Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 9 - Témoignages du 1er mars 2011
OTTAWA, le mardi 1er mars 2011
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour étudier les nouveaux enjeux du secteur canadien du transport aérien.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je déclare ouverte cette réunion du Comité sénatorial permanent des transports et des communications. Je vous remercie de votre présence.
Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du secteur du transport aérien. Nous accueillons ce matin, comme témoins, Fred Lazar, professeur au département d'économie de l'Université York, et David Redekop, associé principal en recherche au Conference Board du Canada. Je vous remercie d'avoir accepté de comparaître devant le comité.
Monsieur Lazar, je vous prie de présenter votre exposé préliminaire. Nous entendrons ensuite l'exposé de M. Redekop, après quoi les membres du comité auront des questions à vous poser.
Fred Lazar, professeur, Département d'économie, Université York, à titre personnel : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité. Je vais essayer d'être aussi concis que possible.
Trois questions fondamentales doivent être prises en considération lors de la formulation de la politique gouvernementale sur le secteur du transport aérien. Quand je parle du secteur du transport aérien, j'entends aussi bien les compagnies aériennes que les aéroports. Il faut tenir compte, premièrement, de l'importance de ce secteur pour l'économie canadienne, deuxièmement, des lacunes des politiques fédérales appliquées au secteur dans le passé et, troisièmement, de l'importance de règles du jeu équitables pour permettre au secteur de soutenir la concurrence mondiale.
On a bien établi, au cours des 15 ou 20 dernières années, que le secteur du transport aérien joue un rôle essentiel dans l'économie. Le secteur est indispensable au progrès économique dans une communauté et un marché de plus en plus mondialisés. Il permet de déplacer rapidement des personnes et des marchandises partout dans le monde. Il génère de nombreux avantages économiques d'une grande valeur.
La croissance de la productivité figure toujours presque au sommet du programme économique du gouvernement fédéral. À défaut d'une croissance supérieure soutenue de la productivité, le gouvernement aura de la difficulté à atteindre ses objectifs financiers et à maintenir ses programmes sociaux. Le secteur du transport aérien, et particulièrement les compagnies aériennes canadiennes, joue un rôle clé dans l'augmentation de la productivité et la croissance économique en engendrant d'importantes externalités partout dans l'économie.
Par conséquent, il y a de bonnes raisons économiques et stratégiques pour veiller à l'essor du secteur du transport aérien au Canada et pour assurer le succès des transporteurs canadiens en Amérique du Nord et sur le marché international.
Dans le tableau figurant dans la version écrite de mon exposé, je mets en évidence la taille et la croissance relative de trois aéroports : l'aéroport international Toronto-Pearson, l'aéroport international de Vancouver et l'aéroport international de Dubaï. Si les aéroports de Toronto et de Vancouver avaient eu le même nombre de passagers par habitant que celui de Dubaï, leur trafic total de passagers aurait été près de cinq et quatre fois plus important qu'à l'heure actuelle. Les incidences économiques d'un tel trafic passagers auraient été énormes, s'élevant à des dizaines de milliards de dollars et des dizaines de milliers d'emplois.
Est-il possible d'attribuer les différences entre les trois aéroports — et surtout entre les aéroports canadiens et celui de Dubaï, par exemple, car j'aurais pu en choisir d'autres — aux politiques gouvernementales qui les régissent? La réponse, c'est oui. Les gouvernements de Dubaï et d'Abu Dhabi ont reconnu l'importance critique du secteur du transport aérien pour leur économie. Les deux ont veillé activement à stimuler la croissance de ce secteur. Le gouvernement du Canada, par ailleurs, a imposé un certain nombre de frais d'utilisation dans ce secteur.
Au cours des 10 dernières années, le gouvernement fédéral a tiré du secteur du transport aérien 2,6 milliards de dollars en loyers fonciers, 3,1 milliards en droits pour la sécurité des passagers du transport aérien, ou DSPTA, et a économisé près de 1,2 milliard en paiements d'intérêts et de principal par suite de transactions avec NAV CANADA et l'aéroport international Toronto-Pearson.
Les politiques du gouvernement fédéral sont allées bien au-delà de ces différentes taxes. Les politiques relatives à l'infrastructure, mises en œuvre dès le début des années 1990, ont entraîné la création des administrations aéroportuaires et de NAV CANADA à titre d'organisations presque sans but lucratif. Aucune d'elles n'est soumise à une forme quelconque de réglementation, en dépit du fait qu'elles ont toutes d'importants pouvoirs de monopole.
L'année dernière, pour mesurer les effets de ces différentes taxes et des frais ajoutés par les compagnies aériennes ayant des activités au Canada, j'ai choisi 10 routes exploitées par Air Canada et WestJet et j'ai examiné les incidences. Les résultats figurent dans les tableaux 2 et 3 de mon exposé.
Les résultats sont les suivants. Pour Air Canada, les effets cumulatifs des taxes et des droits s'échelonnent entre 16 et 33 p. 100 du prix total du billet. L'effet tend à être le plus important dans le cas des tarifs les moins élevés et dans les provinces qui imposent une taxe de vente sur le transport aérien. Dans le cas de WestJet, les effets cumulatifs sont même plus importants, s'échelonnant entre 21 et 41 p. 100.
Pour faire la transition entre la situation actuelle, dans laquelle le secteur du transport aérien est strictement considéré sous l'angle financier, et une politique qui reconnaîtrait l'importante contribution du secteur à la croissance de la productivité, il faudrait réduire les coûts assumés par l'industrie. De plus, pour que le Canada profite d'une croissance continue du secteur du transport aérien, la concurrence intérieure et internationale doit être équitable. Des règles du jeu équitables sont essentielles parce qu'elles se répercuteront sur l'évolution future des aéroports-pivots et des réseaux de routes.
Dans le tableau 4, je compare l'aéroport international Toronto-Pearson et l'aéroport international de Vancouver à d'autres aéroports-pivots du réseau Star Alliance dans le monde. Aucun des deux ne se classe très haut dans la liste en fonction du trafic passagers total ou du nombre de passagers par habitant. Si l'un ou l'autre pouvait atteindre ne serait-ce que le niveau de passagers par habitant de certains des aéroports-pivots d'importance secondaire, comme Copenhague, Vienne ou Bruxelles, il aurait un trafic nettement supérieur. Par conséquent, les deux aéroports ont la possibilité de devenir beaucoup plus grands et beaucoup plus importants dans le réseau mondial.
Quelles seraient les répercussions si Toronto et Vancouver réussissaient ou ne réussissaient pas à devenir des aéroports-pivots mondiaux de première catégorie?
Considérons les effets d'une hausse de 5 p. 100 et d'une baisse de 3 p. 100 du nombre de passagers à Toronto et Vancouver. En utilisant les chiffres de 2009, une hausse de 5 p. 100 entraînerait une augmentation globale de plus de 2 millions de passagers, qui engendrerait 24 000 emplois supplémentaires, une augmentation de 2,4 milliards de dollars de la production économique et 320 millions de dollars d'impôts et de taxes. Ce calcul ne tient pas compte de la croissance du trafic passagers d'autres aéroports canadiens par suite de l'expansion des réseaux des transporteurs et de plus grandes possibilités de correspondance pour les voyageurs canadiens.
Une baisse de 3 p. 100 entraînerait une réduction globale de 1,4 million de passagers et des pertes correspondantes de 14 500 emplois, 1,4 milliard de dollars de production économique et 100 millions de dollars d'impôts et de taxes. Une baisse de 3 p. 100 reflète-t-elle un point de vue trop pessimiste? Peut-être, mais ne perdez pas de vue les difficultés qu'ont connues St. Louis, Pittsburgh et Cincinnati cette dernière décennie, lorsque les grands transporteurs ont quitté ces aéroports. Pensez également à plusieurs des grands aéroports des États-Unis qui ont souffert de baisses continues du trafic dans les dernières décennies. Par conséquent, la croissance n'est pas inévitable.
Les aéroports internationaux du Canada et leurs grands transporteurs ont la possibilité d'attirer davantage de trafic mondial, ce qui produirait de la croissance économique, de nouveaux emplois et des retombées économiques locales et nationales.
Voici ce que Transports Canada a dit dans son document d'octobre 2006 sur les consultations avec les intervenants au sujet de la nouvelle politique du transport aérien international :
Le transport aérien est un moyen essentiel de permettre aux Canadiens de rester en contact les uns avec les autres et avec le reste du monde. Il contribue directement à la création d'une économie dynamique en assurant le transport des personnes et des biens; il appuie le tourisme et le développement économique; il a une importante valeur sociale puisqu'il relie les différentes régions du Canada; il crée et maintient des emplois spécialisés bien rémunérés dans tout le pays et appuie le programme commercial du Canada.
Nous ne pourrions pas atteindre ces objectifs en délocalisant notre secteur du transport aérien. Les compagnies aériennes étrangères ne se soucieront pas de maintenir les liens entre les différentes régions du Canada et entre le Canada et le reste du monde. Les transporteurs canadiens ne devraient pas être protégés en vue d'atteindre ces objectifs. Il faudrait cependant leur donner la possibilité de faire la concurrence aux autres compagnies aériennes d'une manière équitable et sur un pied d'égalité.
Le gouvernement canadien doit donc adopter une stratégie à deux volets. Premièrement, il doit réexaminer l'ensemble de ses politiques qui ont des répercussions directes et indirectes sur le secteur et apporter les changements nécessaires pour favoriser les compagnies aériennes et les aéroports du Canada. Le point de départ de cette nouvelle orientation doit consister à mettre fin aux loyers fonciers, au DSPTA et à la taxe d'accise sur le carburant aviation.
En même temps, le gouvernement doit assumer un rôle de leadership pour s'assurer que les accords sur le transport aérien, qu'ils soient bilatéraux ou du genre « ciel ouvert », établissent un cadre propice à des règles du jeu équitables. Le gouvernement devrait envisager d'inclure dans ces accords des dispositions sur les droits compensateurs et le dumping, qui seraient semblables à celles qui figurent dans l'ALENA et le GATT. Ces dispositions assureraient un traitement égal des compagnies aériennes et des aéroports du Canada en éliminant les distorsions concurrentielles du marché qui résultent des politiques agressives de subventions d'un petit nombre de gouvernements étrangers.
David Redekop, associé principal en recherche, Conference Board du Canada : Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le comité aujourd'hui. Le secteur des compagnies aériennes canadiennes est confronté à de nombreux problèmes. Même si la récession est terminée, nous croyons que le secteur du transport aérien affronte des défis de longue date qui continueront à entraver sa rentabilité et son développement. Le Conference Board du Canada produit un aperçu trimestriel du secteur du transport aérien. Dans son dernier en date, il prévoit que les marges bénéficiaires du secteur resteront en deçà des niveaux d'avant la récession jusqu'en 2014. Même dans les meilleures périodes, les marges bénéficiaires du secteur sont inférieures à 4 p. 100. D'après le dernier aperçu du Conference Board, « la hausse des prix du carburant et une majoration limitée des prix devraient continuer à exercer des pressions sur les profits du secteur jusqu'en 2014 ».
C'est dans ce contexte que je voudrais insister sur deux problèmes de longue date qui nuisent à la croissance et à la rentabilité du secteur canadien du transport aérien. Le premier est un déclin de sa compétitivité internationale à cause des taxes et des droits sensiblement supérieurs que les Canadiens et les transporteurs paient pour le transport aérien, surtout à l'étranger. Le second problème tient au manque de transparence parmi les exploitants de vols d'affrètement, notamment au sujet de leurs programmes de vol, ce qui a contribué à un certain nombre de problèmes pour les Canadiens et les gouvernements, y compris la faillite de certains exploitants, qui a laissé de nombreux Canadiens en rade à l'étranger.
M. Lazar a parlé de la baisse de la compétitivité internationale des compagnies aériennes canadiennes. Je vais vous donner des exemples pratiques. Les aéroports et les transporteurs canadiens doivent maintenant affronter un nouvel ensemble de concurrents. Les aéroports frontaliers américains, tels que Plattsburgh, Syracuse, Niagara Falls et Bellingham, sont en train de cibler très énergiquement les voyageurs canadiens. L'aéroport international de Plattsburgh se donne le titre d'« aéroport américain de Montréal ». Son site web accueille les visiteurs en français et en anglais et permet l'interaction dans les deux langues.
D'autres aéroports frontaliers américains se montrent aussi dynamiques dans leurs efforts destinés à attirer les voyageurs canadiens. Des transporteurs tels qu'Alaska Airlines et Spirit Airlines ne sont que trop heureux de saisir l'occasion que le gouvernement canadien met à leur portée. Cette occasion est le résultat de la disparité entre les taxes et les droits que doivent acquitter les Canadiens et les transporteurs aux États-Unis et au Canada. Les Canadiens peuvent avoir à payer 80 p. 100 de plus de taxes et de droits lorsqu'ils prennent l'avion au Canada à destination des États-Unis que lorsqu'ils vont le prendre dans un aéroport frontalier américain.
Permettez-moi de vous donner un seul exemple de cette disparité dans le cas d'un vol de Montréal ou de Plattsburgh à destination de Fort Lauderdale.
Le 25 février, le tarif de base le plus bas de WestJet ou d'Air Canada, avant taxes, pour un vol entre Montréal et Fort Lauderdale, partant le 7 avril et revenant le 14 avril, est de 238 $ CAN. Le même vol à bord de Spirit Airlines, au départ de Plattsburgh, a un prix de base de 258 $US, soit environ 20 $ de plus que WestJet ou Air Canada. Par conséquent, les deux transporteurs canadiens ont un tarif de base inférieur à celui de Spirit Airlines. Toutefois, les taxes et les droits dans le cas du vol de Spirit Airlines s'élèvent à 37,40 $US, tandis qu'ils se chiffrent à 68,84 $ au Canada, c'est-à-dire 84 p. 100 de plus qu'aux États-Unis. De plus, le gouvernement américain impose un droit supplémentaire par passager de 50,72 $US pour le vol en partance de Montréal. C'est un droit que le gouvernement des États-Unis impose à tous les transporteurs internationaux qui atterrissent sur son territoire. En ajoutant ce droit, on constate que les Canadiens qui prennent un vol Montréal-Fort Lauderdale paient au total 119,56 $ de taxes et de droits par billet, par rapport à 37,40 $ s'ils prennent l'avion à Plattsburgh. Cela fait une différence sensible, qui a eu des incidences sur les Canadiens. Cette différence entre les taxes et les droits canadiens et américains est de plus de 200 p. 100 si on part de Plattsburgh au lieu de partir de Montréal.
Les aéroports et les transporteurs américains n'ont pas tardé à tirer parti de cette disparité. D'après une enquête que notre commission a réalisée en octobre 2010 pour le compte du Conference Board du Canada, quelque 200 000 Canadiens ont conduit leur voiture jusqu'à une ville frontalière américaine l'hiver dernier pour prendre un vol à destination de la Floride. Une enquête récente commandée par l'Association des hôtels du Canada a révélé que 21 p. 100 des voyageurs d'agrément canadiens se sont rendus en voiture à un aéroport américain l'année dernière pour économiser sur le prix de leur billet d'avion à destination des États-Unis ou de l'étranger. Ce chiffre se compare à 18 p. 100 l'année précédente, ce qui signifie qu'il augmente.
Ce détournement des voyageurs canadiens par les compagnies aériennes américaines s'est intensifié ces derniers mois. Alaska Airlines offre pour la première fois des vols directs à destination d'Hawaï à partir de Bellingham, dans l'État de Washington. Bellingham est une petite ville de moins de 80 000 habitants. La population ciblée par la compagnie est clairement celle de Vancouver, de la vallée du Bas-Fraser et de Victoria, en Colombie-Britannique. Ce n'est pas celle de Bellingham, qui n'est pas assez importante pour justifier des vols directs à destination d'Hawaï.
On trouve un autre exemple du dilemme qu'affrontent les transporteurs et les aéroports canadiens dans l'annonce faite en octobre 2010 par Spirit Airlines de trois vols directs par semaine entre l'aéroport international de Niagara Falls et Fort Lauderdale. Le président suppléant de la Niagara Frontier Transportation Authority aurait déclaré que le nouveau service « offrira des vols de toute première catégorie et des tarifs aériens très abordables qui plairont certainement aux résidents de la région de Niagara et du Sud de l'Ontario ».
Je soulève la question du déséquilibre des taxes et droits parce que la situation s'aggravera probablement si aucune mesure n'est prise. Plus le nombre des voyageurs canadiens qui recourent à un aéroport américain augmentera, moins il restera de voyageurs au Canada à qui on pourra demander des taxes et des droits. Pour payer leur loyer et leurs autres dépenses, les aéroports devront majorer les droits à imposer aux passagers restants pour recueillir les recettes dont ils ont besoin. Cela donnera lieu à une spirale descendante dans laquelle un nombre toujours croissant de Canadiens choisiront d'aller dans un aéroport frontalier américain pour prendre l'avion à destination des États-Unis ou de l'étranger afin d'éviter les taxes et les droits canadiens toujours plus élevés. Cette tendance déjà bien établie s'intensifiera en l'absence de mesures correctives. Le déséquilibre des taxes et des droits est un fait documenté dont les gouvernements sont très conscients. Malheureusement, les gouvernements n'ont presque rien fait pour remédier à la situation.
Le second problème que je voudrais aborder tient au manque de transparence des exploitants de vols d'affrètement. Ceux-ci ne fonctionnent pas de la même façon que les transporteurs à horaires fixes tels qu'Air Canada, WestJet, American Airlines, et cetera. Je mentionne ce fait parce qu'il est lié aux procédures désuètes employées pour approuver les vols d'affrètement. Cela a des répercussions dont la plupart des gens sont inconscients. Le problème concerne particulièrement les exploitants de vols d'affrètement. Les voyageurs, les transporteurs et les gouvernements peuvent accéder aux données courantes sur les horaires et le nombre de places des transporteurs à horaires fixes tels qu'Air Canada et WestJet, mais les renseignements de cette nature sont inexistants dans le cas des exploitants de vols d'affrètement. Ce manque de transparence est l'un des motifs d'une surcapacité chronique des transporteurs qui desservent surtout les destinations du Sud pendant l'hiver, du service médiocre donné aux voyageurs canadiens et, dans certains cas, du fait qu'ils sont laissés en rade à l'étranger par suite de la faillite des exploitants.
L'Office des transports du Canada, ou OTC, est chargé de l'examen et de l'approbation des demandes de vols d'affrètement. Dans le régime actuel, les exploitants de ces vols peuvent obtenir l'approbation de l'OTC en usant de diverses méthodes, y compris l'envoi de l'horaire par télécopieur, la présentation d'une demande verbale lorsqu'une décision rapide est nécessaire, l'envoi de l'horaire par voie électronique, et cetera. Il n'existe aucun système électronique vraiment utilisable qui permette à des intervenants tels que les gouvernements, les exploitants de vols d'affrètement ou les voyageurs d'obtenir des renseignements sûrs et cohérents sur le nombre total de places et les horaires des vols d'affrètement. Il suffit de quelques minutes pour déterminer le nombre de places et les horaires dans le cas des destinations desservies par des transporteurs à horaires fixes comme Air Canada et WestJet. Pour accéder aux mêmes renseignements dans le cas des exploitants canadiens de vols d'affrètement, il faut des semaines et de nombreuses heures-personnes — j'en sais quelque chose personnellement — pour réunir des données éparses et fragmentaires.
Augmenter la transparence des exploitants de vols d'affrètement au sujet de leurs horaires et de leur nombre de places permettrait de remédier aux pratiques douteuses que certains d'entre eux imposent aux voyageurs canadiens peu renseignés. Une plus grande transparence à cet égard aiderait aussi à réduire la surcapacité chronique qui existe, et peut- être le taux de faillite des voyagistes, qui a imposé dans le passé au gouvernement de prendre des mesures d'urgence pour rapatrier des vacanciers canadiens abandonnés à l'étranger.
Les faillites de voyagistes sont devenues des événements quasi annuels. La plus récente s'est produite en avril 2009, lorsque Vacances Conquest a déposé son bilan après 37 ans d'activité au Canada. La société a cité comme facteur d'échec les guerres de prix parmi les voyagistes. Ces guerres sont courantes à cause de la surcapacité chronique. Même si cette surcapacité permet aux Canadiens d'acheter à très bon prix des vacances tout compris, elle a entraîné la faillite de nombreux voyagistes. Un an plus tôt, la société Zoom Airlines avait fermé ses portes, suivie, quelques mois plus tard, par le voyagiste qui lui était associé, Go Travel Direct. En mars 2007, c'est Harmony Airways qui avait déposé son bilan. Des faillites de transporteurs et de voyagistes se sont produites presque chaque année depuis quatre ans.
Nous croyons que ces faillites sont partiellement attribuables au manque de transparence des exploitants de vols d'affrètement quant au nombre de places qu'ils prévoient dans leurs vols. Cela mène à des surcapacités et, comme l'a indiqué la société Vacances Conquest après avoir déposé son bilan, à des guerres de prix. Le manque de transparence et la surcapacité ont également entraîné l'adoption de pratiques qui dérangent les voyageurs canadiens, comme la multiplication de ce qu'on appelle dans l'industrie les vols à double destination.
Il est intéressant d'examiner le fonctionnement de certains exploitants de vols d'affrètement. Je suis heureux d'en parler parce que la plupart des Canadiens ne sont pas au courant de ces pratiques. On ne les met au courant qu'à leur arrivée à l'aéroport, au moment où ils n'ont plus le choix. Mettons, par exemple, que vous vous rendiez à l'aéroport international de Toronto-Pearson — c'est un cas réel parce que je travaille moi-même pour l'industrie — après avoir réservé un vol Toronto-Saint-Domingue, en République dominicaine. Vous apprenez alors que l'avion fera d'abord une escale à Punta Cana. On ne vous le dit pas au moment où vous faites votre réservation. La raison de la double destination, c'est que l'exploitant du vol d'affrètement n'a pas suffisamment de passagers à destination de Saint-Domingue. Encore une fois, le problème est attribuable à la surcapacité dans l'industrie.
Il y a un autre exemple de mauvaises pratiques d'affaires. C'est la suppression pure et simple de certains vols. Par exemple, vous vous rendez à l'aéroport pour prendre un vol à 10 heures. Comme il n'y a pas suffisamment de passagers, on vous met plutôt sur le vol de 14 ou 15 heures. On ne vous l'annonce pas avant votre arrivée à l'aéroport. Vous êtes alors obligé d'attendre pendant quatre heures parce que l'exploitant n'a pas réussi à trouver un nombre suffisant de passagers pour le vol de 10 heures.
Nous croyons qu'il est nécessaire d'établir un système d'approbation électronique bien conçu pour les exploitants de vols d'affrètement. Un tel système ne réglera pas tous les problèmes, mais il permettra au moins à tous les intéressés, c'est-à-dire les transporteurs, les gouvernements et les voyageurs, d'accéder aux vrais horaires et de savoir ce que les exploitants comptent faire ou ne pas faire. Un système bien conçu ne mettra pas immédiatement fin aux problèmes de surcapacité chronique, mais il favorisera une amélioration de la situation. Nous croyons qu'un tel système constitue la première étape d'une planification plus rationnelle de cette partie du secteur du transport aérien. Les transporteurs à horaires fixes ont un tel système depuis des années. Il est temps que les exploitants de vols d'affrètement aient eux aussi un système transparent d'approbation des vols.
Le président : Je vous remercie pour ces deux exposés forts intéressants.
Monsieur Lazar, de nombreux témoins qui ont comparu devant le comité dans le passé vous ont cité. Par conséquent, beaucoup des questions qu'on leur avait alors posées vous seront adressées aujourd'hui. J'ai une liste de quatre membres du comité qui souhaitent poser des questions, à commencer par le sénateur Plett.
Le sénateur Plett : Je vous remercie. Je vais essayer de poser relativement peu de questions au premier tour. J'en ai un trop grand nombre pour tout mettre au premier tour.
Monsieur Lazar, vous avez comparé l'aéroport de Dubaï à ceux de Toronto et Vancouver et vous avez dit que nous nous situons loin derrière en fonction du trafic passagers. Vous avez pris l'exemple d'une hausse de 5 p. 100 de ce trafic et en avez calculé les effets sur nos aéroports, par rapport à une baisse de 3 p. 100. Je voudrais que vous répondiez tous deux à cette question. Je ne comprends pas vraiment pourquoi nous aurions une baisse de 3 p. 100, mais je vois des raisons pour lesquelles nous pourrions connaître une hausse de 5 p. 100.
Ces aéroports peuvent-ils en ce moment accueillir 5 p. 100 de plus de passagers? Je pose la question parce que je fais l'aller-retour Winnipeg-Ottawa chaque semaine. La plupart d'entre nous prennent l'avion chaque semaine. Il y a tous les jours quatre vols directs Winnipeg-Ottawa, deux de WestJet et deux d'Air Canada. Je vole plus souvent sur Air Canada que sur WestJet, mais j'utilise les deux. Il est rare qu'il y ait des sièges libres. Le plus souvent, les avions sont pleins. Certains des vols font escale à Toronto.
Il y a deux ou trois jours, je revenais de la Trinité pour une réunion de comité. Ma femme et moi sommes rentrés de la Trinité ensemble, mais nous nous sommes séparés à Toronto. Elle a pris l'avion pour Winnipeg, et j'ai pris celui d'Ottawa. Je mentionne cela parce qu'à notre arrivée à Toronto, on nous a mis en circuit d'attente autour de l'aéroport pendant un bon moment, car c'était trop occupé. Lorsque nous avons atterri, nous avions tous les deux à prendre une correspondance. Toutefois, nos deux vols étaient en retard. Nous étions assis à une porte de distance l'un de l'autre parce que nous volions tous les deux sur WestJet. Les deux avions sont arrivés en retard, sans doute pour le même problème. Les deux étaient en circuit d'attente autour de l'aéroport. Je ne suis pas sûr de la raison. Une fois monté à bord de mon avion, il a fallu attendre une autre demi-heure des passagers qui venaient d'un autre vol, lui aussi en retard. Finalement, lorsque nous avons décollé, il n'y avait aucune place libre à bord.
Si le nombre de passagers à Toronto augmentait de 5 p. 100, comment le système actuel pourra-t-il les absorber quand nos avions sont tous pleins? Je n'ai pas l'impression qu'il y ait beaucoup de vols à moitié remplis. Ce n'est pas le cas quand je viens de Winnipeg à Ottawa. Dans un mois, Air Canada ajoutera un troisième vol direct parce que la demande est forte. Pouvons-nous absorber une hausse de 5 p. 100?
Par ailleurs, pourquoi dites-vous que nous pourrions avoir une baisse de 3 p. 100, alors que nous n'avons connu aucune diminution du trafic pendant la récession?
M. Lazar : Oui, nous pouvons absorber la hausse. À l'heure actuelle, les problèmes de tous les grands aéroports du pays n'ont rien à voir avec la capacité des pistes ou des portes. Le problème que vous décrivez était probablement lié aux conditions atmosphériques et à des difficultés dues aux règles régissant la circulation aérienne à Toronto. J'ai déjà vécu ces situations. J'ai déjà été à bord de vols à destination de l'aéroport international de Chicago-O'Hare dans des conditions météorologiques semblables. O'Hare peut accueillir beaucoup plus de trafic par heure que Toronto, à cause des règles différentes de gestion de la circulation aérienne dans les deux villes.
Y a-t-il des contraintes de capacité aux aéroports? À mon avis, non. Y a-t-il des contraintes de capacité parmi les compagnies aériennes? Bien sûr, les compagnies essaient de remplir autant que possible leurs avions. Un siège libre est un manque à gagner. Elles tentent également de remplir autant de sièges que possible aux meilleurs tarifs. Il ne faut pas perdre de vue, comme l'a mentionné M. Redekop, que leur marge bénéficiaire est très faible. Si, à bord d'un vol, il y a un ou deux sièges libres ou si un ou deux sièges ont été vendus à un tarif particulièrement bas, il est bien possible que le vol ne soit plus rentable. C'est l'objectif des compagnies aériennes. Elles ont maintenant de meilleurs résultats que dans le passé. Ont-elles la capacité nécessaire? Je crois que oui. Si elles peuvent faire voler leurs avions une heure de plus par jour, elles peuvent augmenter leur capacité globale de 8 à 10 p. 100. Elles ne le font pas parce que la demande n'est pas suffisante, en fonction du nombre de passagers ou des tarifs qu'elles peuvent imposer. Voilà la réponse à votre première question.
Pour ce qui est de la baisse, j'ai essayé de montrer à quel point il est important d'avoir de bonnes politiques parce que le secteur mondial de l'aviation continue à évoluer et que nous aurons probablement dans le monde une vingtaine ou une trentaine d'aéroports-pivots ou de première catégorie. Il s'agit de grands aéroports où se font les correspondances entre continents. Ce seront les grands aéroports du monde qui auront des liens avec tous les coins de la planète. À défaut de bonnes politiques, les deux aéroports du Canada qui sont les plus susceptibles de faire partie de ces pivots mondiaux — Toronto et Vancouver — risquent de manquer leur chance. S'ils ont moins de correspondances et moins de liaisons, les aéroports tendent à régresser. Ils deviennent moins attrayants tant pour les grands transporteurs que pour les voyageurs.
Si les grands transporteurs n'ont pas la possibilité de livrer concurrence sur un pied d'égalité, si les règles du jeu ne sont pas équitables, si nos politiques continuent à pénaliser les aéroports et les compagnies aériennes, le Canada n'aura aucun aéroport-pivot de première catégorie. Nos principales liaisons se feront par l'intermédiaire d'autres aéroports des États-Unis, d'Europe, du Moyen-Orient et de l'Asie. Cela aurait des répercussions négatives sur l'ensemble du système ainsi que sur notre économie. Voilà pourquoi j'ai envisagé la possibilité d'une baisse de 3 p. 100, qui ne représente même pas le scénario le plus pessimiste.
J'ai mentionné les aéroports de St. Louis, Cincinnati et Pittsburgh. À un moment donné, ils ont déjà été des pivots : St. Louis pour la compagnie TWA, Cincinnati pour la compagnie Delta et Pittsburgh pour US Airways. TWA a disparu. US Airways a mis fin à ses opérations à Pittsburgh, de même que Delta à Cincinnati. Par suite de ces événements, le trafic passagers de ces aéroports a sensiblement baissé dans les 10 dernières années, avec des répercussions négatives pour les villes correspondantes.
Je ne crois pas que nous connaîtrons des crises aussi graves au Canada. Toutefois, ces exemples montrent ce qui peut arriver si un grand transporteur modifie sa politique ou trouve qu'un aéroport n'est pas assez rentable pour lui.
Le sénateur Plett : Je vais passer à une autre question. Je n'engagerai pas un débat avec vous. Je tiens à dire cependant que la météo était absolument parfaite à Toronto de même qu'à mon point de départ. Ces avions sont peut- être partis en retard, mais je n'ai aucun moyen de le savoir. Toutefois, le retard n'avait certainement rien à voir avec le temps qu'il faisait à Toronto. Il est très courant, lorsqu'on passe par Toronto, d'arriver et de partir en retard. Et ce n'est pas toujours à cause du temps, loin de là. Pour moi, Toronto est encombré. Il est presque impossible d'arriver ou de partir à l'heure à Toronto. C'est pour cette raison que je déteste les vols qui y font escale et que je fais tout mon possible pour avoir un vol direct.
Quoi qu'il en soit, vous avez parlé des loyers et d'autres droits que le Canada impose, mais que les États-Unis subventionnent. Dans un système de financement par l'usager, je ne veux pas avoir à payer pour un autre sénateur ou un autre passager. Si nous abolissons les loyers, comme vous le recommandez, nous imposerions aux contribuables de subventionner les compagnies aériennes et, à titre de contribuable, j'aurai à payer une partie de vos vols. Je ne suis pas sûr d'être en faveur d'un tel système.
Si, pour régler ces problèmes, nous commençons à subventionner, n'est-ce pas un moyen artificiel de faire faire des bénéfices aux compagnies aériennes? Elles devraient pouvoir s'en tirer par leurs propres moyens, vous ne croyez pas?
M. Lazar : Encore une fois, nous pouvons discuter pour déterminer s'il s'agit ou non d'une subvention. Permettez- moi de comparer deux secteurs : une industrie de réseau comme le transport aérien et l'industrie automobile. L'industrie automobile n'est pas une industrie de réseau. Elle ne produit pas des externalités pour l'économie. Si vous l'aidez, votre aide profitera à certains fournisseurs et aura des effets positifs sur l'emploi, mais elle n'engendrera pas des externalités de réseau et des augmentations de productivité dans l'économie.
Une industrie de réseau — les compagnies aériennes forment l'une des trois ou quatre industries de ce genre dans chaque pays — produit des externalités positives. Pouvons-nous survivre sans l'industrie automobile au Canada? Oui. Pouvons-nous survivre sans le secteur des transports? Non. Par conséquent, ce secteur engendre des externalités positives et une croissance de la productivité. La théorie économique est très simple à cet égard : on ne taxe pas une industrie qui produit des externalités positives. Certains croient même qu'il faudrait la subventionner.
Je ne dirais pas que l'élimination des loyers ou du DSPTA constitue une forme de subvention. Si nous les éliminons, nous ne subventionnons pas l'industrie. C'est simplement que nous cessons de lui imposer une taxe alors qu'elle produit d'importantes externalités positives.
Le sénateur Plett : Mais qui paiera le loyer?
M. Lazar : Le loyer n'est qu'un moyen de produire des recettes pour le gouvernement. À l'origine, on disait que le contribuable méritait d'avoir un rendement sur les investissements qu'il avait faits auparavant dans ces aéroports. Toutefois, lorsque les aéroports ont été transférés aux administrations aéroportuaires, la plupart d'entre eux étaient dans un état de délabrement avancé et nécessitaient d'importants investissements rien que pour les mettre à niveau, sans parler d'expansion. Le loyer n'est qu'une taxe déguisée.
En ce qui concerne le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien, les compagnies aériennes constituent le seul secteur soumis à un système de financement par l'usager. Cela n'est exigé d'aucune autre industrie. En réalité, nous parlons là de sécurité nationale. Si quelque chose arrive à cette industrie, c'est toute l'économie qui s'en ressentira, pas seulement les compagnies aériennes. Les attentats du 11 septembre 2001 ont eu des répercussions sur l'ensemble de l'économie des États-Unis et de l'économie nord-américaine. Les dommages causés aux compagnies aériennes ne représentaient qu'une fraction des pertes économiques subies par l'économie nord-américaine.
Par conséquent, les industries de réseau ne devraient pas être soumises à des taxes inhabituelles ou non indispensables. C'est la base de l'argument que j'essaie de défendre.
Le sénateur Merchant : Si j'ai bien compris, vous dites qu'il est injuste d'imposer aux compagnies aériennes de se soucier de la sécurité nationale. Vous êtes d'avis que le droit pour la sécurité relève en réalité de la sécurité nationale.
M. Lazar : Oui.
Le sénateur Merchant : Je comprends, et je suis d'accord avec vous. Au sujet des administrations aéroportuaires, vous avez mentionné qu'il n'y a aucun contrôle. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet? Y a-t-il des améliorations à apporter? Ces administrations ne rendent compte qu'à elles-mêmes. D'après votre étude, comment cela s'est-il produit? Pouvez-vous nous donner plus de détails, s'il vous plaît?
M. Lazar : Nous avons eu une réunion, il y a une dizaine d'années. J'avais alors participé à l'examen de la Loi sur les transports au Canada. Dès le départ, j'aurais soutenu que les administrations aéroportuaires auraient dû, même il y a 10 ans, être soumises à une forme ou une autre de supervision. Nous avons des exemples d'autres pays où les investissements et les droits aéroportuaires sont réglementés.
À cette époque, les grands investissements avaient déjà été entrepris. Étaient-ils extravagants? Probablement oui, dans certains cas. Avait-on tenu compte des intervenants? Probablement pas, mais il est trop tard pour défaire ce qui a été fait dans le passé. Si vous les soumettez aujourd'hui à un contrôle réglementaire, celui-ci n'aurait probablement pas une très grande valeur. Vous ne feriez qu'alourdir les frais de toutes les parties.
Toutefois, je crois qu'il y a lieu d'apporter des changements au niveau de la gouvernance. La façon dont les administrateurs de ces aéroports sont choisis laisse beaucoup à désirer. Je dirais qu'il y a sous-représentation des grands intervenants, c'est-à-dire les compagnies aériennes et les voyageurs. Les collectivités locales et les gouvernements provinciaux sont bien représentés, mais ils ne constituent pas les principaux intervenants. Je modifierais la gouvernance de ces aéroports pour permettre une meilleure représentation des autres intervenants, c'est- à-dire encore une fois les compagnies aériennes, les employés et les passagers. De plus, je veillerai à ce que les administrateurs aient un mandat d'une durée fixe et soient plus indépendants par rapport aux gouvernements.
Le sénateur Merchant : Très intéressant. Vous étudiez ces choses.
Compte tenu de vos observations au sujet des taxes imposées au secteur, pensez-vous que le gouvernement fédéral a les moyens de se passer de l'argent qu'il perçoit ainsi? Les retombées que vous avez mentionnées peuvent-elles compenser le manque à gagner pour le gouvernement fédéral?
M. Lazar : Je crois que oui. Encore une fois, le gouvernement fédéral a un énorme déficit. Vous avez donc raison de vous demander s'il peut se permettre de renoncer aux recettes annuelles de 700 millions à 1 milliard de dollars qu'il tire du secteur. Y a-t-il de meilleurs moyens de réduire ces taxes, ou de meilleurs moyens de dépenser l'argent?
Comme je l'ai signalé, la croissance de la productivité est un facteur critique. Le gouvernement devrait examiner de différentes façons sa politique fiscale et ses dépenses : premièrement, comme il doit essayer de réduire son déficit avec le temps, il pourra faire de plus grands efforts à cet égard si l'économie s'améliore; deuxièmement, il doit veiller à l'efficacité de ses opérations; troisièmement, il faut s'assurer que nous avons la bonne combinaison de programmes sociaux, ce qui constitue en réalité une décision politique; quatrièmement, il doit chercher à stimuler la croissance de la productivité.
Je participe à des débats sur la croissance de la productivité depuis 25 ans. Je connais tous les arguments. Nous avons essayé ces politiques. Aucune n'a fonctionné. La raison, c'est que, dans l'ensemble, les économistes ne comprennent pas vraiment le processus. Par conséquent, nous examinons les industries de réseau qui ont des externalités positives et qui favorisent la croissance de la productivité. Comme je l'ai dit, le secteur des compagnies aériennes est l'un des trois ou quatre qui font partie de cette catégorie. Le gouvernement doit concentrer ses efforts sur ce qu'il peut faire pour stimuler ces secteurs. J'ai fait quelques calculs qui me permettent de croire que, même si le gouvernement renonce à ces recettes, il ne faudrait que quelques années pour que les avantages découlant de la croissance de la productivité et de la croissance économique commencent à compenser ces investissements. À partir de là, les rendements continuent indéfiniment.
Le sénateur Merchant : Vous présentez un tableau à long terme, pas à court terme. Nous devons nous concentrer sur le long terme.
M. Lazar : Si vous renoncez aujourd'hui à des recettes de 700 millions à 1 milliard de dollars, vous ne pouvez pas vous attendre à les récupérer entièrement en 12, 18 ou 24 mois. C'est impossible.
Le sénateur Merchant : Je me pose des questions au sujet des exploitants de vols d'affrètement. Connaissez-vous des cas où le fonctionnement est différent, aux États-Unis, par exemple, et donne des résultats positifs pour les voyageurs?
M. Redekop : Au Canada, ce secteur fonctionne beaucoup plus comme en Europe que comme aux États-Unis. Il n'y a pas beaucoup d'exploitants américains de vols d'affrètement. Je ne peux même pas penser à un seul, même s'il y en a certainement. Il ne serait pas juste de faire ce genre de comparaison. Il vaut mieux comparer le secteur canadien à celui de l'Europe.
Je crois que l'Administration britannique de l'aviation civile s'occupe du secteur de plus près que nous ne le faisons. Le processus d'approbation est mieux conçu et plus transparent. On sait qui fait quoi. L'information est accessible. Au Royaume-Uni, les approbations accordées aux exploitants de vols d'affrètement précisent le nombre de passagers. Les exploitants doivent être titulaires d'une licence d'organisateur de voyages aériens. Ce n'est pas le cas au Canada. Je ne préconise pas l'adoption de ce système chez nous; je veux simplement dire que la réglementation et le rôle de l'Administration britannique de l'aviation civile vont beaucoup plus loin au Royaume-Uni que ce n'est le cas chez nous. Par ailleurs, les États-Unis ne fonctionnent pas de la même façon pour ce qui est des vols d'affrètement.
Le sénateur Frum : Monsieur Lazar, je voudrais vous poser une question. Monsieur Redekop, si vous souhaitez y répondre vous aussi, j'en serai très heureuse.
Après avoir écouté votre exposé, nous comprenons bien ce que vous pensez des loyers et des taxes. Vous avez cependant ajouté, vers la fin, que le gouvernement fédéral devrait penser au financement de l'infrastructure. Pouvez- vous nous en dire davantage à ce sujet? Comment envisagez-vous le financement de l'infrastructure?
M. Lazar : En réponse à la question du sénateur Merchant, j'ai dit qu'il y a cinq ou 10 ans, avant que des investissements massifs ne soient faits dans les aéroports, le gouvernement fédéral aurait probablement eu un plus grand rôle à jouer. Beaucoup des investissements nécessaires ont déjà été faits. Les investissements qui restent à faire sont relativement petits.
Toutefois, je ferai deux comparaisons, dont l'une avec les États-Unis. Les aéroports américains ont deux avantages : d'une part, ils sont autorisés à émettre des obligations exemptes d'impôt pour financer leur expansion, ce qui leur assure un avantage au chapitre du coût; de l'autre, la plus grande part de l'argent perçu par la Federal Aviation Administration, ou FAA, grâce aux différentes taxes imposées aux voyageurs, est réinvestie dans le système. La FAA joue un rôle important dans le financement de l'expansion des aéroports.
La seconde comparaison concerne les Émirats arabes unis, dont les médias ont beaucoup parlé ces derniers temps. Les gouvernements d'Abu Dhabi et de Dubaï ont consacré 30 à 40 milliards de dollars à l'expansion de leurs aéroports. Les administrations aéroportuaires n'ont pas à payer les pleins coûts des installations et n'ont donc pas à les recouvrer des aéroports parce que le secteur du transport aérien est considéré d'une manière holistique dans son ensemble comme moyen de développer l'économie.
Au Canada, nous n'appuyons pas nos administrations aéroportuaires. Nous ne faisons pas en sorte qu'il leur soit facile d'emprunter pour financer leur expansion. Nous ne leur donnons pas accès à différents types de programmes gouvernementaux. Bien au contraire, nous leur imposons des droits et des taxes. Voilà ce que j'essaie de montrer.
Le sénateur Frum : Compte tenu de l'importance de notre concurrent du Sud, si nous n'avons pas le même système, nous nous pénalisons nous-mêmes.
M. Redekop : Vous l'avez très bien dit.
Le sénateur Frum : Vous avez parlé de faire de Toronto et de Vancouver des aéroports-pivots. Si on éliminait les taxes et les loyers excessifs, j'imagine qu'il y aurait quand même d'autres mesures à prendre pour que Toronto et Vancouver deviennent des pivots. On ne serait pas heureux à Chicago et Los Angeles si Vancouver et Toronto commençaient à se développer de la sorte. Quels sont les autres obstacles, à part les taxes, qui ont empêché ces aéroports de devenir des pivots?
M. Lazar : La structure des coûts a été un facteur. À propos de ce qu'a mentionné M. Redekop, je dirais qu'il y a de bonnes raisons pour les transporteurs américains à prix réduit de ne pas offrir de services à Vancouver et surtout à Toronto. Ce serait simplement trop coûteux pour eux. Ils s'arrêtent donc à la frontière américaine. Cela nous montre tout de suite qu'il y a un problème de coût. Quelqu'un a dit, je crois, que Toronto figure parmi les 10 ou 15 aéroports les plus coûteux du monde.
L'autre facteur, c'est encore une fois la concurrence et les règles du jeu équitables. Est-ce qu'Air Canada et WestJet peuvent survivre à la concurrence des transporteurs américains, européens et asiatiques? Je crois que oui. Je suis persuadé que les deux compagnies sont bien gérées et offrent un bon produit. WestJet a régulièrement pris de l'expansion au cours des 15 dernières années et continue à se développer. Air Canada a eu ses hauts et ses bas, mais nous aurons davantage de concurrence, particulièrement de la part des compagnies asiatiques. On peut penser aux transporteurs des Émirats arabes unis, mais aussi aux transporteurs chinois, qui sont très activement soutenus par leur gouvernement.
Je ne recommande pas que notre gouvernement soutienne activement Air Canada ou WestJet, mais il doit jouer un rôle important en veillant à éviter une distorsion de la concurrence.
Le sénateur Frum : Un pivot n'est qu'une escale pour les gens qui veulent aller du point A au point C, le pivot B se trouvant au milieu. Ces gens ne viennent pas vraiment au Canada puisqu'un pivot n'est qu'un simple point de transit.
Vous dites que nous sommes bien situés du point de vue géographique. Est-ce bien le cas? Si les États-Unis constituent la destination finale des voyageurs asiatiques ou européens, je ne comprends pas quel intérêt ces voyageurs auraient à s'arrêter au Canada. J'ai l'impression qu'au contraire, notre géographie ne nous aide pas du tout.
M. Lazar : Oui, elle nous aide. On ne trouve nulle part en Amérique du Nord et aux États-Unis des services directs en provenance de l'Asie. Il y a des services à destination de 10 ou 12 grands aéroports, à partir desquels on peut prendre une correspondance pour aller dans le reste des États-Unis. En atterrissant à Vancouver ou à Toronto, on a en pratique accès à l'ensemble du marché américain.
Sur le plan géographique, comme la terre n'est pas plate, Vancouver et Toronto sont bien situés, en fonction de la durée des vols, pour faire le lien entre l'Asie et l'Amérique du Nord et du Sud. Il suffirait que les grands transporteurs, et notamment Air Canada, puissent étendre leurs opérations. Air Canada ajoute des liaisons à son réseau en partenariat avec Star Alliance. WestJet forme aussi maintenant des partenariats avec d'autres alliances. Il y aura davantage de liaisons entre l'Asie et l'Amérique du Nord et du Sud. Nous devons veiller à ce que les aéroports aient des coûts compétitifs et que les transporteurs canadiens n'aient pas à affronter une concurrence déloyale de la part des compagnies aériennes d'autres régions du monde qui essaient de faire exactement la même chose, c'est-à-dire faire le lien pour les voyageurs qui vont d'un continent à l'autre.
Le sénateur Frum : Au sein du réseau Star Alliance, c'est un vrai coupe-gorge. Autrement dit, certains des partenaires d'Air Canada pourraient s'opposer énergiquement à la croissance des aéroports de Toronto et de Vancouver.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie de votre présence et de vos exposés.
Monsieur Lazar, je ne vais pas essayer de vous dicter le sujet de vos prochaines recherches, mais, dans le contexte de la capacité des aéroports et de leur potentiel de création d'emplois, il serait vraiment très utile que nous puissions disposer d'études de cas montrant les retombées d'une augmentation de la capacité sur les collectivités environnantes. Certaines chambres de commerce ont fait de telles études. En Nouvelle-Écosse, le rapport sur les activités du port d'Halifax comprend souvent un compte rendu des activités de l'aéroport, qui est considéré comme un prolongement du port. Ce serait utile.
J'ai trouvé intéressante votre réponse à la première question du sénateur Plett concernant la capacité. Vous avez dit que cette capacité existe déjà. Dans quelle mesure le nombre de passagers peut-il encore augmenter à Toronto-Pearson avant qu'il ne soit nécessaire d'envisager de grands travaux d'expansion? Si l'aéroport de Toronto-Pearson était beaucoup agrandi, avec une réduction des loyers et des taxes, comme certains le proposent, comment allons-nous financer les immobilisations nécessaires?
M. Lazar : Lors de l'agrandissement de Toronto-Pearson, on avait ajouté une troisième piste est-ouest et une seconde piste nord-sud, ce qui représente une capacité considérable au sol. Il y a également eu une importante expansion au niveau des portes. Au début des travaux de cet énorme projet de réaménagement, on était parti de l'hypothèse que l'aéroport pourrait accueillir plus de 50 millions de passagers par an. Le trafic actuel est de l'ordre de 32 à 33 millions de passagers. Par conséquent, même en ramenant l'hypothèse de départ à 45 millions, nous pouvons dire que l'aéroport peut facilement accueillir 40 p. 100 de plus de passagers avant qu'un réaménagement devienne nécessaire.
Si on s'approchait de 40 millions de passagers par an, soit 25 p. 100 de plus qu'à l'heure actuelle, il serait alors temps d'entreprendre la phase suivante d'expansion. Pour le moment, il y a suffisamment de capacité. Les retards qui se produisent sont probablement liés à la météo et à la circulation aérienne plutôt qu'au manque de pistes et de portes.
Le sénateur Mercer : Dans le monde, certains aéroports, dont celui de Heathrow à Londres, sont perpétuellement en construction. Je ne sais pas quand la construction a commencé à Heathrow, mais je ne pense pas qu'elle finira un jour. Chaque fois que j'y suis passé, il y avait encore des travaux.
Monsieur Redekop, la situation des exploitants de vols d'affrètement et des voyagistes est intéressante. Il est difficile pour nous de légiférer en matière de pratiques de gestion. C'est le marché qui s'en occupe. Notre rôle consiste à protéger la clientèle.
Plusieurs provinces ont adopté des règlements pour protéger les passagers en cas de faillite des voyagistes. Croyez- vous que les mesures de protection mises en place soient suffisantes? Faut-il les renforcer? Y a-t-il lieu d'envisager une réglementation nationale par opposition à une réglementation provinciale?
M. Redekop : Il y a une protection, mais elle intervient après coup, une fois que les passagers sont en difficulté. Mes observations visaient plutôt à prévenir les difficultés.
Il serait bon d'avoir des mesures de protection nationales plutôt que provinciales. Les gouvernements provinciaux ne seront probablement pas d'accord, mais la réglementation serait alors uniforme partout dans le pays. Il y a beaucoup d'incohérences dans de nombreuses industries canadiennes. Ce serait donc un progrès.
Mes observations avaient pour but de faire comprendre à chacun ce qui se passe dans l'industrie. Il est important que les consommateurs soient au courant de la question des doubles destinations et de la capacité des transporteurs. Cela se produit au Royaume-Uni, où les cas de surcapacité étaient fréquents, mais le marché y a remédié. Cela a été possible à cause de la plus grande transparence qu'il y a là-bas. Nous avons au Canada un système d'approbation désuet, qu'il serait relativement facile d'améliorer grâce à la technologie. Une amélioration aurait de nombreux avantages.
Le sénateur Mercer : Depuis que nous avons entrepris l'odyssée de la cession des aéroports à des administrations locales — ce qui représentait un changement majeur dans le fonctionnement de l'industrie —, nous avons eu le temps de nous rendre compte de ce qui marche et de ce qui ne marche pas.
Croyez-vous qu'il serait bon de prévoir un examen périodique obligatoire du processus pour qu'il ne soit plus possible de faire abstraction des problèmes?
La situation est en train de devenir critique à certains aéroports, comme celui de Montréal, qui se ressent beaucoup de l'intensification de la concurrence de Plattsburgh et d'autres aéroports américains. Nous n'avons cependant pas de mécanismes permettant de procéder automatiquement à des examens pour remédier à la situation. Quels que soient les changements que nous puissions recommander, nous savons, si le gouvernement décide de les mettre en œuvre, qu'elles auront probablement besoin d'être réexaminées cinq ans plus tard.
M. Redekop : Nous n'avons pas besoin d'un examen. Nous avons besoin, au gouvernement, de décideurs qui écoutent. Cela est bien connu. Selon certaines sources, le président de Transat, Jean-Marc Eustache, a déclaré qu'il y a un problème quand il est trois fois plus cher d'atterrir à Toronto-Pearson qu'à Charles-de-Gaulle à Paris. C'est effectivement un problème. Il y a cinq ans, le Canada faisait partie des 10 plus importantes destinations touristiques du monde. Ce n'est plus le cas aujourd'hui.
L'industrie n'a jamais demandé l'abolition des droits et des taxes. Elle veut simplement être traitée équitablement. Est-ce que des taxes équivalentes sont imposées au transport ferroviaire et par autocar? Non. Ces autres modes de transport ont-ils un droit pour la sécurité des passagers? Leur clientèle doit-elle payer des frais pour l'amélioration de l'infrastructure? Le secteur du transport aérien veut être soumis à des règles du jeu équitables.
Le sénateur MacDonald : Messieurs, c'est un plaisir de vous accueillir ici. Vous nous faites profiter de vastes connaissances, que nous apprécions beaucoup. J'aurais un certain nombre de questions à poser. Je vais essayer de le faire assez rapidement.
Il y a 20 ans, les administrations aéroportuaires et NAV CANADA avaient été créés comme modèles de gestion de nos aéroports et de nos ressources. Indépendamment de la question des droits, que pensez-vous de cette structure d'organisation?
M. Lazar : Si nous avions eu cette discussion au début des années 1990, nous vous aurions dit que si vous voulez privatiser, allez-y, privatisez. La création de ces organismes sans but lucratif ne rime vraiment à rien. Considérez l'administration aéroportuaire de Vancouver. Elle a une marge bénéficiaire qui compte parmi les plus élevées de n'importe quel genre d'entreprise du Canada. Privatisez, puis soumettez ces organismes à une réglementation des prix pour qu'ils ne se lancent pas dans des projets extravagants et n'exploitent pas leur situation de monopole et leur pouvoir de taxation.
Le sénateur MacDonald : Comment notre système se compare-t-il à celui d'autres pays du monde? Notre modèle constitue-t-il la règle ou l'exception?
M. Lazar : Il se situe presque au milieu. Aux États-Unis, les aéroports ne sont pas privatisés. Ils appartiennent aux administrations locales ou aux États, de sorte qu'ils ne sont soumis à aucun contrôle particulier. Au Royaume-Uni et en Australie, ils sont privatisés et assujettis à divers degrés de réglementation. Ailleurs dans le monde, les aéroports sont des organismes d'État qui ne sont pas réglementés.
Il y a donc toutes sortes de modèles dans le monde. Le Canada se situe au milieu puisque nos administrations aéroportuaires, à titre d'organismes à but non lucratif, ne sont pas complètement privatisées et n'ont jamais été soumises à une réglementation quelconque.
Le sénateur MacDonald : Revenons au début des années 1990. Si on vous donnait carte blanche, comment organiseriez-vous le système?
M. Lazar : À cette époque, j'aurais recommandé de donner aux administrations aéroportuaires la structure de sociétés publiques. Elles auraient financé leur expansion par des émissions d'actions et, parce qu'elles auraient joui d'un monopole dans leurs marchés respectifs, elles auraient relevé d'un organisme de réglementation semblable à celui que nous avons pour les pipelines, qui aurait procédé à un examen de leurs prix tous les trois à cinq ans et qui aurait approuvé ou rejeté leurs plans d'investissement et leurs tarifs.
Le sénateur MacDonald : Est-il trop tard pour établir cette structure?
M. Lazar : Oui, parce que les plus gros investissements ont déjà été faits. Comme je l'ai dit, les aéroports cédés aux administrations aéroportuaires étaient en général dans un état de délabrement avancé. Le gouvernement n'ayant pas entretenu ces aéroports, il a fallu des investissements massifs pour les remettre à niveau et les agrandir. Il y a encore des travaux dans un certain nombre d'aéroports, mais les investissements les plus importants ont déjà été faits.
Le sénateur MacDonald : Vous avez parlé de pivots, parmi les aéroports et les transporteurs. Vous estimez que Toronto et Vancouver ont un important rôle à jouer comme pivots du trafic en provenance de l'Asie et à destination de l'Amérique du Nord et du Sud. Si nous estimons que c'est un avantage, avons-nous le même dans le cas du trafic transatlantique à destination du sous-continent et de l'Europe? Le Canada peut-il répondre à la demande?
M. Lazar : Oui. Considérez les transporteurs américains. Ils desservent un certain nombre de destinations européennes à partir de leurs pivots. En passant par différentes villes des États-Unis, ils font le lien avec les pivots. Les transporteurs européens desserviront un nombre limité de destinations nord-américaines à partir de leurs propres pivots.
Avec une seule escale, Toronto peut servir de correspondance entre presque n'importe où en Amérique du Nord et la plupart des villes d'Europe. En fait, compte tenu des différentes compagnies aériennes qui desservent Toronto, l'aéroport est bien placé pour relier presque n'importe quel endroit d'Amérique du Nord à presque n'importe quel endroit d'Europe. Il est aussi bien placé que New York, Chicago ou Atlanta.
Le sénateur Meredith : Je vous remercie pour les exposés que vous nous avez présentés aujourd'hui. Ils contenaient de précieux renseignements sur l'industrie, sur les problèmes qui existent actuellement et sur le rôle que le gouvernement devrait jouer, à votre avis, dans tout ce secteur.
Monsieur Lazar, au cours des 30 dernières années, nous avons eu un duopole avec Air Canada et autrefois CPAir, et maintenant WestJet. Il y a aussi Porter qui joue un petit rôle sur le marché. À votre avis, cette situation a-t-elle suffi à créer la concurrence nécessaire pour assurer aux Canadiens un service fiable à prix abordable?
Vous avez également parlé de l'aspect international et des mesures que nous devons prendre pour attirer des transporteurs étrangers afin d'offrir des services plus étendus aux Canadiens sur le marché intérieur. Que pensez-vous de cela?
M. Lazar : On peut difficilement dire qu'il y a beaucoup de concurrence sur le marché intérieur. Nous devons être réalistes en tenant compte de la taille de ce marché et en oubliant les liaisons avec l'étranger. Le marché n'est tout simplement pas assez important pour soutenir plus que les deux transporteurs et demi que nous avons, Porter ne comptant que pour un demi puisqu'il ne dessert que l'Est du pays.
Lorsque l'industrie a été déréglementée à partir du milieu des années 1980, beaucoup d'économistes — je n'en faisais pas partie — se sont bercés de l'illusion que le marché était assez important pour permettre à un grand nombre de transporteurs intérieurs de coexister, en donnant le marché américain comme exemple. Le marché américain, qui est bien plus important que le nôtre, ne permet qu'à trois grands transporteurs et une poignée de petits de coexister. Il est probable que US Airways finira par fusionner avec American Airlines. La même situation règne en Europe, où le marché est encore plus grand.
Il n'est pas du tout réaliste de s'attendre à ce que nous ayons beaucoup d'autres joueurs sur le marché intérieur. Je ne crois d'ailleurs pas que le marché soit mal servi parce que nous n'avons que deux transporteurs et demi.
Si on ne considère que les tarifs de base, en faisant abstraction des taxes, et qu'on en compare l'évolution dans le temps, on constate que le transport aérien est vraiment bon marché au Canada, du moins dans les catégories inférieures. Nous n'obtenons pas toujours le tarif le plus bas ou un siège sur le vol qui nous conviendrait le mieux, mais le transport aérien demeure encore une bonne affaire au Canada.
Le sénateur Meredith : Le Canada devrait-il conclure d'autres accords internationaux? Nous avons des ententes avec les États-Unis, l'Union européenne et l'Asie en vue d'attirer les voyageurs vers notre marché.
Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Frum et le sénateur MacDonald, j'aimerais savoir, au chapitre des pivots, si nous serons prêts, dans les trois à cinq prochaines années, à essayer de persuader de grands transporteurs d'atterrir dans des aéroports canadiens stratégiquement situés pour attirer des voyageurs asiatiques à Vancouver et des voyageurs européens à Toronto?
M. Lazar : Je crois que les aéroports peuvent supporter une augmentation assez considérable du trafic. Toronto en est parfaitement capable. Vancouver passe par un autre cycle d'expansion. Les deux devraient avoir une capacité suffisante. Le coût constituera une importante considération.
Le Canada devrait-il rechercher davantage d'accords de type « ciel ouvert »? Ma réponse est un oui catégorique. Toutefois, il faudrait inclure certaines réserves, comme dans nos accords commerciaux : nous devrions prévoir des dispositions relatives aux subventions, au dumping et aux sauvegardes et signer en outre, comme dans le cas de l'ALENA, des ententes parallèles sur l'environnement et le travail.
Les Émirats arabes unis constituent un cas intéressant. Leurs lois sur le travail sont très restrictives. Je ne crois pas que les Canadiens puissent les appuyer. J'estime que nous devrions inclure dans nos accords des normes minimales concernant l'environnement, le travail et d'autres domaines pour avoir des règles du jeu équitables. Nous pourrions dévier, mais s'il s'agit d'ouvrir nos marchés, donnons au moins à nos transporteurs une chance de soutenir la concurrence.
Je voudrais dire enfin qu'il ne suffit pas d'attirer des transporteurs étrangers. Il est plus important de chercher à augmenter les débouchés des transporteurs canadiens. Plus ils ajoutent de liaisons à leurs réseaux, plus ceux-ci seront importants et plus grande sera la connectivité partout dans le pays. Chaque fois qu'Air Canada ou WestJet ajoute une liaison à son réseau, la compagnie peut augmenter la fréquence d'autres liaisons. Un réseau formé d'un pivot et d'une série de liaisons constitue un processus dynamique dans lequel le renforcement d'un élément consolide l'ensemble et, inversement, l'affaiblissement d'un élément peut entraîner l'effondrement de tout le réseau.
Le sénateur Meredith : M. Lazar a dit que le gouvernement devrait éliminer la taxe d'accise et les droits d'atterrissage. Pour sa part, M. Redekop estime qu'il n'est pas question d'abolir ces droits et que l'industrie ne l'a jamais demandé. Toutefois, vous voulez avoir un pivot de première catégorie, et ce sont là les conditions nécessaires pour avoir un tel pivot au Canada. Vous avez dit que les compagnies aériennes n'atterrissent pas chez nous parce que les droits d'atterrissage sont trop élevés, ce qui réduit leurs bénéfices. Vous voulez des règles du jeu équitables, par exemple l'imposition de taxes sur le transport ferroviaire, le transport par autocar, et cetera. Pouvez-vous nous en dire davantage à ce sujet?
Monsieur Redekop, les Canadiens sont toujours à la recherche d'une aubaine. Si le prix du billet d'avion pour la Floride est de 600 $ et qu'il est possible de l'obtenir pour 500 $, nous accepterons d'aller en voiture pour prendre l'avion à Niagara Falls. D'autres témoins nous ont dit que cela se produira. Vous avez parlé de la situation à Plattsburgh, où les compagnies aériennes américaines nous enlèvent nos voyageurs, qui acceptent de passer la frontière pour payer moins cher.
Comment pouvons-nous remédier à cette situation? Monsieur Lazar, vous avez parlé du manque de concurrence sur le marché intérieur, et cetera. Je vous pose la question à tous les deux.
M. Redekop : Nous savons qu'il y a un problème quand Alaska Airlines s'établit à Bellingham pour emmener des Vancouvérois à Hawaï. Ce que fait cette compagnie est évident. La même situation se reproduit un peu partout dans les États frontaliers américains. Ce n'est pas seulement à Bellingham, nous avons la même chose à Syracuse, à Niagara Falls, à Detroit et ailleurs. Et cela ne s'arrêtera pas là. Il y a là un manque à gagner pour nos compagnies aériennes, nos aéroports et nos gouvernements. Les taxes et les droits qu'auraient dû recevoir les gouvernements et les aéroports vont maintenant en partie aux États-Unis. Le Canada les a perdus.
C'est ce que nous essayons d'établir ici. Les règles du jeu ne sont pas équitables. Lorsque j'ai parlé des trains et des autocars, je ne préconisais pas de les taxer dans la même mesure que le transport aérien parce que cela ne ferait qu'aggraver la situation. Je donnais simplement un exemple pour montrer que les aéroports, les compagnies aériennes et les passagers doivent assumer des taxes et des droits qui ne sont pas imposés ailleurs dans le secteur des transports. Là non plus, les règles du jeu ne sont pas équitables. Nos aéroports seront encore moins attrayants comme pivots.
M. Lazar a parlé de Toronto comme pivot possible de l'Europe en Amérique du Nord. Cela n'est pas envisageable dans le régime actuel parce qu'il est trop coûteux d'atterrir à l'aéroport international Toronto-Pearson. M. Eustache l'a clairement dit. Les nombres sont là. Tout le monde le sait. Il n'y a aucun mystère.
Nous devrons en fin de compte remédier au système de taxes et de droits, car tout le monde y perd : les gouvernements, les aéroports et les autres. Nous perdons de l'argent à cause des touristes qui ne viennent pas chez nous et à cause des Canadiens qui sont de plus en plus nombreux à aller de l'autre côté de la frontière pour prendre l'avion. Cela n'a fait l'objet d'aucune étude approfondie dans les études économiques que j'ai vues. Toutefois, les pertes du Canada en taxes et en droits sont évidentes, et tout le monde le sait.
Le sénateur Fox : Je vais poursuivre dans la même veine que le sénateur Meredith. À mon avis, si nous n'avons pas actuellement des règles du jeu équitables, c'est surtout attribuable à nos propres actions et politiques.
Si nous établissions des règles équitables — je suppose que ce serait en premier par rapport aux États-Unis et à l'Europe —, qu'arriverait-il au financement de nos aéroports locaux? Il y aurait des recettes perdues quelque part dans le système. Je ne suis pas sûr de ce qui arriverait à ce stade.
M. Redekop : Je crois que nous aurions plutôt un gain net au chapitre des recettes. Cela reste à prouver, mais, premièrement, nous pourrions récupérer les Canadiens qui sont actuellement de plus en plus nombreux à aller prendre l'avion aux États-Unis. Deuxièmement, beaucoup plus d'étrangers viendraient au Canada.
Le sénateur Fox : En fait, nous ne proposons pas d'éliminer l'ensemble de ces taxes et droits. Nous voulons simplement les ramener à un niveau comparable à celui de la concurrence, par exemple à Paris.
M. Redekop : Le secteur du transport aérien n'a jamais demandé la suppression des droits.
Le sénateur Fox : Quand vous parlez des « politiques agressives de subventions d'un petit nombre de gouvernements étrangers », à qui pensez-vous en particulier?
M. Lazar : Encore une fois, si nous considérons différents gouvernements asiatiques, en commençant par les États du Golfe et en progressant vers l'est, nous nous rendrons compte que la Chine voudra faire mousser son secteur du transport aérien et ses compagnies aériennes. De leur côté, les États du Golfe ont fait des investissements massifs d'infrastructure, les coûts étant absorbés par les gouvernements et non pas les compagnies aériennes et leurs passagers.
Le sénateur Fox : Quel genre de pouvoir aurions-nous si nous négocions des accords avec ces pays?
M. Lazar : Nous avons déjà des accords et des restrictions de capacité. Je crois que les transporteurs canadiens seraient très heureux de voir une libéralisation de ces restrictions, pourvu qu'elle soit accompagnée de codes comparables à ceux qui figurent dans nos accords commerciaux multilatéraux — ou tripartites en Amérique du Nord — relativement aux subventions, aux droits compensateurs, au dumping et aux sauvegardes, afin que les règles du jeu soient équitables. Si nous donnons une chance aux transporteurs canadiens, je crois qu'ils réussiront. Personne ne peut le garantir, mais je suis persuadé qu'ils ont de bonnes chances de réussir sur le marché mondial.
Le sénateur Fox : On s'est rendu compte que, dans la plupart des cas, les recours commerciaux sont des processus longs et encombrants. Pouvons-nous nous fier à ces mécanismes dans le court terme, par opposition au long terme?
M. Lazar : Avons-nous vraiment le choix? Que pouvons-nous faire d'autre? On peut recourir à des mesures unilatérales et adopter des politiques protectionnistes, comme nous l'avons vu l'année dernière, chaque pays essayant de déprécier sa devise par rapport au dollar américain et au yuan chinois. L'action unilatérale ne marche pas. C'est la raison pour laquelle nous avons emprunté la voie multilatérale et avons signé des accords commerciaux. Ils ne sont pas parfaits, mais ils valent beaucoup mieux que de ne rien avoir du tout.
Le sénateur Fox : Si nous voulons conclure un accord sur le transport aérien avec les Chinois, serons-nous en assez bonne position pour leur demander d'inclure des mesures de ce genre dans l'entente?
M. Lazar : Pouvons-nous faire céder les Chinois? Ils seraient peut-être disposés à inclure ces conditions, quitte à en faire abstraction plus tard en supposant que nous n'oserons pas prendre des mesures de rétorsion. Peut-être le Canada devrait-il assumer un rôle de leadership en essayant d'élaborer des accords régionaux ou multilatéraux plus importants pour le secteur du transport aérien.
Le sénateur Fox : À votre avis, combien de temps faudrait-il pour le faire?
M. Lazar : Je ne le sais vraiment pas.
Le sénateur Fox : J'ai l'impression qu'il serait possible d'appliquer le premier volet de votre stratégie plus facilement que le second.
M. Lazar : Nous avons actuellement une foule d'accords sur le transport aérien. Nous avons tous des contraintes de capacité, ce qui nous donne une certaine latitude pour essayer d'inclure d'autres codes dans ces ententes. Nous réussirons à le faire dans certains cas, mais pas dans d'autres.
Emprunter la voie régionale et multilatérale prendra du temps. Peut-être trois à cinq ans — je ne sais pas vraiment —, mais nous devrons nous orienter dans cette direction, car nous aurons davantage de problèmes lorsque la Chine commencera à donner de l'expansion à son propre secteur.
Le sénateur Fox : Les témoins qui ont comparu devant le comité ont surtout parlé de Montréal, Toronto et Vancouver. Je ne crois pas que vous avez souvent mentionné Montréal. À votre avis, quel est l'avenir de l'aéroport de Montréal dans ce contexte?
M. Lazar : J'aurais pu vous donner une réponse si j'avais eu une meilleure connaissance des projets d'Air Canada, mais je ne les connais pas. Je crois que la compagnie a augmenté le trafic international à Montréal dans les dernières années, mais je ne sais pas si elle continuera à le faire.
Il est difficile pour une compagnie aérienne comme Air Canada d'exploiter de multiples aéroports-pivots dans un pays de cette taille. Les transporteurs américains ont peut-être chacun deux ou trois pivots, mais leur marché est beaucoup plus grand. Combien de pivots vraiment importants peut avoir Air Canada? À mon avis, deux au maximum. Montréal ne serait alors qu'un pivot secondaire. Cela dit, je ne peux pas parler au nom d'Air Canada.
Le sénateur Fox : Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet, monsieur Redekop?
M. Redekop : Non.
Le sénateur Plett : Les compagnies aériennes qui semblent avoir le mieux réussi sont celles qui ont fait beaucoup de changements internes. Quand on vole aujourd'hui en classe touriste, on a de la chance si on obtient un petit sac de cacahuètes et un verre d'eau. Si on demande un second sac, il faut payer.
L'autre jour, j'ai eu l'occasion de bavarder avec le président-directeur-général d'une société qui possède quatre compagnies aériennes régionales. Il a fait une observation intéressante. Monsieur Redekop, j'aimerais connaître votre réaction. Il a dit que la raison pour laquelle WestJet et Southwest Airlines se débrouillent mieux que d'autres compagnies comme Air Canada, c'est qu'elles exploitent un seul type d'appareil. Ces compagnies aériennes régionales font la même chose. Pour sa part, Air Canada possède toute une gamme d'avions. Par conséquent, chaque fois qu'Air Canada donne des promotions ou forme des pilotes, il y a une énorme réaction en chaîne parce qu'une personne est retirée des commandes d'un petit avion pour occuper le siège du copilote dans un plus grand appareil. Dans le cas de WestJet, Southwest Airlines et quelques autres qui obtiennent de bons résultats, il n'y a qu'un seul type d'avion. D'après mon ami, c'est l'une des principales raisons du succès de ces compagnies.
Qu'en pensez-vous?
M. Redekop : Pourquoi WestJet n'a-t-elle pas de vols à destination de l'Asie? C'est parce qu'elle n'a pas les appareils qu'il faut. Pour devenir un transporteur international, on a besoin d'une gamme d'avions, y compris ceux qui peuvent franchir l'océan pour atteindre l'Asie. Air Canada et WestJet sont deux transporteurs différents. Ils ont des objectifs différents et servent des marchés différents. C'est un peu comme si on comparait des pommes et des oranges. Southwest Airlines non plus n'a pas de vols internationaux.
Le sénateur Plett : Ces compagnies auraient alors besoin de deux types d'appareils, pas de toute une gamme. Air Canada exploite beaucoup de types différents d'avions sur ses lignes intérieures, pas nécessairement pour les vols internationaux. Je prends constamment ces vols intérieurs, qui se font à bord de toute une série d'avions différents.
M. Redekop : Ces avions différents sont l'héritage d'une autre époque. Air Canada est une bonne compagnie aérienne qui a bien servi le Canada pendant de nombreuses décennies. Toutefois, elle a eu des difficultés. Se limiter à deux types d'avions est une décision de gestion interne. La compagnie sait ce qu'elle fait, comme la plupart des autres, mais elle doit affronter de nombreux problèmes différents.
L'idée des transporteurs ou des avions multiples est vraiment sans importance, à mon avis. On ne peut pas comparer WestJet à Air Canada. C'est une erreur de le faire parce que ce sont des compagnies très différentes qui poursuivent des objectifs différents.
Le sénateur Plett : J'accepte votre dernière réponse, sauf que vous avez aussi comparé deux compagnies aériennes différentes. Par conséquent, je crois pouvoir le faire aussi.
Quoi qu'il en soit, je vais passer à M. Lazar. Pour revenir aux droits, aux loyers, et cetera, j'appuie votre suggestion. S'il avait été possible de revenir en arrière, vous auriez privatisé l'administration aéroportuaire. Je crois que c'est une excellente idée. Toutefois, une société publique a des actionnaires qui exigent des bénéfices. Si la société ne fait pas de bénéfices et n'a pas l'intention d'en faire, que feriez-vous à sa place à part faire exactement ce que l'administration aéroportuaire a fait en imposant des loyers? Vous seriez dans l'obligation de faire la même chose. À mon avis, les actionnaires insisteraient davantage sur les bénéfices que ne le ferait un gouvernement.
Dans ce cas particulier, même si je suis un fervent partisan de l'entreprise privée, j'ai l'impression qu'une telle situation ferait monter les droits plutôt que de les diminuer.
M. Lazar : Je ne crois pas que ce serait le cas parce que les administrations aéroportuaires n'appartiennent pas à l'État. Ce sont des organismes à but non lucratif, qui sont indépendants du gouvernement. Comme je l'ai signalé, l'aéroport de Vancouver est l'une des entreprises les plus rentables du pays. Il ne qualifie pas son revenu net de « bénéfice », mais c'est bien de cela qu'il s'agit. Si nous avions privatisé les administrations et les avions soumises à un contrôle réglementaire, nous n'aurions peut-être pas eu les investissements massifs qui ont été faits.
Étant Torontois, je pense surtout à l'aéroport international Toronto-Pearson. Devait-il investir 7 milliards de dollars dans son projet d'expansion? La conception du terminal 1 est-elle la meilleure possible? La réponse aux deux questions est non. S'il s'était agi d'une société privée, le gouvernement Chrétien de l'époque aurait-il imposé à l'aéroport une dépense de 900 millions de dollars pour racheter la part des propriétaires du terminal 3? La réponse est encore non.
Avec des actionnaires et un contrôle réglementaire, on aurait probablement eu des programmes d'investissement différents et une conception différente dans ces aéroports. La structure des coûts n'aurait vraisemblablement pas été très différente — très probablement moins — et les opérations auraient été aussi efficaces, sinon plus efficaces.
Le sénateur Plett : Je conviens certainement avec vous, monsieur, que Toronto-Pearson est beaucoup trop cher, pour une raison ou une autre. Nous utilisons Vancouver et Montréal qui, je ne sais pourquoi, ont des droits inférieurs à ceux de Toronto. Je n'aime pas beaucoup l'idée que c'est à cause du système que nous avons créé. Je pense que c'est davantage attribuable aux gens qui dirigent l'aéroport de Toronto. Je ne suis pas sûr.
Toutefois, je conviens sûrement avec le président que nous avons besoin de faire quelque chose pour rendre Toronto-Pearson plus attrayant. Par ailleurs, comme le dit M. Redekop, je ne devrais pas mélanger les pommes et les oranges lorsque je compare les avions. Je crains fort que nous le fassions en comparant Vancouver et Toronto, parce que Vancouver n'est pas Toronto, même si c'est un autre pivot.
Le sénateur Merchant : Je vais aborder des questions un peu plus personnelles et plus régionales parce que je viens de Regina. C'est la capitale provinciale, mais nous avons aussi Saskatoon, qui est maintenant plus grande que Regina. Nous ne semblons pas pouvoir maintenir le vol direct qui avait été établi entre Regina et Ottawa. Comme je l'ai dit, je parle peut- être de questions personnelles.
Le vol direct de Saskatoon a fonctionné pendant plus d'un an, peut-être deux ans. Le vol direct de Regina a commencé le printemps dernier, peut-être au mois de mai, et a pris fin en septembre. J'imagine qu'il y a des raisons à cela. Je ne parle que d'Air Canada parce que WestJet n'a pas de vol direct pour Ottawa.
Les vols de Regina et Saskatoon étaient toujours pleins. Maintenant, Air Canada veut se servir de Toronto comme pivot. Elle préfère avoir une ligne Regina-Toronto-Ottawa ou Saskatoon-Toronto-Ottawa. Bien sûr, nous court- circuitons Toronto et passons par Winnipeg. Winnipeg est la seule ville dans une province d'un million d'habitants, tandis que la Saskatchewan a deux villes dans une province qui a aussi un million d'habitants. Est-ce notre destin d'être privés d'un vol direct? À votre avis, pourquoi Air Canada tient-elle tellement à nous imposer l'embarras d'une escale à Toronto?
M. Lazar : Il y a d'importants facteurs qui militent en faveur de la création d'un réseau comprenant un moyeu et des rayons. Plus on a de rayons, plus on peut augmenter les fréquences. C'est ce que veulent les passagers. Vous auriez préféré un vol direct entre Regina et Ottawa. En même temps, vous aimeriez bien avoir tous les jours trois ou quatre de ces vols directs dans les deux directions, pour pouvoir prendre l'avion aux heures qui vous conviennent. Toutefois, la demande ne le justifie pas. Les avions peuvent être mieux utilisés sur d'autres parcours. Même si les vols dont vous parlez étaient pleins, il est probable, compte tenu des recettes, que l'avion en aurait produit davantage en étant utilisé ailleurs. Je soupçonne que c'est la raison pour laquelle Air Canada a agi ainsi.
Aux États-Unis et en Europe, une part croissante du trafic en provenance des petits centres urbains est acheminée vers les grands pivots qui font la liaison avec le reste du monde. Cette façon de procéder a des avantages sur le plan des coûts, des avantages pour les compagnies aériennes sur le plan du réseau et, en définitive, des avantages pour les passagers.
Oui, vous auriez pu avoir un vol direct Regina-Ottawa, mais vous avez maintenant un plus grand choix quotidien pour vous rendre à Ottawa, même si vous devez accepter une escale, que vous n'en aviez auparavant.
Le sénateur Merchant : Nous n'avons qu'un choix très limité en passant par Toronto. Je crois qu'il y a seulement un vol le matin, un deuxième au milieu de la journée et un troisième dans la soirée.
Le président : Des représentants d'Air Canada doivent comparaître devant le comité. Ils seront heureux de répondre à cette question.
Le sénateur Merchant : Je vous remercie.
Le président : Je ne sais pas ce qu'il en est de votre destin, mais vous aurez bientôt devant vous des témoins très au courant de la situation.
Le sénateur Meredith : Je considère toujours l'économie et pense constamment à la façon dont les entreprises canadiennes affrontent la concurrence sur le marché mondial. En parlant de perspectives, vous voudrez peut-être tous deux nous donner votre point de vue sur les avantages économiques d'un secteur du transport aérien ouvert à un plus grand nombre de marchés d'Asie, d'Amérique du Sud et d'Europe, sur les effets que pourrait avoir un plus grand nombre de visiteurs sur le secteur touristique canadien ainsi que sur le nombre croissant de petites entreprises dont la survie dépend des visiteurs. Pouvez-vous parler de cela ainsi que du rôle que nous pourrions jouer pour accélérer cette évolution?
M. Lazar : À mon avis, pour attirer plus de trafic, nous avons besoin d'un plus grand nombre d'accords de type ciel ouvert et de plus d'ententes libéralisées comportant des sauvegardes suffisantes pour permettre aux transporteurs canadiens de soutenir la concurrence et de réussir. Nous ne voudrions pas les défavoriser. On pourrait aussi faire en sorte qu'il soit moins coûteux pour les compagnies aériennes d'atterrir dans les aéroports canadiens. Cela est très important. Dans tout cela, nous ne pouvons pas faire abstraction du fait que la hausse du dollar canadien a aussi joué contre nous. Comme nous ne pouvons pas y faire grand-chose, nous avons mis cette question de côté.
Je voudrais formuler une dernière observation, si vous le permettez, au sujet des aéroports frontaliers américains. Je ne connais pas les pertes de revenus attribuables à ces aéroports, mais certains croient qu'elles ont atteint 2 millions de dollars. Nous avons tendance à perdre de vue le fait que, sur de nombreux vols d'Air Canada ou de WestJet, 5 à 10 passagers peuvent faire la différence entre un bénéfice et une perte. Lorsque nous avons des fuites de ce genre, que ce soit en faveur des aéroports frontaliers américains ou d'aéroports situés ailleurs dans le monde, elles font qu'un certain nombre de vols partant du Canada ne sont pas rentables. Si tel est le cas, le parcours en cause est abandonné, ce qui a des conséquences secondaires. De nombreux vols de correspondance à destination des pivots perdent également leur rentabilité et sont également abandonnés. Il y a donc un effet en cascade. Nous avons des fuites d'environ 2 millions de dollars en faveur des aéroports américains et d'autres fuites en faveur d'autres aéroports à cause de nos politiques et de nos coûts. Toutefois, les dégâts subis par le secteur canadien du transport aérien vont beaucoup plus loin que ces nombres.
M. Redekop : Par ailleurs, nous pouvons constater que beaucoup d'étrangers viennent au Canada en passant par les États-Unis à cause de la capacité et de la fréquence des vols entre ce pays et l'Asie et l'Europe. Les Chinois et les Japonais peuvent ou non venir au Canada parce qu'ils arrivent d'abord aux États-Unis. Le Canada n'est pas aussi attrayant pour eux. Nous ne pouvons que profiter d'une expansion du marché et du nombre de vols. Peut-être retrouverons-nous notre place parmi les 10 premières destinations touristiques.
Le président : Monsieur Lazar et monsieur Redekop, je vous remercie de vos exposés et de vos réponses.
Avant de lever la séance, je voudrais rappeler aux membres du comité que nous aurons une réunion demain à 18 h 45 pour entendre Michael Tretheway, président d'InterVISTAS Consulting Inc.
(La séance est levée.)