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AEFA - Comité permanent

Affaires étrangères et commerce international

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international

Fascicule 12 - Témoignages du 16 mai 2012


OTTAWA, le mercredi 16 mai 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui à 16 h 15 afin d'étudier, pour en faire rapport, la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, ses implications et d'autres questions connexes.

Le sénateur A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente : Mesdames et messieurs, nous poursuivons aujourd'hui notre étude de la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, ses implications et d'autres questions connexes.

Nous sommes le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Nous nous entretiendrons aujourd'hui par vidéoconférence avec M. Faraz Sanei, de New York, chercheur à la Division du Moyen- Orient et Afrique du Nord de Human Rights Watch, et avec Mme Nassim Papayianni, de Londres, chargée de campagne, Moyen-Orient/Golfe d'Amnistie internationale.

Je vais vous inviter à prendre la parole dans l'ordre où vous êtes inscrits sur la liste des témoins. Je vais donner la parole à M. Sanei, qui représente Human Rights Watch. Bienvenue au comité. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire, puis j'inviterai notre deuxième témoin à prendre la parole avant de laisser les sénateurs poser leurs questions.

Faraz Sanei, chercheur, Division du Moyen-Orient et Afrique du Nord, Human Rights Watch : Merci beaucoup. Je remercie les sénateurs et le comité des affaires étrangères de nous avoir invités, ma collègue d'Amnistie internationale et moi, pour parler de la situation des droits de la personne en Iran.

Comme on l'a dit, je fais de la recherche sur l'Iran et Bahreïn pour Human Rights Watch et je couvre l'Iran pour cette organisation depuis environ deux ans et demi.

Un petit avertissement avant que je commence : Mme Papayianni et moi allons surtout nous concentrer sur la situation des droits de la personne en Iran. Nous effleurerons peut-être d'autres sujets qui pourraient vous intéresser et nous pourrons en parler plus en détail au cours de la période de questions, mais nos propos porteront sur la situation des droits de la personne dans le pays.

Dans l'ensemble, la situation des droits de la personne en Iran est extrêmement troublante. Je pense que bon nombre de nos organisations considèrent que la situation là-bas est probablement telle qu'elle l'est depuis la période sombre des années 1980. Les élections de 2009 sont sur bien des plans le moment à souligner. Comme vous le savez, ces élections présidentielles ont été contestées et les forces de sécurité et du renseignement ont exercé une répression massive par la suite à l'endroit d'un vaste éventail de personnes, essentiellement des manifestants, mais également beaucoup de gens qui n'avaient absolument rien à voir avec les manifestations. À bien des égards, les élections présidentielles de 2009 ont servi d'excuse au gouvernement pour lancer une vaste campagne de répression contre toute manifestation de dissension dans le pays.

J'espère discuter de ce point avec vous, et je crois que ma collègue d'Amnistie internationale traitera également de bon nombre de ces enjeux.

Il y a quatre grands thèmes. Je vais essentiellement vous brosser un tableau global, et ma collègue approfondira des points particuliers, notamment la liberté d'association, d'expression et d'assemblée et l'application de la peine capitale en Iran. Ce sont les points dont elle parlera.

Pour ma part, en guise d'évaluation globale de la situation des droits de la personne en Iran, j'aimerais aborder quatre thèmes. L'un d'entre eux, comme je l'ai mentionné, est le recours accru à la peine capitale. Nos organisations croient qu'au cours de la dernière année, au moins 660 personnes ont été exécutées dans les prisons iraniennes. Ce nombre est stupéfiant; c'est le plus élevé que nous ayons relevé en Iran depuis de nombreuses années.

La criminalisation de la dissension politique dans le pays est le deuxième thème sur lequel j'aimerais me concentrer. Depuis 2009, nous avons constaté la presque disparition du mouvement réformiste, qui était plutôt fort sous l'ancien président Khatami à la fin des années 1990 et au début des années 2000. Quand je parle de « disparition », je veux dire que ces partis politiques ont été essentiellement dissous ou ont été déclarés illégaux ou illicites par les autorités iraniennes.

Aujourd'hui, lorsque nous examinons l'affiliation des candidats aux élections parlementaires ou même aux prochaines élections présidentielles, nous constatons l'absence de réformistes. Ils sont en prison, ils sont menacés et ne peuvent participer activement à la vie politique du pays, ou ils ont boycotté les élections parce qu'ils n'entrevoient aucun avenir pour le mouvement réformiste dans l'état actuel des choses en Iran.

Mon troisième thème est le ciblage des défenseurs des droits de la personne qui pose un problème particulier à nos organisations parce que ce sont eux qui nous fournissent des renseignements essentiels sur la situation des droits de la personne dans le pays. Comme vous le savez probablement, ni Human Rights Watch, ni Amnistie internationale, ni d'ailleurs beaucoup de nos organisations partenaires, ne sont autorisés à entrer dans le pays. Nous devons donc travailler à distance et nous nous fions souvent aux renseignements que nous fournissent les défenseurs des droits de la personne.

Les avocats composent un groupe particulier de défenseurs dont j'aimerais décrire la situation. Ma collègue en parlera plus à fond, mais essentiellement, les avocats de la défense en Iran qui acceptent de défendre des causes de nature politique et des affaires relatives aux droits de la personne s'exposent à des agressions, surtout depuis les élections de juin 2009. Nous pourrons entrer dans les détails plus tard.

Le quatrième thème que je veux aborder est le manque d'accès à l'information. Par suite de la répression menée en Iran depuis 2009, nous avons été témoins de l'emprisonnement de nombreux journalistes. Nous avons vu le gouvernement iranien bloquer les communications de satellites étrangers. Nous avons vu une campagne massive de filtrage des sites Web. En plus de tout ce qui précède, nous avons constaté que les activités de particuliers font l'objet d'une surveillance électronique. Il y a aujourd'hui une cyberarmée en Iran qui ne cherche pas à pirater seulement les sites Web dissidents à l'interne, au pays et à l'étranger, mais également les sites de gouvernements étrangers. Elle s'attaque aussi à des particuliers au moyen d'Internet, essentiellement en créant des traces électroniques pour ensuite les menacer et s'assurer de leur silence.

J'aimerais parler d'un sujet qui pourrait intéresser certains d'entre vous, c'est-à-dire l'effet du Printemps arabe, comme il est convenu de l'appeler, sur la situation politique en Iran. Comme vous le savez, depuis le début du Printemps arabe l'an dernier, le gouvernement iranien n'a ménagé aucun effort pour récupérer les événements survenus dans certains de ces pays, en particulier en Égypte, en Libye et au Bahreïn. Il a lancé une campagne de propagande massive essentiellement favorable à ces mouvements populaires.

Fait plutôt intéressant, l'Iran a vécu son propre soulèvement populaire en 2009, et nous savons tous ce qui s'est produit. Le gouvernement iranien semble voir différemment ce qui s'est produit dans son pays en 2009 et ce qui se produit maintenant en Égypte, en Libye, au Bahreïn et dans plusieurs autres pays arabes.

En outre, il y a la Syrie qui vit un autre mouvement de protestation populaire. Nous observons ce genre de politiques à double face du gouvernement iranien lorsqu'il est question des révoltes dans les pays arabes et des mouvements populaires en Syrie.

Je veux mentionner rapidement les manifestations qui ont eu lieu l'an dernier, en février et en mars 2011. Ma collègue donnera plus de détails à leur sujet, mais il y a eu des manifestations massives à l'appui des soulèvements arabes et de messieurs Mousavi et Karroubi, les deux anciens candidats à la présidence aux élections de 2009. À bien des égards, on les considère comme les chefs de file de ce qu'il est convenu d'appeler « le mouvement vert » en Iran. Ils ont invité la population à protester. Des centaines de milliers d'Iraniens sont descendus dans les rues, mais la répression a été massive et beaucoup d'entre eux ont été jetés en prison et certains s'y trouvent encore.

Point important : ces deux leaders, Mahdi Karroubi et Mir-Hossein Mousavi, comme vous le savez probablement, sont assignés à résidence depuis février de l'an dernier. Il est intéressant de souligner que le gouvernement iranien ne les a jamais accusés d'un quelconque crime. De fait, le gouvernement a reconnu que, politiquement parlant, il ne peut les accuser d'aucun crime à cause de l'appui massif dont ils jouissent et du nombre important de leurs partisans au pays. Ils ont donc été assignés à résidence et on les a essentiellement gardés là en leur accordant un accès limité au monde extérieur et aux membres de leur famille. J'ajouterais qu'il n'y a pas qu'eux : leurs femmes et leurs partenaires ont aussi été emprisonnés, bien que la femme de Mahdi Karroubi ait depuis été relâchée pour différentes raisons.

Je soulèverai un autre point de nature politique : il y a eu récemment des élections parlementaires en Iran, et le mouvement réformiste en était essentiellement absent. Beaucoup de réformistes ont boycotté les élections pour bon nombre des raisons dont j'ai parlé. Comme je l'ai mentionné, beaucoup de réformistes sont en prison et ne peuvent participer aux élections.

Par ailleurs, le Conseil des gardiens a essentiellement disqualifié environ le tiers des candidats qui auraient aimé briguer les suffrages aux élections parlementaires, en se fondant sur de très vagues critères dont nous pourrons parler quand nous en serons aux questions.

Je veux maintenant parler brièvement du refus de l'Iran de coopérer avec les mécanismes de l'ONU, un élément important auquel vous devriez tous vous intéresser. Aucun rapporteur spécial ni expert de l'ONU n'a été autorisé à visiter l'Iran depuis 2005. Le gouvernement iranien a dit qu'ils sont toujours les bienvenus, mais de fait, bon nombre de ces experts ont présenté des demandes, et le gouvernement iranien n'a encore autorisé aucun d'entre eux à se rendre en Iran. Il est très important de le souligner.

En 2010, dans le cadre d'un examen périodique universel, on a analysé à fond le dossier de l'Iran en matière de droits de la personne. Le gouvernement iranien a purement et simplement rejeté bon nombre des recommandations de fond formulées par le gouvernement du Canada et beaucoup d'autres gouvernements et États membres des Nations Unies.

L'an dernier, en novembre, le Comité des droits de l'homme a examiné la mesure dans laquelle l'Iran s'acquitte des obligations que lui impose le Pacte international relatif aux droits civils et politiques en la matière, le principal traité relatif aux droits de la personne dont l'Iran est signataire.

Après 17 ans, l'Iran s'est enfin soumis à l'examen du Comité des droits de l'homme. Ce dernier a produit un rapport accablant sur le refus de l'Iran de coopérer avec les mécanismes de l'ONU et sur son bilan déplorable en matière de droits de la personne, surtout depuis la répression lancée en 2009.

En outre, le secrétaire général a présenté plusieurs rapports sur la situation des droits de la personne en Iran, et une résolution de l'Assemblée générale a attiré l'attention sur cette situation en Iran. Le Canada a joué un rôle essentiel dans l'élaboration et le dépôt de cette résolution au cours des dernières années.

Je dirais que la nomination au mois de mars 2011 d'un rapporteur spécial, M. Ahmed Shaheed, l'ex-ministre des Affaires étrangères des Maldives, est le fait nouveau le plus important en ce qui concerne les mécanismes de défense des droits de la personne de l'ONU. Comme vous le savez, il a déjà entrepris son travail. Il a publié deux bons rapports sur la situation des droits de la personne en Iran. Ces rapports sont intéressants parce que, même si M. Shaheed n'a pas obtenu l'autorisation d'entrer en Iran et que l'Iran a clairement fait savoir qu'il n'avait pas l'intention de lui accorder cette autorisation, les rapports sont fondés sur des témoignages. Ce sont des rapports fondés sur des témoignages rassemblés et colligés par le Bureau du rapporteur spécial, M. Shaheed. Pour la première fois depuis 2002, soit la dernière année où nous avons eu un rapporteur spécial sur la situation des droits de la personne en Iran, son poste a donné à des groupes de la société civile iranienne, ainsi qu'à des défenseurs et à des victimes des droits de la personne, à l'intérieur et à l'extérieur du pays, la possibilité de s'adresser à un mécanisme de l'ONU qu'ils estiment digne de confiance et de lui transmettre les renseignements qu'ils possèdent sur la situation des droits de la personne en Iran. C'est extrêmement important. Heureusement, son mandat a récemment été renouvelé à Genève, il y a environ deux mois de cela si je ne m'abuse.

Je parlerai d'un dernier point concernant le refus de l'Iran de coopérer avec les mécanismes de protection des droits de la personne et avec les Nations Unies en général, soit le fait que le gouvernement iranien se soucie de son bilan en matière de droits de la personne. Nous aurions bien des raisons de croire que ce n'est pas le cas, mais de fait, il mène une campagne de relations publiques plutôt sophistiquée pour prouver aux Nations Unies, au Haut-Commissariat des droits de l'homme et à de nombreux États membres des Nations Unies importants pour l'Iran qu'il se soucie des droits de la personne et qu'il coopère. De fait, bon nombre des points que je viens de vous exposer prouvent que ce n'est pas le cas. Nous pourrons en parler plus tard si vous avez des questions.

Je suis désolé si j'ai dépassé le temps qui m'était imparti. Je vais terminer rapidement mon exposé, puis je laisserai la parole à ma collègue d'Amnistie internationale.

La présidente : Oui, si vous le voulez bien, car nous voulons garder du temps pour les questions et pour notre autre témoin, s'il vous plaît.

M. Sanei : Absolument. Human Rights Watch, Amnistie internationale et d'autres organisations ont accompli beaucoup de travail sur la situation des minorités ethniques en Iran. Je pourrais donner plus de détails en réponse aux questions, dans la mesure où cela vous intéresse. Nous avons documenté de nombreuses violations visant la minorité kurde en Iran, la minorité arabe d'Ahwaz, la minorité baloutche et les Azéris. Je pourrai donner plus de détails plus tard. Nous avons aussi documenté de nombreux cas de violence systémique contre des minorités religieuses en Iran, et je n'ai aucun doute que cela intéresse beaucoup de Canadiens et que cela peut vous intéresser aussi. En particulier, la situation des Iraniens sunnites, qui représentent environ 10 p. 100 de la population de l'Iran, de même que des soufis, des convertis au christianisme et des adeptes de la foi baha'ie bien sûr, avec lesquels beaucoup d'entre vous sont peut- être familiers parce que beaucoup de réfugiés de la foi baha'ie se sont établis au Canada.

Nous nous sommes aussi concentrés sur la situation des droits des gais, lesbiennes, bisexuels et transgenres — les GLBT. En 2010, Human Rights Watch a publié un rapport sur la situation des GLBT iraniens.

Enfin, je mentionnerai que nous publierons un rapport en juin ou juillet prochain sur la situation des réfugiés en Iran. La répression menée depuis 2009 a provoqué une augmentation régulière du nombre de réfugiés. Je me suis rendu en Turquie et dans le nord de l'Irak pour visiter beaucoup de ces réfugiés, comme beaucoup d'autres organisations de défense des droits de la personne l'ont fait. En grande partie, les nouveaux réfugiés et les réfugiés nouvellement inscrits sont des membres de la société civile, des membres d'organisations de défense des droits de la personne, des militants pour les droits de la personne, des journalistes et parmi eux, beaucoup de militants et de dissidents politiques également. J'ai quelques statistiques dont je pourrai vous faire part si vous êtes intéressés à parler de la situation des réfugiés. Le phénomène a des répercussions sur le Canada parce que le Canada a accueilli beaucoup de réfugiés iraniens et les a aidés à s'établir au cours des dernières années. Je vous remercie beaucoup de votre attention.

La présidente : Merci.

Nassim Papayianni, chargée de campagne, Moyen-Orient/Golfe, Amnistie internationale : J'aimerais d'abord vous remercier moi aussi de m'avoir invitée à témoigner en compagnie de mon collègue de Human Rights Watch. Je vais passer en revue quelques points concernant les droits de la personne en Iran, en particulier l'application de la peine capitale, les restrictions du droit à la liberté d'expression, d'association et d'assemblée, des aspects de l'administration de la justice criminelle et de la procédure judiciaire qui nous préoccupent et enfin, de quelques affaires qui, nous le savons, intéressent le Canada.

Commençons par l'application de la peine capitale en Iran. Outre la Chine, l'Iran est le seul pays où Amnistie internationale confirme des centaines d'exécutions chaque année. Nous croyons aussi qu'un grand nombre d'autres exécutions judiciaires ne sont pas officiellement reconnues par les autorités. Pour l'année 2011 par exemple, dans nos dossiers, nous avons confirmé 360 exécutions à partir de sources judiciaires ou des médias d'État. Il y a...

La présidente : Je suis désolée de vous interrompre, mais nous devons interpréter votre déclaration. J'admets que je restreins le temps que vous avez pour vos exposés, mais il reste qu'ils sont traduits simultanément. Si vous pouviez ralentir un peu pour permettre à nos interprètes de vous suivre, je vous en serais reconnaissante. Merci.

Mme Papayianni : Bien sûr.

Je disais que, selon des sources crédibles, il y aurait eu 274 autres exécutions non confirmées, ce qui porte le total à 634.

En ce qui concerne la peine capitale, on peut l'infliger pour des actes de nature politique ou pour des allégations d'actes de nature politique. Les gens sont souvent accusés de moharebeh, qu'on pourrait traduire par « inimitié envers Dieu ». Cette accusation est parfois portée contre des partisans allégués de l'Organisation des moudjahidines du Peuple iranien, l'OMPI, un groupe militant banni qui est basé en Irak.

La peine capitale est aussi infligée pour des infractions relatives à la drogue. En décembre 2011, nous avons publié un rapport sur le recours à la peine capitale pour ces infractions, lesquelles ont justifié, en 2011, la majorité des exécutions. Nous croyons que les deux motifs d'exécution sont liés. Bien sûr, le trafic et la contrebande de drogue existent depuis longtemps en Iran, et le gouvernement prend des mesures soutenues pour essayer de régler ce problème. Entre autres, il a tenté de régler le problème l'an dernier en mettant en œuvre sa loi sur la lutte contre les stupéfiants en janvier 2011. Cette loi renferme des dispositions qui autorisent l'imposition de la peine capitale pour le trafic ou la possession de plus de 30 grammes de certaines drogues. L'an passé, au moins 488 personnes ont été exécutées pour des infractions alléguées en matière de drogue.

De nombreux aspects de cette loi sont préoccupants. Entre autres, selon des rapports, il n'est pas raisonnablement possible d'en appeler de ces condamnations. Aux termes de cette loi, les condamnés ont le droit d'en appeler au chef de la Cour suprême ou au bureau du procureur général. Cependant, ces condamnations sont fréquemment soumises au bureau du procureur général pour confirmation, ce qui annule le processus d'appel.

L'imposition de la peine capitale est aussi autorisée pour des relations sexuelles consensuelles entre adultes que le gouvernement a criminalisées. Il y a un crime d'enregistrement audiovisuel qui autorise l'imposition de la peine capitale depuis 2008, et aussi ce que nous considérons comme une rétribution. En ce qui concerne la peine capitale, les autorités disent qu'elle ne relève pas du droit, en vertu de la loi islamique.

Brièvement, en ce qui concerne les exécutions secrètes, non annoncées ou non confirmées qui ne sont pas déclarées par les autorités, il arrive souvent que la famille et l'avocat de la personne condamnée ne soient pas mis au courant. Les prisonniers eux-mêmes l'apprennent de militants locaux et sont informés parfois seulement quelques heures avant d'être mis à mort, et ce, bien que le chef de la magistrature ait nié en décembre 2011 l'existence d'exécutions secrètes.

La peine capitale soulève aussi des préoccupations liées aux procès inéquitables. Il est impossible d'obtenir une représentation juridique efficace et, comme je l'ai dit, il n'existe pas de véritable processus d'appel si vous êtes poursuivi en application de la loi sur la lutte contre les stupéfiants. Des confessions télévisées sont diffusées avant la tenue des procès.

Des prévenus sont souvent placés sous garde pour de longues périodes de détention préventive, la plupart du temps en isolement, et les avocats ne reçoivent pas de préavis de 48 heures de l'exécution imminente de leurs clients, ce qui contrevient à la loi officielle de l'Iran.

Enfin, il y a la question du recours à la peine capitale pour des délinquants juvéniles que nous classifions comme des personnes âgées de moins de 18 ans au moment où le crime a été commis. L'an dernier, nous avons confirmé trois exécutions de délinquants juvéniles, et on nous en a signalé quatre autres cas, non confirmés, ce qui porte le total à sept.

Enfin, nous nous préoccupons de ce que les autorités procèdent à des exécutions publiques. Cette année seulement, nous avons consigné 19 exécutions publiques. Il s'agit de pendaisons pour lesquelles on utilise de grandes grues de chantier de construction.

Maintenant, en ce qui concerne la liberté d'expression, d'association et d'assemblée, de nombreuses lois limitent l'exercice de ces droits. Je vais essayer de les passer brièvement en revue.

L'une d'elles est la loi sur les crimes audiovisuels, qui étend l'application de la peine capitale à certaines activités relatives à la pornographie, dont j'ai brièvement parlé plus tôt. Il y a la loi sur la cybercriminalité qui rend illégale la création de logiciels empêchant le filtrage, ainsi que la formation à leur utilisation. Je vais revenir brièvement sur la cyberarmée et la cyberpolice. On a signalé, en janvier 2011, qu'elles interviennent désormais à la grandeur du pays. On nous a appris qu'elles ont piraté des comptes Facebook individuels et des groupes Facebook dans lesquels on peut lire « Pris en charge par la cyberarmée ».

On impose aussi des limites à la liberté d'expression, d'association et d'assemblée en déposant des accusations pour des infractions assimilées à la formation d'un groupe dont l'objectif est de nuire à la sécurité de l'État, ou à l'adhésion à un tel groupe. Sous ce rapport, si les membres d'un groupe travaillent ensemble dans la société civile, ils peuvent être accusés d'activités criminelles aux termes de cette loi. De fait, un projet de loi à l'étude au parlement nous préoccupe. Il obligerait toutes les ONG à s'enregistrer d'abord auprès des autorités et à remplir des critères très difficiles à respecter, d'après nous. Le président ne l'a pas encore signé, et il n'a donc pas encore force de loi.

Les limites aux libertés universitaires et les mesures de répression menées dans les universités viennent aussi entraver la liberté d'expression. Le droit à l'éducation en Iran est limité depuis un certain temps déjà, notamment parce qu'on interdit à des étudiants l'accès à des études supérieures en raison de leurs activités politiques ou de leur foi — par exemple, les communautés baha'ies. Mais il y a aussi le système des étudiants étoilés. Plus l'étudiant a d'étoiles, plus il risque de se voir un jour interdir l'accès aux études supérieures. Comme vous le savez, j'en suis sûre, il y a aussi des codes vestimentaires. En public, les hommes et les femmes en Iran doivent encore respecter un code vestimentaire prescrit par la loi. En été, quand il fait chaud, l'application de ces codes vestimentaires devient plus sévère. Nous voyons davantage de cas parce que les gens ont tendance à vouloir se rafraîchir.

Enfin, des groupes particuliers sont ciblés par suite de restrictions et de limites imposées à la liberté d'expression, d'association et d'assemblée, par exemple les syndicats et les syndicalistes. L'Iran continue d'interdire la formation de syndicats indépendants, et nous avons eu connaissance d'une série d'arrestations de militants syndicaux, surtout au cours des dernières années. Tout récemment, le mois dernier, Reza Shahabi a été condamné à six ans d'emprisonnement. Il était détenu depuis septembre 2010, et avait donc purgé une longue peine de détention avant son procès. Il pourra sans doute interjeter appel, bien qu'il soit déjà en train de purger sa peine.

Comme mon collègue de Human Rights Watch en a parlé, des avocats ont aussi été ciblés, en particulier des membres du Centre des défenseurs des droits de l'Homme, une ONG que les autorités ont fermée par la force en 2008. Shirin Ebadi en était l'un des fondateurs. Plus récemment, plusieurs de leurs avocats et défenseurs des droits de la personne ont été emprisonnés. Vers la fin du mois dernier, Narges Mohammadi a été convoquée pour purger sa peine de six ans d'emprisonnement. Elle est mère de deux jeunes enfants et son mari est à l'étranger. Des membres de leur famille prennent maintenant soin de leurs enfants. Abdolfattah Soltani, un avocat, est détenu depuis son arrestation en septembre 2011 et il a récemment été condamné à 18 ans de prison. Un autre membre fondateur du Centre des défenseurs des droits de l'Homme, Mohammed Seyfzadeh, purge une peine de deux ans. Enfin, Mohammed Ali Dadkhah, qui défendait Youcef Nadarkhani, le pasteur chrétien qui a fait les manchettes, a été condamné à neuf ans d'emprisonnement, suivis d'une interdiction d'exercer le droit et de travailler comme professeur. Nous craignons qu'il soit bientôt convoqué lui aussi pour purger sa peine.

Les médias ont aussi beaucoup parlé de, Nasrin Sotoudeh, une avocate spécialisée en droits de la personne et mère de deux enfants qui purge une peine de six ans d'emprisonnement. Elle est détenue depuis septembre 2010. Elle a entrepris plusieurs grèves de la faim pour protester contre ses conditions de détention et elle doit comparaître devant un tribunal administratif le 20, dans le cadre d'une demande de révocation de son permis d'exercice du droit dans son cas également.

Voilà les groupes ciblés. Comment sont-ils ciblés? Les autorités ciblent ces groupes de différentes façons. L'une est l'arrestation et la détention arbitraires, souvent sans mandat, exécutées par le ministère du Renseignement. On voit souvent des responsables de la sécurité arrêter et détenir des critiques et des opposants du régime de façon arbitraire. On leur interdit tout contact avec l'extérieur, ainsi que l'accès à leurs familles, à leurs avocats ou à des soins médicaux, et ce, pendant de longues périodes. Les conditions d'emprisonnement sont mauvaises à cause du surpeuplement des prisons, ce qui cause des problèmes de santé, mais les prisonniers se voient souvent refuser l'accès à des soins médicaux convenables.

En juin 2011, un membre du parlement iranien a dit que le surpeuplement des prisons était si grave que des prisonniers devaient dormir dans les escaliers.

Les mauvais traitements sont malheureusement monnaie courante en détention, et on y recourt régulièrement pour obtenir des confessions qu'on dépose ensuite en cour. Les méthodes de torture et de mauvais traitements que des détenus nous ont rapportées comprennent des coups violents, des décharges électriques, l'isolement dans un espace restreint, la pendaison par les pieds pendant de longues périodes et le viol ou les menaces de viol contre des hommes et des femmes, notamment avec des objets. Les détenus subissent aussi des menaces de mort, notamment des exécutions simulées, des menaces d'arrestation et de torture de membres de leur famille, l'arrestation de membres de leur famille, la privation de lumière ou l'exposition constante à la lumière, la privation de nourriture et d'eau et la privation des soins médicaux nécessaires.

L'application irrégulière de la loi et les procès inéquitables sont une autre facette de cette situation. La plupart des procès en Iran sont grossièrement injustes, surtout ceux qui se déroulent devant les tribunaux révolutionnaires. Il s'agit des tribunaux saisis des infractions relatives à la sécurité nationale, notamment des infractions à la loi sur la lutte contre les stupéfiants. Ces procès se déroulent souvent à huis clos. Par ailleurs, des procès sont diffusés à la télévision iranienne. Bien souvent, les accusés ne sont pas représentés par un avocat. Il y a aussi la vaste portée des lois sur la sécurité nationale en application desquelles on condamne souvent des prisonniers sur des accusations vagues, comme l'inimitié envers Dieu ou la corruption sur la terre. En outre, les accusés n'ont pas d'avocat, ils n'ont pas accès à une représentation juridique efficace ou ne disposent pas d'assez de temps pour consulter leur avocat. Si vous me le permettez, je vais revenir brièvement sur le cas de Mohammed Ali Dadkhah, qui représente Youcef Nadarkhani et Ebrahim Yazdi, dont les procès sont en cours. Si leur avocat devait être jeté en prison, ils n'auraient plus de représentation juridique à moins de retenir les services d'un autre avocat pour les représenter, ce qui est devenu difficile, dans le climat actuel, parce que peu d'avocats sont prêts à se charger de ce type d'affaires.

Enfin, je parlerai brièvement des dossiers de quelques personnes ayant des liens avec le Canada. Je suis sûre que vous êtes tous au courant, mais si vous me permettez de les passer en revue, le premier serait celui de Saeed Malekpour, un programmeur Web. Il a été condamné à mort pour avoir insulté et profané l'Islam parce qu'un programme qu'il a créé pour télécharger des photos en ligne aurait été utilisé pour afficher des images pornographiques à son insu.

Il aurait été torturé en prison. Il a été détenu plus d'un an en isolement, et la télévision d'État a diffusé des confessions obtenues par la torture. Plus récemment, après une interdiction de visites de trois mois, sa sœur a pu le visiter. Elle a alors appris qu'il ne savait pas que sa peine avait été communiquée pour exécution; il l'a appris de sa sœur.

Il y a aussi le cas de Hamid Ghassemi-Shall. Il a été condamné à mort pour « inimitié envers Dieu » en 2008 sur des allégations d'espionnage et de coopération avec le groupe d'opposition banni, l'Organisation des moudjahidines du Peuple iranien, l'OMPI. Il avait été gardé en détention préventive pendant 18 mois, toujours en isolement. Pendant cette période, il a été interrogé à répétition sans avoir droit à la présence d'un avocat et il a dit dans des lettres ouvertes qu'il subissait des pressions énormes pour qu'il avoue. Sa confession a été déposée contre lui en cour, en violation de son droit à un procès équitable. Sa sœur, Mahin Ghassemi-Shall, décédée depuis d'un problème de santé, a été menacée d'arrestation lorsqu'elle se faisait la voix de son frère.

Enfin, il y a Hossein Derakhshan, un blogueur populaire — qu'on surnomme souvent le blogfather d'Iran. On lui doit d'avoir aidé à déclencher la première vague de blogues en Iran, un moyen d'expression désormais populaire. Il l'a fait en affichant des instructions simples en persan sur la façon de créer un site et de commencer à rédiger des commentaires en ligne.

Il a été condamné à 19 ans d'emprisonnement sur de vagues accusations relatives à la sécurité nationale, notamment, d'avoir coopéré avec des États hostiles, d'avoir fait de la propagande contre le régime et d'avoir insulté le caractère sacré de la religion. Il a aussi été détenu sans accusation pendant 19 mois avant son procès, et on lui refuse l'accès à son avocat et les visites régulières des membres de sa famille depuis ce temps.

Cela conclut mon exposé.

La présidente : Je remercie nos deux témoins pour les renseignements détaillés qui seront consignés au compte rendu. Nous avons quelques minutes pour poser des questions. Je vais commencer.

Monsieur Sanei, vous avez parlé des mécanismes des Nations Unies. Vous avez dit que l'Iran se soucie de son bilan en matière de droits de la personne. Est-ce parce que l'Iran peut utiliser la méthodologie et les mécanismes de l'ONU pour diluer ses résolutions ou faire obstacle à ses interventions?

Je remonte à quelque 20 ans en arrière, à l'époque où l'Iran fermait la porte aux rapporteurs. Cependant, si les pays qui n'adhèrent habituellement pas aux résolutions semblent céder, s'il semble y avoir un mouvement de la part de ces pays en ce sens, pour dire que la position de l'Iran leur paraît indéfendable, l'Iran dit alors sans tarder : « Nous allons les inviter » et, par conséquent, soit la résolution n'est pas adoptée, soit elle est diluée. Ensuite, bien sûr, les négociations s'amorcent, mais n'aboutissent jamais et, résultat net, les rapporteurs ne mettent jamais les pieds dans le pays.

Nous savons que les mécanismes des Nations Unies n'arrivent pas à être efficaces en ce qui concerne l'Iran. C'est le cas depuis 30 ans.

Qu'est-ce qui est différent aujourd'hui, et que nous conseillez-vous concrètement d'utiliser parmi les mécanismes de l'ONU?

M. Sanei : C'est une question importante et je vous en remercie beaucoup. Je dis que l'Iran se soucie de son bilan en matière de droits de la personne parce que vous verrez que le régime envoie d'importantes délégations, si vous assistez à certaines réunions, comme mes collègues d'Amnistie internationale et moi l'avons fait, entre autres la séance du Comité des droits de l'homme en novembre dernier à Genève et la session de l'Assemblée générale, il y a quelques années. Franchement, au cours des dernières années, l'Organisation des Nations Unies a eu un assez bon dossier, je dois le dire, par rapport au nombre de documents qu'elle a publiés pour critiquer le bilan de l'Iran en matière de droits de la personne et braquer les projecteurs sur la détérioration de la situation des droits de la personne en Iran.

Il y a des limites à ce que les Nations Unies peuvent faire dans le dossier des droits de la personne. Nous le savons tous. La création d'un poste de rapporteur spécial, comme je l'ai dit, est l'une des plus importantes mesures et l'une des plus efficaces. La République islamique d'Iran est extrêmement mécontente de la nomination d'Ahmed Shaheed comme rapporteur spécial, et le régime a essayé de toutes les façons possibles de lui interdire l'accès aux renseignements dont il a besoin, mais comme je l'ai mentionné, il a réussi à en obtenir avec l'aide d'organisations de défense des droits de la personne comme les nôtres. Je crois que c'est efficace.

Une fois encore, vous ne pouvez sous-estimer le pouvoir de ce poste ou le lien qu'il a créé entre l'ONU, ses mécanismes et la société civile iranienne qui s'est sentie vraiment tout à fait seule pendant de nombreuses années. Le nucléaire attire beaucoup d'attention. Des sanctions ont été imposées à cause du nucléaire. Pourtant, nous ne voyons pas le même genre de mesures en ce qui concerne les droits de la personne. Je dirais que c'est ce que nous observons depuis deux ou trois ans.

L'autre raison pour laquelle je crois que le gouvernement iranien se soucie de son bilan, c'est que des pays comme le Brésil, l'Afrique du Sud, l'Inde et la Turquie, un de ses voisins, sont des puissances en plein essor sur la scène mondiale. Les positions qu'ils prennent aux Nations Unies ont vraiment du poids, que ce soit sur le nucléaire ou les droits de la personne. Ils ont la capacité de convaincre beaucoup de pays voisins, que ce soit en Asie, en Afrique pour l'Afrique du Sud, en Asie pour l'Inde et en Turquie également. Une grande partie des efforts diplomatiques de l'Iran visent aujourd'hui ces pays.

Comme Amnistie internationale et d'autres organisations, je crois, notre organisation a vraiment orienté une grande partie de ses activités de représentation vers ces pays : l'Afrique du Sud, l'Inde, le Brésil et la Turquie. Cela ne veut pas dire que les pays comme le Canada, l'Australie, les États-Unis et les États membres de l'Union européenne ne sont pas importants. Toutefois, de bien des façons, ils sont engagés dans cette voie depuis longtemps et certains d'entre eux sont même à l'origine de sanctions relatives aux droits de la personne ou ont inscrit des représentants iraniens sur leur liste noire à cause de violations des droits de la personne.

Les autres pays que j'ai mentionnés, des puissances en devenir très importantes, ne se sont pas engagés dans cette voie. Je crois que le gouvernement iranien y est sensible et se soucie de ce qu'ils disent et pensent.

Le sénateur Downe : J'aimerais un peu développer la question que la présidente a posée. Sans compter l'ONU, est-ce que des pays exercent une quelconque influence sur les dirigeants de ce gouvernement? Écoutent-ils quelqu'un qui pourrait leur parler franchement de leur bilan en matière de droits de la personne et les pousser à agir en conséquence?

M. Sanei : Voilà pourquoi nous avons investi autant de temps et d'efforts, à Human Rights Watch, pour faire des représentations auprès de Brasilia, d'Ankara, de Pretoria et de l'Inde. Nous croyons que ces pays exercent vraiment une influence et que ce qu'ils disent importe au gouvernement iranien.

Il est facile pour les dirigeants iraniens de rejeter d'emblée ce que le Canada dit. Il leur est facile de rejeter ce que les États-Unis disent. Il ne leur est pas facile de rejeter ce que l'Inde, le Brésil, l'Afrique du Sud et la Turquie disent, en partie parce que ces pays entretiennent des relations commerciales étendues et importantes et des relations politiques étroites avec le gouvernement iranien.

Heureusement, nous avons observé des changements chez certains de ces pays, notamment le Brésil. Il a voté en faveur de la création du poste de rapporteur spécial et a récemment modifié son vote sur la résolution de l'Assemblée générale visant la situation des droits de la personne en Iran.

Malheureusement, ce n'est pas le cas de certains autres pays que j'ai mentionnés. Je crois toutefois qu'une fois que le changement sera amorcé, nous verrons la dynamique évoluer en ce qui concerne l'Iran et la mesure dans laquelle la communauté internationale peut exercer des pressions sur le régime pour qu'il modifie sa conduite sur le plan des droits de la personne.

Le sénateur Downe : Vous avez présenté un témoignage détaillé sur les personnes emprisonnées par ce gouvernement. Cependant, avez-vous des renseignements sur la population en général? Il doit s'agir d'une société répressive. Il doit y avoir des personnes qui dénoncent d'autres personnes et font des révélations par téléphone aux forces de sécurité. À quel point la population générale est-elle réprimée? Avez-vous des renseignements sur ce point?

M. Sanei : Je vais laisser la parole à ma collègue, si elle a des remarques à formuler. J'ai un bref commentaire sur ce point.

Mme Papayianni : Je ferai quelques observations sur le sujet.

Le taux de chômage est élevé en Iran. J'ai des chiffres pour les personnes de moins de 30 ans. Le taux de chômage officiel se situe près de 40 p. 100, si ce n'est 50 p. 100. La situation économique est assez difficile pour le simple citoyen iranien, sans parler de l'intensification de la répression exercée par le gouvernement. Souvent, les Iraniens ne font pas forcément confiance aux personnes qu'ils ne connaissent pas; ils craignent en tout temps que leur téléphone soit sous écoute, que leur ordinateur soit sous surveillance et que la plupart de leurs activités, à différents degrés, soient aussi surveillées.

Je ne sais pas s'ils craignent vraiment que leurs concitoyens dénoncent leurs activités. À mon avis, le sentiment qui prévaut, c'est que la surveillance est si étroite que les autorités ont vent de tout ce qui se passe.

C'est une société dont les membres semblent presque vivre deux vies : l'une où le gouvernement surveille tout ce qu'ils font, et l'autre où ils ont accès à des satellites qui diffusent des émissions du monde arabe, de l'Amérique du Nord et de l'Europe également, et où ils regardent essentiellement les mêmes films, émissions de télévision et bulletins de nouvelles que nous tous dans le monde entier. Ils le font toutefois en se les procurant sur le marché noir. D'une certaine façon, c'est une différente forme de société, mais cela fonctionne.

M. Sanei : Je suis du même avis que ma collègue. J'ajouterais toutefois, et ma collègue a aussi effleuré ce point, que l'Iran n'est pas la Corée du Nord. Je ne considère pas l'Iran comme un État totalitaire, au sens où même si nous avons observé une augmentation spectaculaire des mesures de surveillance, surtout depuis les élections de juin 2009, et même s'il est devenu beaucoup plus difficile d'obtenir des renseignements provenant de l'Iran, je dirais qu'il y a une société civile en Iran. À bien des égards, c'est une société civile dynamique, encore plus dynamique que dans bien des endroits au Moyen-Orient, dans les pays voisins. Ce n'est pas une dictature totalitaire.

Comme ma collègue l'a dit, la plupart des Iraniens ne craignent pas que leurs voisins les dénoncent à l'État. La chose peut arriver; je ne dis pas que cela n'arrive pas. Cependant, les forces de sécurité ou le ministère du Renseignement n'emploient pas un nombre énorme de personnes. C'est simplement que le ministère du Renseignement est devenu plus efficace et répressif, surtout depuis 2009, pour ce qui est de contrôler et de surveiller les citoyens, et cela a bien entendu eu un effet sur la société dans son ensemble.

Le sénateur Downe : Est-ce que cette société civile s'élève et s'oppose clairement aux efforts que le gouvernement déploie pour obtenir l'arme nucléaire?

M. Sanei : Une fois encore, nos organisations ne mettent pas l'accent sur le nucléaire et c'est un dossier compliqué en Iran. Honnêtement, je crois que vous ne seriez pas étonnés d'apprendre que pour beaucoup d'Iraniens, l'accès à la puissance nucléaire et même à l'arme nucléaire est une question de fierté nationale.

Par ailleurs, d'autres Iraniens croient que le gouvernement iranien n'a aucune raison valable de vouloir obtenir l'arme nucléaire et que c'est un total gaspillage d'énergie que de s'engager dans cette voie.

Premièrement, ce n'est pas un dossier sur lequel nous nous concentrons et deuxièmement, il n'y a pas de statistiques ni de sondages d'opinion populaire en Iran qui évaluent ce que le peuple iranien et la société civile iranienne pensent de la question nucléaire en particulier.

De façon générale, je dirais qu'il y a une société civile. La répression a été sévère, surtout depuis les élections de 2009 et surtout après les manifestations de février et mars l'an dernier, mais sous bien des rapports, le désir de changement et de réforme en Iran est très vivant. C'est un message important que je veux laisser à chacun de vous et au Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international. Des gens risquent quotidiennement leur vie, des gens se lèvent et s'expriment au nom des victimes de violations des droits de la personne en Iran. Ils continuent de le faire, mais le prix qu'ils paient est devenu plus élevé qu'il l'était dans les années 1990 et au début des années 2000.

Mme Papayianni : Je crois que pour beaucoup d'Iranien confrontés au degré d'oppression que nous avons décrit aujourd'hui, il peut être déconcertant de constater que lorsqu'il est question de leur pays dans les cercles diplomatiques, les discussions portent surtout sur le programme nucléaire au détriment de la situation des droits de la personne. Je veux souligner ce point.

M. Sanei : Absolument.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, monsieur Sanei et madame Papayianni, je tiens à vous remercier de vos présentations. C'était vraiment très intéressant et très instructif.

Nous sommes bien conscients que pour les militants et les blogueurs de l'Iran, se procurer des informations sur le Web peut s'avérer très dangereux. L'accès Internet à travers le pays passe par de nombreux filtres, les autorités ayant l'œil rivé sur les activités en ligne. Comme vous l'avez mentionné, madame Papayanni, le contrôle est si poussé que la plupart des internautes partent du principe que leur messagerie électronique est surveillée par le gouvernement, et pour ceux qui dépendent des serveurs situés en Iran, l'accès aux sites d'information internationaux et aux médias sociaux populaires tels que Facebook et Twitter est très limité.

Pourriez-vous nous dire quelques mots sur les nouvelles mesures adoptées dans le but de limiter les droits de tous et chacun en Iran, le droit d'exercer sa liberté d'expression?

Je voudrais surtout que vous me parliez de cette cyberarmée qui est nébuleuse, semble-t-il, et qui est liée aux Pasdarans, c'est-à-dire les Gardiens de la Révolution islamique qui mènent des attaques contre les sites Internet en Iran et à l'étranger, notamment ceux de Twitter et de Voice of America.

[Traduction]

La présidente : Qui aimerait s'attaquer à cela?

Mme Papayianni : Avec plaisir. On croit que la cyberarmée est affiliée aux Gardiens de la Révolution et qu'elle en fait partie, mais ce n'est pas confirmé.

Certains Iraniens accèdent à l'information sur le Web au moyen de serveurs et de réseaux privés virtuels, communément appelés RPN. Il y a des logiciels anti-filtres et, pour ceux qui aimeraient l'apprendre, on trouve des instructions en ligne sur la façon de les utiliser pour essayer d'accéder à d'autres sites Web.

D'un point de vue pratique, à cause du contrôle que les autorités exercent sur l'accès à Internet, celui-ci est très lent en Iran. Beaucoup de gens m'ont dit que cela ressemble à l'accès par réseau commuté d'il y a 10 ou 15 ans. Nous recevons des vidéos enregistrées sur des appareils portables, mais on nous a dit que le téléchargement d'un clip de trois minutes peut prendre de huit à neuf heures. D'autres l'enregistrent sur une clé USB qu'ils remettent à un ami ou à un parent en partance pour l'étranger. Lorsque ce parent ou cet ami arrive en Europe par exemple, il télécharge la vidéo et nous l'envoie ou la met sur YouTube par exemple.

Voilà comment des Iraniens composent avec l'accès restreint à Internet, cet accès qui est aussi étroitement surveillé. Les gens doivent utiliser d'autres méthodes, par exemple leur adresse courriel. Nous utilisons parfois un stratagème pour obtenir des renseignements : au lieu d'envoyer un courriel, vous le mettez dans votre dossier « brouillon » que nous irons lire au moyen d'un nom d'utilisateur et d'un mot de passe. De cette façon, vous n'envoyez pas l'information sur le Web.

Je veux signaler que le mois dernier, pour encourager ou obliger les Iraniens à utiliser des services de courriel iraniens, les autorités iraniennes ont décrété que les services de courriel étrangers comme Yahoo!, Gmail et Hotmail de MSN étaient dorénavant illégaux.

Au cours de la dernière année, les autorités ont évoqué la possibilité de créer un intranet iranien qui, nous le craignons, remplacerait Internet, bien que les autorités le nient et disent qu'une telle mesure irait à l'encontre du principe sur lequel Internet est fondé.

Pour revenir brièvement sur la cyberarmée, je dirais que c'est une force si nouvelle qui règne dans le pays — en réalité depuis un an et quelques mois —, que nous ne savons pas grand-chose de son fonctionnement, outre le fait que lorsqu'elle prend le contrôle d'un site Web, elle laisse parfois sa marque. Elle a aussi piraté quelques sites Web de l'opposition. Plus récemment, la semaine dernière, un site Web affilié au mouvement vert a été indisponible pendant une certaine période bien que nous ne soyons pas sûrs que ce soit à cause de la cyberarmée. Nous supposons que ce l'était. Elle fait sentir de plus en plus sa présence.

La présidente : Merci. Me permettez-vous de lancer un deuxième tour? La question et la réponse étaient longues, et je veux laisser la parole au sénateur Frum, après quoi je reviendrai à vous.

Le sénateur Frum : Monsieur Sanei, vous avez dit que l'Iran peut facilement ne faire aucun cas de ce que le Canada pense de la situation des droits de la personne. Madame Papayianni, vous avez bien expliqué le sort des trois résidents canadiens détenus en Iran. Je suppose que je vous demande de m'aider à comprendre ce que nous pouvons faire, en tant que parlementaires canadiens qui se soucient de leurs concitoyens. Alors qu'on croyait que le mandat d'exécution prononcé contre Saeed Malekpour allait être exécuté, notre ministre des Affaires étrangères s'est exprimé avec beaucoup de fermeté et il semble que M. Malekpour est encore avec nous, et j'en remercie le Ciel. Pouvons-nous accorder un quelconque crédit à ce genre d'interventions du ministre des Affaires étrangères et à ce genre de déclarations de la part de nos parlementaires? Des parlementaires de tous les horizons politiques se sont exprimés. Ces déclarations ou ces interventions ont-elles un effet sur le régime?

M. Sanei : Je crois que oui. J'encouragerais le Canada et le ministère des Affaires étrangères, entre autres, à continuer de faire des déclarations — et ils devraient le faire — à l'appui et à la défense des résidents et des citoyens canadiens écroués dans des prisons iraniennes. Je ne veux d'aucune façon laisser entendre que vous ne devriez pas le faire.

Nos organisations, Amnistie internationale et Human Rights Watch, et beaucoup d'autres organisations qui travaillent à ces dossiers, ont mentionné M. Malekpour dans de nombreux communiqués de presse. Il y a des pétitions en ligne et beaucoup d'autres façons de mentionner les noms de ces personnes et de bien d'autres personnes qui ont la double nationalité et qui ont été incarcérées auparavant.

En passant, je devrais souligner que ces personnes ont souvent été privées de l'accès aux ambassades en Iran, parce qu'en vertu de la Convention de Vienne sur les relations consulaires, les citoyens étrangers ou les citoyens ayant la double nationalité devraient avoir accès au personnel de leur ambassade, mais dans bien des cas, ce n'est pas ce qui se produit en Iran. Ce sont quelques-unes des violations du droit international que nos organisations soulèvent, en plus des violations du droit international en matière de droits de la personne et, à maintes reprises, des violations des propres lois de l'Iran visant la détention préventive, l'accès à un avocat et bien d'autres choses. J'encourage encore le gouvernement du Canada à se prononcer sur ces questions, et il devrait le faire, mais d'autres voix devraient aussi s'élever.

Dans la mesure où nos organisations ont essayé de le faire, je crois que nous continuerons de prendre la parole au nom des personnes que vous avez mentionnées et d'autres personnes qui ont la double nationalité et qui sont actuellement emprisonnées en Irak.

Le sénateur Frum : Je sais que vous ne nous dites pas de nous en abstenir. J'étais curieuse de comprendre les calculs politiques que le régime fait lorsqu'il prend la décision de continuer ou non de violer les droits de citoyens et de résidents canadiens. Quel genre de calculs politiques fait-il, madame Papayianni?

Mme Papayianni : Brièvement, ce que les parlementaires peuvent faire en plus de se prononcer publiquement — une intervention utile, j'en conviens, comme mon collègue de Human Rights Watch l'a dit —, je vous dirais que nous estimons que dans presque tous les cas, le fait d'en parler sur la place publique peut contribuer à faire avancer des dossiers, que ce soit des personnes qui interviennent ou des parlementaires qui se prononcent, font des déclarations, donnent des entrevues ou discutent de dossiers. À long terme, tout cela aide à régler la plupart des dossiers la plupart du temps.

Nous avons utilisé une autre façon de faire campagne sur des enjeux clés. Nous avons demandé à certains gouvernements d'exercer des pressions sur d'autres gouvernements pour qu'ils exercent des pressions sur l'Iran dans certains dossiers. Par exemple, nous avons dit que la Turquie et l'Iran entretiennent des relations étroites. Nous avons eu un certain succès en demandant à la Turquie de faire pression auprès des autorités iraniennes sur les droits des syndicats, parce qu'en Turquie, c'est aussi un gros problème. Je crois que les gouvernements peuvent faire certaines démarches stratégiques s'ils ne peuvent pas forcément être au-devant de la scène à discuter des événements. Les possibilités de faire discrètement pression sur vos homologues dans différents pays sont nombreuses, que ce soit sur un enjeu ou sur un dossier particulier.

Je ne peux pas dire que nous avons en main des renseignements qui montrent clairement que les autorités ciblent des personnes qui ont la nationalité canadienne ou qui sont des résidents du Canada. Je ne pourrais donc pas répondre à cette question, à savoir si c'est pour cette raison qu'elles ont été ciblées. Je crois que ce que Saeed Malekpour et Ghassemi-Shall ont en commun, c'est qu'ils ont mis en œuvre ou inventé un élément de technologie Internet et l'ont rendu accessible aux Iraniens à la grandeur du pays, que ce soit en créant un programme qui permettait de télécharger des photos — c'est courant maintenant, mais à l'époque, ce n'était pas si courant — ou en montrant comment des personnes peuvent elles- mêmes créer des blogues et diffuser leurs opinions. Ce sont des choses que les autorités craignent. J'imagine qu'on les a ciblés entre autres — et c'est peut-être la seule raison —, parce qu'ils ont réussi à donner aux Iraniens davantage de possibilités de se faire entendre par des méthodes simples qui, à l'époque, étaient surtout accessibles seulement en anglais, ou plus accessibles en Amérique du Nord ou en Europe, ou pas aussi accessibles en Iran.

La présidente : Nous n'avons plus de temps. Si j'ai bien saisi l'essence de votre témoignage, en braquant les projecteurs sur les dossiers qui nous importent, qu'il s'agisse de dossiers de Canadiens ou d'autres personnes, nous ne rendons pas les victimes du régime iranien plus vulnérables. Si j'ai bien compris ce que vous avez dit, monsieur Sanei, si elles sont plus vulnérables depuis quelques années, elles savent ce qu'il en coûte de se prononcer en public, et la société civile a choisi d'assumer un plus grand risque. Par conséquent, nous ne les exposons pas lorsque nous les nommons et parlons de leur cas. Cela n'aura pas pour effet d'empirer la répression ou, si cela devait se produire, elles savent que c'est le risque auquel elles s'exposent. Nos raisons d'exprimer nos préoccupations à leur sujet viennent d'une certaine source. Je m'en voudrais que nous les rendions encore plus vulnérables sans qu'elles connaissent les conséquences.

M. Sanei : La règle générale est celle que ma collègue, Mme Papayianni, a exposée. Chez Human Rights Watch et dans bien d'autres organisations, nous partons de l'hypothèse que nous devons prendre la parole au nom de ces personnes. Si leur nom est mentionné ou si leur dossier chemine, en général, cela leur est utile.

Cela dit, dans bien des cas, lorsque nous décidons à titre d'organisation de défense des droits de la personne de parler publiquement d'une personne, nous entrons en rapport avec des membres de sa famille et nous leur demandons ce qu'ils en pensent. En dernière analyse, ce sont les membres de la famille et les victimes qui doivent décider si notre intervention est susceptible de les aider ou de leur nuire et s'ils veulent cette publicité. Les intervenants n'ont pas toujours la possibilité d'entrer en rapport avec des membres de la famille. Les gouvernements ont rarement cette chance. Lorsqu'un gouvernement décide pour différentes raisons de parler d'un cas, l'une des choses les plus importantes à faire consiste à confirmer que l'information qu'il rend publique est exacte. Il faudrait toujours le faire, qu'il s'agisse d'organisations de défense des droits de la personne qui parlent de ces dossiers sur la place publique et se prononcent au nom des victimes de violation des droits de la personne, ou que ce soit des gouvernements ou d'autres personnes qui le fassent. C'est simplement une règle d'or que nous devons toujours respecter.

Comme je l'ai mentionné, il ne nous est pas toujours possible de communiquer avec des membres de la famille et de leur dire : « Aimeriez-vous que votre nom soit utilisé? ». Nous devons prendre des décisions. Nous devons connaître la situation des victimes et, au bout du compte, si nous ne pouvons pas nous entretenir avec des membres de la famille ni avec les victimes elles-mêmes, nous devons décider si notre intervention est susceptible d'aider leur cause ou de lui nuire. C'est une décision difficile à prendre, honnêtement, mais nous faisons du mieux que nous le pouvons.

Mme Papayianni : J'aimerais préciser que, quand nous sommes intervenus publiquement — dans pratiquement tous les cas —, nous avons obtenu une certaine forme de consentement d'un membre de la famille ou de son représentant légal pour parler publiquement de leur cas.

On nous confie souvent des détails sur des dossiers, mais on nous dit que nous ne pouvons pas les rendre publics parce que cela lierait trop clairement un élément d'information donné à un certain membre de la famille. Cela ne pose pas problème de parler d'un dossier; il s'agit davantage de garder secrets certains renseignements qui permettraient de remonter à un oncle, une tante ou un être cher en Iran. Nous avons parfois de la difficulté à entrer en rapport avec des membres de la famille. Je peux concevoir que des parlementaires auraient encore plus de difficulté à le faire, mais ce serait important. Je crois que si des renseignements sont déjà du domaine public ou si des membres de la famille ont donné des entrevues, c'est un signe qu'il n'y aurait probablement pas de problème à parler d'eux.

La présidente : Je veux vous remercier, monsieur Sanei et madame Papayianni, de votre témoignage et des détails que vous nous avez donnés sur la situation des droits de la personne en Iran. Les gouvernements doivent souvent se reposer sur des organisations responsables qui travaillent sur place jour après jour dans les pays. Il n'y a aucun doute que Human Rights Watch et Amnistie internationale se sont acquis de longue date la réputation de surveiller l'Iran de façon crédible, et nous vous remercions d'avoir été leurs porte-parole aujourd'hui.

Nous passons maintenant au deuxième groupe de témoins que nous entendrons aujourd'hui dans le cadre de notre étude, pour en faire rapport, de la politique étrangère canadienne relative à l'Iran, de ses implications et d'autres questions connexes. Dans cette partie, nous entendrons les représentants de l'Iranian Canadian Congress, M. Farrokh Zandi, président, et M. Samad Assadpour, secrétaire du conseil d'administration.

Je crois qu'il n'y a qu'un seul exposé. Je vous invite à le présenter aussi brièvement que possible pour que tous les sénateurs puissent poser des questions, ce qui nous permettra à tous d'exprimer nos préoccupations. Bienvenue à notre séance. Nous sommes impatients d'écouter vos observations sur notre étude. Je crois que M. Zandi présentera l'exposé. Bienvenue.

Farrokh Zandi, président, Iranian Canadian Congress : Honorables sénateurs, merci de nous avoir invités. Samad Assadpour, secrétaire du conseil d'administration de l'Iranian Canadian Congress m'accompagne. Veuillez considérer ce qui suit comme notre déclaration préliminaire commune.

L'Iranian Canadian Congress, ou l'ICC, représente la communauté irano-canadienne. L'ICC est une organisation sans but lucratif, non partisane et non confessionnelle, qui souscrit pleinement à la Charte canadienne des droits et libertés. L'ICC ne représente pas le gouvernement de la République islamique d'Iran et ne fait pas de représentation pour ses partisans. La majorité de la population de l'Iran se distance de la République islamique d'Iran, l'un des pires auteurs de violations des droits de la personne au monde.

Depuis les élections présidentielles de 2009 en Iran, des élections largement perçues comme frauduleuses, la répression exercée par l'État iranien s'est nettement intensifiée. Les Iraniens qui s'opposent au régime placé sous la gouverne de dirigeants religieux sont régulièrement harcelés, emprisonnés, torturés, violés et exécutés.

Aujourd'hui, le régime iranien fait face à de grands défis. Il a perdu une grande partie de sa légitimité depuis les élections de 2009 et il est divisé à l'interne. Par ailleurs, il est de moins en moins capable de satisfaire aux aspirations politiques et économiques de son peuple. Sa survie comme régime uni et fonctionnel est loin d'être assurée.

Surtout, le régime iranien demeure vulnérable à des forces intérieures qui sont exactement les mêmes que celles qui ont entraîné la chute d'autres dictatures dans le monde arabe. Le régime a peut-être réussi à réduire au silence le mouvement pour le moment, mais il n'a pas réussi à écraser les aspirations des Iraniens à une forme de gouvernement plus libre et démocratique. En dépit d'une répression brutale, ce mouvement a représenté un changement majeur qui a gravement miné la légitimité et les perspectives futures du régime islamique. Il devient tout à fait clair que le régime en Iran cherche simplement à renforcer son pouvoir et non les causes qu'il épouse ou les slogans qu'il claironne.

Les révélations récentes de corruption massive en Iran, notamment de malversations bancaires imputées à des personnes qui ont des rapports étroits avec le régime, montrent que la République islamique s'est écartée de la mission qu'elle s'était donnée d'effacer les inégalités sociales qui existaient sous la monarchie. L'Iran d'aujourd'hui est une nation de « nantis » et de « démunis ».

Comment le Canada devrait-il s'y prendre pour élaborer une politique étrangère juste et efficace à l'égard de l'Iran? Compte tenu de la situation déplorable des droits de la personne qui se détériore encore en Iran, notre priorité absolue devrait être d'imposer des sanctions contre le gouvernement iranien et contre les entités et citoyens iraniens qui violent les droits de la personne. En plus d'exprimer publiquement son appui non équivoque aux efforts iraniens et internationaux déployés pour signaler les violations des droits de la personne, le Canada devrait s'employer ouvertement par différents canaux à permettre à des modérés et à des réformateurs iraniens de communiquer avec le peuple iranien.

Mesdames et messieurs les sénateurs, si nous voulons sincèrement faire face à la menace iranienne, nous devons cibler l'ensemble de l'appareil du régime, notamment ses exécutants et ses facilitateurs. Le Corps des Gardiens de la Révolution islamique, le CGRI, est au cœur de cette liste. En plus d'être chargée du programme nucléaire de l'Iran, cette entité est aussi l'auteure de graves violations des droits de la personne et de la répression violente des manifestants iraniens en 2009. Elle forme et finance aussi des organisations terroristes comme Al-Qaïda. Le CGRI est l'épine dorsale du régime iranien, et nous ne devons tolérer aucun rapport avec cette organisation. La mise au ban de cette entité et de ses hauts dirigeants diminue sa légitimité et celle du régime iranien. Elle donne également un appui moral important aux dissidents iraniens qui peuvent se sentir seuls et isolés dans les efforts qu'ils déploient pour changer le pays.

Les sanctions que le Canada a imposées en application de la Loi sur les mesures économiques spéciales, des sanctions qui visent beaucoup de particuliers et d'entités, dont certains ont des liens avec le CGRI, se rapportent à l'activité nucléaire de l'Iran. Nous croyons que c'est la situation des droits de la personne plutôt que la question nucléaire qui devrait être le point de mire de la politique étrangère. Nous croyons que le gouvernement du Canada devrait cibler les auteurs de crimes contre l'humanité en les frappant d'interdiction de voyager et en gelant leurs biens.

Même si l'Iran cessait demain son programme nucléaire illégal, cela ne changerait pas le fait que le gouvernement de la République islamique affecte au terrorisme international un budget considérable qui transite par le CGRI. Cela ne réglerait pas non plus les violations des droits de la personne les plus éhontées de l'histoire récente qui sont le fait du CGRI.

Le Canada doit utiliser tous les outils non militaires à sa disposition dans cette période cruciale, ce qui comprend l'inscription du CGRI dans son ensemble, et de chacun de ses membres et hauts commandants en particulier, sur la liste canadienne des entités terroristes.

Nous appuyons toutefois les sanctions que le gouvernement a imposées pour contrer les programmes d'armement nucléaire, chimique, biologique et balistique de l'Iran.

Récemment, les États-Unis ont commencé à s'engager dans cette voie et à mettre davantage l'accent sur les violations des droits de la personne imputables au régime iranien. Cette position pourrait contribuer à contrer les perceptions négatives que suscitent les politiques et les intentions des États-Unis chez les Iraniens. Ainsi, le gouvernement des États-Unis a appuyé la nomination d'un rapporteur spécial de l'ONU sur les droits de l'homme pour l'Iran et, par ailleurs, il a pris des sanctions contre des hauts responsables de la sécurité de l'Iran pour leur rôle dans des violations des droits de la personne.

Ce changement apparent de la politique des États-Unis a forcé des porte-parole américains à dénoncer les abus du régime de façon plus énergique et plus fréquente. Des militants prodémocratie iraniens ont vu des signes d'encouragement dans les condamnations plus fermes exprimées par de hauts dirigeants des États-Unis, dont le président Obama et la secrétaire d'État, Mme Clinton.

Nous croyons que le Canada devrait suivre l'exemple des États-Unis sur ce plan. Le Canada n'est peut-être pas capable de dissuader la République islamique de poursuivre son programme nucléaire par le dialogue et l'imposition de sanctions, mais il peut montrer qu'il est du côté des démocrates iraniens qui pourraient diriger un jour l'Iran.

Pratiquement, l'Iran a une économie de monoculture. La seule activité économique de l'Iran est la vente de son pétrole qui représente environ 50 p. 100 du budget du gouvernement, environ 80 p. 100 de ses revenus à l'exportation en devises fortes et environ 25 p. 100 de son PIB. C'est une source cruciale à court terme de devises fortes dont les Iraniens ont besoin pour administrer leur régime, soutenir leur devise et relever une partie de leurs énormes défis financiers.

Il faut souligner que les sanctions ont été assez efficaces en asséchant les investissements de capitaux et la technologie dans le secteur de l'énergie de l'Iran et en réduisant la capacité de production de pétrole du pays. Il s'agit toutefois de sanctions ayant un effet à moyen terme et à long terme. L'Agence internationale de l'énergie et le gouvernement des États-Unis prévoient qu'au cours des cinq prochaines années, ces sanctions feront perdre annuellement à l'Iran environ 14 milliards de dollars de ventes de pétrole.

Il faut prendre des sanctions visant la Banque centrale de l'Iran, comme celles que le président Obama a récemment promulguées, pour cibler les revenus du pétrole de l'Iran et drainer son Trésor des devises fortes cruciales à court terme. Les Européens ont aussi suivi l'exemple en décrétant un gel des actifs de la Banque centrale.

Le gouvernement du Canada a essentiellement rompu tous les liens entre son secteur financier et celui de l'Iran. Cependant, il faut que les sanctions ciblent le régime et non la population. Nous croyons que l'interdiction générale faite à nos institutions financières d'accepter des transferts de fonds provenant de l'Iran porte déjà préjudice à des Iraniens innocents, y compris des étudiants détenteurs d'un visa iranien qui étudient au Canada, des personnes âgées irano-canadiennes qui dépendaient du transfert de leur pension de l'Iran et de petites entreprises au Canada qui avaient des échanges commerciaux avec l'Iran.

L'ICC croit également que depuis trop longtemps au Canada, nous fermons les yeux tandis que les initiés de la République islamique transforment notre pays en un centre de blanchiment d'argent, sans parler de l'utilisation de leurs actifs pour espionner des dissidents à l'étranger. Dans ce contexte, il suffit de mentionner le cas de M. Reza Khavari, le chef de la Banque nationale iranienne, qui s'est vu accorder la citoyenneté canadienne en 2005. Les médias ont aussi signalé la présence à Montréal d'un deuxième haut dirigeant de la Banque, M. Mehregan Amirkhosravi.

En plus des sanctions, nous devrions aussi déterminer si nos pratiques dans d'autres domaines, comme la politique de l'immigration, sont cohérentes avec notre condamnation du bilan de l'Iran en matière de droits de la personne.

Comme la grande majorité des organismes et des citoyens irano-canadiens, l'ICC s'oppose à une confrontation militaire à cause des contrecoups que des civils innocents pourraient subir et de ses effets imprévisibles sur la violence sectaire dans la région. Toutefois, au-delà des considérations humanitaires, la plus grande faveur que l'Occident peut faire à ce régime consiste à transformer d'une quelconque façon ses problèmes en une confrontation avec l'Occident au lieu de montrer qu'ils découlent des contradictions internes de la propre gouvernance de l'Iran.

La possibilité de canaliser l'attention sur le soi-disant Occident hostile serait une bouée de sauvetage pour ce gouvernement puisqu'elle détournerait l'attention de sa propre répression et lui permettrait de claironner des thèmes nationalistes et de rehausser son appui populaire.

Le passé de l'Iran a créé une forte résistance populaire à l'ingérence extérieure, et la capacité de Téhéran de manipuler politiquement les menaces externes perçues s'est révélée essentielle pour renforcer l'appui à la classe dirigeante au cours des trois dernières décennies. Prenons la guerre Iran-Irak, dans laquelle l'Iran a été dépeint comme un pays « en état de siège » dans le sillage des opérations des États-Unis en Irak et en Afghanistan et du « déni » du droit de l'Iran de posséder l'énergie nucléaire.

Merci de défendre la cause de la population réprimée de l'Iran. Il me fera plaisir de répondre à vos questions et je vous remercie de m'offrir cette possibilité.

La présidente : Merci monsieur Zandi.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Tout d'abord, merci de nous renseigner sur l'Iran. La Banque mondiale estime que le PIB de l'Iran a augmenté de deux p. 100 en 2011, mais prévoit aussi qu'il va y avoir une baisse due aux sanctions. Selon vous, quelle a été l'incidence des sanctions sur l'économie iranienne et sur le peuple iranien?

[Traduction]

M. Zandi : Permettez-moi de mettre mon chapeau d'économiste. J'ai fait mon doctorat à l'université Carleton dans les années 1980. En passant, votre belle ville me manque.

Comme partout ailleurs dans le monde, l'économie iranienne s'est contractée ou, à tout le moins, a nettement ralenti depuis la récession de 2008, mais elle ne s'est pas redressée lorsque la reprise générale s'est amorcée dans le monde entier.

Il faut mentionner deux ou trois points importants, le premier étant la forte dépendance de l'Iran vis-à-vis du pétrole brut. L'industrie du gaz naturel de l'Iran est énorme; l'Iran arrive au deuxième rang mondial pour ce qui est de l'importance de ses réserves de gaz naturel, mais le pays est actuellement un importateur net de gaz naturel. Sa bouée de sauvetage a été l'exportation de pétrole brut. Comme je l'ai mentionné, environ 25 p. 100 de son PIB dépend des revenus qu'il tire du pétrole brut. Son budget est constitué de pétrodollars à hauteur de 50 p. 100.

La situation actuelle se compose de deux éléments. Premièrement, le Régime islamique a lourdement investi dans les champs pétrolifères au cours des 30 dernières années, depuis la Révolution. Pour maintenir le flot du pétrole, il faut investir dans les installations pétrolières. Selon des estimations, il faut investir au minimum 9 milliards de dollars dans les champs pétrolifères pour maintenir la production au même niveau, mais la moyenne est plus près de 3 milliards de dollars par an. Cela montre simplement que les champs pétrolifères, qui remontent aux années 1930, sont dans un triste état. Ils ont besoin d'entretien, et ils n'en bénéficient pas; ils ont besoin de nouvelles technologies, et ils n'en reçoivent pas non plus. Par conséquent, même sans sanctions, la production de pétrole ralentit depuis un certain temps.

Pour relativiser les choses, disons qu'à la fin du régime précédent, en 1977 et 1978, l'Iran produisait environ 6,1 millions de barils de pétrole par jour. Actuellement, il ne produit pas plus de 3,7 millions de barils par jour. Cependant, la population de l'Iran a triplé depuis, ce qui implique que la consommation a augmenté et qu'il ne reste plus qu'une part minime de la production pour l'exportation. Dans l'état actuel des choses, faute d'investissements, nous prédisons que l'Iran deviendra vers 2020 un pays importateur de pétrole plutôt qu'un pays exportateur.

Les sanctions ont aussi un effet évident sous ce rapport. Vous avez peut-être entendu dire que non seulement le régime semble ne pas se soucier des sanctions, mais il en nie les répercussions. De fait, les dirigeants iraniens ont dit qu'ils allaient volontairement cesser d'exporter du pétrole vers plusieurs pays, dont ceux de l'Union européenne. L'Union européenne est un acheteur important, en particulier l'Espagne, l'Italie et la Grèce, et les sanctions qu'elle a imposées réduiront les exportations de pétrole d'environ 700 000 barils par jour. Le seul espoir de l'Iran pour le moment vient de la Chine, de l'Inde, de la Corée du Sud et peut-être, dans une certaine mesure, du Japon.

En un mot, la réponse est que l'économie iranienne souffre. Sa devise a perdu la moitié de sa valeur cette année seulement, et les revenus du pétrole ne sont pas suffisants pour financer les programmes de subvention ciblés du pays. C'est dû en partie aux sanctions et en partie à l'effet de l'incurie du régime.

[Français]

Le sénateur Fortin-Duplessis : Vu que vous avez décrit une situation qui n'est pas facile, il doit sûrement y avoir un taux de chômage très élevé en Iran. Est-ce que vous êtes au courant? Pouvez-vous nous dire si le taux de chômage est très élevé?

[Traduction]

M. Zandi : C'est l'une des choses les plus intéressantes qu'il vous sera donné d'entendre. Le gouvernement actuel a cessé de publier des chiffres en 2010. Le public ne peut que faire des conjectures sur le taux d'inflation et le taux de chômage, et lorsque ces chiffres sortent, ils proviennent de différentes sources qui ne semblent pas être en phase l'une avec l'autre.

Pratiquement, le taux de chômage est d'environ 25 p. 100, en particulier chez les jeunes de moins de 30 ans. Il y a aussi énormément de chômage déguisé en Iran. Le problème de l'inflation, qui découle en partie des sanctions et en partie de la dépréciation de la devise iranienne, est peut-être plus grave. L'état de l'économie n'est pas du tout enviable.

Le sénateur De Bané : Selon le Recensement de 2006, environ 120 000 personnes d'origine iranienne vivent au Canada. D'où viennent-ils surtout? L'immigration de l'Iran a-t-elle été relativement stable au fil des ans? Le Canada accueille-t-il des réfugiés iraniens? Le cas échéant, combien en moyenne par an?

M. Zandi : Le gros de la population iranienne vit dans les régions métropolitaines : Toronto, Vancouver et Montréal, dans cet ordre. Selon différentes estimations — il y a différentes estimations, de fait, parce que les chiffres du recensement sont un peu délicats. Du moins dans le passé, les questions posées pour déterminer l'origine des citoyens n'étaient pas très directes. De nombreux Iraniens de deuxième génération ne s'identifient pas comme des Iraniens; ils ne sont donc pas identifiés comme tels. Cela dit, vous pouvez considérer qu'il y a environ 120 000 Iraniens dans la région du Grand Toronto.

Le sénateur De Bané : L'immigration est-elle stable?

M. Zandi : L'immigration est stable à environ 6 000 personnes par an, probablement dans les sept premières catégories.

Le sénateur De Bané : Combien y a-t-il de réfugiés par an?

M. Zandi : Très peu, monsieur le sénateur.

Le sénateur De Bané : Deuxièmement, la grande majorité de la diaspora est composée d'Iraniens de la première génération, n'est-ce pas?

M. Zandi : C'est exact.

Le sénateur De Bané : Quels liens les Canadiens d'origine iranienne entretiennent-ils avec l'Iran? Je suppose que beaucoup d'entre eux enseignent comme vous à l'université. Y a-t-il des liens officiels entre les universités canadiennes et les universités iraniennes? À quel point la diaspora iranienne est-elle politiquement active? Les membres de cette diaspora envoient-ils de l'argent, une aide financière, à leurs relations en Iran? Quels liens les Iraniens entretiennent-ils, les universitaires, des liens en bonne et due forme, entre des universités canadiennes et des universités iraniennes? Dans quelle mesure la diaspora canadienne est-elle politiquement active? Enfin, les membres de la diaspora iranienne aident-ils financièrement leurs proches en Iran? Cela nous donnera un bon résumé.

M. Zandi : En ce qui concerne les liens familiaux, un fort pourcentage d'Irano-Canadiens font régulièrement l'aller- retour entre le Canada et l'Iran. Sauf pour les militants politiques, voyager ne pose pas un grand problème même si les règles sont extrêmement imprévisibles en Iran, de sorte qu'on ne peut jamais prédire le résultat. S'il faut en croire les statistiques fournies par les agences de voyage et les bureaux du tourisme, à compter de mai, tous les avions qui volent vers l'Europe à destination de l'Iran sont pleins des mois à l'avance.

Du point de vue des liens officiels entre des universités canadiennes et iraniennes, à ma connaissance, la seule université qui entretient une relation officielle avec l'Iran est celle qui offre un programme de MBA dans une île du Golfe persique. Ce programme existe depuis assez longtemps déjà. Je suis à l'École d'administration des affaires de l'université York depuis 21 ans. Différentes universités iraniennes ont tenté à plusieurs reprises d'établir des rapports avec l'université, sans succès. Cette possibilité suscite des préoccupations importantes et ainsi de suite.

Quant aux activités politiques, la jeune génération, la deuxième génération, montre des signes de vitalité et manifeste de l'intérêt pour la scène politique, si c'est ce que vous vouliez dire, monsieur le sénateur.

En ce qui concerne les autres activités, les activités économiques, c'est une communauté dynamique, sans aucun doute. Par exemple on trouve dans la région du Grand Toronto, le comité iranien qui est le deuxième plus grand promoteur immobilier. Il faut se rappeler que l'arrivée d'immigrants iraniens dans le reste du monde n'a commencé qu'après la Révolution, il y a environ 30 ans. La communauté iranienne est donc assez jeune.

Pour ce qui est de l'aide financière, oui, des fonds transitent du Canada vers l'Iran, mais je dirais que le flot d'argent est plus important dans l'autre direction. Ce phénomène devient de plus en plus évident en dépit des restrictions financières considérables imposées au secteur bancaire. Beaucoup d'Iraniens qui entretenaient deux résidences, une au Canada et une en Iran, commencent peut-être à y penser à deux fois et essaient peut-être de sortir leurs derniers actifs du pays avant qu'il ne soit trop tard.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce qu'on peut démontrer que les étudiants étrangers qui proviennent de l'Iran restent au Canada après leurs études?

M. Zandi : À ma connaissance, monsieur le sénateur, oui. Les lois canadiennes en matière d'immigration ont changé et permettent aux étudiants étrangers qui ont obtenu leur diplôme d'une université canadienne de rester au Canada. Ils sont autorisés à travailler pendant trois ans, même en dehors de leur domaine de spécialisation, l'objectif étant, si je comprends bien, que si le Canada doit accueillir des immigrants, autant qu'ils soient formés au Canada, qu'ils parlent la langue et qu'ils connaissent le pays. C'est peut-être la politique générale dans son ensemble.

Au sujet des étudiants iraniens, je vais vous parler de mon expérience personnelle. Nous avons beaucoup d'étudiants à l'université York, où j'enseigne. La plupart d'entre eux sont toutefois des immigrants ou sont de la deuxième génération. Quelques étudiants iraniens restent au Canada. La raison en est que d'habitude, ceux qui viennent d'Iran principalement pour faire des études supérieures sont la crème de la crème. Il est facile pour eux de s'intégrer et de trouver un emploi dans leur domaine de spécialisation. Par exemple en ce moment, nous avons environ huit étudiants iraniens au doctorat en administration des affaires à l'université York. Ils proviennent tous des meilleures écoles techniques d'Iran. L'université industrielle Sharif exporte 90 p. 100 de ses diplômés dans le reste du monde, et le Canada fait partie des pays qui profitent de cette situation.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce que plus d'étudiants optent pour les États-Unis plutôt que pour le Canada?

M. Zandi : Les choses ont beaucoup changé depuis le 11 septembre, non seulement en ce qui concerne le flot de capital humain vers les États-Unis, mais aussi le flot de capital financier. Dans les deux cas, le Canada a réussi à prendre la place des États-Unis, bien qu'à une échelle réduite.

Le sénateur Mahovlich : Est-ce que des obstacles font en sorte qu'il est difficile pour des étudiants iraniens de quitter l'Iran afin de venir étudier au Canada?

M. Zandi : S'ils n'ont pas été actifs sur la scène politique, leur départ semble ne poser aucun problème. Pour entrer au Canada toutefois, ils doivent soumettre une documentation financière importante pour prouver qu'ils ne seraient pas un fardeau pour la société canadienne, que leurs parrains, qu'il s'agisse de parents, de tuteurs ou de bourses d'études du gouvernement, sont effectivement capables d'assumer leurs études à l'étranger.

Le sénateur Frum : Monsieur Zandi, je suis curieuse de savoir pourquoi l'Iran tolérerait l'exode de 90 p. 100 de ses étudiants ayant reçu une formation hautement spécialisée du collège technique. Pourquoi est-ce une situation acceptable pour l'Iran? Pourquoi le régime les autorise-t-il à partir?

M. Zandi : L'interdiction de voyager n'a pas été un attribut de ce régime dès le début, sauf dans les situations où l'on estimait que les demandeurs avaient été très politiquement actifs, subversifs et ainsi de suite. Dès le premier jour, dès l'arrivée de l'Ayatollah Khomeini en 1979, l'Iran a montré sans équivoque que ce qui est précieux, ce ne sont ni les êtres humains ni le capital humain. Ce qui est précieux, ce sont les matières premières et les choses. Cette tendance semble s'être maintenue à ce jour.

Cela dit, un nombre considérable de personnes ont des liens avec des hauts dirigeants du régime, que ce soit au gouvernement ou au parlement et ainsi de suite, ou la double nationalité de beaucoup de pays, dont le Canada. Le régime iranien a cru qu'il serait plus facile de les laisser partir que de les forcer à rester et les voir peut-être bouleverser l'ordre établi, pour dire les choses simplement.

Je vais paraphraser une citation. En 1979, l'Ayatollah Khomeini a dit dans l'un de ses grands discours : « Nous n'avons pas besoin de médecins. Nous n'avons pas besoin d'avocats. Nous pouvons les former nous-mêmes. La théologie peut combler toutes les lacunes. » À l'époque, j'étudiais ici à Carleton, pas en Iran, mais je l'écoutais sur la radio à ondes courtes. Peu importe, cela a été leur principe de base.

Il n'est pas exagéré de dire que la crème de la crème de la société iranienne a quitté et continue de quitter le pays. Comme je l'ai mentionné en répondant à la question précédente, selon Statistique Canada, entre 6 000 et 7 000 Iraniens immigrent au Canada. Ils représentent plusieurs catégories : investisseurs, entrepreneurs et travailleurs qualifiés.

Le sénateur Frum : Est-ce que l'État financerait leurs études?

M. Zandi : Non, ce sont des personnes qui présentent d'elles-mêmes des demandes pour venir ici.

Le sénateur Frum : Non, je me demandais s'il s'agit d'un collège technique pour l'élite, d'un collège privé?

M. Zandi : Ce sont tous des établissements d'enseignement publics.

Le sénateur Frum : Je comprends le mépris que le régime manifeste à l'égard des êtres humains — à l'égard de ses citoyens. Pourtant, quand vous investissez dans les études d'une personne, vous créez une forme de matière première.

M. Zandi : C'est exact. En juin prochain, il y aura une réunion des anciens de deux des universités de la ville. L'une d'elles est l'université de la technologie Sharif. À en juger par le nombre de personnes qui sont censées y participer — il y a d'autres associations également.

Je saisis clairement votre question. Il y a à Toronto une association d'ingénieurs dont les rangs grossissent rapidement chaque année à cause de l'afflux d'ingénieurs qui arrivent d'Iran. Ils ne viennent pas d'une université, mais ceux qui en ont la possibilité — ceux qui sont compétents et brillants — ont tendance à venir au Canada et aux États- Unis aussi.

Pour illustrer le phénomène, si vous voulez entrer dans une université publique parmi les mieux cotées en Iran, il ne vous suffit pas d'envoyer une demande. Vous devez subir un examen national d'admission. Environ 1,5 million de candidats le font et, de ce nombre, probablement au plus 400 seront admis dans cette école technique. On parle ici des plus brillants parmi les brillants.

Selon les propres statistiques de l'Iran, 90 p. 100 ont quitté ou sont en voie de le faire.

Le sénateur Frum : Incroyable.

Le sénateur Johnson : Le Canada a fermé son bureau des visas à Téhéran. D'après ce que nous avons évoqué, quelle incidence cette fermeture aura-t-elle sur les étudiants ou d'autres citoyens qui essaient de quitter le pays? Ils doivent maintenant passer par la Turquie. Est-ce que cela constituera un obstacle?

M. Zandi : À ma connaissance, la section des visas temporaire s'est installée à Ankara, en Turquie, mais je crois que le protocole pour obtenir un visa d'étudiant est un peu différent. À ce qu'on m'a dit, ce protocole n'a pas changé : les étudiants peuvent continuer de s'adresser à l'ambassade du Canada à Téhéran.

[Français]

Le sénateur Robichaud : Je vous remercie, monsieur Zandi de votre présentation. Vous avez parlé de la situation économique. La production pétrolière diminue. Il y a beaucoup de travail à faire pour moderniser les sites de production. Vous avez parlé de l'inflation qui est due en partie aux sanctions qui sont imposées. Vous avez dit que la corruption était rampante. À quel moment tous ces effets arriveront-ils à une situation critique? Comment le régime va- t-il se maintenir au pouvoir, étant donné qu'à un moment donné, soit ça passe ou ça casse?

[Traduction]

M. Zandi : Si quelqu'un m'avait demandé il y a 20 ans à quel moment je croyais que la situation économique en Iran allait exploser, j'aurais répondu : « Ce n'est qu'une question de temps ». Depuis le début, tout allait de travers. Si vous me posiez la même question aujourd'hui, je répondrais : « C'est très imminent ».

Vous voudrez bien m'excuser, mais c'est ma nature et ma formation : je suis plus à l'aise avec les chiffres et les données. Dans son récent budget, le gouvernement d'Iran indique qu'il doit investir 500 milliards de dollars dans l'infrastructure, essentiellement dans les secteurs du gaz naturel et du pétrole brut. L'économie entière d'Iran n'a reçu que 3 milliards de dollars d'investissements l'an dernier. Nous parlons d'une goutte d'eau dans l'océan. Il est possible que ces 3 milliards n'aient pas tous été utilisés de la façon la plus efficace.

Par contraste, un petit pays qui représente probablement le cinquantième de l'Iran — le Liban, par exemple — reçoit davantage d'investissements étrangers et n'a absolument aucun pétrole ni gaz naturel. C'est la même chose pour des pays voisins, notamment l'Égypte et la Turquie.

J'essaie de montrer que la situation se détériore assez rapidement. J'ai une liste de probablement 70 sociétés différentes du monde entier dans les secteurs du pétrole, des transports, de l'aviation, des mines et du gaz naturel qui ont quitté l'Iran au cours des deux ou trois dernières années. Beaucoup d'entre elles l'ont fait volontairement, beaucoup d'autres l'ont fait à cause des sanctions. En particulier, les sanctions imposées par les États-Unis semblent avoir beaucoup de mordant : toute entité qui traite avec l'Iran ou qui y investit s'expose aux sanctions imposées par les États-Unis. C'est probablement la principale raison qui explique cet exode.

Total, une société française, est partie; Shell n'est plus là, tout comme la British Petroleum. Toutes les compagnies de transport maritime sont parties. Même la compagnie de transport maritime iranienne a un problème parce qu'aucune compagnie d'assurances au monde ne veut l'assurer.

Si jamais il y a eu une époque où l'économie iranienne a commencé à craquer — si vous me permettez d'employer cette expression —, c'est à peu près maintenant.

Cela dit, il y a le chômage et l'inflation, et une répartition épouvantable du revenu. Dans des quartiers de Téhéran, vous pouvez probablement trouver un logement qui coûte environ 14700 $ le pied carré, et des gens qui ne peuvent même pas se payer du bœuf haché une fois par mois. Nous observons une disparité effarante qui s'est créée au cours des dernières années.

Au cours des sept dernières années où il a été au pouvoir, l'administration du président Ahmadinejad a aggravé le problème économique que lui a légué son prédécesseur. Il a mis le CGRI, le Corps des Gardiens de la Révolution islamique, à l'avant-plan. Ce dernier a transformé l'Iran en un régime importateur dans la mesure où le secteur manufacturier dans son ensemble s'effondre ou s'est effondré. Il n'y a pas d'industrie intérieure concurrentielle; tout est importé essentiellement de la Chine.

Ils ont mis tous leurs œufs dans le panier de l'importation, au lieu de produire à l'interne, ce qui défie toute logique. Pourquoi? Parce que vous pouvez toucher une commission sur des importations, mais vous ne pouvez pas obtenir un pot- de-vin autrement.

Le CGRI est au premier plan de toutes les activités commerciales. Il est à l'avant-plan de toute faveur que le gouvernement de l'Iran accorde à ses alliés au pays et à ses rejetons à l'étranger.

La corruption a pris une ampleur phénoménale. De toute évidence, le problème a filtré jusqu'aux plus bas échelons de tous les secteurs, à tous les niveaux de production ou de consommation.

N'oublions pas qu'au cours des 33 années qui se sont écoulées depuis la Révolution, l'Iran a vendu pour au moins 1 000 milliards de dollars de pétrole brut. C'est peut-être d'où vient la richesse de ceux qui obtiennent, d'une façon ou d'une autre, des contrats de l'État s'ils ne sont pas directement liés au gouvernement ou à des sociétés publiques.

Le sénateur Robichaud : De ces 1 000 milliards de dollars que, d'après vous, l'Iran a touchés de la vente de pétrole, quelle partie de cette somme est restée au pays? Nous savons que des gens d'affaires essaient parfois de cacher de l'argent là où le régime fiscal ne peut les atteindre. Est-ce que cela serait arrivé en Iran?

M. Zandi : Je peux vous donner des chiffres empiriques. L'an dernier, un comité spécial du parlement iranien a déclaré qu'il manquait 15 milliards de dollars des revenus du pétrole brut. C'est loin d'être un cas isolé. Mis à part le fait que beaucoup d'intervenants touchent leur part du gâteau, une affectation spéciale des budgets est destinée à des comptes secrets. En grande partie, comme vous le savez, ces comptes servent probablement à financer le Hezbollah, le Hamas et d'autres organisations au Moyen-Orient.

Nous avons vu à maintes reprises sur Internet des constats de la richesse accumulée par des hauts fonctionnaires de l'Iran, qu'il s'agisse de Gardiens de la révolution islamique ou de membres du gouvernement, voire de l'Ayatollah Khamenei lui-même. Nous parlons de centaines de millions de dollars, sinon plus. On dit que ses fils détiendraient plus de 1,5 milliard de dollars d'actifs à l'extérieur de l'Iran. C'est la situation qui prévaut.

La plupart des contrats visant la construction de routes, de logements ou d'ouvrages importants de toutes sortes sont financés par l'État et beaucoup de civils en profitent, car ils sont nombreux à travailler pour le gouvernement ou a avoir des contrats ayant un lien avec le gouvernement. Je suppose que vous savez comme moi que beaucoup de civils vivent au Canada, ont un ménage ou une famille ici, mais travaillent en Iran. Ils font donc l'aller-retour parce qu'il leur est impossible de gagner autant d'argent ici. Le lien est là.

Le sénateur Downe : Ma question s'inscrit dans la même veine que celle du sénateur Robichaud. Je suppose qu'en plus de parrainer le terrorisme dans la région, les hauts fonctionnaires corrompus essaieraient aussi de sortir une partie de l'argent du pays au cas où les choses tourneraient mal. Avez-vous des renseignements à ce sujet? En particulier, connaissez-vous des pays qui acceptent ces fonds dans leurs systèmes financiers?

M. Zandi : À ma connaissance, et ma connaissance est probablement quelque peu limitée, il y en a — j'en veux pour preuve l'exemple que j'ai donné dans ma déclaration préliminaire. Je suis sûr que d'autres témoins vous ont parlé du président de la Banque Melli, qui a elle-même été inscrite sur la liste noire des États-Unis et d'autres pays. Beaucoup de gens qui occupent un poste similaire ont réussi à sortir d'Iran la plus grande partie de leur richesse.

Les personnes bien nanties ont appris à ne pas garder de liquidités en Iran. Elles les font sortir du pays, du moins jusqu'à Dubaï. Toutefois, le système bancaire de Dubaï a commencé à imposer d'importantes restrictions visant le transfert de fonds en provenance d'Iran. À moins d'être client de longue date d'une banque à Dubaï, il est désormais difficile de sortir des fonds de l'Iran en passant par un intermédiaire.

Comme me l'a affirmé une source à maintes reprises, les banques d'autres pays neutres autour du globe, comme la Bulgarie et la Corée du Sud, un important partenaire commercial de l'Iran, sont souvent sollicitées par des hauts dirigeants qui veulent sortir leurs actifs de l'Iran.

De toute évidence, les pays d'Amérique du Nord ne participent pas à ce stratagème, sauf lorsqu'il s'agit d'Iraniens qui ont réussi à obtenir le statut d'immigrant reçu, simplement parce que nos lois sont plus restrictives. Toutefois, la plupart des pays du monde ne participent simplement pas à ce stratagème. L'Inde a aussi été une destination de ces transferts de fonds.

La présidente : Est-ce que votre organisme suit la trace des Iraniens qui, à votre avis, n'auraient pas dû obtenir la citoyenneté? Autrement dit, votre communauté est-elle bien informée et, par conséquent, politiquement active pour faire part de vos préoccupations au gouvernement du Canada?

Samad Assadpour, secrétaire du conseil d'administration, Iranian Canadian Congress : J'aimerais ajouter, si vous me le permettez, au sujet des droits de la personne et de tout ce qui concerne l'économie et les sanctions, que le conseil iranien à l'intérieur du pays viole les droits de la personne et que la situation empire chaque année.

Je crois de plus qu'il serait grandement préférable que la pression que les pays occidentaux exercent sur le gouvernement iranien pour qu'il mette fin à ses projets relatifs à l'énergie nucléaire se concentre sur les droits de la personne. Les pays pourraient peut-être s'unir dans cette démarche. Si l'Iran était un pays libre ou démocratique et si l'Iran avait un gouvernement qui respecte les droits de la personne, il n'aurait peut-être pas besoin de l'arme nucléaire ou de l'énergie nucléaire. Les projets d'énergie nucléaire peuvent prendre fin, mais le même gouvernement pourrait poser un autre problème dans la décennie suivante. Il n'y a pas de liberté en Iran ni de mécanismes permettant au peuple iranien de se faire entendre. La communauté internationale exerce beaucoup de pression sur l'Iran pour qu'il cesse le processus nucléaire. Je crois que c'est bien, parce qu'il y a une dictature en Iran, mais il serait préférable de mettre fin à cela. Nous ne croyons pas que l'Iran n'utilisera pas ces armes nucléaires; son gouvernement n'a aucun respect pour la paix internationale.

L'élément le plus important, c'est que différents segments de la société et différentes personnes ne respectent pas les droits de la personne. Sous ce rapport, pour répondre à votre question, je crois que la politique canadienne devrait prévoir des mécanismes qui permettraient aux défenseurs iraniens des droits de la personne de se déplacer dans le pays; ils seraient peut-être ensuite admis ici. Il faudrait aussi empêcher les membres du CGRI ou ceux qui violent les droits de la personne de venir au Canada.

Comme M. Zandi l'a mentionné, le CGRI ne s'occupe pas que de manœuvres et d'interventions militaires. Il se mêle également d'économie et de tout ce qui concerne l'administration publique. Ceux qui ont beaucoup d'argent et de pouvoirs aimeraient obtenir la citoyenneté de pays occidentaux comme le Canada. Je crois donc que si la situation évoluait en Iran, comme elle évolue actuellement, beaucoup d'entre eux aimeraient venir au Canada. Il faudrait modifier la politique de deux façons : d'abord, accepter davantage de militants des droits de la personne qui aimeraient quitter l'Iran, notamment des étudiants et des professeurs d'université; ensuite, cesser d'accorder la citoyenneté canadienne aux personnes que j'ai mentionnées.

M. Zandi : Notre organisme n'a pas de statistiques. Nous n'avons simplement aucun moyen de découvrir qui entre au pays et qui n'y entre pas; nous n'apprenons la présence de personnes comme le président de la Banque Melli que par les médias canadiens.

La présidente : C'est là où je voulais en venir. Comme organisation, vous l'avez appris des médias.

M. Zandi : C'est exact.

La présidente : Vous ne connaissiez pas le groupe d'Iraniens au Canada qui peut avoir produit certaines de ces personnes.

M. Zandi : C'est exact. Cependant, la communauté est très nombreuse, comme je l'ai dit. Inévitablement, les gens ont une idée de ce qui se passe et le bruit circule. Nous finissons par en entendre parler.

Par ailleurs, à titre personnel et non en ma qualité de porte-parole de l'ICC, j'ai assisté à plusieurs réunions avec des hauts dirigeants du gouvernement, comme l'ancien ministre des Affaires étrangères et MM. Kenney et Weston, le député de Vancouver Ouest. Plusieurs questions au sujet de la communauté iranienne ont été soulevées au cours de ces réunions, et nous avons communiqué des renseignements. On nous a dit que le gouvernement garde un œil sur ceux qui entrent au pays, mais que tous les renseignements seraient bienvenus. Lorsque l'occasion s'est présentée, nous l'avons fait.

La présidente : Merci. Notre temps est écoulé et nous ne pouvons donc pas poursuivre notre discussion. Comme vous pouvez le constater, je pense que j'avais raison de dire au début que si nous en avions le temps, nous allions examiner beaucoup d'autres points que ceux que vous alliez soulever dans votre déclaration. Vous avez accepté de bon gré de répondre à toutes nos questions.

Merci de votre présence et de votre témoignage instructif. Mesdames et messieurs les sénateurs, nous allons lever la séance. Il n'y aura pas de réunion demain. Par ailleurs, aucune réunion n'est prévue la semaine prochaine, jusqu'à ce que nous recevions le projet de loi que la Chambre devrait nous soumettre. Nous vous tiendrons au courant de l'horaire de la semaine qui suivra la semaine de relâche, mais il n'y a pas de réunion demain.

(La séance est levée.)


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