Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants
Fascicule 4 - Témoignages du 26 mai 2010
OTTAWA, le mercredi 26 mai 2010
Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 12 h 8 pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes, aux anciens combattants, aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et leurs familles (sujet : la mise en œuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants).
Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Il s'agit d'une réunion du Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le comité étudie actuellement les questions relatives à la nouvelle Charte des anciens combattants et examine dans quelle mesure elle répond les intérêts des militaires en service actif et des anciens combattants. Aujourd'hui, nous nous arrêterons au cas des réservistes qui servent également le Canada.
Le sénateur Pamela Wallin est la présidente du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le général à la retraite James Cox, qui est notre analyste, nous sert d'interprète pour décoder le langage des militaires. Kevin Pittman est greffier du comité. Depuis de nombreuses années, le sénateur Lucie Pépin s'intéresse tout particulièrement à la vie des familles militaires. D'autres membres de notre comité nous rejoindront éventuellement plus tard, selon leur disponibilité.
Nous accueillons donc — et nous leur en sommes reconnaissants — le caporal Michael McTeague, du 32e Régiment du génie de combat, Jean-Pierre Godbout, du 35e Bataillon des services du Canada, le caporal-chef Martial Boivert, du 12e Régiment blindé du Canada, le caporal Thomas Bezruki, du Royal Highland Fusiliers of Canada et le caporal Dominique Lareau du Régiment de la Chaudière.
Messieurs, nous sommes ravis que vous ayez pris de votre temps pour venir nous éclairer sur les questions que nous étudions. L'un d'entre vous voudrait-il faire une déclaration liminaire avant que nous passions aux questions des membres du sous-comité? Dans la négative, nous allons tout de suite passer aux questions.
Le sénateur Wallin : Nous aimerions, je pense, que vous nous parliez chacun de votre situation de réserviste, de la façon dont vous percevez Anciens Combattants Canada et la nouvelle Charte des anciens combattants et de l'expérience que vous en avez eu.
Caporal Michael McTeague, 32e Régiment du génie de combat, Défense nationale : Honorables sénateurs, j'ai été blessé en 2006 et j'ai déposé ma demande de pension d'invalidité auprès d'Anciens Combattants Canada en septembre 2008. J'attends toujours la décision finale, près de deux ans plus tard, ce que je trouve long pour trancher ce genre de demande.
J'entamerai bientôt ma transition vers la vie civile. À en croire ceux qui sont passés par là, la transition n'est pas chose facile. On dirait même que c'est plutôt difficile.
Le président : Caporal, pourriez-vous nous décrire les circonstances dans lesquelles vous avez été blessé?
Cpl McTeague : Comment j'ai été blessé?
Le président : Où, comment et quand?
Cpl McTeague : J'effectuais une patrouille démontée dans le district de Zhari, en Afghanistan, le 18 septembre 2006 quand un homme à bicyclette est venu se placer au milieu de notre dispositif, puis s'est fait sauter. J'étais à quelque trois mètres de lui.
Le président : Quel a été le résultat pour vous?
Cpl McTeague : Je suis resté inconscient pendant cinq minutes environ. Quand j'ai repris mes sens, quelqu'un était penché sur moi. Je ne sentais pas grand-chose. Presque tous les os de mes membres inférieurs ont été brisés, j'ai perdu une partie de mon gros intestin et j'ai reçu un roulement à billes dans le cou qui a endommagé le nerf rachidien. J'ai passé environ six mois à l'hôpital, en rééducation.
Le président : Excusez-moi de vous interrompre, mais je dois préciser que nous allons poser nos questions à chacun de vous.
Pour l'instant, êtes-vous soigné en tant que membre des forces régulières?
Cpl McTeague : Oui. C'est un peu comme si j'étais encore dans l'armée. J'occupe un poste administratif.
Le président : Envisagez-vous de quitter l'armée?
Cpl McTeague : J'y resterais si je le pouvais. Toutefois, à cause de mes blessures, je ne pourrai plus être promu, car il faut suivre des cours pour cela.
Le président : Vous avez décidé de partir.
Cpl McTeague : J'aimerais rester, mais il semble qu'on ne vous donne pas le choix parce qu'il faut réussir les épreuves physiques pour s'acquitter des tâches qu'on vous confie.
Le sénateur Wallin : Ce poste administratif que vous occupez fait-il partie des unités interarmées de soutien du personnel?
Cpl McTeague : Non. Je travaille au quartier général du Secteur du Centre de la Force terrestre où je suis commis aux finances. Mon unité d'appartenance est le Centre intégré de soutien du personnel.
Le président : Je veux être certain de ne pas avoir fait d'erreur en disant que vous étiez tous des réservistes en service actif quand vous avez été blessés. Est-ce le cas pour chacun d'entre vous? Autrement dit, l'un d'entre vous appartient-il à la force permanente?
[Français]
Caporal Dominique Lareau, Royal 22e Régiment (Anciennement membre du régiment de la Chaudière), Défense nationale : Oui, j'ai été transféré depuis mon déploiement dans les forces actives.
[Traduction]
Le président : Et vous êtes maintenant militaire en service actif?
[Français]
Cpl Lareau : Présentement, oui, mais lors du déploiement, j'étais réserviste.
[Traduction]
Le président : Merci. Passons au caporal Godbout.
Le sénateur Wallin : Nous devrions faire un tour de table. Pouvez-vous nous dire ce qui vous est arrivé et où?
[Français]
Caporal Jean-Pierre Godbout, 35e Bataillon des services du Canada, Défense nationale : Moi, j'ai été blessé. Je roulais en convoi, je suivais le véhicule devant moi. Je ne voyais pas en avant à cause de la poussière qui était excessivement fine. Ce qui est arrivé, c'est que je suis passé sur un trou et j'ai quasiment été éjecté de mon siège; j'étais attaché. Une semaine après, j'ai commencé à être malade. J'avais mal au ventre et je suis rentré d'urgence à l'hôpital à Kaboul et les Britanniques m'ont opéré d'urgence. Ils ne savaient pas ce que j'avais alors ils m'ont ouvert le ventre et ils ont vu que mon colon s'était détaché et twisté et ils m'ont enlevé l'appendice en même temps. Par la suite, j'ai passé 12 jours à l'hôpital dans une tente avec des Afghans à côté de moi. Je suis resté à peu près cinq ou six jours à l'hôpital britannique dans le camp où j'étais. J'ai par la suite été transféré à Kandahar où ils m'ont dit que j'allais être renvoyé chez moi. Mais ils étaient toujours incertains, ils ne savaient pas si j'allais rester ou pas à Kandahar. C'est pas mal mon histoire.
Il a fallu que je me batte auprès du ministère des Anciens combattants pour essayer de démêler ce qui était arrivé parce qu'ils pensaient que c'était un défaut congénital. Je me suis renseigné. À 25 ans, un colon qui se détache, c'est très, très rare, cela n'existe quasiment pas. On se bat encore sur cette question. C'est mon histoire.
J'ai été dédommagé seulement pour la cicatrice. Ma famille n'a pas pu venir me voir à Kandahar. J'ai été seulement une journée, lorsqu'ils m'ont transféré. J'ai fait neuf heures de vol en Hercules américain pour me rendre en Allemagne, après quoi ils m'ont transféré à Québec, une journée après. Ils ont réussi à me trouver un siège en avion civil pour aller à Québec.
[Traduction]
Le président : Je veux être certain de bien avoir compris. Soutenez-vous que votre côlon s'est détaché à cause de l'accident et que les Forces canadiennes ne sont pas d'accord avec votre version; c'est cela?
[Français]
Cpl Godbout : Oui. Normalement, un défaut congénital va être détecté dans les cinq premières années de la vie d'un enfant. C'est là que le corps se forme, c'est là que tout se met en branle. J'ai une tante qui est radiologiste à Québec et elle me l'a dit clairement, une telle maladie est très rare. Si j'avais vraiment eu cette maladie, il aurait fallu qu'ils me passent des tests pour savoir pourquoi.
Le sénateur Pépin : Vous auriez eu d'autres problèmes avant.
Cpl Godbout : Oui, j'aurais eu des problèmes de digestion. Je pouvais faire tout ce que je voulais, je pouvais manger ce que je voulais. Cela revient tranquillement parce qu'il a fallu que je me fasse réopérer l'été dernier, en urgence, à cause de la première opération. Ils disent que cela a été un succès, mais ce n'est pas vrai. Normalement, je n'aurais pas eu besoin de me faire réopérer à Québec. Je suis rentré d'urgence, j'avais cinq nœuds, trois déchirures puis j'étais en train d'exploser intérieurement. Ils m'ont enlevé beaucoup de corps étrangers.
[Traduction]
Le président : Est-ce que vous faites maintenant partie de la force permanente?
[Français]
Cpl Godbout : Après mon opération à Québec, cela a pris un mois. Je me suis vraiment bien remis. J'ai eu le soutien de l'UISP. Ils étaient là pour m'aider et me fournir les physiothérapeutes et tout ce dont j'avais besoin. Je suis revenu à 80, 90 p. 100 de ma forme. Sauf que des fois, j'ai encore mal au ventre. Ces temps-ci, j'ai un peu plus mal. Si je retombe très malade, il faudra peut-être que je me fasse réopérer.
Présentement, je suis encore en classe C parce que j'ai fait la force opérationnelle PODIUM. Je suis allé à Vancouver pendant deux mois. Je suis en train de faire la force CADENCE.
Le président : Merci.
Caporal-chef Martial Boisvert, 12e Régiment blindé du Canada, Défense nationale : Moi, j'ai été blessé le 13 avril 2009. On a roulé sur un engin explosif improvisé. Ma conductrice, la caporale Karine Blais, est décédée lors de cette explosion.
J'ai eu huit fractures au bassin, fracture des apophyses transverses aux vertèbres, de L2, L3, L4 et L5, fracture du fémur, beaucoup de blessures internes, traumatisme crânien. À la suite de mes blessures, ils m'ont rapatrié en Allemagne, à Landstuhl, où mes parents sont venus me rejoindre. J'y ai passé environ six ou sept jours parce que pendant une certaine période de temps, je n'étais pas conscient. Ensuite, j'ai été rapatrié au Canada, dans la ville de Québec. J'ai été trois mois alité à cause de mes fractures au bassin.
Ensuite, j'ai commencé ma réadaptation. J'ai recommencé à marcher avec des cannes et des béquilles seulement quatre mois après l'accident, sinon j'étais en fauteuil roulant. J'ai de la difficulté à attacher mes souliers; j'ai très souvent des douleurs au dos. Je poursuis ma réadaptation avec de la physiothérapie et beaucoup de rééducation physique. Cela va bien.
Toutefois, j'ai beaucoup de difficulté avec le montant forfaitaire. Je crois qu'une pension mensuelle serait beaucoup plus appropriée avec les blessures que j'ai subies. J'ai débuté le processus avec Anciens combattants depuis moins d'un an, c'est donc tout nouveau. J'ai reçu un premier dédommagement.
[Traduction]
Le sénateur Wallin : Allez-vous rester dans l'armée et quel genre de travail allez-vous y faire? Avez-vous une idée du poste qu'on vous confiera si vous restez?
[Français]
Cplc Boisvert : J'aimerais beaucoup rester dans les Forces armées. Je crois avoir de bonnes chances de pouvoir reprendre mes anciennes fonctions. Par contre, il est encore trop tôt pour pouvoir le dire.
[Traduction]
Le président : Deux autres de nos collègues viennent de se joindre à nous. Le sénateur Fabian Manning, vice-président de ce comité, et le sénateur Fred Dickson, que j'ai eu le plaisir d'accompagner en Europe pour les célébrations du 65e anniversaire de la libération des Pays-Bas. Messieurs, ces autres membres du comité vont pouvoir vous poser leurs questions.
[Français]
Le sénateur Pépin : Vous dites préférer recevoir un paiement mensuel qu'un montant forfaitaire. S'agit-il d'une somme globale, annuelle? Comment cela fonctionne-t-il?
Cplc Boisvert : Il s'agit d'un montant forfaitaire.
Le sénateur Pépin : Il s'agissait probablement d'une somme assez importante. Ce serait plus facile de gérer des paiements mensuels qu'un montant forfaitaire.
Cplc Boisvert : C'est bien ça.
Cpl Godbout : Je suis du même avis. Les gens qui reviennent d'Afghanistan sont un peu en trouble de stress post- traumatique. Ils reçoivent un gros chèque forfaitaire, mais à 18 ou 20 ans, il est possible de le liquider en deux jours et ensuite, il ne reste plus rien. Même lorsqu'on a perdu ses jambes, à un moment donné, il faut payer sa maison. Il faudra à ce moment trouver un emploi au civil. Avec le paiement mensuel, la personne sait qu'elle en aura toute sa vie.
[Traduction]
Le sénateur Pépin : Et vous, caporal McTeague?
Cpl McTeague : Je suis du même avis. Je pense qu'une pension serait mieux qu'un montant forfaitaire. Si je recevais un paiement forfaitaire maintenant, à 60 ou 70 ans, je n'aurais plus rien. Il est évident que je ressentirai davantage les effets de mes blessures en vieillissant, tandis que je n'aurai plus d'argent.
Le sénateur Wallin : Selon vous, qu'adviendrait-il si vous restiez dans l'armée? Que devrait-il advenir de cette pension si vous demeuriez sous les drapeaux?
Cpl McTeague : Je ne sais pas comment les choses pourraient fonctionner.
Le président : Permettez-moi d'intervenir pour tenter de préciser davantage ce dont nous parlons.
Caporal-chef Boivert, nous avons une idée de ce que sont les paramètres et les limites des paiements forfaitaires. Vous sentez-vous libre de nous dire quel montant forfaitaire vous allez toucher, que ce soit le montant exact ou approximatif? Obtiendrez-vous la totalité du paiement forfaitaire prévu?
[Français]
Cplc Boisvert : Pour l'instant, on a évalué ma perte à 30 p. 100. Cela m'a donné un montant d'un petit peu moins de 83 000 $.
[Traduction]
Le président : Le général Cox vient de me rappeler deux ou trois choses. Comme nous l'avons appris, en plus des paiements forfaitaires, d'autres dispositions visent à vous permettre de conserver le même niveau de revenu. Les montants forfaitaires ne sont donc qu'une partie de ce dont nous parlons ici.
Quant à la situation du caporal Godbout, le général m'a aussi rappelé qu'il est indiqué dans la NCAC qu'en l'absence de preuve contradictoire, les décisions relatives aux réclamations sont rendues à la faveur du demandeur. Nous ne devons pas perdre cela de vue.
Caporal Bezruki, je vous en prie.
Caporal Thomas Bezruki, Royal Highland Fusiliers of Canada, Défense nationale : J'ai été blessé en Afghanistan en janvier de l'année dernière dans l'explosion d'une bombe artisanale. Nous étions en opération quand l'arrière de mon véhicule a été touché par l'explosion. J'ai subi une fracture de la colonne vertébrale et un traumatisme crânien fermé. Mon nerf sciatique a été pincé à cause des fractures et j'ai perdu une partie des sensations dans la jambe gauche.
Les Forces canadiennes m'ont attribué une catégorie médicale permanente. J'attends qu'Ottawa décide officiellement de me garder ou non dans l'armée.
Comme j'en suis tout juste à la phase évaluation de ma demande, j'ai été consulter le médecin militaire de district. J'ai débuté avec elle il y a deux semaines par un examen physique complet qui sera nécessaire à la décision finale que rendra ACC dans mon cas.
Le président : Que va donner cette décision selon vous? Je ne veux pas parler du résultat en tant que tel, mais plutôt des questions qui seront posées pour en arriver à la décision attendue et des réponses qui seront apportées.
Cpl Bezruki : On évalue notre mobilité et notre degré d'autonomie dans certains gestes quotidiens, comme le fait d'attacher ses chaussures, de courir et de demeurer debout pendant de longues périodes. Les médecins cherchent aussi à déterminer dans quelle mesure nos blessures ont guéri, à quel stade elles en sont et de quels soins médicaux nous aurons besoin dans l'avenir en fonction de notre état. Puis, le dossier est soumis à la commission des pensions qui établit le percentile auquel on a droit.
Le sénateur Dickson : Pourriez-vous nous expliquer tout ce processus? Par exemple, pouvez-vous soumettre un avis médical indépendant? Avez-vous droit à un avocat? Vous donne-t-on accès à un avocat non militaire? En fait, j'aimerais savoir si vous avez une sorte de tribunal d'appel des accidents du travail.
Cpl Bezruki : Sénateur, je crois savoir qu'à l'étape de l'évaluation, j'ai la possibilité de me faire assister par un avocat en passant par Anciens Combattants Canada. Je n'en suis pas encore là, parce que j'attends la décision du médecin militaire de district qui doit renvoyer mon dossier à Charlottetown.
Par la suite, je pourrai me prévaloir du PAAC qui me donnera droit à certains fonds si je veux être représenté par un avocat privé. Si je ne suis pas d'accord avec les conclusions de la commission, je pourrai faire appel jusqu'à un certain point.
Le sénateur Dickson : Toutefois, dans le premier cas, vous avez dû choisir à partir d'une liste qui vous a été fournie, n'est-ce pas?
Cpl Bezruki : Il faut remplir les papiers qu'on nous remet après le dépôt de la demande au bureau de district. Les médecins rédigent ensuite un avis à propos de chacune de vos blessures et le tout est envoyé à un médecin militaire du service des pensions — je crois que c'est comme ça que ça s'appelle —, puis à Charlottetown où le dossier est réexaminé avant d'être renvoyé au demandeur. C'est là où j'en suis. Le médecin militaire de district va devoir apporter un complément d'information, car il n'y avait pas assez de données dans mon dossier pour permettre la fixation du percentile.
Le président : Le général Cox vient de me rappeler que la procédure de recours à un avocat privé n'intervient qu'après l'évaluation ou la décision initiale.
Le sénateur Dickson : En plus de cette question de l'avocat, qu'en est-il de l'avis d'un médecin indépendant?
Cpl Bezruki : Il y a des médecins civils. Comme je reçois la majorité de mes soins en ophtalmologie et en orthopédie à Sunnybrook, ce sont mes chirurgiens et médecins généralistes qui se sont occupés de la documentation destinée à Anciens Combattants Canada où sera prise la décision finale. Toutefois, pour l'instant, Anciens Combattants Canada a renvoyé mon dossier à Charlottetown en réclamant plus d'informations au sujet d'une de mes blessures.
Je pourrais toujours demander à mon médecin traitant d'examiner mon dossier, mais il est plus utile qu'un spécialiste s'occupe de cela parce qu'il a accès à tout mon dossier médical, à mes IRM et à mes tomodensitogrammes.
Le sénateur Dickson : Outre qu'il doit étayer sa position par écrit, un examinateur médical indépendant — dont vous pourriez retenir les services — a-t-il l'occasion de témoigner en personne devant le tribunal?
Cpl Bezruki : Je crois qu'à l'étape de l'appel, après la phase d'évaluation, l'avocat qu'on m'aura assigné pourra rencontrer mon équipe soignante pour répondre aux questions que leurs avis ne manqueront pas de soulever.
Le président : Pour l'instant, est-ce qu'en plus de la solde que vous recevez — je suppose que vous percevez la solde d'un soldat à temps plein — vous touchez d'autres indemnités monétaires?
Cpl Bezruki : Je viens juste de recevoir mon évaluation initiale. Je peux décider maintenant de contacter mon conseiller de district pour me faire inscrire à un programme qui m'assistera davantage. Si je suis libéré de l'armée, je pourrai tout de même être indemnisé pour ma rééducation. De plus, les coûts de l'assistance médicale dont je pourrais avoir besoin à l'avenir seront payés.
[Français]
Cpl Lareau : L'an dernier, je servais au sein du 2e Bataillon Royal, 22e Régiment, en Afghanistan. Mon peloton effectuait une opération démontée dans le secteur de Panjwayi, le 20 mai 2009. Nous avons engagé le combat avec l'ennemi durant près de quatre heures. J'ai été blessé lorsqu'on a tiré avec des lance-roquettes et des tirs d'artillerie près de notre position. J'ai subi des perforations aux tympans. J'ai été ensuite évacué à Kandahar. J'ai passé quelques jours là- bas. Ensuite, je suis retourné sur le terrain, terminer mon déploiement.
Arrivé à Québec, à la fin de mon déploiement, j'ai rencontré des médecins spécialistes qui ont diagnostiqué de l'acouphène permanent et des pertes auditives. Ce n'est pas une blessure majeure comparée à mes collègues, mais je devrai subir cela toute ma vie.
[Traduction]
Le président : Certains d'entre nous ont une petite idée de tout cela parce qu'ils sont passés par là.
Caporal Bezruki, étiez-vous à Nyala quand ça vous est arrivé?
Cpl Bezruki : J'étais à Bison, sénateur.
Le sénateur Wallin : Vous nous avez tous parlé de vos blessures physiques. Est-ce que l'un de vous dirait qu'il a aussi subi un stress post-traumatique? Si c'est le cas, décrivez-nous ce que cela signifie pour vous.
[Français]
Cpl Godbout : Personnellement, quand j'ai été opéré à Québec, j'ai été quasiment forcé de quitter l'hôpital. À cause de la mauvaise expérience que j'ai vécue à l'hôpital de Kaya à Kaboul, j'ai éprouvé des difficultés à rentrer dans un hôpital. Lors de mon opération, il fallait m'intuber dans le nez pour drainer mon estomac et je n'étais pas capable de supporter cela. Le médecin a conclu quasiment à un refus de coopération et il a fallu que je retourne chez nous à cause de cela. C'est le genre de traumatisme dont je souffre, la peur de l'hôpital.
Le sénateur Pépin : Vous a-t-on suggéré un thérapeute afin de vous aider à surmonter cette peur?
Cpl Godbout : Je me souviens que lors de ma dernière opération à Québec, ma femme était là ainsi que ma famille et cela m'a beaucoup aidé. Aussi, pour le langage, c'était plus facile. À Kaboul, ce sont des Tchèques qui m'ont opéré. Je ne connaissais pas leur langue et personne ne parlait français. Une seule personne parlait anglais et mes connaissances de la langue anglaise sont très limitées. Ce n'était pas évident.
À Québec, cela a vraiment bien été. Le personnel était compétent. Aussi, j'ai eu l'aide des militaires de l'armée; ils m'ont envoyé de spécialistes, des psychologues étaient près de moi tout le temps.
Le sénateur Pépin : Ma question s'adresse à la majorité d'entre vous : Quel rôle votre famille joue-t-elle dans votre réadaptation? Certains sont mariés, d'autres ont leurs parents, mais comment cela fonctionne avec la famille? Le stress est important et j'aimerais savoir quel rôle joue votre famille.
Cpl Godbout : Personnellement, je vis surtout à Québec, comme je le disais, et ma famille m'appuie beaucoup. Mais ils ne peuvent pas tout comprendre non plus, comme ma peur et mon intolérance à l'hôpital, le fait que je sois stressé, que je sois vraiment impatient. Même si j'y vais pour mon fils, par exemple, j'ai beaucoup de difficulté à gérer le temps d'attente si c'est un peu long.
Le sénateur Pépin : D'autres témoins aimeraient partager leur expérience?
[Traduction]
Cpl Bezruki : Moi aussi, j'ai deux enfants et une femme à la maison. Le processus a été long et le questionnaire qu'Anciens Combattants Canada m'a demandé de remplir pour donner suite à ma demande contenait beaucoup de questions auxquelles je n'avais pas de réponse.
Le ministère comprend que j'ai été blessé, mais je ne pense pas que qui que ce soit, ni les enfants ni les adultes, soit conscient des limitations que mes blessures leur imposent au quotidien, ce qui se traduit dans les activités parascolaires des enfants comme les sorties à Wonderland ou dans un parc d'attractions ou encore en camping ou lors de voyages sur de longues distances. Ces activités sont devenues plus difficiles pour nous. Je ne peux pas toujours passer trois ou quatre heures d'affilée en voiture, sans m'arrêter, comme je pouvais le faire avant. Il leur faut apprendre, à l'expérience, ce que représentent toutes mes limitations. L'armée nous permet de bénéficier de services de counselling.
[Français]
Le sénateur Pépin : Vos familles subissent des conséquences également. Comment composent-elles avec tout cela?
Cpl Godbout : De mon côté, ma famille essaye de ne pas trop m'en parler. J'essaye de tourner la page. Je veux fermer le livre, présentement. Je suis à la veille de le fermer pour être sûr que tout est correct, que tout aille bien.
[Traduction]
Cpl McTeague : Ma famille s'est bien occupée de tout ça. Mon père a travaillé pour Wounded Warriors, fonds qui a été créé afin d'aider les soldats blessés. Il continue de prendre position pour les soldats blessés afin qu'ils reçoivent toute l'aide dont ils ont besoin. Ma famille m'appuie beaucoup.
[Français]
Cpl Lareau : Disons que ma famille entière est dans l'armée; mon frère sert dans le 22e Bataillon ainsi que mon père. Ils sont conscients de notre engagement. Ma blessure n'est pas majeure; ils étaient un peu inquiets lors de mon appel pour leur expliquer que j'étais évacué, mais à part cela, c'est correct.
Cplc Boisvert : J'ai eu un bon appui de mes parents. C'est sûr que ma mère a eu de la difficulté à gérer ce stress, d'autant plus qu'elle est infirmière.
Le sénateur Pépin : Elle connaît l'impact.
Cplc Boivert : C'est cela. Son psychologue a diagnostiqué un choc post-traumatique quand elle a appris la nouvelle que j'avais été blessé. Maintenant, elle va bien. Elle a été suivie, traitée. On essaye de reprendre une vie normale, malgré les blessures et le stress.
[Traduction]
Le président : Nous essayons de trouver un équilibre. Ces jeunes soldats sont tous des réservistes. Ils se sont portés volontaires pour servir le Canada et ont tous souffert à cause des blessures qu'ils ont reçues en service.
Nous voulons déterminer si la nouvelle Charte des anciens combattants les sert bien, eux et leurs camarades. Voilà l'essentiel de ce que nous essayons de faire à l'occasion de cette étude.
Le sénateur Manning : Vous avez parlé entre vous et avec d'autres au sujet de la nouvelle Charte des anciens combattants, surtout en ce qui concerne les soldats blessés. Pouvez-vous nous donner une idée des remarques négatives et positives de même que des critiques que vous avez échangées lors de vos discussions, parce que cela est très nouveau pour nous tous. Nous avons recueilli les témoignages de soldats dont le dossier avait été traité en vertu de l'ancien système et nous accueillons maintenant ceux qui sont visés par la nouvelle Charte des anciens combattants. Nous cherchons à déterminer s'il y a lieu de corriger certains aspects de la nouvelle Charte des anciens combattants qui ne répondraient pas aux attentes. Pouvez-vous nous parler des problèmes que vous avez éprouvés en vertu de cette nouvelle charte et de vos expériences positives?
Le président : Vous devez poser une question précise.
Le sénateur Manning : Par exemple, il a été question de l'octroi d'une somme forfaitaire plutôt que de prestations de pension. Pouvez-vous nous en dire plus à ce sujet?
Pour ce qui est des problèmes que vous avez rencontrés, je crois savoir que chacun de vous a un gestionnaire de cas. Dans le cas des paiements forfaitaires, une invalidité partielle donne droit à un pourcentage du total possible. Quelle procédure devez-vous suivre dans le règlement de ces questions? Je suis certain que vous-même et votre famille avez connu des moments frustrants à cause de cela. J'aimerais que vous m'en parliez et que vous me parliez des aspects qui ont bien fonctionné. Pas question pour nous de jeter le bébé avec l'eau du bain parce qu'il est question de conserver ce qui fonctionne et d'améliorer ce qui ne fonctionne pas.
Dites-nous comment ça s'est passé pour vous après votre retour au Canada, quand votre dossier a été traité — je me dois d'utiliser ce mot — par Anciens Combattants Canada.
Le président : Caporal McTeague, pouvez-vous répondre?
Cpl McTeague : Je n'ai entamé mes démarches que deux ans après mon retour à cause de l'état de mes blessures. Je ne savais pas jusqu'à quel point je récupérerais. J'ai fait ma demande d'indemnité en septembre 2008. J'ai trouvé un peu frustrant d'avoir à remplir toute cette paperasserie, surtout le questionnaire sur la qualité de vie. On m'a demandé dans quelle mesure chaque blessure avait impacté ma vie. Quand on a subi des fractures multiples, on ne peut pas faire le détail de la façon dont chaque fracture perturbe notre vie. Il faut décrire l'effet des fractures en général, ce que j'ai trouvé très frustrant. On m'a obligé à remplir cette partie parce qu'on m'a dit que chaque élément détermine le pourcentage d'invalidité donnant lieu à un règlement forfaitaire.
Je n'ai pas vraiment eu beaucoup plus affaire avec le processus que la demande d'indemnité elle-même. Je sais que beaucoup ont trouvé contrariant de devoir remplir tous ces papiers ou de découvrir que leur demande avait été rejetée. Certains semblent être vraiment frustrés. J'ai vu des types qui ont pété les plombs au point de balancer leur chaise à travers la pièce.
On m'a envoyé une partie du règlement, mais on ne m'a pas communiqué la décision finale. J'ai reçu le premier chèque, mais la lettre expliquant la décision n'est arrivée qu'une semaine et demie plus tard. Quand on reçoit un chèque sans explication, on a des sueurs froides, parce qu'on se demande pourquoi on n'a pas reçu plus. Dans mon cas, j'ai pensé que c'était le résultat de la décision finale et j'ai appelé un peu partout pour essayer de savoir ce qui se passait. On m'a demandé si j'avais reçu la lettre, ce qui n'était pas le cas. Je suppose que d'autres que moi également ont reçu l'argent avant la lettre. La lettre d'explication devrait arriver avant le chèque.
Le sénateur Manning : Ou du moins, elle devrait accompagner le chèque.
Le président : C'est frustrant pour tout le monde de devoir remplir un formulaire qui ne traduit pas sa situation personnelle. Ça perturbe tout le monde, mais certainement pas autant que vous, les gars. Quelqu'un vous a-t-il aidé à remplir le formulaire? Pouviez-vous demander une assistance quelconque pour répondre aux questions?
Cpl McTeague : Quand j'ai rempli ma demande, mon officier désigné — qui s'occupe de beaucoup de cas d'Anciens Combattants — a rédigé un rapport complet expliquant mes blessures, mais Anciens Combattants Canada l'a mis de côté. Je n'ai pas rempli le questionnaire sur la qualité de vie. Quand je me suis présenté pour la réévaluation, on m'a imposé de remplir ce questionnaire, mais on a aussi accepté le rapport complet.
Le sénateur Manning : Quel rôle joue votre gestionnaire de cas?
Cpl McTeague : Je la vois tous les deux ou trois mois environ pour faire le point et lui dire ce que je fais. À part ça, je n'ai pas beaucoup de contacts avec ma gestionnaire de cas.
Le sénateur Manning : On aurait pu penser que le ou la gestionnaire de cas servirait de guide dans le processus et qu'il ou elle interviendrait auprès d'ACC au cas où vous ayez des préoccupations, des questions ou des problèmes. Je trouve cela énervant. Peut-être que quelqu'un d'autre pourrait nous en dire plus à ce sujet.
Cpl Bezruki : J'ai vécu à peu près la même chose. J'ai reçu les formulaires et le questionnaire sur la qualité de la vie. On me demandait si j'étais capable de poursuivre mes activités récréatives quotidiennes. Il fallait dire oui, non ou oui en me faisant aider. Il fallait simplement cocher une case. Moi, je me débrouille dans mes activités quotidiennes, mais pas question d'aller courir dans le parc avec les enfants ou le chien. En revanche, je peux descendre les poubelles dans le garage. Les questions de ce genre sont trop générales et il faudrait entrer davantage dans le détail.
J'ai plus ou moins rédigé une autobiographie que j'ai jointe à mon dossier pour dresser un portrait plus complet de ma vie que grâce à deux ou trois coches faites dans des cases. Quand je suis allé voir mon médecin militaire de district pour mon rendez-vous de suivi, elle m'a dit qu'elle avait beaucoup plus appris avec ma biographie qu'à partir de mon formulaire. C'est la première fois qu'elle me rencontrait et elle avait lu mon autobiographie une heure avant le rendez-vous. Elle m'a dit en avoir appris davantage grâce à ce document que par les réponses cochées dans le formulaire. De plus, j'ai eu la chance d'être aidé par mon officier désigné.
À l'Hôpital Sunnybrook, un traumatologue, le Dr Homer Tien, m'a également aidé à remplir les papiers d'Anciens Combattants Canada pour indiquer qui je devais voir, qui avait rempli le formulaire, quelle était l'étendue de mes blessures et si celles-ci m'affecteraient durant toute ma vie. Cela m'a aidé dans mon parcours. Il a fait office de gestionnaire de cas et de guide tout au long du processus.
Le président : Vous avez tous deux parlé de votre officier désigné. Qui est-ce?
Cpl Bezruki : Les Forces canadiennes désignent un officier qui doit assister le militaire blessé dans tout le processus, des soins médicaux aux demandes relatives à la solde en passant par les rendez-vous médicaux et la paperasserie, outre qu'il aide la famille dans ses contacts avec le Centre des ressources pour les familles des militaires en cas de problème. L'officier désigné s'occupe de tous les problèmes auxquels le militaire se heurte pour qu'il n'ait pas lui-même à cogner à toutes les portes.
Le président : L'officier désigné vous aide à remplir les formulaires et à vous retrouver dans le processus. Il s'agit d'un militaire, pas d'un employé d'ACC.
Cpl Bezruki : C'est cela.
Le sénateur Manning : J'ai cru comprendre que les gestionnaires de cas personnels sont rémunérés par Anciens Combattants Canada pour certaines tâches. Est-ce que l'un de vous pourrait m'en dire davantage à ce sujet? Comme je ne sais pas de qui il s'agit au juste, ce que vous direz d'eux sera sans répercussion. D'après ce que vous avez constaté en travaillant avec votre gestionnaire de cas personnel sur votre dossier, diriez-vous qu'il y a des lacunes à combler? J'ai l'impression qu'il y en a.
Le sénateur Wallin : En supplément à cette question, dites-moi s'il vous arrive de rencontrer votre gestionnaire de cas en personne ou plutôt de le contacter par téléphone?
Cpl McTeague : Ma gestionnaire de cas travaille dans le même édifice que moi et elle est donc tout à côté pour mes rendez-vous. Chaque fois que je l'ai vue, j'ai trouvé qu'elle n'avait pas l'air de savoir exactement ce qui se passait. Depuis que j'ai été blessé, je suis vacataire selon un contrat renouvelé tous les six mois. Elle me répète à chaque fois que je devrais toucher une indemnité d'invalidité, ce qui ne marche pas parce que je travaille cinq jours par semaine à temps plein. L'armée dit une chose et elle, elle en dit une autre. Ça ne cadre pas.
[Français]
Cpl Godbout : Sur le plan militaire, j'ai reçu un bon appui de mon unité. On m'a donné beaucoup d'aide car j'ai été rapatrié en 2007 et j'étais un des premiers à avoir droit à l'UISP.
À un certain moment, j'ai été victime des lacunes du système. Ce qui m'a causé le plus de problème, c'est le prolongement classé. En tant que réservistes, nous devons consulter un médecin à chaque semaine ou à chaque mois afin d'obtenir un diagnostic. Dans certains cas, nos blessures sont internes. J'ai subi un très grand nombre d'examens médicaux au civil et la paperasse était volumineuse. À un moment donné, la salle des rapports n'obtenait plus aucun papier et je ne recevais pas ma paye, alors que mes paiements continuent de s'accumuler à la maison. J'effectue un retour au travail, mais je ne reçois pas de paye. Il faut donc que je me batte pour régler ce problème.
En plus de se battre pour guérir, il faut se battre pour recevoir des indemnités, à titre d'ancien combattant, pour nos blessures. Il faut constamment aller en appel des décisions, car on refuse de nous indemniser du premier coup, et c'est un éternel recommencement avec tous les papiers que l'on reçoit.
[Traduction]
Le président : Nous ne devons pas oublier que ces soldats et d'autres dans la même situation sont traités comme s'ils étaient membres des forces permanentes et qu'ils sont d'ailleurs encore sous les drapeaux à temps plein et qu'ils bénéficient des services d'un officier désigné par les Forces canadiennes pour les aider dans leur cheminement. Compte tenu de leur situation particulière, il est possible que la charge des gestionnaires de cas d'Anciens Combattants Canada soit moins lourde. Je ne sais pas. Nous découvrirons peut-être que cela risque de changer quand la fonction d'officier désigné ne sera plus assurée par les Forces canadiennes.
Le sénateur Dickson : Quand nous étions en déplacement, il y a deux ou trois semaines de cela, j'ai cru comprendre que la Légion royale canadienne était en train de démarcher le ministre responsable.
Messieurs, avez-vous une idée de la position que la Légion royale canadienne a exprimée à Jean-Pierre Blackburn, ministre des Anciens Combattants, au sujet de la charte? Vous êtes affiliés à la Légion royale canadienne, mais en êtes- vous membres?
Le président : Je ne pense pas qu'ils puissent l'être avant leur départ. C'est cela, n'est-ce pas?
Je me rétorque. Je sais qu'au chapitre de la légion auquel j'appartiens, il y a des militaires en service actif, ce qui semble vouloir dire que vous pouvez en être membres.
Le sénateur Dickson : Nous allons laisser ça de côté pour l'instant.
Est-ce qu'un de vous pourrait répondre à cette question : comment pourrait-on améliorer les services que vous recevez? Est-ce une question de compétence du personnel à qui vous avez affaire? Est-ce parce qu'il n'y a pas assez de personnel? Les gens sont-ils insuffisamment formés dans le nouveau système?
Pour ce qui est de cette dernière question, je suppose que vous n'êtes pas ravis par l'idée de toucher une indemnité sous la forme d'un paiement forfaitaire plutôt qu'une pension d'invalidité. Au fond, le problème c'est ça.
Pouvez-vous nous dire ce que sont, d'après vous, les lacunes du système? Est-ce la formation des gens avec qui vous traitez? J'essaie de comprendre ce qu'il faudrait faire pour améliorer les choses et si une amélioration est envisageable.
[Français]
Cplc Boivert : Je crois que oui. Revenons au paiement mensuel au lieu du paiement forfaitaire. J'ai 29 ans. Le montant que j'ai reçu se dépense très vite. À mon âge, je n'ai pratiquement pas le choix de placer cet argent pour plus tard. En recevant un paiement mensuel, je m'inquièterais moins pour l'avenir. De ce point de vue, je crois qu'un changement à la charte pour favoriser le paiement mensuel serait préférable.
Cpl Lareau : Madame le sénateur Wallin a posé une bonne question. Je crois qu'elle s'interrogeait sur le paiement mensuel applicable pour les membres des Forces.
On se souviendra que sous l'ancienne charte, certains membres des Forces armées ont réclamé et reçu des paiements mensuels. Les soldats qui reviennent d'Afghanistan avec des blessures graves, nous en connaissons tous. Ceux-ci réclament et reçoivent des montants forfaitaires, alors que leurs collègues reçoivent des paiements mensuels selon l'ancienne charte. Ces soldats de l'Afghanistan ne comprennent pas pourquoi le système ne s'est pas adapté. Ils ne comprennent pas pourquoi certains de leurs collègues, qui ont subi des blessures moins graves, reçoivent des montants mensuels à vie pendant qu'ils travaillent pour les Forces armées, alors qu'eux reçoivent un montant forfaitaire.
Le sénateur Pépin : Il semble que la majorité des militaires préféreraient avoir des paiements mensuels plutôt qu'un montant forfaitaire.
Cpl Lareau : Les soldats blessés qui ont des familles préféreront la sécurité que procure un montant mensuel plutôt qu'un gros chèque du gouvernement pouvant être dépensé rapidement.
On a tous entendu des histoires plutôt moches où des soldats l'ont échappé belle, furent blessés, ont vécu de mauvaises expériences, ont reçu un montant forfaitaire et l'ont dépensé. Pour certains, les choses se sont mal terminées, parfois allant jusqu'au suicide.
Le sénateur Pépin : Je reviens au sujet des familles. Existe-t-il des services pour venir en aide aux familles de militaires qui reviennent blessés?
Cpl Godbout : Il existe beaucoup de services d'appui pour les familles, surtout avec l'UISP dont nous faisons tous partie. Ces services rencontrent les familles dans de petits salons privés et offrent de l'aide à ceux qui en ont besoin. Ils ont des psychologues et du personnel à ce titre, on nous présente des cartes d'affaires. Les familles de militaires sont très bien appuyées.
Évidemment, il arrive que les unités de réserve ne reçoivent pas les mêmes services que les unités régulières. Parfois les unités rencontrent des difficultés à émettre les paiements, comme ce fut le cas pour moi. Toutefois, l'UISP est là pour signaler ces problèmes à l'unité. Je tiens à souligner leur bon travail dans ces cas et je me réjouis de l'existence de ce groupe autant pour les réservistes que pour les membres des unités régulières.
Le sénateur Pépin : On ne remarque pas de différence entre les unités régulières et les réservistes?
Cpl Godbout : Aucune différence.
Le sénateur Pépin : Ce point est important
Cpl Godbout : On se présente et on est traité selon notre situation. Ils nous connaissent. Par exemple, même si notre dossier est fermé, on répond à nos questions. Ils sont là pour nous écouter et nous donnent toutes les informations dont on a besoin.
Le sénateur Pépin : Les centres pour les familles sont-ils accessibles près de chez vous?
Cpl Godbout : Oui.
[Traduction]
Le président : Je vais vous poser une question assez directe, mais elle est destinée à stimuler la discussion.
Je ne crois pas me tromper en affirmant, d'après ce que vous avez dit, que vous êtes assez satisfaits des services de votre officier désigné en ce qui a trait aux éléments essentiels de votre dossier.
Nous avons tous fait l'expérience de ce genre de chose, d'une façon ou d'une autre, mais certainement pas comme vous. Quand vous rencontrez les gens d'Anciens Combattants Canada, avez-vous l'impression que votre interlocuteur prend vos intérêts à cœur ou, au contraire, qu'il défend ceux de la bureaucratie, du ministère, du gouvernement ou d'autres? Avez-vous l'impression d'avoir affaire avec quelqu'un qui vous défend dans vos tractations avec Anciens Combattants Canada? Je sais que c'est une question provocante et sans doute un peu injuste, mais je suppose — et je pense que la plupart d'entre nous pensent la même chose — qu'il doit vous arriver de vous sentir face à des adversaires plutôt qu'à des alliés. Corrigez-moi si j'ai tort.
[Français]
Cplc Boisvert : Ma gestionnaire de cas a fait un excellent travail avec moi; il n'est pas terminé, d'ailleurs, car je suis encore en cheminement. Elle m'a toujours conseillé au meilleur de sa connaissance. Si je dois aller en appel pour une décision particulière, elle me le conseille. Elle est gentille et je suis vraiment satisfait de son travail. Elle me téléphone régulièrement, aux six à huit semaines environ, pour prendre de mes nouvelles. C'est numéro un.
[Traduction]
Le président : Quelqu'un a-t-il un avis différent à ce sujet? C'est au cœur de la question.
Cpl McTeague : En fait, je n'ai jamais rencontré mon représentant d'ACC. Je ne lui ai parlé au téléphone qu'une seule fois et encore parce que c'est moi qui l'ai appelé. Quand mon agente des pensions s'est chargée de ma demande, elle m'a dit qu'elle ne trouvait pas qu'elle me rendait justice. Elle me l'a dit d'entrée de jeu. Cela étant, je sais maintenant que tout ne sera pas dans mon dossier et qu'il y aura des problèmes.
Je n'ai jamais eu de nouvelles d'ACC. Le ministère ne me contacte pas régulièrement et il ne me tient pas au courant de ce qui se passe. Je dois constamment appeler pour me tenir au courant de la situation.
Le président : Est-ce en partie parce que vous n'êtes pas encore ancien combattant, en ce sens que vous n'avez pas encore quitté les FC?
Cpl McTeague : Je ne sais pas si c'est le cas, mais comme j'ai déposé une demande d'invalidité, je me dis que le ministère devrait me renseigner sur l'évolution de mon dossier et me tenir à jour.
Le président : Est-ce qu'un de ces quatre messieurs veut réagir à ce sujet?
Cpl Bezruki : J'ai rencontré ma gestionnaire de cas d'Anciens Combattants Canada environ deux semaines après ma sortie de l'Hôpital Sunnybrook et c'est la dernière fois où je l'ai vue. J'ai essayé de maintenir le contact avec elle. Je lui parle tous les deux mois environ. J'essaie de l'appeler régulièrement pour savoir où en sont les choses et on me répond qu'elle me rappellera ou qu'on lui a laissé une note, quand je ne découvre pas que sa boîte vocale est pleine. J'ai essayé de m'y prendre de différentes façons.
J'ai communiqué avec la réceptionniste du cabinet médical de district qui a demandé au médecin militaire de me contacter le plus vite possible. Tant que mon évaluation n'aura pas été faite, je resterai un simple soldat de classe C, vacataire des Forces canadiennes. Je n'ai pas encore les avantages d'un ancien combattant.
Le président : Caporal, le qualificatif « simple » n'a pas sa place à côté de « réserviste » en vertu d'un contrat C.
Est-ce que votre gestionnaire de cas se trouve près de chez vous?
Cpl Bezruki : Elle est au bureau de Scarborough et j'habite à Courtice, en Ontario, en banlieue d'Oshawa. Elle n'est pas très loin de moi.
Le président : Ce que je veux dire, c'est qu'elle n'est pas à Charlottetown, soit trop loin pour que vous puissiez aller la voir en voiture. Vous pourriez faire la route jusqu'à Scarborough pour la rencontrer si vous aviez accès à elle.
Auriez-vous autre chose à ajouter à ce sujet, messieurs? Nous venons d'entendre deux points de vue différents, ce qui, je suppose, est normal. Il y a toujours des petites différences de points de vue.
Les sénateurs ont-ils d'autres questions à poser?
Le sénateur Wallin : Nous sommes deux ou trois à essayer d'obtenir réponse à cette question. Je sais que c'est difficile pour vous, parce que vous êtes en plein processus. Toutefois, comme le sénateur Banks l'a indiqué au début, vous êtes tous des volontaires engagés dans la défense du Canada et des résidents de notre pays. Dans l'ensemble, diriez-vous qu'on vous traite plutôt bien? Beaucoup d'entre vous voudraient demeurer au sein des forces armées qui est un peu votre famille. Est-ce que ça fonctionne?
Le président : Permettez-moi de poser cette question d'abord au caporal Lareau. Nous ferons un tour de table. Comme le général Cox me l'a indiqué, le caporal Lareau a été blessé tandis qu'il était réserviste et il a intégré les Forces canadiennes par la suite.
[Français]
Cpl Lareau : Ma blessure n'étant pas majeure, j'ai pu être transféré dans les Forces régulières et ainsi je peux continuer mon travail. Personnellement, je n'ai pas de problèmes sur ce plan, mais je ne peux pas parler pour les autres.
[Traduction]
Le président : Mais estimez-vous avoir été correctement traité?
[Français]
Cpl Lareau : J'ai fait ma demande dernièrement mais je n'ai pas eu de nouvelles concernant celle-ci. Je ne peux donc pas répondre à l'heure actuelle à cette question. Pour l'instant, l'armée me traite bien. Il a fallu, bien sûr, que je communique avec les autorités à Ottawa parce que je n'étais pas au courant de la procédure. J'ai dû me renseigner au bureau de Valcartier pour savoir comment bien remplir les formulaires pour ne pas retarder le processus. J'ai rappelé pour avoir de l'information et pour l'instant, je suis en attente du résultat.
[Traduction]
Le sénateur Wallin : Grâce à vos témoignages, j'ai une idée du genre de frustration que vous ressentez, à différents degrés, à cause des formulaires, de la proximité relative de vos gestionnaires de cas et ainsi de suite. Étant donné que vous êtes tous des gens un peu spéciaux qui se sont portés volontaires pour prendre les armes et nous défendre, il est évident que vous avez une mentalité différente de la majorité des gens.
Quant à vous, caporal Bezruki, comme le sénateur Banks l'a dit, vous ne devriez jamais dire que vous êtes un « simple réserviste ». Vous êtes un soldat et vous avez servi votre pays. Cela étant posé, comme vous allez pouvoir vous lancer dans d'autres activités, comment voyez-vous les choses avec du recul?
Cpl Bezruki : A posteriori, je ne regrette rien de ce que j'ai fait. J'ai eu l'occasion d'aller servir à l'étranger au sein d'un bataillon fantastique. J'ai été blessé et c'est le risque que j'avais accepté de prendre à l'époque. J'ai bien été traité par le personnel médical du système. Certes, le système est lent et j'ai constaté qu'il faut apprendre à être patient. C'est difficile pour les militaires comme pour leurs familles. Heureusement, beaucoup nous ont aidés en cours de route pour passer au travers du processus.
Comme on m'a attribué une catégorie permanente, si je suis libéré des Forces canadiennes, je pourrai me prévaloir d'un programme de réinsertion et de rééducation si je désire retourner aux études. Et puis, il y a des compagnies d'assurances qui versent des indemnités à ceux qui veulent se former à un autre métier et on peut toujours obtenir de l'aide d'un officier des GPM pour se recaser professionnellement.
Le sénateur Wallin : Avez-vous une idée de ce que vous allez faire?
Cpl Bezruki : Pour l'instant, j'envisage de reprendre mes études et de changer carrément de domaine. J'aimerais demeurer au sein des Forces canadiennes, mais du côté civil.
Le président : Caporal-chef Boivert, pour faire suite à la question du sénateur Wallin, trouvez-vous que le système est juste?
[Français]
Cplc Boisvert : Je suis satisfait des services médicaux, du soutien que l'on reçoit des Forces, c'est numéro un. La procédure pour les anciens combattants est longue, mais comme toute procédure il faut donner le temps que cela se fasse. En général, je suis satisfait des services offerts par le ministère des Anciens combattants. Comme je disais au début, j'accroche sur la question du montant forfaitaire, mais on verra dans l'avenir.
Cpl Godbout : Je suis satisfait au niveau militaire. Comme je l'ai dit précédemment, pour les anciens combattants, il faut se battre à nouveau. Il a fallu aller en appel. J'aurai peut-être encore à aller en appel parce que j'ai encore mal au ventre. Je me suis fait opérer une deuxième fois. Je n'ai pas été en appel. Il faudrait que j'y retourne. Puis je me demande si cela vaut la peine d'y retourner tout de suite. Avec un autre montant forfaitaire, je suis encore jeune, en bas de 30 ans, je retourne à l'école au civil. Je me suis inscrit parce que je veux prendre une pause des Forces. Alors je retourne à l'école et je vais rester réserviste parce que j'aime cela au bout. Je trouve le processus vraiment très long et ce qui ne m'a pas aidé, c'est cela. Cela se reflète autant pour la famille que pour moi; lorsque cela fait un an qu'on attend des réponses, qu'il faut se battre à nouveau pour avoir des primes qui ont pas d'allure, je regarde les pourcentages, c'est n'importe quoi. Je regardais les pourcentages qu'ils m'ont donnés, oui c'est beau, mais c'est mon ventre que je vois à tous les jours, ce n'est pas un montant d'argent. Et cela se reflète dans la famille parce que quand on n'est pas content, on est enragé, cela se reflète avec la conjointe et l'enfant, on est plus agressif, la fuse est plus courte. Il faut gérer cela aussi en plus de guérir et en plus de se battre pour les anciens combattants.
Il y a tout le temps quelque chose qui arrive. Quant ça se place, c'est presque tout placé pour moi, mais il faut que je retourne au combat mais je ne sais pas comment je vais réagir. Là ça va mieux un peu, au moins, on a toujours l'appui de l'armée, qu'on soit sorti des forces ou pas. Personnellement, pour mon unité, je le répète, c'est excellent, je n'ai aucun mot à dire là-dessus.
Il faut avoir une volonté d'aller se battre. C'est comme retourner au combat et vraiment, c'est cela qui est de valeur pour les prochains militaires et ceux qui partent présentement en Afghanistan, ils voient ce qu'on vit et ce que les familles vivent, cela ne leur tente pas. S'il m'arrive de quoi, si j'en vois un qui se bat depuis deux ans et que ce n'est pas réglé encore, il y pense encore, il se couche le soir et il pense : est-ce que ça va se régler? Il attend toujours des appels. C'est toujours à recommencer. Il n'aime pas cela, les autres qui s'en retournent au combat. Personnellement, c'est le processus. C'est gros, c'est une grosse machine et il faut y aller avec le courant. C'est ça l'affaire.
[Traduction]
Cpl McTeague : Je crois que le processus d'Anciens Combattants Canada est injuste pour beaucoup de mes camarades. Avec tout ce qui s'est dit de négatif, ils ne sont pas tranquilles. Ils craignent qu'en cas de blessure, ils devront passer au travers d'un long et difficile processus. Les soldats n'ont pas l'esprit tranquille à cause de ça.
Les soldats se battent pour rester le plus longtemps possible dans l'armée parce qu'ils ne veulent pas avoir affaire à Anciens Combattants Canada.
Le président : Vous êtes encore sous les drapeaux, mais vous parlez d'un départ prochain des Forces canadiennes. Vous envisagez cela comme une possibilité.
Cpl McTeague : C'est une décision que l'armée va devoir prendre. Cela relève du chef d'état-major.
Le président : Combien de temps avez-vous servi?
Cpl McTeague : Cinq ans.
Le président : Quel genre de pension allez-vous toucher au bout de cinq ans?
Cpl McTeague : De mémoire, je ne saurais le dire.
Le président : Les militaires en service ont droit à une pension, mais au bout de combien d'années? Autrement dit, vous n'aurez pas droit à une pension à moins d'avoir servi un certain temps. Est-ce 10 ans?
Le sénateur Wallin : C'est ce que je crois savoir.
Le président : Eh bien, puisque c'est comme ça, abordons la chose sous l'angle actuariel, parce que c'est bel et bien une question d'actuariat. Vous portez tous l'uniforme pour nous protéger. Comme vous l'avez tous dit, avant l'adoption de la nouvelle Charte des anciens combattants, les militaires blessés avaient droit à une allocation à vie. Désormais, on leur verse un montant forfaitaire. Je suppose qu'il y a des avantages à cela. Un tel versement permet de s'établir, par exemple en soldant une partie de son hypothèque ou en faisant construire une rampe d'accès si on en a besoin. Toutefois, certains estiment que ces avantages sont contrecarrés par le fait que, pour une raison ou une autre, cet argent risque d'être dépensé assez rapidement plutôt que d'être investi pour le long terme.
Comme vous êtes tous jeunes — et la quasi-totalité des soldats blessés au service du Canada sont de jeunes militaires — ne pensez-vous pas, si vous faites le calcul mathématique, sous l'angle actuariel, qu'il en coûterait davantage à longue échéance de vous verser une pension mensuelle à vie que de vous remettre une somme forfaitaire représentant un certain pourcentage du maximum possible? Cela étant posé, comment voyez-vous la chose?
Vous nous avez tous dit que vous préféreriez une pension mensuelle surtout parce que cette formule serait destinée à protéger les jeunes soldats blessés et à les empêcher de prendre des décisions déraisonnables. Le message qu'on adresse ainsi aux jeunes militaires c'est qu'ils ne doivent pas s'acheter une nouvelle Maserati décapotable avec le montant forfaitaire qu'ils perçoivent, parce que ça ne serait pas sage. Dites-nous ce que vous en pensez.
Je vais commencer par vous, caporal-chef Boivert, parce que vous êtes le plus haut gradé ici.
Cplc Boivert : Pourriez-vous répéter la question, s'il vous plaît?
Le président : Pourquoi, selon vous, a-t-il été décidé de vous indemniser sous la forme d'un paiement forfaitaire plutôt que d'une pension mensuelle à vie?
[Français]
Cplc Boisvert : Je pense que le montant forfaitaire revenait moins cher au ministère des Anciens combattants parce qu'un montant mensuel à vie, cela peut être beaucoup d'argent. Nous cinq, on est jeunes. Par exemple, si on met 1 000 $ par mois d'indemnité, à vie, cela fait des très gros montants. C'est pour cela que je pense que le montant forfaitaire a été choisi à la place du paiement mensuel.
Cpl Lareau : Je crois, monsieur le président, qu'il y a eu des abus dans le passé concernant l'ancienne charte. La charte a été modifiée je crois juste avant notre engagement dans le sud de l'Afghanistan. Dans le fond, en 2006, lorsque les premières unités ont été engagées, il y a eu des dizaines de blessés et depuis, le nombre augmente. La charte a été modifiée juste avant cela. La charte a été adoptée à une période de paix, à des déploiements plus calmes que l'Afghanistan. Et puis, le gouvernement, je crois, n'a pas mal fait son travail; honnêtement, il y a eu de la fraude concernant des réclamations. Puis les anciens combattants ne s'attendaient pas à avoir autant de blessés aujourd'hui en Afghanistan. Donc est-ce que c'était pour sauver de l'argent? Je ne pense pas. Je pense que le ministère des Anciens combattants agit pour le mieux-être des blessés militaires. Mais c'est définitivement mal adapté aujourd'hui pour les blessés de l'Afghanistan et pour les guerres à venir. Si on est engagé ailleurs, il va y avoir encore des blessés. Les gens seront mal servis avec la charte actuelle.
[Traduction]
Le président : Nous approchons de la fin de la période qui nous était attribuée. Le sénateur Dickson veut poser une question.
Le sénateur Dickson : Quand vous touchez le paiement forfaitaire, devez-vous signer un acte de libération définitive des Forces canadiennes? Autrement dit, renoncez-vous à tout appel? Si votre état s'aggrave à cause de vos blessures, pourrez-vous demander une révision de votre dossier?
Cpl McTeague : Je crois que c'est possible, mais si vous êtes au maximum des 250 possibles, vous ne pouvez plus rien réclamer. Vous ne pouvez réclamer rien d'autre si vous avez atteint le maximum permis.
Le président : Le maximum, c'est le maximum, peu importe ce qu'il est, et quand on l'a atteint c'est terminé.
Chers collègues, nous avons déjà fait des comparaisons directes. Le maximum fixé au Canada est inférieur à celui d'autres pays, mais nous offrons des avantages qui n'existent pas ailleurs.
Messieurs, l'un d'entre vous voudrait-il ajouter quelque chose avant que nous levions la séance?
[Français]
Cpl Lareau : Je me suis porté volontaire pour un autre déploiement et je serai redéployé en Afghanistan en octobre. Je crois qu'il est utile que je sois présent aujourd'hui pour témoigner du fait qu'au sein de mon bataillon, avant d'être déployés, les hommes se demandent si le ministère des Anciens combattants sera là pour eux s'ils reviennent blessés. Ils entendent souvent de mauvais commentaires — parfois de bons — de leurs collègues revenus blessés. Je crois que la confiance envers le ministère des Anciens combattants n'est pas là. Le sénateur Pépin s'intéresse aux épouses des militaires. Les gens sont informés par les journaux qu'il y a un manque de services pour les militaires. La confiance envers le ministère doit être là avant qu'on reparte.
C'est bien que vous posiez des questions et que vous cherchiez à améliorer la situation de ces anciens combattants et je vous en remercie.
[Traduction]
Le président : Merci. C'est précisément l'objet de notre étude.
Je tiens à vous remercier d'avoir pris le temps de vous déplacer pour venir témoigner devant le comité. Merci également d'avoir servi notre pays.
(La séance est levée.)