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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 18 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 21 mars 2011

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 16 h 22, pour faire une étude sur l'application de la Loi sur les langues officielles, ainsi que des règlements et instructions en découlant (sujet : L'enseignement dans la langue de la minorité).

Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue au Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je me présente, je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité.

Pour débuter, j'invite les membres du comité qui sont ici aujourd'hui à se présenter. J'aimerais commencer à mon extrême gauche.

Le sénateur Losier-Cool : Je suis Rose-Marie Losier-Cool, sénatrice du Nouveau-Brunswick, de Moncton, tout près de Dieppe.

Le sénateur Poulin : Bonjour et bienvenue au Sénat du Canada. Je suis Marie Poulin, je représente le Nord de l'Ontario, je viens plus précisément de Sudbury, en Ontario.

Le sénateur Robichaud : Bonjour, je suis Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Mockler : Je suis Percy Mockler, de Saint-Léonard, au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Rivard : Je suis Michel Rivard, je représente la circonscription des Laurentides, de la province de Québec.

La présidente : La section de common law française de la faculté de droit de l'Université d'Ottawa a encore une fois approché le Comité sénatorial permanent des langues officielles pour l'informer de l'intérêt d'un groupe d'étudiants de se familiariser encore plus avec le rôle du comité sénatorial par l'entremise d'un projet d'étude juridique et pratique.

Un cours intitulé De la théorie de la pratique, préparation d'un rapport à l'intention du Comité sénatorial permanent des langues officielles a été mis en branle cette année à la faculté de droit de l'Université d'Ottawa, sous la supervision du professeur Mark Power.

Ce cours permet aux étudiants de préparer un projet de recherche sur une question d'actualité ou un sujet intéressant le Comité sénatorial permanent des langues officielles et de venir présenter leurs conclusions devant le comité. Le but du cours est d'institutionnaliser l'expérience vécue par les étudiants de la même faculté l'an dernier.

L'an passé, ces derniers ont présenté devant le comité un projet de recherche portant sur la mise en œuvre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Le projet de recherche actuel, qui nous sera présenté aujourd'hui porte, sur les ententes bilatérales en matière d'enseignement dans la langue de la minorité.

Le comité désire en apprendre davantage sur ce projet et a le plaisir d'accueillir six étudiants de la section de la common law française de l'Université d'Ottawa à nous le présenter.

Avec nous cet après-midi, nous avons M. Éric LeBlanc, de Dieppe, Nouveau-Brunswick; Mme Darlène Lozis, d'Ottawa, Ontario; M. Joseph Morin, de Cornwall, Ontario; M. Albert Nolette, d'Edmonton, Alberta; M. André Poulin-Denis, de Saskatoon, Saskatchewan; et M. Daniel Wirz, de Winnipeg, Manitoba.

Bienvenue à vous tous. J'invite maintenant les étudiants à prendre la parole et les sénateurs suivront avec des questions.

Darlène Lozis, étudiante, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, honorables sénateurs, bonsoir. Mes collègues et moi sommes honorés d'être ici pour vous présenter notre rapport portant sur le financement de l'enseignement dans la langue de la minorité.

Tout d'abord, je commencerai par vous dire que notre présentation se fera uniquement en français. Je vous rappellerai que notre rapport cible essentiellement les niveaux primaire et secondaire et n'abordera ni le système éducationnel des universités ni celui de la petite enfance.

Honorables sénateurs, pendant la durée des ententes bilatérales, Patrimoine canadien verse presque 600 millions de dollars aux provinces et territoires pour financer l'éducation dans la langue de la minorité. Nul besoin de vous dire que cette somme est considérable et qu'elle aide les groupes minoritaires à assurer la survie de leur culture ainsi que l'enseignement à leurs descendants.

Toutefois, nous sommes scandalisés de constater que Patrimoine canadien ne sait pas où et comment les fonds alloués à ces provinces et territoires sont dépensés. Je dois rappeler que ce dysfonctionnement administratif existe depuis plusieurs décennies. Les ententes bilatérales de 2009-2013 arrivent à échéance sous peu. Nous chérissons l'espoir que vous donnerez suite à notre rapport en investiguant davantage sur ce dysfonctionnement administratif et en demandant des comptes aux personnes et entités concernées par ce dysfonctionnement.

Sans plus tarder, je cède la parole à mes collègues, Joseph Morin et André Poulin-Denis.

Joseph Morin, étudiant, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, plusieurs problèmes ont été soulevés dans notre rapport, mais la majorité se rapporte à l'absence d'imputabilité et au manque de transparence.

Ces problèmes découlent surtout du fait que les ententes interviennent entre Patrimoine canadien et les ministères de l'Éducation des provinces et territoires et non avec les conseils scolaires de la minorité.

Je vais discuter de trois choses : des exemples concrets de ces problèmes, d'autres études d'envergure qui arrivent aux mêmes conclusions que nous, et finalement, des problèmes en matière d'enseignement en immersion.

Premièrement, il y a lieu d'aborder les problèmes importants en Nouvelle-Écosse. En faisant référence aux fonds provenant de Patrimoine canadien et destiné à l'éducation en langue française dans la province, l'ancienne ministre de l'Éducation a déclaré qu'elle pouvait utiliser ces fonds comme bon lui semblait. Cette ministre a même affirmé avoir le droit de dépenser l'argent de Patrimoine canadien, qui est destiné aux Acadiens de la province, en contravention à l'entente.

Comme vous le voyez, le problème structurel est grave. La communauté acadienne a grandement besoin de ces fonds pour s'épanouir, mais aussi pour survivre. Puisque la commission scolaire n'est pas partie à l'entente, c'est la province qui décide de dépenser selon ses priorités et non celles de la communauté acadienne. De plus, Patrimoine canadien ne peut respecter ses obligations imposées par la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Les problèmes relevés en Nouvelle-Écosse surviennent ailleurs au pays, notamment au Yukon.

Entre 2005 et 2009, près de trois millions de dollars furent transférés de Patrimoine canadien au ministère de l'Éducation du Yukon. Toutefois, Patrimoine canadien ne sait pas si ces fonds ont été utilisés conformément à l'entente. Il existe aujourd'hui un litige devant les tribunaux opposant la commission scolaire au ministre de l'Éducation, et ce litige porte sur les mêmes problèmes relevés en Nouvelle-Écosse et par notre rapport.

La Cour suprême du Yukon partage les mêmes préoccupations évoquées dans notre rapport. Ces conclusions sont à l'effet que le ministère de l'Éducation contrevient aux ententes. Le ministère de l'Éducation utilise l'argent destiné à l'instruction en français pour plutôt financer l'instruction des anglophones. La commission scolaire du Yukon a vraiment besoin des fonds de Patrimoine canadien pour s'épanouir, mais aussi pour survivre face à l'assimilation. Il n'existe pas de mécanisme qui permette à la commission scolaire de faire valoir ses besoins ni d'assurer que le ministère de l'Éducation du Yukon dépense correctement les fonds. Puisque l'entente n'intervient pas entre Patrimoine canadien et la commission scolaire du Yukon, Patrimoine canadien ne réussit pas à répondre à ses besoins.

De plus, Patrimoine canadien a l'obligation de s'assurer que les fonds sont dépensés utilement, correctement, en respectant l'objectif de l'entente. Ce n'est malheureusement pas le cas en ce moment.

Le message important à se rappeler est le suivant : Patrimoine canadien ne réussit pas à appuyer l'éducation dans la langue de la minorité. Ce sont les communautés francophones et anglophones en situation minoritaire qui en souffrent. Patrimoine canadien ne peut accepter ces contraventions flagrantes de la part des ministères de l'Éducation. Patrimoine canadien doit agir. Il doit changer sa façon de faire. Ce sont les communautés de langue officielle qui souffrent de l'entêtement de Patrimoine canadien, qui refuse de transiger directement avec les bénéficiaires ultimes des fonds, les conseils scolaires.

N'attendons pas avant d'agir. C'est l'avenir de ces communautés qui est en jeu. En plus de ces exemples concrets, en Nouvelle-Écosse et au Yukon, plusieurs rapports d'envergure ont conclu, comme nous, qu'il existe des lacunes systémiques. Ces rapports confirment qu'il existe de sérieux problèmes de transparence et d'imputabilité.

Patrimoine canadien remet 600 millions de dollars aux provinces et aux territoires, 600 millions à des tiers, mais ne sait pas où et comment ces fonds sont dépensés.

Ces lacunes systémiques affectent aussi les programmes d'immersion. Plusieurs intervenants clés, dont Canadian Parents for French, ont critiqué l'approche inefficace de Patrimoine canadien et ont également demandé une réforme.

Malheureusement, Patrimoine canadien refuse d'agir.

André Poulin-Denis, étudiant, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : Madame la présidente, les 600 millions de dollars que Patrimoine canadien octroie en éducation au primaire et au secondaire dans la langue de la minorité sont importants pour les conseils, les commissions et les divisions scolaires. Cet argent permet d'offrir une éducation de qualité aux élèves de la minorité linguistique officielle, mais les modalités de remise de ces fonds doivent être repensées et améliorées pour corriger les lacunes systémiques. Les ententes présentement en vigueur viennent à échéance en 2013.

Les consultations reliées au renouvellement des ententes sont à la veille de débuter ou ont déjà débuté. Il n'y a aucune indication que les conseils et commissions scolaires seront consultés. Il reste donc du temps pour redresser la situation.

Notre rapport propose une recommandation. Cette recommandation est simple et elle relève du gros bon sens, c'est-à-dire que les futures ententes bilatérales en matière d'enseignement dans la langue de la minorité interviennent entre Patrimoine canadien et les conseils, les commissions et les divisions scolaires de la minorité.

Pourquoi cette recommandation? D'abord, Patrimoine canadien et plusieurs ministères fédéraux concluent déjà des ententes directement avec les communautés de langue officielle et ce, dans des domaines de compétence provinciale. Même la direction générale de Patrimoine canadien, qui est responsable des fonds en matière d'éducation, transige directement avec les communautés de langue officielle lorsqu'il s'agit de développement communautaire.

Ensuite, les conseils et les commissions scolaires sont les mieux placés pour négocier et pour mettre en œuvre des ententes en matière d'éducation primaire et secondaire parce que ce sont les conseils et les commissions scolaires qui sont les plus directement touchés par les ententes. Comme ce sont les conseils et les commissions scolaires de la minorité et non les ministères de l'Éducation ou Patrimoine canadien qui offrent des services d'éducation, ils sont aussi les plus sensibles aux besoins spécifiques et aux particularités de l'éducation dans la langue de la minorité officielle.

C'est le principe juridique de subsidiarité auquel nous faisons référence dans le rapport.

Enfin, Patrimoine canadien doit tenir compte des sommes qu'il dépense et il a une responsabilité administrative, politique, morale et juridique de s'assurer qu'elles ne servent pas à d'autres fins. Les ententes bilatérales actuelles n'incluent pas de mécanisme efficace pour assurer la reddition de compte ou pour garantir la transparence. Étant donné que les conseils et les commissions scolaires ont l'unique mission d'offrir des services éducatifs primaires et secondaires dans la langue de la minorité, et que cette mission est exclusive, notre recommandation réduirait l'utilisation de fonds publics à d'autres fins que celles prévues par Patrimoine canadien. Elle permettrait une meilleure imputabilité et favoriserait la transparence administrative et financière.

Soyons clairs. Rien n'empêche Patrimoine canadien et les commissions, les conseils scolaires de la minorité, de conclure des ententes du genre proposé. D'une part, le gouvernement fédéral finance l'éducation dans la langue de la minorité par son pouvoir de dépenser. Ce pouvoir lui permet aussi de conclure des ententes avec les commissions et les conseils scolaires. D'autre part, les conseils scolaires, en raison du statut constitutionnel particulier qu'ils possèdent, ont un droit de gestion qui leur permet de conclure des ententes avec le gouvernement fédéral.

Donc voilà les raisons qui sous-tendent notre recommandation que dès 2013, les prochaines ententes bilatérales interviennent entre Patrimoine canadien et les conseils, commissions et divisions scolaires de la minorité.

Mme Lozis : Nous vous remercions de l'attention portée à nos propos. Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.

La présidente : Merci beaucoup, madame, et merci, messieurs.

Le sénateur Losier-Cool : À mon tour, je vous souhaite la bienvenue et je vous félicite pour ce rapport. Combien de conseils scolaires en situation minoritaire pourrait-il y avoir au Canada?

Daniel Wirz, étudiant, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : Il y en a 31 à l'extérieur du Québec. Il y a neuf commissions scolaires anglophones au Québec. Ce qui est intéressant, c'est qu'il y a aussi deux organisations qui rassemblent tous ces conseils et commissions scolaires. Il y a la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et l'Association des commissions scolaires anglophones du Québec. Il serait possible que ces organisations puissent conclure des ententes-cadres un peu comme celles que le protocole d'entente a déjà conclues.

Le sénateur Losier-Cool : Nous avons rencontré des anglophones du Québec et je savais qu'il n'y avait pas tellement de consultations. Ils nous l'ont dit : la consultation manquait.

La Fédération des conseils scolaires francophones signe-t-elle des ententes avec Patrimoine canadien?

Albert Nolette, étudiant, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : Justement, c'est le problème que nous avons identifié. Les conseils scolaires, les divisions scolaires et les commissions scolaires sont absents du processus. Ils ne sont pas présents malgré le fait qu'ils sont les ultimes bénéficiaires des ententes. Les ententes sont conclues uniquement entre Patrimoine canadien, les provinces et les territoires.

Depuis plusieurs années, plusieurs intervenants dans le domaine de l'éducation et dans le domaine des langues officielles ont déploré ces faits. Notamment, il y a eu un rapport rédigé, en 1996, par la Commission nationale des parents francophones. En 1981, la Fédération des francophones hors Québec — qui est aujourd'hui la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada — a déploré le fait qu'ils sont absents du processus de négociation, et ce, malgré le fait que les conseils scolaires sont les plus sensibles aux particularités et aux besoins des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le sénateur Losier-Cool : Vous avez dit que c'était l'enseignement au niveau primaire et non pas secondaire.

M. Wirz : Primaire et secondaire.

Le sénateur Losier-Cool : Pourriez-vous nous donner un exemple d'une entente qui pourrait être signée avec Patrimoine canadien et un conseil scolaire? Avez-vous poussé votre recherche à ce point? Cela ne peut pas être dans un programme d'étude. Les curriculums relèvent des provinces. Est-ce qu'un conseil scolaire au Manitoba, en Saskatchewan ou en Nouvelle-Écosse, pourrait négocier directement avec Patrimoine canadien sur un certain programme?

Mme Lozis : Mon collègue, M. Morin, va vous répondre.

M. Morin : Plusieurs provinces, dans leur Loi sur l'éducation, ont prévu des stipulations qui permettent aux conseils scolaires de signer des ententes avec le gouvernement fédéral. Je suis certain que ces types d'ententes pourraient inclure un financement pour l'éducation en langue première et aussi pour l'éducation en immersion. C'est donc prévu dans la loi de certaines provinces que les conseils scolaires peuvent signer des ententes avec le gouvernement fédéral.

Est-ce que je réponds à votre question?

Le sénateur Losier-Cool : Oui, mais je vais aller un peu plus loin dans ma réflexion. Souvent, pour aider les personnes ou les élèves qui auraient de la difficulté, on embauche des moniteurs en langue seconde, on l'a fait souvent. Est-ce que Patrimoine canadien pourrait signer une entente directement avec un conseil scolaire? C'est ce que vous souhaiteriez? Une entente qui dirait qu'une somme X serait allouée pour des moniteurs dans ce conseil scolaire précis?

M. Morin : Dans les ententes actuelles, c'est divisé en plusieurs sections dont l'enseignement en langue première, l'enseignement en langue seconde et la composante des moniteurs comme vous le suggérez. Une de nos préoccupations est que tous ces enjeux sont dans la même entente. Nous voulons proposer qu'il y ait des ententes différentes puisque les enjeux sont différents. Une entente pour l'enseignement langue première, une entente pour l'enseignement de langue seconde pour qu'il y ait moins de problèmes de transparence, moins de manque d'imputabilité. Toutefois, il faut dire que les problèmes sont similaires, mais les enjeux différents, donc des ententes différentes. Nous croyons qu'elles pourraient remédier au problème.

La présidente : Vous venez de parler des trois volets qui consistent chacun en une somme d'argent. Lorsque le gouvernement fédéral remet l'argent à la province ou au territoire, remet-il une somme globale ou est-ce que les trois enveloppes sont précisées? Avez-vous trouvé de l'information à ce sujet?

M. Morin : Oui. Et si vous voulez consulter notre rapport, vous y retrouverez, aux annexes 1 et 2, des exemples d'ententes. Donc la première annexe, c'est le protocole d'entente entre Patrimoine canadien et le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada. Et ensuite, nous avons l'entente du Yukon. Donc, c'est prévu.

À l'article 7 du protocole, à la page 9, on peut voir que c'est très bien divisé, nous y voyons la langue de la minorité et langue seconde. Ce sont des montants différents qu'octroie Patrimoine canadien. Si vous consultez l'annexe du Yukon, vous allez voir le même type de tableaux.

La présidente : Merci. Je vais passer aux questions des autres sénateurs.

Le sénateur Rivard : J'ai été surpris d'entendre M. Morin lorsqu'il a donné l'exemple des Territoires du Nord-Ouest, du Yukon où l'argent est « détourné ». Au lieu d'aller directement aux conseils scolaires et aux commissions scolaires, il a servi à d'autres buts. Savez-vous si cela s'est passé à une seule reprise ou chaque année?

M. Morin : Pour souligner, c'est arrivé au Yukon et non pas aux Territoires du Nord-Ouest. Le litige entre la commission scolaire et le ministère de l'Éducation porte sur les mêmes conclusions que nous avons élaborées dans notre rapport. Il y a plusieurs éléments de preuve qui affirment que, premièrement, les conseils scolaires ne sont pas parties de l'entente et deuxièmement, il y a des exemples de réaffectation de fonds. Je suis certain que mon collègue André pourrait poursuivre la réponse.

M. Poulin-Denis : Je ne sais pas si vous avez accès à l'annexe 5, mais ce sont quelques pièces de correspondance qui ont été échangées dans le cadre de ce litige.

Si vous regardez la lettre du 30 janvier, vous pouvez voir la suggestion du ministère de l'Éducation du Yukon au sujet du plan de transfert, volet enseignement de la minorité en langue première en immersion. Vous pouvez voir que les transferts ont quand même eu lieu sur une période de quatre ans.

Comme on le souligne dans notre rapport, ces fonds sont très importants pour les commissions scolaires de la minorité. Nous croyons important que les commissions scolaires aient une place à la table afin de pouvoir faire valoir leurs besoins et les particularités de l'enseignement dans la langue de la minorité, et de prendre part aux discutions quant à la façon dont ces fonds sont dépensés par Patrimoine canadien.

Le sénateur Rivard : Lorsque la vérificatrice générale du Canada vérifie les subventions données par Patrimoine canadien, doit-elle vérifier si, effectivement, l'argent est affecté aux buts ou s'il s'agit là d'une question à être posée aux gens de Patrimoine canadien? Je ne peux pas leur poser la question, madame la présidente.

La présidente : Ni à moi.

Le sénateur Rivard : Lors de notre prochaine rencontre avec le ministre Moore, je lui demanderai s'il est au courant que l'argent ne va pas aux fins auxquelles il est dédié.

Le sénateur Robichaud : Vous avez donné deux exemples où il n'y avait aucune transparence et aucune imputabilité. Est-ce le cas pour toutes les ententes signées avec les différentes provinces? Il y a sûrement des endroits où on a fait preuve de transparence.

M. Morin : Les ententes qui interviennent entre Patrimoine canadien et les ministères de l'Éducation, comme on l'a mentionné au début, découlent du protocole d'entente que vous avez à l'annexe 1. Donc, elles sont toutes très semblables.

Que ce soit au Yukon, en Nouvelle-Écosse, au Québec ou en Ontario, elles sont très semblables. Elles comportent les mêmes lacunes qu'on a exposées dans notre rapport. Ce sont les ministères de l'Éducation qui prennent les décisions; il y a un manque de transparence, il n'y a pas une reddition de compte efficace. On a souligné la Nouvelle-Écosse et le Yukon, mais on ne sait pas s'il y a des problèmes dans d'autres provinces, dans d'autres territoires. Patrimoine canadien ne sait pas si ces fonds sont dépensés correctement. Les nouvelles ententes qui interviendraient entre Patrimoine canadien et les conseils scolaires permettraient une meilleure reddition de compte, une plus grande transparence et une meilleure imputabilité.

Le sénateur Robichaud : Vous avez parlé à Patrimoine canadien, je suppose?

M. Morin : On s'est basé sur des sources primaires disponibles au public. On n'a pas consulté Patrimoine canadien.

Mme Lozis : En fait, j'ai fait des démarches, au nom du groupe, auprès de Patrimoine canadien, mais on n'a pas pu obtenir de réponse. Vous savez, c'est de la bureaucratie et il est un peu difficile, parfois, de joindre quelqu'un au téléphone pour avoir un rendez-vous et discuter, surtout que nous sommes des étudiants.

Il y a un élément que j'aimerais ajouter — et qui est souligné dans le rapport —, c'est que le problème existe depuis longtemps. Il est donc important d'investiguer afin de voir où est la racine de ce problème et comment le régler. C'est ce qu'on souhaite pouvoir accomplir suite au dépôt de notre rapport.

Le sénateur Robichaud : À part les deux cas que vous avez mentionnés, est-ce que vous avez contacté des conseils scolaires dans différentes provinces afin de savoir quelle sorte d'intervention ils peuvent faire auprès de leur ministère pour être mieux représentés? Et pour savoir si les fonds sont dépensés pour les fins auxquelles on les accorde?

M. Wirz : Comme mon collègue l'a mentionné, on n'a pas fait d'entrevues, on s'est fondé sur des sources primaires facilement disponibles.

La présidente : Pouvez-vous définir ce que veut dire « sources primaires disponibles »?

M. Wirz : On a regardé des témoignages donnés devant ce comité et devant le comité de la Chambre des communes, on a regardé des articles de journaux, des débats dans des assemblées législatives provinciales. On sait que les représentants de différents conseils scolaires sont déjà venus devant les comités pour témoigner du fait qu'ils n'étaient pas consultés et que c'était un problème. On a noté cela aux paragraphes 33 à 36 de notre rapport, à la page 10. On peut voir que des représentants de la Fédération nationale des conseils scolaires s'indignent du fait que les choses sont vraiment faites à l'insu des conseils scolaires, malgré le rôle important qu'ils jouent.

On a une chance de changer les choses d'ici 2013, pour faire en sorte que les ententes interviennent entre Patrimoine canadien et les conseils scolaires, afin que ces derniers puissent avoir leur mot à dire.

Le sénateur Robichaud : Les nouvelles ententes arrivent quand?

La présidente : En 2013.

Le sénateur Robichaud : En 2013, c'est bientôt si on veut commencer à négocier. Est-ce que vous avez eu connaissance qu'à un moment donné, Patrimoine canadien a commencé à négocier et voudrait mettre en place les recommandations de votre rapport?

M. Morin : Les négociations se feraient entre Patrimoine canadien et les ministères de l'Éducation des provinces et des territoires. Comme on le suggère dans notre rapport, c'est un processus qui est très discret. On ne sait pas si les consultations se font activement. Si les consultations sont effectuées, on ne sait pas si elles sont efficaces. Donc 2013, oui, c'est très proche, mais cela fait 40 ans qu'il y a des problèmes. Plusieurs intervenants de plusieurs organisations ont comparu devant ce comité et devant le Comité des langues officielles de la Chambre des communes pour suggérer des modifications aux ententes, c'est-à-dire avoir plus de place pour les conseils scolaires et de meilleures clauses de reddition de compte. Nous, c'est différent. On veut que les conseils scolaires concluent les ententes avec Patrimoine canadien. Nous croyons que c'est la seule façon d'assurer que les fonds soient distribués et dépensés correctement pour les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Le sénateur Robichaud : Merci.

Le sénateur Losier-Cool : Quand on va renégocier les ententes, est-ce qu'on ne pourrait pas inclure une sanction? Si on adopte votre recommandation, on négocie directement avec les conseils scolaires. On se fie que les conseils scolaires ont la meilleure volonté du monde, mais si, à un moment donné, un conseil scolaire dit : « J'ai besoin de tant d'argent pour réparer les toits de toutes les écoles de mon district » — comme c'est le cas de la Nouvelle-Écosse —, est-ce qu'on peut prévoir une sanction lorsqu'on préparera une nouvelle entente?

M. Morin : Si vous voulez consulter l'annexe 2 du Yukon, il n'y a pas de numéro de page, mais à l'article 16, c'est « Manquement aux engagements et recours », donc c'est déjà prévu, sauf que la sanction est que Patrimoine canadien arrête de transférer les fonds. Ce n'est vraiment pas cela qu'on veut parce que les communautés de langue officielle en situation minoritaire ont besoin de ces fonds pour créer les programmes d'éducation. Ce n'est pas vraiment la méthode qu'on veut. On ne veut pas qu'ils arrêtent les paiements, cela ne serait pas la bonne chose à faire.

M. Poulin-Denis : Si notre recommandation est retenue, l'unique mission des conseils scolaires et des commissions scolaires est de fournir une éducation dans la langue de la minorité. Alors c'est sûr qu'ils ne peuvent pas dépenser les fonds pour autre chose. Aussi, les conseils et les commissions scolaires doivent rendre des comptes annuellement au ministère de l'Éducation de leur province et territoire respectif. Il y a quand même un certain niveau de reddition de compte qui est exercé sur eux. Cela assurerait quand même une certaine surveillance, une triple surveillance si vous voulez, parce que les commissions scolaires doivent quand même présenter leur rapport annuel, une vérification comptable dans le fond. Ce serait une surveillance de la part de Patrimoine canadien. Elle serait présentée au ministère de l'Éducation, mais évidemment, j'imagine qu'elle serait accessible à Patrimoine canadien.

Le sénateur Robichaud : Vous dites qu'on ne devrait pas arrêter les fonds, mais si les fonds sont utilisés à d'autres fins que le but premier de l'entente, est-ce qu'on ne devrait pas arrêter pour leur dire qu'ils ne sont pas utilisées comme il se doit?

Mme Lozis : Ce n'est pas bien de faire payer le groupe minoritaire qui a besoin de ce fond. Il devrait y avoir, à mon humble avis, une façon que Patrimoine canadien pousse les conseils scolaires à rendre des comptes parce qu'on ne peut pas tout simplement faire payer la mauvaise gestion d'une entité à tout un groupe qui a besoin de cet argent pour survivre à l'assimilation et assurer la survivance de sa culture. L'idée est que Patrimoine canadien puisse développer des outils appropriés pour justement retracer l'argent et voir à quelles fins il est utilisé.

M. Wirz : Selon nous, l'argent sert à d'autres fins parce que ce sont d'autres entités que les conseils scolaires qui le gèrent. C'est l'éducation dans la langue de la minorité qui préoccupe les conseils scolaires de la minorité. Les problèmes actuels sont là parce que c'est la majorité qui ne peut pas comprendre les problèmes de la minorité qui gère l'argent.

L'idée que la majorité ait de la misère à comprendre les préoccupations de la minorité, c'est le fondement même de la gestion scolaire. Cela a été reconnu dès 1990 dans l'arrêt Mahé. Notre proposition aurait pour impact de réduire le montant d'argent utilisé à d'autres fins. C'est pour cela qu'on ne retient pas d'autres recommandations que celle de faire en sorte que, dès 2013, des ententes interviennent directement avec les conseils scolaires de la minorité pour que les sommes d'argent qui sont tellement importantes se rende aux fins pour lesquelles elles sont prévues.

Le sénateur Poulin : J'aimerais vous féliciter. On peut voir, par les réponses aux questions qui sont soulevées et par le rapport lui-même, que vous avez apporté énormément de sérieux et de rigueur à votre recherche.

J'aimerais prendre un petit recul et vous demander ce qui vous a amenés à choisir ce sujet?

M. Morin : C'est une bonne question. Je peux y répondre. L'an dernier, un groupe d'étudiants sont venus proposer leurs idées au sujet de la Loi sur les langues officielles et nous avons décidé que nous devrions aussi faire un projet. Par les rumeurs et des rapports qu'on avait lus, nous savions qu'il y avait un grave problème entre Patrimoine canadien et les conseils scolaires. Nous nous sommes dit que nous ne pouvions pas passer à côté de cela puisque nous sommes tous des francophones au Canada en situation minoritaire. Cela nous a interpellés. Nous avons estimé que notre rapport pouvait mener à quelque chose. Ce n'est pas un rapport qu'on va donner à notre professeur et sur lequel il va nous donner un A ou un B. Nous espérons que le rapport va nous mener à quelque chose.

Le sénateur Poulin : Lorsque vous avez parlé d'un A ou un B, j'ai remarqué que le professeur Power a souri d'une façon très spéciale.

M. Morin : Je suis certain qu'il y en a d'autres qui veulent ajouter quelque chose à savoir pourquoi ils ont choisi le sujet.

Mme Lozis : Comme vous pouvez le constater, on vient de différents coins du Canada. Moi, je n'étais pas au courant personnellement de la première équipe qui a fait une présentation au Sénat. En tant que personne doublement minoritaire, il me semblait que c'était très important d'embrasser cette cause-là et que l'on comprenne cette problématique pour pouvoir, en fait, remettre à la communauté ce qu'elle nous a donné. Si à partir de notre travail, on pouvait changer les choses, ce serait un gros plus pour nous tous parce que les groupes minoritaires ont besoin d'appui pour pouvoir sauvegarder leur culture. Ils ne peuvent le faire qu'à partir d'une certaine compréhension de ce qui se passe dans le milieu.

Le sénateur Poulin : Votre prémisse de départ est extrêmement importante concernant ces fonds pour l'épanouissement de la langue et l'apprentissage de la langue. Vous avez tout à fait raison.

Vous avez parlé de votre méthodologie et vous avez parlé de sources primaires. Avez-vous utilisé d'autres méthodologies de recherche?

M. Nolette : Nous avons fait un examen de toute documentation à caractère public provenant de Patrimoine canadien. Nous avons pu étudier les ententes et les protocoles d'entente en détail. Il y a certaines lacunes qui sont très évidentes dans les ententes. Je vous réfère au paragraphe 25 de notre mémoire, à la page 7, où la disposition 9.4 dit que chaque gouvernement provincial ou territorial accepte également, lorsque cela est jugé nécessaire, de consulter les associations et groupes intéressés.

Déjà, nous observons, selon plusieurs témoignages qui ont eu lieu devant ce comité et le Comité sur les langues officielles de la Chambre des communes, que lorsque cela est jugé nécessaire, la consultation ne dure souvent qu'une demi-heure ou pas du tout. Cela figure parmi les grandes lacunes. Nous avons donc étudié les ententes en profondeur.

Le sénateur Poulin : J'ai une question concernant les ententes. Vous avez mentionné que vous n'aviez pas rencontré directement les représentants du ministère Patrimoine canadien, mais avez-vous eu des discussions avec le secrétariat du Conseil privé qui est responsable de toutes les ententes entre le gouvernement fédéral et les provinces?

Mme Lozis : Non, malheureusement; d'où l'importance de cette présentation que nous faisons maintenant parce que nous sommes convaincus que vous avez les ressources nécessaires et les outils pour amener ce rapport plus loin. Nous sommes limités par le temps et par les outils qui nous sont disponibles. Nous espérons donc que vous pourrez porter cela plus loin et que vous obtiendrez ces réponses que nous n'avons pu obtenir.

Le sénateur Poulin : J'ai une dernière question complémentaire faisant suite à d'autres questions qui ont été posées par mes collègues.

Parmi vos recommandations au comité, vous faites une recommandation pour essayer de régler un problème que vous avez identifié. Vous avez identifié un problème de dysfonctionnement administratif et vous avez identifié un problème de manque d'imputabilité et de transparence. Est-ce que vous avez étudié d'autres options possibles pour essayer de régler le problème?

Ce que vous recommandez, c'est un changement de communication d'intervenants. Est-ce qu'il y a d'autres options ne figurant pas au rapport que vous avez étudiées avant de faire cette recommandation?

M. Nolette : Oui. Au sein de Patrimoine canadien même, il existe des ententes dans lesquelles le ministère de Patrimoine canadien intervient et conclut des ententes directement avec la communauté. Je vous réfère aux ententes Canada-communautés. Il existe également d'autres exemples de cela dans le domaine de la santé; Santé Canada conclut des ententes directement avec les communautés linguistiques en situation minoritaire pour offrir des services et également dans le domaine du développement économique où plusieurs ministères, tels Industrie Canada, Ressources humaines et Développement des compétences Canada qui concluent des ententes pour transférer des fonds directement aux organismes de la minorité. Ceci assure que les fonds sont dépensés le plus efficacement possible et cela assure davantage de transparence. Il ne s'agit pas exactement d'inventer une nouvelle solution, mais de mettre en œuvre des pratiques qui existent déjà.

Le sénateur Poulin : Est-ce que ces pratiques figurent déjà dans votre rapport?

M. Nolette : Oui, c'est à la section 4 de notre rapport, à partir de la page 24.

M. Poulin-Denis : Nous avons retenu cette recommandation puisque les ententes existent depuis les années 1970. Et presque depuis le début des ententes, les conseils, les commissions et les représentants communautaires ont identifié des problèmes. Ces ententes ont passé par neuf différents gouvernements, et il y a eu 22 différents ministres qui ont eu la charge de ce dossier. Malgré le fait que, pendant ces 40 ans, il y a eu certains changements aux ententes, comme par exemple l'ajout de clauses de consultation, les effets escomptés ne sont pas suffisants. On peut le voir avec notre exemple concernant le Yukon; le litige au Yukon qui pose le même problème, à la base. Le litige au Yukon, à notre avis, ressort de la problématique que nous avons identifiée. Les conseils scolaires, les commissions scolaires et les représentants ne font pas partie des ententes. Ces fonds, comme on l'a mentionné, sont très importants pour les conseils scolaires et les commissions scolaires. C'est pour cela qu'il est important, aussitôt que possible, dès 2013 pour les nouvelles ententes, qu'on puisse tenter de les inclure; que les ententes interviennent entre Patrimoine canadien et les conseils scolaires.

Le sénateur Poulin : Avez-vous l'intention de soumettre votre rapport au ministre du Patrimoine canadien?

Mme Lozis : On en discutera avec notre professeur.

Le sénateur Losier-Cool : Et au commissaire aux langues officielles aussi?

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je vous demande d'excuser mon retard parce qu'aujourd'hui il y a beaucoup de comités qui siègent en même temps et j'étais au Comité des affaires étrangères.

Je tiens aussi à vous féliciter pour le travail que vous avez accompli. Je n'ai pas eu le temps de le lire, mais j'y ai jeté un coup d'œil. Le comité s'est déplacé à Québec afin de connaître la situation des anglophones à Québec et la situation là-bas n'est vraiment pas facile.

Lors des audiences, j'ai demandé au ministre du Patrimoine canadien quelles sommes étaient allouées aux transferts pour l'éducation. Il a répondu facilement à la question, mais quand nous sommes arrivés à Québec et que nous avons invité des sous-ministres à venir témoigner, on n'a jamais pu savoir de quelle façon les fonds étaient administrés.

Une seule personne s'est présentée parmi toutes les invitations qui avaient été faites. Est-ce qu'on peut me donner le nombre de sous-ministres qui ont été invités et dans quels ministères?

La présidente : Je ne me souviens pas, mais une seule personne a accepté notre invitation.

Le sénateur Fortin-Duplessis : On en avait invité plusieurs. Il y a eu plusieurs refus mais on n'a eu qu'une seule personne qui, soit dit en passant, était excellente. Mais on n'a jamais pu savoir de quelle façon les fonds étaient administrés.

Ce n'est que dans les ententes pour le développement économique qu'il a été possible de le savoir et vous l'avez d'ailleurs mentionné dans votre rapport. Pour ce qui est du domaine du développement économique communautaire, même si c'est de juridiction provinciale, il y a des transferts de fonds qui se font du gouvernement fédéral vers ces organismes.

Dans vos recommandations, vous suggérez que les gens soient imputables et que quand viendra le renouvellement des ententes, il faudra peut-être que le gouvernement regarde à deux fois. C'est difficile parce que dès qu'on touche aux compétences provinciales — et c'est le cas avec les communautés en situation minoritaire —, c'est toujours le même problème. C'est très difficile de savoir qu'est-ce qui se passe parce que si le ministre Moore insiste, insiste et insiste, les autres vont croire qu'il veut s'infiltrer dans un domaine de juridiction provinciale.

Ce n'était pas nécessairement une question que j'avais à vous poser, mais je crois que vous avez bien préparé le mémoire que vous venez de déposer. Et comme l'a mentionné le sénateur Marie Poulin tout à l'heure, j'espère que vous allez envoyer votre rapport au ministre Moore. C'est important. Le travail que vous avez fait ne doit pas rester lettre morte. Il faut qu'il y ait une suite à votre rapport qui contient d'excellentes recommandations.

On voit que vous avez poussé à fond le sujet et que vous avez très bien travaillé. Je crois que votre rapport mérite de se rendre au bureau du ministre et que ce dernier en prenne connaissance. Vous avez soulevé des questions drôlement importantes et encore une fois, je vous félicite.

La présidente : J'ai une question complémentaire aux commentaires du sénateur Fortin-Duplessis. Puisqu'il faut examiner la situation des deux côtés, je me ferai un peu l'avocat du diable. Croyez-vous que vos recommandations respectent le partage des compétences entre le gouvernement fédéral et les provinces?

M. Wirz : Selon nous, oui, et pour plusieurs raisons. Tout d'abord, il y a Patrimoine canadien verse des fonds selon le pouvoir de dépenser et selon la partie VII. Il y a aussi la situation des commissions scolaires et l'éducation dans la langue de la minorité, ce qui est tout à fait particulier.

Nous savons que l'article 23 accorde un pouvoir de gestion scolaire et ce qui est intéressant de savoir, c'est que dès 1990 la Cour suprême du Canada a conclu que, et je cite :

[...] les représentants de la minorité linguistique devraient avoir le pouvoir exclusif de prendre des décisions concernant l'instruction dans sa langue et les établissements où elle est dispensée, notamment [...]

Ensuite il y a cinq points, dont le cinquième :

[...] la conclusion d'accords pour l'enseignement et les services dispensés aux élèves de la minorité linguistique.

À notre avis, nos recommandations respectent le partage des compétences. De plus, les lois scolaires de plusieurs provinces et de plusieurs territoires permettent expressément aux conseils scolaires de conclure des ententes avec le gouvernement fédéral. Par exemple, en Saskatchewan, la Loi de 1995 sur l'éducation prévoit que le conseil scolaire peut conclure des accords à toutes fins jugées nécessaires et avantageuses pour la qualité et l'efficacité des services d'éducation de la division scolaire francophone, notamment avec le gouvernement du Canada ou ses organismes. Tous ces passages sont cités à la page 21 de notre rapport.

La présidente : C'était une excellente réponse. Je vous remercie.

Le sénateur Mockler : J'aimerais ajouter à ce qui a été dit par les autres sénateurs. J'aimerais vous féliciter. Il s'agit là d'un pas dans la bonne direction. Cependant, il nous reste un long parcours à compléter si on veut sensibiliser tout l'appareil gouvernemental.

Vous avez sans doute pris connaissance de la Feuille de route pour la dualité linguistique canadienne 2008-2013. Il ne fait aucun doute que vous avez vraisemblablement entamé ce que vous nous avez présenté en tenant compte de cette feuille de route 2008-2013, parce que c'est une première et que c'est sans précédent dans celle-ci aussi.

Lorsque j'étais ministre au Nouveau-Brunswick, je me souviens qu'on a eu une augmentation du budget de 1,1 milliard de dollars sous le présent gouvernement. C'est encore du jamais vu lorsqu'on regarde le processus de budgétisation. Il y a eu des gens qui sont venus parler des mécanismes et je suis content d'entendre que vous avez continuez à suivre de très près les personnes qui viennent témoigner au comité des langues officielles pour discuter de ce que vous avez soulevé et qui doit faire l'objet d'un suivi.

Par contre, lorsqu'on parle d'imputabilité et de transparence, je suis d'accord avec vous. Je crois que si les jeunes Canadiens et Canadiennes veulent faire partie du leadership de demain, ils voudront sans doute une imputabilité qu'ils peuvent comptabiliser et une transparence claire et précise.

Cela étant dit, lorsque je regarde les 14 différents ministères ou corporations telles que l'APECA au Nouveau-Brunswick, Développement économique Canada pour les régions du Québec et FedNor, Ontario, que ce soit dans le domaine de la santé, de l'immigration, de l'éducation postsecondaire, de la justice, il y a aussi un autre mécanisme très important pour le développement de nos communautés. Ce sont les centres de recherche et de développement.

Ce qui me chatouille un peu, venant du Nouveau-Brunswick, c'est qu'il y a environ six semaines, durant la période de consultations budgétaires à laquelle j'ai participé, j'ai posé la question aux fonctionnaires. Je leur ai demandé si, dans la feuille de route, ils étaient satisfaits du mécanisme d'imputabilité et de transparence. Ils m'ont dit qu'ils étaient satisfaits et m'ont donné des exemples typiques comme celui du dossier Santé en français.

Ma question est la suivante : avez-vous l'intention de compléter ce que vous nous présentez en consultant les autres gouvernements provinciaux et territoriaux pour vous faire donner un compte-rendu de leur transparence et de leur imputabilité vis-à-vis le gouvernement fédéral?

Mme Lozis : On aurait bien aimé pouvoir le faire, mais ce projet de recherche s'inscrit dans le cadre d'un cours. Cette session, en fait, marque la fin de ce long trajet. Nous sommes tous très impressionnés par ce qu'on a vu et par ce qu'on peut faire. Et s'il était possible de poursuivre la recherche et de consulter les provinces, mes collègues seront d'accord avec moi pour dire qu'on le ferait.

M. Wirz : La question d'imputabilité des provinces est, en partie, la raison pour laquelle nous voulons que les ententes interviennent directement avec les conseils scolaires des minorités. On veut minimiser le nombre de paliers administratifs par lesquels les fonds transitent. Ainsi, il sera plus facile de voir les comptes, de savoir comment l'argent se rend du point A au point B, si l'argent ne transite pas par les points C, F, Z ou Y. C'est pourquoi nous croyons que les ententes devraient intervenir aussitôt que possible, donc dès 2013, directement entre Patrimoine canadien et les conseils scolaires des minorités.

Le sénateur Mockler : Je ne veux certainement pas faire des commentaires sur ce que vous nous avez présenté. Je regarde votre recommandation et elle est très étoffée. Je ne veux certainement pas mettre dans l'ombre ce que vous nous avez présenté. Je trouve que c'est un pas dans la bonne direction, mais qu'il reste encore beaucoup à faire.

Si on parlait d'une première tentative du gouvernement et que j'avais un document comme celui-ci, je me poserais beaucoup de questions sur tous les gouvernements.

Je vois ici ce que vous avez soulevé, j'estime qu'il reste d'autres étapes à suivre et je vous encourage à le faire, car vous êtes en train de démontrer certains points.

Ma dernière question sera la suivante : lorsque vous avez demandé à communiquer ou à rencontrer les gens chez qui, vous dites, il manque de la transparence et de l'imputabilité, ont-ils refusé de vous rencontrer?

Mme Lozis : Non, pas nécessairement. Nous avons remarqué une certaine façon de faire. Ils sont habitués de travailler de cette façon. Il est donc très difficile, comme vous le savez, de changer une culture administrative. Nous avons soulevé ce point et plusieurs l'ont fait avant nous. Malheureusement, le problème persiste justement parce que cette culture administrative n'a pas été changée. Je ne crois pas qu'ils sont de mauvaise foi et qu'ils ne voulaient pas nous rencontrer. Toutefois, nous sommes des étudiants et, généralement, on ne perd pas son temps avec des étudiants, à moins qu'il s'agisse de quelque chose de clairement défini et où l'on doive faire ce pas de plus.

C'est pourquoi je réitérerai que vous avez cette capacité, que nous n'avons pas, à investiguer et poser plus de questions aux personnes concernées. Nous étions et sommes limités par le temps et par les outils qui étaient disponibles.

La présidente : Si je comprends bien ce projet de recherche, tout ce que vous nous avez présenté provient d'informations publiques que vous êtes allés chercher soit sur des sites Internet, dans des rapports de comités ou des comparutions de témoins. Vous avez fait une compilation de tout ce que vous avez pu trouver en termes d'informations publiques?

M. Morin : En effet.

La présidente : Voilà la façon dont vous avez procédé. Et la priorité, étant donné que vous n'aviez pas suffisamment de temps, n'était pas d'aller rencontrer des gens, mais plutôt d'aller chercher toute l'information publique disponible et accessible. Est-ce exact?

Éric LeBlanc, étudiant, Université d'Ottawa, faculté de droit, Section de common law : C'est effectivement l'approche que nous avons souhaitée et qui nous était disponible en tant qu'étudiants.

J'aimerais ajouter aux propos de ma collègue. Dans le cadre de notre recherche, nous ne visions pas à critiquer un gouvernement en particulier ou une fonction publique. Nous avons constaté que, depuis 40 ans, ces lacunes sont présentes dans le système. Nous critiquons donc la façon dont fonctionne le système et proposons une méthode alternative de fonctionner, soit que Patrimoine canadien transige directement avec les commissions scolaires.

Le sénateur Mockler : Vous êtes sans doute les leaders de demain et vous disposez de cette formation.

À votre avis, la Loi fédérale sur la responsabilité que nous avons présentement constitue-t-elle un pas dans la bonne direction? Vous nous avez fait vos présentations. Nous pouvons également vous poser la question à savoir si vous avez regardé le projet d'imputabilité. On ne peut pas formuler des commentaires sans également les justifier.

M. Wirz : Nous avons, en effet, lu la Loi sur la responsabilité — je crois que c'est le titre final retenu. Nous n'avons pas trouvé d'article pertinent dans ce contexte. Notre recherche portait vraiment sur les ententes sur l'enseignement dans la langue de la minorité et non sur l'imputabilité gouvernementale dans son ensemble.

Dans le contexte des ententes pour l'enseignement, nous avons remarqué que de graves problèmes d'imputabilité existent depuis des décennies. Nous avons formulé une recommandation qui, à notre avis, pourrait accroître l'imputabilité pour ces ententes.

M. LeBlanc : J'aimerais souligner que nous ne critiquons ni la fonction publique ni le gouvernement. Nous reprenons les commentaires de certains groupes ou des communautés qui ont demandé à leur gouvernement ou à la fonction publique et n'ont pas obtenu de réponses.

Je me suis particulièrement intéressé à la question du Québec. Le Québec Community Group Network a comparu à quelques prises au cours des dernières années. Ils indiquent avoir déposé plusieurs demandes auprès du gouvernement du Québec pour savoir comment le ministère de l'Éducation, du Loisir et du Sport du Québec dépense les sommes d'argent octroyés par Patrimoine canadien. Ultimement, ce regroupement n'obtenait aucune réponse.

Environ 168 millions de dollars ont été transférés à la province de Québec dans le cadre de l'enseignement de la langue de la minorité, soit l'anglais. Toutefois, ces communautés anglophones ne savent pas comment ces sommes ont été dépensées. C'est un peu dans cette optique que s'inscrit le reproche au niveau de la transparence et de la reddition de compte.

Le sénateur Fortin-Duplessis : C'est ce qu'on avait constaté.

La présidente : C'est exact.

Le sénateur Robichaud : Le regroupement a comparu, n'est-ce pas?

La présidente : Oui.

M. LeBlanc : En fait, vos collègues avaient posé quelques questions à ce sujet.

Le sénateur Mockler : À mon avis, il vous reste une autre étape. Vous devriez examiner la Loi fédérale sur la responsabilité et l'insérer dans votre étude en indiquant : nous croyons que l'imputabilité devrait aussi être cela, et spécifiquement les exemples typiques que vous avez soulevés. Vous avez une très bonne recommandation. Je ne veux pas jeter d'ombre sur ce que vous avez fait, car c'est du bon travail.

Le sénateur Fortin-Duplessis : Je crois qu'ils ont mentionné dans leur rapport la Loi fédérale sur la responsabilité. Ils citent même le premier ministre.

Le sénateur Robichaud : Je suis un peu chagriné des propos que vous tenez dans votre rapport. Au Nouveau-Brunswick, des communautés ont profité de ces programmes. Prenons l'exemple de la communauté de Beausoleil, dans la région de Miramichi, de Sainte-Anne, à Fredericton et de Champlain, à Saint-Jean.

Ces communautés ont fait des merveilles parce qu'à un certains endroits, on pensait que la communauté francophone allait tout simplement disparaître. Lorsqu'on est arrivé avec un centre communautaire qui comprenait l'école et un centre d'activités, tout d'un coup, on a découvert qu'il y avait toute une communauté francophone qui voulait exister en français.

Maintenant, cela me chagrine parce que peut-être dans le cas du Yukon ou d'autres territoires ou provinces ces communautés n'ont pas eu les mêmes chances.

Au Nouveau-Brunswick, on est à même de constater le succès de ces programmes.

Votre travail est bien fait. Je ne crois pas qu'on devrait demander aux étudiants de poursuivre. Éric termine cette année, alors ne sera-t-il plus là ainsi que la majorité d'entre vous aussi. Cependant, notre comité devrait poursuivre. Lorsqu'on parle d'imputabilité, c'est notre responsabilité maintenant. On nous a mis devant des faits, devant des situations qui ne devraient pas exister et on nous suggère quelque chose de très simple. Ce n'est pas comme si on devait aller à la lune et revenir pour régler le problème. C'est simple ce que vous nous dites. J'enchaînerais même sur la suggestion du sénateur Rivard voulant que peut-être la vérificatrice générale du Canada aille voir dans ces ententes pour s'assurer si on respecte bien les termes de ces ententes. Autrement, on n'a aucun recours. Si cela continue, des communautés manqueront le bateau complètement. Il est connu que pour les communautés en situations minoritaires les jours sont souvent comptés, malgré tous les efforts des gens de la communauté.

Je ne veux pas vous dire quoi faire. C'est plutôt à vous de nous dire quoi faire.

Je vous remercie sincèrement de votre présentation et j'espère qu'on pourra y donner suite de quelque façon que ce soit.

M. Wirz : Je suis heureux d'apprendre que vous aimeriez pousser la question encore plus. C'est important de la pousser plus que d'habitude, parce qu'en 2005, votre comité a recommandé au gouvernement d'inclure les conseils scolaires de la minorité. En fin de compte, Patrimoine canadien a répondu qu'il ne le ferait pas, qu'il continuerait de la façon qu'il l'entendait sans vraiment donner d'explications. Cela a mené aux ententes que nous avons présentement.

Le sénateur Robichaud : Raison de plus pour aller plus au fond.

M. LeBlanc : Étant du Nouveau-Brunswick, j'ai effectivement pu observer les bienfaits des transferts et de tous les avancements que les communautés ont pu faire grâce à ce programme. C'est pour cela que les travaux que vous pourriez faire sur le sujet, il faut comprenne en considération que le programme ou l'argent qui est destiné aux communautés minoritaires de langue officielle est très important. C'est pour cela que nous croyons que les commissions, les conseils scolaires devraient être intégrés et c'est pour cela que j'aimerais réitérer ce que mon collègue Daniel avançait. Potentiellement, vous êtes dans une meilleure position que nous pour faire avancer le dossier.

Le sénateur Mockler : On devrait prendre l'exemple du Nouveau-Brunswick.

La présidente : On le prendra peut-être, sénateur.

Sur ce, j'aimerais très sincèrement vous remercier. C'est la deuxième année qu'un groupe d'étudiants vient nous faire une présentation et qu'il intègre à l'intérieur de ses cours un sujet qui touche de très près les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Je tiens à remercier votre professeur, ainsi que vous, les étudiants, qui prenez cet aspect à cœur, qui faites la recherche avec intérêt et aussi avec justice, parce que vous essayez — vous l'aviez fait la dernière fois de même que cette fois-ci — de toujours voir les deux côtés de la médaille. J'aimerais aussi remercier les membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles d'avoir accepté d'inclure dans notre plan de travail — et j'en remercie le sénateur Fortin-Duplessis, du Sous-comité du programme et de la procédure — la comparution des étudiants.

Vous avez entendu ce qui s'est dit autour de la table, alors nous continuons, et la semaine prochaine, nous discuterons à nouveau des travaux futurs du comité. Nous aurons à discuter de votre comparution pour voir ce que le comité décidera de faire.

(La séance est levée.)


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