Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 9 - Témoignages - Séance de l'après-midi
MONTRÉAL, le vendredi 17 septembre 2010
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 13 h 3, afin d'étudier l'application de la Loi sur les langues officielles ainsi que des règlements et instructions en découlant. (Sujet : Les communautés anglophones du Québec.)
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Je souhaite aux honorables sénateurs et à nos invités la bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Maria Chaput, sénateur du Manitoba et présidente du comité.
Plusieurs collègues et membres du comité m'ont accompagnée cet après-midi à Montréal, et je les invite à se présenter.
Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser. Je suis sénateur du Québec, mais je suis une Montréalaise d'expression anglaise. Avant d'être sénateur, j'ai travaillé à Montréal comme journaliste pendant de nombreuses années. Je suis impatiente d'entendre ce que vous avez tous à nous dire.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis, de la région de Québec, de Québec même. J'ai été membre du Parlement canadien pendant neuf ans. Et j'ai été nommée au Sénat il y aura deux ans en janvier prochain. J'ai bien hâte de vous entendre.
[Traduction]
Le sénateur Seidman : Bonjour, je suis Judith Seidman. Je suis une anglophone de Montréal. Je suis née dans cette ville, à l'instar de mes parents. Je suis sénateur depuis peu. Il y a deux jours, c'était le premier anniversaire de mon assermentation par la gouverneure générale. Je suis très heureuse d'être parmi vous aujourd'hui.
Nous voyageons en ce moment au Québec, et nous entendons les témoignages des communautés anglophones de la province. En fait, nous étions à l'Université Bishop's hier, et je suis ravie d'entendre vos témoignages cet après-midi. Merci d'être venus.
La présidente : Nous allons amorcer nos audiences publiques de cet après-midi par la tenue d'une table ronde sur l'éducation. J'aimerais souhaiter la bienvenue aux représentants de trois organisations. L'Université McGill est représentée par M. Vaughan Dowie, cadre exécutif aux affaires publiques, et M. Morton Mendelson, vice-recteur adjoint, Vie étudiante et apprentissage.
M. David Graham, vice-recteur exécutif aux affaires académiques, M. Ollivier Dyens, vice-recteur adjoint aux études, et M. Russell Copeman, vice-recteur associé, Relations gouvernementales, représentent l'Université Concordia. Bienvenue.
Les membres du comité vous remercient d'avoir accepté leur invitation à comparaître aujourd'hui. On vous convie à faire un exposé d'environ cinq minutes. Ensuite, les membres du comité vous poseront des questions.
David Graham, vice-recteur exécutif aux affaires académiques, Université Concordia : Merci. D'abord, je tiens à vous dire combien nous nous réjouissons d'avoir été en mesure d'accepter votre invitation et à l'idée de comparaître devant vous cet après-midi.
[Français]
Je vais commencer ma présentation en français en vous disant que, hier soir, j'ai eu le très grand plaisir d'assister à une réception en l'honneur des nouveaux étudiants internationaux de Concordia. Il y avait beaucoup de monde dans une seule salle de réception.
Près de 30 p. 100 de nos étudiants sont soit résidants permanents du Canada soit présents à Concordia grâce à un visa d'étude. C'est la proportion la plus élevée au Québec, à part quelques écoles monodisciplinaires, et bien plus élevée que la moyenne canadienne.
Ces étudiants sont attirés vers Concordia d'abord par la qualité de nos programmes, cela nous le savons, mais aussi par les débouchés qu'offrent notre rôle et notre mission unique en tant qu'université québécoise de langue anglaise profondément ancrée dans une matrice cosmopolite et majoritairement francophone.
Autrement dit, traverser les corridors de Concordia, comme je le fais tous les jours, c'est passer constamment d'un continent à l'autre, littéralement se baigner dans la réalité d'une éducation postsecondaire plurielle délivrée en situation de langue minoritaire.
[Traduction]
Concordia est dotée de quatre grandes facultés et d'une École de formation continue. La Faculté des arts et des sciences de l'Université Concordia est plus grande qu'environ la moitié des universités canadiennes. Nous sommes chanceux et très fiers de faire partie d'un milieu urbain de Montréal unique en son genre. Seul Boston peut rivaliser avec nous au chapitre du nombre et du pourcentage d'étudiants de niveau postsecondaire et de membres du corps enseignant. C'est un fait que certains des sénateurs présents ignorent peut-être.
Je ne parlerai pas de nos nombreux points forts sur le plan de l'enseignement supérieur, car je ne tiens pas à déclencher une sorte de rivalité à ce sujet.
L'Université Concordia est fréquentée par à peu près 45 000 étudiants. Bon nombre — un très grand nombre, en fait — d'entre eux sont des étudiants à temps partiel. Ils travaillent à temps plein tout en étudiant à temps partiel ou, chose incroyable, à temps plein. Ils sont originaires d'environ 150 pays et parlent plus de 100 langues.
Cette situation nous occasionne d'énormes difficultés sur le plan universitaire et pédagogique, en raison de la nature grandement diversifiée de nos cours, mais elle offre également de merveilleuses perspectives aux membres du corps enseignant, aux étudiants et à la société ou, du moins, nous osons l'espérer.
En passant, il est important de noter que nous fournissons une infrastructure et un soutien administratif au Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise, communément appelé le RRCQEA, dont l'un des principaux participants a été et continue d'être Noel Burke, le doyen de notre École de formation continue.
L'Université Concordia permet à un nombre important de résidents permanents et de citoyens canadiens dont la langue parlée à la maison n'est ni l'anglais, ni le français, de suivre une formation universitaire. Il est intéressant de noter qu'environ 30 p. 100 de notre effectif étudiant se classent dans cette catégorie et que ce pourcentage augmente avec le temps.
Cette situation nous impose le fardeau supplémentaire, à savoir celui de vérifier si leurs compétences linguistiques en anglais sont adéquates et proportionnelles à leurs aptitudes pour les études. Nous, les membres du personnel de l'Université Concordia, croyons que nous avons un rôle bien particulier à jouer, c'est-à-dire celui de donner aux étudiants qui parlent une autre langue que le français à la maison l'occasion d'améliorer leur français. Par exemple, l'Université Concordia envisage activement d'accroître le nombre de cours qu'elle offre en français. Dans le cadre de cette initiative, nous allons mettre en oeuvre un projet pilote au sein du Département de science politique. M. Dyens peut vous en dire davantage si cela vous intéresse. Je dois dire qu'il nous serait très utile d'obtenir une aide dans le cadre de l'Entente Canada-Québec relative à l'enseignement dans la langue de la minorité, car ces projets représentent un important fardeau financier et administratif à porter pour l'université.
Idéalement, nous aimerions qu'au terme de notre mission, nos étudiants allophones quittent l'Université Concordia aussi compétents en anglais ou en français — et, idéalement, dans les deux langues — que les résidents du Québec qui ont fréquenté ses écoles primaires et secondaires. C'est la norme de rendement que nous nous sommes fixée.
En d'autres termes, à l'Université Concordia, nous nous enorgueillissons délibérément de ce que nous considérons être notre mission très particulière, à savoir l'intégration sociale. Nous avons pour objectif d'attirer au Canada des étudiants internationaux, de leur dispenser une instruction poussée en anglais, tout en leur offrant des occasions d'améliorer leur français, et, finalement, de veiller à ce que bon nombre d'entre eux restent au Québec et deviennent de nouveaux citoyens canadiens. Ainsi, ils pourront continuer de contribuer à notre croissance nationale.
[Français]
On peut se poser la question de l'éducation à distance et du rôle qu'elle doit jouer dans un tel contexte. Il faut savoir que l'Université Concordia s'est dotée, il y a plusieurs années, d'une capacité d'offre de cours à distance qui augmente sans cesse. Cette année, par exemple, nous offrirons plus de 40 cours à distance dans un grand nombre de disciplines. Nous envisageons aussi de commencer à offrir des programmes entiers, en débutant sans doute par des certificats en formation continue. Cette capacité d'offre nous permettra d'atteindre la population québécoise de langue anglaise que les grandes distances, l'isolement ou le travail empêchent de se rendre sur un campus universitaire et aussi, attirera prochainement, nous le souhaitons, une population étudiante internationale.
L'Université Concordia, somme toute, est une université fière d'être montréalaise, québécoise et de langue anglaise, mais qui se félicite également de posséder une mission transformatrice unique dans notre société et essentielle, nous le croyons, dans le contexte de la société globale de nos jours.
La présidente : Merci beaucoup. Alors, le prochain à prendre la parole sera monsieur Mendelson.
[Traduction]
Morton J. Mendelson, vice-recteur adjoint, Vie étudiante et apprentissage, Université McGill : Merci, madame la présidente. J'aimerais remercier le comité de m'avoir donné l'occasion de faire un exposé et de participer à ces importantes discussions.
L'Université McGill a pour mission de faire progresser l'apprentissage grâce à l'enseignement et à l'attribution de bourses, et de servir la société en offrant à des étudiants exceptionnels du premier cycle et des cycles supérieurs la meilleure formation possible, en menant des activités scolaires jugées excellentes en fonction des normes internationales les plus rigoureuses et en rendant à la société des services que nous sommes bien placés pour lui rendre compte tenu de nos points forts sur le plan de l'enseignement supérieur.
Fondée par James McGill, un immigrant pionnier, et située dans une grande ville métropolitaine, à la croisée des communautés culturelles et linguistiques du Canada, l'Université McGill est une université orientée vers le public et fortement axée sur la recherche et les étudiants, ayant une vaste influence et une grande incidence à l'échelle internationale.
Comme vous pouvez le constater dans le document que nous vous avons distribué, en 2009, le nombre d'étudiants inscrits à l'Université McGill s'élevait à 35 000, et la langue maternelle de 52,3 p. 100 de nos étudiants était l'anglais. Près de 18 p. 100 d'entre eux ont déclaré que le français était leur langue maternelle et, comme à l'Université Concordia, environ 30 p. 100 de nos étudiants parlaient d'autres langues. Cinquante-six pour cent de la population étudiante venaient du Québec, près de 25 p. 100 étaient originaires des autres provinces ou des territoires du Canada et plus de 19 p. 100 étaient des étudiants internationaux. Chaque année, nous accueillons sur nos campus des étudiants provenant de 160 pays, et nous comptons des anciens dans 180 pays.
Au cours des dernières années, nous avons également recruté près de 900 nouveaux membres du corps enseignant, dont 500 provenaient d'établissements d'enseignement de premier plan situés à l'extérieur du Canada. En tant qu'université orientée vers le public, McGill existe essentiellement pour servir les intérêts de la société en formant des étudiants, en élaborant et en communiquant des connaissances, des concepts, des services et des technologies, et en entamant un dialogue avec le monde qui nous entoure.
Pour pouvoir continuer à renforcer Montréal, le Québec et le Canada, nous, les membres de la direction de l'Université McGill, devons lancer nos filets plus loin — à l'échelle locale, nationale et mondiale — pour attirer un groupe diversifié d'étudiants, de membres du corps enseignant et de membres du personnel administratif et de soutien.
Nous nous en voudrions de ne pas mentionner l'un de nos diplômés les plus illustres, Dr Victor Charles Goldbloom, un pédiatre et conférencier canadien, ainsi qu'un politicien québécois qui, de 1991 à 1999, a occupé le poste de commissaire aux langues officielles.
L'Université McGill prépare ses étudiants à exercer des professions axées sur les services qui peuvent ou pourraient avoir une incidence sur les communautés anglophones. Ces professions comprennent les suivantes : le travail social, l'éducation, le droit, la psychologie, la linguistique, la kinésiologie, l'administration, et cetera.
La faculté d'éducation de l'Université McGill forme les enseignants et les administrateurs des écoles anglophones de tout le Québec. Nous offrons un vaste éventail d'options en matière d'apprentissage du français afin de répondre aux besoins des étudiants actuels et éventuels. Nous proposons des cours d'anglais et de français langue seconde à des fins d'enseignement, et nous offrons aux étudiants des cycles supérieurs des cours à unité, des cours de langue spécialisés ainsi que des cours de prononciation, de communication et de rédaction.
Nous formons des hommes de loi à la Faculté de droit, laquelle offre des programmes tant en anglais qu'en français qui portent sur les deux systèmes juridiques du Canada : le droit civil et la common law. Les étudiants en droit offrent des cliniques d'aide juridique sans frais aux Montréalais, y compris la communauté anglophone.
Ce qui importe encore plus, c'est que, par l'intermédiaire de sa Faculté de médecine et de ses autres disciplines de la santé connexes, l'Université McGill forme des professionnels oeuvrant dans tous les domaines des soins de santé — des infirmiers, des docteurs, des chercheurs médicaux, des travailleurs sociaux — et surtout dans le genre de services appuyés par le Projet de formation et de maintien en poste des professionnels de la santé de l'Université McGill sur lequel nous donnerons des précisions dans un moment. En outre, l'Université McGill a établi de nombreux partenariats avec d'autres établissements d'enseignement et de formation connexes, notamment avec l'Université du Québec en Outaouais.
Vaughan Dowie, cadre exécutif aux affaires publiques, Université McGill : Pour terminer rapidement, car je sais que notre temps est compté, je tiens à parler de quelques projets menés par l'Université McGill que les membres du comité pourraient trouver intéressants.
M. Mendelson a mentionné le Projet de formation et de maintien en poste des professionnels de la santé qui exerce ses activités sous l'égide de l'Université McGill et qui vise à veiller à ce que les Québécois d'expression anglaise puissent se prévaloir plus facilement de la gamme complète des services de santé et des services sociaux offerts à l'ensemble de la population dans leur propre langue. Le projet tient compte d'un nouveau contexte découlant de la modernisation du système de santé et de services sociaux, des nouvelles lois régissant l'organisation du travail et des changements démographiques qui touchent évidemment les communautés anglophones.
En ce sens, le projet est étroitement lié à l'initiative du système visant à mettre en oeuvre une nouvelle organisation clinique des services. Par-dessus tout, le projet est un outil de plus à notre disposition pour soutenir la mise en oeuvre de programmes régionaux d'accès aux services en anglais, conformément à la loi relative aux services de santé et aux services sociaux. Ce projet est financé par Santé Canada.
Parce que je tiens à parler très brièvement d'un autre projet, je veux préciser que nous sommes assujettis à un régime fédéral-provincial très complexe. Selon la législation québécoise, les organisations publiques et parapubliques n'ont pas le droit de recevoir des fonds fédéraux sans la permission de la province. Lorsque nous participons à des programmes qui, selon le gouvernement provincial, relèvent peut-être de sa compétence — comme des services de santé, des services sociaux, des programmes éducatifs et des choses de ce genre —, il faut entamer une série de négociations complexes qui, très probablement, s'appliquent uniquement à la mise en oeuvre de programmes au Québec, par opposition aux autres provinces. Le projet en question est l'un de ceux qui ont réussi à traverser ces méandres.
Je veux vous parler d'un autre programme qui nous donne légèrement plus de fil à retordre afin d'attirer votre attention sur lui. Il s'agit des Bourses universitaires en traduction qui sont offertes par Travaux publics Canada. Nous, les membres de la direction de l'Université McGill, aimerions attirer votre attention sur le fait que les conflits de compétence qui opposent le gouvernement provincial et le gouvernement fédéral nous empêchent souvent d'accéder aux programmes, aux bourses et aux autres ressources que le gouvernement fédéral offre pour nous aider à former les étudiants de l'Université McGill dans les deux langues officielles du Canada.
Par exemple, en décembre 2009, M. James Archibald, le directeur des études en traduction de l'Université McGill, a rempli une demande de bourses universitaires en traduction offertes par le ministère des Travaux publics. À ce jour — je vous rappelle que cet événement remonte à décembre 2009 —, l'entente entre les deux ordres de gouvernement n'a toujours pas été signée, et les étudiants en traduction de l'Université McGill n'ont pas été en mesure de se prévaloir de ces bourses en 2010, parce que le Canada et le Québec ont été incapables de s'entendre à ce sujet.
Lorsqu'on essaie d'offrir des programmes à l'intérieur du Québec, il y a probablement certaines difficultés que d'autres ne voient pas, mais nous serons très heureux de répondre à toute question que vous pourriez avoir au cours de la période des questions. Merci.
La présidente : Merci beaucoup. La première question sera posée par le sénateur Seidman.
Le sénateur Seidman : Messieurs, une des choses que nous avons apprises au cours de la présente semaine et quelque chose que vivent, évidemment, les deux collectivités de langue officielle en situation minoritaire, c'est la question très grave du départ des jeunes et de la perte de leurs écoles.
On nous a parlé des difficultés et de la crainte réelle dans les collectivités anglophones de voir la collectivité disparaître, et leur propre survie être menacée.
J'aimerais savoir si vos institutions ont des programmes quelconques pour aider les jeunes d'autres collectivités anglophones du Québec à fréquenter l'université ici pour pouvoir apprendre dans le contexte qui leur est propre, dans leur propre culture.
M. Mendelson : Je ne suis pas certain de comprendre entièrement votre question, mais laissez-moi vous donner ce que je crois être une réponse à la question.
Évidemment que nous voulons attirer des étudiants de partout au Québec. Nous recrutons dans tous les cégeps du Québec, francophones et anglophones. Nous sommes certainement ouverts aux étudiants de partout au Québec pour qu'ils viennent étudier à McGill, et les étudiants qui viennent de l'extérieur de Montréal sont bienvenus à l'université et peuvent profiter des services que nous leur offrons pour les aider à s'adapter à Montréal et à l'université. Je ne vois aucun empêchement.
Le sénateur Seidman : Je pensais commencer d'une manière générale, mais je pourrais être plus précise.
En tant qu'institution, estimez-vous avoir une responsabilité à l'égard des collectivités anglophones du Québec? Ressentez-vous cette responsabilité au point d'avoir, peut-être, des programmes, des bourses de recherche, des prêts et des bourses d'études — je ne sais pas —, quelque chose qui démontrerait qu'en tant qu'institution, vous ressentez la nécessité particulière de venir en aide aux collectivités anglophones du Québec?
M. Graham : Je suis heureux de dire quelque chose à ce sujet, si vous le permettez.
L'Université Concordia ressent certainement une responsabilité à l'égard de la collectivité anglophone du Québec; je dois préciser, d'abord et avant tout de l'île de Montréal et de la région métropolitaine de Montréal. Les projections démographiques du gouvernement du Québec indiquent que la population étudiante dans le cégep anglophone continuera d'augmenter au cours des prochaines années. En tant qu'institution, nous avons connu une croissance si rapide qu'il nous est difficile même d'accueillir les étudiants provenant de notre bassin de population local.
Ceci dit, tout comme McGill, nous faisons systématiquement du recrutement dans tous les cégeps du Québec — de manière plus active dans les régions proches de Montréal, mais partout dans la province, tant en anglais qu'en français.
Il vaut la peine de signaler qu'en ce qui concerne les bourses d'études et les bourses de recherche, la situation dépend en grande partie des donateurs pour nous aider à créer de telles occasions. Je pense que l'idée de travailler avec les donateurs pour offrir des bourses d'études et de recherche particulières ciblant les étudiants de langue anglaise de l'extérieur de la région métropolitaine de Montréal est extrêmement intéressante, et je vais sûrement en discuter avec nos gens responsables de l'avancement.
Ollivier Dyens, vice-recteur aux études, Université Concordia : J'ai d'abord une question pour vous, sénateur Seidman. Vous parliez de la collectivité anglophone à l'extérieur de Montréal, dans les régions?
Le sénateur Seidman : Oui, précisément.
M. Dyens : Encore une fois, je pense que la mission de l'Université Concordia est de se rendre aussi accessible que possible et de rejoindre différentes collectivités. Je pense que les gens de l'extérieur de Montréal ont parfois le sentiment d'être envahis lorsqu'ils arrivent à Montréal, et cela s'applique aussi bien à la collectivité anglophone qu'à la collectivité francophone, et les Premières nations, par exemple. Nous essayons également de nous concentrer sur les étudiants des Premières nations.
Nous voulons mettre sur pied une série d'initiatives d'été où nous utiliserons l'été d'une manière beaucoup plus stratégique que nous le faisons actuellement. Nous voulons permettre aux étudiants de commencer à s'habituer à Montréal et utiliser l'été pour aider les étudiants qui pourraient avoir des difficultés d'apprentissage avant le début de l'année scolaire. Nous essayons de faire cela et nous essayons de faciliter la transition des étudiants de l'extérieur de Montréal — et de l'extérieur du Québec également — vers la vie dans cette grande université et, pour bon nombre d'entre eux, dans cette ville quelque peu envahissante.
Je dirais que nous essayons de le faire dans un sens beaucoup plus large pour les Québécois, anglophones et francophones, vivant dans les régions.
Le sénateur Seidman : Merci. J'ai posé la question parce que nous avons découvert que les anglophones vivants dans les régions voient véritablement leurs écoles comme un centre culturel, une façon de préserver leur identité, une façon de faire entrer leurs enfants dans la collectivité. C'est de ce point de vue que j'ai posé la question.
Je vais pousser la chose un peu plus loin, peut-être, surtout que je sais que l'Université McGill compte une Faculté d'éducation et qu'elle est très centrée sur la formation pédagogique. Je siège également au Comité permanent du Sénat des affaires sociales, des sciences et de la technologie, qui vient juste de terminer une étude sur l'accès à l'éducation postsecondaire. Un des problèmes les plus sérieux qui a été constaté au cours de cette étude est la forte disproportion de garçons et de jeunes hommes dans la population des décrocheurs, à la fois au niveau secondaire et au niveau universitaire, dans des facultés et des programmes traditionnellement dominés par les hommes. C'est un problème et une préoccupation à l'heure actuelle.
La question est de savoir quels sont le rôle et la responsabilité de la Faculté d'éducation dans la formation des enseignants et dans l'élaboration de leurs programmes scolaires pour essayer de faire face à un problème comme celui- là.
M. Dowie : Je sais, par exemple, que notre Faculté d'éducation travaille beaucoup avec les commissions scolaires, examinant des moyens et des programmes pour réduire ce qui constitue un taux de décrochage épouvantable, non seulement dans les régions du Québec, mais au Québec dans son ensemble. Nous avons un taux de décrochage au niveau du secondaire qui se situe autour de 30 p. 100, ce qui est inacceptable.
Nous travaillons sur la formation des enseignants pour leur apprendre les techniques visant à inciter les enfants à rester à l'école, et nous travaillons également avec les commissions scolaires de manière encore plus abstraite, pour concevoir des écoles de manière à créer une meilleure communauté à l'intérieur de l'école. Je sais qu'il se fait du travail dans ce domaine.
Vous pouvez également dire, du fait que l'Université McGill est active, comme l'a dit le professeur Mendelson, dans les professions paramédicales, que nous intervenons dans la vie des gens dans une perspective de faculté, travailleurs sociaux, ergothérapeutes, physiothérapeutes, médecins, infirmières et ainsi de suite. Nous travaillons dans le but d'essayer d'appuyer, d'abord, les institutions de la collectivité au sens large, mais très souvent de la collectivité anglophone.
Deuxièmement, nous essayons de travailler avec des éléments de ces réseaux pour nous assurer qu'ils ont plus de succès. C'est devenu presque une raison d'être pour les facultés professionnelles non seulement de former les élèves, mais également de travailler avec les institutions et sur les systèmes avec lesquels ils travaillent, pour que les choses fonctionnent mieux.
M. Dyens : Dans une perspective plus large, le taux de décrochage chez les jeunes hommes est un phénomène mondial, du moins dans le monde occidental. Il y avait récemment un article intéressant dans The Atlantic intitulé « The End of Men », où on indiquait que les femmes commencent à dominer la plupart des professions qui, auparavant, étaient occupées par les hommes. Il s'agit d'un phénomène mondial et je pense que cela tient à une profonde transformation de notre société qui va au-delà du Québec, de McGill, de Concordia ou des collectivités francophones et anglophones.
Ceci dit, je pense que l'Université Concordia est fortement consciente qu'il y a deux parties dans cette question. Il y a des changements sociétaux plus larges, mais il y a également le fait que nous devons être beaucoup plus sensibles à l'égard de l'engagement de l'étudiant au niveau de l'université, du cégep et du secondaire. Nous travaillons très fort au niveau universitaire ainsi que dans notre département d'éducation, pour trouver des façons d'augmenter l'intérêt des étudiants tout en évitant de tomber dans le divertissement éducatif, puisque le programme est très chargé, mais également, pour faire participer les étudiants dans différentes activités, des activités parallèles au programme et des engagements communautaires. Nous travaillons très fort pour essayer de faire face à ce problème, tant au niveau universitaire qu'au niveau du cégep et de l'école secondaire.
Nous venons juste d'obtenir l'approbation d'une demande de subvention dans le cadre de Chantier 3 pour un projet dans lequel Concordia et Dawson travailleront ensemble pour permettre à des étudiants qui n'ont pas terminé leur cégep de pouvoir le faire tout en suivant des cours à Concordia.
Plutôt que de leur dire qu'ils ne peuvent faire ceci ou cela, nous essayons de travailler ensemble pour ramener ces étudiants au bercail, tant au niveau du cégep qu'au niveau de l'université.
La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue à M. Robert Kavanagh, recteur aux affaires académique, Collège Dawson.
Robert Kavanagh, recteur aux affaires académiques, Collège Dawson : Merci beaucoup. Veuillez excuser mon retard. Je vais rester bref dans mes observations préliminaires de sorte que le dialogue puisse se poursuivre. Je suivais déjà la discussion et j'ai constaté que j'aimerais intervenir.
Mon exposé d'aujourd'hui concernera expressément l'éducation dans les cégeps de langue anglaise dans la province. Je vais garder mon esprit centré sur cette question et essayer de répondre à un certain nombre de questions qui nous ont été posées d'une manière relativement directe et résumer ce que je crois être les trois principales préoccupations, que j'aimerais exprimer dans ce contexte.
Je dirais que le problème fondamental que nous vivons au niveau du cégep dans le cas de la collectivité anglophone, c'est un sentiment général de crainte identitaire, et cela se manifeste de nombreuses façons différentes qui pourront être soulevées dans le dialogue qui suivra. Lié à cela, il y a le besoin croissant et la réalité auxquels font face les jeunes, en particulier, en ce qui concerne le fait d'avoir une compétence réelle et acceptable en français de manière à pouvoir participer en tant que membres plus engagés de notre société.
Nous constatons un malaise au sein de la communauté des jeunes dans le système des cégeps où les jeunes estiment qu'en tant que participants anglophones, les débouchés, les occasions d'emploi et les occasions d'emplois futures sont quelque peu limités pour eux surtout à cause de la force de la langue française et de leur incapacité à traiter avec un certain nombre de situations complexes qui accompagnent cela. Il s'agit là de ce que j'appellerais les défis de base que vivent les jeunes.
Lorsque nous parlons de défis régionaux, j'aimerais discuter des défis qui surviennent dans le système des cégeps sur l'île de Montréal et, en particulier, dans les cégeps de langue anglaise. Si vous voulez connaître les détails et les particularités de ce sujet, nous pourrons le faire dans notre discussion.
On constate que la population change dans les cégeps de langue anglaise. Certains cégeps ont toujours eu une clientèle présentant une grande diversité du point de vue de la langue, de la race, de la culture et de l'ethnicité, et d'autres, non. Au cours des dernières années, il est assez clair que le nombre de francophones qui arrivent dans ce système est assez prédominant, de même que le nombre d'allophones. Il s'agit d'une problématique intéressante parce que cela entraîne des problèmes pédagogiques importants lorsque nos enseignants essaient de travailler dans un environnement anglais et que les capacités linguistiques des étudiants qui arrivent ne sont pas au niveau attendu. C'est une source de préoccupation pour tous les collèges. Le Collège Dawson compose avec cette situation depuis maintenant 30 ans, mais constate qu'il est toujours difficile d'avoir un enseignement clair en anglais dans un milieu où 50 p. 100 de la population n'a pas l'anglais comme langue maternelle.
Je dirais qu'il y a une certaine anxiété, non seulement dans la population des jeunes, mais dans la population en général qui pense que les cégeps de langue anglaise sont leur base naturelle pour obtenir une certaine forme d'éducation avec un dialogue relativement fréquent concernant le prolongement de la Loi 101 au système des cégeps. Comme vous pouvez l'imaginer, cela crée certains remous dans l'ensemble de la collectivité.
En ce qui concerne le gouvernement du Canada et certains des investissements qu'il pourrait avoir faits, le système des cégeps, contrairement aux autres niveaux dont il est question dans cet exposé, est lié spécifiquement, d'une façon qui lui est propre, au gouvernement provincial. Au cours des dernières années, nous avons reçu ce que j'appellerais des sommes d'argent importantes du fédéral soit sous forme de paiements de transfert soit sous forme d'argent destiné aux infrastructures, et certains de ces investissements ont été extrêmement avantageux pour un certain nombre de collèges. Je pense en particulier au Collège Dawson où le tiers environ des coûts de notre nouveau théâtre a été financé grâce aux fonds fédéraux destinés aux infrastructures.
Je pense que l'Entente Canada-Québec, qui fait partie de l'infrastructure globale concernant les minorités, a été très avantageuse. Nous devons travailler à trouver une façon de mieux répartir ces fonds de sorte que les cégeps puissent en profiter davantage, mais cela s'est révélé très avantageux. L'accès accru des cégeps aux fonds de recherche provenant des organismes subventionnaires fédéraux a été extrêmement avantageux et ces fonds deviennent de plus en plus accessibles à nos chercheurs et de plus en plus utiles.
Globalement, à notre niveau d'éducation, nous reconnaissons que l'identité, et l'anxiété autour de la question identitaire, et la perte du sentiment d'identité communautaire constituent une question persistante. L'accès à l'éducation postsecondaire de niveau intermédiaire est quelque peu limité et les occasions qui s'offrent à nos jeunes d'accroître leur capacité d'apprendre le français, de fonctionner en français et de devenir des membres actifs de la société plus large sont des questions générales qui sont une source de préoccupation considérable dans la collectivité.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question s'adresse aux représentants de l'Université McGill.
Vous avez mentionné que vous formiez beaucoup de gens dans le domaine de la santé, que ce soit des médecins, des infirmières et infirmiers, des techniciens, tout ce qui touche au domaine de la santé. Vous avez mentionné aussi que vous aviez un partenariat avec l'Université du Québec.
Quand nous sommes allés à Sherbrooke, qui n'est quand même pas si loin d'ici, il a été mentionné qu'il y avait des manques au niveau des soins de santé offerts en anglais auprès des gens âgés ou qui sont atteints de maladie mentale ou auprès de ceux qui les entourent.
Êtes-vous en mesure de nous dire si c'est parce que vos finissants, une fois qu'ils sont diplômés, s'en vont à l'extérieur du Québec? Avez-vous des informations sur ce qui se passe après la formation?
M. Dowie : Je ne pense pas, nécessairement, de façon scientifique. On sait ce qui arrive avec les médecins, parce que c'est une question qui est souvent posée au Québec. Est-ce que les médecins formés à McGill restent au Québec ou vont-ils ailleurs? La grande réponse est que McGill attire plus de médecins que de personnes qui quittent après avoir terminé leurs études.
Cependant, dans le monde de la santé et des services sociaux, un réseau dans lequel j'ai travaillé auparavant, il y a beaucoup d'années, beaucoup d'éléments peuvent entrer dans cette question, c'est-à-dire est-ce qu'il y a des personnes qui sont là pour les communautés d'expression anglaise à l'extérieur de Montréal, qui travaillent dans le réseau de santé et service sociaux?
Premièrement, peut-être qu'une grande partie des Montréalais ne veut pas aller à Sherbrooke, mais rester ici. Deuxièmement, quand les gens travaillent dans un établissement, qui est surtout francophone, l'exigence de travail veut nécessairement que la personne parle français. La grande majorité des personnes hébergées dans les établissements pour personnes âgés, ou personnes déficientes intellectuellement, ou encore dans des centres de jeunesse ou de réadaptation, est francophone. Alors l'exigence pour embaucher des personnes est qu'ils parlent français.
Est-ce que tous nos finissants ont le niveau de français nécessaire pour travailler dans un milieu surtout francophone? Cela peut être une autre question. C'est un peu la raison pour laquelle j'ai mentionné le projet de santé et services sociaux de McGill, qui a pour but deux choses : premièrement, essayer de former les anglophones en français pour qu'ils puissent entrer dans le marché du travail de la santé et des services sociaux surtout en région; deuxièmement, pour fournir aux francophones dans le réseau, la formation en anglais afin qu'ils puissent rendre des soins en anglais pour les gens qui sont là. C'est une grande partie du but du projet que j'ai mentionné, qui est celui de répondre à des questions de ce genre. Il y a suffisamment de finissants ici. Un mythe subsiste — je sais que ce n'est pas la question, mais je vais parler des médecins —, c'est la croyance que les médecins de McGill sont intéressés à aller ailleurs dans le monde, qu'ils font leurs études à McGill et, qu'après, retournent chez eux ou vont ailleurs. En fait, la classe pour les médecins, à la Faculté de médecine, par règlement, est formée à 92 p. 100 de Québécois. Si des personnes quittent, il s'agit de Québécois. Ce ne sont pas des Américains, des Ontariens, Britanniques ou autres. Ce sont des Québécois qui ont pris une décision d'aller vivre ailleurs quand ils quittent. On peut aussi voir ce phénomène dans beaucoup d'autres professions.
La grande majorité, comme le professeur Mendelson l'a dit, soit 56 p. 100 de nos étudiants, sont des Québécois. Alors une grande partie demeure ici. Ces médecins prendront peut-être des décisions, qui s'imposeront par la suite, selon les conditions d'emploi ou le marché du travail ici ou ailleurs, et selon l'endroit où ils veulent pratiquer. C'est pourquoi on a d'autres types de programmes pour essayer de régler cette question.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Dans la proportion de médecins qui quittent, il doit y en avoir qui quittent pour suivre une spécialisation soit ailleurs aux États-Unis ou en France, peu importe. Mais le pire, c'est qu'ils ne reviennent pas tout le temps.
M. Dowie : Non, effectivement, c'est une perte pour tout le monde s'il y a des gens qui quittent, mais cela est lié peut- être plus au fait que, par exemple, les médecins soient obligés de pratiquer dans une autre région, parce qu'ils ne trouvent pas d'emploi dans leur ville. Cela concerne toute la structure du régime de la santé et des services sociaux de façon générale.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous remercie. Maintenant ma question s'adressera aux porte-paroles de Concordia. Quels sont les domaines où les besoins en formation sont les plus élevés? Je parle de formation en général, des besoins les plus criants qui viennent des populations et comment vous réagissez face à cela? Changez-vous vos programmes alors ou gardez-vous les mêmes? C'est le but de ma question.
M. Graham : Disons tout de suite que l'appétit pour les programmes en gestion semble inépuisable. C'est un phénomène que l'on remarque non seulement à Concordia, Montréal, au Québec ou au Canada, mais un peu partout dans le monde, certainement en Europe et en Amérique du Nord. La croissance de notre école de gestion a été remarquable depuis dix ans et même plus.
Cela mis à part, nous remarquons que la demande s'accroît également dans tous les domaines, mais une baisse de la demande dans certaines disciplines en génie, notamment en génie électrique et en science informatique. Vous savez comme moi que la bulle a explosé en 2002, et le marché ne s'est pas encore remis de cette crise. Dans beaucoup d'autres domaines, en sciences humaines et sociales, dans les beaux-arts, en génie, en gestion et dans d'autres disciplines d'ingénierie, par exemple en génie du bâtiment et en génie civil, nous remarquons que la croissance est forte et continue. Mon collège Ollivier Dyens a peut-être quelque chose à ajouter.
Ollivier Dyens, vice-recteur adjoint aux études, Université Concordia : Il y a une demande en langues et, assez étonnamment, dans les programmes de gestion qui continuent d'augmenter, mais aussi pour les programmes d'humanités qui continuent d'attirer les étudiants, programmes qui n'ont pas forcément un débouché complètement professionnel à la fin, mais qui semblent continuer à intéresser les étudiants dans cette approche plus globale sur les mécanismes des phénomènes du monde. Donc, on continue à avoir beaucoup d'étudiants. Les langues attirent beaucoup les étudiants, et s'il y a un domaine où on pourra continuer à prendre de l'expansion, évidemment, à part les domaines plus professionnels, encore une fois, comme la gestion ou le génie ou même l'éducation, c'est bien celui-là : l'étude des phénomènes entourant les langues, la linguistique, autant le français, l'anglais, l'espagnol chez nous, que la traduction, que la polyglotie, en fait. On s'aperçoit qu'on a besoin non seulement d'étudiants qui puissent être à l'aise dans les deux langues officielles au Canada, mais certainement si on veut avoir une société riche et en contact avec le monde, on a probablement besoin de gens qui sont capables de se débrouiller dans trois, quatre, cinq et six langues.
Ce qui fait donc, pour revenir un peu à ce que disait M. Graham, plus tôt, que le défi qu'on a en ayant un bon pourcentage de nos étudiants pour qui ni le français ni l'anglais n'est la langue maternelle, c'est aussi une chance extraordinaire de bâtir déjà sur cette capacité de parler trois, quatre et cinq langues.
C'est quelque chose qui nous intéresse beaucoup à Concordia. L'intérêt est là chez les étudiants. Dès qu'on est relativement efficace dans les deux langues, le travail vient aussi beaucoup plus facilement, non seulement au Québec, mais au Canada et ailleurs dans le monde.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma troisième question est pour le représentant du Collège Dawson. J'ai écouté avec attention votre présentation. J'ai été frappée par le fait que 50 p. 100 de vos étudiants sont de langue française. Vous avez dit que cela créait des malaises chez les jeunes anglophones. J'ai été un peu étonnée par ce que vous avez dit.
M. Kavanagh : Je dois clarifier quelque chose. Il y a, à peu près, 17 p. 100 de nos étudiants qui disent que leur langue maternelle est le français; à peu près 25 à 29 p. 100 disent que leur langue maternelle est autre que l'anglais et le français. Quand j'ai discuté de la diversité linguistique au collège, ma préoccupation était surtout d'ordre pédagogique, parce que dans un lieu d'enseignement surtout anglais, si presque la moitié de la population n'a pas l'anglais pour langue maternelle, cela pose des problèmes pédagogiques assez sérieux pour le collège. Il faut entraîner des professeurs de manière spécifique, avoir des systèmes de soutien pour les étudiants. C'est dans ce contexte que j'ai soulevé l'identité linguistique de la population globale.
Cette question d'identité que j'ai mentionnée ne se manifeste pas tout à fait au collège même, mais chez les jeunes qui lorsqu'ils entrent au collège discutent de leur place dans la société. C'est cela qui nous intéresse, parce qu'on passe beaucoup de temps au collège à éduquer les étudiants afin qu'ils soient de plus en plus conscients de leur place dans la société et la civilisation qu'ils habitent. Ils nous expriment de manière assez claire que dans le contexte du Québec, qu'en tant qu'anglophones, ils ont un problème d'identité. Où se situent-ils exactement? Sont-ils des membres à part entière de la société? C'est dans ce contexte que j'ai mentionné ce point. Est-ce que la question vous intéresse?
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je vous avoue que cela m'a donné un choc, quand je vous ai entendu dire que cela créait des malaises chez les jeunes anglophones.
Russell Copeman, vice-recteur associé, Relations gouvernementales, Université Concordia : J'aimerais renchérir sur un point qui a été soulevé par mes collègues. Je suis père de trois enfants dont deux sont diplômés du Collège Dawson et, présentement, mon fils cadet est étudiant à Concordia. Ce qu'on dénote, assez étonnamment, c'est que chez la communauté anglophone pour les familles qui ont choisi, entre autre, l'immersion française à l'école primaire et secondaire, comme nous l'avons fait chez nous, il y a un pourcentage assez important de la journée qui se passe en français, évidemment, que ce soit au primaire ou au secondaire. On arrive au cégep, on arrive à l'université, dans une université ou cégep de langue anglaise, et nous sommes beaucoup plus exposés à nos études en langue anglaise. Concordia, entre autres, fait donc un effort important d'exposer nos étudiants à la possibilité de poursuivre soit leurs études formelles, ou dans d'autres circonstances beaucoup plus informelles, et de continuer à parfaire le français chez les populations dites anglophones ou allophones. Nous croyons fermement que cela est à l'avantage de nos diplômés d'être capables de s'exprimer dans les deux langues officielles du Canada. Surtout pour un avenir professionnel ou en affaires au Québec, nous reconnaissons l'importance d'être capable de s'exprimer en français. Nous explorons les possibilités accrues d'offrir des cours en langue française pour nos étudiants, mais également des occasions plus informelles comme des groupes d'échange et des groupes de conversation. Nous croyons fermement que cela fait partie de notre rôle. Cela nous impose des obligations au plan des ressources humaines et financières, mais pour l'instant nous les absorbons, parce que nous ne sommes pas forcément compensés pour ces efforts, qui peuvent engager des investissements importants pour Concordia.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : J'ai une question d'ordre général et j'ai quelques questions pour l'Université McGill au sujet des deux projets dont vous avez parlé. Le premier projet, qui allait apparemment assez bien, portait sur la rétention des professionnels de la santé.
Je pense que votre réponse au sénateur Fortin-Duplessis portait sur le renforcement de la formation linguistique, mais quels sont les autres facteurs intervenant dans la rétention des professionnels de la santé?
M. Dowie : Il y a un élément de recherche dans cette question qui est un programme universitaire; rien n'arrive sans un élément de recherche. La recherche examine la question de la rétention des professionnels de langue minoritaire, principalement dans le domaine de la santé et des services sociaux. Une partie de la question est de travailler avec des organismes communautaires de partout au Québec, que ce soit à Gaspé, dans les Cantons de l'Est, dans l'Outaouais ou dans le Nord, pour essayer de les amener à travailler sur des façons d'attirer des professionnels de langue anglaise dans leurs collectivités.
Par exemple, une des choses que les gens de Gaspé disent, c'est qu'il est difficile d'attirer des étudiants dans le domaine de l'aide sociale pour qu'ils viennent faire des stages pratiques là-bas, et la stratégie de la collectivité serait que si elle peut intéresser des gens à faire un stage pratique dans leur ville, peut-être que ces derniers finiront par rester. On peut leur faire connaître la collectivité. Lorsqu'ils quittent Montréal et qu'ils découvrent tous les avantages de New Richmond, ou de n'importe quel autre endroit, peut-être qu'ils voudront rester.
Il y a des fonds disponibles pour travailler avec des groupes communautaires afin d'examiner différentes stratégies au sein des différentes collectivités. Le contexte de la Basse-Côte-Nord est très différent de celui des Cantons de l'Est en qui a trait à la façon dont les organismes communautaires peuvent travailler pour attirer les professionnels et travailler avec leur réseau de santé et de services sociaux parce qu'une partie de l'autre problème est d'essayer de rendre le réseau conscient du besoin. Souvent, les gens qui sont à la régie, ou l'agence comme on l'appelle maintenant, diront qu'ils n'ont pas une importante clientèle anglophone et qu'ils ne savent pas vraiment combien il y a d'anglophones dans la collectivité et quels sont leurs besoins.
Le sénateur Fraser : D'autres témoins nous ont dit que nous n'avons pas les données.
M. Dowie : Oui et du financement est disponible à cette fin également. C'est un autre élément de ce projet.
En fin de compte, il s'agit d'un partenariat unique parce qu'il ne s'agit pas de l'approche universitaire à la recherche par le biais d'un chercheur principal. Il s'agit d'un partenariat avec un certain nombre d'organismes communautaires du Québec visant à essayer de mettre au point des stratégies pour faire du développement communautaire — en fin de compte, c'est bien de cela dont il s'agit — et du soutien pour essayer de répondre aux besoins des anglophones, que ce soit dans l'Ouest de Montréal ou dans l'Ouest de l'Outaouais.
Le sénateur Fraser : Avez-vous des résultats quelconques à nous communiquer?
M. Dowie : La partie recherche est lente à démarrer. Elle est de nature anecdotique. Santé Canada exige une phase d'évaluation assez rigoureuse, mais cela était davantage en terme du nombre de personnes touchées par cette recherche et tout le reste. Ce genre de projet doit examiner la situation sur une certaine période de temps et chercher à déterminer si nous avons été en mesure d'attirer des gens ici et s'ils sont restés sur place. Ce n'est pas seulement le recrutement, mais également la rétention des gens qui comptent dans beaucoup de ces choses.
Le sénateur Fraser : Quel était le deuxième projet?
M. Dowie : C'était un projet de traduction.
Le sénateur Fraser : Cela semble une évidence pour notre société.
M. Dowie : On parle d'une petite somme d'argent.
Le sénateur Fraser : Quel est le problème?
M. Dowie : Le problème, c'est que nous nous trouvons dans un champ de compétence provinciale. Le gouvernement fédéral déciderait d'instaurer un programme de bourses dans le domaine de la traduction, et le gouvernement du Québec déclarerait : « Excusez-nous, mais l'éducation relève de la compétence des provinces, et nous ne sommes pas certains de vouloir qu'une telle chose se produise. »
Je ne veux pas vous dire combien d'heures-personnes ont été passées à dialoguer au sujet du premier projet que j'ai mentionné. Il y a eu des discussions avec le ministère de la Santé et des Services sociaux, le Secrétariat aux affaires intergouvernementales canadiennes et le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport. Une somme assez considérable y était rattachée — 23 millions de dollars sur 4 ans, je crois —; il s'agissait donc d'un projet d'une grande valeur financière. La somme liée au projet dont nous parlons maintenant est beaucoup moins considérable, mais elle permettrait aux étudiants en traduction d'obtenir des bourses.
On donne cet argent dans nombre d'autres provinces canadiennes. Toutefois, au Québec, la question de dépenser des fonds fédéraux dans des champs qui relèvent de la compétence des provinces est délicate. En effet, le gouvernement du Québec est d'avis que si le gouvernement fédéral a de l'argent à sa disposition, il peut le donner au Québec, qui peut ensuite décider lui-même dans quoi l'investir. Le gouvernement du Québec est fidèle à l'idée que l'éducation relève de la compétence provinciale. Il estime peut-être que si le gouvernement fédéral dispose de cet argent, la province pourrait l'investir dans ce qui est considéré comme un modèle de paiements de transfert injuste.
Évidemment, les projets auxquels une somme importante est rattachée attirent plus l'attention que ceux qui ne concernent qu'un peu d'argent. Nous venons d'employer l'exemple du besoin de tenter de développer les programmes existants destinés aux groupes minoritaires de langue officielle afin de trouver un modus vivendi entre Ottawa et Québec. Nous devons imaginer des moyens de débureaucratiser la question, par exemple, en trouvant des terrains d'entente, en laissant de côté la fleur de lis et la feuille d'érable, bref, en faisant le nécessaire pour que les personnes qui ont besoin du service le reçoivent.
Le sénateur Fraser : Qu'entendez-vous par une petite somme?
M. Dowie : 30 000 $, 40 000 $. Pour le gouvernement, ce n'est pas... Qui prête attention aux petits montants?
Le sénateur Fraser : Ils s'enlisent aux échelons inférieurs.
M. Dowie : Oui, parce que la seule façon de faire parvenir le dossier au sous-ministre ou au ministre, c'est en mettant le feu à l'édifice. Oui, c'est entre les mains de gens qui doivent... Le gouvernement du Québec doit observer des consignes relativement strictes pour veiller à ce qu'un processus rigoureux — je vais tenter de le dire de la façon la plus juste possible pour le Québec — d'évaluation soit suivi pour déterminer s'il est nécessaire et juste que le gouvernement fédéral verse de l'argent dans un champ qui relève de la compétence provinciale. Ce processus est parfois bien long.
Le sénateur Fraser : Ce projet-ci devrait être approuvé par la réceptionniste. Le gouvernement fédéral veut payer des traducteurs. Personne au pays et je soupçonne que peu de gens dans le monde font autant de traduction que le gouvernement du Canada, et pourquoi les étudiants québécois ne devraient-ils pas pouvoir profiter, eux aussi, de l'occasion? C'est fou.
Je vais me retenir pour prendre part à une deuxième série, madame la présidente.
Le sénateur Seidman : En ma qualité d'universitaire et de professionnelle de la recherche, je me suis concentrée sur ce qu'on appelle souvent la recherche appliquée. Je ne crois pas avoir à définir ce terme pour vous, messieurs, mais j'aimerais préciser pour les spectateurs qu'il signifie essentiellement qu'on tient compte de la situation du monde réel pour aborder un problème donné et tenter de trouver une solution; la méthode diffère donc de la recherche en laboratoire.
Lorsque nous étions dans les Cantons de l'Est, les représentants de l'Association des Townshippers, entre nombre d'autres, nous ont présenté une déclaration très émouvante. Ils ont parlé de l'importance du fait que les communautés minoritaires de langue anglaise jouent un rôle actif dans nos vies ici, et non seulement passif.
Nous avons recueilli les témoignages de nombreux groupes de partout au Québec, des communautés minoritaires anglophones, et je pense que chacun de nous a été ému jusqu'aux larmes. L'expérience est traumatisante. Des mots clés sont ressortis, et je pense que M. Kavanagh a parlé d'identité. Ce terme a été employé dans toutes les déclarations que nous avons entendues. Merci de soulever la question parce qu'elle est extrêmement importante.
Essentiellement, les communautés anglophones du Québec connaissent des difficultés sur le plan de l'identité, de la culture, de la puissance politique, de l'isolement, des services d'emploi, du développement communautaire, de l'accès à l'éducation, de l'accès aux services sociaux et de santé, ainsi que de l'expansion des entreprises. De plus, les groupes sociodémographiques les plus vulnérables sont les jeunes et les personnes âgées. Ils passent par toute la gamme.
J'ouvre le livre magnifique de l'Université Concordia et je vois qu'elle compte l'École des études canado-irlandaises; c'est exact? Les établissements d'enseignement de Montréal — qui, à mon avis, ont un devoir énorme puisqu'il y a deux établissements d'enseignement anglophones remarquables à Montréal — ont-ils l'idée d'établir un endroit qui pourrait offrir des options valables et objectives en matière de politique publique à la communauté anglophone du Québec, ou ont- ils entrepris des démarches en ce sens? Par exemple, on pourrait créer un centre d'études anglophones.
M. Graham : Merci beaucoup. Je vais commencer en revenant sur quelque chose que j'ai mentionné au cours de ma déclaration, à savoir la participation de l'Université Concordia au Réseau de recherche sur les communautés québécoises d'expression anglaise et l'appui qu'elle offre au projet, ainsi que sa participation à la sensibilisation systématique, particulièrement auprès des communautés anglophones de la Côte-Nord.
Le doyen de notre School of Extended Learning a collaboré au réseau de recherche. Avant de se joindre à l'équipe de Concordia, M. Burk avait participé à des activités de sensibilisation auprès de communautés d'expression anglaise partout dans la province au nom du ministère de l'Éducation du Québec.
Je peux certainement déclarer sans équivoque que nous nous sommes engagés à l'initiative. Compte tenu de votre expérience, je n'ai pas à vous parler du genre de ressources qu'il faut pour mettre en oeuvre une telle initiative, surtout lorsqu'on a affaire à des collectivités éloignées situées dans des zones géographiques énormes. Le Québec est la plus grande province du Canada et l'une des moins peuplées hors de la bande très mince de territoire habité qui longe le fleuve Saint-Laurent. Je n'ai pas à vous dire à quel point nous surexploitons déjà nos ressources en tentant de satisfaire aux besoins immédiats des collectivités locales.
De façon générale, nous appuyons aussi fermement la recherche dans le domaine de la politique publique. Notre département de science politique est très fort, et il est possible de s'y spécialiser en politique publique. Nous offrons également un programme de maîtrise en politique et administration publiques, qui inclut un stage. La majorité des étudiants font leur stage auprès d'un ministère fédéral quelconque, à Ottawa. Ainsi, nous considérons bel et bien un lien à l'élaboration de la politique publique comme une partie intégrante de nos activités, et ce, non seulement au sein du département de science politique, mais aussi de départements connexes, comme l'École des affaires publiques et communautaires, où l'on offre un nouveau programme en études des Premières nations; je suis d'ailleurs fier d'annoncer que nous venons d'embaucher deux universitaires autochtones remarquables. Nous allons mettre en train ce programme au cours des prochains mois. Nous nous sommes engagés à le faire.
En ce qui a trait à un centre d'études anglophones, personne ne nous a présenté l'idée et nous n'avons pas les ressources nécessaires pour la mettre en oeuvre. Si vous pouvez nous trouver un donateur et nous faire une proposition, je serai ravi de l'examiner.
M. Mendelson : M. Graham m'a devancé; c'est exactement ce que j'avais l'intention de dire. À l'Université McGill, nous avons certainement ce qu'il faut pour mobiliser les gens qui s'intéressent à des questions liées à un grand nombre de préoccupations qui touchent les collectivités locales du Québec. Nous avons, par exemple, un centre d'études canadiennes; or, ce qu'il a fallu pour le mettre sur pied, c'est de l'argent. Voilà le problème.
Le sénateur Seidman : C'est toujours le fond du problème, non? Merci.
M. Graham : Si vous me le permettez, j'aimerais parler brièvement de l'École des études canado-irlandaises. L'exemple de cette école est particulièrement intéressant, car il a fallu beaucoup de temps pour la mettre en place, plus de 10 ans, en fait. Au départ, le corps professoral ne comptait qu'un seul membre, le titulaire de la chaire d'études canado-irlandaises; nous bénéficiions également de l'appui de la Fondation canadienne d'études irlandaises, une organisation communautaire engagée à réunir des fonds pour soutenir le projet.
Maintenant, de 10 à 15 ans plus tard, nous avons un département universitaire. Nous ne nous serions jamais rendus jusqu'ici sans le montant incroyable d'appui que nous avons reçu de la part de la collectivité. Nous avons une deuxième chaire financée, un programme de chercheurs invités et une foule de bourses pour nos étudiants. De plus, nous offrons une toute nouvelle majeure en études canado-irlandaises; je devrais mentionner qu'elle est axée en grande partie sur la présence irlandaise au Québec, et je n'ai pas à vous décrire la puissance et l'importance de cette présence.
Rien de tout cela n'aurait été possible sans le soutien incroyablement fort que nous avons reçu de la part de la communauté irlandaise locale, qui est majoritairement, mais non strictement, anglophone.
Pour ajouter aux propos de M. Mendelson, c'est là exactement la façon dont les choses se passent dans les universités. Nous en avons d'excellents exemples. Le merveilleux centre d'études canadiennes de l'Université McGill en est certainement un autre. Nous ne voyons aucune raison de ne pas être fiers de l'École des études canado-irlandaises, précisément parce que, à mon avis, si je comprends bien votre question, elle correspond exactement au genre d'idées dont vous parlez.
Le sénateur Seidman : Merci. Précisément, selon moi, c'est un excellent exemple des motivations et des raisons pour lesquelles vous l'avez maintenant. Bien entendu, le processus est long et difficile. Merci beaucoup de votre discours.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'ai l'habitude de demander aux témoins que nous recevons de nous donner un exemple de leurs plus belles réussites. Je pose la question à chacun d'entre vous, représentants des universités Concordia, McGill, et du collège Dawson : qu'est-ce qui vous est arrivé de plus heureux dans les dernières années, quelles ont été les réussites les plus marquantes?
[Traduction]
M. Graham : Si je n'avais pas déjà parlé de l'École des études canado-irlandaises, je le ferais certainement maintenant.
[Français]
J'aimerais, madame le sénateur, revenir sur un élément concernant l'Université Concordia sur lequel nous n'avons peut-être pas assez insisté, c'est la question de l'engagement communautaire que nous remarquons chez nos étudiants. Les étudiants de Concordia ont créé, il y a plusieurs années, un programme de bénévolat en Ouganda, où un contingent d'étudiants de l'Université Concordia va chaque année pour passer plusieurs semaines dans un camp de réfugiés, pour appuyer les efforts éducatifs offerts aux orphelins de guerre en Ouganda. C'est typique des activités des étudiants de Concordia.
Je pourrais aussi citer les efforts des étudiants de la John Molson School of Business qui, chaque année, passent plusieurs nuits dans la rue, au plus profond de l'hiver, pour soutenir les efforts d'aide aux sans-abri et aux démunis à Montréal.
Je terminerai en citant la création de LIVE, un centre de bénévolat destiné non seulement aux étudiants, mais aussi aux membres du personnel de soutien de Concordia pour promouvoir les efforts d'engagement communautaire. Concordia essaie de tenir la route et de tenir parole concernant les efforts d'engagements communautaires.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je trouve cela absolument extraordinaire, surtout que je suis allée en Ouganda, il y a plusieurs années. C'est vrai qu'il y a beaucoup d'orphelins; souvent leurs parents sont morts du sida. Ce que vous faites, et tous les autres organismes que vous avez fondés, c'est extraordinaire. Vous formez des gens, des adultes responsables qui se soucient des autres. Je trouve cela super.
M. Dowie : À McGill, en tant que responsable des communications, chaque jour est une journée de réussite; il n'y a jamais d'échec ! Dans des endroits comme Concordia, Dawson, Bishop's où vous étiez hier, ou McGill, il y a tellement d'histoires, étant donné aussi le type de personnes qui sont attirées par les universités, soit au niveau du professorat, des étudiants ou encore du personnel de soutien, qu'il est difficile d'isoler une contribution qui fait la réussite d'un projet.
Je vous suggère, si vous avez deux minutes entre les différents témoins, ou ce soir avant de dormir, de lire notre document. Nous avons essayé avec ce document de vous montrer un certain nombre d'histoires moins connues qui se passent à McGill, mais j'imagine que n'importe quelle université peut avoir la possibilité de dire la même chose.
M. Kavanagh : Il y a quelques histoires de spécialisation et de succès à Dawson. Il faut toujours se souvenir qu'on parle du niveau du cégep, donc on parle d'étudiants, qui ont en général entre 17 et 19 ans.
Je veux mentionner deux interventions. La première est la création, il y a quelques années — de 25 à 30 ans — par Dawson d'un domaine, au niveau du cégep de Liberal Arts, qui à cette époque était complètement inconnu dans le système des cégep. C'est maintenant non seulement un programme à Dawson, mais également dans tout le système anglophone, et il a aussi été accepté dans le système francophone. C'est un programme, qui se dirige vers le développement intellectuel et conceptuel d'étudiants exceptionnels. C'est un programme qui a été créé par le Collège Dawson et qui a changé un aspect du système collégial à travers la province.
Une autre petite histoire est qu'on a aussi un programme qu'on appelle North South Studies, qui implique des étudiants dans des situations assez turbulentes en Amérique centrale. Ils sont impliqués dans des situations, des villages, des lieux assez ruraux, pour être formés à une vie complètement différente de leur vie habituelle et qui, en général, change non seulement la vie des villageois là-bas, mais aussi, évidemment, la vie des étudiants à Dawson. C'est un programme unique au Collège Dawson, qui implique les jeunes dans un tout autre monde.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : Merci. Ma question porte sur l'autre côté de la médaille, par rapport à celle du sénateur Fortin- Duplessis.
Vous êtes venus ici, dans une certaine mesure, pour célébrer vos établissements respectifs, ce qui est très bien, car nous avons besoin d'entendre de bonnes nouvelles. Ces établissements méritent certainement d'être félicités; cependant, en ce qui a trait à notre étude sur la communauté anglophone du Québec, nous devons être mis au courant non seulement des difficultés, mais aussi des forces importantes qui existent grâce aux établissements — je ne peux pas dire « comme les vôtres », car ils sont tous uniques, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire.
Toutefois, nous devons aussi savoir quelles sont les difficultés, et je présume que vous vous heurtez aux mêmes problèmes que tous les établissements d'enseignement supérieur, notamment un manque considérable de fonds. Or, pouvez-vous me dire si certains problèmes sont propres aux établissements d'enseignement supérieur québécois d'expression anglaise ou si des difficultés sont aggravées justement en raison de votre situation?
M. Mendelson : Je vais parler d'un problème : l'accès à des postes de stagiaire pour former nos ergothérapeutes, nos physiothérapeutes, nos psychologues, nos travailleurs sociaux, et cetera. La liste des enseignants est longue. Il devient parfois difficile de trouver des postes pour nos étudiants parce que les établissements n'ont pas nécessairement de place pour eux ou pour ceux de l'Université McGill.
C'est parfois difficile parce que nous attirons... Comme vous l'avez entendu, tous nos étudiants ne parlent pas français. Selon une enquête récente, la grande majorité d'entre eux connaissent au moins le français et l'anglais, et parfois même trois ou quatre langues. Or, comme M. Dowie l'a mentionné, leur français n'est pas toujours assez bon pour qu'ils fonctionnent dans un milieu principalement francophone; il devient donc difficile pour nous d'offrir des programmes qui attirent des anglophones de l'extérieur et de l'intérieur du Québec, puis de trouver des endroits où les envoyer pour qu'ils obtiennent une formation complète. Je pense que c'est le genre de question qui se perd dans l'ombre, mais elle est liée à notre situation dans la province du Québec.
M. Kavanagh : Je crois qu'il est important de rappeler la structure de l'éducation offerte par les cégeps. En général, il existe deux options. Les étudiants suivent un programme préuniversitaire ou un programme technique. Dans les institutions comme le Collège Dawson, 72 à 73 p. 100 des étudiants sont inscrits à un programme préuniversitaire.
Le sénateur Fraser : Combien d'étudiants fréquentent votre établissement?
M. Kavanagh : Nous avons environ 8 000 étudiants de jour et environ 2 000 ou 3 000 étudiants de soir. Ce qui signifie qu'à peu près 28 ou 29 p. 100 des étudiants suivent un programme technique. Jadis, les programmes techniques étaient conçus principalement pour le marché du travail. Les choses ont un peu changé à cet égard, car les étudiants dans ces programmes souhaitent de plus en plus poursuivre leurs études, généralement à l'université. Cependant, il existe actuellement une forte demande, qui sera grandissante, pour les diplômés des programmes techniques, et pas seulement au Québec. Je parle du Québec parce que c'est ce marché que nous analysons.
Je vais parler brièvement de la question du financement et de l'espace. Il existe au sein de la communauté anglophone une culture au sujet des études universitaires, qui est à peu près la même dans les grands collèges anglophones.
Lorsque nous faisons la promotion des programmes techniques auprès de nos communautés traditionnelles, on comprend que ce genre de programmes ne concorde pas avec leur façon de penser. Ces programmes sont perçus comme des études de courte durée qui servent à intégrer le marché du travail, effectuées principalement en français, ce qui me ramène à la préoccupation que j'ai soulevée plus tôt au sujet du degré de maîtrise du français des personnes qui entament des études à ce niveau. C'est un problème que nous ne savons pas comment régler. Nous voulons attirer davantage d'étudiants dans ces programmes, mais nous n'avons ni l'espace ni l'argent nécessaires. En même temps, nous savons qu'il existe une demande et que cela donnerait la possibilité à des jeunes de participer davantage au marché du travail et de devenir des membres actifs de notre société.
M. Graham : Madame le sénateur Fraser, je vais aborder trois points, si vous me le permettez. Le premier point, que vous avez d'ailleurs soulevé vous-même, concerne les ressources globales au sein du système universitaire québécois. Ce qu'il faut dire, c'est que comparativement aux autres universités canadiennes, celles du Québec manquent de ressources. Il est probablement juste d'affirmer que les universités n'auront jamais suffisamment de ressources, et en fait, je suis certain que vous n'arriverez jamais à nous faire admettre que nous en avons assez.
Cela dit, si vous examinez les indicateurs utilisés pour le classement publié par le magazine Maclean's, par exemple, vous constaterez qu'année après année, à l'exception de McGill, les universités québécoises n'arrivent pas à monter dans le classement. Ce n'est pas parce que la qualité fait défaut, c'est plutôt parce qu'elles manquent d'argent, tout simplement. Je ne vais pas insister là-dessus, mais c'est un fait.
Quant au deuxième point, mon collège, M. Dowie, en a déjà parlé. Il s'agit de la lourdeur de la bureaucratie. L'État québécois est extrêmement bureaucratisé, et quand on ajoute à cela les rapports difficiles avec le gouvernement fédéral au sujet des compétences, je dois avouer que je suis entièrement d'accord avec les propos de mon collègue. Par exemple, l'Université Concordia a pu entreprendre un bon nombre de projets dans le cadre du Programme d'infrastructure du savoir, mais elle ne parvient pas à les terminer parce qu'il y a eu des retards purement et simplement en raison des rapports avec le gouvernement fédéral. Nous éprouvons vraiment des difficultés et c'est un grave problème pour nous.
Le troisième point concerne la concurrence. La concurrence que nous devons livrer pour attirer des étudiants diplômés et des professeurs est d'un autre ordre que celle que doivent soutenir les universités francophones. J'espère que je réponds ici à votre désir d'aborder des questions qui concernent précisément les établissements anglophones. Nous sommes en concurrence pour obtenir des étudiants diplômés et des professeurs dans un marché qui s'étend au- delà des frontières du Québec et qui comprend l'Ontario et le Nord-Est des États-Unis principalement, mais aussi le reste du Canada et des États-Unis et d'autres pays dans le monde.
Aussi, comme je l'ai dit, comparativement aux autres universités canadiennes et à de nombreuses universités américaines, nous manquons de ressources. Pour les établissements comme nous qui ne bénéficient pas du niveau de financement dont profite notamment l'Université McGill, il est pratiquement impossible d'offrir des salaires concurrentiels et d'aider financièrement les étudiants diplômés. C'est le troisième point que je voulais aborder.
Le sénateur Fraser : Qu'on se le tienne pour dit : les universités québécoises sont sous-financées. Étant donné cette situation, croyez-vous que la formule de financement actuelle permet de financer équitablement les établissements anglophones et francophones? Je ne suis pas en train de dire qu'un haut fonctionnaire a décidé que les anglophones allaient recevoir moins d'argent, mais il demeure que des normes et des critères différents ont été fixés. Est-ce qu'il y a un bon équilibre selon vous?
M. Graham : C'est une question qui nous préoccupe beaucoup à Concordia; nous y réfléchissons souvent. Nous sommes d'avis que la formule de financement, modifiée récemment, n'avantage pas l'Université Concordia. Au même titre que vous, je ne pense pas que la formule de financement ait été établie avec malveillance. Elle est définie en collaboration avec les universités.
Cela dit, les domaines d'études offerts à Concordia sont malheureusement des disciplines sous-financées. En particulier, je tiens à mentionner que la Faculté des beaux-arts, très importante, constitue notre fleuron. C'est en partie à cause de l'absence de points de comparaison qu'il est impossible d'établir des critères valables pour établir le financement de cette faculté. Il ne fait absolument aucun doute dans mon esprit que les beaux-arts, comparativement à d'autres disciplines, sont considérablement sous-financés. Puisqu'il s'agit d'une faculté très importante à Concordia et parce que les domaines de l'administration des affaires et du génie, qui occupent une grande place chez nous, sont également sous-financés, il est donc vrai que la formule de financement ne nous avantage pas. Ce n'est pas précisément parce que nous sommes une université anglophone.
Le sénateur Fraser : Il y a d'autres raisons.
M. Kavanagh : Je crois qu'il est juste d'affirmer qu'en général, il existe une certaine équité au sein du réseau des cégeps. Je crois que le seul problème, qui selon nous n'est pas principalement lié à la langue, c'est la répartition des fonds entre les régions.
En général, les établissements de l'île de Montréal ont tendance à penser que le système utilisé pour répartir les fonds aux établissements des régions n'est pas le même que celui qui est employé dans leur cas. Il y a bien entendu des raisons qui expliquent ce fait, mais nous sommes préoccupés par cette différence. Elle est de nature régionale plutôt que linguistique.
Le sénateur Fraser : Les étudiants qui souhaitent exercer au Québec une profession ou un métier réglementé doivent obtenir un certificat de compétence en français. Que faites-vous pour aider les étudiants à obtenir ce certificat? Les aidez-vous d'une manière quelconque?
Je suis désolée, professeur Mendelson, vous vouliez prendre la parole tout à l'heure.
M. Mendelson : Si je puis me permettre, je voudrais souligner deux différences liées à la formule de financement ou plutôt deux éléments qui ont une incidence différente sur les universités anglophones par rapport aux universités francophones. Il y a premièrement la question des subventions spéciales. En plus des fonds attribués selon la formule de financement, on accorde des subventions spéciales, et je crois savoir que McGill et Concordia sont les seules universités qui n'en reçoivent pas. Voilà le premier élément.
Deuxièmement, ce qui a davantage d'incidence sur le financement des universités, ce sont les droits de scolarité payés par les étudiants étrangers. Les droits qu'ils acquittent, sauf pour certaines disciplines — les choses sont en train de changer un peu à cet égard — sont ensuite récupérés par le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport pour être redistribués au sein du réseau. C'est donc dire que les droits versés par nos étudiants profitent à l'ensemble du réseau.
On pense que les étudiants étrangers coûtent la même chose aux universités que les étudiants québécois, alors que ce n'est pas le cas étant donné les frais associés au recrutement ainsi qu'aux services sociaux et à l'aide supplémentaire qu'il faut fournir. On constate que les universités enregistrent une perte nette quand on calcule l'argent qu'elles remettent à la province par rapport aux subventions qu'elles reçoivent.
Le sénateur Fraser : Pourriez-vous nous faire parvenir de la documentation au sujet de la mission spéciale? Je n'en avais jamais entendu parler.
Le sénateur Seidman : Monsieur Kavanagh, je vous ai interrogé au sujet des garçons et des jeunes hommes en ce qui a trait à leur taux de décrochage et à leur sous-représentation dans les programmes.
Il est intéressant que vous ayez parlé des programmes de formation professionnelle parce qu'un autre comité du Sénat s'est rendu compte, au cours d'une étude qu'il a menée au sujet de l'éducation postsecondaire, que les parents et les collectivités valorisent très peu la formation professionnelle.
J'ai découvert que le Québec est dans une situation unique en raison du réseau des cégeps. Il n'existe dans aucune autre province des programmes de formation professionnelle organisés comme ils le sont au Québec grâce aux cégeps. Ces programmes se trouvent à être naturellement intégrés dans le réseau.
Pourriez-vous en dire un peu plus long à ce sujet? Il est clair que la formation professionnelle est très peu valorisée. Pourriez-vous nous parler de votre expérience des programmes de formation professionnelle au Collège Dawson? Combien existe-t-il de disciplines dans ces programmes? Combien d'étudiants suivent ce genre de formation? Y a-t-il plus d'hommes que de femmes? Pourriez-vous nous donner des détails à cet égard?
M. Kavanagh : Je vais essayer d'être bref. Au sein de notre population étudiante, il y a environ 60 p. 100 de femmes et 40 p. 100 d'hommes. Parmi tous nos programmes, à peu près 28 p. 100 sont des programmes techniques, et 28 p. 100 des étudiants y sont inscrits. Au sein de ce groupe d'étudiants, on compte approximativement 65 p. 100 d'hommes. Par contre, dans un ou deux domaines dominants, on compte davantage de femmes, principalement en sciences infirmières.
Grâce à l'Entente Canada-Québec, nous avons obtenu des fonds pour promouvoir les programmes techniques au sein de la communauté, et ce financement nous a aidés. Nous avons fait cette promotion parce que nous ne recevons pas beaucoup d'inscriptions pour ces programmes. Nous croyons qu'il s'agit d'un phénomène culturel, que nous ne pouvons nullement influencer. C'est pourquoi nous avons demandé d'obtenir des fonds en vertu de cette entente afin de pouvoir collaborer avec l'ensemble des collèges anglophones de la province. Nous avons essayé d'avoir une influence sur la population en général et nous avons tenté de changer les mentalités. Nous avons également discuté de la question avec des gens du ministère parce que des changements doivent s'opérer à différents niveaux, sinon il est impossible d'avoir une influence sur la société.
Nous éprouvons beaucoup de difficulté à attirer des étudiants dans ces programmes. Nous en offrons 21, dont les sciences infirmières, la conception graphique et le génie électrique.
Le sénateur Seidman : Accueillez-vous des étudiants qui proviennent de l'extérieur de Montréal?
M. Kavanagh : Vous voulez dire parmi ceux qui suivent une formation dans un programme technique?
Le sénateur Seidman : Oui.
M. Kavanagh : Dans tous les programmes, on compte des étudiants qui viennent de l'extérieur de Montréal.
Le sénateur De Bané : Premièrement, je tiens à m'excuser auprès des témoins parce que je n'ai pas pu écouter leurs exposés, car je devais participer à une activité officielle.
Tout au long de cette semaine d'audiences, nous avons entendu parler de situations malheureuses et injustes. Ce matin, des gens du milieu de la culture, notamment des artistes et des écrivains, nous ont expliqué qu'il arrive souvent que des membres du jury du Conseil des arts et des lettres du Québec ne maîtrisent pas bien l'anglais écrit ou parlé. Il est donc difficile pour ces artistes et écrivains d'obtenir des subventions lorsque les membres d'un jury sont incapables « de bien comprendre le contenu des projets présentés pour évaluation ».
Je pourrais dresser une longue liste des situations très malheureuses dont nous avons entendu parler. Je suis d'avis que la jeune génération au Québec est différente de celle d'il y a 60 ans, lorsque j'étais enfant. Les jeunes Québécois d'aujourd'hui ne sont pas prisonniers du passé comme l'étaient nos parents. Le monde a changé, le Québec a changé et le Canada aussi.
Je crois qu'il faudrait que les sociologues et les politologues trouvent une façon d'encadrer les choses dans cette ère des communications, de faire germer graduellement l'idée que nous sommes choyés d'avoir dans ce pays, dans cette province, les deux langues les plus importantes du monde occidental. C'est un atout formidable d'appartenir à ces deux cultures. Je suis persuadé qu'avec l'aide de vos très compétents sociologues et politologues, nous pouvons contribuer à bâtir une ère nouvelle. C'est dommage que nous ayons si peu de représentants de la communauté francophone avec nous aujourd'hui.
[Français]
C'est cela le message que je voudrais vous adresser. Et je voudrais de nouveau vous transmettre mes excuses.
[Traduction]
Si vous comparez les trois établissements, combien d'étudiants de la France, de la Belgique et de la Suisse fréquentent votre université? J'aimerais beaucoup savoir combien vous comptez d'étudiants francophones européens. Pourriez-vous inclure cette information dans la lettre que vous adresserez à notre présidente?
[Français]
Le sénateur Fraser : Il y a aussi ce qu'ils font pour aider les étudiants à acquérir le niveau de compétence nécessaire en français, pour être qualifié pour pratiquer les professions dont il s'agit là.
La présidente : Il se pourrait que les membres du comité aient d'autres questions; si, à un moment donné, d'autres questions se posent pour lesquelles nous auront besoin de réponses, nous vous ferons parvenir une lettre, car, par respect pour les témoins suivant, je dois mettre une fin à cette réunion. Chers collègues, nous suspendons la séance et nous reprenons dans deux minutes.
[Traduction]
Honorables sénateurs, souhaitons la bienvenue aux représentantes de la Fédération québécoise des associations foyer- école, et j'ai nommé Carol Meindl, présidente, et Marion Daigle, préposée aux services d'histoire et d'archives et ancienne présidente.
Carol Meindl, présidente, Fédération québécoise des associations foyer-école : Bon après-midi, madame la présidente et honorables sénateurs. Nous sommes heureuses de pouvoir collaborer avec le Comité sénatorial permanent des langues officielles et les autres organisations communautaires. J'aimerais vous donner aujourd'hui un aperçu de la Fédération québécoise et de ses activités en ce qui a trait à la maison, à l'école et à la collectivité. Je vous parlerai brièvement des problèmes et des défis que nous devons surmonter en tant que parents, puis j'enchaînerai avec nos conclusions et nos recommandations pour le comité.
La Fédération québécoise des associations foyer-école (FQAFE) est un organisme bénévole indépendant et incorporé à but non lucratif. Son mandat est d'améliorer l'éducation et le bien-être général des enfants et des jeunes. La FQAFE encourage la participation des parents, des élèves, des éducateurs et de la collectivité en général dans l'avancement de l'apprentissage, en plus d'agir comme porte-parole pour les parents.
La FQAFE a été fondée en 1944 et participe activement au système d'éducation du Québec depuis plus de 65 ans. La FQAFE est un des membres fondateurs de la Fédération canadienne des associations foyer-école.
Notre fédération regroupe des associations locales qui tendent toutes vers un objectif commun : offrir aux élèves une expérience éducative attentionnée et riche. Les membres de la FQAFE proviennent de tous les secteurs de la société : des parents sur le marché du travail, des parents au foyer, des grands-parents, des professionnels de l'éducation et des citoyens qui souhaitent maintenir un niveau de scolarisation élevé dans notre province. Les écoles que fréquentent leurs enfants sont éparpillées un peu partout dans la province et représentent bien la diversité culturelle de notre système d'éducation à l'intention de la minorité anglophone : des anglophones, des allophones et des francophones. Tous les citoyens peuvent devenir membres de notre fédération, qu'ils soient affiliés à une école ou non.
Aujourd'hui, la FQAFE est composée de 80 associations locales, qui représentent quelque 5 000 familles. Nos membres prennent part à différents aspects de la vie scolaire, notamment en organisant des programmes après-école et des cours d'enrichissement, ainsi que des activités sociales pour les élèves et les parents afin de favoriser l'esprit communautaire. Nos membres sont aussi bénévoles dans les bibliothèques scolaires et offrent du soutien financier à leurs écoles en vue d'acheter du matériel, que ce soit des livres pour la bibliothèque et les salles de classe, de l'équipement sportif pour le programme d'éducation physique ou des ordinateurs pour le programme de technologie. Les bénévoles sont souvent là pour prêter main forte aux enseignants dans les classes et offrent des services de tutorat et de mentorat aux élèves.
La Fédération est reconnaissante au gouvernement fédéral de l'avoir appuyée financièrement dans le cadre de notre partenariat actuel avec Patrimoine canadien et du Programme d'appui aux communautés de langue officielle. Nous avons hâte de pouvoir collaborer de nouveau avec le gouvernement.
Le financement de base offert par Patrimoine canadien nous a permis de maintenir nos opérations administratives et de payer du personnel à temps partiel, de façon à pouvoir assurer un soutien continu à nos associations locales. Nos programmes réguliers d'activités, comme notre conférence d'automne sur le leadership et notre assemblée générale annuelle qui a lieu au printemps, donnent l'occasion aux parents de diverses régions du Québec de se rassembler, d'échanger des idées et de discuter de préoccupations communes. Ces parents peuvent retourner à la maison avec des outils pour mettre en oeuvre de nouveaux programmes et de nouvelles activités dans leurs écoles.
Ce n'est pas évident de faire fonctionner une organisation à but non lucratif. Il faut un financement de base adéquat et continu et un nombre incalculable d'heures de travail bénévole. Grâce à différents partenariats, la FQAFE a pu appuyer plusieurs initiatives d'alphabétisation, comme des programmes de lecture et de bibliothèque pour les écoles, des centres d'apprentissage communautaires et d'autres organisations vouées aux enfants; ou encore comme l'élaboration de notre guide de ressources sur l'alphabétisation des enfants, et nos programmes Né pour lire, qui encouragent la lecture chez les enfants d'âge préscolaire. Avec la production continue de notre journal trimestriel, le FQAFE News, depuis 65 ans, nous rendons compte systématiquement des activités de la fédération. Nous avons publié des articles et des textes d'opinion rédigés par des experts sur des questions éducationnelles, culturelles et sociales, et nous donnons une vitrine à nos associations locales dans notre rubrique « Focus on the Locals ». C'est dans cette rubrique qu'ont été consignées de superbe façon les avancées de la vie culturelle attribuables aux associations locales; elle est aussi devenue une référence pour les chercheurs et les historiens.
Une des difficultés qu'éprouvent les écoles communautaires anglophones du Québec aujourd'hui, c'est qu'il y en a de moins en moins et la population étudiante est de moins en moins nombreuse. Comme le financement provincial repose sur le nombre d'inscriptions, les petites écoles sont désavantagées et ne reçoivent pas nécessairement les ressources adéquates.
Nous devons faciliter l'accès à l'éducation en anglais au Québec. Nous avons longuement et mûrement réfléchi avant de préparer notre mémoire sur le projet de loi 103 à l'intention de la Commission de la culture et de l'éducation de l'Assemblée nationale. Nous avons très clairement fait savoir que la communauté anglophone continuera, comme elle l'a fait dans le passé et comme elle le fait maintenant, à déployer moult efforts pour faire la promotion du français comme langue seconde dans ses écoles, et la FQAFE estime qu'une loi aussi restrictive que le projet de loi 103 est une mesure excessive et totalement inutile.
Différents problèmes et défis préoccupent notre fédération, notamment la croissance et le développement communautaires, les programmes de soutien aux minorités de langue officielle, un plus grand accès à l'éducation en anglais, la responsabilité du financement de l'éducation des minorités linguistiques et de l'enseignement en langue seconde, ainsi que le Programme d'appui aux droits linguistiques.
Nous remettons à ce comité un document consultatif qui explique davantage notre position. La FQAFE appuie fortement les efforts du gouvernement fédéral et de ses ministères en vue de renforcer le statut des langues officielles au Canada. Toutefois, nous tenons à souligner que la situation de la communauté minoritaire anglophone du Québec mérite une plus grande attention.
Les trois recommandations que nous soumettons à ce comité sont les suivantes : premièrement, assurer une consultation accrue des premiers intervenants par les ministères provincial et fédéral responsables des langues officielles; deuxièmement, offrir un soutien accru pour faciliter l'accès à l'éducation en anglais, un soutien essentiel pour la survie des écoles et des communautés de la minorité anglophone du Québec; et troisièmement, établir un meilleur cadre de responsabilisation pour le financement de l'éducation en langue minoritaire et de l'enseignement en langue seconde. Il est important que le public puisse savoir comment est dépensé l'argent des contribuables dans ce secteur.
Merci encore de nous avoir permises d'être ici aujourd'hui. Nous sommes disposées à répondre à vos questions.
La présidente : Merci. Votre association représente d'autres associations et commissions scolaires. Combien de membres compte votre association?
Mme Meindl : Lorsque les parents d'une école veulent faire leur part et avoir une organisation structurée pour interagir avec le directeur, le personnel de l'école et les enseignants, notre organisation peut les aider. Ils se réunissent et élisent un président et un trésorier. Ils établissent des objectifs pour l'année et recueillent les fonds nécessaires pour embaucher le personnel qui offrira les cours d'enrichissement. Ce ne sont pas toutes les écoles anglophones du Québec qui ont la capacité de se réunir ainsi. Si je ne m'abuse, il y a 350 écoles anglophones au Québec, et 80 d'entre elles sont dotées d'une association locale. Elles doivent débourser des frais d'adhésion. Les parents qui ne font pas partie d'une association peuvent s'inscrire auprès de notre fédération, et nous pouvons ainsi offrir des services aux écoles concernées. Soulignons toutefois que les parents peuvent eux aussi offrir des services aux élèves de l'école.
La présidente : Est-ce qu'on vous consulte d'une façon ou d'une autre pour établir les priorités? Êtes-vous en liaison avec le gouvernement provincial?
Mme Meindl : Nous avons été invités à différents forums concernant la feuille de route que le gouvernement du Québec met en place pour l'éducation.
Marion Daigle, préposée aux services d'histoire et d'archives et ancienne présidente, Fédération québécoise des associations foyer-école : Nous avons des liens avec le ministère de l'Éducation, des Loisirs et des Sports (MELS), en ce sens que le ministère nous verse une subvention annuelle depuis le milieu des années 1970. Le ministère reconnaît le travail que nous faisons et il est arrivé qu'il nous accorde certaines sommes pour des projets précis quand nous l'avons demandé. Je dois cependant admettre que son aide n'égale pas celle de Patrimoine canadien. Toutefois, si je peux vous donner un exemple, il y a deux ans, Geoff Kelly, un député à l'Assemblée nationale qui s'intéresse beaucoup à nos initiatives d'alphabétisation, nous a accordé de petites subventions par l'entremise de son bureau. Nous avons en outre obtenu une subvention du MELS à cet égard, grâce à l'appui soutenu du député.
Nous avons des rencontres de temps à autre avec les représentants du ministère. Il y a deux ou trois ans, nous avons rencontré Mme Courchesne, la ministre de l'époque, pour discuter des prochaines élections scolaires. Les ministres qui se sont succédé à la tête du ministère ont assisté à nos assemblées générales qui ont lieu au printemps de chaque année, entre autres choses. On peut donc dire que nous sommes en liaison avec le ministère.
La présidente : Quels sont vos plus grands défis?
Mme Meindl : Une des principales difficultés demeure le déclin de la population scolaire et du nombre d'écoles. Il peut arriver que des associations doivent fusionner lorsque leurs écoles respectives sont forcées de réduire leurs activités. Avec un peu de chance, les associations trouvent le moyen de travailler ensemble et d'en former une nouvelle. Si cette nouvelle école est aussi forcée plus tard de fermer ses portes, les enfants risquent d'être transférés dans des écoles qui n'ont pas d'association, et ne peut donc pas à ce moment-là continuer ce qui avait été commencé. C'est une situation difficile. Parce que nous avons une population réduite, le bassin de bénévoles est aussi limité. Il fut un temps où l'organisation comptait quelque 20 000 membres, parents et familles, alors nous pouvions compter sur un immense bassin de bénévoles. Si seulement un membre sur mille désirait siéger au conseil, nous n'avions pas à nous en faire. Aujourd'hui, nous avons 5 000 membres, et maintenant les parents travaillent et inscrivent leurs enfants dans différents activités. Ils n'ont plus autant de temps à consacrer au bénévolat. C'est un problème à l'échelle du pays.
Le sénateur Seidman : Merci beaucoup. Votre merveilleuse organisation tombe trop souvent dans l'oubli.
Je regarde votre première recommandation, qui est d'« assurer une consultation accrue des premiers intervenants par les ministères provincial et fédéral responsables des langues officielles ». Je ne peux évidemment pas parler pour les représentants provinciaux, mais j'aimerais savoir à quoi vous pensez quand vous parlez de consultation.
Votre deuxième recommandation est d'« offrir un soutien accru pour faciliter l'accès à l'éducation en anglais ». Je trouve cela fascinant, alors j'aimerais que vous m'en disiez plus à ce sujet. Je vous pose mes questions en rafale.
Votre troisième recommandation, c'est-à-dire la question de la responsabilisation, est revenue plusieurs fois au cours de nos audiences de cette semaine. Il a aussi souvent été mentionné qu'il est compliqué d'investir l'argent du gouvernement fédéral dans l'éducation, étant donné que c'est un secteur de compétence provinciale, et que la responsabilisation fait défaut dans ce contexte, puisque personne ne sait où va cet argent. Il n'y a pas de comptabilité budgétaire, ni de budget détaillé qui indique exactement comment l'argent a été dépensé et s'il a, par exemple, été versé au comité des langues officielles du Québec.
Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet de vos trois recommandations?
Mme Daigle : Nous vous avons remis un document aujourd'hui, dans lequel nous avons noté qu'en 1962, la Fédération québécoise des associations foyer-école avait présenté ce qu'on peut qualifier du summum des mémoires au gouvernement du Québec à l'époque. Les Québécois ici présents se rappelleront qu'en 1962 le système d'éducation du Québec traversait une période de grands bouleversements, tant dans les écoles francophones qu'anglophones. Nous avions 27 000 membres à ce moment-là. Nous avons soumis à la Commission Parent, la commission d'enquête chargée du dossier, un mémoire qui contenait 176 recommandations, en plus de soulever 17 secteurs qui nous semblaient problématiques. Le mémoire a été extrêmement bien accueilli par la Commission Parent, et certaines de nos recommandations ont été mises en oeuvre. Nous avions, entre autres, recommandé de financer un ministère de l'Éducation, dans une forme peut-être un peu moins centralisée qu'aujourd'hui, mais à l'époque, nous fondions beaucoup d'espoir là-dessus.
Je le mentionne parce que l'élément central de nos recommandations était l'amélioration de la qualité de l'enseignement en langue seconde, que la FQAFE recommandait depuis nos débuts, en 1944.
Lorsque la Commission royale d'enquête sur le bilinguisme et le biculturalisme a commencé ses travaux, nous lui avons soumis un mémoire dans lequel nous exprimions notre appui aux langues officielles. En 1970, quand la Loi sur les langues officielles est entrée en vigueur et que le gouvernement fédéral a commencé à fournir des fonds aux provinces pour qu'elles fassent la promotion du bilinguisme, la FQAFE a commencé à faire le suivi de cet argent. Nous continuons de le faire depuis 40 ans.
Dans notre mémoire, nous disons que cela a souvent été une source de frustration. J'ai participé au suivi de ces fonds de 1976 jusqu'à il y a environ deux ans, lorsque je devais quitter mes fonctions. Je ne suis peut-être pas au fait des diverses ententes conclues depuis deux ou trois ans, mais je sais que la nouvelle entente Québec-Canada arrivera bientôt, et je crois que le Québec et l'Île-du-Prince-Édouard sont peut-être les deux seules provinces qui n'ont pas signé l'accord complet.
J'ai lu les protocoles. À mon avis, ils sont assez semblables à ceux que j'ai toujours lus; ils n'ont pas beaucoup changé. Toutefois, si l'on veut obtenir des renseignements précis sur la façon dont cet argent est dépensé, si l'on veut des rapports détaillés, ce sera difficile de les obtenir tant au niveau provincial que fédéral, principalement à cause des retards.
D'après ce que je comprends, si le Québec envoie son rapport de reddition de comptes, il sera en français, ce qui est bien, mais alors, le gouvernement fédéral devra évidemment l'examiner avant même de le faire traduire pour qu'il soit disponible dans les deux langues officielles. Ce va-et-vient pourrait entraîner un retard de quelques années, ce qui ne plaît pas beaucoup à ceux qui sont à la base et qui veulent obtenir des fonds pour conclure ces ententes et aller de l'avant.
Nous n'aimons pas certaines procédures de reddition de comptes. À certains égards, elles ne sont pas uniformes partout au pays, étant donné que l'éducation relève des provinces, et les protocoles indiquent que les provinces peuvent agir à leur manière. C'est une sorte d'uniformisation nationale inégale des rapports. C'est du moins notre perception.
Comme vous le verrez dans notre mémoire, le parent qui a examiné notre dernier rapport sur le plan d'action a affirmé : « Selon moi, il y a là une amélioration. Nous avons un peu plus d'informations à propos des dépenses prévues. » Toutefois, comme il l'a expliqué, le rapport n'est pas « convivial pour les parents ». En un sens, il dit que le rapport n'est pas convivial pour le contribuable ordinaire. Il est difficile pour une personne de s'y retrouver dans ce labyrinthe bureaucratique, comme nous l'ont dit les universitaires ce matin.
J'ai eu l'occasion de me rendre aux quatre coins de la province, en particulier dans les régions de la Basse-Côte-Nord et de Gaspé, dans des collectivités très dispersées. Bien des gens dans ces régions ont de la difficulté à quitter leur foyer pour poursuivre leurs études. Je travaille dans le domaine de l'alphabétisation, et nous savons tous ce que cela veut dire aujourd'hui d'être capable de lire des documents. Par conséquent, nous voulons un langage plus simple et, lorsqu'il s'agit de situations financières, nous voulons des rapports financiers qui nous indiqueront les fonds que nous sommes censés recevoir, selon le mode de financement utilisé.
La partie consultation du rapport, dans ce cas-ci, serait destinée aux organisations communautaires comme la nôtre, et je crois que le Quebec Community Groups Network, ou QCGN, a indiqué qu'il doit y avoir davantage de consultations au sein de la population, afin que nous puissions nous prononcer sur ce à quoi nous aimerions que serve une partie de ces fonds.
Par exemple, nous avons travaillé d'arrache-pied afin d'aider les bibliothèques scolaires, qui sont maintenant des bibliothèques communautaires dans les régions de la Basse-Côte-Nord et de Gaspé, et nous avons besoin de fonds pour soutenir ces institutions culturelles.
La présidente : Je demande aux honorables sénateurs de se limiter à une question. Si vous en avez une deuxième ou une troisième, je vous demande de les soumettre par écrit à la greffière du comité, qui veillera à ce que Mme Daigle les reçoive.
Le sénateur Fraser : Je vais vous lire un extrait du mémoire que vous nous avez présenté; je vous remercie beaucoup de vous être donné la peine de le rédiger. Ces chiffres sont importants :
En 1971, avant l'adoption de la Charte de la langue française, ou Loi 101,le nombre d'inscriptions dans les écoles publiques anglophones était de250 000 élèves, alors qu'aujourd'hui, il est de 93 000, ce qui représente unebaisse de 62,8 p. 100.
Nous savons que ce déclin n'est pas seulement dû à l'exode anglophone, aux populations vieillissantes, et cetera. Néanmoins, il explique en partie la réalité institutionnelle avec laquelle vous êtes aux prises, comme bien d'autres.
Vous soulignez qu'il y a peut-être 10 000 enfants inscrits dans des écoles francophones qui pourraient fréquenter des écoles publiques anglophones. Savez-vous combien d'enfants fréquentant une école privée anglophone pourraient s'inscrire à une école publique anglophone?
Mme Daigle : Nous avons 10 000 élèves ayant droits qui sont inscrits dans une école francophone par choix, soit celui de leurs parents; nous avons toujours favorisé la liberté de choix. Nous en avons aussi 10 000 qui n'y sont pas admissibles. Nous devrions pouvoir trouver à l'Association des écoles privées du Québec le nombre d'élèves inscrits à l'école privée qui sont admissibles à l'école publique.
Le sénateur Fraser : Le phénomène de la fréquentation des écoles privées est beaucoup plus important au Québec que dans toute autre province.
Mme Daigle : Oui, effectivement. Je ne suis pas tout à fait certaine que le nombre d'élèves non admissibles soit considérable, mais il y en a assurément.
Le sénateur Fraser : Tous les documents que vous pourrez nous transmettre à ce sujet nous seront utiles. Merci.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez fait une belle présentation très dynamique. Êtes-vous au courant si de jeunes familles anglophones quittent le Québec parce qu'ils n'obtiennent pas les services auxquels ils s'attendent, et si un adulte a besoin d'un cours de français pour occuper un emploi, peut-il l'obtenir gratuitement?
[Traduction]
Mme Daigle : Il y a des parents anglophones qui pourraient décider de quitter le Québec en raison de leur emploi. Autrement dit, chez les anglophones, on observe une grande mobilité; ils sont beaucoup plus libres de se déplacer, malheureusement, que les jeunes francophones unilingues qui voudraient voyager, aller aux États-Unis ou ailleurs, mais qui ne le font pas parce qu'ils se sentent mal préparés.
Quelle était la seconde partie de votre question?
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Si un adulte anglophone a besoin de parler français, peut-il obtenir un cours gratuitement?
[Traduction]
Mme Daigle : Je peux me tromper, mais ce que je comprends de cette situation, qui était souvent problématique, par exemple, dans la région de Gaspé, où les jeunes adultes anglophones voulaient recevoir un enseignement gratuit en français, c'est que le gouvernement du Québec n'offrait pas la gratuité scolaire aux anglophones pour qu'ils apprennent le français. Il l'offrait aux nouveaux immigrants, mais pas aux anglophones qui étaient nés et avaient grandi ici. Ils devaient payer eux-mêmes.
J'utilise l'exemple de Gaspé parce que si j'ai bien compris, cette région possède le taux de chômage le plus élevé au Québec, pour les francophones comme les anglophones. Bien des jeunes là-bas savaient qu'ils ne pouvaient pas aller bien loin au Québec, dans la région de Gaspé ou celle de Montréal, sans pouvoir bien s'exprimer en français. Beaucoup d'entre eux, qui avaient un très faible revenu ou vivaient de l'aide sociale, ne pouvaient tout simplement pas se permettre de débourser de l'argent pour apprendre le français; ils souhaitaient le faire, mais ils ne pouvaient pas se le permettre. Je trouve cela injuste que nos Québécois anglophones ne puissent avoir accès à un programme d'apprentissage gratuit, au même titre qu'un nouvel immigrant. Où est l'équilibre? Je l'ignore.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Merci beaucoup, madame, je suis contente.
Mme Daigle : Je m'excuse, je ne parle pas très bien français.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Il n'y a pas de problèmes parce que nous avons tous les services ici pour que vous puissiez me comprendre très bien. Je ne pensais pas que cela pouvait aller si loin pour les anglophones, qui veulent apprendre le français.
[Traduction]
Mme Daigle : Je ne crois pas que cela ait changé.
Le sénateur De Bané : J'ai lu attentivement votre mémoire, et j'aimerais que nous parlions plus en détail du problème signalé par mon collègue concernant la décroissance de la communauté anglophone. Sur cette question, comme vous le savez, nous sommes régis par la Loi constitutionnelle de 1982. Comme le Québec ne l'a pas signée, le gouvernement de M. Trudeau a présenté une politique à deux volets, l'un qui s'appliquerait sur le champ et l'autre auquel le Québec pourrait se joindre plus tard, espérait-on, lorsque les autres provinces signeraient.
Ce qui est inscrit dans la Constitution, c'est que les enfants de parents dont la langue est celle de la minorité francophone ou anglophone peuvent être instruits dans cette langue. Ce que vous proposez signifie que la Constitution devrait être modifiée. Sur le plan politique, je ne crois pas que cela va se produire à court terme.
Vous devriez également dire que cela devrait être accessible à tous. Comme vous le savez, la Loi constitutionnelle de 1982 prévoit que les personnes qui ont reçu leur instruction au Canada peuvent faire instruire leurs enfants dans ces écoles, ce qui signifie qu'une personne du Royaume-Uni ou des États-Unis ne peut aspirer à recevoir une instruction en anglais au Québec. Soit dit en passant, c'est la seule différence qui existe entre les citoyens canadiens nés au Canada et les personnes qui ont été naturalisées et ont reçu la citoyenneté canadienne par la suite. C'est la seule différence qui existe au Canada entre les deux catégories de citoyens et que l'on trouve dans cet article de la Loi constitutionnelle de 1982.
Selon Statistique Canada, dans 16 ans, soit en 2026, l'accroissement de la population canadienne proviendra en totalité de l'immigration. Nous sommes conscients de l'attrait qu'exerce la langue anglaise dans cette partie de l'hémisphère occidental.
Compte tenu de l'accroissement de la population immigrante et de l'attrait de la langue anglaise, croyez-vous que la solution que vous proposez pourrait être difficile à appliquer sur le plan politique? Qu'en pensez-vous?
Mme Meindl : Elle est difficile à appliquer dans cette province, à cause de la perception selon laquelle à langue française est menacée et la hausse du nombre d'élèves dans les écoles francophones ne peut qu'être positive.
L'une des principales différences constatées entre les écoles anglophones et francophones, c'est que dans les écoles anglophones, tous les enfants sont heureux d'y étudier. Dans les écoles francophones, une grande proportion des élèves ne souhaitent pas être là et doivent s'efforcer de s'instruire convenablement dans une langue difficile à apprendre pour eux. Ce n'est pas étonnant qu'ils décrochent souvent quand ils atteignent le quatrième secondaire et qu'ils décident ensuite de poursuivre leurs études à l'éducation aux adultes pour apprendre l'anglais, parce qu'ils peuvent mieux réussir et qu'ils peuvent terminer leurs études secondaires en anglais.
Mme Daigle : Je me permets d'ajouter que vous parlez de l'article 23 de la Constitution canadienne, dans lequel, bien sûr, il y a l'article 59, qui abroge l'alinéa 23(1)a). Nous aimerions penser qu'un jour, le gouvernement du Québec décidera de demander à la reine et à la gouverneure générale de retirer au moins l'article 59. Cela donnerait la possibilité aux anglophones d'ailleurs dans le monde de choisir, car ils pourraient très bien venir ici et choisir de s'instruire en français. J'en ai rencontré quelques-uns qui ont été déçus à leur arrivée au pays, car ils estimaient que leur ambassade ne leur avait pas dit clairement, disons en Grande-Bretagne, qu'ils seraient confrontés à ce problème. Ils ont tout de suite pensé que deux langues, c'était avantageux pour eux; qu'ils choisiraient l'anglais, puis qu'ils pourraient recevoir une formation de qualité en langue seconde. Malheureusement, parfois, dans le système francophone du Québec — et il y a des francophones que cela dérange —, on ne donne même pas encore une bonne formation en langue seconde en anglais. Cela nous nuit sur les plans économique, social et culturel, et de toutes les manières possibles.
Nous cherchons des solutions de rechange au déclin de notre population étudiante dont la rapidité dépasse tout entendement. Les universitaires et les représentants du Collège Dawson notamment ont déjà abordé cette arrivée massive au cours des prochaines années. Nous vous avons présenté un mémoire sur le projet de loi 103. Consultez les statistiques actuelles sur les maternelles. La fin arrivera plus rapidement que nous l'escomptions. Le biculturalisme ne devrait pas mourir au Québec. Nous ne devrions tout simplement pas le permettre.
La présidente : Merci de vos propos avisés. Je vous demande de nous excuser. La séance est très courte, mais, je le répète, je suis convaincue que nous aurons davantage de questions à vous poser lorsque nous aurons tous lu vos mémoires et vos documents. La greffière vous les transmettra.
Mme Daigle : Pourrais-je formuler une observation à propos de l'enseignement technique et professionnel, question qui a été abordée par un autre témoin? Il se trouve que j'ai enseigné dans un établissement technique et professionnel, le Lasalle Protestant High School, au moment où cette école était renommée dans les années 1970. Je suis d'accord avec ce qui a été dit ce matin par la QFHSA, et je me fonde également sur mon expérience d'enseignante dans ce domaine pour l'affirmer : les parents n'apprécient pas à sa juste valeur l'enseignement technique et professionnel. Nous vous avons remis un exemplaire du Children's Literacy Resource Guide, qui a été financé par Patrimoine canadien. Parcourez les pages 94 et 95. Je suis la co-auteure de ce guide. Je connais donc bien les chiffres qui y sont cités. Je me suis servie des ces exemples avec les enseignants du primaire. Il faut commencer à parler des préalables pour devenir mécanicien d'automobile aujourd'hui — on devrait employer « technicien de l'automobile ». Les compétences fondamentales à acquérir sont les mêmes pour le futur étudiant dans ce domaine que pour le futur étudiant universitaire. De nombreux parents ne le comprennent pas. Ils ne saisissent pas non plus que cette profession puisse offrir des débouchés fort lucratifs.
Nous appuyons les efforts en ce sens.
La présidente : Merci.
Je vous souhaite la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je m'appelle Maria Chaput, et je suis un sénateur du Manitoba. Je suis également présidente du comité. Je suis accompagnée de plusieurs autres membres du comité cet après-midi. J'inviterais mes collègues à se présenter.
Le sénateur Fraser : Je m'appelle Joan Fraser. Je suis une Montréalaise anglophone. Avant de siéger au Sénat, j'ai été journaliste pendant de nombreuses années ici à Montréal. Je suis heureuse de vous accueillir aujourd'hui.
Le sénateur Seidman : Bonjour. Je m'appelle Judith Seidman. Je suis une Montréalaise anglophone. Je siège au Sénat depuis un an et deux jours, et je suis impatiente d'entendre vos témoignages.
Le sénateur De Bané : Pierre De Bané. Avant d'être sénateur, j'ai siégé à la Chambre des communes. Je suis convaincu que nous sommes très choyés de vivre dans un pays où les deux langues officielles sont les deux plus utilisées du monde occidental auquel elles ont tant apporté. Que nous ayons ces deux langues au Canada est une bénédiction. Il ne faudrait jamais l'oublier.
La présidente : J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, qui est représentée par Debbie Horrocks, présidente, et David Birnbaum, directeur exécutif.
J'aimerais souhaiter aussi la bienvenue aux représentants de trois commissions scolaires de la région montréalaise : Carolyn Curiale, vice-présidente du Sir Wilfrid Laurier School Board; Angela Mancini, présidente du English Montréal School Board; Angela Nolet, vice-présidente du Lester B. Pearson School Board.
Le comité vous remercie d'avoir accepté de comparaître aujourd'hui. Vous êtes invitées à lire vos déclarations. Vous disposez de cinq minutes pour le faire, puis les membres du comité vous poseront des questions.
Debbie Horrocks, présidente, Quebec English School Boards Association : Bonjour, honorables sénateurs. La Quebec English School Boards Association est ravie d'avoir l'occasion d'aider le comité sénatorial à mieux saisir les enjeux auxquels est confrontée l'autre communauté de langue officielle en situation minoritaire.
Notre association et les commissions scolaires en faisant partie sont d'avis que les sénateurs, le Parlement du Canada et le gouvernement fédéral doivent absolument reconnaître que les anglophones du Québec et leurs écoles publiques ont des problèmes, des perspectives et une histoire qui leur sont propres.
Vous me permettrez de vous décrire sommairement notre rôle et notre vision du soutien apporté par le gouvernement fédéral à l'enseignement dans la langue de la minorité. Par la suite, les représentants des commissions scolaires English Montreal, Lester B. Pearson et Sir Wilfrid Laurier vous brosseront un tableau de leurs collectivités respectives.
Les neuf commissions scolaires de notre association comptent environ 110 000 étudiants répartis dans 340 établissements d'enseignement : écoles primaires, écoles secondaires et centres de formation professionnelle des adultes. Vous avez d'ailleurs déjà rencontré les représentants de certains de ces établissements lors de vos déplacements partout au Québec. Ces écoles sont synonymes de diversité. Elles vont de l'école rurale ne comptant qu'une seule classe à l'école secondaire en plein centre-ville. Elles ont en commun des caractéristiques communes : un enseignement en anglais offrant une perspective canadienne et parfois mondiale; les meilleurs programmes d'enseignement du français langue seconde; un taux de diplomation qui atteint déjà 80 p. 100 au secondaire, soit l'objectif établi par le ministère de l'Éducation pour 2020; enfin, un rôle essentiel et original de pierre angulaire dans leurs collectivités respectives.
L'éducation relève naturellement du gouvernement provincial. Par contre, notre système scolaire doit pouvoir compter sur la protection et l'appui essentiels du gouvernement fédéral. Contrairement à l'enseignement en français dans les communautés francophones minoritaires des autres provinces canadiennes, l'enseignement en anglais des communautés anglophones minoritaires du Québec se trouve toujours au coeur des tempêtes politiques. Les personnes qui siègent aux commissions scolaires anglophones du Québec sont les seuls élus qui rendent des comptes à une communauté linguistique en situation minoritaire. En matière de contrôle et de gestion de l'enseignement en anglais, les droits de nos commissions scolaires découlent de l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés.
Selon la QESBA, il est essentiel que votre comité comprenne que les anglophones du Québec constituent une communauté distincte. Nous avons été témoins des mesures prises par les gouvernements fédéraux successifs et, malheureusement, de celles du présent gouvernement en particulier. Ceux-ci semblent adopter une approche uniformisée dans le dossier des langues officielles au Canada, solution qui n'est pas dans notre intérêt.
Les communautés francophones des autres provinces continuent de faire face à d'énormes problèmes, mais nous affrontons également des difficultés qui nous sont propres, ce que le gouvernement fédéral doit reconnaître. Je vous donne des exemples. Prenons d'abord l'accès à l'enseignement en anglais. Ce qui nous déçoit profondément, c'est que la QESBA se heurte encore à l'attitude tenace du gouvernement provincial qui croit que chaque enfant fréquentant un établissement scolaire anglophone représente une perte pour le Québec francophone. Nous sommes toujours perçus comme le problème plutôt que comme une partie de la solution, et ce, malgré notre détermination à procurer à chacun de nos étudiants les outils lui permettant de demeurer au Québec et d'y aménager son avenir.
La QESBA souhaiterait rappeler au comité que notre déception s'est accrue lorsque le gouvernement fédéral a pris la décision aberrante de s'opposer à la position que nous avons adoptée en octobre 2009 devant la Cour suprême en ce qui concerne l'accès à l'enseignement en anglais.
Les ententes entre le Canada et le Québec, particulièrement celles en matière d'éducation ainsi qu'en matière de santé et de services sociaux, sont primordiales pour l'avenir de notre système scolaire et des collectivités qu'il sert. L'entente en matière d'éducation permet de financer une gamme d'activités pour appuyer notamment l'élaboration des programmes ainsi que la traduction et la rédaction de documents, le réseau en croissance des centres d'apprentissage communautaires — dont vous avez entendu parler hier soir — et les membres dévoués de l'équipe bureaucratique provinciale qui encadre l'enseignement dans la langue de la minorité.
L'entente en matière de santé et de services sociaux garantit un niveau d'accès aux services en anglais. Ces deux ententes ne sont pas parfaites, et mes collègues vous en souligneront certaines lacunes. Cela étant dit, on ne saurait insister suffisamment sur le fait que ces ententes devront être renouvelées et renforcées.
La QESBA se joint au cortège de Canadiens qui, sous l'égide de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada, s'opposent bec et ongles à la décision désastreuse du gouvernement fédéral d'éliminer la source de données essentielles à nos communautés. Le questionnaire détaillé permet d'établir les caractéristiques démographiques des diverses localités et les services nécessaires aux communautés linguistiques en situation minoritaire. Sans lui, il nous sera plus difficile de planifier et d'offrir des services à notre réseau d'écoles. Ainsi, le gouvernement fédéral pourrait plus facilement mettre de côté nos besoins et réduire les fonds accordés dans le cadre de ces ententes essentielles. On ne peut que se demander si tel n'est pas ce qu'il vise déjà.
La QESBA est très fière des services que nos commissions scolaires offrent dans les domaines de l'éducation et des services à la communauté. Elle espère et elle escompte que le gouvernement du Canada appuiera mieux leurs efforts à l'avenir. Merci de votre attention.
Angela Mancini, présidente, English Montréal School Board : Bonjour. Je suis très heureuse de pouvoir m'adresser au Comité sénatorial permanent des langues officielles à titre de présidente du English Montréal School Board. Il me paraît très opportun que vous entendiez les propos des commissions scolaires.
Lorsque le gouvernement fédéral a autorisé le Québec à répartir les commissions scolaires en fonction de critères linguistiques plutôt que religieux, nous ignorions à quoi nous attendre. La Commission scolaire English-Montréal a été ravie de constater que, trois ans après sa création, le nombre d'inscriptions est passé de 25 000 à 27 000. Malheureusement, notre gouvernement provincial en a pris ombrage et a adopté le projet de loi 104, qui modifiait la Loi 101 sur les droits linguistiques. Le nombre de nos étudiants a donc commencé à chuter. Il a tellement baissé qu'il s'établit actuellement à 21 310. Et cette diminution se poursuit.
La Cour suprême du Canada a statué que la Loi 101 était inconstitutionnelle. Malheureusement, elle a accordé au gouvernement du Québec une année pour adopter une nouvelle loi. Celui-ci a présenté le projet de loi 103 dont est saisie actuellement une commission parlementaire. Cette dernière mesure législative ne nous procure pas la marge de manoeuvre dont nous avons besoin pour nous épanouir.
Je n'irai pas par quatre chemins : le silence observé par le gouvernement fédéral à propos des droits des anglophones nous déçoit profondément. Nous partageons les sentiments de la QEBSA qui estime inacceptable la décision du gouvernement fédéral de s'opposer à la position que nous avions adoptée en octobre 2009 devant la Cour suprême sur l'accès à l'enseignement en anglais.
Le English Montréal School Board possède un vaste territoire dans le centre-est de Montréal, notamment dans de nombreux quartiers où les non-francophones constituent une partie importante de la minorité. La population y est extrêmement diversifiée, et bon nombre de nos écoles se trouvent dans des quartiers défavorisés. Notre territoire est essentiellement le même que celui de la plus importante commission scolaire du Québec, en l'occurrence la Commission scolaire de Montréal. Le taux de diplomation de nos écoles secondaires s'établit à 82 p. 100, c'est-à-dire qu'il est supérieur de 20 points à celui des écoles secondaires de la Commission scolaire de Montréal. La très vaste majorité de nos étudiants sont inscrits à des programmes d'immersion en français ou à des programmes bilingues, dont les cursus sont supérieurs à ce qui est exigé des programmes en français par l'actuel gouvernement.
Nous sommes aux prises avec des problèmes épineux lorsqu'il s'agit de fournir en anglais les services de santé et les services sociaux à nos étudiants à risque, particulièrement à Montréal-Est et au-delà du coeur du centre-ville. Dans ces quartiers, les services sont rarement offerts en anglais dans les domaines de la psychologie, de l'orthopédagogie, de la santé mentale et de la prévention de l'abus des drogues.
Lorsque le gouvernement fédéral a transféré au gouvernement provincial le dossier de la main-d'oeuvre, on a craint que les services offerts dans la langue de la minorité diminuent. La EMSB a relevé des problèmes à cet égard. Les diplômés de nos écoles professionnelles réussissent à se trouver un emploi, mais Emploi-Québec offre peu de services de soutien dans bien des régions.
Encore une fois, je salue la présence de votre comité dans notre ville aujourd'hui. Cependant, je voudrais vous faire valoir que nous avons besoin de l'aide du gouvernement fédéral. Je vous remercie de votre attention.
Angela Nolet, vice-présidente, Lester B. Pearson School Board : Merci. Le Lester B. Pearson School Board est une commission scolaire anglophone, dont le territoire s'étend de Verdun dans le sud et le centre de Montréal jusqu'à la frontière avec l'Ontario. Au cours de l'année scolaire 2009-2010, environ 24 000 étudiants se sont enregistrés dans nos 39 écoles élémentaires et nos 12 écoles secondaires. De plus, de 7 000 à 8 000 personnes ont fréquenté nos centres d'éducation des adultes et nos écoles professionnelles.
Notre commission scolaire a créé le Centre linguistique international qui est également doté d'une résidence pour étudiants. Le centre offre divers programmes linguistiques ainsi qu'un programme de prématernelle multilingue aux enfants de trois ou quatre ans. Il peut héberger un maximum de 100 étudiants venant de plus de 20 pays. Notre commission scolaire est responsable des quatre écoles des affaires sociales à Verdun, LaSalle, Pointe-Claire et Beaconsfield. Nous avons également un centre administratif, qui se trouve à Dorval.
Nous gérons un budget annuel de 220 millions de dollars et n'avons jamais accusé de déficit. Le gouvernement nous a pénalisés pour notre excellente gestion budgétaire en imposant des restrictions à notre surplus actuel de 7 millions de dollars. Ce surplus accumulé devait compenser la diminution des revenus prévue en raison d'une réduction des inscriptions, des inscriptions qui, pour des raisons évidentes, continueront de décroître au fil du temps.
Ce sont les mesures législatives contraignantes, c'est-à-dire les projets de loi 103 et 104, bien sûr, qui sont la source de nos problèmes. Ces mesures constituent une tentative flagrante de pénaliser et de marginaliser davantage la communauté anglophone et de renforcer les restrictions déjà étouffantes qui régissent l'accès aux écoles anglaises. En outre, elles empêchent de manière totalement injustifiée les commissions scolaires des écoles anglaises et, par conséquent, les communautés anglophones, d'avoir un avenir viable au Québec.
Le fait est que le Québec est davantage intéressé à brandir une prétendue idéologie au détriment de la population, qu'il s'agisse d'anglophones, de francophones ou de nouveaux immigrants, qu'à offrir à un plus large segment de la communauté une chance équitable d'être des citoyens productifs, capables de vivre, d'apprendre et de demeurer au Québec en étant des partenaires égaux au sein de la société.
Sachez que les écoles publiques anglaises du Québec respectent et favorisent déjà le français, et offrent des environnements propices à l'arrivée et à l'intégration dans la culture française. Il est bien évident que l'apprentissage du français est essentiel à la réussite au Québec, et les étudiants sortent de nos écoles forts d'une double culture, pouvant parler, lire et écrire dans au moins deux langues. Nous avons prouvé que nous pouvons enseigner le français langue seconde mieux que quiconque et permettre à ceux qui apprennent cette langue d'occuper une place productive dans la société québécoise.
Les écoles anglaises et les établissements qui les ont précédées ont toujours constitué un maillon important du système d'éducation du Québec. Elles ont toujours fait meilleure figure que la moyenne des écoles françaises au chapitre des taux de diplomation, de persévérance scolaire et de décrochage, et été des pionnières au chapitre des programmes, de l'innovation technologique, de la sensibilisation au reste du monde et de l'intégration des immigrants à la société québécoise.
En outre, les écoles anglaises du Québec ont toujours été à l'avant-garde de l'enseignement et de l'apprentissage des langues secondes; on leur doit d'ailleurs l'élaboration de programmes d'immersion en langue française de renommée internationale. Nous avons tant perfectionné l'enseignement du français au moyen de l'immersion que nous accueillons des gens qui arrivent de toutes les régions du monde pour suivre nos méthodes afin d'acquérir une deuxième langue. Nous employons un grands nombre de francophones au Québec, exigeant dans bien des cas une bonne maîtrise du français de la part des candidats.
L'éducation et les écoles constituent les fondations de la communauté, et nous continuerons de faire tout en notre pouvoir pour conserver notre doit constitutionnel à exploiter et à gérer notre propre système d'éducation. Or, il faut savoir que nous n'agissons pas isolément du reste de la société québécoise.
Nous avons toujours été des partenaires actifs des communautés scolaires anglaises du Québec et des commissions scolaires francophones, que ce soit sur l'île de Montréal ou ailleurs. Le Lester B. Pearson School Board fait partie du CRÉ de Montréal, du CRÉ Vallée-du-Haut-Saint-Laurent, du Forum des partenaires socioéconomique de Montréal et d'autres commissions scolaires de Montréal en ce qui concerne la gestion et l'administration. Nous échangeons des idées, des édifices, des programmes et du personnel, nous prêtant main forte autant que possible pour répondre aux urgences et aux besoins particuliers.
Nous sommes actifs au sein de nos collectivités, et de nombreux membres de notre communauté ont contribué à la réussite du Québec dans les domaines des affaires, de la santé, des affaires sociales, de l'éducation et de la vie communautaire et politique. Les commissions scolaires anglophones sont en fait les seuls représentants élus des communautés anglophones.
Dans l'avenir, la croissance tant démographique qu'économique du Québec dépendra de l'afflux de nouveaux Québécois d'origine étrangère. Nous pouvons encourager l'immigration et l'investissement en laissant ces nouveaux arrivants originaires des États-Unis, du Royaume-Uni, de l'Australie ou d'ailleurs s'établir au Québec en permanence. Nous voulons que ceux qui choisissent de l'installer au Québec non seulement pour travailler, mais aussi pour y établir des racines, y élever leurs familles et y investir dans l'avenir, deviennent des Québécois et des Canadiens.
Les communautés anglophones continueront de s'étioler, puisqu'on affecte les fonds en faisant fi de leurs besoins. Les institutions anglophones doivent pouvoir accéder directement à un financement adéquat, particulièrement dans le secteur de l'éducation. Nous sommes attachés à la cause de nos communautés au Québec et avons besoin d'aide financière pour aller au-devant de leurs besoins.
Les services en anglais se font rares, et il y a peu de préposés capables de répondre aux clients en anglais. Grâce au perfectionnement professionnel, nous pouvons offrir aux citoyens canadiens anglophones du Québec des occasions d'accéder aux services municipaux, provinciaux et sociaux, à Emploi-Québec, aux hôpitaux et aux résidences pour aînés. L'aide, le réseautage et le soutien, qui constituent des besoins fondamentaux, ont toutefois un prix. Et ce sont des facteurs déterminants de la survie même de nos communautés anglophones.
Carolyn Curiale, vice-présidente, Sir Wilfrid Laurier School Board : Le Sir Wilfrid Laurier School Board couvre un vaste territoire constitué de trois grandes régions administratives du Nord de Montréal : la ville de Laval, la région de Lanaudière et les Laurentides. La commission assimile donc les réalités de la banlieue, où la demande est élevée et où l'on jouit d'une qualité de vie supérieure à la proximité des grands centres, et celles des régions rurales et plus éloignées, où l'école anglaise est souvent le seul établissement qui peut donner un sentiment d'appartenance à une communauté.
Notre commission scolaire se démarque également par le fait que sa population, qui compte actuellement environ 15 000 élèves, connaît une croissance modérée et réclame de nouvelles écoles depuis quelques années et même encore aujourd'hui.
Le Sir Wilfrid Laurier School Board s'est fait un devoir de demeurer à l'écoute de sa communauté, tenant fréquemment des séances de réflexion sur des sujets d'intérêt et mettant en oeuvre des plans d'action élaborés par suite de ces consultations. Selon nous, ces démarches nous ont gardés en alerte, au fait des besoins actuels et prêts à adapter nos services aux nouvelles exigences du monde d'aujourd'hui. Par exemple, nous avons conçu un programme d'apprentissage accéléré à l'intention des élèves rapides qui ont besoin de relever des défis au secondaire. Nous avons noué des partenariats avec des entreprises et des sociétés pour appuyer un centre de prospection des carrières afin d'aider nos élèves à trouver ce qui les motive à rester à l'école et à poursuivre leurs études dans un domaine qui les intéresse et offre d'excellentes perspectives d'emploi dans nos trois régions.
Rompue dans l'art d'appuyer les cheminements pédagogiques inhabituels, notre commission scolaire recourt fréquemment aux services de LEARN, un important consortium sans but lucratif géré par des commissions scolaires et bénéficiant du soutien de l'Entente Canada-Québec. Le maintien de cette entente et le rôle que nous jouons au sein de l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec et d'autres commissions scolaires pour établir les priorités au chapitre du financement afin d'affecter les fonds que verse l'Association sont essentiels et nous permettent d'être à l'avant-garde des tendances pédagogiques et ainsi d'appuyer l'apprentissage des élèves.
Nous avons effectué plusieurs percées afin de doter nos écoles et nos centres des dernières technologies que l'on ne trouve souvent que dans le secteur privé. Nous avons reçu à cette fin le solide soutien de notre fondation, qui a versé, depuis son lancement en 2005, 315 000 dollars pour l'acquisition de projecteurs multimédias et de tableaux intelligents destinés à nos écoles, et divers projets mis en oeuvre pour combler les besoins exprimés par nos établissements.
Comme vous pouvez le constater, nous adoptons une approche fort dynamique et repérons les occasions que présentent les défis que nous devons relever. À l'extérieur des zones urbaines, nos familles ont de la difficulté à accéder aux services de soutien en anglais au sein de leurs collectivités. Imaginez ce que c'est que de vivre à Morin-Heights, à Lachute ou à Joliette et de se faire dire qu'il faut aller à Montréal pour consulter un travailleur social, un conseiller en toxicomanie ou un thérapeute quelconque pouvant s'exprimer en anglais. Il est déjà difficile de demander de l'aide dans ces situations délicates; l'absence de services dans sa propre langue rend ces démarches encore plus pénibles.
Nous voulons vous informer des besoins criants de la communauté anglophone, car c'est une réalité qui prend de plus en plus de place. Le manque d'accès aux services compromet les chances de réussite de notre population.
De nombreux services, dont l'éducation postsecondaire, sont difficilement accessibles dans notre territoire; les familles doivent donc se résoudre à laisser des jeunes de 17 ou 18 ans partir pour s'installer dans de grandes villes. Nous sommes convaincus que ces futurs jeunes adultes ont eux aussi le droit de bénéficier de services dans leur langue afin d'améliorer leur sort et de contribuer activement à la société.
Nous vous sommes gré de votre soutien et de votre compréhension à l'égard du portrait de nos communautés que nous avons dressé à votre intention aujourd'hui. Nous vous remercions de prendre le temps de nous écouter. Nous espérons qu'ensemble, fort de l'appui de nos autres partenaires et d'une connaissance accrue des besoins, nous pouvons créer un avenir meilleur.
La présidente : Merci.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'étais absente tout à l'heure quand vous avez commencé à nous parler de vos mémoires. Je suis le sénateur Fortin-Duplessis de la région de Québec. Je vis à Québec. J'ai été aussi député fédéral durant neuf ans. C'est avec plaisir que j'ai pu entendre vos mémoires.
Au niveau du formulaire du recensement, je voudrais vous dire que le formulaire long existe encore, mais la chose qui est différente, c'est que des poursuites, qui étaient envoyées aux gens qui refusaient de répondre, ont été abolies. C'est la seule chose.
David Birnbaum, Directeur général, Quebec English School Boards Association : Si on peut préciser, là où on peut se prononcer, c'est sur l'importance des données. On se fie aux experts. L'ancien chef statisticien, les universités et le gouverneur de la Banque du Canada ont dit, ce matin, que les données qui risquent d'être récoltées, par un recensement fait sur une base volontaire, n'est pas valable. On maintient notre désaveu.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous aimeriez qu'il y ait toujours des poursuites à l'endroit de ceux qui ne veulent pas répondre, c'est cela?
M. Birnbaum : Oui, et là on se fie aux autres experts, comme la commissaire aux droits de la personne, qui suggère qu'il n'y avait pas de plainte, que c'est une invasion aux droits de la personne de les inviter à remplir le formulaire de façon obligatoire. On maintient nos grandes objections à l'annulation du long formulaire obligatoire.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je retiens votre commentaire. Concernant le mémoire présenté concernant la Lester B. Pearson School Board, il est dit en la page 4.
[Traduction]
Les communautés anglophones continueront de s'étioler, puisqu'on affecte les fonds en faisant fi de leurs besoins.
[Français]
Comment pouvons-nous vous aider afin que les fonds soient distribués selon les besoins de la communauté?
Mme Nolet : Présentement, je comprends que les fonds vont directement à la province de Québec et que les anglophones, s'ils en reçoivent, ne savent jamais combien. Ce qui nous arrive présentement, c'est que même dans le développement professionnel, le gouvernement a retiré des fonds des commissions scolaires. Toutefois, le développement professionnel est absolument nécessaire pour qu'une commission scolaire existe, et c'est la vitalité de la commission scolaire qui est en jeu. Si on n'a pas de fonds pour exister, tout va éventuellement tomber.
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'espère qu'ils vont se raviser. C'était la seule question que j'avais à vous poser pour le moment, merci.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : Je veux poser une question sur la phrase suivante du même mémoire, où on peut lire en page 4 que les institutions anglophones doivent pouvoir accéder directement à un financement adéquat. Il me semble que cette mesure dépasse un peu celle que vous avez évoquée en répondant au sénateur Fortin-Duplessis. Vous avez alors plutôt donné l'impression de parler de responsabilisation, de stabilité, de transparence, de prévisibilité et tutti quanti, mais s'il est question de fonds « directement accessibles », il semble que nous nous engageons vers un débat constitutionnel. Est- ce que me trompe?
Mme Nolet : Pour exister, nous avons besoin d'argent pour nos communautés. Nous sommes les seuls représentants élus à défendre la communauté anglophone. Si nous ne pouvons communiquer avec la population ou si les personnes qui ont besoin de services ne savent pas où s'adresser, il faut pouvoir intervenir, et il y a des coûts. Le gouvernement du Québec n'accorde pour ainsi dire jamais d'argent à la communauté anglophone en disant directement qu'il s'agit d'un montant forfaitaire que nos commissions scolaires peuvent utiliser parce que nous parlons une langue minoritaire. Il ne procède pas ainsi, jamais. Il verse plutôt l'argent dans un grand fonds, où puise un peu tout le monde au Québec. Il semble que nous soyons pénalisés à tout coup.
Le sénateur Fraser : Seriez-vous rassuré si les ententes fédérales-provinciales en matière de financement comportaient des dispositions plus claires en ce qui concerne l'éducation en langue minoritaire?
Je crois que de telles dispositions existent maintenant dans certains programmes. Des négociations ont d'ailleurs débouché sur des programmes fort intéressants dont nous avons entendu parler cette semaine. Je crois toutefois que n'importe quel Québécois anglophone peut comprendre toute la frustration que vous éprouvez. Je tente seulement de voir comment vous pourriez parvenir à vos fins sans provoquer une lutte constitutionnelle dont tous sortiraient perdants.
Mme Nolet : Je n'en suis moi-même pas très sûre. J'ignore s'il est préférable que l'on demande au gouvernement du Québec de nous accorder officiellement un pourcentage du montant, que nous ayons accès à ces fonds sans restriction ou que le gouvernement fédéral retiennent peut-être une partie de la somme pour nous la remette ensuite parce que nous sommes un groupe patrimonial en situation minoritaire.
Le sénateur Fraser : C'est à d'autres politiciens que vous qu'il appartient d'en décider; vous voulez simplement qu'on règle la question.
Mme Horrocks : L'un des points qui préoccupent notre commission scolaire, c'est que le financement tend à être destiné à des initiatives en particulier. Chose certaine, l'argent fédéral que les commissions scolaires reçoivent est versé aux termes de l'Entente Canada-Québec. Mais nous souhaiterions que ces sommes soient maintenues ou bonifiées. Les commissions voudraient, je crois, que le financement soit moins ciblé. Elles ont toutes un fonctionnement et des points forts différents, et il en va de même pour les communautés qu'elles servent. Le financement ciblé nous laisse souvent pieds et mains liés.
Le sénateur Fraser : Vous voulez donc que le financement soit moins ciblé, mais plus élevé.
Mme Horrocks : Moins ciblé.
Le sénateur Fraser : Madame Mancini, vous avez parlé d'une baisse des inscriptions plutôt inquiétante. Je pense que c'est à Québec qu'on nous a dit qu'il y avait eu, au moins récemment, une légère augmentation du nombre d'élèves dans les écoles anglaises et que c'est le cas ici.
Mme Mancini : Seulement notre commission scolaire.
Le sénateur Fraser : Vous êtes la seule commission scolaire qui nous a parlé d'une baisse aussi importante et inquiétante sur une courte période. Dans quelle mesure peut-on attribuer la situation non pas aux dispositions législatives sur l'accès à l'école de langue anglaise, mais à ce que je crois être l'exode continu de bien des Québécois anglophones vers l'Ouest de Montréal?
Mme Mancini : Je pense que vous avez en partie raison. Les données démographiques montrent que l'exode ne se fait pas seulement vers l'Ouest de l'île, mais aussi vers Laval; mon collègue hérite donc de familles qui étaient auparavant dans notre territoire. Certaines des familles que nous desservions sont maintenant sous la juridiction de mon collègue. Nous recueillons des statistiques, parce que nous préparons le mémoire que nous devons produire la semaine prochaine. En raison de la Loi 104 et des nombreux allophones qui composent notre clientèle, il y a, depuis 2002, 5 000 élèves de moins inscrits dans les commissions scolaires de Montréal, et ce, uniquement au niveau primaire. Dans certaines écoles, la baisse est si marquée qu'on est passé de 500 ou 600 élèves, qui donnent des écoles très viables, à 200 élèves. Nous avons sans doute été les plus durement touchés, et c'est peut-être pourquoi on peut constater une telle baisse. Il ne fait aucun doute que la dénatalité est aussi un facteur.
De plus, en raison de la Loi 101, nous ne pouvons accueillir que les élèves dont les parents ont fréquenté l'école anglaise. Cela dit, avec le Lester B. Pearson School Board, nous avons probablement été les plus durement touchés, car les dispositions législatives sur la langue sont encore plus contraignantes pour nous, et nous avons connu des baisses particulièrement importantes au niveau primaire.
Le sénateur Fraser : Avez-vous pu recueillir des données probantes qui expliquent l'écart si important par rapport aux données actuelles, ou vos conclusions découlent-elles d'une interprétation des faits par la commission scolaire?
Mme Mancini : Nous avons des données.
Le sénateur Fraser : J'aimerais connaître les raisons de la baisse de la fréquentation des écoles anglaises.
Mme Mancini : Je pense que les écoles qui ont connu les plus importantes baisses des inscriptions étaient les plus fréquentées par les allophones se prévalant de leurs droits avant l'entrée en vigueur de la Loi 104. Nous avons ce genre de données, mais je ne sais pas si nous avons des détails sur la composition démographique de la clientèle. La Commission scolaire Lester-B.-Pearson et notre commission ont perdu environ 1 000 élèves par année. Cela représente environ 500 à 600 élèves pour nous, et 400 pour le Lester B. Pearson School Board depuis la mise en oeuvre de la Loi 104, en 2002.
Le sénateur Fraser : Nous aimerions analyser toutes les données que vous pourrez nous fournir. Je vous rappelle que nous sommes un comité du Parlement fédéral, et non de l'Assemblée nationale du Québec. Nous n'avons pas de droit de regard sur les champs de compétence des gouvernements provinciaux. Toutefois, vous nous permettez de mieux comprendre le contexte dans lequel nous ferons des recommandations, et certaines d'entre elles feront évidemment la promotion de la partie VII de la Charte canadienne des droits et libertés, qui concerne la vitalité des communautés. Tout ce que vous dites est pertinent, mais ne vous attendez pas à ce que nous changions les lois provinciales.
M Birnbaum : Nous comprenons, mais nous croyons que vous devez tenir compte d'un argument qui vous a été répété de toutes les façons cette semaine, à savoir que, dans la perspective unique au gouvernement fédéral, vous devez tenir compte du fait que les deux communautés linguistiques minoritaires ne sont pas identiques. Ces deux communautés collaborent et se respectent et s'admirent beaucoup, mais elles sont différentes à certains égards.
Nous avons constaté à plus d'une reprise que le gouvernement fédéral applique une politique unidimensionnelle concernant les langues officielles. Pourtant, nous vous parlons durant les audiences de deux différences très évidentes qui se manifestent quotidiennement. J'ai le plus grand respect pour les gens de la plus petite communauté francophone du Canada, mais ils n'ont pas à se préoccuper chaque jour d'être perçus par les pouvoirs en place comme une menace pour les intérêts de la communauté anglophone majoritaire de la province. C'est néanmoins le sort qui nous est réservé.
Ensuite, il semble que, peu importe le parti au pouvoir, le gouvernement fédéral soit aux prises avec des exigences politiques qui l'empêchent de s'exprimer librement au nom de cette communauté linguistique minoritaire, car certains obstacles et enjeux politiques ne concernent pas la situation précaire des francophones des autres provinces et des territoires du Canada.
Je pense que nous devons vous rappeler qu'il faut tenir compte de la réalité des anglophones du Québec dans l'élaboration des politiques fédérales et le financement des minorités linguistiques.
La présidente : Monsieur, sachez que notre comité s'est déplacé pour rencontrer les communautés anglophones du Québec parce que nous croyons qu'il faut faire quelque chose. Nous avons décidé de venir entendre vos témoignages. Malheureusement, vous avez raison dans une certaine mesure. Lorsque nous parlons des minorités de langue officielle, nous avons tendance à penser aux francophones hors Québec, mais nous ne semblons jamais réaliser qu'il y a aussi les communautés anglophones du Québec. Selon nous, il ne fait aucun doute que vous êtes différents et que vos besoins le sont aussi. Je tenais à le préciser.
Le sénateur Seidman : Merci de comparaître aujourd'hui. Votre témoignage est bouleversant, comme tout ce que nous avons entendu cette semaine. Nous avons beaucoup appris et, comme l'a dit la présidente, nous sommes ici parce que nous comprenons que les communautés anglophones du Québec sont différentes.
Pour dresser le bilan des discussions, vous avez tous parlé de « sentiment d'appartenance », de « communauté », de « survie » et « d'identité ». Nous avons notamment compris durant nos visites que les écoles sont plus que des établissements d'enseignement et qu'elles sont de véritables centres communautaires. Elles permettent aux gens de la communauté de se rassembler et elles leur donnent un sentiment d'appartenance. Les écoles aident les personnes vulnérables de la communauté. Ce sont bien plus que des écoles. Je pense que nous l'avons bien compris. Même si nous connaissions la situation, nous l'avons ressentie cette semaine lorsque nous avons parlé avec les gens de la Gaspésie et de la Basse-Côte-Nord. Nous avons compris bien des choses. On nous a parlé de poids politique, d'isolement et d'accès à l'éducation, aux services de santé et aux services sociaux.
J'imagine que vous disiez sensiblement la même chose à propos de financement adéquat. Nous connaissons la problématique des responsabilités provinciales et fédérales. Au cours de nos visites, on nous a aussi parlé de transparence et de reddition de comptes. Le gouvernement fédéral accorde des fonds aux provinces pour l'éducation. J'aimerais savoir ce que vous pensez de cette façon de faire. Comment pouvons-nous améliorer la transparence et la reddition de comptes? Personne ne sait vraiment comment l'argent est réparti. On ne présente pas de budget pour cela. Pourriez-vous nous dire si c'est à envisager?
M. Birnbaum : Nous ne savons pas comment les ententes sur la santé, les services sociaux, et cetera, dont nous profitons sont administrées, et nous ne pouvons parler que de l'entente sur l'éducation, car c'est celle que nous connaissons. Il convient de préciser qu'on a apporté d'importantes améliorations à la répartition des fonds. Un facteur essentiel à nos services d'éducation, c'est que nous avons un secteur qui nous est consacré au ministère de l'Éducation, des Loisirs et du Sport. Le sous-ministre et le personnel du Secteur des services à la communauté anglophone et des affaires autochtones participent de façon très active à la gestion de l'entente sur l'éducation.
Cela dit, il reste encore d'importants obstacles, comme la façon de consulter les gens et les délais, qui sont souvent irréalistes. Avec tout le respect que je vous dois, c'est souvent comme cela avec les gouvernements. On nous demande de faire des suggestions sur la façon d'allouer des fonds, et nous attendons de recevoir notre part pour un programme approuvé qui a déjà été réalisé. C'est le genre de difficultés bureaucratiques que nous connaissons, et les consultations sur les grandes priorités de l'Entente Canada-Québec sur l'éducation ne sont probablement pas assez transparentes.
Pour être juste, je dois toutefois dire que, dans le réseau, nous connaissons les programmes qui sont financés et nous y prenons part dans une certaine mesure. Par contre, le gouvernement québécois ne cessera évidemment jamais d'insister pour utiliser deux systèmes scolaires en parallèle, et une grande partie des fonds servent simplement à gérer ce mécanisme. Selon l'entente actuelle de cinq ans, je crois que la subvention accordée pour les programmes de langue minoritaire et de langue seconde, que nous connaissons plutôt bien, est de l'ordre de 265 millions de dollars. C'est bien mieux qu'avant, mais ce pourrait l'être encore davantage.
Le sénateur De Bané : Madame Horrocks, votre mémoire contient des acronymes et des abréviations à profusion, surtout à la page 3, mais je ne sais absolument pas ce qu'ils signifient. Auriez-vous l'amabilité de nous en envoyer un glossaire?
[Français]
Il y en a beaucoup : CLD, CDSV, CRE, CGTSIM...
[Traduction]
Je n'ai aucune idée de ce dont vous parlez.
[Français]
C'est une maladie à Ottawa, ils nous envoient des documents plein d'acronymes. Je me dis que c'est ce que les bureaucrates font, juste pour nous mêler.
[Traduction]
J'aimerais maintenant aborder une question importante. Au dernier paragraphe de la page 3, vous parlez des immigrants américains, britanniques et australiens. C'est précisément là que la Constitution de 1982 a fermé la porte en octroyant certains droits aux citoyens canadiens ayant poursuivi leurs études au Canada, ce qui veut dire que ceux qui sont originaires du Royaume-Uni, de l'Australie et des États-Unis n'y ont pas droit. C'était très déconcertant, car c'est le seul endroit dans le droit canadien où l'on fait une distinction entre les citoyens canadiens nés ici et ceux à qui la citoyenneté a été accordée plus tard.
Je comprends pourquoi vous en avez parlé, mais demandez-vous si c'est réalisable dans un proche avenir. Vous et moi étions là en 1982 et avons été témoins des bouleversements qui ont suivi. Il est certain que les dispositions de l'article 23 sur la langue ne reflètent pas ce que nous espérions, mais c'est ce qui a été établi.
J'aimerais terminer avec le Lester B. Pearson School Board. À mon avis, ce que vous dites au dernier paragraphe de la page 2 est tout à fait vrai :
Les écoles anglophones du Québec ont toujours obtenu de meilleurs résultats que la moyenne de toutes les écoles québécoises quant aux taux d'obtention de diplômes, aux taux de persévérance scolaire et aux faibles taux d'abandon.
Pourriez-vous s'il vous plaît nous fournir les données qui appuient cet énoncé? Ces résultats sont tout à votre honneur, et j'aimerais beaucoup avoir ces renseignements. Mes collègues et moi pourrions peut-être même les intégrer à notre rapport. C'est très important. Il y a un an, je me souviens que M. Parizeau avait dit que le taux d'abandon du système scolaire francophone était deux fois plus élevé que celui du système anglophone. J'aimerais avoir ces données.
Mme Nolet : Nous sommes capables de dispenser de la formation dans une langue seconde avec grande compétence, mais nous n'arrivons pas à le faire dans notre langue maternelle française. Les commissions scolaires francophones ne semblent pas utiliser la même méthodologie que les commissions scolaires anglophones pour enseigner le français en langue seconde aux immigrants et aux enfants qui viennent de différents pays.
Le sénateur De Bané : À la page 3 de votre mémoire, vous dites que les gens viennent de partout dans le monde pour apprendre vos méthodes; c'est extraordinaire. Pourriez-vous nous donner plus de détails? Ce serait très intéressant.
Mme Nolet : D'accord. Nous avons une école internationale, où nous accueillons continuellement des étudiants de la Chine, du Japon, de l'Australie — et de bien d'autres endroits.
Le sénateur De Bané : Très bien. J'ai une dernière question pour la représentante du English Montréal School Board. Madame Mancini, je suis membre de l'opposition au Sénat, alors je ne suis pas partisan du gouvernement. Toutefois, j'aimerais vous dire respectueusement que je ne suis pas d'accord avec ce qui se trouve à la page 2 :
Soyons francs : nous sommes très déçus du silence de notre gouvernement fédéral à l'égard des droits des anglophones. Tout comme l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec, nous croyons qu'il est inacceptable que le gouvernement fédéral ait décidé, en octobre 2009, de prendre position contre nous devant la Cour suprême du Canada au sujet de l'accès aux écoles anglophones.
Le gouvernement doit se fier à l'avis des avocats du ministère de la Justice lorsqu'il plaide devant la cour. Vous dites que vous êtes déçus qu'il n'ait pas adopté votre point de vue ou votre position, ce qui me rend mal à l'aise. La loi, c'est la loi. Lorsque la Cour suprême du Canada a statué que la discrimination contre les droits des gais et des lesbiennes était anticonstitutionnelle, le gouvernement a dû obéir, que cela ait plu ou non aux politiciens. C'est la loi.
M. Birnbaum : Permettez-moi d'intervenir. Nous avons soulevé ce point sur l'avis de notre conseiller juridique, qui a émis un argument juridique selon lequel le gouvernement fédéral n'avait pas rempli son obligation de défendre l'article 23 de la Constitution du Canada. Nous soutenons que, dans le cadre de cette question de droit, le procureur général du gouvernement fédéral a pris une décision d'ordre politique à la directive du Cabinet du premier ministre, qu'il a consulté à maintes reprises d'après nos informations. Le procureur général a tout simplement décidé de la façon dont il allait interpréter cette question d'ordre juridique, à savoir la portée de l'article 23 en ce qui a trait au droit à l'instruction dans la langue de la minorité. Dans ces conditions, nous avons fait connaître notre profond mécontentement et notre grande déception à l'endroit du gouvernement fédéral. De toute évidence, c'était une décision politique d'exagérer la compétence des provinces sur cette question de droit; à nos yeux, cela va à l'encontre de l'article 23, qui existe tant pour notre éducation que pour celle des minorités francophones au Canada.
Le sénateur De Bané : Je comprends, mais voyez-vous, monsieur Birnbaum, c'est justement le juge Lebel, de la ville de Québec, qui a parlé au nom de la Cour suprême du Canada.
[Français]
Il a annulé cette loi en vertu des arguments juridiques, qui lui ont été présentés.
[Traduction]
La Cour suprême du Canada s'est prononcée en votre faveur. Or, Mme Mancini se dit déçue que le Québec dispose d'un an pour proposer une disposition conforme à la Constitution. Voyons, c'est fondamental; on ne peut pas laisser de vide. La cour devait faire quelque chose; elle nous a donc dit que la disposition n'était pas acceptable et nous a donné un an pour proposer une meilleure disposition.
[Français]
Mme Mancini : Senateur De Bané, le problème ici au Québec a toujours été que, des fois, les lois sont interprétées d'une façon politique. On est toujours pris entre le fait qu'on doive se séparer comme une province ou non, et le gouvernement fédéral, souvent, va piétiner très prudemment lorsqu'il agit avec la province du Québec.
Le problème avec le fait qu'ils ont donné une année pour revoir le projet de loi, c'est qu'on se retrouve avec le projet de loi 103, qui est encore plus préjudiciable à nos communautés que ne l'était la loi 104. Cela va avoir pour effet qu'on aura des citoyens Québécois canadiens, qui vont se retrouver devant les cours. Ces parents veulent que leurs jeunes viennent dans nos écoles. Maintenant, on va avoir une loi qui va dire qu'on doit aller dans une école privée, non subventionnée, pendant trois ans, et quelqu'un dans un bureau quelque part va s'asseoir et va demander à ce parent de prouver pourquoi leur enfant doit aller dans une école anglophone. C'est complètement ridicule, mais c'est ce que la décision a fait pour les citoyens, qui ne sont pas seulement des Québécois, mais des Canadiens.
Nous sommes ici pour dire qu'il y a une responsabilité de soutien de la part du gouvernement fédéral, et nous, en tant que minorité au Québec, nous souffrons régulièrement. Nous avons des problèmes à obtenir des services à tous les niveaux et nos écoles vont continuer à fermer si nous ne recevons pas d'aide. Je ne sais pas si je m'explique bien
Le sénateur De Bané : Vous vous expliquez très bien. Je voudrais respectueusement vous exprimer que j'ai une opinion différente sur deux points que vous avez mentionnés : premièrement, la Cour suprême prend ses décisions sur une base politique; et deuxièmement, vous êtes étonnés que la Cour suprême ait donné au gouvernement du Québec un an pour arriver avec une autre loi. C'est en général la règle lorsque la Cour suprême annule une loi, parce qu'elle est anticonstitutionnelle, qu'elle n'est pas conforme à la Constitution. Elle donne un certain temps au parlement en question pour arriver à quelque chose qui tienne compte de cela. C'est la règle, voilà.
[Traduction]
Le sénateur Fraser : Je suis tout à fait d'accord pour dire que la Cour suprême du Canada est remarquablement connue pour savoir statuer sur les lois et interpréter les droits des Canadiens, y compris ceux qui concernent la langue, d'une façon habituellement large et généreuse — mais pas toujours. En règle générale, je crois toutefois que le gouvernement fédéral devrait s'abstenir dans les situations de ce genre s'il ne peut soutenir la minorité en question. Il devrait se taire. Lorsque le gouvernement fédéral prend position, il envoie un message politique même si la technicité juridique a servi de base à sa décision. Le simple fait que le gouvernement du Canada, avec tout son poids, choisisse de prendre parti contre une minorité, qu'elle soit linguistique ou autre, suffit à envoyer un message qui, la plupart du temps selon moi, est inutile et peut porter préjudice.
Cela étant dit, retournons aux affaires courantes. Madame Horrocks, vous avez dit, tout comme d'autres, que le taux de réussite des écoles anglophones est élevé et se situe déjà autour de 80 p. 100. Toutefois, on nous a dit que leur taux d'abandon avoisine les 30 à 40 p. 100. Pourriez-vous nous expliquer cela?
Mme Mancini : Tout à fait. Le taux d'obtention de diplôme moyen des neuf commissions scolaires dépasse 80 p. 100. Par contre, deux commissions scolaires éprouvent certaines difficultés — celle des Cantons de l'Est, bien sûr, avec laquelle vous avez probablement discuté hier à Sherbrooke, et peut-être celle de Eastern Shores.
La Quebec English School Boards Association représente neuf commissions scolaires qui, ensemble, ont un taux d'obtention de diplôme moyen supérieur à 80 p. 100. Nous sommes toutefois conscients que certaines commissions scolaires rencontrent des obstacles.
Le sénateur Fraser : À titre d'information, est-ce que ces chiffres tiennent compte uniquement des élèves qui commencent en première secondaire et qui poursuivent leurs études jusqu'en cinquième secondaire, ou est-ce qu'ils tiennent compte également de ceux qui quittent et qui reviennent quelques années plus tard?
Mme Mancini : Il s'agit de cohortes d'une durée de cinq ans.
M. Birnbaum : Ce pourrait être sept ans.
Le sénateur Fraser : Cela correspond à une participation scolaire sans interruption.
M. Birnbaum : C'est une façon intéressante de passer à la raison pour laquelle nous avons besoin de cette entente Canada-Québec. Vous parlez des taux de décrochage. J'ai un exemple bien précis à vous donner, et c'est une situation à laquelle deux de nos commissions scolaires font face depuis maintenant cinq ans. Leurs données sont manifestement faussées, et les raisons sont propres au secteur anglophone. Dans les commissions scolaires Western Québec et Eastern Shores, un grand nombre de parents et d'enfants vont s'installer dans la province voisine, au Nouveau-Brunswick ou en Ontario. Techniquement, ces enfants quittent l'école en deuxième, troisième ou quatrième secondaire, mais ils ne décrochent pas; ils fréquentent l'école dans une autre province. Nous tentons d'aller au fond des choses dans ce dossier, et ce sera finalement possible grâce à une petite somme d'argent provenant de l'Entente Canada-Québec sur l'éducation et à l'intervention du sous-ministre adjoint au ministère de l'Éducation du Québec. Nous utiliserons cet argent, qui autrement ne serait pas disponible, pour commander une étude crédible sur cette question qui nous est propre. C'est un bon exemple de la façon dont cette entente est essentielle pour nos activités.
Le sénateur Fraser : Vous avez mentionné M. La France, que nous avons entendu et dont nous avons beaucoup entendu parler, et je crois que c'est sous son égide que des comités consultatifs ont été créés et que les choses se sont organisées — en d'autres mots, une structure qui aide les écoles et les commissions scolaires anglophones et d'autres intervenants à participer pleinement. Êtes-vous satisfaite de cette structure?
Mme Horrocks : Absolument. Je crois que M. La France et son département ont fait des choses incroyables avec très peu de ressources. On a parlé de faire beaucoup de choses avec très peu de ressources; je suis convaincue que c'est une chose que vous avez entendue souvent au cours de vos déplacements. M. La France est un atout incroyable pour la communauté anglophone. Est-ce que nous pourrions faire mieux avec plus d'argent? Oui, j'en suis absolument certaine.
Le sénateur Seidman : J'aimerais poursuivre la discussion sur le décrochage et les statistiques entourant le décrochage, car il s'agit de deux problèmes majeurs. Même si nous avons été informés des statistiques hier dans le cadre des audiences du comité dans les Cantons de l'Est, c'est un enseignant qui assistait aux discussions qui m'a donné cette information. Peut-être pourriez-vous la confirmer. Selon cet enseignant, des élèves qui changent d'école sont considérés comme des décrocheurs. Si un élève change de province ou, même, de commission scolaire à l'intérieur de la province, même au Québec, plutôt que de simplement changer d'école à l'intérieur de sa commission scolaire, les données de cet élève sont perdues dans le système, car les statisticiens n'utilisent que des données d'ensemble. Ils ne suivent pas les individus, mais plutôt les nombres. C'est ce qu'on m'a dit. Donc forcément, ces statistiques sont tout simplement erronées.
Mme Horrocks : Je sais que lorsqu'un élève déménage dans une autre province, il est sans aucun doute considéré comme un décrocheur. Je ne savais pas... Je ne crois pas que ce soit un problème entre les commissions scolaires anglophones, mais peut-être, et j'ignore si c'est le cas, mais peut-être que lorsqu'il est question d'un élève qui passe d'une commission scolaire anglophone à une commission scolaire francophone, les voies de communication ne sont pas aussi ouvertes. Nous tenterons d'en savoir plus et nous vous informerons des résultats de nos recherches.
Le sénateur Seidman : Merci.
Nous avons parlé des problèmes politiques, et je respecte vos points de vue; je crois que c'est important de vous le dire. Nous avons beaucoup parlé des familles et des enfants, mais nous n'avons pas encore parlé des enseignants. J'aimerais vous poser une question sur les enseignants et leurs besoins. Sont-ils satisfaits de leur formation et de leur perfectionnement? Répond-on à leurs attentes en matière de formation et de développement continu une fois qu'ils sont dans le système?
Mme Horrocks : S'il est une chose dont nous sommes fiers dans le secteur anglophone, c'est la relation que nous entretenons avec nos enseignants. Nous sommes régulièrement en contact avec eux. Nous avons une convention collective distincte de celles du secteur francophone. Elle contient de nombreuses dispositions concernant le perfectionnement professionnel, mais je crois qu'on peut toujours faire mieux.
M. Birnbaum : Il est important de noter que, comme la QESBA, les enseignants sont intervenus devant la Cour suprême du Canada dans l'affaire du projet de loi 104. Ils ont agi de la sorte, car ils veulent clairement, comme nous, protéger l'avenir institutionnel de l'enseignement en anglais. Dans ce dossier important dont vous avez beaucoup entendu parler, nos enseignants nous appuient totalement.
Le sénateur De Bané : Nous avons entendu parler de plusieurs situations injustes envers la communauté anglophone. J'aimerais vous proposer une idée ou vous faire une suggestion que vous pourrez étudier, entre autres, avec vos conseillers et vos avocats. Pour le moment, notre Constitution prévoit des paiements de péréquation fiscale. C'est le gouvernement de St-Laurent qui a instauré ces paiements. Au cours de la première année, les paiements ont totalisé 30 millions de dollars. Évidemment, aujourd'hui on parle plutôt de dizaines de milliards de dollars. Les paiements de péréquation sont des transferts inconditionnels aux provinces bénéficiaires. Les provinces peuvent faire ce qu'elles veulent de cet argent. Elles peuvent même s'en servir pour ouvrir des ambassades.
Compte tenu de ce que nous avons entendu, et nous avons entendu parler de plusieurs choses inacceptables, je me demande si le gouvernement fédéral ne devrait pas consentir des fonds aux provinces bénéficiaires uniquement dans le cadre d'ententes conclues avec chacune qui décriraient en détail les thèmes et les raisons des projets visant leurs minorités. Je crois qu'il faudrait des ententes très détaillées, car nous avons entendu beaucoup de choses aujourd'hui au sujet des compétences provinciales. Et si le gouvernement fédéral accompagnait ses transferts de fonds aux provinces de détails précis sur la façon de dépenser une partie de cet argent? Il y a peut-être des avantages et des inconvénients à procéder de la sorte, mais je crois que les transferts sans condition ne sont pas une solution.
La présidente : Je vous remercie d'être venu témoigner aujourd'hui. Comme toujours, c'est très intéressant. Nous pourrions poursuivre encore longtemps, mais il faut lever la séance.
Ceci met fin à notre visite de cinq jours. Notre programme était très chargé et nous avons tenu des audiences et des séances à Québec, à Sherbrooke et à Montréal. Nous avons eu une occasion formidable d'entendre les témoignages de représentants de plusieurs organisations et de simples citoyens et de poser beaucoup de questions. Les membres du comité remercient tous les témoins et les participants qui ont contribué au succès de cette visite.
J'aimerais aussi remercier le Quebec Community Groups Network, sa présidente, Mme Linda Leith, et son équipe d'avoir facilité notre visite.
Nous retournons à Ottawa avec beaucoup d'information. Les membres du comité prendront le temps de réfléchir sur les discussions qui ont eu lieu, et nous discuterons des résultats de notre visite lors de notre première réunion cet automne. Je suis convaincue qu'il y en aura d'autres. Je vous invite tous à continuer de suivre les travaux du comité et à en apprendre davantage sur les prochaines étapes de cette étude et sur les études à venir.
Honorables sénateurs, merci beaucoup.
(La séance est levée.)