Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 14 - Témoignages du 28 octobre 2010
OTTAWA, le jeudi 28 octobre 2010
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été déféré le projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois, se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, je vous souhaite la bienvenue à la présente réunion du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons notre étude du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Ce matin, le premier groupe de témoins est constitué du Commissaire adjoint Stephen White, directeur général, Criminalité financière, Gendarmerie royale du Canada, de l'inspecteur Eric Slinn, directeur, sous-direction de la police des drogues, et d'Yves Leguerrier, directeur, Division des crimes graves et du crime organisé, Sécurité publique Canada. Un témoin participera à la réunion par vidéoconférence — il s'agit du surintendant Don Spicer, de la police régionale de Halifax. M Spicer est agent de la sécurité publique à la MRH. Quel merveilleux titre.
Je remercie chaleureusement tous les témoins. M. Leguerrier sera le premier à prendre la parole.
[Français]
Yves Leguerrier, directeur, Division des crimes graves et du crime organisé, Sécurité publique Canada : Madame la présidente, j'aimerais tout d'abord vous remercier de me donner la possibilité de vous parler aujourd'hui des efforts déployés par le gouvernement du Canada pour combattre la production et la distribution de drogues illicites au moyen du Plan d'action, l'un des trois domaines de priorité de la stratégie nationale anti-drogue.
Sécurité publique Canada préside le groupe de travail interministériel qui supervise le Plan d'action sur l'application de la loi. Ce groupe de travail est composé de ministères et d'organismes qui ont pour mandat de s'attaquer de façon proactive aux opérations de production et de distribution de drogues illicites des organisations criminelles, comme la culture de marijuana et les laboratoires clandestins.
Parmi nos partenaires, mentionnons la GRC, l'Agence des services frontaliers Canada, le Service des poursuites pénales du Canada, Santé Canada, Justice Canada, le groupe de juricomptables de Travaux publics et Services gouvernementaux Canada et le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE.
Le Plan d'action comporte un certain nombre de volets. Nous avons agrandi les équipes de la GRC affectées à la lutte antidrogue afin qu'elles contribuent à repérer les organisations qui participent à la production et à la distribution de drogues illicites, à mener des enquêtes à leur sujet et à les démanteler.
Nous avons également procuré des ressources additionnelles au Service des poursuites pénales du Canada pour accroître notre capacité de poursuivre efficacement les individus impliqués dans le trafic de drogues.
Nous avons augmenté le nombre d'inspecteurs et d'enquêteurs chez Santé Canada pour veiller ce que les analyses des drogues illicites suspectes saisies par les organismes d'application de la loi soient faites rapidement et correctement.
Nous avons aussi pris des mesures visant à enrayer la circulation des produits de la criminalité liés à la drogue et à saisir ces produits.
Enfin, nous avons amélioré la capacité des organismes d'application de la loi à lutter contre la circulation transfrontière des produits chimiques précurseurs et des drogues illicites ainsi qu'à mener des enquêtes conjointes avec leurs homologues des États-Unis.
Le projet de loi S-10 est un autre moyen de poursuivre les efforts d'application de la loi en imposant des peines sévères et adéquates aux personnes coupables de crimes graves liés à la drogue.
Malgré tous les efforts déployés par le Canada pour lutter contre l'offre de drogues illicites, nous sommes conscients qu'il reste encore beaucoup de chemin à faire. Comme vous le savez peut-être, depuis quelques années, le Canada fait malheureusement partie des pays faisant la production et le trafic international de drogues synthétiques comme le MDMA ou ecstasy, la méthamphétamine et figure malheureusement dans le rapport mondial sur les drogues des Nations Unies.
[Traduction]
Pour remédier à la situation, nous avons lancé l'Initiative sur les drogues synthétiques, en août 2009, sous l'égide de la Stratégie nationale antidrogue. Cette initiative dirigée par la Gendarmerie royale du Canada en collaboration avec d'autres ministères fédéraux, dont le ministère de la Justice, Santé Canada, le SPCC — le Service des poursuites pénales du Canada —, l'Agence des services frontaliers du Canada, Affaires étrangères et Commerce international Canada et Sécurité publique Canada, est conçue pour lutter contre la production et la distribution de drogues synthétiques illicites au Canada et d'y réduire l'influence globale du crime organisé sur le trafic de drogues.
L'Initiative sur les drogues synthétiques est la première stratégie gouvernementale à cibler une seule catégorie de drogues. Elle cible l'industrie des drogues synthétiques à l'aide de trois piliers : l'application de la loi, la dissuasion et la prévention. Son rôle consiste à déceler et à démanteler les laboratoires clandestins dans tout le pays, à prendre des mesures visant à freiner le détournement des produits chimiques précurseurs provenant du Canada et de l'étranger, ce qui implique une collaboration avec l'industrie des produits chimiques pour encourager la production de rapports d'activités suspectes, ainsi qu'à se pencher sur des modifications législatives, notamment présenter de nouveau le projet de loi S-10, raison de notre réunion d'aujourd'hui. Pour faire progresser cette initiative, un groupe de travail sur les drogues synthétiques continue de se réunir tous les trois mois afin de faciliter la transmission rapide des renseignements et d'encourager une collaboration proactive entre les ministères et les organismes.
[Français]
En terminant, j'aimerais répéter que nos partenaires fédéraux de l'application de la loi demeurent engagés à collaborer avec les organisations d'application de la loi et du renseignement municipales, provinciales, territoriales et internationales pour lutter contre les activités criminelles liées à la drogue qui compromettent la santé et la sécurité de nos collectivités, au Canada comme dans le monde entier.
La présidente : Merci beaucoup, monsieur Leguerrier.
[Traduction]
Stephen White, commissaire adjoint, Gendarmerie royale du Canada : Bonjour. Je vous remercie de m'avoir invité à me présenter ici aujourd'hui. Je suis accompagné de mon collègue, l'inspecteur Eric Slinn, directeur et officier responsable de la sous-direction de la police des drogues de la GRC. Nous sommes heureux de nous présenter devant le comité et d'avoir l'occasion de participer à la présente discussion sur le projet de loi S-10 et la Stratégie nationale antidrogue.
[Français]
Permettez-moi d'entamer mon discours avec un bref survol de la situation actuelle au Canada relativement aux stupéfiants.
[Traduction]
Au cours des 10 dernières années, le contexte des drogues au Canada a beaucoup changé et a gagné en complexité. Bien que le cannabis demeure la substance illicite la plus couramment consommée au pays, et même si les saisies de marijuana produite au pays dépassent toujours celles des autres drogues, les drogues synthétiques sont devenues une autre marchandise de prédilection du crime organisé, et le marché de la cocaïne conventionnelle demeure solide. Le crime organisé au pays exploite désormais une gamme de substances des plus diverses qui vise non seulement la consommation à l'échelle nationale, mais aussi l'exportation, l'importation et le passage en contrebande.
Le Canada demeure également l'un des pays sources principaux de MDMA, d'ecstasy et de méthamphétamine. Les groupes du crime organisé produisent toujours une importante quantité de ces deux substances, qui surpasse de loin la demande des consommateurs nationaux : les stocks excédentaires sont alors exportés, principalement aux États-Unis, mais aussi en Asie et en Océanie. Il s'agit là de l'un des facteurs justifiant la réputation du Canada comme pays source de drogues synthétiques.
Il est évident que le crime organisé s'est considérablement perfectionné au cours de la dernière décennie. Nous avons pu constater une coopération sans précédent entre différents groupes, qui transcende aussi bien les frontières géographiques que celles que représentent les cultures et les marchandises.
Jadis, la situation était beaucoup plus simple : la police devait principalement s'occuper de la répression du problème que représentaient les drogues. Pour répondre aux besoins des collectivités qu'ils servent, les services de police ont toutefois dû évoluer à un rythme exponentiel. Effectivement, les enquêtes relatives aux drogues dans le monde d'aujourd'hui comportent diverses facettes : les agents doivent comprendre les enjeux environnementaux, explorer et manipuler des substances dangereuses, gérer les répercussions internationales aussi bien dans le domaine juridique que dans le domaine politique, entretenir des partenariats et s'adapter à une communauté et à des attentes en constante évolution.
Le problème des drogues synthétiques au Canada et la réponse des organismes d'application de la loi donnent un exemple tout à fait tangible de la nouvelle complexité de la question. Avec l'arrivée des super laboratoires et des petits laboratoires clandestins des grandes collectivités urbaines comme Vancouver, Toronto, Montréal, Calgary et Edmonton, il est certain que, dans quelque temps, les déchets dangereux enfouis ou jetés dans les égouts publics des villes nuiront grandement à l'environnement, aux infrastructures et, en fin de compte, à la santé et à la sécurité des gens. Les groupes du crime organisé n'accordent aucune importance aux questions environnementales, et pas davantage à la santé et à la sécurité. Ils ne cherchent qu'à atteindre leurs objectifs et à faire des profits.
Pour répondre à ces nouvelles menaces à la sécurité de nos collectivités, une stratégie nationale antidrogue exhaustive — la SNAD — a été lancée vers la fin de 2007 en vue de favoriser la santé et la sécurité grâce à des efforts coordonnés visant la prévention de l'utilisation, le traitement de la dépendance et la réduction de la production et de la distribution des drogues illicites. Le financement de la SNAD a contribué aux efforts d'élaboration et de soutien de la GRC dans le cadre de l'Initiative sur les drogues synthétiques, mais aussi à la lutte contre les installations de culture de la marijuana. L'Initiative a été mise en œuvre récemment, mais elle démontre bien la réflexion à long terme et l'approche pragmatique qu'a adoptées la GRC pour relever le défi de l'application de la loi en matière de drogues dans le village planétaire d'aujourd'hui.
La GRC a créé et mis en œuvre l'Initiative sur les drogues synthétiques en août 2009 afin de remédier à la situation des drogues de ce type au Canada. L'initiative repose sur trois piliers : la prévention, la dissuasion et l'application de la loi. Depuis son lancement, cette initiative a permis de réaliser d'importantes percées pour empêcher les groupes du crime organisé à l'échelle nationale aussi bien qu'à l'échelle internationale d'utiliser le Canada comme aire de rassemblement pour la production et la distribution des drogues synthétiques.
En outre, la GRC a indiqué que les drogues synthétiques étaient l'une de ses priorités tactiques nationales en matière d'application de la loi. Effectivement, les enquêtes dans ce domaine se font de plus en plus nombreuses et de plus en plus complexes, ce qui exige une réponse des plus coordonnées. C'est pour cette raison que des ressources ont été attribuées de façon stratégique, en se fiant à des évaluations du renseignement, pour assurer l'utilité et l'optimisation des ressources en question.
[Français]
La Gendarmerie royale du Canada a lancé cette l'initiative sur les drogues de synthèse à l'étranger et a engagé un dialogue constructif avec plusieurs pays qui partagent nos défis à cet égard. Nous participons aux initiatives appuyées par le G8 et Europol. Dans le cadre du G8, nous avons élaboré le projet MOLE — Monitoring of Laboratory Equipment — qui surveillera l'importation et la vente de matériel de laboratoire. Dans le cadre de notre coopération avec Europol, nous participons au projet SYNERGY qui assure l'échange de renseignements sur les drogues de synthèse entre les pays participants.
[Traduction]
La prévention et l'enseignement sont d'importants piliers de la stratégie sur les drogues de la GRC : ils ne font donc pas uniquement partie de l'Initiative sur les drogues synthétiques. La GRC s'occupe également de la sensibilisation de prévention aux membres les plus vulnérables des collectivités, les jeunes, par l'entremise de messages sur la consommation de drogues et les dangers pouvant découler de ces types d'activités illégales.
En tant qu'organisme d'application de la loi, nous devons faire face à bon nombre de défis qui nous forcent à faire face à l'inconnu. Pour cette raison, ce n'est qu'avec une collaboration fructueuse avec nos partenaires au pays et à l'étranger que nous pourrons triompher dans notre lutte contre le crime organisé.
Notons aussi que la réglementation adéquate fait partie des outils nécessaires à la Stratégie nationale antidrogue et à l'Initiative sur les drogues synthétiques. Par contre, comme pour toute loi et tout règlement, le crime organisé cherchera toujours à manipuler et à exploiter toutes les failles du système pour en tirer profit. La nouvelle réglementation devra donc avoir pour but de limiter l'exploitation de l'industrie des drogues illicites du crime organisé, mais aussi d'empêcher les criminels de manipuler les nouvelles lois et les nouveaux règlements.
Le projet de loi S-10 et sa proposition consistant à mettre en œuvre une sentence minimale pour certains crimes liés aux drogues font partie intégrante des mesures de dissuasion. Ainsi, les personnes à l'échelon le plus bas du crime organisé, celles-là mêmes qui apportent un soutien crucial aux groupes, y penseront deux fois avant d'essayer de faire quelques dollars si leurs activités entraînent à coup sûr une peine d'emprisonnement.
On peut percevoir de façon claire que les intervenants canadiens de la lutte contre les drogues collaborent et coopèrent mieux que jamais. Si la Stratégie nationale antidrogue fonctionne, c'est parce que la GRC et ses partenaires l'ont accueillie et ont orienté leurs initiatives pour l'appuyer. Le projet de loi S-10 représente un autre élément de la stratégie qui permettra au Canada de réduire les répercussions du crime organisé sur les collectivités.
[Français]
J'aimerais vous remercier encore une fois de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous. Il me fera maintenant plaisir de répondre à vos questions.
[Traduction]
La présidente : Merci infiniment. Nous allons maintenant entendre le témoin qui se trouve à Halifax. Bienvenue, monsieur Spicer.
Don Spicer, surintendant, Police régionale de Halifax : Je voudrais tout d'abord remercier le comité sénatorial de donner l'occasion à la police régionale de Halifax de s'exprimer sur un sujet aussi important.
La police régionale de Halifax souscrit au point de vue de l'Association canadienne des chefs de police, laquelle préconise l'adoption d'une approche équilibrée en ce qui concerne la consommation et l'abus de stupéfiants au Canada. En outre, nous sommes favorables à toute mesure qui ferait en sorte que les services policiers disposeraient de dispositions législatives efficaces ayant une incidence positive sur leurs efforts en matière de lutte antidrogue.
Le taux de criminalité à Halifax a diminué de 2005 à 2008, et il est demeuré stable en 2009, mais nous avons observé que le niveau de violence dans notre communauté avait monté d'un cran. De fait, selon un numéro de Juristat paru en 2009, la gravité globale des crimes violents signalés à la police s'est accrue dans la région métropolitaine de recensement de Halifax, dont le pourcentage de crimes violents dépasse à présent la moyenne nationale.
Nous avons observé une augmentation du nombre d'actes criminels commis à l'aide d'armes à feu, y compris les fusillades en plein jour dans des lieux publics, dont un bon nombre sont commis par des gangs rivaux de trafiquants de drogues qui s'affrontent pour accroître leur mainmise sur le marché de la drogue. Le commerce de la drogue est à l'origine d'une pléthore de ces crimes violents. Ainsi, les infractions sous-jacentes au commerce de la drogue doivent être visées par des sanctions qui reflètent la gravité de l'infraction et ses répercussions négatives sur la trame même de notre communauté.
Le Parlement et la société doivent faire savoir aux tribunaux que les crimes de ce genre les préoccupent, mais, à cette fin, ils ne disposent plus que d'un nombre limité d'options. Les normes actuelles en matière de détermination de la peine ne traduisent tout simplement pas les attentes du public, et le seul moyen dont dispose le Parlement pour établir un équilibre consiste en l'imposition de peines minimales obligatoires. Nous devons faire savoir aux contrevenants que le trafic et la culture de drogues sont des infractions graves, et du même coup faire savoir aux citoyens que le système de justice prend les crimes de ce genre au sérieux.
Les actes criminels liés aux drogues ont des répercussions sur tous les citoyens. La police constate que, dans certains milieux urbains, les citadins sont à la merci de revendeurs de drogues qui sont accusés d'infractions liées aux drogues et d'infractions contre l'administration de la justice, mais qui sont immédiatement mis en liberté dans la collectivité, où ils reprennent souvent leurs activités illicites de trafic de drogues. En outre, nous constatons que des quartiers de banlieue sont assiégés par des installations perfectionnées de culture de drogues. Et c'est sans parler des conséquences néfastes qu'engendrent dans la collectivité les activités liées aux drogues, par exemple les innombrables cas d'introduction par effraction et de vols que commettent des gens pour financer leur toxicomanie.
Nous sommes favorables à ces mesures accrues d'application de la loi, mais nous sommes également conscients du fait que la seule application de la loi ne représente pas la solution. Nous devons également axer nos efforts sur la prévention. Nous devons encourager les Canadiens à dire non aux drogues, et les dissuader de consommer des drogues et d'en abuser. Nous sommes d'avis qu'une vaste campagne de marketing social est requise pour changer la culture entourant les drogues. Nous devons faire passer un message sans équivoque, selon lequel les drogues sont non seulement illicites, mais également inacceptables sur le plan social, comme cela a été fait en ce qui a trait à la conduite avec facultés affaiblies.
Pour la police, il est déconcertant de constater que, d'une part, les jeunes disent qu'ils ne conduiraient jamais une voiture après avoir consommé de l'alcool, mais que, d'autre part, ils admettent sans ambages qu'ils conduisent leur voiture après avoir fumé un joint. Cela est inacceptable. Il est essentiel de mettre en place des programmes qui s'adressent aux jeunes et qui visent d'abord et avant tout à les dissuader de s'associer à quelque activité que ce soit ayant trait aux drogues afin de prévenir la consommation précoce de drogues et les torts occasionnés au fil d'une vie par une consommation de drogues sur une période prolongée.
Les coûts initiaux d'un tel programme ou d'une campagne de marketing social peuvent être élevés, mais pour le bien de nos collectivités, nous ne pouvons pas nous permettre de ne pas faire cet investissement. Il s'agira d'argent bien dépensé, vu les coûts liés à la consommation de drogues et à la dépendance aux drogues que doivent actuellement assumer le système de justice et le système de santé, sans parler des effets réels qu'ont les drogues dans nos collectivités.
Comme l'Association canadienne des chefs de police, la police régionale de Halifax croit à l'efficacité d'un éventail de stratégies visant à diminuer les dommages occasionnés par la consommation et l'abus de drogues, notamment les programmes d'échange de seringues. Cependant, il est impératif que les programmes de ce genre soient envisagés non pas comme une solution en soi, mais plutôt comme une mesure de transition devant mener à un traitement.
De plus, la police régionale de Halifax appuie les tribunaux thérapeutiques, y compris les tribunaux de traitement de la toxicomanie. Elle estime que ces tribunaux font partie intégrante de la solution globale à la consommation de drogues et à la dépendance aux drogues. De bons programmes sont en place, mais l'accès en temps opportun à ces programmes pose de graves problèmes. Pour que les tribunaux thérapeutiques puissent être efficaces, il faut que des possibilités de traitement adéquates soient offertes à ceux qui considèrent le traitement comme un moyen de vivre une vie sans drogues.
Tous les sujets dont j'ai parlé aujourd'hui relèvent des piliers que sont l'application de la loi, la prévention et l'éducation, la transition vers des programmes de traitement et le traitement. La police régionale de Halifax croit que l'adoption d'une approche équilibrée et multiforme nous permettra de régler tous ensemble et de façon globale le problème de la consommation et de l'abus de drogues au Canada.
D'un point de vue local, la police régionale de Halifax est d'avis que le projet de loi S-10 aura une incidence positive dans la mesure où il l'aidera à diminuer le nombre d'actes criminels liés aux drogues et le nombre d'actes de violence afférents commis dans notre collectivité. Ainsi, nous considérons que le projet de loi S-10 constitue un pas important dans la bonne direction. Je vous remercie de nouveau de m'avoir donné l'occasion de m'adresser à vous aujourd'hui.
Le sénateur Wallace : Merci, messieurs, de vos exposés. Je vous remercie également de nous protéger, nous et nos familles, dans le cadre de votre travail. C'est une bataille ardue, et nous vous sommes très reconnaissants de tout le travail que vous faites.
Lorsque le ministre Nicholson s'est présenté devant nous, il nous a évidemment présenté le projet de loi S-10 à titre de projet de loi du ministère de la Justice, mais de toute évidence, ce projet de loi a été élaboré non pas en vase clos, mais plutôt à la suite de bien des consultations menées auprès de services de police et d'autres intervenants, mais plus particulièrement de services de police.
Je me demandais si vous pouviez nous en dire un peu plus long à ce sujet, et nous indiquer dans quelle mesure les organisations d'application de la loi ont contribué à l'élaboration du projet de loi S-10. J'adresse tout d'abord cette question à M. White, et peut-être que d'autres personnes pourront y répondre ensuite.
M. White : Tout d'abord, de façon générale, on nous consulte chaque fois qu'il est question de mesures législatives ayant une incidence sur l'application de la loi. On nous a donné l'occasion d'apporter notre contribution. Dès le début de l'élaboration du projet de loi S-10, on nous a consultés de façon progressive. Je ne peux pas vous dire dans quelle mesure les autres services de police ont participé au processus, mais je suppose qu'ils ont eux aussi contribué à l'élaboration du projet de loi, tout comme l'Association canadienne des chefs de police. En un mot, oui, nous avons participé au processus et avons été consultés tout au long de celui-ci.
Le sénateur Wallace : L'un des éléments clés du projet de loi S-10 concerne les peines minimales obligatoires. Nous avons entendu un certain nombre de témoins à ce sujet, et hier, un avocat de la défense représentant les personnes accusées et déclarées coupables s'est présenté devant nous. J'avancerais que les peines minimales obligatoires posent problème pour toutes ces personnes. J'ai eu l'impression que, d'après elles, l'imposition de peines minimales obligatoires, ou peut-être de peines plus sévères en général, ne contribuerait aucunement à diminuer le trafic et la production illicite de drogues.
J'aimerais connaître vos idées à ce sujet, plus particulièrement au sujet des peines minimales obligatoires. Dans le cadre de votre travail, est-ce que de telles peines seraient utiles? Le surintendant Spicer, qui se trouve à Halifax, pourrait peut-être répondre à la question.
M. Spicer : Je laisse aux universitaires le soin de mener des recherches sur la question de savoir si les peines minimales obligatoires seraient efficaces en tant que mesures dissuasives, mais pour ma part, j'estime qu'elles auraient un certain effet dissuasif.
Avant de s'engager dans quelque activité que ce soit, il faut soupeser les risques et les avantages. Si les risques sont plus élevés, un certain nombre de personnes pourraient décider de ne pas s'exposer à de tels risques. Il serait peut-être plus avantageux de détourner les gens de telles activités en leur donnant la possibilité d'avoir recours à un tribunal ou un programme de traitement de la toxicomanie. Il est tout à fait possible que cela encourage certaines personnes qui n'ont peut-être pas encore eu recours à de telles solutions de le faire et de changer par ce moyen leur style de vie pour l'avenir.
Le sénateur Wallace : Le ministre Nicholson met l'accent sur un élément très important, à savoir que nous devons prendre des mesures pour perturber le commerce de la drogue, et il est assurément d'avis que le projet de loi S-10 contribuerait à réaliser cet objectif. Quelqu'un veut-il formuler des observations là-dessus? Êtes-vous d'accord avec cette idée?
M. White : Pour faire un lien avec la question précédente, je dirais que, selon moi, les peines minimales obligatoires pourraient contribuer de façon significative à perturber les activités liées aux drogues, principalement parce qu'elles ont un potentiel dissuasif considérable. Par exemple, si vous jetez un coup d'œil aux peines minimales obligatoires suggérées en ce qui a trait à la production de marijuana et de cannabis, vous constaterez qu'il s'agit d'une échelle progressive et graduelle — les peines minimales vont de six mois à trois ans d'emprisonnement.
Il existe une vaste gamme d'installations de culture de marijuana à travers le pays. Les installations de production à grande échelle « emploient » beaucoup de personnes — celles-ci s'occupent de toutes les étapes du processus, qu'il s'agisse de la plantation, de la surveillance des plants ou de la récolte. Si un régime de peines minimales obligatoires est mis en place, bon nombre de ces personnes prendraient conscience du fait qu'elles risquent de se voir imposer une peine d'emprisonnement obligatoire, et cela pourrait les dissuader de tremper dans de telles activités. Cela vaut également pour les installations de moindre envergure, ou peuvent travailler des gens plus jeunes, ou pour les groupes plus restreints qui tentent de mener des activités à plus petite échelle. Auparavant, ces personnes croyaient probablement que les conséquences de leurs activités seraient relativement légères, mais l'imposition d'un certain nombre de peines d'emprisonnement obligatoires constituera une mesure dissuasive significative.
[Français]
La présidente : Je vous signale, honorables sénateurs, qu'il y aura peut-être un petit délai supplémentaire avant que la traduction ne passe à Halifax.
Le sénateur Carignan : Ce n'est pas une heure plus tard...
La présidente : Pas à ma connaissance. monsieur Spicer, est-ce que vous m'entendez et recevez la traduction lorsque je parle en français?
[Traduction]
M. Spicer : Je dois vous présenter mes excuses, car je ne parle pas assez bien français pour participer à une discussion, et je ne reçois pas la traduction.
La présidente : Vous ne recevez pas la traduction?
M. Spicer : Non, je ne la reçois pas.
La présidente : Nous avons donc un autre problème. Nous devrions être en mesure de vous fournir la traduction. Ce que je viens tout juste de dire en toute confiance n'était attribuable qu'à une mauvaise compréhension — je viens tout juste de mentionner que vous recevriez la traduction avec un petit peu de retard. Nous nous efforcerons de vous fournir la traduction.
[Français]
Le sénateur Carignan : Ma première question s'adresse à M. White.
Dans votre exposé, vous sembliez dire que cela aurait un effet dissuasif sur les personnes à l'échelon le plus bas du crime organisé. Un des reproches que les représentants des avocats faisaient hier, c'est que le projet de loi visait justement les « jardiniers » ou les gens plus dépendants, donc les petits criminels. Ils reprochaient au projet de loi de viser ce type d'individus.
Est-ce que je dois comprendre de votre présentation que nous n'avons pas d'autre choix que de viser les petits pour atteindre les gros? Et le projet de loi, selon vous, va-t-il aussi servir à atteindre les gros?
[Traduction]
M. White : Oui, je crois que le projet de loi aura un effet dissuasif sur les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle. Comme je l'ai mentionné durant ma dernière intervention, je crois que les peines minimales obligatoires pouvant aller jusqu'à trois ans d'emprisonnement, pour la production de cannabis ou l'exploitation d'un laboratoire de production de drogues synthétiques, constituent un moyen de dissuasion considérable qui, selon moi, aura un effet sur les gens au bas de l'échelle.
En ce qui a trait aux échelons les plus élevés du crime organisé, comme je l'ai dit plus tôt, leur seule et unique motivation, c'est de faire des profits.
Est-ce qu'une peine maximale de trois ans aura un effet dissuasif sur les échelons les plus élevés du crime organisé? Cela aura peut-être un effet sur quelques personnes, mais j'avancerais que, pour un bon nombre de personnes, ces mesures ne seront pas dissuasives, simplement en raison des profits substantiels qu'elles peuvent tirer de leurs activités. Si ces personnes font travailler beaucoup de gens au sein de leur organisation, c'est essentiellement pour placer un certain nombre de cloisons entre elles et toutes les activités qui ont lieu.
Comme nous l'avons indiqué, pour la suite des choses, les peines minimales obligatoires ne constituent qu'un outil. Nous devrons tout de même déployer beaucoup d'efforts en ce qui concerne d'autres aspects, par exemple la saisie et la confiscation des produits de la criminalité. Ce sont les mesures touchant de tels aspects qui auront un effet considérable sur les échelons les plus élevés du crime organisé. Si nous nous dotons de divers outils, et que nous rassemblons tous ces outils, nous constaterons que l'ensemble de ces mesures commence à avoir un effet durable non négligeable sur tous les échelons du crime organisé.
[Français]
Le sénateur Carignan : Parlant d'outils, ma question s'adressera à l'ensemble des intervenants. Hier, à la question du sénateur Chaput, un des représentants répondait, et la question du sénateur Chaput était : si vous êtes en désaccord avec les peines minimales obligatoires parce que vous pensez que cela n'a pas d'effet, quelle est la solution que vous proposez pour réduire le trafic et la production de drogues? La réponse de l'avocat, et je vais résumer, était qu'on doit augmenter les chances d'être pris et qu'on doit augmenter le nombre de policiers sur le terrain.
On a maintenant des représentants de différents corps policiers, qu'ils soient municipaux et de la GRC, on a aussi le directeur des services transfrontaliers : est-ce que, selon vous, vous avez suffisamment de personnel sur le terrain pour faire le travail? Je ne vois pas de revendication de votre part pour avoir plus de policiers, on en comprend que vous avez suffisamment de policiers, mais est-ce les outils juridiques dont vous avez plus besoin actuellement?
[Traduction]
M. White : Il s'agit assurément d'une combinaison. J'ai toujours de la difficulté à répondre à la question de savoir si nos ressources sont suffisantes. Nous travaillons avec les ressources dont nous disposons. Comme vous l'avez sûrement entendu dire sur d'autres tribunes, il y a au Canada environ 900 groupes du crime organisé d'envergures diverses, qui vont des gangs de rue aux organisations importantes et de structure complexe. Il y a beaucoup de travail à faire à tous les échelons du pays. Disposerons-nous jamais des ressources nécessaires pour faire tout le travail? Non, je ne le crois pas. C'est la raison pour laquelle il est important que, dans le cadre de ses activités visant les installations de culture de marijuana ou celles visant les laboratoires de production de drogues synthétiques, la police s'attaque en priorité aux plus importantes organisations criminelles.
Comme je l'ai mentionné précédemment, le plus grand moyen de dissuasion est sans aucun doute le risque de se faire pincer, et le deuxième est probablement l'éventualité de se voir imposer une peine minimale obligatoire. Est-ce que le risque de se faire pincer serait plus grand si la police disposait de ressources accrues? Dans une certaine mesure, oui. De toute évidence, il s'agit d'une chose qui devrait être mesurée.
En ce qui a trait aux organisations liées au commerce de la drogue, l'autre grand moyen de dissuasion dont nous disposons, comme je l'ai mentionné au début, consiste à ébranler leur empire financier, à démanteler leurs activités de blanchiment d'argent et à confisquer l'immense richesse qu'elles accumulent. D'après ce que j'ai constaté, cela a un effet dissuasif aussi significatif sur les membres d'une organisation criminelle que le fait de voir des membres des divers échelons de leur organisation se faire arrêter, accuser et emprisonner. Ces personnes mènent leurs activités dans le seul but de faire de l'argent. Il s'agit d'un autre grand moyen de dissuasion : nous attaquer aussi aux richesses accumulées par ces organisations.
La présidente : Surintendant Spicer, avez-vous entendu la traduction de la question du sénateur Carignan?
M. Spicer : Oui, je l'ai entendue cette fois-ci. Merci.
La présidente : Avez-vous quelque chose à dire en ce qui a trait à l'effet dissuasif qu'aurait l'accroissement des ressources?
M. Spicer : Je suis d'accord avec mon homologue de la GRC. Nous pourrions débattre très longtemps de la question de savoir si les services policiers doivent disposer d'un nombre accru d'agents. À coup sûr, nous serions heureux de compter ces agents supplémentaires dans nos rangs.
Il est important d'accroître les possibilités d'arrêter des personnes, mais il est encore plus important d'accroître l'ampleur des conséquences découlant d'une telle arrestation. Comme je l'ai indiqué plus tôt, les gens qui se font pincer, particulièrement les revendeurs appartenant à des gangs de rue et qui commettent des actes criminels violents, sont souvent mis en liberté dans la collectivité au bout d'une courte période. En imposant des peines plus sévères, nous faisons savoir aux citoyens que nous prenons ces choses au sérieux.
Le sénateur Banks : Le sénateur Carignan a attiré notre attention sur ce qui, d'après moi, représente l'aspect le plus important du projet de loi, à savoir le fait qu'il ne s'attaque pas aux organisations criminelles de haut niveau, même si d'aucuns ont soutenu le contraire. Ce que nous souhaitons tous, c'est que les gros bonnets, les caïds qui sont à la tête de ces organisations, se voient imposer des peines plus longues que celles prévues dans les dispositions du projet de loi qui concernent les peines minimales. Comme l'a souligné le commissaire adjoint White, le projet de loi vise les personnes qui se trouvent au bas de l'échelle.
Pour ce qui est des ressources, je dois dire que l'ancien commissaire de la GRC a affirmé, devant un autre comité dont je faisais partie, que les ressources dont il disposait lui permettaient de s'attaquer activement à environ 30 p. 100 des activités criminelles liées à la drogue dont il était informé, et qu'il n'avait pas les moyens d'accroître cette proportion.
En fin de compte, l'objectif des dispositions législatives touchant la criminalité est de diminuer la criminalité. Êtes-vous d'accord avec cela? Nous devons tenter de diminuer la criminalité. Comme quelqu'un l'a avancé hier devant le comité, les peines minimales dont nous parlons seront imposées à des personnes éminemment remplaçables — ce petit passeur de drogues qui est remplacé par un autre presque immédiatement après son arrestation.
En ce qui concerne la probabilité que cela ait un effet dissuasif, et l'objectif ultime qui consiste à diminuer la criminalité, existe-t-il, à votre connaissance, une quelconque étude ou statistique, une quelconque source d'éléments probants indiquant qu'une augmentation de la durée des peines d'emprisonnement se traduit par une diminution de la criminalité?
Si je pose la question, c'est que, là encore, dans le cadre d'une réunion d'un autre comité, on nous a présenté un grand nombre d'éléments probants — que j'ai trouvés, pour ma part, convaincants — qui montraient que, dans les faits, selon les statistiques, l'imposition de peines plus sévères accroît de manière assez marquée la probabilité de récidive. Je souhaite vivement que l'on me dise s'il existe quelque élément probant que ce soit, de quelque source que ce soit, qui démontre le contraire.
La présidente : Monsieur White, vous êtes sur la sellette.
M. White : Non, je n'ai pas d'éléments probants à vous présenter. Des études ont été menées. Il existe de la documentation à ce sujet. Je ne peux pas vous parler des résultats de ces études.
J'aimerais formuler des observations à deux sujets. Tout d'abord, en ce qui a trait à la question des personnes qui se trouvent au bas de l'échelle, nous parlons beaucoup des organisations de grande envergure liées au crime organisé. Le crime organisé est constitué de quelque 900 organisations criminelles de plus petite envergure, composées d'une ou de deux personnes, qui mènent leurs activités à plus petite échelle dans toutes les collectivités du Canada. À coup sûr, la majeure partie de ces activités ont trait à la production de marijuana. Dans le contexte actuel, de nombreuses personnes qui envisagent de se lancer dans la production de marijuana, par exemple, se disent que, si elles se font pincer, les conséquences qui en découleront seront minimes. Par conséquent, si on fait passer le message selon lequel une peine d'emprisonnement obligatoire sera imposée à ceux qui se font arrêter, je suis certain que cela dissuadera un certain nombre de personnes de s'engager dans des activités de ce genre.
Je suppose que la plupart des personnes qui se trouvent aux échelons les plus élevés du crime organisé et qui se font arrêter, accuser et condamner se verront imposer des peines beaucoup plus sévères qu'une peine minimale obligatoire. Les lignes directrices actuelles en matière de détermination nous orientent en ce qui a trait aux peines à imposer aux personnes qui occupent un rang plus élevé au sein d'une organisation criminelle.
Les peines minimales obligatoires représentent un outil nous permettant de nous attaquer non pas aux seuls gros bonnets du crime organisé, mais aussi à un groupe plus restreint de personnes. En outre, une peine minimale obligatoire de trois ans d'emprisonnement pourrait être suffisante pour ce qui est de certains groupes du crime organisé de moyenne envergure. Je ne peux pas affirmer de façon certaine, sans mener d'études à ce sujet, dans quelle mesure de telles peines seraient dissuasives, mais je suis certain qu'elles le seraient dans certains cas.
La présidente : Chers collègues, notre temps est limité. Il nous reste 34 minutes pour poser nos questions aux témoins, et six noms figurent sur la liste. Je demanderai à tout le monde d'agir en conséquence.
Le sénateur Runciman : Pour poursuivre dans le même ordre d'idées que le sénateur Banks, j'avancerais, comme il a été dit dans l'un des exposés, qu'il s'agit d'un autre outil à ajouter à notre trousse, et qui nous aidera à lutter contre ce problème considérable.
Je tiens à féliciter le surintendant Spicer. J'ai apprécié tous les exposés, mais le surintendant Spicer a mentionné le fait que les actes criminels liés aux drogues avaient des répercussions sur tous les citoyens. Je crois que c'est ce que le sénateur Lang tentait de mettre en évidence durant la réunion d'hier, à laquelle participait un avocat de la défense. Je crois qu'il s'agit d'un message qui doit être bien entendu.
Quelques-unes des choses que vous avez mentionnées en ce qui concerne le fait que le Canada soit l'un des pays sources principaux d'ecstasy et de méthamphétamine ont suscité mon intérêt. Pourriez-vous nous dire brièvement les raisons qui expliquent cela? Une telle situation est-elle attribuable à nos lois actuelles? Y a-t-il d'autres facteurs qui expliquent pourquoi le Canada se prête tout particulièrement à la production de drogues de cet acabit?
Inspecteur Eric Slinn, directeur, Sous-direction de la police des drogues, Gendarmerie royale du Canada : Je peux peut- être répondre à cette question.
Selon toute vraisemblance, cela est lié en grande partie aux groupes du crime organisé du pays. Ces groupes saisissent toutes les occasions de faire du profit. Parmi ces occasions, nous pourrions mentionner la disponibilité de produits chimiques précurseurs servant à la fabrication des drogues que vous avez mentionnées. D'autres facteurs peuvent être liés à la gravité des peines imposées pour la production de ces drogues synthétiques, ou à ce qu'il en coûte aux groupes du crime organisé pour les produire. Cela pourrait s'expliquer par une multitude de raisons.
Au cours des deux ou trois dernières années, la production intérieure de méthamphétamine et de MDMA surpasse la demande des consommateurs du pays. Le crime organisé y voit une occasion d'exporter ces produits dans le monde entier et d'accroître ses profits. C'est la raison pour laquelle le Canada en est arrivé à être l'un des principaux producteurs de drogues synthétiques. Dans ce domaine, les groupes du groupe organisé prennent de l'expansion.
Le sénateur Runciman : À la lumière de la façon dont les tribunaux du pays ont traité ces questions graves, je soupçonne que la question de la gravité des peines constitue le facteur clé.
Le profil des personnes qui trempent dans ce type d'activités illicites a-t-il été dressé?
M. Slinn : En ce qui concerne la production de marijuana, nous constatons que cela a tendance à être le fait de certains groupes culturels. Cela ne veut pas dire que ces groupes sont les seuls à produire de la marijuana, mais on peut affirmer qu'ils ont pris pied dans ce marché.
Quant aux drogues synthétiques, tout groupe du crime organisé saisit la moindre occasion de profit qui se présente. Je ne pense pas que le marché des drogues synthétiques soit le fait d'un groupe culturel particulier ou de quoi que ce soit du genre.
Le sénateur Runciman : Avez-vous mené une analyse ou acquis une compréhension — et je suis certain que cela a été fait au sein de la communauté des services de police, mais vous ne voudrez peut-être pas en parler publiquement — en ce qui a trait aux facteurs qui entourent la manière dont, par exemple, nous procédons aux expulsions de personnes du Canada. Le processus relatif à l'expulsion de personnes indésirables qui n'ont pas la citoyenneté canadienne est très lent.
Pour en revenir au projet de loi, vous connaissez quelques-unes des circonstances aggravantes qui entraîneront l'imposition d'une peine minimale obligatoire. Ces circonstances aggravantes sont-elles appropriées, ou y a-t-il d'autres facteurs qui, selon vous, devraient être intégrés au projet de loi?
M. Slinn : Je crois qu'elles sont appropriées. Pour la GRC, c'est la sécurité publique qui importe. Le fait de cultiver de la marijuana à la maison ou d'exploiter un laboratoire clandestin a des répercussions qui dépassent ces seuls cadres — ces activités représentent une menace pour la sécurité des personnes qui vivent à proximité de ces lieux, pour la sécurité des enfants qui vivent en face de ces lieux et qui jouent dans la rue. Les drogues synthétiques sont composées de produits chimiques volatils extrêmement dangereux. On peut dire la même chose des installations de cultures de marijuana. Nous sommes préoccupés par les enfants qui se trouvent dans ces installations de culture ou dans ces laboratoires clandestins. Nous devons mettre l'accent sur le danger que ces activités représentent pour la sécurité publique.
Le sénateur Runciman : Durant la réunion d'hier, l'avocat de la défense a affirmé que le projet de loi nuirait à la capacité de la Couronne de tirer parti des contrevenants qui souhaitent coopérer avec la police. Je ne suis pas certain de comprendre comment on peut en arriver à une telle conclusion, mais j'aimerais savoir ce que vous avez à dire là-dessus. À vos yeux, est-ce que cela constitue une préoccupation?
M. White : Il faut définir ce que l'on entend par « coopérer ». Parle-t-on du fait d'accepter de collaborer avec la police, ou bien, par exemple, du fait de conclure une transaction en matière pénale?
Le sénateur Runciman : En ce qui a trait au fait de collaborer avec la police, les avocats de la défense ont affirmé que les contrevenants seraient contraints de purger une peine minimale obligatoire, et qu'ils se retrouveraient en prison, où leur vie serait en danger. C'est le genre de choses qu'ils ont dites.
M. White : Sans expliquer de façon détaillée la façon dont nous traitons avec les sources humaines ou les personnes qui collaborent et coopèrent avec la police, cela n'enlève rien à leur relation et au dialogue entre la police et le substitut du procureur général. Dans le contexte actuel, durant nos enquêtes — plus particulièrement nos enquêtes à grande échelle —, nous communiquons essentiellement de façon pleine et entière avec le substitut du procureur général avant que des accusations ne soient déposées. Nous aurons l'occasion de discuter des situations de ce genre. Si la police considère que le fait de tenter d'amener une personne à collaborer avec elle pourrait être avantageux, je crois qu'elle aura toujours la liberté de le faire et de collaborer avec le substitut du procureur général.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : D'après votre présentation, on s'aperçoit qu'il n'y a pas que le commerce qui se mondialise mais aussi la criminalité. Il est inquiétant de constater que le Canada est rendu un champion producteur de drogues, aussi bien chimiques que de la marijuana. Qui dit champion producteur dit sans doute champion exportateur.
Selon vous, quel est le pourcentage de ces drogues qui sont exportées principalement vers les États-Unis?
[Traduction]
M. Slinn : Les États-Unis reçoivent pas mal de drogues synthétiques, mais ce n'est pas exclusif à cette région du monde. Nous voyons la même chose en Australie et au Japon, où il y a d'importantes saisies de MDMA. Il semble que ce produit soit très demandé là-bas. C'est essentiellement dans ces régions que nous trouvons de la MDMA en provenance du Canada. Ce sont les deux régions.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Leguerrier, lorsqu'un pays producteur de drogues illégales comme le Canada, avec une législation relativement peu dissuasive, côtoie un pays comme les Etats-Unis, qui a une législation beaucoup plus dissuasive, quel est l'impact sur la criminalité en termes d'importation lorsqu'on a une législation très douce alors que notre voisin a une législation plus coercitive?
M. Leguerrier : Il s'agit de s'assurer qu'on ait un équilibre. On s'assure que nos lois sont appropriées. L'exemple qu'on a, c'en est un, on travaille aussi avec l'industrie, par exemple. Il faut mettre des balises pour ne pas que l'industrie se serve d'occasions ou qu'on se serve de l'industrie à leur insu pour créer ces laboratoires.
Il faut travailler avec le tout monde, la collaboration est importante autant avec les Américains si le problème est avec les Américains qu'avec l'industrie ici. Pour l'application de la loi, on a des spécialistes des laboratoires qui s'assurent qu'on a quand même un contrôle. Est-ce qu'on peut tout couvrir?
Le sénateur Boisvenu : Les États-Unis exercent une législation beaucoup plus serrée et plus forte, par exemple sur la production, tandis que le Canada, lui, exerce une législation plus faible. Cela a-t-il pour effet d'attirer ces producteurs vers le Canada?
M. Leguerrier : En principe, je crois que oui. En effet, cela pourrait créer un impact. C'est pour ça que nous travaillons avec les Américains. Nous nous assurons que nos lois et nos sentences sont appropriées et nous faisons ce qui est en notre pouvoir en termes de poursuite, d'enquête et de prévention.
Le sénateur Boisvenu : Le projet de loi prévoit un durcissement des sentences au niveau des drogues et du viol, entre autres. C'est, à mon avis, la drogue la plus insidieuse et la plus lâche, parce qu'on sait que la victime ne se souviendra pas car la mémoire sera affectée, et donc qu'elle ne pourra que rarement témoigner si un criminel est poursuivi à cause des effets de ladite drogue sur la mémoire de la victime.
À Sherbrooke, en 2002, il y a eu un cas relatif à la drogue du viol, alors que l'an dernier, il y en a eu 70.
Monsieur Slinn, selon vous qui connaissez un peu la criminalité à travers le Canada, quelle est l'évolution de la drogue du viol depuis les 10 dernières années en termes de nombre de victimes que celle-ci génère par année au Canada?
[Traduction]
M. Slinn : En ce qui concerne le GHB, d'après ce que nous avons vu au cours des dernières années, c'est relativement stable. Le GHB n'a pas remplacé la MDMA, l'ecstasy ou la méthamphétamine, mais il y en a. Nous n'avons pas constaté d'augmentation; c'est relativement stable. Ce que nous constatons, c'est que les chimistes cherchent d'autres précurseurs, parce que nous nous servons des goulots d'étranglement. Nous saisissons certains produits chimiques, et ils en utilisent d'autres et les mélangent.
Nos jeunes ne savent pas ce qu'ils achètent, dans certains cas. Ils peuvent acheter du GHB, de la méthamphétamine ou de l'ecstasy qui leur est vendu sous un autre nom. Cependant, pour ce qui est de votre question, la situation semble stable en ce qui a trait au GHB. Il ne semble pas y avoir d'augmentation sur le plan des saisies dans les laboratoires.
Le sénateur Baker : Bien entendu, dans le cadre du projet de loi, le trafic d'ecstasy passe de l'annexe 3 à l'annexe 1, c'est-à-dire qu'il devient passible d'emprisonnement à vie.
Permettez-moi de vous donner l'occasion de décrire au comité vos préoccupations au sujet de la nature de votre fonction et de ses liens entre les cas où des accusations sont portées et les poursuites devant les tribunaux; je parle de crimes graves liés à la drogue.
Dernièrement, nous avons vu plusieurs de ces crimes très graves être tout simplement effacés. La personne s'en est tirée indemne parce que les procès ont duré trop longtemps aux termes de l'alinéa 11b) de la Charte. D'après les témoignages, le projet de loi va rendre les procès encore plus complexes. Ils vont durer plus longtemps d'après le Service des poursuites pénales du Canada. Y a-t-il une solution au problème de la complexité des procès sur le plan de la divulgation?
Vous vous occupez entièrement de l'enquête. Vous avez des escouades antidrogues, et elles passent quatre ou cinq ans à enquêter sur un complot. Vous portez des accusations, puis votre travail commence. Vous devez produire tout ce qui est à divulguer et l'ensemble de la preuve, et maintenant, vous devez tenir compte de la décision McNeil. C'est une décision récente. Maintenant, chaque fois qu'un agent témoigne, s'il y a quoi que ce soit dans son passé qui puisse mettre en cause sa crédibilité, il faut que ce soit divulgué.
Avez-vous des réponses à nous donner quant à ce qui pourrait être fait pour réduire l'excédent de travail que vous avez à faire en relation avec la divulgation et ces crimes graves? Comment composez-vous avec cette toute nouvelle exigence selon laquelle vous devez divulguer tout ce qui a trait à vos agents d'enquête au tribunal?
M. White : Sans aucun doute, la divulgation est probablement le problème le plus important pour les services de police dans le cadre de nos enquêtes de grande envergure — la durée des enquêtes et des poursuites, le coût et la divulgation.
Nous avons évolué au cours des années écoulées depuis la décision Stinchcombe — qui nous a essentiellement obligés à divulguer tout ce qui est pertinent — jusqu'au point où nous en sommes aujourd'hui, où tout le contenu d'une enquête doit être divulgué. Si vous jetez un coup d'œil sur l'évolution des enquêtes depuis 10 ou 15 ans, les enquêtes aujourd'hui, en raison de la complexité accrue des organisations qui font l'objet de nos enquêtes, ne sont plus exclusivement de portée nationale. Il est rare de trouver une organisation qui ne soit active qu'au Canada. Il y a une composante au Canada, mais il y en a probablement plusieurs autres ailleurs dans le monde. Ça ajoute à la complexité des enquêtes, à la durée des enquêtes et aux techniques que nous devons utiliser pour obtenir suffisamment d'éléments de preuve pour nous attaquer à la hiérarchie d'une organisation.
Une enquête prend plusieurs années. Nous pouvons devoir intercepter des communications privées sur un an ou deux, selon la taille de l'organisation. Des milliers de conversations téléphoniques interceptées doivent être transcrites aux fins de la divulgation. Ça coûte énormément cher et ça prend énormément de temps. Nous essayons du mieux que nous pouvons de tout divulguer au moment où nous portons des accusations pénales. Ce n'est pas toujours réalisable ou possible.
En ce qui concerne la question de la divulgation — faut-il que nous revenions sur la définition de ce qu'il est pertinent de divulguer — je pense qu'il faut peut-être que nous tenions un débat là-dessus, parce que dans l'environnement actuel, la divulgation de ce qui est pertinent, c'est la divulgation intégrale.
Au sein des services de police, tout ce que nous devons fournir, nous le fournissons, mais le reste du régime devra définir des attentes, vu la demande accrue dont la police fait l'objet et en raison de l'accroissement de la durée et de la complexité des enquêtes sur le plan du temps qu'il faut pour la divulgation et du temps qu'il faut pour les poursuites. Je pense que nous devons commencer à essayer de trouver l'équilibre entre les deux.
Dans le cas de la décision McNeil, c'est la même chose, ça va accroître...
Le sénateur Baker : Que devez-vous faire à l'heure actuelle?
M. White : En ce moment, nous devons procéder à la divulgation de renseignements sur nos enquêteurs qui ont participé à l'enquête et sur la poursuite.
Le sénateur Baker : Halifax a instauré des mesures spéciales. On l'a fait là-bas immédiatement après la décision. Allez-y.
M. Spicer : Par rapport à la décision McNeil? Nous avons immédiatement examiné la décision et créé une politique qui prévoit un partenariat entre nous et le service des poursuites de la Couronne. Nous examinons, à l'avance, tout méfait, toute accusation ou toute accusation en vertu de la Police Act portée contre l'un de nos agents et qui puisse mettre en question la crédibilité de cet argent dans chaque cas particulier. Une fois que c'est fait, tout cela est conservé au dossier. Lorsque l'agent participe à une enquête par la suite, l'information est divulguée.
Le sénateur Lang : Merci à vous, messieurs, d'être venus témoigner devant nous et de nous livrer votre point de vue sur ce qui se passe dans la rue et sur ce à quoi vos agents et vous faites face chaque jour.
L'une des choses que je voulais approfondir un peu, c'est le concept de peine minimale obligatoire, et je voulais savoir en quoi vous pensez que cela va venir en aide à vos organisations, et, ce qui est encore plus important, aux agents qui font chaque jour le travail qu'on leur demande de faire.
Pour avoir parlé avec quelques agents, j'ai constaté que le moral n'est pas très bon parfois. Ils travaillent très dur pour rassembler les éléments d'une affaire, ils la présentent, la personne concernée est déclarée coupable, et pourtant, à cause de la méthode d'établissement de la peine, le délinquant est pratiquement relâché — dans certains cas, dans un délai de quelques jours ou après une très courte période d'incarcération.
Monsieur Spicer, pouvez-vous parler de l'incidence des peines minimales obligatoires sur le moral des agents d'application de la loi qui sont sur le terrain et qui font le travail?
M. Spicer : Merci de votre question. Oui, c'est une question de moral des agents. Dans certains cas, ils sont frustrés. Ils ont pratiquement l'impression que le délinquant est relâché dès qu'ils ont fini de régler la paperasse. Ils remettent donc en question la valeur de cette paperasse. Non seulement cela va améliorer le moral des agents; je pense aussi que ça va aider à rétablir la foi des citoyens envers le système.
Je crois qu'il y a deux ou trois autres facteurs en ce qui a trait aux peines minimales que nous devons examiner. L'un de ces facteurs, c'est que nous devons trouver une meilleure façon de nous occuper de ces délinquants lorsqu'ils sont en détention et travailler à des stratégies de réinsertion pour les aider à se réinsérer dans la collectivité.
D'un point de vue très axé sur l'endroit où je travaille et sur mon expérience personnelle, ce que je trouve bénéfique, c'est que, lorsque ces délinquants sont en prison, ça vous donne le temps et ça donne le temps à d'autres associations communautaires d'établir la capacité au sein de la collectivité d'où ils viennent, ce qui permet ensuite à cette collectivité de mieux gérer le fait qu'ils reviennent.
Le sénateur Lang : Permettez-moi d'aborder un autre sujet. Je crois qu'il a été mentionné plus tôt, je ne sais trop par qui, mais peut-être que c'était le surintendant Spicer, qu'il y a 900 organisations criminelles au pays. C'est un chiffre assez époustouflant quand on pense qu'il n'y a que 35 millions de personnes qui vivent au Canada et qu'il y a 900 quasi- entreprises qui brassent ce genre d'affaires et qui alimentent les consommateurs d'ici et, comme on l'a dit plus tôt, qui font maintenant aussi de l'exportation. Ça marche bien.
Peut-être que vous pouvez nous informer. Est-ce que c'est un chiffre stable, ce chiffre de 900 organisations criminelles à l'échelle du pays, ou est-ce qu'il y a eu une augmentation au cours des dernières années pour ce qui est des organisations qui s'installent au Canada?
M. Spicer : Cette information a été fournie par le commissaire adjoint White.
M. White : Encore une fois, ce sont des chiffres approximatifs. Au cours des dernières années, nous avons constaté une certaine augmentation, et ça varie probablement entre 700 et 900 selon la méthode que nous employons pour calculer le nombre de groupes criminels ou pour les catégoriser, par exemple comme groupes mineurs, intermédiaires ou de l'échelon supérieur. Au cours des dernières années, oui, nous avons constaté une légère augmentation du nombre d'organisations.
Le sénateur Cowan : Merci d'être venu comparaître ici ce matin. Comme le sénateur Wallace l'a dit au début, nous apprécions le travail que vous faites et savons que vous travaillez dur pour assurer la sécurité des collectivités. Comme législateurs, nous voulons évidemment faire tout ce qui est en notre pouvoir pour vous fournir les ressources et le cadre législatif dont vous avez besoin pour travailler efficacement.
Cependant, comme nous le savons tous, surtout dans la situation actuelle, les ressources sont rares, et il nous appartient et il vous appartient aussi de faire en sorte que ces rares ressources soient utilisées de la façon la plus prudente possible. Il en découle que nous devons évidemment tenir compte de la réalité, et non des perceptions. La perception qui existe, c'est clairement que plus les gens sont en prison pendant longtemps, plus c'est sûr pour tout le monde. Ce n'est cependant pas la réalité.
Pour en revenir à la question posée par le sénateur Banks au début, j'ai été surpris d'apprendre qu'aucun d'entre vous ne peut nous aiguiller vers des preuves ou des études quelconques indiquant que cela — je ne pense pas que le volet des peines minimales obligatoires du projet de loi ou d'un autre projet de loi faisant partie du programme de lutte contre le crime du gouvernement puisse renvoyer à quoi que ce soit qui dise que ça fonctionne bel et bien. J'ai abordé ça au départ à partir de l'idée que ça fonctionnerait. J'ai été surpris, dans le cadre des études que nous avons effectuées à l'égard du projet de loi et de projets de loi antérieurs, de constater qu'aucune preuve que ça fonctionne ne nous a été présentée. En fait, comme nous le savons, ailleurs, et surtout aux États-Unis, on en train d'abandonner l'idée des peines minimales.
Je veux vous donner une autre occasion de peut-être répondre à la question du sénateur Banks, parce qu'il me semble que, sans cette preuve, nous devons être très prudents et méfiants à l'égard de cette façon de procéder.
Mon autre question — peut-être que c'est le surintendant Spicer qui a abordé le sujet, lorsqu'il a dit que les programmes servent de transition vers le traitement. Je sais qu'il y a des tribunaux de traitement de la toxicomanie dans certaines régions du pays, mais j'aimerais pouvoir me faire une idée de l'étendue de leur présence. Si nous parlons de cela comme étant une réalité, alors serions-nous mieux de consacrer nos ressources à l'expansion du réseau des tribunaux de traitement de la toxicomanie et d'autres traitements, plutôt que de nous fier entièrement à cette perception selon laquelle les peines minimales obligatoires vont régler le problème que nous voulons tous voir régler, mais de la manière la plus efficace possible?
M. White : Encore une fois, je ne peux pas faire de commentaires au sujet d'une étude en particulier ou des résultats d'une étude en particulier. De mon point de vue, le projet de loi qui est devant nous, les peines minimales obligatoires, a beaucoup de potentiel pour ce qui est de dissuader de nombreuses personnes de participer à diverses formes d'activités criminelles, que ce soit le trafic, l'importation, l'exportation ou la production. Ça devrait être notre premier objectif : la prévention et la dissuasion.
Peu importe si l'étude montre seulement que les peines obligatoires minimales ne dissuadent qu'une petite proportion de gens : je pense que c'est quelque chose de positif. Comme je l'ai mentionné dès le début, ce n'est qu'un outil parmi tant d'autres. Nous n'arrêterons pas de faire de la prévention, de la sensibilisation et de déployer d'autres efforts en matière d'application de la loi. Je crois qu'il s'agit là d'un outil positif qui a beaucoup de potentiel comme mesure de dissuasion. Encore une fois, comme toute nouvelle loi qui entre en vigueur, il va falloir l'évaluer, et nous devrons examiner les répercussions si elle entre en vigueur.
Le sénateur Cowan : Ce n'est pas la première fois qu'un régime de peines minimales obligatoires est prévu par la loi. Nous avons déjà connu des peines minimales obligatoires dans le cadre d'autres lois. Pouvez-vous nous donner une idée de l'effet que cela a eu?
M. White : Je ne peux rien vous dire là-dessus, malheureusement.
La présidente : Surintendant Spicer?
M. Spicer : Je ne suis pas en mesure de parler des études non plus, mais puis-je vous faire part de mon point de vue par rapport à l'endroit où je travaille? Il y a eu un cas dans un quartier de Halifax pas très loin du quartier général où je me trouve où nous avons été en mesure de recueillir suffisamment d'éléments de preuve pour faire emprisonner des vendeurs de drogue pendant une période assez longue. Résultat : nous avons vu le taux de crimes violents diminuer de 19 p. 100 en moins d'un an dans la région par rapport à l'époque où les vendeurs de drogues étaient dans la rue. C'est aussi pendant cette période que nous avons travaillé à renforcer la capacité de cette collectivité.
D'un point de vue local, du point de vue de la rue, nous croyons que l'incarcération fonctionne bel et bien. Ça fonctionne pour la collectivité. Ça ne fonctionne pas nécessairement pour la personne concernée, mais j'y vois réellement un avantage.
Le sénateur Cowan : Je n'ai pas eu de réponse au sujet des tribunaux de traitement de la toxicomanie alors j'aimerais que quelqu'un peut-être...
La présidente : Très rapidement.
M. Slinn : J'ai peur de ne pas être en mesure de faire de commentaires au sujet du programme de traitement de la toxicomanie.
Le sénateur Cowan : Pouvez-vous donner une indication au comité quant aux endroits où se trouvent les tribunaux de traitement de la toxicomanie au pays?
M. Slinn : Je ne le sais pas en ce moment, mais je peux vous fournir ce renseignement plus tard.
Le sénateur Cowan : Merci.
La présidente : Nous pouvons assurément vous fournir cette information, sénateur Cowan.
Le sénateur Hubley : Merci des exposés que vous avez présentés ce matin. Tout ça a été utile.
D'après les chiffres, les délinquants autochtones sont déjà surreprésentés dans le système de justice pénale du Canada. Je pense que c'est attribuable à la drogue en grande partie.
Est-ce que l'ajout de peines minimales obligatoires à la Loi réglementant certaines drogues et autres substances va avoir des répercussions disproportionnées sur les délinquants autochtones? Si vous pensez que c'est le cas, que peut-on faire pour atténuer ces répercussions?
M. White : La loi va s'appliquer à tout le monde. Pour ce qui est de déterminer si l'effet sera disproportionné sur les collectivités autochtones, je ne peux pas me prononcer sans effectuer des recherches approfondies à cet égard.
Le sénateur Hubley : Voilà une réponse courte.
Pour ce qui est de l'aspect de l'éducation, j'aimerais adresser ma question au surintendant Spicer. Vous avez mentionné que l'éducation axée sur les jeunes est une composante importante de la lutte contre le trafic de drogue. Est- ce que vous participez à cette composante par l'intermédiaire de la GRC ou est-ce que ces programmes sont dirigés dans le cadre du système d'éducation?
M. Spicer : Nous avons en fait un partenariat avec le système de l'éducation dans la MRH, la Municipalité régionale de Halifax. Les agents de police livrent ce genre de messages dans le système scolaire et dans les collectivités, et ils accompagnent les jeunes dans le cadre de programmes d'apprentissage axés sur l'expérience pour essayer de les éloigner de la drogue dès le départ.
Le sénateur Hubley : À partir de quel âge présentez-vous des programmes aux jeunes?
M. Spicer : Nous commençons au primaire, en troisième année, et nous élaborons un programme lié aux médicaments et à la sécurité, parce que les jeunes pourraient commencer à prendre des médicaments dans la pharmacie à la maison. À partir de là, en sixième année, nous présentons un programme de prévention de la consommation de drogue en tant que tel, un autre au premier cycle du secondaire, puis nous enchaînons avec un dernier programme au deuxième cycle.
Le sénateur Mahovlich : Ma question est du même ordre. À votre, avis, est-ce que le modèle d'application de la loi à l'égard des crimes qu'on trouve dans le projet de loi S-10 est l'approche qui vient le plus en aide aux jeunes, par opposition, par exemple, à l'éducation, à la prévention de la consommation de la drogue et au traitement?
M. White : Comme je l'ai dit tout à l'heure, il ne s'agit que d'une composante, et il est certain que nous ne réduisons pas les efforts que nous déployons dans les domaines de l'éducation, de la sensibilisation et de la prévention. Pour vous donner une idée, en 2008-2009, nous avons présenté plus de 3 000 exposés de sensibilisation à l'échelle du pays, à l'intention de plus de 124 000 personnes. Nous avons tenu 117 séances de sensibilisation à la drogue et au crime organisé. Nous avons entretenu plus de 6 000 partenariats et distribué plus de 200 000 exemplaires de nos publications. Notre programme de sensibilisation aux dangers de la drogue se poursuit dans les écoles, et il est toujours aussi dynamique. Il y a le programme des enfants mis en danger par la drogue, le programme « Notre bouclier » pour les Autochtones, le programme de la drogue et du sport et le programme Les enfants et la drogue, qui suppose une étroite collaboration avec les parents. Dans le cas de toutes ces initiatives, nous avons déployé des efforts importants au cours des dernières années. Il y a la Formation des agents chargés de la sensibilisation aux drogues et l'Initiative sur les drogues synthétiques, qui est une vidéo diffusée à l'échelle du pays.
Nous faisons beaucoup de travail d'éducation au quotidien et tenons beaucoup de séances de sensibilisation, qui sont une chose à laquelle nous croyons beaucoup. Nous allons continuer d'y consacrer autant d'efforts qu'auparavant.
M. Leguerrier : Il y a une autre composante à laquelle la GRC participe. La Stratégie nationale antidrogue comporte un important élément de prévention, qui est administré par mon ministère, le Centre national de prévention du crime et le ministère de la Justice. Il s'agit d'une composante majeure de la Stratégie nationale antidrogue. Il y a de nombreux programmes de prévention qui s'adressent à différentes clientèles : les élèves du primaire et du secondaire, les étudiants de niveau universitaire et les populations vulnérables. Il y a de nombreux projets.
La présidente : J'ai une brève question à poser au surintendant Spicer. Le projet de loi parle des infractions commises près des écoles. Pouvez-vous me dire de quelle façon les gens qui relèvent de vous et qui travaillent sur le terrain vont interpréter cela?
M. Spicer : Sur le plan géographique?
La présidente : Qu'entend-on par « près »?
M. Spicer : Ce serait les endroits où les élèves se réunissent et où ils se rassemblent lorsqu'ils se rendent à l'école et lorsqu'ils en reviennent. Il s'agirait du secteur de l'école et, en fait, du terrain de l'école en soi, parce que nous constatons l'existence d'un trafic de drogue assez important dans les écoles.
Le sénateur Lang : Surintendant Spicer, pourriez-vous parler davantage du degré de violence que nous commençons à voir dans le milieu du trafic de drogue, au quotidien? C'était mis en lumière dans vos observations, alors vous pourriez peut-être approfondir un peu cette question.
M. Spicer : Le degré de violence a beaucoup augmenté au cours des dernières années dans la région de Halifax, et c'est principalement attribué au trafic de drogue. Il y a beaucoup de fusillades à partir de voitures, les gens se font tirer dessus, et, dans 99 p. 100 des cas, il s'agit de vendeurs de drogue rivaux qui se livrent bataille. Dans certains cas, ça se passe en plein jour. En fait, dans un cas, ça c'est passé à l'entrée principale de l'hôpital pour enfants, ici, à Halifax, et un vendeur de drogues a tiré sur un autre vendeur dans l'entrée même de l'hôpital.
C'est un énorme problème, la violence liée à la drogue. Nous croyons que plus nous faisons de choses pour régler le problème de la drogue, plus nous avons la possibilité de réduire cette violence.
Le sénateur Wallace : Surintendant Spicer, vous avez mentionné que vous avez eu récemment à prendre des mesures dans un quartier particulier de Halifax pour libérer les rues des vendeurs et des trafiquants de drogues et qu'il y a eu des retombées positives pour la collectivité sur les plans de la violence et de la réduction de la criminalité en général dans le quartier. Je pense que vous avez cité le chiffre de 19 p. 100.
Pouvez-vous nous fournir autre chose par écrit à ce sujet? Y a-t-il une étude qui appuie ce que vous avez dit? Le cas échéant, c'est quelque chose qui nous serait utile.
M. Spicer : Je peux assurément vous faire parvenir cette étude. Il s'agit de la combinaison d'un rapport de police et d'un rapport du service de logement social. Il s'agissait d'un secteur où il y a des logements sociaux, alors il y a dans le document des observations anecdotiques de la collectivité aussi.
La présidente : Sénateur Banks, nous perdons notre vidéoconférence. Nous allons à l'autre bout du pays pour une autre vidéoconférence, et c'est pour cette raison que nous devons respecter l'horaire de façon aussi rigoureuse.
Je suis encore plus désolée que vous ne pouvez le penser, parce que c'est très important pour nous et si intéressant pour nous d'entendre ce que chacun d'entre vous a à dire. Merci beaucoup.
Nous poursuivons nos travaux et notre examen du projet de loi S-10, Loi modifiant la Loi réglementant certaines drogues et autres substances et apportant des modifications connexes et corrélatives à d'autres lois.
Pour la présente partie de notre réunion, nous recevons Charles Momy, président de l'Association canadienne des policiers. Nous recevons également Jamie Foley, enquêteur au Service de police d'Ottawa. Du Vancouver Police Department — d'un bout du pays à l'autre, de Halifax à Vancouver — nous allons entendre le témoignage du sergent Peter Sadler et du sergent Neil Munro. Merci de vous joindre à nous, messieurs.
Monsieur Momy, vous avez la parole.
Charles Momy, président, Association canadienne des policiers : Merci beaucoup. Tout d'abord, je dois dire que je suis heureux du fait que trois enquêteurs se joignent à nous aujourd'hui, deux de Vancouver et un d'Ottawa, ce qui va sans aucun doute vous permettre de comprendre ce qu'ils vivent sur le terrain dans le cadre des enquêtes liées à la drogue.
Pour ma part, je n'ai certainement pas d'expertise dans ce domaine. Mon expertise, en majeure partie, ce sont les interrogatoires et les tests polygraphiques, qui, je crois, n'ont pas à faire l'objet des débats d'aujourd'hui.
Là-dessus, je vais commencer par lire une déclaration dont vous avez tous une copie, je crois, et qui concerne la position de l'Association canadienne des policiers quant au projet de loi S-10 que vous êtes en train d'étudier.
[Français]
L'Association canadienne des policiers se réjouit d'avoir une fois de plus la chance de témoigner aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles dans le cadre de votre examen du projet de loi S-10, qui prévoit des peines minimales obligatoires pour les crimes graves liés aux drogues.
L'Association canadienne des policiers est le porte-parole national de 43 000 membres du personnel policier à la grandeur du Canada. Par l'intermédiaire de nos 160 associations membres, l'Association canadienne des policiers comprend le personnel œuvrant dans des corps policiers canadiens, desservant autant dans les plus petits villages que dans les grandes agglomérations urbaines, ainsi que des membres du service de policiers provinciaux et de la GRC
L'Association canadienne des policiers est reconnue en tant que porte-parole national du personnel policier en matière de réforme du système de justice pénale au Canada.
Nous sommes motivés par la ferme volonté de réaliser les aspirations suivantes : raffermir la sécurité et rehausser la qualité de vie des citoyens et citoyennes de nos communautés, partager le précieux vécu de nos membres sur le terrain, et promouvoir les politiques gouvernementales qui reflètent les besoins et les attentes des Canadiens et Canadiennes respectueux des lois.
Notre but est de travailler de concert avec les représentants élus de tous les partis afin de réaliser d'importantes réformes qui assureront la sécurité de tous les Canadiens et Canadiennes y compris ceux et celles qui ont fait serment de protéger nos collectivités.
[Traduction]
Tous les jours, nos membres constatent les effets dévastateurs qu'ont les activités des trafiquants et des producteurs de drogue dans chacune de nos collectivités. Ces agents de police, comme ceux qui sont ici pour nous aider aujourd'hui, sont ceux qui doivent constamment arrêter les mêmes vendeurs et producteurs de drogues et les empêcher d'empoisonner nos enfants et nos petits-enfants et de priver les jeunes de leur avenir.
Que les organisations criminelles soient présentes dans de grands centres urbains comme Vancouver, Toronto, Montréal et Ottawa ou dans des collectivités plus petites comme Saint John et Gander, les agents de police de première ligne voient chaque jour le crime organisé, et j'insiste sur ce terme, fournir des drogues dangereuses et illégales sans égard non seulement à la loi, mais également aux vies et aux familles qu'ils détruisent.
Je parle de drogues dangereuses parce que les drogues d'aujourd'hui sont encore plus dangereuses que celles qui existaient dans le passé, et elles contiennent souvent une variété de produits chimiques qui les rendent encore plus puissants.
L'Association canadienne des policiers préconise depuis un certain nombre d'années l'adoption d'une stratégie nationale antidrogue établissant une démarche équilibrée visant à réduire les effets négatifs liés à la consommation de drogues en limitant à la fois l'offre et la demande relatives aux drogues illicites, et permettant ainsi une approche intégrée en matière d'éducation, de prévention, de traitement et d'application de la loi.
À notre avis, l'adoption du projet de loi est d'une importance cruciale pour la concrétisation de la composante liée à l'application de la loi de cette stratégie.
Je suis sûr que certains des fonctionnaires et des universitaires dont vous avez déjà entendu le témoignage sont souvent enclins à présenter des arguments contre les peines minimales. Ils préconisent une plus grande marge de manœuvre dans l'exercice du pouvoir judiciaire, des solutions de rechange à l'incarcération et la réadaptation.
Les délinquants violents ne sont pas dissuadés par nos politiques actuelles en matière d'établissement de la peine, de programmes correctionnels et de libération conditionnelle. Les délinquants récidivistes comprennent le système et trouvent le moyen d'en profiter. Les gangs de criminels règnent dans les prisons et dans certains quartiers. Nous avons besoin d'interventions plus musclées, qui combinent des mesures dissuasives générales et particulières, un processus de dénonciation et des éléments de réforme.
L'effet des dispositions législatives concernant la conduite avec facultés affaiblies au cours des trois dernières décennies au Canada montre que les peines minimales obligatoires sont dissuasives, tant en général à l'égard des gens qui pourraient conduire après avoir consommé de l'alcool qu'en ce qui concerne précisément les récidivistes. Les peines minimales obligatoires imposées dans le cas de crimes graves liés à la drogue nous aideront à combattre le crime organisé et le trafic et la production de drogues.
Qu'il s'agisse de libérer les rues des vendeurs et des producteurs et d'empêcher ces derniers de se livrer à leurs activités ou de dissuader les éventuels vendeurs, le projet de loi S-10 aidera nos membres à s'acquitter de leurs tâches et à assurer la sécurité de nos collectivités. En termes simples, si l'on garde ces criminels en prison plus longtemps, on les empêche de se livrer au trafic de drogue.
Il y a eu une quantité considérable de débats au sujet du recours aux peines minimales et de la fréquence de récidives. Ne vous y trompez pas : les récidivistes sont un problème important. Les agents de police le comprennent intuitivement, puisque nous avons régulièrement affaire à ces clients fidèles.
Les chiffres publiés par l'escouade des homicides de la police de Toronto pour 2005 le prouvent. Des 32 personnes qui étaient accusées de meurtre ou d'homicide involontaire en 2006, 14 étaient en liberté sous caution au moment où le crime a été commis, 13 étaient en probation, et 17 étaient visées par une ordonnance d'interdiction de possession d'armes à feu. Le système judiciaire aux portes tournantes échoue à prévenir l'activité criminelle chez ces récidivistes violents.
Je veux vous présenter quelques scénarios, des scénarios réels qui illustrent le point de vue des agents de police de première ligne sur les dispositions du projet de loi S-10.
[Français]
Peine minimale d'emprisonnement d'un an pour la vente de drogue comme la marijuana lorsque cette vente est effectuée aux fins de crime organisé ou lorsqu'une arme à feu ou la violence est impliquée :
Premier scénario : avec les trafiquants de drogues organisés arrivent souvent des armes dans plusieurs cas. Des enquêtes récentes sur des trafiquants de drogues de niveau moyen, qui avaient été arrêtés, ont révélé que ces trafiquants du niveau moyen étaient munis d'armes fournies par l'organisation criminelle à laquelle ils appartenaient, afin de les aider à percevoir l'argent dû pour les drogues. En vertu des mandats exécutés, des armes, des drogues et des gilets par balle furent saisis. Certains individus accusés et condamnés ont écopé de peines d'emprisonnement limitées de moins de deux mois.
Deuxième scénario :
[Traduction]
Un vendeur de drogue de Kitchener s'est installé en Colombie-Britannique, où il a appris à cultiver la marijuana. Après avoir été arrêté en Colombie-Britannique pour avoir exploité une installation de culture à domicile, il est retourné à Kitchener et a lancé une entreprise de fournitures de jardinage qui lui a servi à mettre sur pied un réseau d'installations de culture.
Pendant l'enquête à Kitchener sur son exploitation illégale, il est retourné en Colombie-Britannique pour plaider coupable à des accusations de production de marijuana et a été assigné à résidence. Il est rentré à Kitchener en échappant à toute surveillance, et il y a encore été arrêté pour production de marijuana. Il était responsable de l'instauration d'installations de culture avancée dans la région de Waterloo qui se sont ensuite répandues d'Ottawa à Windsor.
Les activités de cet homme auraient été interrompues s'il avait été incarcéré : une peine d'emprisonnement obligatoire de deux ans pour l'infraction d'exploitation d'une vaste installation de culture de marijuana comptant 500 plants; compte tenu des circonstances aggravantes relatives à la santé et à la sécurité, la peine obligatoire serait passée à trois ans d'emprisonnement.
Dans le troisième scénario, les enfants sont aussi victimes de la présence des installations de culture. Il y a eu un incident du genre à Kitchener, où un homme qui cultivait de la marijuana vivait dans la maison où il la cultivait avec sa femme et ses deux enfants. Pendant la nuit, la maison a passé au feu en raison d'un défaut du circuit électrique illégal.
Les flammes se sont propagées rapidement en raison du système de ventilation complexe qui avait été installé dans la salle de culture. L'homme s'est échappé de la maison seul, en laissant sa famille à l'intérieur. Les voisins ont vu le brasier, et ils sont venus à la rescousse de la femme et des enfants.
Les pompiers sont arrivés sur place et ont éteint l'incendie. L'un d'entre eux a dit que c'était comme d'essayer d'éteindre un feu dans un poêle à bois à haut rendement. Le feu était particulièrement chaud, ce qui a été une source de préoccupation et de danger pour les voisins et les travailleurs de services d'urgence appelés à intervenir. Malheureusement, partout au pays, des collectivités sont aux prises avec ce genre d'activités criminelles au quotidien.
Comme agents de police, et encore plus comme membres de vos collectivités, nous sommes préoccupés par le fait que nos jeunes et beaucoup d'adultes n'ont pas entendu le bon message au sujet des drogues. La consommation de drogues est rendue banale par ce que les gens voient à la télévision, mais aussi par des politiques publiques mal orientées. Ce qu'ils ne voient pas au début, c'est que la drogue va probablement finir par dominer leur vie, et le message adressé à nos jeunes devrait être clair : les drogues sont dangereuses.
La production et le trafic de drogues illicites vont de pair avec d'autres activités criminelles comme la prostitution, l'extorsion, la traite de personnes, les homicides et les infractions sexuelles avec violence. Les enquêteurs spécialistes de la drogue et des agressions sexuelles disent que les drogues du viol comme le GHB sont souvent utilisées pour violer et agresser des victimes qui ne se doutent de rien. Les producteurs et les trafiquants de drogues du genre sont donc directement liés à des infractions sexuelles graves et souvent commises avec violence et en sont directement responsables.
Le crime organisé est très lucratif, et c'est ainsi qu'il est dirigé. Les criminels connaissent très bien le système de justice à portes tournantes qui est celui du Canada en ce moment. Le message envoyé aux vendeurs et producteurs de drogues et aux organisations criminelles jusqu'à maintenant, c'est que, même s'ils se font prendre, ils vont probablement pouvoir reprendre leurs activités en quelques semaines ou en quelques mois.
Avec le projet de loi, le message transmis aux vendeurs et producteurs de drogues est clair. Le projet de loi S-10 fait partie d'un assaut bien coordonné contre le crime organisé. L'interruption de la production et de la distribution de ces drogues dangereuses et illégales coupe les vivres au crime organisé.
Au nom de l'Association canadienne des policiers et de nos quelque 43 000 membres, nous encourageons fortement tous les sénateurs à adopter le projet de loi et ainsi à donner à nos agents les outils dont ils ont besoin pour assurer la sécurité de vos collectivités.
Jamie Foley, enquêteur, Service de police d'Ottawa : Je travaille pour le Service de police d'Ottawa, et ça fait 15 ans que je suis policier. Au cours des quatre dernières années, j'ai travaillé à la section antidrogue. Mon domaine de spécialité ou d'expertise, ce sont les installations intérieures de culture de marijuana.
La présidente : Je suis sûre que nous allons avoir des questions, mais avant de les poser, nous allons nous tourner vers Vancouver, d'où, je crois, les déclarations du sergent Sadler et du sergent Munro vont nous parvenir. Lequel d'entre vous veut commencer?
Peter Sadler, sergent, Vancouver Police Department : Je suis sergent au Vancouver Police Department, dans l'escouade antidrogue. Ça fait passablement longtemps que je suis là.
Je veux parler brièvement du projet de loi S-10, parce que je crois qu'il s'agit d'un pas dans la bonne direction pour aider les services de police à cibler les criminels qui perpétuent le cycle du crime, de la violence et de la victimisation dans nos quartiers.
À l'heure actuelle, la Loi réglementant certaines drogues et autres substances contient des dispositions d'établissement de peines allant en théorie jusqu'à la peine d'emprisonnement à vie. L'intention est peut-être admirable, mais, en réalité, les peines imposées pour des crimes liés à la drogue sont toujours loin de la peine maximale. En plus du fait que les peines imposées sont plutôt légères, en ce moment, il n'y a pas de périodes d'emprisonnement obligatoires pour les infractions graves liées à la drogue.
Je travaille dans une magnifique ville où le taux d'infractions contre les biens est le plus élevé au Canada, dont pas moins de 80 p. 100 bien comptés sont le résultat de la toxicomanie. Selon la source consultée, il y a entre 6 000 et 12 000 toxicomanes dans le Lower Mainland de la Colombie-Britannique, et jusqu'à 4 000 dans la partie est du centre-ville de Vancouver. Les drogues qui rendent ces gens esclaves sont importées, exportées et produites pour le trafic par des criminels qui n'ont pas vraiment peur des services de police.
Je crois que le projet de loi S-10, les peines d'emprisonnement obligatoires, va fournir aux services de police un outil qui leur manque actuellement. Le projet de loi vise les criminels qui se livrent à des activités de trafic de drogues.
Les trafiquants ne travaillent pas seuls. Un vaste réseau de gens participe au trafic de la drogue, chacun dans le but de faire de l'argent, ce qu'ils font très bien.
Les importateurs, les passeurs, les bailleurs de fonds, les hommes de main, les trafiquants et bien d'autres contribuent au résultat final : la drogue se retrouve dans les rues. Les enquêtes policières dont font l'objet ces criminels sont ralenties par le fait qu'ils savent que très peu des membres du réseau vont passer du temps en prison, et peut-être même pas du tout.
Le processus qui fait d'un petit revendeur un gros trafiquant ou un importateur ne se fait pas du jour au lendemain. Comme dans le cas d'une entreprise légitime, c'est un processus d'apprentissage, et il est souvent très violent.
Une fois qu'ils sont devenus de gros trafiquants, les criminels n'ont pu grand-chose à craindre des services de police, puisqu'ils se protègent en embauchant des sous-fifres pour faire le sale boulot. La meilleure façon de mettre fin à ce cycle de violence, c'est d'arrêter les trafiquants avant qu'ils ne deviennent de gros trafiquants, puis de continuer d'arrêter et d'incarcérer les criminels. Les peines obligatoires vont faire en sorte qu'une peine minimale soit infligée, ce qui va servir à la fois de punition et de mesure de dissuasion pour les autres personnes qui envisagent d'adopter le mode de vie.
Le trafic de drogues est la principale source de revenus des criminels, et la récompense monétaire est importante pour ceux qui sont prêts à prendre le risque découlant de la violence que cette activité suppose. Je suis policier depuis 29 ans, et je n'ai jamais entendu un trafiquant invoquer la peur des tribunaux comme motif pour cesser de se livrer au trafic de drogues.
En Colombie-Britannique, les gangs sont en croissance constante, sur le plan tant de la taille que de la portée de leurs activités criminelles. La lutte pour le monopole du marché de la drogue a des répercussions sur les collectivités, et les citoyens ont très peur des membres de gang et des représailles. En 1999, il y a eu cinq meurtres commis par des membres de gang en Colombie-Britannique. L'an dernier, en 2009, il y en a eu 35. Des meurtres commis en Colombie- Britannique, il y en a 20 p. 100 bien comptés qui sont liés aux gangs.
Je ne crois pas que des peines d'une, deux ou trois années vont nécessairement avoir des répercussions majeures sur le cycle de la violence qui caractérise le trafic de la drogue, mais je crois que le projet de loi S-10 est un bon point de départ pour ce qui est de nous réapproprier nos rues et de réduire la violence dans nos collectivités.
Neil Munro, sergent, Vancouver Police Department : Je suis le sergent Neil Munro, du Vancouver Police Department. Mon unité enquête sur les installations illégales de culture de la marijuana dans la ville de Vancouver.
Les modifications proposées dans le cadre du projet S-10 correspondent à la politique de lutte contre la drogue du Vancouver Police Department et de la stratégie à quatre volets de la Ville de Vancouver en ce qui a trait aux installations de culture de la marijuana ainsi qu'à d'autres drogues.
Permettez-moi de vous décrire brièvement la structure de l'industrie de la marijuana. Cette industrie est organisée de façon très semblable aux exploitations agricoles légitimes. La marijuana est cultivée, puis transportée dans une maison pour le transfert, qui peut être comparée à un silo à grains. À cet endroit, la marijuana est classée en diverses catégories, le paiement est effectué, et des dispositions sont prises pour le transport du produit vers les marchés local, national et international.
Les profits réalisés par les gens de cette industrie sont importants. Dans une installation de culture intérieure, on peut amener les plants à maturité et les rendre prêts pour la récolte en seulement trois mois. Ainsi, il est possible d'obtenir quatre récoltes par année dans une installation.
Une installation de culture comptant une centaine de plants, par exemple, qui exigerait l'espace occupé par une chambre à coucher moyenne, permettrait de vendre quatre fois la récolte de 100 plants et permettrait au producteur de toucher 75 000 $ par année au minimum et hors impôt. C'est le double du revenu annuel moyen des Canadiens pour 2008.
En ciblant des comportements criminels précis, le projet de loi S-10 appuie la stratégie qui fait partie de la politique de lutte contre la drogue de la police de Vancouver, selon laquelle la stigmatisation d'un comportement négatif peut être vue comme un moyen légitime de dissuader les gens, et surtout les jeunes impressionnables, d'adopter ce comportement.
Le projet de loi appuie également l'approche à quatre volets de la façon suivante. En ce qui concerne la prévention, lier la sanction à la taille de l'installation de culture de marijuana peut avoir pour effet de réduire la quantité de marijuana disponible à la source et est donc le point de départ de la prévention.
La marijuana est souvent échangée contre de la cocaïne, de l'héroïne et des armes. Enrayer la production de marijuana est également une mesure efficace dans la prévention du crime lié à d'autres drogues et aux armes.
En ce qui a trait à l'application de la loi, le projet de loi S-10 cible les installations de culture de la marijuana liées aux organisations criminelles, à la violence et à la sécurité publique. Cela correspond à la politique de lutte contre la drogue de la police de Vancouver, qui axe l'application de la loi sur la consommation de drogues par les enfants, près des écoles et liée aux trafiquants qui sont les mieux organisés et les mieux coordonnés.
En ce qui concerne la réduction des préjudices subis, l'objectif fondamental des services de police est de protéger la vie et les biens. Depuis janvier 2009, la police de Vancouver a été appelée sur les lieux de cinq incendies causés par les installations de culture de la marijuana. Il s'agit habituellement d'immeubles résidentiels. Nous avons été appelés sur les lieux de 10 installations de culture de la marijuana en raison d'agressions et d'entrées par effraction.
En conclusion, le plan stratégique du Vancouver Police Department énonce ce qui suit : « La prolifération des installations de culture de marijuana dans le Lower Mainland a causé une grande détresse dans les collectivités en raison des activités criminelles qui y sont associées... bon nombre d'installations de culture de la marijuana sont exploitées par des groupes organisés. La majeure partie de la marijuana cultivée en Colombie-Britannique est exportée vers les États-Unis, contre de l'argent, d'autres drogues, comme la cocaïne et l'héroïne, ou contre des armes de poing de qualité supérieure. »
L'application des peines minimales prévues dans le projet de loi S-10 va envoyer un message aux personnes qui choisissent d'exercer des activités criminelles pour s'enrichir aux dépens de la sécurité publique.
Le sénateur Wallace : Merci de vos exposés.
Comme vous l'avez souligné et comme nous l'avons entendu dire par d'autres témoins, l'un des objectifs du projet de loi S-10 est de créer une mesure de dissuasion, de dissuader les personnes qui participent à la production, au trafic, à l'importation et à l'exportation de drogues de continuer d'y participer.
Nous avons entendu ici beaucoup de commentaires au sujet de la nécessité d'études universitaires prouvant que les peines minimales obligatoires ont bel et bien un effet dissuasif. Je ne veux pas dire que les études réalisées dans les universités ne sont pas importantes, mais je pense que l'expérience de la rue des services de police est encore plus importante, puisque vous voyez ce qui se passe concrètement, au-delà de la rue, l'effet précis que cette mesure aurait sur les personnes qui commettent des crimes qui, idéalement, les dissuaderait de le faire à l'avenir.
Monsieur Momy, je vais peut-être vous adresser ma question. Je suis heureux que vous nous ayez rappelé dans votre exposé l'effet qu'ont eu les peines minimales obligatoires dans le contexte des dispositions législatives touchant la conduite avec facultés affaiblies. Pourriez-vous — et la question s'adresse à quiconque souhaite formuler un commentaire — nous en dire davantage au sujet de l'effet des peines minimales obligatoires sur les crimes commis en lien avec ces infractions de conduite avec facultés affaiblies?
M. Momy : Je peux assurément vous donner d'autres détails concernant les études qui ont été réalisées au cours des dernières années. En fait, MADD — Mothers Against Drunk Driving —, Canada a joué un rôle essentiel dans l'obtention de cette information.
Ce que je peux dire du point de vue pénal et du point de vue administratif — je suis sûr que bon nombre d'entre vous savent que plusieurs provinces ont instauré des sanctions administratives à l'égard de la conduite avec facultés affaiblies. C'est bien connu, grâce aux travaux de recherche qui ont été effectués au cours des dernières années, ainsi qu'à certaines des recommandations dont il a été question en ce qui concerne la conduite avec facultés affaiblies, que, à l'aide de certaines de ces sanctions administratives — il ne s'agit pas de sanctions criminelles — il s'agit de sanctions administratives imposées par les provinces au chapitre de la conduite avec facultés affaiblies, qui ont pour effet que la personne voie son permis de conduire suspendu avant même la déclaration de culpabilité. C'est fonction du nombre de fois où la personne a été arrêtée et accusée de ce genre de crimes en particulier.
Dans certaines provinces, il y a des sanctions qui vont jusqu'à 60 et 90 jours. Nous savons tous que, depuis 20 ou 30 ans, les mesures de dissuasion relatives à la conduite avec facultés affaiblies ont pris une forme beaucoup plus publique, et le public n'accepte tout simplement plus la conduite avec facultés affaiblies comme avant.
Pour ce qui est des sanctions pénales, assurément, lorsque des permis de conduire, par exemple, sont maintenant suspendus automatiquement en application du Code criminel, si l'on revient en arrière de 30 ans, au moment où certains des changements se sont produits, il y a plusieurs conducteurs aux facultés affaiblies un peu partout au Canada qui sont — essentiellement, ce que je dis, c'est qu'il y a moins de gens qui sont accusés et déclarés coupables de conduite avec facultés affaiblies au Canada depuis l'application de peines minimales.
Il ne s'agit pas de nos études. Il s'agit d'études qui ont été réalisées par MADD Canada au cours des dernières années.
Le sénateur Wallace : Le fait de prévoir des conséquences plus graves pour ce type de comportement a permis de sauver des vies et de faire en sorte que les familles n'aient pas à vivre l'angoisse que peut créer la conduite avec facultés affaiblies.
M. Momy : Il semble qu'il en soit ainsi.
Le sénateur Wallace : Je ne pense pas qu'il y ait beaucoup de problèmes comparables aux problèmes de trafic et de production de drogues auxquels nous faisons face aujourd'hui.
M. Momy : En effet.
Le sénateur Wallace : L'un des objectifs importants du projet de loi, d'après le ministre Nicholson, c'est d'enrayer les activités criminelles de production de drogues et de trafic de drogues. Certaines personnes ont laissé entendre qu'il est inutile d'espérer que le projet de loi le permette. Pourtant, sergent Sadler, vous m'avez intéressé lorsque vous avez dit que les peines d'emprisonnement minimales prévues dans le projet de loi S-10 vont offrir un nouvel outil aux services de police et qu'elles visent les criminels qui exploitent des réseaux de trafic de drogues.
Pour moi, cela signifie que le projet de loi S-10 va assurément avoir un effet sur la poursuite des activités criminelles de trafic et de production de drogues.
Pourriez-vous dire quelque chose là-dessus?
Sergent Sadler : Lorsque je dis que le projet de loi cible les trafiquants, qui sont les criminels que nous espérons attraper, je ne pense en aucun cas que le projet de loi S-10 va nous permettre directement de mettre la main au collet du chef d'un gang. J'espère cependant que nous allons pouvoir interrompre un cycle. C'est lorsque les gens commencent à se livrer au trafic de drogue qu'ils apprennent ce qu'il faut faire et ce qu'il faut éviter de faire, et elles sont donc très informées lorsqu'elles ont des démêlés avec le système judiciaire. Avec l'expérience, elles apprennent le fonctionnement des enquêtes policières, et elles sont probablement informées par différents membres de la société de la façon dont nous appliquons la loi. Après plusieurs années, comme dans tout autre type d'entreprise, elles ont acquis de l'expérience et elles savent comment se protéger.
Si nous pouvons atteindre les trafiquants lorsqu'ils sont encore dans la rue ou à un niveau intermédiaire, c'est à ce moment-là qu'ils peuvent passer du temps en prison. Je ne considère pas qu'une peine d'un an, de deux ans ou même de trois ans soit très importante, si l'on tient compte du temps qu'ils vont réellement passer en prison. Ça peut être une peine de trois ans, mais la durée de la peine purgée est beaucoup moins grande. Ça nous permet de causer une interruption, et, en théorie, les gros trafiquants n'ont plus de sous-fifres, comme je l'ai dit dans mon exposé, qui travaillent pour eux, et il y aurait des sanctions pour eux.
Je constate souvent que lorsque les trafiquants sont accusés, avant qu'ils ne passent un seul jour en prison, à l'heure actuelle, il faut que plusieurs accusations soient portées contre eux, alors ça peut prendre quelques années avant qu'ils ne passent un seul jour en prison. Je ne dis pas que nous ne devons pas accorder le bénéfice du doute aux gens, et je suis sûr qu'il y a des gens qui se réadaptent, mais, selon mon expérience, ça prend beaucoup de temps avant que les criminels ne purgent une quelconque peine de prison, et je ne pense pas qu'une peine d'un an soit sévère. Ça nous permet à ce moment-là de le mentionner dans nos dossiers dans le cadre d'enquêtes futures et, nous l'espérons, d'interrompre le cycle de façon qu'ils ne deviennent pas des criminels ayant une expertise beaucoup plus grande.
Le sénateur Wallace : Nous avons peut-être chacun une opinion sur le fait qu'une peine d'un an soit sévère ou non, mais il est important de comprendre — et je suis sûr que vous le savez — que cette peine ne serait imposée que si des circonstances aggravantes étaient présentes pour ce qui est du trafic de drogue. Il s'agit de la violence, de l'utilisation d'armes et de la participation d'organisations criminelles. Ce sont des questions graves, et le résultat de cela pourrait être une peine obligatoire d'un an. Ça ne me semble pas du tout sévère, personnellement.
Sergent Sadler : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Une peine d'un an, ce n'est rien pour les criminels de la rue lorsqu'ils obtiennent une réduction de peine pour bonne conduite ou pour quelque autre raison.
Le sénateur Banks : Je ne suis pas sûr qu'il soit tout à fait pertinent de comparer un conducteur aux facultés affaiblies et un trafiquant de drogue. Les motivations sont différentes, je crois, mais je ne connais rien au sujet de la conduite avec facultés affaiblies, alors je ne veux pas m'aventurer sur le terrain.
Détective Foley, je pourrais partir et revenir dans une demi-heure avec un sachet de marijuana. Sergent Sadler, je pourrais me rendre à deux pâtés de maisons de l'endroit où vous vous trouvez et revenir une demi-heure plus tard avec un sachet de marijuana, n'est-ce pas?
Sergent Sadler : Je pourrais faire un appel et obtenir une once de cocaïne en moins de 40 minutes. Je vous le garantis.
Le sénateur Banks : Vous avez dit, sergent Sadler, que vous n'avez jamais entendu un trafiquant dire qu'il avait peur des tribunaux et qu'il allait arrêter le trafic de drogue pour cette raison. Je vais vous poser une question, et je ne connais pas la réponse à cette question. Est-ce vrai qu'il y a des gens qui sont susceptibles, vu la raison pour laquelle ils ont été arrêtés, de se voir imposer une peine d'un an et aussi des gens qui sont susceptibles de se voir imposer une peine de 10 ou de 20 ans? Ce que je dis, c'est que les gens qui peuvent purger une peine de 10 ou 20 ans peuvent aussi ne pas être dissuadés par l'idée qu'ils vont passer du temps en prison. Ai-je raison?
Sergent Sadler : Je crois certainement que les criminels les plus haut placés n'ont pas peur, vu la situation actuelle sur le plan du droit. S'ils ont suffisamment d'argent pour se payer de très bons avocats, et si l'affaire est d'une portée suffisamment grande, est-ce qu'ils pensent qu'ils vont finir par être déclarés non coupables? Je pense que la plupart le pensent. Ce que je dis, c'est que si nous voulons les empêcher d'être promus de cadre inférieur à haut dirigeant de l'industrie du crime organisé, car c'est assurément une industrie — les organisations criminelles font plus d'argent que n'importe quelle entreprise au Canada — nous devons leur mettre la main au collet lorsqu'ils sont encore au bas de l'échelle. C'est à ce moment-là que nous les dissuaderons, non seulement eux, mais aussi les observateurs, ceux qui envisagent de devenir trafiquants pour faire de l'argent, qui pourraient avoir juste assez peur pour s'éloigner de ce milieu. Nous ne serions pas confrontés à la situation terrible qui existe à l'heure actuelle, c'est-à-dire qu'il n'y a absolument aucune mesure de dissuasion et que beaucoup de gens s'essaient au trafic de drogue. Il y a des trafiquants de drogue à temps partiel. Ils viennent deux ou trois jours par mois, ils font de l'argent et ils repartent. Il n'y a absolument rien qui les en dissuade. C'est ce qui se passe dans les rues.
Le sénateur Banks : Pour poursuivre le sens de ce que disait le sergent Sadler, détective Foley, si je sors pour trouver un vendeur, pour acheter un sac ou quoi que ce soit, et que vous arrêtez le vendeur, combien de temps faudra-t-il avant que ce maillon de la chaîne soit remplacé?
M. Foley : Il y a un autre gars au coin de la rue qui va prendre sa place.
Le sénateur Banks : Dans ce cas, le fait de mettre le gars en prison pendant un an ou pendant trois ans n'aura pas l'effet, au bout du compte, de réduire le crime.
M. Foley : On le sort de la rue. Plus bas sur la rue où nous nous trouvons, il y a plusieurs personnes qui vendent sur les coins de rue, alors on réduit le nombre de personnes auprès desquelles vous pourriez acheter de la drogue.
Le sénateur Banks : Au sein d'une organisation, qu'elle soit grande ou petite, si j'enlève ce gars, il va être remplacé immédiatement. Est-il possible qu'on arrive un jour à sortir suffisamment de gens des rues pour qu'il devienne vraiment difficile de s'y procurer de la drogue?
M. Foley : Je dirais que ça aide. Mais ça ne va pas éliminer le trafic de drogue. Il va toujours y avoir une personne pour prendre la place laissée vacante, mais éliminer ça, non.
[Français]
La présidente : Encore pour vérifier comme petite expérience, je vais poser la petite question : à Vancouver, est-ce que vous recevez la traduction du français? Je suis en train de vous parler en français. Vous avez la traduction, c'est beau.
Le sénateur Carignan : Ma question s'adresse à tous les intervenants. Le projet de loi cible de façon plus particulière la protection des jeunes. On identifie les jeunes comme un groupe vulnérable et on ajoute un facteur aggravant lorsque, soit on utilise un jeune pour commettre une infraction ou soit on commet l'infraction à proximité ou sur le terrain d'une école ou d'un endroit que les jeunes fréquentent habituellement.
Est-ce une légende urbaine que le crime organisé utilise les jeunes, soit comme cibles pour développer leur entreprise ou soit comme outils pour commettre leur crime? Sont-ce des éléments stratégiques que vous voyez de façon suffisamment fréquente pour qu'on puisse s'y attaquer avec des peines minimales?
[Traduction]
M. Foley : Je crois que les jeunes sont souvent utilisés dans le trafic de drogue. On les choisit à cause de leur âge et, parfois, ils ne connaissent pas les conséquences de leurs actes. Je pense donc que des trafiquants plus haut placés qu'eux les utilisent.
J'ai manqué une partie de la question, mais vous avez mentionné le projet de loi concernant les activités qui ont lieu à proximité d'une école. Je me spécialise dans les installations de culture de marijuana. Il n'y a même pas un an, j'ai exécuté un mandat en vertu de la Loi réglementant certaines drogues et autres substances dans une installation située à moins de un pied de la cour d'une école primaire et où se trouvaient plus de 500 plants. Cette installation de culture de marijuana utilisait un dispositif de détournement de l'électricité, ce qui signifie que les trafiquants volaient l'électricité. À l'intérieur, les plants — l'installation électrique ne respectait pas du tout le code. C'est toujours comme ça. Il y avait un risque d'incendie. On faisait la culture de marijuana à cet endroit depuis plus de deux ans, d'après moi.
M. Munro : Les installations de culture de marijuana sont aussi ma spécialité. L'été dernier, nous avons effectué une vérification parce que les compteurs d'électricité indiquaient une grande consommation. Quand nous avons frappé à la porte, la mère s'est sauvée par l'arrière et nous a laissés avec son fils de 16 ans. C'est ce type de personnes que l'on retrouve dans les installations de culture de marijuana.
La personne la plus jeune que j'ai vue dans une installation de culture de marijuana avait deux semaines. C'était une installation qui comptait 300 ou 500 plants, je ne me souviens plus. La plus vieille que j'ai vue avait plus de 80 ans. Rendu là, c'est une affaire de famille, et tous les enfants sont à risque.
La semaine dernière, nous nous sommes rendus à un endroit où se trouvait une culture de marijuana. C'était dans un édifice de trois étages où se trouvait un appartement à chaque étage. La culture se faisait dans le sous-sol. Il y a eu un incendie. Les personnes qui étaient, selon nous, responsables de la culture de marijuana se trouvaient au rez-de- chaussée. Elles se sont sauvées et n'ont pas averti les locataires du haut du fait qu'il y avait un incendie dans l'édifice. Ceux-ci s'en sont rendu compte quand les pompiers sont arrivés.
Il faut que les personnes impliquées dans la culture de la marijuana sachent que cela entraîne des risques pour d'autres, que ce soit leur famille immédiate, les locataires dans le même édifice ou les personnes qui se trouvent dans une école. Il y a souvent des cultures dans certaines écoles. Nous n'avons pas conservé de statistiques à ce sujet, mais nous sommes au courant de certains cas. S'il y a un pavillon dans une école, on peut aussi déduire qu'il y a des installations de culture. Quoi qu'il en soit, ces personnes mettent en danger des personnes vulnérables pour s'assurer à elles-mêmes des gains financiers.
[Français]
M. Momy : Les enquêteurs peuvent me corriger, mais quand cela vient aux jeunes contrevenants, je ne pense pas que la plupart des enquêteurs du secteur des stupéfiants se dirigent vers des jeunes contrevenants qu'ils aient 15, 16 ans, 17 ans, je ne pense pas que ce sont eux qui gèrent les maisons où les plantations sont produites. C'est certain qu'ils sont utilisés pour trafiquer ou vendre un certain montant de drogue. Cela fait plusieurs années que j'ai travaillé sur le terrain mais mon expérience, comme policier, a toujours été que les jeunes contrevenants vont vendre deux joints, trois joints, plusieurs grammes de marijuana. Quand cela vient à de jeunes contrevenants de 15, 16, 17 ans, ce ne sont pas eux vraiment qui gèrent les opérations. Comme les enquêteurs de Vancouver l'ont mentionné, ce sont ceux du milieu qui gèrent tout cela. Ils embauchent certainement ce qu'on peut appeler des jardiniers pour gérer des serres.
Mais je ne pense pas que ce soit le but de la loi de commencer à donner des peines minimales à de jeunes contrevenants de 15, 16 ans. Je ne pense pas que ce soit le but. Je pense comme policier et représentant des policiers à travers le pays que ce n'est pas le but de nos membres non plus.
Le sénateur Carignan : Une dernière question. Les procureurs de la défense et du Barreau du Québec nous ont mentionné qu'ils se posaient des questions sur la validité constitutionnelle de certains articles en raison de leur imprécision, notamment la notion de « proximité d'une école », le fait que ce ne soit pas nécessairement défini ce qui est près d'une école. Il y a différents articles comme cela.
Est-ce que vous, sur le terrain, vous avez étudié le projet de loi, est-ce que vous craignez d'avoir des difficultés d'application ou d'imprécision lorsque vous allez avoir à intervenir sur le terrain? Ou pour vous, les indications que vous avez dans le projet de loi sont-elles suffisamment claires pour savoir de quelle façon vous comporter ou quel type d'accusations vous allez porter?
M. Momy : Je ne pense pas que je pourrais vous répondre. Possiblement que les enquêteurs pourraient vous répondre. Par exemple, dans les enquêtes présentes qu'ils entreprennent, ont-ils de la difficulté ou pourraient-ils en avoir avec ce scénario? Je ne suis pas un avocat. Si ce sont les commentaires qu'ils ont fait, je présume que plusieurs avocats ont étudié ce projet de loi. Quand cela viendra devant la cour, j'espère qu'ils n'auront pas de difficulté, mais je ne peux pas répondre.
[Traduction]
M. Munro : Je pense qu'il reviendrait aux enquêteurs de prouver aux tribunaux qu'il y avait un lien entre l'école et l'endroit où se faisait le trafic de drogue ou la production. Le cas expliqué par M. Foley est un cas extrême.
J'ai vu d'autres cas où, pendant l'exécution du mandat, nous discutions avec des enfants, et ils savaient qu'il y avait une culture de marijuana sur le chemin de l'école. C'est très rare qu'il y ait un trafic de drogue associé à une culture de marijuana; les trafiquants veulent que les installations restent secrètes. Cependant, dans d'autres cas, ils viennent sur les lieux et ciblent une maison située à un emplacement bien précis qui leur permettra de vendre de la drogue aux enfants qui se rendent à l'école.
Il incombe donc aux enquêteurs de prouver qu'il y avait non pas un lien géographique avec l'école — moins de 500 pieds ou quelque chose comme ça — mais que l'auteur du crime a choisi cet emplacement pour attirer ou pour cibler les élèves. C'est comme ça que je verrais les choses.
La présidente : Merci beaucoup. Monsieur Foley, vouliez-vous ajouter quelque chose?
M. Foley : J'aimerais simplement ajouter que, dans le contexte de la loi actuelle, nous nous servons de la présence d'une école à proximité comme d'un facteur aggravant quand nous rédigeons nos dossiers de la Couronne.
Je suis plutôt d'accord avec le sergent Munro : il revient à l'enquêteur d'expliquer tous les éléments de l'enquête. Si une cour d'école ou un lieu où se rassemblent des enfants d'âge scolaire est en cause, c'est à lui d'expliquer la situation. Je ne sais pas si nous pourrions imposer une limite dans l'espace en ce qui concerne l'endroit où les activités se déroulent ou la proximité d'une zone scolaire.
La présidente : Dites-vous qu'il faudrait pratiquement faire du cas par cas?
M. Foley : C'est exactement cela.
La présidente : Vous devriez prouver qu'il y a, de fait...
M. Foley : Je crois qu'il s'agit de la responsabilité de l'enquêteur.
Le sénateur Baker : M. Foley a raison; c'est déjà écrit dans la Loi réglementant certaines drogues et autres substances, au paragraphe 10(2). Il s'agit de l'une des circonstances aggravantes que vous devez ajouter à votre accusation. C'est déjà prévu par la loi; ce l'est depuis 10 ans.
Je veux commencer par vous féliciter, vous tous, qui êtes ici aujourd'hui, du travail fantastique vous faites. Vous devriez être payés deux fois plus cher que vous ne l'êtes.
Des voix : Bravo!
Le sénateur Baker : Je ne ferais pas ce travail.
J'ai deux questions directes à poser, mais auparavant, j'aimerais apporter une précision aux fins du compte rendu. Je suppose que le sergent Sadler est la bonne personne à qui m'adresser. Je suppose que, pendant vos 29 années de pratique, vous êtes allé au tribunal bien des fois, n'est-ce pas?
Sergent Sadler : Des centaines de fois.
Le sénateur Baker : Je suppose que le tribunal vous considère comme un spécialiste de l'emballage et de la distribution de la cocaïne.
Sergent Sadler : Oui, je le suis.
Le sénateur Baker : En fait, je peux lire tout cela dans un jugement dont je dispose et dans lequel le juge fait votre éloge de façon remarquable. C'est à vous que je vais poser la question, la question importante concernant les peines minimales. Dans l'affaire que j'ai lue vous concernant...
Le sénateur Angus : Pouvez-vous nous donner la référence?
Le sénateur Baker : Oui. Il s'agit de l'affaire R. c. Aguirre, 2005, Carswell C.-B. 3642. Le sergent hoche la tête; il s'en souvient très bien. C'était lui, le spécialiste.
Dans cette affaire, on avait trouvé, sur le siège arrière de la voiture d'un homme, deux paquets de cocaïne. Dans votre témoignage, qui a été retenu, vous avez dit que cette quantité de cocaïne appartenait probablement à une personne qui en faisait le trafic.
Le juge avait conclu, à la fin, après avoir analysé les peines en Colombie-Britannique — l'homme en était à sa première infraction, mais la quantité de cocaïne était assez importante — que les peines allaient de trois à cinq ans. Je pense que l'homme s'est vu infliger une peine de cinq ans. Il avait passé trois ans en prison en attente du procès.
Dans ce cas, la peine minimale n'aurait eu aucune incidence sur lui. Êtes-vous d'accord?
Sergent Sadler : Tout à fait d'accord, oui. À mon avis, une peine de un an se situe tout au bas de l'échelle.
Le sénateur Baker : C'est exact. J'espère qu'il me reste du temps pour ma question. Je m'éloigne un peu du sujet, mais c'est une question importante.
Prenons, par exemple, l'agente Haynes qui travaille avec l'escouade antidrogue; vous la connaissez sûrement. Elle a participé au rave qui a eu lieu au Pacific Coliseum; l'affaire a fait l'objet d'un procès l'an dernier, R. c. Chu, 2009, Carswell C.-B. 644. Je n'aurais pas dû donner son nom, mais elle y est allée comme agent d'infiltration. Elle a obtenu un comprimé d'ecstasy.
Comme vous le savez, dans le projet de loi, l'ecstasy passe de l'annexe III à l'annexe I. Le juge conclut sa décision de la façon suivante, au paragraphe 51 :
Les éléments de preuve permettent d'établir que l'accusé est coupable de trafic d'ecstasy parce qu'il a « donné » de l'ecstasy à l'agente d'infiltration. La déclaration de culpabilité doit être consignée.
La raison pour laquelle les gens s'opposent à la peine minimale obligatoire d'un an, c'est que, si cette personne avait refait le geste de donner un comprimé d'ecstasy après l'entrée en vigueur du projet de loi, elle serait visée par la peine minimale obligatoire et aurait été incarcérée pour un an.
La présidente : Quelle est votre question?
Le sénateur Baker : Je n'irai pas plus loin pour lui permettre de répondre, parce que ma principale question s'adresse à lui. La voici : Y a-t-il une recommandation que notre comité peut faire pour vous aider dans vos enquêtes à propos des mandats? Y a-t-il quelque chose que nous pouvons faire pour vous aider à obtenir des mandats? Y a-t-il quelque chose qui cloche avec le système de mandat?
Ensuite, pensez-vous que l'on passe trop de temps à divulguer de l'information pour les procès?
Troisièmement, et je vais conclure avec cette déclaration : La décision McNeil. Je suppose que vous savez tous de quoi je parle.
Sergent Sadler : Oui.
Le sénateur Baker : Je m'excuse, je ne comprends pas vite ce genre de chose. Je me fais vieux. Le dossier disciplinaire de chacun de ces agents est maintenant entièrement... d'accord, elle veut que j'arrête. Vous savez ce que je veux dire. Avez-vous des commentaires à propos de l'une ou l'autre des choses que je viens de mentionner?
Sergent Sadler : Si je peux me permettre, madame la présidente. L'exemple du comprimé unique de MDMA qui a été vendu — et c'est comme ça qu'ils sont vendus pendant les raves — il n'aura fallu qu'un comprimé pour tuer une jeune fille de 15 ans de Victoria qui participait à un rave il y a quelques années. C'est pour cela que nous effectuons des opérations d'infiltration dans les raves. On ne vend pas la MDMA à coup de kilos. C'est une drogue extrêmement puissante. Il a suffi d'un comprimé pour que cette jeune fille décède d'une mort atroce.
Est-ce que je pense que cette personne mérite une peine minimale de un an, si on tient compte du fait qu'elle sera probablement incarcérée pendant seulement quatre mois? Oui, je crois qu'elle la méritait.
En ce qui concerne votre question au sujet des mandats, quand j'ai commencé à rédiger des mandats il y a 29 ans, je pouvais le faire à la main, à l'encre, sur une page, et s'il y avait d'autres questions ou renseignements, je les inscrivais simplement au verso, tandis qu'aujourd'hui, j'ai un détective qui travaille pour moi et il est rendu à 180 pages. Quand nous allons défoncer la porte demain soir, son travail sera fait, et il lui aura causé beaucoup de soucis. Pourquoi a-t-il eu besoin de rédiger 180 pages pour qu'on puisse entrer dans cette maison? Je ne sais pas, mais c'est une chose qui a changé en 29 ans. Il y a 179 pages de plus. J'espère que cela vous aide.
Le sénateur Baker : McNeil?
La présidente : Ça suffit, sénateur Baker. Vous êtes muselé à partir de maintenant.
M. Momy : Je vais certainement commenter la décision McNeil. Vous avez aussi parlé de divulgation, monsieur le sénateur.
Nous avons tous entendu parler de la décision Stinchcombe il y a de nombreuses années, qui avait une grande incidence sur la divulgation. Cette décision a eu une incidence dans bien des secteurs : elle retire aux policiers du temps précieux qu'ils n'ont plus pour faire ce qu'ils sont censés faire, c'est-à-dire, des interventions policières de première ligne. Elle a aussi d'importantes répercussions financières sur les services de police de partout au pays, parce que le fait de doubler et de tripler la divulgation a un coût. C'est ce que j'avais à dire à propos de la divulgation.
Nous avons discuté de la décision McNeil avec nos membres à l'échelle nationale et provinciale depuis que la décision a été rendue. Malheureusement, en ce qui nous concerne, c'était une mauvaise décision. Elle a entraîné d'importants problèmes pour les enquêteurs, les services de police, les avocats de la Couronne et, aussi, pour nos membres. Vous avez raison; nous sommes maintenant obligés de fournir le dossier disciplinaire de nos membres aux criminels.
C'est pour nous une grande préoccupation quand on pense à la santé et à la sécurité de nos membres. C'est une grande préoccupation pour les enquêtes parce que, depuis que la décision McNeil a été rendue, nous avons vu de nombreuses enquêtes devenir problématiques à la suite de la divulgation de certains dossiers disciplinaires.
C'est un enjeu important dont on discute encore aujourd'hui.
Le sénateur Runciman : Le sergent Sadler a soulevé un point important quand il a parlé de la demande de mandat de 180 pages. C'est la pointe de l'iceberg en ce qui concerne la paperasserie associée au maintien de l'ordre et le fait que cette tâche empêche les policiers d'être dans la rue, en plus d'entraîner bien d'autres conséquences. Quelqu'un devra se pencher sur cette question à un moment ou à un autre.
Le sénateur Banks a, à quelques reprises, affirmé qu'il doutait du fait que cette disposition législative avait des répercussions sur le nombre de crimes commis.
Malgré les éléments de preuve dont nous ont fait part les autorités policières et l'expérience pratique sur le terrain dont nous a fait part le chef de police de Halifax, quand on retire les gens de la rue, les taux de criminalité diminuent, ce qui a permis aux forces de l'ordre, dans ce cas, de travailler avec le voisinage pendant que ces vilains étaient incarcérés. Pouvez-vous formuler des commentaires à ce sujet et répéter ce qui a déjà été dit afin, je l'espère, de convaincre le sénateur Banks du fait que cela aura une incidence positive?
La présidente : Quelle était la question?
Le sénateur Runciman : Je leur demande s'ils veulent formuler des commentaires à ce sujet pour savoir s'ils ont une expérience pratique à ce sujet sur le plan de la diminution du taux de criminalité dans certains quartiers quand les criminels étaient incarcérés.
M. Foley : Je me spécialise dans les installations de culture de la marijuana. Cela fait quatre ans que j'occupe ce poste, et j'ai eu l'occasion de discuter avec un certain nombre d'accusés. Les peines qui leur sont infligées ne constituent pas un élément dissuasif. Ils sont bien plus préoccupés par le fait que je leur enlève leur Mercedes. Les deux, trois ou quatre mois qu'ils doivent passer en prison ne sont pas un élément dissuasif.
Le sénateur Runciman : Cela ne répond pas à ma question, mais ce n'est pas grave. Vous n'avez pas d'expérience à ce sujet. Je suis d'accord avec vous. M. Momy a dit, plus tôt, que ces personnes connaissent le phénomène des « portes tournantes » au sein du système de justice pénale, et nous avons entendu dire, plus tôt aujourd'hui, que le Canada est devenu l'un des principaux pays dans le monde qui sont une source d'ecstasy et de méthamphétamine.
Nous avons entendu, hier, le témoignage d'avocats de la défense, et je suis toujours stupéfié de voir à quel point ils ne sont pas faits de la même étoffe. Je suppose qu'ils n'ont pas le choix de se convertir quand ils deviennent avocats de la défense.
La présidente : Essayons de ne pas attaquer nos témoins, sénateur Runciman.
Le sénateur Runciman : Ils ont dit que des éléments de cette disposition législative nuisaient au respect envers la loi. J'aimerais avoir votre avis à ce sujet, parce qu'il y a même eu un éditorial dans le Globe and Mail qui condamnait les décisions judiciaires concernant le traitement réservé aux éléments criminels. Pouvez-vous répondre à cela? Je poserai aussi une deuxième question à ceux d'entre vous qui ont une expérience sur le terrain en ce qui concerne les trappes ou la construction de trappes. Cela fait aussi l'objet de la loi. Vous pourriez peut-être aborder ces deux questions dans votre réponse.
M. Momy : Il y a un commentaire que je dois faire concernant la question que vous avez posée plus tôt au sujet des peines minimales obligatoires. Le fait est que, l'enquêteur Foley et d'autres enquêteurs l'ont mentionné, nous ne freinerons et n'éliminerons jamais le trafic de drogues où que ce soit dans le monde. Ce trafic existera toujours parce qu'il s'agit, purement et simplement, d'une affaire très lucrative.
Cependant, le fait est que — et je crois que c'est le sergent Sadler qui l'a mentionné — comme les trafiquants de haut niveau sont cachés bien loin — corrigez-moi, messieurs, si je me trompe — dans la plupart des cas, ils sont arrêtés ou accusés seulement dans le cadre de projets majeurs, quand des informateurs à l'interne entrent en jeu. Cela signifie donc que, si les vendeurs et les trafiquants de drogues, les importateurs ou les exportateurs qui occupent un rôle de moyenne importance sont en prison, nous savons bien que quelqu'un d'autre prendra leur place.
Néanmoins, pendant cette période, qu'il s'agisse d'un an, de deux ans ou de trois ans, ils ne sont pas dans la rue à vendre leur marchandise et à faire des affaires. Nous les mettons hors d'état de nuire, puis nous nous concentrons sur ceux qui ont pris leur place. C'est là seulement un volet du travail. L'exécution de la loi ne constitue qu'un volet du travail.
J'ai entendu le comité parler, plus tôt, de programmes de traitement de la toxicomanie, et cetera. Il faut bien le dire, il y a bien d'autres aspects dont il faut aussi tenir compte. Aujourd'hui, nous parlons essentiellement du volet de l'exécution de la loi, mais, en ce qui concerne les peines minimales obligatoires, dans la réalité, il s'agit de peines minimales, ce qui ne signifie pas que les juges ne peuvent pas leur imposer une peine de 3, de 4, de 5 ou de 10 ans. On n'a toutefois jamais vu de trafiquants de niveau moyen se voir infliger une peine de 10, de 15 ou de 20 ans. C'est simplement du jamais vu.
Le sénateur Lang : Merci, et j'aimerais souhaiter la bienvenue aux témoins.
Je vais aborder un aspect dont nous devrions peut-être parler davantage qui préoccupe toutes les personnes présentes aujourd'hui. Nous avons entendu dire aujourd'hui qu'il y a environ 900 gangs qui participent au commerce de la drogue partout au Canada. C'est un chiffre incroyable.
Plus tôt aujourd'hui, je pense, M. Sadler a mentionné que, en 1999, il y avait eu cinq meurtres associés aux gangs en Colombie-Britannique. En 2009, c'était 35 meurtres. En Colombie-Britannique, 25 p. 100 des meurtres sont associés aux gangs, et je suppose qu'ils sont commis à l'aide d'armes enregistrées.
Je voulais simplement poser cette question parce que, quels que soient les journaux que vous lisez, on nous pousse à croire que la criminalité est en baisse à l'échelle du pays; pourtant, nous rencontrons ici des personnes comme vous, qui sont en première ligne, qui nous disent que, dans la rue, la criminalité augmente. De plus, les crimes semblent être commis de façon de plus en plus éhontée. Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu dire que quelqu'un avait tiré sur quelqu'un d'autre devant un édifice public du centre-ville de Halifax, en plein jour. Pouvez-vous commenter le fait que les lois actuelles ne constituent pas, dans leur forme, un élément dissuasif pour ce type de geste? Je pense que je vais commencer par M. Sadler, puis ce sera le tour de M. Momy.
M. Sadler : Est-ce que je pense que la situation actuelle est efficace? Non, je ne pense pas. Je fais partie de la police antidrogue depuis longtemps, et nous avons, à Vancouver, l'un des problèmes de drogues les plus graves au Canada. Peu importe où vous travaillez, c'est un peu comme être un joueur de baseball. Aimeriez-vous faire votre travail au Yankee Stadium? Oui, parce que c'est là que jouent les ligues majeures. Au cours des 29 dernières années, j'ai appris énormément. Peut-être que la situation actuelle n'est pas efficace, mais c'est peut-être aussi ce que souhaitent nos législateurs. Je ne suis pas ici pour faire un sermon.
Quoi qu'il en soit, peut-on dire que la Loi actuelle réglementant certaines drogues et autres substances permet de freiner les trafiquants de drogues? Pas du tout. J'ai participé à l'arrestation de milliers de personnes, et ce n'était pas pour possession ou consommation de stupéfiants ou possession pour sa propre consommation. C'était pour trafic de stupéfiants et possession en vue du trafic. Des milliers de personnes que j'ai contribué à faire arrêter, comme je l'ai dit, aucune n'a été dissuadée par le système judiciaire actuel. Je peux peut-être mentionner qu'une seule de ces milliers de personnes est encore en prison. Je ne dis pas qu'il n'y pas de guerre contre la drogue, qu'il n'y en a jamais eu et qu'il n'y en aura jamais. Nous nous acquittons de nos tâches avec les outils qu'on nous fournit, et nous demandons de meilleurs outils.
M. Momy : J'aimerais faire un commentaire concernant la violence. J'ai l'occasion de discuter avec des policiers de première ligne de partout au pays et, de fait, notre vice-président est de Vancouver. Je peux vous dire que, au cours des dernières années, dans la région de la Colombie-Britannique — et les deux sergents pourront probablement confirmer mes dires — il y a de la violence associée aux activités des gangs. Quand on parle des activités des gangs, on parle d'activités liées à la drogue, mais aussi, d'échanges d'armes à feu. On peut donc automatiquement supposer qu'il y aura beaucoup de violence. Les sergents ont raison, et nous avons tous entendu les manchettes au cours des dernières années concernant la violence et les décès qu'elle a causés en Colombie-Britannique, et je dirais qu'une part importante — la majeure partie, en fait — des meurtres commis en Colombie-Britannique au cours des dernières années sont liés, ou pourraient être liés, au trafic de drogues et d'armes à feu, purement et simplement.
La présidente : J'ai quelque chose à ajouter à la question du sénateur Lang, si ça ne le dérange pas.
Je crois que, selon la loi, un groupe composé d'aussi peu que trois personnes peut constituer un groupe de criminels organisés. Quand vous êtes confronté au trafic de drogues et au crime organisé, à quel point s'agit-il de crimes organisés à grande échelle ou de petits entrepreneurs, si je peux m'exprimer ainsi, pour reprendre l'exemple du modèle d'affaires de M. Sadler?
M. Foley : Dans les projets auxquels j'ai participé, il y avait un certain nombre de personnes qui étaient haut placées et qui dirigeaient les affaires. Plus vous descendiez les échelons, pour vous rendre jusque dans la rue, plus il y avait de gens. Donc, au sommet, il pouvait y avoir de 3 à 10 personnes chargées de la distribution de la cocaïne, disons, puis, tout au bas, il y avait tous les messagers ou les trafiquants de drogues, beaucoup plus nombreux.
Le sénateur Lang : J'aimerais maintenant parler du témoignage qu'ont fait, hier, des avocats de la défense. Ils nous ont dit, dans une déclaration très ouverte, que les peines infligées depuis 10 ans par le système judiciaire sont plus sévères qu'auparavant. Pourtant, aujourd'hui, nous entendons un point de vue différent, d'après ce que j'ai compris des témoignages qui ont été présentés.
Nous pourrions peut-être entendre des commentaires à ce sujet. Je pense, encore une fois, au sergent Sadler, puisqu'il a tant d'expérience dans la présentation de ces cas aux tribunaux et qu'il connaît très bien les peines vraiment infligées.
M. Sadler : Je ne veux pas contredire le groupe d'avocats de la défense. Je ne peux pas inscrire de lettres après mon nom, mais j'ai beaucoup d'expérience.
Selon mon expérience considérable concernant les lois actuelles et les peines infligées, ce que nous faisons, essentiellement, c'est nager sur place, et nous nous noyons tranquillement. Est-ce que je pense que les peines ont eu une incidence sur les trafiquants de drogues? Non. Il y a des jeunes de 17 ans qui font du trafic de drogues sur appel parce qu'ils ne veulent pas travailler chez McDonald à un salaire de 8,25 $ l'heure.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Comme le disait le sénateur Carignan, le projet de loi S-10 vise avant tout à protéger les jeunes. Je donne beaucoup de conférences dans les écoles depuis trois ou quatre ans, au secondaire IV et V, soit la 11e et 12e année, et dans les centres de jeunesse. En général, les professeurs me disent que la cause première du décrochage scolaire, de la délinquance juvénile ou de la prostitution chez les jeunes filles, c'est l'usage de la drogue, principalement la marijuana. Pour ces gens, vendre de la drogue à des enfants s'apparente à du terrorisme social. La société devra en assumer des conséquences à long terme.
Ce matin, dans le Journal de Montréal, nous trouvions une chronique écrite par Richard Martineau, un journaliste bien connu, qui s'intitulait Pas si douce. Il s'agit du témoignage de deux mères de famille dont les garçons de 16 ans se sont suicidés après avoir commencé à consommer du cannabis. M. Martineau nous informe que le cannabis est maintenant une drogue beaucoup plus dure qu'elle ne l'était il y a 30 ans.
Je pose la question à tous les policiers, car vous avez sans doute eu à couvrir des cas de suicide. Nous savons que tous les cas de suicide doivent faire l'objet d'une enquête policière afin de déterminer si des éléments criminels sont en jeu.
Ces deux mères de famille racontent que leurs garçons n'avaient pas de problèmes jusqu'à ce qu'ils s'adonnent à la drogue et, six mois plus tard, ils se suicidaient.
Rencontrez-vous de façon plus fréquente ce genre d'histoire de jeunes qui commencent, à 14, 15 ou 16 ans, à faire usage de la marijuana et qui finissent avec un destin aussi violent que le suicide?
M. Momy : Personnellement, je n'ai connu que quelques expériences où cette situation exacte, comme vous la présentez, est arrivée. Dans un de nos dossiers, quand j'étais enquêteur — on parle du début des années 2000 —, je me souviens d'un jeune homme d'environ 18 ou 19 ans qui avait été entraîné par un ami à fumer du cannabis, pour se suicider environ un an plus tard.
Je me souviens aussi d'un autre dossier semblable, mais, franchement, dans les dix dernières années, je ne pourrais pas vous donner de statistiques solides sur l'augmentation du nombre de suicides par rapport à la consommation de cannabis. Cependant, comme vous l'avez indiqué, c'est certain que la drogue, aujourd'hui, est plus dangereuse qu'elle ne l'était voilà 10, 15 ou 20 ans.
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Sadler ou Munroe?
[Traduction]
Le sénateur Boisvenu : Avez-vous déjà rencontré des familles dont les enfants s'étaient suicidés après avoir commencé à consommer de la marijuana?
M. Munro : Puis-je répondre?
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Munro : Avant de faire partie de la section antidrogue, j'ai été agent de circulation pendant plusieurs années. Il m'est arrivé souvent d'avoir affaire à des jeunes qui fumaient de la marijuana dans des voitures. Quand je discutais avec leurs parents et que nous abordions plus en détail la consommation de drogues et de marijuana de leur enfant, la plupart du temps, cela était associé à de mauvaises fréquentations à l'école.
En un mois, je dirais, je discutais avec les parents, et ils me disaient que leur fils ou leur fille était un élève normal qui vivait une vie remplie d'espoirs, puis, tout à coup, il y avait un changement. Dans tous les cas, la drogue était en cause, et, dans tous les cas, le jeune avait de nouveaux amis.
Heureusement, je les ciblais avant qu'ils en soient arrivés à penser au suicide et je les amenais à des conseillers et à des agents de liaison de l'école, et on intervenait très tôt. C'est un peu comme une personne qui fait soudainement face à des problèmes et qui se tourne vers la drogue comme solution à ses problèmes, mais, au bout du compte, cela ne fait que nuire. C'est une solution temporaire et artificielle. Je crois que les jeunes qui se rendent au suicide n'ont pas eu la chance de recevoir de l'aide plus tôt.
Le sénateur Mahovlich : Il y a simplement une question qui m'intrigue. Il y a, semble-t-il, de nombreuses installations de culture de marijuana partout au Canada où des particuliers cultivent, à des fins médicales, quelques plants de marijuana dans leur sous-sol. Si vous tombez sur quelqu'un comme ça, est-ce que vous faites preuve de bon sens pour déterminer que tout est correct, qu'il ne s'agit pas de crime organisé, puis vous repartez? Est-ce que ce projet de loi aurait une incidence sur ce type de cas?
M. Foley : Non, je ne pense pas. Quand je mène une enquête, si une source d'information ou un indice me donne à penser qu'il y a une culture de marijuana à un endroit en particulier, je dois, dans le cadre de mon enquête, vérifier auprès de Santé Canada s'il existe un permis d'exemption pour cette adresse ou cette personne. Cela ne veut pas dire que je n'ai jamais fait d'arrestation, parce que ces personnes n'ont pas le droit de vendre du cannabis ou d'en faire le trafic.
Le sénateur Mahovlich : Si c'est seulement pour leur consommation personnelle?
M. Foley : Si ce n'est pas pour en faire le trafic, le certificat prévoit environ 15 plants que les personnes ont le droit d'avoir et, si je pense qu'il n'y en a pas plus, je mets alors fin à mon enquête.
La présidente : Le sénateur Baker et le sénateur Runciman ont tous deux demandé la possibilité de poser rapidement une deuxième question. Je n'aime pas devoir dire « rapidement », mais les sénateurs savent ce que je veux dire.
Pour les témoins, vous avez peut-être remarqué qu'on entend les cloches sonner, ce qui signifie que le Sénat est appelé à siéger, et notre comité n'a pas le droit de siéger une fois que le Sénat a commencé à siéger. C'est donc l'horloge qui nous dicte de nous dépêcher. Ce n'est pas simplement parce que j'ai des tendances autoritaires.
Le sénateur Baker : J'ai une question simple. J'aimerais vous rappeler que notre audience constitue, selon le Code criminel, une procédure judiciaire, ce qui signifie que tout ce que vous avez dit ne pourra être retenu contre vous dans l'avenir, notamment, et surtout, dans le cadre de procédures disciplinaires.
Ma question est la suivante : ce projet de loi mentionne des infractions très graves associées à des peines très graves — l'emprisonnement à perpétuité, la peine maximale, maintenant, pour certaines infractions qui mettent en cause des drogues qui figuraient seulement à l'annexe III. Pensez-vous que notre comité devrait peut-être recommander au gouvernement, dans le cadre de l'adoption du projet de loi, s'il est adopté, comme on peut le penser, qu'une campagne de publicité ciblant les jeunes serait appropriée? Par exemple, cette fin de semaine, à l'Halloween, au Pacific Coliseum : « Si, dans l'avenir, vous faites ceci et vous donnez à quelqu'un de ces comprimés d'ecstasy, vous ferez l'objet d'accusations qui pourraient entraîner un emprisonnement à perpétuité. » Pensez-vous qu'il serait important de transmettre ce message, de préparer une campagne de publicité?
M. Momy : Je crois que cela se fera de toute façon, monsieur. Je veux dire que nous avons des policiers qui, partout au pays, visitent les écoles et parlent aux jeunes. Quand des dispositions législatives sont mises à jour, ces policiers en informent bien souvent les jeunes dans les écoles secondaires et les collèges. Je suis certain qu'il y a même une certaine éducation qui se fait à l'école primaire. Cela dit, je pense que ce serait une bonne idée puisque, encore une fois, tout est une question d'éducation du grand public et des jeunes. Comme je l'ai dit plus tôt, les jeunes représentent notre avenir, et nous voulons que le message se rende à ces enfants.
Le sénateur Runciman : Sergent Sadler, vous avez dit plusieurs choses qui ont suscité ma curiosité. Vous avez parlé des lois actuelles et du fait que nous nageons sur place et que nous nous noyons tranquillement. Dans vos déclarations officielles, vous avez déclaré que le projet de loi S-10 constitue un bon départ pour reprendre le contrôle de nos rues.
Vous n'aurez peut-être pas le temps de répondre, et vous pouvez choisir de répondre par écrit, mais j'aimerais savoir, compte tenu de vos antécédents, si vous avez des idées de ce que le gouvernement pourrait faire d'autre. Je ne pense pas seulement au Code criminel, il peut aussi s'agir d'autres initiatives qui pourraient permettre d'éliminer les difficultés auxquelles vous faites face.
M. Sadler : Merci, sénateur. Je vais demeurer bref, madame la présidente. Je suis un optimiste, je suis un partisan des Maple Leafs de Toronto, et je pense que, au bout du compte, tout ira bien. Je crois que c'est une bonne première étape. Si vous me demandez de vous dire ce que je ferais si j'étais le responsable, je pense qu'il vaudrait mieux que je vous envoie tout cela dans une déclaration écrite, monsieur. Je serais heureux de le faire.
Le sénateur Runciman : Je vous en remercie.
La présidente : Messieurs, nous vous remercions tous. Nous trouvons toujours utile d'entendre le point de vue des personnes qui exécutent la loi et qui, au bout du compte, mettent en pratique ce que nous faisons. La rencontre d'aujourd'hui a été particulièrement utile. Nous vous en remercions.
Chers collègues, le comité se réunira de nouveau mercredi prochain à 16 h 15 dans la même salle. Nous entendrons de nombreux témoins mercredi prochain, alors prévoyez une séance plus longue qu'à l'habitude.
(La séance est levée.)