu près tout.
Les établissements du Canada doivent aller là-bas et négocier des partenariats et, peut-être, ouvrir leurs propres campus. L'Inde, comme je l'ai dit, autorise l'établissement de campus étrangers sur son territoire.
La semaine dernière j'ai parlé avec le dirigeant du Conseil de développement de l'industrie du bâtiment en Inde. Il m'a dit qu'il avait été sondé par l'Association des collèges communautaires du Canada, qui songe à offrir une formation pour les travailleurs du bâtiment, les métiers du bâtiment, en Inde. Après cette discussion avec lui, j'ai pensé que c'était une excellente idée, car cela donnerait aux entreprises canadiennes l'occasion non seulement de recruter une main-d'œuvre indienne formée par des Canadiens pour travailler à des projets de construction et d'infrastructure mais aussi de faire connaître leur équipement au marché indien. Ce projet, d'après ce que l'on m'a dit, n'a pas abouti en raison de certaines exigences d'accréditation.
Le sénateur Finley : Est-ce que ce projet de loi sur les établissements d'enseignement étrangers qui, essentiellement, permettrait de conclure des accords de collaboration pour établir des campus étrangers en Inde, ce dont vous nous avez parlé, est-ce qu'il a été adopté par le Parlement indien?
M. Kindra : À ma connaissance, pas encore, mais on s'attend à ce qu'il soit approuvé. Si j'ai bien compris, c'est un fait accompli parce qu'il n'y a pas beaucoup d'opposition à ce projet de loi.
Le sénateur Finley : Un certain nombre d'établissements d'enseignement ont comparu devant notre comité ces derniers mois. Je ne me souviens pas qu'on nous ait parlé d'accords de collaboration en Inde. On nous a dit que nous devrions recruter des étudiants indiens pour qu'ils viennent ici, au Canada. Cela semblait être le seul objectif.
Ce que vous nous dites est très différent. Est-ce que les universités, les collèges, les écoles commerciales du Canada sont au courant de cette stratégie que vous proposez et du projet de loi sur les établissements d'enseignement?
M. Kindra : Je ne le crois pas. Si vous parlez d'universités un peu éloignées comme Lakehead, l'Université Laurentienne, Algoma et Northern British Columbia, cela se comprend. J'ai visité certains de ces établissements et je peux comprendre leur désir de recruter des étudiants pour produire des recettes qui aideront l'établissement à s'épanouir et à croître. Si vous pensez aux grands établissements qui mènent de vastes programmes de recherche en Ontario et dans le reste du pays, je crois qu'il est absurde de vouloir remplir les classes avec un maximum d'étudiants. Selon moi, cela a un effet négatif sur la qualité de l'éducation dans notre pays et sur l'expérience d'apprentissage offerte à nos étudiants. Au bout du compte, comme je l'ai dit, nous nous égarons dans les programmes de formation linguistique, et la qualité de l'éducation a tendance à y perdre.
L'Université d'Ottawa a réalisé récemment une étude à laquelle un de mes collègues, David Zussman, a participé. Cette étude indiquait que la satisfaction des étudiants à l'Université d'Ottawa, par exemple, était parmi les plus faibles dans les établissements largement axés sur la recherche.
Je crois que nous devons exporter notre savoir-faire là-bas. Nous sommes un pays exportateur, pas un pays importateur. Nous voulons exporter nos services. Nous voulons stimuler nos échanges. L'éducation est un secteur important. Il ne se passe pas un jour où je ne découvre pas, dans les journaux ou sur Internet, une université indienne, un nouvel établissement dans une région perdue du pays, qui est à la recherche de savoir-faire en gestion, en éducation, en médecine, en génie ou en droit. Ces établissements cherchent de l'aide au Canada. C'est sur eux que nous devons faire porter notre attention.
Le sénateur Finley : Nous aimerions traiter de certaines facettes de cette question avec vous, mais nous n'en avons pas le temps aujourd'hui. Je le sais, monsieur le président.
Je voulais revenir un instant sur l'image de marque. Le Canada a quelques excellentes images de marque. Nous n'avons peut-être pas de Google, de Microsoft ni d'Apple, mais nous avons d'excellents exemples de réussite. Au Québec, par exemple, il y a Bombardier et Pratt & Whitney Canada dans les domaines de la production d'énergie et du transport. Nous avons RIM, et bien d'autres encore.
Rainbow Country, c'est un joli nom, et j'ai entendu aussi quelques noms australiens. Je ne peux pas comprendre cette ignorance face au Canada et à sa marque de commerce. Nous avons probablement l'un des drapeaux les plus faciles à reconnaître dans le monde. Nous avons certainement un nom facile à prononcer et à reconnaître dans pratiquement toutes les langues. Nous avons associé le nom « Canada » à un grand nombre de choses : Commerce Canada, Équipe Canada, et le reste.
En termes d'image de marque, comment est-ce que le Royaume-Uni, la France et l'Allemagne s'en tirent? Je ne connais pas d'image unique pour ces pays.
M. Kindra : Vous avez raison. D'après un rapport publié sur MSN.com avant-hier, Tim Horton est la marque canadienne la plus connue. Tout le monde la connaît. Il y a aussi Jean Coutu, Bombardier, les Pages jaunes, et cetera. Ce sont quelques marques extrêmement connues au pays. Toutefois, le Canada a besoin d'une image de marque unique plutôt que de marques fragmentées qui sont utilisées par divers ministères, des ministères fédéraux et, dans bien des cas, des gouvernements provinciaux qui ont leur propre variante de la marque « Canada ».
Il y a un concept psychologique en jeu. Lorsque les gens achètent un produit étranger, lorsque les gens invitent des investisseurs étrangers, ce ne sont pas seulement des pommes qu'ils achètent du Canada. Ils achètent tout un éventail de choses, y compris l'image que le produit évoque, c'est-à-dire un amas d'informations qui viennent à l'esprit lorsque vous entendez le mot « Canada ».
Dans le cas du Canada, il y a confusion quant à la représentation. Différentes images viennent à l'esprit des gens. L'image est vague, elle n'est pas distincte ni claire. Les gens pensent à toutes sortes de choses, comme je l'ai dit précédemment, à l'hiver, à la Gendarmerie royale, à des stéréotypes, mais ils ne voient pas le Canada comme un pays de technologie verte qui a beaucoup à offrir dans les domaines de la technologie, de l'éducation, et cetera. Notre image de marque porte à confusion.
Le vice-président : Je suis d'accord avec le sénateur Finley à ce sujet. La question de l'éducation est importante. Nous n'avons pas le temps d'en discuter à fond ici, mais je n'ai pas bien compris la réponse.
Le sénateur Downe : Il y a quelques semaines, le comité accueillait un ministre du gouvernement indien qui a parlé du projet de loi sur l'éducation. Ses commentaires m'ont intrigué, et j'ai fait quelques recherches. Je comprends mal pourquoi une université canadienne voudrait ouvrir un campus en Inde, parce que le projet de loi, qui a été approuvé par le Cabinet, mais pas encore par le Parlement, exige que l'établissement d'enseignement canadien assume 51 p. 100 des coûts liés à la création du campus en Inde. Toutefois, aux termes de ce projet de loi, il n'aura pas le droit de toucher les profits qu'il pourrait faire en Inde.
Pourquoi une université ou un collège canadien serait-il intéressé par ce type d'arrangement?
M. Kindra : Je ne connais pas les détails du projet de loi. Certains de mes amis, en Inde, travaillent dans divers instituts de gestion, ou IIT. Je crois comprendre qu'il y a déjà un certain nombre d'établissements australiens et anglais qui ont manifesté le désir de s'installer en Inde. Je ne sais pas si le projet de loi impose ce type de contraintes, mais je crois que d'ici à ce qu'il soit adopté il sera beaucoup plus raisonnable.
Le sénateur Downe : Dans la presse indienne que j'ai consultée dans le cadre de mes recherches, on faisait état d'une grande anticipation et de vifs espoirs qu'Oxford, Harvard et d'autres ouvriraient des campus là-bas. Toutefois, bien des gens jugent que les contraintes dont j'ai parlé il y un instant sont beaucoup trop lourdes.
Il y a une foule de restrictions qui s'ajoutent à celles que j'ai mentionnées. Par exemple, la majorité des membres du corps professoral doivent être Indiens. Certains craignent que cela ne se fasse au détriment d'autres établissements d'enseignement en Inde. En outre, il s'agira d'établissements privés, et la majorité des universités en Inde, pour ne pas dire toutes, sont actuellement possédées par le gouvernement. Certains craignent un détournement des talents.
Évidemment, vous ne connaissez pas les détails du projet de loi. Mais, dans ces conditions, je ne peux pas imaginer qu'un établissement d'enseignement canadien investisse là où il ne peut retirer aucun argent qu'il réaliserait après avoir payé 51 p. 100 de l'investissement. Il n'y a pas de rendement sur l'investissement. S'il mène des activités de consultation en parallèle, il pourra sortir certains de ses profits du pays.
D'autres sénateurs ont des questions, mais je voulais simplement mentionner cela, pour le compte rendu.
Le vice-président : Je viens du centre-ville de Toronto, et je veux parler des étudiants en commerce. Quand j'étais député de la circonscription où est située l'Université de Toronto, nous avions une foule d'étudiants étrangers, et cela me paraissait très positif. Toutefois, il y en a toujours qui se plaignent de la présence des étudiants étrangers. C'est ainsi en Angleterre, en France, partout dans le monde. Quoi qu'il en soit, nous avons tiré bien des avantages de cette situation, bien des gens seraient d'accord avec moi.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Monsieur Kindra, merci pour votre excellent mémoire. Nous vivons dans un monde très intégré. La croissance annuelle économique mondiale est cinq fois plus élevée que celle du Canada. Cela veut donc dire qu'il y a beaucoup de débouchés pour les Canadiens. En revanche, il y a beaucoup de compétitivité et de défis. Nous devons donc trouver une façon de passer de ce modèle que nous avons toujours suivi — commerce bilatéral et investissement bilatéral — vers une économie mondiale dans laquelle les chaînes d'approvisionnement changeront constamment.
J'ai bien noté vos importantes recommandations : développer l'enseignement et exporter l'éducation, développer une stratégie de marque Canada, faire des affaires en Inde dans des villes et des paliers intermédiaires, être prudents concernant la propriété intellectuelle et aussi la difficulté de faire appliquer les lois en Inde lorsqu'on a des problèmes juridiques. À part ces démarches, le gouvernement canadien peut-il faire autre chose pour aider les entreprises canadiennes à se mondialiser?
[Traduction]
M. Kindra : Outre ces quatre recommandations, il serait utile que les gouvernements provinciaux et le gouvernement fédéral collaborent plus étroitement. Ils pourraient profiter, par exemple, du savoir-faire disponible dans les bureaux du MAECI à Ottawa et en Inde pour se concentrer sur la création de partenariats avec des sociétés indiennes et entre des établissements d'enseignement à Ottawa et en Inde.
Au fil des ans, j'ai constaté que le MAECI possédait d'excellentes ressources et un groupe de personnes qui ont des compétences et des connaissances relatives aux marchés. Toutefois, leur connaissance des villes secondaires en Inde est plutôt limitée. Le genre d'interaction et d'expertise qu'ils peuvent offrir, quoiqu'utile, est limité à certains égards. Il serait utile d'intensifier la formation et la croissance au sein du MAECI.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie infiniment.
[Traduction]
Le sénateur Smith : Une grande partie de ce thème a été couverte, mais je suis intrigué par l'importance que vous accordez à l'éducation et à la conclusion d'ententes avec des établissements d'enseignement en Inde. Vous avez parlé de villes secondaires. Pourriez-vous nous en donner quelques exemples?
M. Kindra : Les villes secondaires comprendraient ma ville natale, Dehradun, ainsi que Bhopal, Indore et Meerut. Il y a un certain nombre d'autres villes dans la région centrale de l'Inde où l'on n'aime pas beaucoup se rendre. Il y a là des gouvernements provinciaux qui sont « difficiles ».
Le sénateur Smith : Il y a de nombreuses écoles privées à Dehradun.
M. Kindra : Oui.
Le sénateur Smith : Cela me rappelle un peu les missionnaires d'une autre époque, quand différentes églises allaient construire des écoles dans ces endroits-là. J'en ai vu une au sud de Madras, en janvier, et la plaque disait que lorsque le tsunami avait déferlé, il avait tout détruit sur son passage sauf l'endroit où saint Thomas avait débarqué, il y a quelque 2 000 ans. La zone autour de l'église n'avait pas été touchée. J'ai trouvé cela plutôt charmant.
Je peux comprendre l'intérêt des universités canadiennes à attirer des étudiants étrangers. Mais quel serait pour elles l'avantage de se rendre en Inde, compte tenu des dispositions sur les coûts dont nous venons de parler, à moins qu'il n'y ait une contrepartie? C'est cela que vous envisagez? Est-ce que l'Université d'Ottawa envisage un tel arrangement?
M. Kindra : Cette approche de contrepartie en matière commerciale, selon moi, est incontournable. Les dirigeants politiques de l'Inde ne sont pas nés de la dernière pluie. Je suis convaincu qu'ils comprennent très bien que pour faire des échanges il faut qu'il y ait des avantages pour les deux pays, pas seulement pour l'Inde.
Je suis un peu étonné parce que j'ignorais toutes les restrictions que vous avez mentionnées dans ce projet de loi. J'aurais cru qu'il serait plus équilibré. J'ai supposé qu'il était équilibré. J'ai été incapable d'obtenir des détails.
Certes, les établissements d'enseignement n'ont ni le besoin ni le désir de s'installer dans des endroits où ils seraient incapables de ramener des profits au Canada. Ils ne voudraient pas s'engager dans une telle situation.
Le sénateur Smith : Je me suis dit que si l'Université d'Ottawa avait des projets, elle pourrait choisir Pondichéry. C'est une ancienne colonie française, et il y a encore là-bas quelques vestiges de la communauté française, quoiqu'ils s'estompent rapidement. C'est peut-être une idée farfelue, mais l'endroit est unique.
Le vice-président : Au nom du comité, je vous remercie infiniment de nous avoir présenté ce mémoire très intéressant et d'avoir pris le temps de venir discuter avec nous.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Honorables sénateurs, vous avez tous reçu l'invitation pour assister à l'allocution de son Excellence Felipe Calderón Hinojosa, président de la République des États-Unis du Mexique, le jeudi 27 mai 2010, à 10 heures, à la Chambre des communes.
Notre comité commence à 10 h 30, donc il faudrait peut-être qu'on nous accorde du temps pour s'y rendre. Je suis certaine que tout le monde ici est intéressé à entendre ce que le président a à nous dire.
Le vice-président : Quand cet événement a-t-il lieu?
Le sénateur Fortin-Duplessis : Le 27 mai à 10 heures, à la Chambre des communes.
Le vice-président : Je comprends, oui.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ce serait intéressant.
[Traduction]
Le vice-président : Je suis désolé, je ne le vois pas.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Nous nous réunissons à 10 h 30.
[Français]
Le vice-président : Je vais en parler aux sénateurs Andreychuk et Finley au Sous-comité du programme et de la procédure. Je n'étais pas au courant
[Traduction]
Je l'ignorais. Nous allons prendre des dispositions pour que tous puissent y assister.
(La séance est levée.)