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Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 9 - Témoignages du 1er décembre 2010


OTTAWA, le mercredi 1er décembre 2010

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 12 h 3, pour étudier les services et les prestations dispensés aux membres des Forces canadiennes; aux anciens combattants; aux membres et anciens membres de la Gendarmerie royale du Canada et à leurs familles.

Le sénateur Roméo Antonius Dallaire (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Bienvenue à cette séance du Sous-comité des anciens combattants. Nous poursuivons notre étude de la nouvelle Charte des anciens-combattants et la façon dont elle affecte les membres des Forces canadiennes, les anciens membres des Forces canadiennes, les anciens combattants et aussi les membres de la Gendarmerie royale du Canada.

[Traduction]

Nous accueillons ce matin M. Wolfgang Zimmermann, directeur général de l'Institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail. Voilà un nom que je m'attends à entendre un jour à l'OTAN ou à l'ONU. C'est un grand plaisir de vous avoir ici ce matin.

De la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario, un acteur important dans le domaine de l'indemnisation et de la protection contre les accidents du travail, nous accueillons M. Paul Gilkinson, vice-président, Prestation des services, un domaine qui nous intéresse tout particulièrement et Mme Donna Bain, vice-présidente, Services de santé, qui s'occupe du volet du traitement.

Wolfgang Zimmermann, directeur général, Institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail : J'aimerais tout d'abord vous remercier sincèrement de me donner l'occasion de venir témoigner devant vous et de présenter certaines réflexions sur les résultats que l'on peut attendre de la réadaptation des anciens combattants invalides.

Les commentaires que je vais vous présenter aujourd'hui gravitent autour de quatre éléments de base : mon expérience personnelle, le contexte de l'assurance invalidité, les résultats que l'on peut obtenir grâce à des interventions efficaces pour le retour au travail et les possibilités éventuelles sur lesquelles votre comité pourrait, je crois, se pencher.

Personnellement, c'est en juin 1977 que j'ai été victime d'un accident qui a entraîné chez moi une invalidité permanente. J'avais 20 ans et je venais d'obtenir mon diplôme d'un institut polytechnique lorsque j'ai été embauché par MacMillan Bloedel, une des plus grandes compagnies forestières du Canada et le plus grand employeur de Colombie-Britannique. On m'avait remis une scie mécanique et un guide expliquant comment s'y prendre pour abattre des arbres et on m'avait souhaité tout simplement « bonne chance ». Le cinquième jour au travail, un aulne de 50 pieds de haut que j'étais en train de couper, s'est abattu sur moi. J'ai eu le dos cassé et je m'en suis sorti avec un traumatisme médullaire grave.

Que l'invalidité soit le résultat d'une activité militaire, d'un accident du travail ou d'un autre type d'accident, les conséquences pour la personne concernée et sa famille, ainsi que les mesures de réadaptation nécessaires sont identiques. Le résultat essentiel que l'on cherche à atteindre pour la personne concernée consiste à maximiser sa participation à tous les aspects de notre société, tant sur le plan économique et social que sur le plan des loisirs.

Je suis extrêmement chanceux d'avoir pu bénéficier de cette possibilité. C'est ce qui me vaut le privilège d'être devant vous aujourd'hui.

J'ai une bonne connaissance de la nouvelle Charte des anciens combattants, mais il ne faudrait pas considérer mes commentaires comme un reflet de la situation actuelle, même si je suis prêt à la commenter. Je souhaiterais plutôt que mes commentaires servent à définir la norme applicable aux nouvelles mesures que vous souhaiterez peut-être envisager.

J'ai eu le privilège de présider le Conseil du premier ministre sur les personnes handicapées en Colombie-Britannique et j'ai passé six ans au conseil d'administration de la Commission des accidents du travail de Colombie-Britannique — organisme qui n'est pas très différent du ministère des Anciens Combattants en tant que fournisseur de services aux anciens combattants handicapés.

Si j'ai pu si bien me réadapter, c'est qu'on m'a donné presque immédiatement la possibilité de demeurer productif au sein du personnel. En effet, la compagnie a assumé l'entière responsabilité de l'accident et a collaboré avec le syndicat pour imaginer une solution créative afin que je puisse conserver mon emploi même si je me trouvais désormais en fauteuil roulant. On ne connaissait aucun précédent de ce type dans un camp de bûcherons de 450 travailleurs sur la côte Ouest de l'île de Vancouver. Cela dit, il est indispensable pour l'employeur — dans ce cas le gouvernement du Canada — et l'ancien combattant handicapé, de disposer de stratégies permettant de maintenir immédiatement la capacité de production économique et sociale de la personne concernée.

Les exemples à l'appui de telles stratégies sont légion à l'échelle nationale et internationale, surtout dans les cas où l'on parvient à maintenir une relation de travail permanente. Une telle façon de faire permet d'atténuer considérablement un bon nombre des problèmes psychosociaux connexes tels que les troubles de santé mentale à long terme, la dépendance ou autres défis sociaux. Par conséquent, dans notre perspective, il faut qu'il soit clairement établi que le gouvernement du Canada est l'employeur des anciens combattants handicapés et qu'il est sans équivoque chargé d'assurer le maintien de leur emploi.

À notre avis, il n'y a absolument aucune raison, compte tenu de la portée et de l'échelle des activités gouvernementales, de ne pas répondre aux besoins de la grande majorité des anciens combattants handicapés en faisant appel à tout l'éventail des ministères.

Cela fait maintenant 34 ans que je suis employé chez MacMillan Bloedel et Weyerhaeuser — l'entreprise qui a fait l'acquisition de MacMillan Bloedel en 1999. Je suis actuellement détaché auprès de l'Institut national de recherche et de gestion de l'incapacité au travail et je peux vous dire qu'il est beaucoup plus difficile pour des entreprises du secteur privé, même des grandes entreprises comme Weyerhaeuser, de répondre avec succès aux besoins des travailleurs handicapés.

Les interventions en matière de gestion de l'invalidité des anciens combattants handicapés et leur retour réussi au travail nécessitent le respect strict de trois principes essentiels : la créativité, parce que toutes les situations sont différentes; la collaboration, car la réintégration réussie des anciens combattants handicapés nécessite la participation absolue de tous les intervenants; et l'engagement, car le leadership à tous les niveaux et l'acceptation complète de la responsabilité sont indispensables. On ne pourra pas vraiment progresser tant que ces principes ne seront pas énoncés clairement.

Si Weyerhaeuser a adopté cette norme pour toutes ses activités nord-américaines, c'est grâce au leadership de notre chef de la direction qui a décrété que tous nos travailleurs étaient dignes de participer à la main-d'œuvre active et de continuer à exercer pleinement leur rôle au sein de la société. À l'époque, nous comptions 65 000 employés en Amérique du Nord.

Honorables sénateurs, je vous demande de prendre en considération les principes fondamentaux que je viens d'énoncer — et, par le fait même, tous les exposés qui vous seront présentés — afin de les évaluer par rapport à l'objectif primordial, et de vous poser la question suivante : de quelle manière les politiques et mesures actuelles contribuent-elles à augmenter la capacité humaine et productive des anciens combattants handicapés? Comment contribuent-elles à optimiser leur participation continue à tous les aspects de notre société; et quels sont les critères qui permettent de mesurer les progrès accomplis en direction de cet objectif?

Faute d'appuyer et, ultimement, d'atteindre ces objectifs, de nombreux anciens combattants handicapés seront relégués, tout comme les handicapés civils en général, aux marges de la société, tant sur le plan économique que sur le plan social, avec toutes les conséquences tragiques que cela implique, comme on en trouve de nombreux exemples dans le monde entier. Des recherches effectuées au Royaume-Uni ont révélé que le taux de suicide chez les chômeurs handicapés est 40 fois plus élevé que dans la population moyenne. La baisse significative des taux d'activité a un impact négatif sur la situation personnelle et familiale, entraîne une plus grande indépendance à l'égard du système de soins de santé et ajoute de graves difficultés psychosociales aux troubles physiques existants.

Incidemment, tous ces problèmes ne sont pas uniquement l'apanage des anciens combattants handicapés, mais s'appliquent également à tous les invalides en général, au Canada et dans le monde entier. C'est pourquoi je suis très heureux que le Canada ait récemment ratifié la Convention des Nations Unies relative aux droits des personnes handicapées.

Et maintenant, je propose plus précisément que le gouvernement du Canada assume ses responsabilités d'employeur vis-à-vis des anciens combattants handicapés; que l'on s'engage à mettre en œuvre les meilleurs programmes pour le retour au travail et la gestion des invalidités en appliquant les normes optimales reconnues et adoptées sur la scène internationale; et que l'on optimise les résultats de la réadaptation holistique lorsqu'il n'est pas possible de trouver des solutions internes grâce à des partenariats créatifs. On pourrait par exemple collaborer avec le Conseil canadien des chefs d'entreprises pour l'embauche d'anciens combattants handicapés et soulever la question des anciens combattants handicapés auprès du Congrès du travail du Canada afin qu'il soit mieux conscient des difficultés que les anciens combattants handicapés doivent surmonter lorsqu'ils veulent se réinsérer sur le marché du travail. D'autres partenariats créatifs pourraient consister à utiliser les ressources des commissions provinciales des accidents du travail dont le personnel connaît très bien tous les défis qu'il faut relever lorsqu'on veut optimiser le potentiel de réadaptation réussie des travailleurs handicapés.

En terminant, je vous remercie de m'avoir donné la possibilité de venir témoigner. Je vous encourage à prendre toutes les mesures nécessaires pour que toutes les personnes qui souffrent d'une incapacité après avoir été victimes d'un accident malheureux lorsqu'elles étaient au service de notre pays ne soient pas reléguées aux marges de notre société pour le restant de leur vie.

Paul Gilkinson, vice-président, Prestation des services, Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario : Je m'appelle Paul Gilkinson et je suis vice-président, Prestation des services, à la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario, la CSPAAT. J'ai le privilège de vous présenter un sommaire des prestations et des services que notre organisme offre aux travailleurs accidentés en Ontario.

Pour poursuivre dans la même ligne que M. Zimmermann lorsqu'il a parlé de collaboration, je suis accompagné aujourd'hui de Donna Bain, la vice-présidente de nos services de santé, ainsi que de Judy Geary, la vice-présidente de nos services de réintégration professionnelle qui ont pour mission de faciliter la réinsertion.

Notre organisme a pour responsabilité de protéger les travailleurs tout en mettant à la disposition des employeurs un système équitable et financièrement viable. La CSPAAT figure parmi les grands groupes d'assurance collective d'Amérique du Nord. Chaque jour ouvrable, la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario reçoit 1 100 réclamations et, chaque année, nous recevons en moyenne 250 000 nouvelles réclamations, tandis que nous continuons à nous occuper des 210 000 travailleurs et travailleuses qui perçoivent des prestations permanentes ou à long terme.

Je peux vous donner tous les détails concernant nos ensembles d'avantages sociaux, mais il est important de rappeler que chaque réclamation représente un travailleur ou une travailleuse qui dépend de nous pour prendre des décisions qui auront un impact sur sa vie et sur celle de sa famille. Pour simplifier, l'assurance de la CSPAAT remplace les revenus perdus, couvre les coûts des soins de santé et aide les travailleurs et travailleuses à retourner au travail en toute sécurité.

Cependant, nous sommes plus qu'une simple compagnie d'assurance. Nous nous engageons à faire tout en notre pouvoir pour réduire l'impact financier et humain des accidents subis sur les lieux de travail. Un des meilleurs moyens pour les travailleurs victimes d'un accident de continuer à mener leur existence dans la dignité consiste à retourner au travail dès que cela est possible en toute sécurité pour eux. Nous venons tout juste de lancer un nouveau programme dans lequel nous avons investi des efforts considérables, le Programme de réintégration au travail dont l'objectif est d'aider les travailleuses et travailleurs à retrouver un travail convenable, sûr et durable.

Une autre condition importante pour le retour au travail consiste à faire en sorte que les travailleuses et travailleurs puissent gérer leur douleur tout en exerçant un travail qui correspond à leurs capacités physiques. Nous avons remarqué que les travailleurs peuvent être physiquement aptes à reprendre un travail adapté à leur état, mais qu'ils peuvent s'avérer incapables d'exercer leurs fonctions à cause des effets narcotiques de leur médication. Nous avons effectué des recherches approfondies sur le sujet et je suis certain que vous aurez des questions à nous poser au sujet de notre approche vis-à-vis de l'usage par les travailleurs de produits narcotiques à action prolongée.

Aux travailleurs qui ont subi des accidents graves, qui ont contracté des maladies professionnelles ou qui ont d'autres besoins particuliers, nous offrons des programmes spéciaux, y compris des ateliers qui portent sur les amputations, les brûlures, les états de stress post-traumatique, les blessures à la tête et les blessures neurologiques, ainsi que sur les maladies professionnelles.

Le Programme des lésions graves offre aux travailleurs visés des traitements spécialisés, l'équipement et les services dont ils ont besoin pour maximiser le rétablissement de leurs capacités fonctionnelles et de leur qualité de vie. Notre programme est très complet et je pourrais vous donner plus de détails si vous me posez des questions à ce sujet.

À la CSPAAT, nous reconnaissons également les conditions particulières qui s'appliquent à certains groupes de travailleurs en Ontario. En vertu d'une loi spéciale, les pompiers chez qui l'on décèle des troubles cardiaques ou des maladies professionnelles, sont couverts par notre assurance. Nous sommes aussi de plus en plus conscients des ravages du stress sur la santé et la sécurité au travail. La CSPAAT a élaboré une politique concernant les réclamations relatives au stress traumatique et au stress post-traumatique.

La stigmatisation sociale associée à la maladie mentale et aux accidents du travail en général est un obstacle majeur à surmonter dans le cas des troubles de santé mentale causés notamment par le stress post-traumatique. C'est la raison pour laquelle nous prenons des mesures afin de sensibiliser notre personnel et d'encourager une meilleure prise de conscience des impacts graves que les attitudes négatives peuvent avoir sur les travailleurs blessés. Mme Judy Geary a piloté une bonne partie des activités de notre organisation dans ce domaine.

En mettant l'accent sur la stigmatisation que vivent les travailleurs blessés, notre approche globale vise à améliorer le service que nous offrons à la clientèle. Les attentes de nos clients à l'égard de la CSPAAT ne cessent d'augmenter. Ils s'attendent à recevoir des services équivalents ou même supérieurs aux normes de service qui s'appliquent dans le secteur privé. Nous nous engageons à respecter ces attentes.

Toutefois, tous ces programmes et services ont un coût et ils sont financés par les employeurs de l'Ontario. Ces coûts ont augmenté considérablement. En octobre de cette année, nous avons entamé une analyse du financement afin de mieux définir les paramètres d'un système financièrement plus stable pour l'avenir. Nous voulons faire en sorte de pouvoir continuer à financer les ressources qui nous permettent d'offrir aux travailleuses et travailleurs les meilleurs programmes et services disponibles.

En vous remerciant encore une fois de nous avoir invités à venir témoigner aujourd'hui, mes collègues et moi sommes à votre disposition pour répondre à vos questions.

Le président : Merci, monsieur, de nous avoir présenté un exposé qui, bien que succinct, ouvrait toutes sortes de pistes. J'aimerais préciser que nous sommes très contents de vous avoir parmi nous. Récemment, nous avons entendu des représentants de la Commission de la fonction publique du Canada qui emploie des centaines de milliers de fonctionnaires. Comme nous parlions de cas non militaires — c'est-à-dire concernant des personnes qui ne sont pas reconnues comme des anciens combattants de l'armée — quelqu'un a fait un commentaire disant qu'ils n'avaient pas besoin du ministère des Anciens Combattants, étant donné que leur programme était meilleur que ceux que le ministère offre à ses troupes. Aussi, nous sommes très intéressés à savoir quels sont les traitements offerts dans le civil et dans l'industrie.

Le sénateur Plett : Monsieur Zimmermann, lorsque vous avez parlé de l'accident dont vous avez été victime il y a de nombreuses années, vous n'avez pas tari d'éloges pour votre employeur qui avait assumé l'entière responsabilité de l'accident; c'est merveilleux. Bien entendu, vous avez dû suivre un programme de réadaptation avant de pouvoir exercer un travail productif. Avez-vous été pris en charge par la commission des accidents du travail ou par une assurance privée?

M. Zimmermann : Par la commission des accidents du travail. La compagnie avait reconnu sa responsabilité et s'était occupée des arrangements avec le syndicat. J'ai pu retourner au travail à temps partiel. J'ai suivi aussi un programme de formation en comptabilité grâce à un financement de la Commission des accidents du travail de la Colombie-Britannique connue sous le nom de WorkSafeBC. On avait conclu en effet qu'un travail de comptabilité offrait pour moi le meilleur potentiel à long terme d'un retour à un travail à temps complet, tout en me permettant de gravir les échelons au sein de l'organisation. À l'époque, MacMillan Bloedel Ltd. employait environ 25 000 personnes.

Le sénateur Plett : Mais n'est-ce pas ce qu'une commission des accidents du travail fait normalement? Avez-vous bénéficié d'un traitement spécial ou était-ce compris dans l'ensemble normal des avantages sociaux?

M. Zimmermann : Le paiement et le recyclage faisaient partie de l'ensemble normal des avantages. Ce qui était différent, c'est que la compagnie avait reconnu sa responsabilité, comme le font certaines entreprises. L'accident s'est produit il y a 33 ans et, à l'époque, il n'était jamais arrivé auparavant dans le secteur de l'exploitation forestière que l'industrie prenne en charge de cette manière un employé lourdement handicapé. De nos jours, heureusement, les sociétés sont de plus en plus nombreuses à répondre aux besoins des employés handicapés, quels que soient les coûts. La loi fédérale nous oblige à répondre aux besoins des employés mais, dans mon cas particulier, c'était tout à fait inhabituel de la part de la compagnie d'accepter de répondre à mes besoins.

Quant au programme de recyclage, tout le monde pouvait en bénéficier et les coûts étaient pris en charge par la commission des accidents du travail.

Le sénateur Plett : Et si la compagnie avait refusé de collaborer, arguant que c'était de votre faute, étant donné que vous n'aviez pas pris les précautions appropriées avant d'utiliser votre scie mécanique; auriez-vous quand même pu être indemnisé dans de telles circonstances?

M. Zimmermann : J'aurais eu droit à une indemnité et à un programme de recyclage. Le problème, c'est qu'un employé victime d'une invalidité se trouve obligatoirement absent de la main-d'œuvre active pendant un certain temps. Les données varient selon les circonstances, mais il y a de 50 à 70 p. 100 de chance qu'une personne absente de la main- d'œuvre active pendant environ six mois ne travaille plus jamais.

C'est sans compter le risque qu'après avoir été absent de la main-d'œuvre active et complètement coupé de votre travail, des troubles psychosociaux viennent s'ajouter aux troubles physiques. Au bout de deux ans, il y a moins de 10 p. 100 de chance que l'employé puisse un jour retrouver du travail. Je connais malheureusement trop bien cette situation et je peux vous dire sans détour que, de manière générale, on n'engage pas de personnes souffrant d'un handicap à moins qu'un effort extraordinaire soit fait en leur faveur.

Il y a deux façons d'augmenter les possibilités d'emploi pour les handicapés. Nous parlons ici des anciens combattants handicapés à qui on souhaite donner la chance de participer à la société. On peut soit maintenir leur insertion dans le milieu du travail pour éviter qu'ils soient obligés de recourir au système de sécurité sociale, soit maximiser leur retour à la vie active en leur offrant des possibilités d'emploi. Cette option est infiniment plus difficile. Actuellement, 320 000 personnes handicapées perçoivent une pension d'invalidité du Régime de pensions du Canada. En 2008, seulement 0,75 p. 100 des bénéficiaires cessaient chaque année de recevoir des prestations. Cela signifie que les bénéficiaires quittent le régime de pensions d'invalidité du RPC une fois qu'ils prennent leur retraite ou qu'ils meurent.

Pour répondre à votre question, si je n'avais pas eu la possibilité de demeurer dans la main-d'œuvre active, il est fort probable que je n'y serais pas retourné, même si j'avais droit aux prestations et au programme de recyclage de la commission des accidents du travail.

Le sénateur Plett : Vous avez souligné que le gouvernement canadien a la charge des anciens combattants, étant donné qu'il est leur employeur. Je pense que nous sommes tous d'accord là-dessus. Avez-vous émis la possibilité que le gouvernement fédéral travaille en collaboration avec les programmes d'indemnisation provinciaux?

M. Zimmermann : C'est exact. Souvent, la situation n'est pas simple. Même si le gouvernement emploie 220 000 personnes, il n'est pas toujours possible de trouver un emploi qui convient à la personne handicapée et celle-ci n'est pas toujours prête à déménager. Je propose, en guise de solution créative, que le gouvernement fédéral collabore avec les commissions provinciales des accidents du travail afin de trouver des possibilités d'emploi à offrir aux anciens combattants handicapés.

Le sénateur Plett : J'ai aimé votre présentation et j'approuve tout ce que vous avez dit au sujet des politiques, procédures, objectifs, et cetera. Je suis en faveur de la nouvelle Charte des anciens combattants. Je l'ai étudiée et je pense qu'elle a permis de faire d'énormes progrès dans la recherche d'emplois pour les militaires blessés des Forces canadiennes, entre autres.

Selon vous, quelles sont les lacunes de la nouvelle Charte des anciens combattants et qu'est-ce qui fait défaut dans les efforts du gouvernement à venir en aide aux anciens combattants handicapés?

M. Zimmermann : J'ai eu le privilège de siéger au comité consultatif de la nouvelle Charte des anciens combattants et je pense que le maillon faible est le manque d'interface entre le MDN et le ministère des Anciens Combattants afin d'encourager de meilleurs résultats en matière de retour au travail. Autrement dit, les anciens combattants demeurent beaucoup trop longtemps à l'emploi du MDN avant qu'un effort actif soit fait pour encourager un retour rapide sur le marché du travail.

Le sénateur Plett : Est-ce parce qu'il s'agit d'un nouveau programme? Est-ce que ce sont des difficultés passagères?

M. Zimmermann : Je ne saurais le dire précisément. J'ignore si c'est la nouvelle Charte des anciens combattants qui est en cause ou s'il s'agit d'un problème systémique qui existait auparavant. Toutefois, c'est un obstacle important que les anciens combattants handicapés doivent surmonter pour obtenir de meilleurs résultats en matière de retour au travail.

Le sénateur Plett : Monsieur Gilkinson, à quel résultat pourrait-on s'attendre si les Forces canadiennes collaboraient avec les commissions des accidents du travail?

M. Gilkinson : Nous sommes toujours à l'affût de nouvelles possibilités pour faciliter le retour de nos travailleurs au sein de la population active. Nous avons beaucoup de monde sur le terrain qui agit en ce sens.

Le sénateur Plett : Vous affirmez recevoir plus de 1 000 réclamations par jour et vous vous efforcez d'aider tous ces demandeurs à retourner au travail. Votre charge de travail en serait accrue.

Judy Geary, vice-présidente, Réintégration au marché du travail, Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario : La CSPAAT traite déjà les réclamations des employés fédéraux de tous les domaines qui travaillent dans la province de l'Ontario.

Pour que les commissions des accidents du travail de toutes les régions du pays puissent prendre en charge les réclamations adressées aux Anciens Combattants, il faudrait transformer la structure et cela prendrait beaucoup de temps. Cependant, nous avons beaucoup d'expérience dans le traitement des cas d'invalidité très lourds, de maladies professionnelles et de stress psychologique. Nous appliquons des politiques qui donnent de très bons résultats. Nous offrons de nombreux programmes et nous avons beaucoup d'expérience.

Je ne sais pas comment procèdent les Anciens Combattants et le MDN, mais nous pourrions certainement collaborer afin de définir les meilleures pratiques et d'encourager non seulement un rétablissement mental et physique, mais également la réinsertion dans le monde du travail.

Le sénateur Plett : Dans le cas des accidents qui se produisent outre-mer, à qui incombe la responsabilité du dossier?

M. Gilkinson : Dans le cas d'un travailleur blessé, c'est à sa province d'origine qu'incombe la responsabilité. En revanche, si le travailleur est en poste à l'étranger pour une longue période, l'employeur doit nous l'indiquer, car nous avons une disposition spéciale pour de tels cas.

Le président : Dans le cas des militaires en poste à l'étranger, il y a une procédure administrative à respecter. Merci d'avoir soulevé la question.

Madame Geary, vous avez dit que vous aidez déjà des membres de la fonction publique du Canada à trouver de l'emploi et à se réadapter. Est-ce exact?

Mme Geary : Oui.

Le président : Par contre, vous ne le faites pas pour les Anciens Combattants?

Mme Geary : C'est exact.

Le président : C'est absolument incroyable. C'est exactement ce que j'ai dit dans mes observations liminaires. Des fonctionnaires nous ont dit qu'ils ne voient pas l'intérêt de s'associer à Anciens Combattants Canada relativement aux emplois à l'étranger, étant donné qu'ils obtiennent un meilleur service auprès de la fonction publique plutôt qu'auprès d'Anciens Combattants Canada. C'est une déclaration importante.

Le sénateur Wallin : La commission des accidents du travail dont nous parlons est une entité provinciale. Comment se compare-t-elle à ses homologues des neuf autres provinces et territoires? Les programmes sont-ils les mêmes?

M. Gilkinson : Nous rencontrons régulièrement nos homologues des autres provinces. Les programmes varient beaucoup, étant donné qu'ils relèvent des lois provinciales. Cependant, les principes fondamentaux sont les mêmes dans tout le pays. Selon le principe qui est à l'origine du concept d'indemnisation, le travailleur renonce au droit de poursuivre pour obtenir des prestations, mais ces dernières lui sont fournies sans délai et l'ensemble de prestations augmente en fonction des nouvelles dispositions et politiques.

Le sénateur Wallin : La philosophie est la même, mais les détails peuvent varier d'une province à l'autre.

M. Gilkinson : Exactement.

Le sénateur Wallin : À titre de précision, pensez-vous que ce serait une bonne idée que le gouvernement fédéral se décharge de ce dossier sur les provinces? Je peux imaginer que certains se plaindraient du coût de la prestation de services aux anciens combattants handicapés dont l'employeur est le gouvernement fédéral. Qu'en pensez-vous?

M. Gilkinson : C'est en partie l'argent qui pose problème. Il faudrait que nous ayons le financement nécessaire pour offrir ce service. Bien sûr, il serait possible d'obtenir des économies d'échelle grâce aux programmes existants, mais nous ne pourrions pas offrir ce service gratuitement.

Le sénateur Wallin : La question n'est pas de faire des économies, mais plutôt d'envisager une manière différente d'administrer les programmes.

M. Gilkinson : Je ne veux pas parler au nom de M. Zimmermann, mais il vous a dit que le plus important, c'était le retour des employés au travail. Notre organisation et d'autres programmes ont accumulé une grande expérience dans ce domaine. Nous faisons un bon travail et nous essayons de faire encore mieux.

Comment miser là-dessus pour obtenir de meilleurs résultats pour les anciens combattants? C'est comme le reste. Il faut privilégier les meilleures pratiques, comme l'a dit Mme Geary. Qu'est-ce qui donne de bons résultats en Ontario? Toutes les provinces recherchent la même chose. Au cours des réunions avec nos pairs, il est toujours question des pratiques relatives au rétablissement des travailleurs et au retour au travail. C'est la raison pour laquelle Mme Bain est ici et c'est pourquoi j'ai dit, au début, que la collaboration est essentielle. Il s'agit de savoir comment utiliser le système de santé, comment faire appel aux employeurs, comme l'a dit M. Zimmermann, pour faciliter le retour des employés au travail, comment utiliser la législation de manière efficace pour obtenir la bonne formation et au final, un poste qui convient au travailleur accidenté.

Mme Geary pourrait vous en parler mieux que moi, mais l'essentiel n'est pas d'offrir simplement une formation mais plutôt la formation appropriée pour permettre aux employés de retourner au travail.

M. Zimmermann : M. Gilkinson a bien exposé la situation, mais je n'ai pas vraiment proposé que les Anciens Combattants se déchargent de leur responsabilité sur les commissions provinciales des accidents du travail. Je parlais d'une collaboration dans les cas où les Anciens Combattants sont dans l'impossibilité de retrouver un emploi pour un travailleur au sein du gouvernement fédéral. Le gouvernement fédéral emploie 220 000 personnes, mais tous les cas sont différents. Lorsqu'il est impossible de trouver un emploi au sein de la fonction publique fédérale, les intérêts de la personne concernée seraient le mieux servis par une collaboration, étant donné que les commissions provinciales des accidents du travail appliquent déjà la Loi sur l'indemnisation des agents de l'État. Voilà ce que je proposais.

Le sénateur Wallin : C'est peut-être encore une question plus philosophique — et nous reviendrons à certains aspects du témoignage de la Commission de la fonction publique. Les Unités interarmées de soutien au personnel, les UISP, voient le jour un peu partout au pays, et les gens à qui vous avez parlé, les membres des Forces canadiennes qui se sont retrouvés dans ces unités de soutien font tout ce qu'ils peuvent pour demeurer au sein des forces armées. D'après ce que j'ai pu constater, ils veulent rester dans l'armée. Ce ne sont pas des travailleurs comme les autres. On ne s'engage pas dans l'armée comme on accepte un emploi au magasin du coin. La démarche psychologique est différente, le type d'engagement est différent et c'est toute une approche différente.

Pourtant, vous avez dit que si le travailleur ne suit pas un programme de recyclage et ne bénéficie pas d'un placement dans les deux ans il perd sa chance d'accéder au marché du travail et, selon vos propres termes, il est probable qu'il ne puisse plus jamais y accéder. Cependant, vous semblez aller à l'encontre des souhaits des militaires eux-mêmes qui préfèrent qu'on leur donne au moins trois ans pour se réinsérer, comme c'est le cas actuellement parce qu'ils veulent faire tout en leur possible pour demeurer au sein des forces armées. Je me demande si notre bonne volonté ne va pas à l'encontre de leur propre souhait.

M. Gilkinson : C'est un véritable dilemme. On peut très bien comprendre qu'une personne qui a servi une organisation aussi importante veuille y demeurer. Je travaille depuis 34 ans au même endroit et s'il m'arrivait d'être blessé, je souhaiterais poursuivre mon travail au sein de la même organisation. C'est tout à fait naturel.

Selon moi, M. Zimmermann vous dirait que la créativité est la clé qui permet de développer le potentiel des personnes qui continuent à travailler au sein de la même organisation. Il faut peut-être intégrer cette dimension dans la démarche. Peut-être que les organismes provinciaux qui se penchent sur cette question depuis aussi longtemps que moi, essayant de trouver la formule magique qui permettrait de réintégrer l'employé à l'endroit même où il a été blessé, peuvent miser là- dessus, comme l'a mentionné Mme Geary.

Le sénateur Wallin : Je pense justement que les UISP sont un résultat de cette créativité au sein des Forces canadiennes. Si un militaire ne peut pas occuper un poste de combat, l'armée fait tout son possible pour lui trouver un autre emploi. J'ai rencontré une pilote qui avait des troubles d'audition. Elle ne peut plus voler, mais elle peut faire des plans de vol, puisque ce travail se fait au sol. Cependant, ce n'est pas toujours aussi clair et il n'est pas toujours facile de se remettre des blessures, par exemple si vous avez perdu un bras ou une jambe, ou si vous souffrez de stress post- traumatique ou d'une combinaison des deux. Peu importe le moment où la formation commence, s'il s'avère impossible pour la personne concernée de trouver un emploi véritable.

M. Zimmermann : J'y ai passé du temps et je comprends le concept de la famille militaire et son importance. Toutefois, comme l'a dit M. Gilkinson, nous avons tous ce sentiment d'appartenance. J'ai eu beaucoup de chance, parce que je voulais rester dans la compagnie qui m'employait. Malheureusement, la réalité quotidienne est moins drôle car, insidieusement, le handicap se double de troubles psychosociaux — je suis moi-même passé par là. C'est quelque chose qui vous tombe dessus sans que vous vous en rendiez compte. Au bout d'un certain temps, vous ne participez plus au monde du travail; votre vie entière tourne autour de votre invalidité. Si les Forces canadiennes peuvent répondre favorablement à de telles demandes, elles devraient le faire. Cependant, elles ne peuvent pas répondre aux besoins de tous.

Vous avez dit un peu plus tôt qu'une approche bienveillante est probablement correcte. Il faut être franc, car le mal est insidieux et on ne le voit pas nécessairement arriver. Tout à coup, on atteint un point de non-retour. Voilà tout simplement ce qui arrive. C'est à ce moment-là que l'on fait face aux plus grands défis.

Le sénateur Wallin : C'est ce que nous a raconté Mme Barrados. Le gouvernement fédéral accorde un traitement préférentiel aux anciens membres des Forces canadiennes, mais ces derniers ne veulent pas travailler au ministère du Patrimoine canadien. Ils veulent travailler à la Défense nationale, parce que cela correspond mieux à leur approche de la vie.

Selon vous, il faudrait que les Forces canadiennes essaient d'abord de les réintégrer. Pensez-vous que le délai de trois ans pour leur accorder leur libération est trop long?

M. Zimmermann : Absolument.

Le sénateur Wallin : Ensuite, les anciens militaires pourraient se tourner vers la fonction publique fédérale qui leur offre un statut préférentiel pour obtenir un emploi. S'ils ne trouvent rien qui leur convienne, ils pourraient se tourner vers la scène provinciale. J'essaie de voir comment cela pourrait fonctionner sans contraindre le militaire à quitter les forces armées plus tôt, parce que les anciens combattants ne semblent pas souhaiter cette option.

M. Zimmermann : J'ai été un peu déçu lorsque je me suis penché sur les possibilités d'emploi au sein de la fonction publique. Vous avez cité l'exemple de Patrimoine Canada. Bien sûr, il est hors de question de placer en phase 4, dans un emploi de bureau, quelqu'un qui a combattu en première ligne, en Afghanistan. Il est préférable de s'intéresser aux postes offerts par Pêches et Océans ou par la Garde côtière ou encore dans le réseau des parcs, au Service canadien des forêts ou à Industrie Canada. On peut envisager également les postes d'inspecteurs de la santé et de la sécurité au travail pour le Programme du travail à RHDCC. On compte environ 200 inspecteurs dans tout le pays.

C'est dans cette direction qu'il faut regarder si l'on souhaite trouver un travail qui corresponde à la personne concernée. Voilà ce qu'il faudrait proposer aux personnes qui viennent du front, plutôt qu'un travail de bureau, car je suis convaincu que ce n'est pas toujours la meilleure solution.

Le président : Monsieur Gilkinson, la fonction publique fédérale ne se décharge pas de tous ses problèmes sur le dos des systèmes provinciaux. Cependant, lorsque les ressources nécessaires n'existent pas, est-ce que la fonction publique se tourne vers les provinces, quitte à payer les services demandés?

Mme Geary : Dans le cas d'un accident du travail, si l'accident s'est produit dans le cadre d'un emploi au gouvernement fédéral, ce dernier a l'obligation de faire une déclaration à la commission des accidents du travail de la province. Nous statuons sur la réclamation et nous gérons le dossier si le gouvernement fédéral a besoin de notre aide. Cependant, la fonction publique fédérale a les capacités pour le faire. Elle a des employés qui ont toutes les compétences nécessaires pour s'en occuper et toutes sortes de ressources. Nous n'intervenons pas si la fonction publique peut se charger du dossier dans les premières semaines afin de gérer elle-même la situation. En Ontario, si l'employé n'a pas repris le travail après 12 semaines, nous intervenons.

Le sénateur Wallin : Cette règle s'applique également aux militaires?

Mme Geary : Non, pas aux militaires.

Nous communiquons par téléphone bien avant, mais si, au bout de 12 semaines, la personne n'a pas repris son travail, nous nous rendons sur place, nous rencontrons le superviseur et l'employé et nous les aidons à amorcer le processus de retour au travail.

S'il ne s'agit pas d'un accident du travail, le gouvernement fédéral fait appel à un autre fournisseur de prestations d'invalidité. Les cas autres que les accidents du travail sont gérés différemment.

Le président : Monsieur Zimmermann, vous siégez au conseil consultatif. Quand on regarde la nouvelle Charte des anciens combattants et quand on se penche sur cette initiative de réadaptation et de réintégration à Anciens Combattants Canada, on a l'impression que l'on part de rien. Pensez-vous que cette charte est suffisante pour gagner la confiance des militaires? Pensez-vous que c'est suffisant pour qu'ils acceptent de se tourner vers Anciens Combattants Canada — une organisation isolée de toutes les autres, comme nous l'avons appris? Est-ce que les Anciens Combattants devraient créer une atmosphère de confiance afin que toutes les options leur soient ouvertes?

M. Zimmermann : Pour répondre à votre première question, je pense que la nouvelle Charte des anciens combattants offre actuellement cette possibilité. Tout repose sur la mise en œuvre.

Selon moi, il faut régler deux importantes questions de structure. La première est celle dont j'ai parlé un peu plus tôt, à savoir l'interface entre le MDN et les Anciens Combattants. La deuxième concerne les obstacles que doivent surmonter les militaires qui bénéficient d'une libération pour raisons médicales afin de pouvoir exercer leur droit de premier choix pour obtenir un poste au sein du gouvernement.

Ce sont des problèmes qui nous ont été signalés et c'est la raison pour laquelle j'en ai parlé un peu plus tôt. Les demandeurs d'emploi doivent au minimum détenir un diplôme de premier cycle. Certains d'entre nous ont dit qu'il fallait faire preuve de créativité afin de résoudre ces problèmes et de conjuguer les compétences des demandeurs d'emploi avec les différents débouchés qui existent dans les divers ministères que j'ai mentionnés plus haut, notamment Pêches et Océans, la Garde côtière, et cetera. Les débouchés existent, mais, selon moi, un certain nombre d'obstacles artificiels empêchent d'y accéder.

Le président : Si j'ai bien compris, il n'est pas nécessairement question d'ouvrir l'accès aux ressources provinciales afin de s'en inspirer ou peut-être même de conclure des partenariats avec les régimes provinciaux.

M. Zimmermann : C'est une possibilité qui n'a pas encore été examinée.

Le président : J'aimerais revenir à votre témoignage, étant donné que vous êtes demeuré extraordinairement fidèle à votre entreprise et que celle-ci a répondu en vous trouvant de l'emploi. Chez les militaires, nous demandons à nos soldats de prêter allégeance dès le premier jour à l'armée; en fait, nous les détournons pratiquement de certaines de leurs autres allégeances. Et puis tout d'un coup, à cause d'une blessure, ils font face à ce dilemme.

Vous affirmez qu'en essayant de les garder pendant trois ans, on nuit à leur avenir à long terme. Je reconnais que ce n'est pas très positif pour eux de rester pendant trois ans, sans recevoir aucune promotion, sans même nécessairement avoir un travail régulier, ballotés d'un bord à l'autre, sans même être pris en charge par Affaires des anciens combattants Canada.

Cependant, d'après les données que vous citez, s'ils n'obtiennent pas un emploi stable ou une formation professionnelle au cours des deux années qui suivent, seulement 10 p. 100 d'entre eux pourront espérer retrouver un jour un travail. Vous affirmez que 50 p. 100 d'entre eux trouvent un emploi au cours des six premiers mois.

J'aimerais savoir d'où proviennent vos données. Vous pourriez peut-être nous en indiquer la source. Deuxièmement, ne pensez-vous pas que les Forces canadiennes elles-mêmes devraient trouver une façon novatrice de garder actifs leurs soldats blessés? Les Forces canadiennes devraient-elles adapter certains de leurs éléments pour être en mesure de gérer cette situation?

M. Zimmermann : C'est dans les années 1990 que le conseil national des entreprises des États-Unis avait recueilli ces données, principalement à la suite d'initiatives de grands employeurs américains qui avaient leur propre assurance. Autrement dit, ils n'avaient pas recours à un régime d'indemnisation des travailleurs, mais avaient leur propre assurance. Sur le plan financier, ces employeurs avaient tout à fait intérêt à réduire l'absence des employés de leur travail rémunéré et de nombreuses études internationales sont venues confirmer ce point de vue.

Quant à votre deuxième question, si je l'ai bien comprise, ce serait en effet extraordinaire que les Forces canadiennes puissent faciliter la prestation d'une assistance aux anciens combattants handicapés afin de les aider à trouver un emploi dans d'autres ministères. Les personnes concernées se sentiraient beaucoup plus soutenues que lorsqu'elles sont tout simplement remises entre les mains d'un autre ministère. Il n'y a aucun doute là-dessus.

Vous avez souligné à juste titre que le lien de fidélité est très fort, que cette allégeance est attendue et qu'il existe une relation de confiance inhérente entre l'armée et son personnel. Si les Forces canadiennes pouvaient faciliter une telle initiative, ce serait un énorme pas dans la bonne direction. C'est une excellente idée.

Le sénateur Day : Merci beaucoup. C'est un débat très intéressant. Cela me ramène à une problématique sur laquelle je ne me suis pas penché depuis longtemps mais qui complète très bien l'étude que nous faisons actuellement.

À titre de précision, monsieur Gilkinson, je crois que seules les personnes victimes d'un accident sur les lieux de leur travail sont admissibles à l'ensemble des services offerts.

M. Gilkinson : C'est tout à fait exact. Nos préposés au règlement des réclamations prennent une décision en fonction du critère d'admissibilité, si possible dans les deux semaines qui suivent la réception de la déclaration d'accident de la part de l'employeur. Ce dernier est tenu par la loi de déclarer l'accident en nous faisant parvenir un rapport dans les trois jours qui suivent le signalement de l'accident par le travailleur lui-même. Voilà le critère.

Le sénateur Day : Vous précisez que l'idée est que les entreprises adhèrent à ce programme afin d'éviter d'être poursuivies; le travailleur s'engage à ne pas poursuivre son employeur devant un tribunal civil mais obtient toutes les prestations nécessaires par l'intermédiaire de la Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail.

M. Gilkinson : Exactement.

Le sénateur Day : Est-ce que tous les employés et toutes les entreprises de l'Ontario ont le choix ou non d'adhérer à ce régime?

M. Gilkinson : Nous offrons une couverture. En vertu de la loi, certaines entreprises et organisations sont obligatoirement couvertes. Environ 70 p. 100 des travailleurs de l'Ontario sont protégés par le régime et, en effet, ils renoncent par le fait même à leur droit de poursuivre l'employeur. L'entente existe. Les employeurs qui ne sont pas couverts par notre régime sont protégés par une assurance dommages privée. Par exemple, les employés du secteur bancaire ne sont pas couverts en Ontario. Ces employés sont protégés par un régime d'assurance dommages dont les modalités peuvent varier énormément.

Le sénateur Day : C'est le gouvernement provincial qui l'a décidé.

M. Gilkinson : Exactement. C'est un détail que nous vérifions tout le temps, car, comme l'a dit le sénateur Wallin, je pense qu'en Colombie-Britannique, près de 95 p. 100 des travailleurs sont obligatoirement couverts par le régime d'assurance de leur employeur.

Le sénateur Day : Prenons le cas d'une personne qui a une assurance privée ou d'un travailleur qui serait normalement couvert en cas d'accident du travail mais qui se blesse en jouant au football ou au soccer avec sa fille ou son fils. S'il se blesse le dos ou se casse la jambe, à qui doit-il s'adresser pour recevoir des prestations? Dois-je poser la question à vous- même ou bien à M. Zimmermann?

M. Gilkinson : Tout dépend de l'assurance personnelle supplémentaire à laquelle cette personne a souscrit. Certaines personnes sont protégées par une assurance invalidité à court terme personnelle ou de leur entreprise. Peut-être que Mme Bain peut nous parler des différentes options qui se présentent dans de tels cas.

Donna Bain, vice-présidente, Services de santé, Commission de la sécurité professionnelle et de l'assurance contre les accidents du travail de l'Ontario : Si vous êtes couvert par le régime d'assurance de votre employeur, car ne travaillant pas dans un secteur couvert par notre régime, vous pouvez obtenir l'ensemble de prestations prévues pour votre emploi. D'autres entités telles que les régimes d'assurance automobile offrent des prestations d'assurance et des programmes de réadaptation.

Le sénateur Day : J'aimerais savoir ce qu'il en est pour la réadaptation.

Mme Bain : La réadaptation est couverte par les deux régimes. Cette prestation peut être couverte par le régime de l'employeur, selon l'assurance prévue pour la personne en question.

Le sénateur Day : Est-ce que les programmes de réadaptation sont pris en compte par les prestations d'invalidité du Régime de pensions du Canada?

M. Gilkinson : Oui, ils le sont. Il y a quelques années, nous avons rencontré des représentants du Régime de pensions du Canada qui cherchaient notamment à reprendre contact avec certains travailleurs bénéficiant d'une pension d'invalidité du Canada afin de vérifier si certaines options de formation professionnelle n'avaient pas été exploitées dans le cas de ces travailleurs. Comme l'a dit M. Zimmermann et comme bien d'autres personnes vous le diront, il faut pouvoir offrir un programme extraordinairement efficace pour réinsérer de tels employés sur le marché du travail.

Le sénateur Day : Le débat porte sur le personnel des forces armées et nous essayons de définir quel est le meilleur régime d'assurance. On peut déplorer que les silos soient si nombreux, tant à l'échelle provinciale qu'à l'échelle fédérale, alors que l'objectif devrait être de prendre soin du travailleur blessé et de l'aider à rejoindre le plus vite possible la population active. Un des secteurs qui nous inquiète est celui des réservistes. Quand ils sont de retour, ils ne se trouvent pas nécessairement dans le secteur de Petawawa ou de la base de Gagetown. Ils ne bénéficient pas du soutien d'une grande infrastructure regroupant de nombreux membres de la force régulière. Il peut arriver qu'ils résident quelque part dans une petite ville. Je suppose qu'ils ont pris congé de leur travail en Ontario. Ils servent le gouvernement du Canada, reviennent blessés et ne peuvent pas bénéficier de votre programme.

M. Gilkinson : C'est tout à fait vrai et il devrait être de la responsabilité de l'employeur, comme dans le cas de M. Zimmermann, de s'engager à venir en aide à ces réservistes. Cependant, la loi n'impose pas d'obligation dans de telles circonstances, alors qu'elle oblige un employeur à réemployer un travailleur blessé. C'est une obligation de deux ans.

Le sénateur Day : On suppose que l'employeur souhaiterait réintégrer le travailleur ou la travailleuse dans les mêmes conditions qu'avant l'accident, mais l'employeur peut probablement s'en dispenser lorsque son employé est en congé. L'employeur ne conserve pas sa responsabilité à l'égard de cette personne et je suppose qu'il incombe au gouvernement fédéral de s'en occuper, mais malheureusement, ce dernier ne possède pas toujours les installations nécessaires à proximité de la résidence du réserviste pour lui offrir un programme de réadaptation rapide.

M. Zimmermann : Voilà un cas où un lien de collaboration avec la commission des accidents du travail pourrait s'avérer utile. Vous avez pris un exemple parfait. C'est un exemple classique du type de situation où il serait souhaitable de tirer parti des ressources provinciales.

Le sénateur Day : J'allais y venir, mais vous m'avez précédé et je pense que vous avez tout à fait raison sur ce point.

Le seul autre domaine dont j'aimerais vous entendre parler est peut-être le secteur de Mme Geary. Je suis tout à fait d'accord avec vous lorsque vous dites que le plus important, c'est d'aider le travailleur accidenté à retourner au travail. Les entreprises proposent toutes sortes de programmes de retour au travail et la CSPAAT offre, je suppose, des programmes qui aident les travailleurs à reprendre leurs activités. L'employeur peut s'exprimer de la manière suivante : « Je souhaite que cette personne revienne au travail; je veux l'aider à revenir plutôt qu'elle reste chez elle pendant six mois à ne rien faire. Je vais lui trouver un autre emploi, une activité moins exigeante mais qui la fera reprendre le rythme du travail sur une base régulière. »

Est-ce que les entreprises reçoivent une aide financière pour offrir ce genre de programme et comment cela se passe- t-il dans les forces armées lorsque des soldats blessés sont incapables d'exercer les fonctions qu'ils occupaient auparavant et restent pendant trois ans à se dévaloriser? En revanche, dans le secteur privé, ce système semble donner d'assez bons résultats. Est-ce parce que les entreprises reçoivent des incitatifs financiers pour essayer de ramener les employés au travail et faire en sorte que les employés fidèles à la compagnie souhaitent eux-mêmes reprendre leurs activités? Comment cela fonctionne-t-il?

Mme Geary : Dans une structure comme le gouvernement fédéral, l'incitatif financier tient au fait que l'employé absent de son travail continue à recevoir son salaire probablement pendant un certain temps, mais le travail qu'il effectuait normalement n'est plus exécuté, à moins que l'on engage une autre personne à qui il faut payer un deuxième salaire pour essentiellement le même poste.

Dans les cas d'accidents du travail, certaines entreprises et le gouvernement fédéral aussi, je crois, adoptent une approche d'auto-assurance en vertu de laquelle ils payent le salaire de la personne handicapée pendant un certain temps. D'autres entreprises ont une approche plus directe en matière d'assurance qui consiste à tenir compte des coûts engagés pour le travailleur — prestations de soins de santé, réadaptation, formation professionnelle, perte de revenu, remplacement du revenu — et les primes payées par l'employé à l'entreprise varient en conséquence. Ce sont des incitatifs financiers certains qui encouragent les employeurs, surtout les grandes entreprises, à mettre l'accent sur le retour au travail.

Le sénateur Day : Pouvez-vous nous décrire des cas d'employés qui sont retournés au travail, non pas pour reprendre leurs fonctions habituelles, car ils ne sont pas capables de les exercer, mais tout au moins pour effectuer certaines tâches. D'après vous, quels sont les résultats que l'on peut obtenir ainsi et pouvez-vous nous dire si ces employés peuvent en fin de compte occuper à nouveau un emploi à temps plein?

M. Zimmermann : Vous avez parlé un peu plus tôt des employés qui sont renvoyés d'un secteur à un autre pendant trois ans et affectés à des tâches dites « allégées ». Cela n'existe plus. L'idée d'offrir à l'employé handicapé des tâches moins exigeantes, de lui trouver un travail rémunéré, cette idée a complètement disparu et depuis longtemps, pour des raisons de compétitivité. De nos jours, on propose généralement à un employé des tâches modifiées dans la mesure où il peut exercer un rôle productif. Ces tâches sont aussi extrêmement limitées dans le temps. Il est rare de trouver des fonctions modifiées qui durent plus de trois ou quatre mois.

Le sénateur Plett : Monsieur Zimmermann, vous avez dit que vous siégez au comité consultatif de la nouvelle Charte des anciens combattants. Quelle est l'influence que vous exercez au conseil consultatif? Pouvez-vous faire avancer certaines des idées que vous nous avez présentées?

M. Zimmermann : Mon rôle consiste à conseiller. Je suis certain que vous avez tous appris que nous avons fait paraître un peu plus tôt cette année un important rapport qui contient une série de lignes directrices sur la mise en œuvre de la nouvelle Charte des anciens combattants, des critères, des processus et des politiques qu'il faut mettre en place pour l'entrée en vigueur de la charte. Je siégeais au comité de la réadaptation.

Le sénateur Plett : Est-ce que vous leur avez conseillé d'appliquer certaines mesures dont vous nous avez parlé?

M. Zimmermann : Absolument.

Le sénateur Plett : Vous affirmez que certains anciens combattants handicapés ne retournent pas au travail parce qu'ils ne trouvent pas une activité qui leur plaît ou qui leur convient, selon le cas. Vous dites qu'il faudrait éviter de les placer simplement dans des bureaux.

Eh bien, je ne pense pas que placer quelqu'un dans un bureau c'est le condamner à l'oisiveté. Il y a des gens très productifs dans les bureaux. La plupart d'entre nous travaillons dans des bureaux et j'aime à croire que nous sommes parfois productifs.

Un soldat qui revient d'Afghanistan après avoir été blessé, ayant peut-être perdu un œil ou même les deux, ne pourra pas effectuer un travail de chauffeur de camion. Une personne victime d'un accident, que ce soit dans les Forces canadiennes ou au travail, ne peut pas nécessairement reprendre le même type de travail et sera peut-être obligée d'accepter des fonctions qui ne lui plaisent pas autant. Il faut tout simplement se rendre à l'évidence.

Je ne sais pas ce que vous vouliez dire lorsque vous avez suggéré que l'on puisse trouver pour ces anciens combattants un travail à Pêches et Océans plutôt qu'à Patrimoine Canada. Cela a déjà été tenté.

M. Zimmermann : C'est justement là que je voulais en venir. Il faut faire preuve de créativité et examiner les possibilités optimales qui s'offrent à l'employé en tenant compte à la fois de son handicap et des emplois offerts sur le marché.

En second lieu, je peux très bien comprendre le point de vue des personnes qui sont contraintes d'accepter un travail de bureau, car je suis moi-même passé par là. Je n'ai pas eu d'autre choix que de me recycler dans la comptabilité même si j'ai détesté cela. Cependant, je n'avais pas d'autres options.

Le sénateur Plett : Revenons au sujet de la collaboration avec les commissions des accidents du travail. Vous êtes aujourd'hui en présence de représentants de la commission de l'Ontario. Je suppose que vous avez déjà collaboré ensemble avant aujourd'hui, mais peut-être pas; je n'en suis pas certain. Est-ce que les autres provinces ont été consultées? Je viens du Manitoba. Avez-vous consulté la Commission des accidents du travail du Manitoba? Est-ce qu'elle adhérerait à un programme comme celui-là, s'il était mis en place? Je suis sceptique et je me demande si cela fonctionnerait, car moi, je suis né au Missouri, comme on dit. Les commissions des accidents du travail ont déjà des budgets très serrés actuellement. C'est certainement le cas au Manitoba et vous avez confirmé cette situation aujourd'hui.

S'il y a des lacunes dans la charte et dans les programmes que nous proposons aux anciens combattants je préférerais que l'on remédie à ces lacunes plutôt que de nous associer avec d'autres organisations qui sont déjà surchargées. Pour pouvoir nous offrir les services, les autres entités devraient augmenter leur capacité. Je préférerais créer notre propre structure pour répondre à la demande, d'autant plus que la structure existe déjà, je crois.

Quelles sont les autres provinces qui ont adhéré? Avez-vous abordé cette question avec les commissions des accidents du travail des autres provinces?

M. Gilkinson : Non, nous n'avons pas eu de négociations rapprochées à ce sujet. Comme je l'ai dit, ces soldats ont mis leur vie en danger pour garantir notre liberté. Vous savez, nous sommes des citoyens comme les autres et nous sommes prêts à aider et à partager nos connaissances, comme l'a dit Mme Geary, pour offrir un bon programme. Pourquoi pas?

Le sénateur Plett : Vous avez dit que vous n'offririez pas ce service gratuitement, parce que vous ne vous sentez pas l'esprit missionnaire.

M. Gilkinson : Vous avez tout à fait raison, ce ne serait pas un service gratuit. Nous sommes prêts à aider quand il le faut, mais, pour ce qui est des services fournis, il faudrait qu'ils soient rémunérés.

Le président : À titre de confirmation, pouvez-vous nous dire si les Affaires des anciens combattants ont pris des contacts avec certains organismes?

M. Gilkinson : Non, le ministère ne nous a pas contactés.

Le président : J'aimerais revenir aux réservistes, parce que je voudrais préciser certaines choses. Prenons le cas d'un réserviste employé par une compagnie qui adhère à votre programme d'indemnisation. Ce réserviste est blessé et rapatrié. Est-ce exact qu'après son retour, il n'est pas suivi par vous, même si son employeur avait adhéré à votre programme d'indemnisation?

M. Gilkinson : C'est exact.

Le président : Est-ce que le réserviste avait signé un document à cet effet?

M. Gilkinson : Je ne sais pas exactement quels sont les documents que les réservistes doivent signer, mais de notre côté, nous traitons ce type de cas comme celui d'une personne qui se serait blessée au cours de vacances au Mexique.

Le président : Merci pour cette précision.

Le sénateur Peterson : Je crois que la CSPAAT est une entité provinciale. Est-elle financée entièrement par les employeurs?

M. Gilkinson : Oui, entièrement.

Le sénateur Peterson : Vous regroupez de nombreux employeurs dans beaucoup de catégories différentes, et si vos ressources diminuent, je suppose que vous allez augmenter les taux de cotisation.

M. Gilkinson : C'est exactement ce que nous faisons en ce moment et les employeurs sont très attentifs et n'hésitent pas à nous donner leurs commentaires lorsque nous décidons d'augmenter les taux.

Le sénateur Peterson : Avec les Forces canadiennes, vous n'auriez à traiter qu'avec un seul employeur mais avec des catégories très difficiles et avant de vous lancer, il faudrait clairement évaluer la situation. Je pense que vous rencontreriez immédiatement des problèmes. Pensez-vous qu'il serait préférable que les Forces canadiennes utilisent votre modèle et vous consultent à titre de conseiller sur une base de rémunérée? Sinon, il faudrait presque établir des catégories distinctes si vous preniez en charge les dossiers des militaires avec leurs employeurs.

M. Gilkinson : Il y a beaucoup de choses qui entrent en ligne de compte lorsqu'on fait face à des problèmes de financement et autres, mais je partage votre point de vue. Comme l'a dit Mme Geary, il y a certaines options qui consistent à faire l'inventaire des meilleures pratiques et à les intégrer dans les programmes proposés.

Je vais revenir à la question du sénateur Day, parce qu'elle était excellente. Revenons donc au cas de ce réserviste qui est de retour au pays. Son employeur n'a aucune obligation à son égard, mais il veut reprendre M. Zimmermann dans son entreprise.

Notre régime nous permet d'effectuer certains aménagements. Selon les circonstances, nous paierons les frais d'aménagement des lieux de travail pour que l'employé puisse reprendre ses fonctions. Je ne sais pas si cela existe dans votre portefeuille, mais ce pourrait être une option à ranger dans la catégorie des meilleures pratiques.

Le président : Je suis peut-être lent, mais je ne comprends pas cette nuance. Vous venez de me dire que le réserviste ne serait pas couvert par votre programme, mais que s'il se blesse en dehors de son travail, vous pourriez intervenir pour faciliter son retour au travail.

M. Gilkinson : Dans le cas d'un travailleur victime d'un accident du travail, et non pas d'un réserviste, nous pourrions, selon les circonstances, aider à aménager les lieux de travail pour que l'employé puisse, s'il a subi une blessure invalidante, par exemple, bénéficier d'un ascenseur pour lui faciliter l'accès.

Le président : Mon dernier point porte sur la santé mentale, le domaine d'intervention de Mme Geary. Quelles sont les mesures que vous prenez pour faire changer les mentalités en matière de stigmatisation et de reconnaissance des personnes qui souffrent de stress opérationnel ou de stress traumatique?

Mme Geary : Nous avons des équipes de spécialistes qui ont acquis une grande expérience et qui sont à même de déceler les symptômes de stress traumatique et d'obtenir le traitement nécessaire. Ces spécialistes sont des personnes attentives et pleines de compassion.

Il y a cinq ans, nous avons décidé de mettre sur pied des équipes de gestion des cas qui s'intéressent uniquement à des cas de ce type. Grâce à leurs interventions, on a constaté une amélioration des niveaux de satisfaction des travailleurs souffrant de ces types de blessures et de maladies.

Quant à la stigmatisation, nous avons lancé une initiative en collaboration avec un groupe réunissant des chercheurs, des universitaires, des militants des milieux communautaires et des victimes d'accident du travail. Ensemble, nous essayons de comprendre comment la stigmatisation se manifeste à l'intérieur du régime d'assurance contre les accidents du travail.

Nous avons mis sur pied une série de petites initiatives en vue de lutter contre la stigmatisation. Nous avons élaboré une brochure qui fait l'inventaire de tous les mythes concernant les travailleurs et travailleuses victimes d'un accident du travail et qui rétablit la réalité. Nous nous sommes inspirés d'autres publications consacrées au domaine de la santé mentale. Nous avons mis sur pied des programmes d'apprentissage auxquels tous les membres de notre personnel ont accès afin de leur faire prendre conscience des mythes, de la stigmatisation et des actions qu'ils posent sans y penser et qui contribuent à stigmatiser les victimes d'accidents du travail. Nous avons mis au point des outils que les membres du personnel peuvent utiliser pour vérifier si le langage qu'ils utilisent peut être blessant pour les travailleurs accidentés.

Par ailleurs, nous appliquons également, au moment du recrutement, une grille qui permet de jauger et filtrer les candidats qui postulent pour un emploi, en leur posant des questions précises en vue d'évaluer leur attitude vis-à-vis des personnes handicapées et des travailleurs accidentés. Si leurs réponses ne sont pas conformes à ce que nous attendons, leur candidature est rejetée.

D'autre part, nous parlons beaucoup à notre personnel. J'ai participé personnellement à des rencontres avec des centaines de nos employés au cours desquelles j'ai parlé des dommages que peut causer la stigmatisation, comment on peut la reconnaître et ce que nous pouvons faire pour modifier certains de nos comportements.

Le président : J'aimerais en savoir plus sur votre programme, mais nous avons déjà dépassé le temps qui nous était imparti. Je crois qu'un membre du comité aimerait soulever un point.

Le sénateur Day : C'est une toute petite question, monsieur le président.

Dans le cas d'une personne qui perd une jambe dans un accident du travail, est-ce que vous lui versez un paiement forfaitaire ainsi qu'une allocation pour perte de revenu?

M. Gilkinson : Tout à fait.

Le président : Merci beaucoup.

C'est tout le temps dont nous disposons. Merci énormément pour les exposés que vous avez présentés et pour les réponses très instructives à nos questions.

(La séance est levée.)


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