Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires étrangères et du commerce international
Fascicule 24 - Témoignages du 18 avril 2013
OTTAWA, le jeudi 18 avril 2013
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier l'évolution de la situation économique et politique en Turquie, ainsi que l'influence qu'exerce ce pays sur l'échiquier régional et mondial, les implications sur les intérêts et les perspectives du Canada et d'autres questions connexes.
La sénatrice A. Raynell Andreychuk (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Honorables sénateurs, le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères et du commerce international poursuit aujourd'hui son étude sur l'évolution de la situation économique et politique en Turquie, ainsi que l'influence qu'exerce ce pays sur l'échiquier régional et mondial, les implications sur les intérêts et les perspectives du Canada et d'autres questions connexes.
Nous sommes très heureux d'accueillir deux autres témoins, soit M. Gonzalo Peralta, directeur exécutif de Langues Canada; et M. Bryan Henderson, directeur de la formation professionnelle et du perfectionnement, École des affaires internationales Norman Paterson de l'Université Carleton.
Vous êtes des témoins très importants parce que nous avons beaucoup entendu parler d'éducation et de formation linguistique. Nous vous serions très reconnaissants de parler de ce sujet en général, mais aussi plus précisément en ce qui a trait à la Turquie, ainsi que des perspectives pour le Canada.
Gonzalo Peralta, directeur exécutif, Langues Canada : Honorables sénateurs, merci beaucoup de nous accueillir aujourd'hui. C'est un plaisir d'être ici et de vous aider à étendre vos connaissances. Il est particulièrement intéressant de parler de la Turquie parce que ce pays représente en quelque sort une énigme pour le secteur canadien de l'enseignement linguistique. J'ai préparé quelques notes. Je ferai une brève déclaration, après quoi nous répondrons aux questions.
Je suis certain que vous avez déjà entendu certaines des choses que je vais dire. L'éducation internationale est un domaine en pleine croissance, et il en est de même au Canada. À l'heure actuelle, trois millions d'étudiants étrangers parcourent le monde pour faire des études, notamment sur le plan linguistique. Au Canada, de 2010 à 2012, les revenus du secteur de l'éducation internationale ont passé de 6,5 à 8 milliards de dollars. Il s'agit d'une augmentation non négligeable. Ce sont des revenus d'exportation à un moment où ceux-ci sont en décroissance dans bon nombre de secteurs au Canada. On est en droit de se demander pourquoi l'éducation internationale connaît une telle croissance à un moment où la devise canadienne est très forte.
Je ferais valoir plusieurs raisons, notamment la qualité de notre système. Les gens me reprochent de parler comme je vais le faire, mais je dois dire que notre système d'éducation est le meilleur dans le monde anglo-saxon et francophone. L'OCDE et l'UNESCO l'ont reconnu, et généralement, ceux qui me réprimandent sont nos compétiteurs, alors je n'ai aucun scrupule à parler ainsi.
L'éducation internationale produit des retombées très directes. Bien entendu, la diversité et l'internationalisation de notre système d'éducation en sont des rejaillissements très importants, tout comme le sont les revenus touchés par les institutions canadiennes. À part cela, notre système d'éducation a des répercussions sur le plan de l'image de marque du Canada, des relations à long terme et des réseaux de connaissances qui sont tissés et du respect qu'on témoigne à l'égard du Canada. Nos meilleurs immigrants sont probablement issus de ce système. Celui-ci rapporte donc au Canada beaucoup plus que des revenus d'exportation.
Je suis directeur exécutif d'une petite association, appelée Langues Canada. Nos membres offrent environ 190 programmes d'un bout à l'autre du pays, notamment dans les meilleures universités et institutions collégiales, mais aussi dans le secteur privé, et ce, en anglais et en français. Tous ces programmes sont accrédités et contrôlés; ils sont de haute qualité. Parmi les 250 000 étudiants étrangers qui viennent au Canada, 150 000 d'entre eux sont inscrits aux programmes de nos membres. Ces chiffres remontent à 2011. Ceux de 2012 seront disponibles d'ici un mois.
Le secteur de la formation linguistique au Canada se classe parmi les meilleurs au monde, sinon au premier rang. À mon avis, cela va de soi. Bon nombre d'études ont montré qu'il existe une corrélation entre le rendement scolaire et professionnel et les compétences linguistiques. Il va sans dire que, puisque nous avons le meilleur système d'éducation au monde, il est impossible de ne pas avoir aussi le meilleur secteur de la formation linguistique. Voilà quelque chose dont les Canadiens devraient être extrêmement fiers.
Pourquoi la formation linguistique revêt-elle autant d'importance sur le plan stratégique? Premièrement, nous jouons le rôle de catalyseur. Rien ne peut vraiment être fait en matière d'éducation internationale sans les connaissances linguistiques voulues. Nous accueillons un nombre négligeable d'étudiants étrangers provenant de pays anglophones et francophones. Les étudiants viennent surtout d'ailleurs. Nous les aidons donc sur ce plan.
En outre, nous ouvrons la voie à l'enseignement supérieur, et grâce à nous, le Canada a de meilleurs immigrants. Nous renforçons l'identité canadienne, car je pense qu'on peut dire sans risquer de se tromper que les langues et le bilinguisme sont vraiment les pierres angulaires de l'identité canadienne. Célébrons donc la formation linguistique que nous offrons. Nous sommes des pionniers et des innovateurs.
Le sort des professeurs de langues dépend du nombre d'étudiants inscrits. Il s'agit d'un secteur très pragmatique et très réaliste. Il nous faut des étudiants. Nous n'avons pas d'autre choix que d'être de bons recruteurs. Nous ouvrons des marchés, mais nous faisons également figure de signal d'alarme. Quand les marchés commencent à s'étioler, notre secteur est le premier touché. La formation linguistique est donc un indicateur très important.
Nous contribuons de manière significative à l'éducation, bien sûr, mais à bien plus encore. Pensez aux répercussions qu'ont les 150 000 étudiants étrangers au Canada, notamment sur le tourisme, le marché du travail et l'immigration. Notre contribution aux revenus annuels de 8 milliards de dollars se chiffre à environ 2 milliards dollars. Les étudiants étrangers créent également des emplois, notamment pour les familles d'accueil canadiennes. Ces 150 000 étudiants doivent vivre quelque part et, afin de profiter pleinement de leur expérience au Canada, ils vivent dans des familles.
Par ailleurs, c'est à 68 millions de dollars par année que s'élèvent les recettes fiscales générées par la TVH applicable à titre d'exportation aux étudiants fréquentant nos institutions membres. Ce n'est pas un montant négligeable. Évidemment, vous pourriez dire que tous les secteurs génèrent des recettes fiscales, mais nous parlons ici de recettes fiscales générées par la TVH sur une exportation. Ces étudiants arrivent donc avec de l'argent dans les poches, qu'ils dépensent au Canada. Bien sûr, tout cet argent va dans les coffres de l'État.
Parmi les autres secteurs touchés, mentionnons ceux des transports, de la restauration, de l'alimentation, du tourisme et des télécommunications. Avez-vous jamais vu un étudiant sans cellulaire? Pas souvent.
Parmi les défis auxquels nous sommes confrontés à l'heure actuelle, les politiques et la réglementation en matière d'immigration sont les plus importants. Le gouvernement actuel a pris beaucoup de mesures pour essayer de nous mettre sur la bonne voie, et nous travaillons en étroite collaboration avec le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration dans ces dossiers. Il est ironique de constater que, dans un pays comme le Canada, où la langue occupe une place si prédominante, la formation linguistique ne soit pas règlementée. Nos membres ont comblé ce vide en mettant en place une réglementation pour notre secteur.
Il y a aussi la fragmentation. Travailler avec les gouvernements provinciaux, territoriaux et fédéral représente un défi de taille. C'est très pénible.
Notre prochain défi sera la croissance. Nous avons connu une forte croissance au cours des dernières années, mais il reste encore beaucoup à faire et nous explorons de nouveaux horizons.
La raison pour laquelle j'ai accepté l'invitation d'aujourd'hui, c'est que la Turquie constitue une énigme pour nous. Nous avons mené deux missions commerciales dans ce pays. Cette année, nous y mènerons notre troisième, mais nous nous demandons déjà s'il vaudra la peine d'y retourner après cela. En 2010, nous avons recruté 1 500 étudiants de la Turquie, et en 2011, seulement 1 300. Nous ne comprenons pas pourquoi les Turcs représentent moins de 1 p. 100 du nombre total d'étudiants au Canada. La raison pour laquelle nous ne le comprenons pas, bien sûr, c'est qu'en 2011, 55 000 Turcs ont étudié à l'étranger. La Turquie devrait être comme le Brésil. Deux tiers de tous les Brésiliens qui se rendent à l'étranger pour apprendre une langue viennent au Canada. Ce marché nous appartient. Il devrait en être de même pour la Turquie.
La question est de savoir pourquoi. Nous devrions avoir 15 000 étudiants turcs au pays. Il n'y a pas de raison : ils ont l'argent et ils souhaitent venir. À mon avis, s'ils ne viennent pas, c'est en partie dû à la politique d'immigration et à la gestion des dossiers, qui représentent un véritable obstacle à cette source d'exportation en particulier. Parmi les trois millions d'étudiants étrangers qui circulent dans le monde en ce moment, 75 p. 100 d'entre eux ont recours à des organismes d'éducation. Cela me paraît parfaitement logique. Si je voulais envoyer mon fils ou ma fille à l'étranger, je voudrais faire affaire avec quelqu'un en qui je fais confiance. Si je voulais envoyer mon fils ou ma fille en Turquie, et que je ne connaissais personne là-bas, mais que je connaissais quelqu'un ici en qui je pouvais faire confiance pour placer mon enfant dans une bonne institution et une bonne famille en Turquie, quelqu'un qui est reconnu pour ce genre de travail, alors c'est à lui que j'aurais recours. Voilà ce qui arrive partout dans le monde.
Cela constitue un problème pour le Canada parce que nous avons des lois contre les consultants en immigration malhonnêtes, et ces organismes d'éducation tombent dans cette zone grise. Le Canada est le seul important acteur sur le plan de l'éducation internationale à ne pas soutenir les organismes d'éducation. Les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie, la Nouvelle-Zélande et la France offrent une formation à ces gens. Ils les accueillent. Nous ne le faisons pas. Nos agents d'immigration à Ankara ne les rencontrent même pas. Il s'agit d'un gros obstacle, et je ne jette pas le blâme sur nos agents à l'étranger. Cette une question de politique et de leadership.
Tant de demandes de visa ont été refusées ou repoussées, qu'en Turquie, tout comme dans quelques autres pays, essentiellement les organismes disent que ce n'est pas la peine d'essayer et refusent de promouvoir le Canada. C'est très triste pour nous tous, et je pense que cela envoie le mauvais message.
La notion selon laquelle les étudiants de langue posent un risque est archaïque et doit être démentie. Nous devons aussi nous rendre à l'évidence que les compressions budgétaires et la répartition des recettes gouvernementales au sein du ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration ne favorisent pas la croissance du secteur. De nouvelles politiques annoncées permettront, nous l'espérons, de résoudre certains de ces problèmes. Toutefois, pour nous, la prochaine étape consistera à corriger les problèmes d'immigration en Turquie afin que nous puissions enfin nous promouvoir. La prochaine croissance importante sur le plan de l'exportation de notre système d'éducation n'aura pas lieu en attirant les étudiants ici, mais en établissant de façon stratégique notre système d'éducation sur ces marchés. Récemment, nous avons justement mené une mission commerciale au Brésil à cette fin. Il en résulte que les universités, les collèges et les gouvernements commenceront à utiliser le programme éducatif, les évaluations et le savoir-faire du Canada. Voilà la prochaine étape. Voilà ce vers quoi nous nous dirigeons. Nous avons beaucoup à offrir sur ce plan.
Merci beaucoup.
Bryan Henderson, directeur de la formation professionnelle et du perfectionnement, École des affaires internationales Norman Paterson, Université Carleton : Bonjour. Merci de m'avoir invité à comparaître.
Merci, monsieur Peralta, pour votre déclaration. J'ai beaucoup appris. Ce dossier me tient aussi beaucoup à cœur en raison de mon parcours professionnel.
[Français]
Mon français n'est pas très bon, donc je vais parler en anglais pour les besoins de la cause.
[Traduction]
Permettez-moi de commencer par dire que je suis le directeur d'un programme non crédité de l'Université Carleton, tout à fait unique en son genre. La Norman Paterson School of International Affairs est un établissement d'enseignement supérieur, qui offre des programmes menant à l'obtention de maîtrises et de doctorats en affaires internationales. Nous sommes la seule école de l'association des écoles professionnelles d'affaires internationales à avoir une unité de formation consacrée à la formation professionnelle non créditée. J'aimerais rendre hommage à ma prédécesseure, Natalie Mychajlyszyn, qui a été la première directrice de l'unité.
Je comparais aujourd'hui à titre professionnel et sur le plan personnel. J'entretiens avec la Turquie des liens qui remontent à loin sur le plan personnel. Je m'y suis rendu fréquemment dans ma jeunesse et j'y ai acquis une certaine maturité. J'ai eu la chance d'y retourner plusieurs années plus tard. Lorsque je dirigeais mon entreprise et un programme de stages internationaux pour la jeunesse, j'ai pu offrir pendant deux ans des stages internationaux à Istanbul, par l'entremise de Springtec International Consulting, un organisme de mise en œuvre qui participait au programme Jeunes professionnels à l'international du ministère des Affaires étrangères. Nous pouvions également compter sur la collaboration essentielle de la Chambre de commerce d'Istanbul.
J'ai ainsi pu travailler et vivre pendant une brève période en Turquie, ce qui m'a permis de visiter abondamment le pays. Je suis ravi d'avoir l'occasion de comparaître devant vous pour vous parler de mon expérience personnelle et de mon expérience professionnelle.
L'expression qui décrirait, selon moi, le mieux l'intérêt récent que nous portons à la Turquie, c'est « heureux hasard ».
Je vous résume brièvement mon rôle au sein du Bureau de la formation professionnelle et du perfectionnement. Le bureau offre des programmes et des cours d'études supérieures dans un créneau particulier. Nous donnons de la formation diplomatique à des clients internationaux mais également, dans une forme abrégée, à des fonctionnaires fédéraux et aussi à des étrangers, aux membres du milieu diplomatique à Ottawa et aux différents secrétariats internationaux qui travaillent de concert avec le gouvernement fédéral et les organismes à but non lucratif.
Nous cours portent notamment sur l'étiquette professionnelle, le protocole, les négociations et l'analyse des politiques. De concert avec les formateurs chez HPI, Hugh A. Palmer, Inc., de Canmore en Alberta, nous offrons également des programmes uniques en leur genre sur la protection de l'infrastructure essentielle, à savoir les oléoducs et les gazoducs. De plus, nous avons plusieurs autres programmes très spécifiques, notamment notre plus récent qui porte sur la vérification de gestion et qui s'adresse au personnel des bureaux du vérificateur général à l'étranger.
Au cours de l'année écoulée, nous avons essayé de mettre en œuvre notre programme de protection de l'infrastructure essentielle dans le Golfe. Nous y sommes presque parvenus, mais nous avons dû y renoncer pour diverses raisons. Nos participants sont des auditeurs libres. Cette situation ressemble énormément à celle décrite par M. Peralta au sujet des professeurs de langue qui sont les piliers dans la formation au sein des entreprises. Les affaires peuvent être florissantes ou peuvent cesser. Dans ce dernier cas, vous n'avez plus de marché et vous devez vous mettre à la recherche d'une autre clientèle.
Nous avions une clientèle, mais nous avons été dans l'impossibilité de mettre en œuvre nos programmes dans le Golfe. Nous avons dû adopter une solution de rechange. Nous nous sommes donc rapidement installés en Turquie où mes formateurs avaient déjà tissé des relations. Je me suis alors demandé pourquoi nous n'y avons pas songé avant. Nous nous sommes rendu compte que la Turquie était l'endroit idéal pour offrir notre formation, non seulement celle portant sur la protection de l'infrastructure essentielle mais également celle dans les autres domaines. Au cours des deux derniers mois, nous nous sommes penchés sur cette possibilité. On peut encore une fois parler d'heureux hasard. Je vais vous décrire une initiative que nous mettons en œuvre à l'Université Carleton, le programme d'études turques qui est dirigé par M. Ozay Mehmet, professeur émérite. L'Université Carleton sera dotée d'ici un an d'un programme d'études turques contemporaines. Le programme comprendra une chaire qui sera financée. En outre, je crois que la sélection du titulaire de celle-ci se fera d'ici environ un an.
Lorsque je me suis rendu à Istanbul récemment pour la mise en œuvre de notre programme, j'ai pu renouer avec beaucoup de mes anciens collègues dans cette ville et ailleurs au pays, avec les diplômés de l'École des affaires internationales Norman Paterson et avec mon vieux partenaire de Springtec International Consulting Inc., une petite entreprise de Burnstown en Ontario, qui est maintenant bien établie à Istanbul. Au cours du dernier mois, nous avons pris plusieurs mesures pour mettre en œuvre notre programme de formation en Turquie, et nous poursuivrons nos efforts en ce sens dans les mois à venir.
Nous ne cherchons pas à considérer la Turquie comme un bassin de clients. Nous la voyons plutôt comme un centre de liaison international. Dire que la Turquie se situe à un emplacement stratégique serait un euphémisme. C'est un endroit magnifique pour accueillir les participants à nos programmes de formation provenant de l'Europe, de l'Afrique et du Moyen-Orient. Je devrais préciser que je ne peux pas aborder la question des programmes d'études supérieures, même si j'ai travaillé pendant trois ans au Bureau canadien de l'éducation internationale, ce qui faisait partie de mes responsabilités. Je pourrai répondre aux questions que vous pourrez poser sur les aspects qu'abordera M. Peralta en matière d'éducation au Canada. Je pourrai vous fournir des renseignements sur nos programmes, sur notre présence en Turquie et sur les mesures que nous prenons à cet égard. Je voudrais également mettre l'accent sur le fait que nous avons des programmes uniques en leur genre dont nous souhaitons qu'ils acquièrent une réputation internationale. Nous estimons pouvoir atteindre cet objectif grâce à la Turquie.
Je vous signalerai en conclusion qu'en réalisant que la Turquie nous offrait une telle possibilité, nous avons été en mesure de recentrer nos activités. Nous voulons mettre en œuvre nos programmes de formation en Turquie, et nous espérons en recueillir les fruits à court terme. Je vous remercie de votre attention.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, je suis contente d'avoir entendu vos présentations qui nous ont très bien informés.
En février 2013, l'Association canadienne des écoles publiques internationales, une organisation à but non lucratif qui réunit 90 districts et commissions scolaires de partout au Canada, a annoncé qu'elle réaliserait sa première mission en avril 2013. Êtes-vous au courant de cette mission, à savoir si elle a été faite — parce qu'on est en avril — ou si elle doit être faite la semaine prochaine?
M. Peralta : Nous travaillons très étroitement avec cette association du fait que nous sommes un membre fondateur d'un consortium qui regroupe l'ASEP, Langues Canada, le Bureau canadien de l'éducation internationale, l'Association des universités et collèges du Canada et l'Association des collèges communautaires du Canada. C'est la première mission commerciale qui se fait de cette façon, et je crois qu'elle vient d'avoir lieu au début du mois d'avril.
La sénatrice Fortin-Duplessis : La mission a été complétée.
M. Peralta : Effectivement, oui. J'ai une réunion avec eux tout de suite après.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Mes questions s'adressent à monsieur Peralta, parce que vous avez mentionné que ce n'était pas facile pour les institutions canadiennes d'enseignement d'attirer des étudiants turcs. Vous avez dit aussi qu'en améliorant la situation pour l'immigration, cela pourrait se régler. Est-ce que les établissements d'enseignement turcs sont réceptifs à la conclusion de partenariats avec les institutions canadiennes? Ou bien est-ce plutôt une décision gouvernementale de la Turquie qui vise à ne pas favoriser l'envoi d'étudiants turcs au Canada?
M. Peralta : Ce n'est certainement pas une décision gouvernementale. La décision des étudiants internationaux concerne le plus souvent les étudiants eux-mêmes et leur famille. Ce n'est pas une question de volonté de leur côté, mais une question de barrières de notre côté. C'est la réponse brève. Je ne suis pas un expert en éducation du point de vue académique, mais selon ce que j'ai entendu dire par mes collègues universitaires, à ce niveau académique, les programmes académiques ne se joignent pas très facilement. Il y a toutes sortes d'ententes qu'ils doivent créer et toutes sortes de choses qu'ils doivent explorer avant de pouvoir vraiment se joindre l'un à l'autre de cette façon. Sur le plan de la langue, ce n'est pas une question de volonté. Ils veulent venir ou, du moins, ils voulaient venir. Il y a eu tant de refus et de retards dans le processus d'obtention de visa que cela devient difficile pour eux.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Pour les aider à venir ici au Canada, y a-t-il d'autres recommandations que vous feriez en plus de celle liée au problème de l'immigration?
M. Peralta : Je mentionnerais la représentation et la promotion afin d'avoir une présence plus marquée en Turquie. C'est un pays exceptionnel et en pleine croissance, comme on le sait tous. Notre présence y est donc très importante.
J'avais avec moi une statistique faisant état du nombre de jeunes Turcs qui voulaient sortir du pays, parce qu'ils n'ont pas de places dans leurs universités et collèges. Il n'y a pas assez de places et ils n'ont pas de choix.
L'éducation est un domaine plutôt spécial : lorsque les choses vont bien, les gens investissent en éducation et quand les choses vont mal, les gens investissent en éducation. Donc, c'est vraiment un secteur unique. Je vais tenter de trouver des informations pour vous.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup pour vos réponses.
Le sénateur De Bané : Quels sont les principaux concurrents du Canada dans le monde occidental, dans le domaine de l'éducation, pour attirer des étudiants de Turquie?
M. Peralta : L'Australie, la Grande-Bretagne et les États-Unis sont des concurrents importants. Pour ce qui est des pays francophones, c'est la France évidemment. À part de cela, il y a d'autres plus petits joueurs comme l'Afrique du Sud, la Nouvelle-Zélande, l'Irlande.
Le sénateur De Bané : Je regarde notre succès au Brésil. Qu'est-ce qui fait en sorte que nous avons réussi au Brésil et pas en Turquie? Si je comprends bien, les Brésiliens aussi doivent obtenir un visa pour venir au Canada?
M. Peralta : Absolument.
Le sénateur De Bané : Qu'est-ce qui fait en sorte que les universités canadiennes réussissent à attirer les étudiants du Brésil et ne réussissent pas avec la Turquie?
M. Peralta : Une petite précision. En 2011, dans nos programmes de langues, nous avons reçu 18 000 Brésiliens au Canada. Ce ne sont pas les universités et les collèges qui les ont attirés. Les collèges et les universités ont toujours trouvé le Brésil plus difficile à attirer, et c'est seulement dernièrement, avec un effort du gouvernement brésilien qui s'appelle « Science sans frontière », qu'on a eu une indication qu'on recevrait 11 000 étudiants universitaires dans les prochaines années. Cependant, parmi ceux qui sont allés, ce qui a pu attirer les Brésiliens ce sont les programmes de langues. C'est pour cette raison que j'ai dit dans ma présentation que ce sont les langues qui sont à l'avant-garde en éducation. Nous sommes les premiers.
Pour ce qui est de la différence entre la Turquie et le Brésil, vous posez une excellente question. Moi-même j'aimerais le comprendre de façon plus détaillée. C'est trop facile de dire que c'est à cause des visas. Je sais qu'en Turquie nous avons des agents des visas très compétents, mais je crois qu'au Brésil, les classes sont très bien marquées et diversifiées, les risques de fraude y sont donc mieux contrôlés. On ne comprend peut-être pas cela aussi bien en Turquie.
Le sénateur De Bané : D'accord.
[Traduction]
Monsieur Henderson, que font les universités canadiennes pour attirer les étudiants turcs? Nous pouvons leur offrir entre autres l'accès à la technologie nord-américaine. Peut-on souhaiter autre chose qu'être en mesure d'étudier en Amérique du Nord? Quelles mesures les universités canadiennes devraient-elles prendre?
M. Henderson : Je peux vous donner mon opinion, mais je ne peux pas répondre d'une façon catégorique. Lors de mon affectation au Bureau canadien de l'éducation internationale, l'accent était mis sur tous les marchés possibles. Les universités qui faisaient partie de ce bureau avaient recours à ses activités et à ses conseils. Cependant, elles étaient toutes dotées d'un bureau international.
Je vous dirai que l'Université Carleton a mis l'accent sur les pays BRIC, entre autres le Brésil, l'Inde et la Chine. C'est une initiative de l'Université Carleton. Au cours de l'année écoulée, nous avons créé l'Institut Confucius pour renforcer nos liens avec la Chine. Il y a également le Centre canado-indien. Tout cela découle des efforts déployés par l'Université Carleton.
Je ne saurais dire si les universités visent les étudiants turcs. Cependant, lorsque j'étais étudiant à l'Université Carleton, il y avait un grand nombre d'étudiants turcs, ce qui est encore le cas, j'imagine. Ce qui les y attirait, c'était bien sûr notre technologie, c'est-à-dire le Département de génie civil et de génie de l'environnement. Nos programmes d'aéronautique et de sciences exerçaient également un fort pouvoir d'attraction, ce qui est encore le cas, j'imagine.
Abordons la question des efforts concertés. Je connais bien la Turquie depuis 25 ans. J'admets que j'aurais dû envisager ce pays comme un tremplin pour nos programmes de formation à l'étranger. Je me suis tout à coup rendu compte de mon erreur. Ce n'est que mon opinion, mais je soupçonne que bien des établissements négligent la Turquie également.
La sénatrice Johnson : Pourrions-nous parler un peu de chiffres? Notre mission d'information qui s'est rendue en Turquie a uniquement pu déterminer qu'il y avait 356 Turcs qui étudiaient au Canada à leurs frais et que 12 autres le faisaient avec l'aide de bourses d'études de leur gouvernement. Selon le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration, il y avait l'an dernier 1 600 étudiants étrangers au Canada. Pouvez-vous nous donner des précisions et nous expliquer les différents modes de financement?
M. Peralta : Nous disposerons des chiffres pour 2012 d'ici un mois. Je vous les ferai alors parvenir.
La sénatrice Johnson : Très bien.
M. Peralta : Les données sont importantes pour les exportations. Des visas sont accordés à des étudiants étrangers ou à des résidents temporaires. L'étudiant qui séjourne au Canada pendant moins de six mois obtient un permis de séjour temporaire. Le nombre de permis d'études n'équivaut pas nécessairement au nombre d'étudiants étrangers au Canada.
Dans notre domaine, les deux tiers au moins des 150 000 étudiants seraient des résidents temporaires parce qu'ils viennent étudier au Canada pendant moins de six mois. Il est, semble-t-il, plus facile et moins coûteux d'obtenir un visa qu'un permis d'études.
La sénatrice Johnson : Comme vous le savez probablement, le Brésil favorise beaucoup les études à l'étranger, particulièrement au Canada. C'est ce que nous avons appris lors de l'un de nos voyages dans ce pays. Estimez-vous que la Turquie pourrait s'inspirer de cet exemple? Sur quoi la Turquie devrait-elle mettre l'accent pour encourager ses étudiants à s'inscrire dans nos établissements d'enseignement?
M. Peralta : Je pense que la Turquie n'aura pas d'autre choix et je vais vous dire pourquoi. Vous savez tous que 52 p. 100 de la population turque a moins de 30 ans. Je vais vous citer d'autres statistiques que vous n'avez peut-être pas. Seulement 17 p. 100 parlent anglais. Si la Turquie veut adhérer à l'Union européenne, elle doit favoriser l'acquisition de langues étrangères. C'est l'anglais qui a la cote auprès des Turcs, 83 p. 100 d'entre eux estimant que c'est la langue la plus utile. En Turquie, plus de 250 établissements d'enseignement postsecondaire et trois associations responsables du contrôle de la qualité n'envoient pas d'étudiants au Canada.
Le nombre d'étudiants turcs qui fréquentent les universités étrangères a augmenté de 50 p. 100 en cinq ans. C'est une tendance bien marquée. Plus de 55 000 Turcs ont fréquenté des universités étrangères en 2011. Les universités turques ont reçu 1,5 million de demandes d'inscription, mais n'en ont accepté que 361 000. La Turquie manque d'établissements d'enseignement. Par conséquent, deux solutions s'offrent à elle : construire des universités, ce qui nécessite du temps, ou recourir aux universités étrangères, solution qui est la plus rapide, mais qui ne règle pas le problème à long terme. Des pays comme le Brésil et l'Arabie saoudite utilisent ces deux solutions parallèlement. Je pense que nous accueillons beaucoup d'étudiants de ces deux pays.
La sénatrice Johnson : La Turquie envisage-t-elle de construire des établissements? C'est la stratégie sur laquelle, logiquement, elle devra tabler pour l'avenir, non?
M. Peralta : Effectivement.
La sénatrice Johnson : Nous pourrions l'aider davantage, nous pourrions accepter davantage d'étudiants, naturellement.
M. Peralta : Oui. Nous devons affirmer maintenant notre présence en Turquie, nouer des relations et tisser des liens entre les programmes universitaires afin que les choses se passent facilement, le moment venu.
La sénatrice Johnson : Oui.
M. Peralta : Dans notre domaine, la Turquie est l'un des marchés émergents.
La sénatrice Johnson : Serait-il utile également de collaborer avec le secteur privé, c'est-à-dire les entreprises canadiennes et les associations commerciales Canada-Turquie?
M. Peralta : Ce serait essentiel. Nous parlons de la Turquie et du Brésil. Quels sont les enjeux pour les entreprises canadiennes installées au Brésil? Leurs employés ont fait des études techniques et universitaires. En outre, ils parlent le portugais, condition essentielle. D'après moi, la Turquie devra suivre cet exemple.
La présidente : Lors de notre voyage en Turquie, nous avons rencontré des responsables du ministère de l'Éducation, qui nous ont fait part de leurs plans à long terme. Ils escomptent construire des établissements d'enseignement, notamment des universités et des écoles techniques. Ils prévoient également accroître le nombre d'étudiants turcs qui iront étudier à l'étranger, particulièrement dans des programmes d'études à valeur ajoutée. Ils prennent des mesures en ce sens, y compris sur le plan linguistique, et vous nous avez expliqué davantage quelques-uns des problèmes qu'ils nous ont exposés.
Le sénateur D. Smith : Dans la foulée des propos de notre présidente, je voudrais signaler que nous avons obtenu des renseignements de la part du Centennial College qui a une représentante à Istanbul. J'ignore s'il s'agit d'un poste à temps plein, mais si je me souviens bien, cette représentante a indiqué que 76 étudiants turcs fréquentaient le Centennial College. J'ignore si on leur accorde des bourses d'études, mais cet établissement d'enseignement dispose d'une représentante sur place. J'ignore s'il s'agit d'un poste à temps partiel. L'établissement ne ménage aucun effort. Je me serais plutôt attendu à cela de la part de Ryerson.
J'essaie de bien comprendre ce que vous dites. Espérez-vous que nous recommandions de financer les établissements comme le vôtre ou ces étudiants étrangers? Qu'est-ce que vous espérez au bout du compte? Quelle mesure souhaiteriez- vous que le comité prenne à la lumière de ce que vous nous avez exposé?
M. Peralta : Je vous répondrai, sénateur, que je ne suis pas venu demander quoi que ce soit. Si je comparais, c'est pour vous faire part des connaissances que j'ai acquises. Si vous me demandez ce que je souhaiterais...
Le sénateur D. Smith : J'essayais de lire entre les lignes. C'est pourquoi je vous ai posé la question.
M. Peralta : C'est une question pertinente. Je souhaiterais seulement vous demander d'envisager la Turquie comme un marché pour les établissements d'enseignement canadiens et d'accorder tout le soutien que vous estimerez pertinent et possible. Tel est mon message, bien sûr si le gouvernement en a les possibilités. Ce n'est pas uniquement une question d'argent. C'est également une question de politiques, de règlements et d'orientation. Ces trois aspects jouent, d'après moi, un rôle plus important que l'argent. Notre association ne reçoit pas de deniers publics.
Le sénateur D. Smith : Très bien. Cependant, je suis avocat, et voici ce que disait un vieux collègue juriste au sujet de l'argent : « Lorsqu'on dit que ce n'est pas une question d'argent, nous savons très bien que ce n'est pas le cas. »
La présidente : Sénateur, c'est ce qui se dit dans votre profession. Je ne veux pas que le témoin ait cette impression.
Le sénateur D. Smith : J'ai le sens de l'humour. Ça va.
La présidente : Voulez-vous répondre, monsieur Henderson?
M. Henderson : Je vous fais un survol des établissements d'enseignement en Turquie.
La formation qu'on y donne est excellente. Le système d'éducation turc est très efficace. Les établissements d'enseignement turcs offrent une formation de qualité. M. Peralta a raison lorsqu'il souligne que la Turquie manque d'établissements d'enseignement pour accueillir ceux et celles qui veulent poursuivre leurs études. C'est un problème crucial.
Je crois qu'il serait probablement utile que le gouvernement envisage d'inviter des interlocuteurs turcs pour examiner les diverses possibilités et établir des comparaisons. Notre système d'éducation est particulier, en ce sens que c'est un domaine qui relève des provinces.
Le système d'éducation turc est unique en son genre lui aussi. La Turquie a des particularités que beaucoup d'entre nous ignorent en raison de leur singularité. Le système de gouvernement turc est analogue à celui de la France. Cependant, la Turquie excelle dans ce qu'elle fait, atteignant un niveau d'excellence incomparable. Pour vraiment établir une stratégie de collaboration entre le Canada et la Turquie en matière d'éducation, il serait utile, selon moi, d'examiner les possibilités offertes par ces établissements pour déterminer quels sont les problèmes et leur trouver les solutions.
Il y a des différences entre nos deux pays. Le système d'éducation n'est pas le même. La langue et la culture ethniques sont différentes, tout comme la gestion publique. Vous pouvez me croire lorsque je vous dis que les Turcs excellent dans ce qu'ils font et que nous excellons dans ce que nous faisons. Si nous pouvions consacrer temps et énergie afin de trouver les moyens de collaborer, je pense que tous en sortiraient gagnants.
Le sénateur Lang : Je voudrais, si possible, poser une question à M. Peralta sur la stratégie du gouvernement fédéral. Je suppose qu'il faudrait tenir compte des politiques et des lois provinciales si nous voulons prendre des mesures pour faciliter la mobilité des étudiants entre le Canada et la Turquie.
Vous avez fait allusion aux permis d'études et au fait que nous sommes apparemment le seul pays qui interdit l'existence d'organismes d'éducation au pays. Je suppose que cela fait partie de notre processus de permis d'études et de visa.
Je vais vous poser une question hypothétique. Si vous étiez ministre de l'Immigration, quelles modifications mettriez-vous en œuvre pour faciliter la mobilité de ces étudiants, compte tenu que vous devez élaborer les grandes lignes de notre politique d'immigration?
J'aurais une autre question. De concert avec vos partenaires, avez-vous formulé par écrit des recommandations aux différents ordres de gouvernement sur les mesures susceptibles d'être prises pour faciliter les changements en ce sens et permettre à 1,2 million d'étudiants d'avoir accès à un établissement d'enseignement postsecondaire?
M. Peralta : Nous avons fait parvenir à CIC plusieurs recommandations sur les modifications à apporter aux politiques et règlements. Je serais ravi de vous faire parvenir des exemplaires de ce document.
Quelles mesures est-ce que je prendrais si j'étais ministre de l'Immigration? C'est une question épineuse. Ce serait facile pour moi de répondre à votre question sans assumer les responsabilités de ministre. Par contre, me serait un peu plus difficile de le faire si je devais en tenir compte. Quoi qu'il en soit, je vous répondrais qu'il faudrait prendre toutes les mesures nécessaires pour assurer l'intégrité de notre système d'immigration et qu'il faudrait y apporter les modifications pour tenir compte de nos besoins en éducation, ce qui nous rapporterait des avantages énormes en matière d'éducation internationale et par rapport à la Turquie en particulier. C'est une réponse très générale.
Je suis pleinement conscient que le but premier d'un agent des visas est de protéger les intérêts du Canada contre la fraude et les problèmes de sécurité, entre autres. En même temps, c'est peut-être un peu trop large. Il faudrait circonscrire un peu.
Le sénateur Lang : La raison pour laquelle je pose cette question, c'est que j'aimerais savoir si votre organisation — vous avez fait référence à l'ensemble de votre organisation, je crois — a formulé des recommandations et les a présentées au gouvernement. Est-ce que c'est ce que vous avez fait? J'aimerais que ce soit clair.
M. Peralta : Oui, nous avons soumis des recommandations au gouvernement, mais je dois admettre que ce n'était pas des recommandations complètes. Elles ont été formulées en réaction à des problèmes précis. Par exemple, de nouveaux règlements ont été proposés pour le Programme des étudiants étrangers. Ils ont été publiés dans la Gazette du Canada. Nous avons participé aux consultations relatives à ces règlements et avons soumis des documents.
Toutefois, je crois que vous me demandez si la portée de nos recommandations était plus large, si elles étaient plus lourdes de conséquences, et je vous dirais que non. Nos recommandations portaient sur les mesures qui peuvent et qui devraient être adoptées. Je pourrais renvoyer votre question à mes membres et nous pourrions produire quelque chose de plus général.
Le sénateur Lang : J'aimerais bien que vous nous remettiez les documents que vous avez déjà fournis à ce chapitre. Je crois que tous les membres du comité apprécieraient si les spécialistes comme vous pouvaient préparer des documents pouvant servir de modèle ou de cadre sur la façon d'améliorer le système et de faciliter ce dont vous parlez, car je crois que nous avons tous le même objectif.
J'aimerais revenir sur un point. Vous dites que vous vous êtes déjà rendu deux fois en Turquie et que vous envisagez y retourner cette année. Parallèlement, vous vous demandez s'il est utile de tenter d'attirer des étudiants turcs. Qu'allez- vous faire différemment lors de cette prochaine visite pour améliorer vos résultats?
M. Peralta : Nous aurons deux objectifs lors de cette prochaine mission commerciale en Turquie, à l'automne. D'abord, nous rencontrerons les représentants locaux de notre bureau de visas, à Ankara, afin de promouvoir davantage les visas et l'immigration. Ensuite, il s'agira de la prochaine étape pour nous, une étape exploratoire. Nous n'allons pas baisser les bras en ce qui concerne la Turquie. Peut-être devrons-nous abandonner l'idée d'attirer les étudiants turcs chez nous, mais cela ne veut pas dire que nous ne pouvons pas participer aux efforts d'éducation en Turquie, ce que l'on appelle des projets « outre-mer ». Je parle ici de fournir aux Turcs nos curriculums, nos enseignants et nos examens. Cette mission commerciale nous permettra d'analyser les éléments qui se présentent à nous.
Le sénateur Wallace : Monsieur Henderson, vous avez abordé la question que je voulais poser. Afin de mieux comprendre les différences entre l'éducation postsecondaire offerte au Canada et celle offerte en Turquie, vous avez parlé des difficultés auxquelles les étudiants turcs sont confrontés. Pourriez-vous nous donner plus de détails sur ces différences? Je fais référence à la nature et à la qualité de l'éducation postsecondaire au Canada comparativement à celle offerte en Turquie.
Nous savons qu'au Canada, les universités et les collectivités où elles sont établies entretiennent une relation étroite — leur rôle dans ces collectivités et leurs relations avec les entreprises locales, les arts et la culture. Les universités sont des joueurs importants dans la recherche et le développement. Elles sont essentielles à ce chapitre. Leur relation avec les ordres de gouvernement — fédéral et provincial — en matière de financement, entre autres, est bien définie. J'essaie de bien comprendre... C'est ainsi que les choses fonctionnent au Canada. Maintenant, concernant l'éducation postsecondaire en Turquie, quelles sont les principales différences par rapport au Canada?
Vous avez effleuré le sujet, et si j'ai bien compris, ces différences ouvrent la porte à des possibilités bien précises dont les établissements d'enseignement canadiens pourraient profiter. Elles pourraient offrir des possibilités aux Turcs. Comme vous l'avez souligné, monsieur Peralta, c'est certainement une possibilité en matière de formation langagière. Je comprends cela. Pourriez-vous nous signaler les principales différences?
M. Henderson : Certainement, sénateur. Je suis désolé de ne pouvoir vous fournir une meilleure description du système d'éducation ou des établissements postsecondaires en Turquie. Je peux vous assurer que les étudiants qui font leurs études postsecondaires en Turquie sont des gens qualifiés. De nombreux établissements d'enseignement des niveaux inférieurs, ceux qui préparent les étudiants pour les études supérieures, respectent des normes mondialement reconnues.
Concernant les détails, il reste encore beaucoup de choses à découvrir, car je ne suis pas un spécialiste de ces établissements. Toutefois, j'en sais suffisamment sur la Turquie pour vous dire que l'État a une façon unique de traiter ses établissements — je parle des établissements publics, que ce soit des établissements d'éducation ou autres. Ils ont une façon unique de les traiter et leur accordent une attention particulière. C'est une façon de faire que je recommande, si c'est possible.
J'aimerais cependant faire un commentaire général au sujet des étudiants internationaux et d'une des difficultés que doivent surmonter les étudiants canadiens et à laquelle les étudiants turcs vont se heurter eux aussi.
Notre système d'éducation postsecondaire est très recherché en raison de la qualité de l'enseignement offert — que ce soit en ingénierie, en sciences, en médecine ou autre. Je suis convaincu que vous le savez déjà; vous l'avez sûrement déjà entendu à maintes reprises. Il est très recherché et le produit offert est de qualité. Le problème, c'est qu'il est basé sur un très vieux modèle d'éducation ouverte. Je ne trouve pas les bons mots pour bien le décrire, mais disons que les étudiants étudient, ils acquièrent des connaissances et deviennent des spécialistes. Ils ne sont pas limités par des paramètres précis.
Habituellement, les études d'un étudiant international sont financées par l'État ou un parrain et les étudiants doivent respecter des directives bien précises. Ils ont un montant X pour leurs études et ont X temps pour terminer leur programme. Ils cherchent des établissements qui offrent des programmes de 12 mois.
Je me souviens de l'époque où je tentais de mettre en place des programmes pour des ingénieurs du Golfe — de l'Arabie saoudite, du Koweït et d'autres pays de la région. J'essayais de leur trouver des places dans d'autres programmes d'éducation recherchés, comme le programme d'ingénierie de l'Université Carleton, ou ailleurs au pays. J'ai dit à mon interlocuteur : « Je vous envoie le meilleur étudiant disponible et il fera de son mieux pour terminer votre programme en 12 mois. Il est hautement qualifié, il a de bonnes notes et il possède des capacités exceptionnelles. » Il m'a répondu : « Eh bien, s'il est si bon, je n'ai aucune raison de le laisser partir. Je vais le payer pour qu'il vienne au Canada. Je vais l'inscrire dans mon programme, lui enseigner la matière et lui donner des subventions. Il se joindra ensuite à mon corps professoral. Votre client ne le reverra jamais. Il n'est pas dans mon intérêt d'accueillir un étudiant, que ce soit l'employé d'une entreprise ou un étudiant parrainé, et de lui enseigner la matière sans savoir ce qu'il fera par la suite. »
Ça, c'était il y a trois ans. Les choses changent, mais cela prend du temps. En Ontario, nous travaillons à modifier le curriculum afin d'offrir des programmes d'études supérieures de 12 mois. Nous tentons de créer un fondement juridique obligeant les étudiants étrangers à respecter les ententes qu'ils ont conclues avec leur parrain et à retourner dans leur pays une fois leur programme achevé.
Ce sont là quelques-unes des difficultés que rencontreraient certains étudiants turcs.
M. Peralta : Je suis d'accord avec mon collègue. Ce qui fait l'excellence de notre système d'éducation peut être un problème. La réglementation, la stabilité de notre système d'éducation et l'attention que nous y portons — même le fait que notre système soit éclaté — sont tous des éléments qui contribuent à l'unicité de notre système. Je crois aussi que, dans une certaine mesure, ces traits ont contribué à sa qualité.
Toutefois, l'étudiant d'aujourd'hui ne joue pas selon les mêmes règles. Ce qu'ils recherchent, c'est la mobilité. Ce qu'ils veulent — et ils s'attendent à pouvoir le faire —, c'est de commencer leurs études dans un établissement, de transférer dans un autre et de finir par un bref stage en entreprise, tout en explorant ce que la vie peut leur offrir. Je crois que ça décrit bien l'étudiant d'aujourd'hui. Si nous voulons les attirer, nous devrons changer certaines choses.
Le sénateur Wallace : Ce n'était pas comme ça il y a 35 ans.
Le sénateur Wells : J'aurais une question à deux volets. J'aimerais d'abord parler de nombres. Pour attirer des étudiants étrangers au Canada, il est utile de disposer d'une base ou d'une collectivité de la même nationalité. Savez- vous s'il y a beaucoup d'étudiants turcs qui restent ici après leurs études et qui pourraient aider à attirer d'autres étudiants turcs? Peut-être est-ce davantage une question d'immigration, autrement dit, s'ils sont ici en vertu d'un visa d'études, ils doivent retourner dans leur pays une fois leurs études achevées.
M. Peralta : Je ne saurais vous le dire. Cependant, ce sont des questions importantes auxquelles nous devons répondre, car elles nous aideront à orienter notre stratégie.
Le sénateur Wells : Cela servirait aussi de fondation pour la croissance dans les régions ciblées.
M. Peralta : Absolument. Les étudiants turcs et brésiliens sont importants, car ils ajoutent à la diversité. Il n'est pas bénéfique pour nous en tant que pays — et surtout pas en tant que secteur — de dépendre d'un seul groupe.
Il y a en ce moment plus de 20 000 étudiants de l'Arabie saoudite au pays. Le plus gros client de l'histoire en matière d'éducation est le roi Abdallah. Il paie les études de chacun de ces étudiants, au coût de 75 000 $ par année. Au Brésil, ce sont les étudiants, leur famille et les établissements qui paient. En Arabie saoudite, c'est l'État.
Il serait imprudent de dépendre d'un seul groupe. Nous devons attirer plus d'étudiants turcs et brésiliens. Nous avons besoin de cet équilibre.
Le sénateur Wells : Vous avez parlé des deux façons dont la Turquie pourrait satisfaire ses besoins en matière d'éducation. La première est que le pays bâtisse des établissements pour combler le déficit, et la deuxième est d'envoyer leurs étudiants étudier dans d'autres pays.
Il y a une troisième option qui permettrait d'accomplir la tâche à laquelle le sénateur Smith faisait référence plus tôt, soit de faire de la Turquie une destination viable pour les établissements scolaires du Canada, autrement dit, que nos établissements scolaires concluent des ententes avec la Turquie pour ouvrir des établissements là-bas. Prenons, par exemple, un établissement que je connais bien, le Collège de l'Atlantique Nord, de St. John's, à Terre-Neuve, d'où je suis originaire. En 2001, le collège a conclu une entente de 10 ans avec le Qatar pour y ouvrir un établissement scolaire. On y compte maintenant plus de 3 000 diplômés provenant de plus de 30 pays différents et 700 employés. Tout comme la Turquie, c'est un endroit qui attire les gens d'ailleurs. A-t-on étudié cette option par rapport à la Turquie? Il me semble que l'occasion soit idéale pour l'application d'un tel modèle.
M. Peralta : Je suis tout à fait d'accord avec vous. Les possibilités entourant les projets outre-mer peuvent prendre plusieurs formes. On pourrait vendre un curriculum — sous forme de contrat d'utilisation — ou fournir le personnel enseignant, par exemple. On pourrait également ouvrir un établissement en Turquie et utiliser le nom de l'Université Carleton. La construction d'infrastructures en Turquie serait une possibilité outre-mer.
Cette option offre un avantage stratégique. L'étudiant qui fréquente l'établissement et tous ceux qui passent devant le bâtiment tous les jours voient constamment le mot Canada. Comparativement à la présence d'un seul enseignant, l'impact est beaucoup plus important.
Le sénateur Wells : Cela pourrait également inciter des étudiants à venir au Canada étant donné notre renommée, les connaissances que nous avons à partager et le confort que nous offrons.
M. Peralta : Absolument. L'établissement en question garantit que nos établissements au Canada, qui sont parfois un peu rigides, si je puis m'exprimer ainsi, seront plus acceptables aux yeux d'étudiants potentiels.
Le sénateur Wells : J'ai appris aujourd'hui qu'Air Canada offrira trois vols directs entre Toronto et Istanbul, ce qui facilitera davantage les échanges.
M. Henderson : Pour ajouter à cette comparaison, au Qatar, c'est l'État qui a décidé de permettre au Collège de l'Atlantique Nord d'ouvrir un établissement et celui-ci est sous la responsabilité du collège technologique du Qatar. Le CANQ fournit toute la formation professionnelle pour l'État. La Turquie, elle, ressemble davantage au Canada. Les établissements sont financés par le gouvernement, ou le secteur privé, ou les deux. Ce sont probablement ces établissements qui construiront l'infrastructure qui permettra de satisfaire les besoins de la Turquie en matière d'éducation.
Lors de ma prochaine visite en Turquie, je devrai analyser les politiques et règlements locaux si je désire y ouvrir un établissement de manière plus permanente, autrement dit, si je veux conclure un partenariat avec un établissement turc. Je devrai donc faire preuve de diligence raisonnable à cet égard.
Mon modèle d'affaires ne dépendra pas nécessairement de la Turquie comme source d'étudiants. Je crois que c'est la bonne façon d'approcher la situation dans ce pays. Il serait présomptueux de ma part d'ouvrir un établissement et de me demander ensuite : « Ont-ils vraiment besoin de moi? Je satisfais un besoin, mais les étudiants s'inscriront-ils chez moi simplement parce que je suis Canadien? »
La mentalité est différente en Turquie. Dans une certaine mesure, elle se rapproche de la mentalité canadienne, alors que dans la région du Golfe, ce sont les États qui prennent les décisions. Il est clair qu'ils tendent la main aux établissements anglophones. Ce n'est pas la même chose en Turquie, mais je crois que le pays offre d'excellentes possibilités. Je crois que les possibilités viendront de nombreux secteurs différents. Nous devrons simplement nous ajuster afin de captiver tout cet intérêt.
Le sénateur Wells : Vous avez raison. Puis, les décisions peuvent prendre différentes formes : des décisions de la haute direction, sous la forme de décret, ou des décisions d'affaires, prises en fonction du manque à gagner. Selon nos recherches, il manquerait 50 000 enseignants en Turquie. Aussi, comme l'a souligné M. Peralta, il y aurait un million d'étudiants, mais de la place pour seulement 350 000. Ce manque à gagner est un autre facteur important.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Ma question s'adresse à monsieur Peralta, suite à la réponse qu'il a donnée au sénateur Lang. Vous dites que dans votre prochaine visite, cet automne, vous allez rencontrer les agents responsables des visas. Croyez-vous que le problème réside dans le fait qu'on interprète trop strictement les directives du ministère? Ou connaissez-vous déjà le problème et vous désirez plutôt obtenir des éclaircissements, à savoir pourquoi il y a autant de retards?
M. Peralta : Je dirais que c'est les deux. Il y a une troisième raison aussi : de nouveaux règlements seront introduits à partir du 1er janvier 2014. C'est une occasion pour nous de nous préparer un peu sur la façon dont cela peut être fait. C'est vrai ce que vous dites; il y a une interprétation. Quand le règlement n'est pas clair à 100 p. 100, une interprétation en est faite. Par exemple, des étudiants peuvent travailler, c'est 50/50; 50 p. 100 études, 50 p. 100 travail. Certains pensent que 50/50 veut dire quatre heures/quatre heures, d'autres quatre mois/quatre mois et c'est chaque officier qui décide. L'interprétation est donc laissée un peu à ceux qui sont là sur place. Cela pose des difficultés pour notre secteur parce qu'on ne peut pas offrir un programme identique pour tout le monde. Cela rend la vie un petit peu difficile.
Le sénateur Robichaud : Est-ce que vous me dites que les agents interprètent de différentes façons?
M. Peralta : Les officiers d'immigration interprètent le règlement de différentes façons parce que le règlement n'est parfois pas assez clair. De nouveaux règlements seront mis en place, lesquels, je crois, vont contribuer à nous aider dans toutes nos démarches. Cela fait longtemps que nous demandons cela et nous sommes très contents que le ministre réponde à ces besoins. Pour l'interprétation au niveau local à Ankara, on ne sait pas comment cela va se passer. Par exemple, c'est clair qu'en Turquie cela diffère d'autres pays; nos officiers à l'immigration ne travaillent pas du tout avec des agents en éducation. C'est certain. Cela, c'est en Turquie. Dans d'autres pays, c'est différent. Ils assistent à des rencontres, et cetera, mais pas en Turquie. Parce qu'il y a une interprétation qui est faite et cette interprétation n'est pas nécessairement la mauvaise interprétation, c'est simplement que le règlement est un peu vague dans ce contexte.
Le sénateur Robichaud : Vous dites que ce n'est pas nécessairement la mauvaise interprétation, mais ce n'est pas la bonne non plus.
M. Peralta : Pas pour nous.
Le sénateur Robichaud : Je vous remercie.
[Traduction]
La présidente : En somme, vous nous dites que l'immigration et les visas posent toujours problème, parfois parce que les étudiants présentent leurs demandes trop tard ou parce qu'il manque de coordination. Cependant, pendant notre voyage là-bas, nous nous sommes fait dire que la situation s'était beaucoup améliorée à l'ambassade comme au ministère de l'Éducation. Je suis un peu étonnée de vous entendre dire qu'il s'agit d'un problème important.
On nous a dit aussi que ce n'était pas nécessairement les demandes des Turcs qui posaient problème, mais les autres demandes, parce que la démarche a été centralisée en Turquie. On nous a dit qu'il fallait encore améliorer le processus pour les étudiants d'autres pays, malgré les changements apportés. Bien sûr, la sécurité est un enjeu, parce que la Turquie s'enorgueillit d'être un pôle d'attraction ou un tremplin. Parlez-vous de la situation des étudiants turcs ou de l'immigration de la région?
M. Peralta : C'est une très bonne question, parce que je pense que la réponse peut nous aider à bien comprendre toutes les subtilités. Je peux sans hésitation vous confirmer que le temps de traitement s'est beaucoup amélioré en Turquie, et nous en sommes très reconnaissants au gouvernement. Les chances de succès sont peut-être un peu plus grandes pour les permis d'études de longue durée que pour le reste, mais comme je l'ai dit, beaucoup d'étudiants passent par la résidence temporaire. Beaucoup de demandes ne sont pas traitées à temps ou sont refusées pour des raisons obscures. Je ne dis même pas que ces raisons ne sont pas bonnes, elles ne sont tout simplement pas claires. Le résultat, c'est que les étudiants et les agents en éducation n'essaient même plus vraiment de présenter de demandes pour le Canada. Du coup, comme le nombre de demandes a diminué et qu'elles sont étroitement liées, leur taux de succès tend à monter. Je parle de celles des étudiants turcs et non de ceux qui viennent des pays voisins. Nos statistiques témoignent de la vérité, en quelque sorte. Il n'est pas vraiment raisonnable que nous ne recevions que 1 300 étudiants turcs par année pour apprendre la langue. Il devrait y en avoir entre 10 000 et 15 000. Les étudiants ont cessé d'essayer de venir ici, d'une certaine façon.
La présidente : On nous a dit que le Canada n'était pas sur le radar, qu'il fallait intensifier notre visibilité là-bas et la leur ici. Ce serait la raison pour laquelle ils ne viennent pas ici. Ils pensent naturellement à l'Europe, dans une optique d'intégration, puis aux États-Unis, bien sûr, où ils peuvent apprendre l'anglais. Les étudiants nous disent que nous devons être plus concurrentiels et mieux nous faire connaître là-bas. Ce n'est pas qu'ils ne nous trouvent pas intéressants, ils ne voient même pas le Canada comme une possibilité. Vous dites qu'ils envisagent la possibilité de venir ici, mais qu'ils en sont dissuadés.
M. Peralta : Je dirais que ce sont là deux vérités. Je sais que beaucoup de nos membres ont essayé de travailler avec la Turquie, mais qu'ils ont eu des difficultés. Je vais vous donner un exemple.
Il y a un événement international à Toronto dans deux ou trois semaines. C'est une série d'ateliers pour les éducateurs et les établissements d'enseignement du monde entier. Généralement, pendant ce type d'événement, des agents de la Turquie ou d'autres pays qui ont des problèmes avec l'immigration viennent nous voir pour s'en plaindre. Je ne peux vous parler que de ce que ces personnes disent à nos membres et de nos réactions.
Je peux dire concrètement (et c'est vérifiable) que nous n'appuyons pas les réseaux de distribution par lesquels passent la plupart des étudiants internationaux dans le monde. Nous n'appuyons pas les agences de placement d'étudiants. Nous ne les acceptons pas. Nous ne les formons pas. Nous avons actuellement un cours qui a été mis sur pied par le MAECI. C'est une excellente initiative, dont Langues Canada et le consortium ont le mandat de faire la promotion. Il a pour titre Cours sur le Canada et s'adresse aux agents en éducation. Nous allons vous faire parvenir l'information sur ce programme. C'est un outil fantastique pour informer les étudiants et les agents internationaux sur l'éducation internationale. Cependant, le fait qu'on n'y aborde pas la question de l'immigration est un manque à nos yeux.
La présidente : Vous dites que ce sont les résidents temporaires qui posent problème et non les personnes qui viennent officiellement ici à titre d'étudiants et qui ont besoin d'un visa. Vous nous dites que les gens peuvent demander le statut de résident temporaire et qu'il y a toutes sortes de critères d'admissibilité pour les résidents temporaires.
M. Peralta : Oui.
La présidente : Alors je vous demande pourquoi vos étudiants n'obtiennent pas un visa étudiant pour venir ici plutôt qu'un certificat de résidence temporaire.
M. Peralta : Cela coûte plus cher. Il peut être plus difficile à obtenir à certains endroits pour les étudiants en langue. Habituellement, pour les séjours de moins de six mois, on encourage les étudiants à obtenir la résidence temporaire. Encore une fois, faisons la comparaison avec le Brésil. Beaucoup de Brésiliens demandent un permis d'étude plutôt qu'un permis de résidence temporaire parce qu'il semble plus facile à obtenir. Vous faites valoir un excellent argument. Cela ne fonctionne pas vraiment en Turquie. Nous ne savons pas exactement pourquoi.
La présidente : Peut-être que le système n'a pas été suffisamment testé ou qu'il n'a pas fait l'objet d'assez de discussions.
M. Peralta : C'est vrai.
Le sénateur Downe : Vous nous expliquez pourquoi le Canada ne réussit pas à attirer plus d'étudiants. Votre association ou votre groupe a-t-il comparé l'attrait qu'exerce le Canada à celui qu'exercent ses concurrents? Vous avez mentionné l'Australie. Quel avantage l'Australie a-t-elle sur le Canada? Avez-vous analysé cela?
M. Peralta : Oui. L'avantage de l'Australie, c'est que tout semble plus facile là-bas. La situation est différente. L'Australie est une île. Elle n'a pas les États-Unis comme voisins. Il y a des faits qu'il faut reconnaître. D'une certaine façon, il est plus facile pour elle de gérer l'immigration, et je pense que c'est indéniable. Cependant, le processus est plus rapide là-bas. Même les démarches pour aller aux États-Unis peuvent être plus simples ou plus rapides, selon l'endroit visé.
Les Australiens sont proactifs. Ils offrent de la formation aux agents en éducation sur la façon de remplir les formulaires de visa et sur les profils idéaux, par exemple. Notre système et notre politique d'immigration ne prévoient vraiment rien de tel. Je pense que c'est la principale raison.
La présidente : Dans ce contexte, le Canada vient de lancer une nouvelle stratégie internationale en matière d'éducation, et je ne sais plus combien de millions y sont affectés. Est-ce que ce pourrait être un élément de solution?
M. Peralta : Tout à fait. Je pense que cela pourrait nous aider à galvaniser et à mieux cibler nos efforts. Si cet outil pouvait s'inscrire dans une stratégie à long terme, ce serait vraiment utile.
L'autre outil qui pourrait nous aider et qui a été annoncé dans le dernier budget, c'est l'investissement de 45 millions de dollars par le gouvernement pour améliorer le traitement des demandes de permis de résidence temporaire à CIC. Ce n'est pas qu'il n'y a rien qui se fait. Dans le dernier budget, diverses mesures ont été annoncées, dont 45 millions pour les permis de résidence temporaire, mais aussi 10 millions, soit 5 millions par année pendant deux ans, afin de promouvoir l'éducation internationale au Canada.
Le sénateur Downe : Dans la même veine, le problème de fond n'est-il pas la coordination? L'éducation est une sphère de compétence essentiellement provinciale. Comme le sénateur Smith l'a souligné, nous sommes allés à Istanbul, où nous avons rencontré un agent du Centennial College, qui ne représentait pas le Canada, qui ne représentait pas tous les collèges de l'Ontario, mais qui représentait un collège. Bravo pour ce collège. Pour leur part, les Australiens arrivent avec le menu complet des programmes offerts par toutes leurs institutions. Ils représentent tout le monde.
Il y a un vide, donc chacun essaie de faire de son mieux en fonction de ses objectifs et de ses ressources, mais il y a si peu de coordination que cela explique en partie pourquoi tant de possibilités nous échappent dans le monde. Comme vous l'avez mentionné, il y a trois millions d'étudiants qui se promènent sur la planète, mais nous n'en accueillons qu'un tout petit pourcentage. Notre succès avec le Brésil est assombri par notre échec avec la Turquie, alors que les Australiens semblent être partout et recevoir des étudiants de tous les pays du monde.
M. Peralta : Je suis d'accord. J'ai mentionné que nous avions créé un consortium d'associations nationales, qui regroupe l'AUCC, l'ACCC, l'ACEP-I, Langues Canada et le BCEI, justement dans le but de commencer à mieux coordonner nos efforts. Nous avons la chance et la difficulté que l'éducation soit de compétence provinciale, mais il faut absolument comprendre que quand un étudiant choisit où il veut aller, il choisit d'abord un pays et non une institution, une province ou autre chose : il choisit le pays d'abord. Ensuite, pour la langue, il peut cibler une ville ou une région et seulement après, une institution. Pour les programmes universitaires, je serais porté à croire que les étudiants choisissent ensuite l'institution en fonction des programmes offerts, mais ils commencent par choisir le pays. Cette loi doit nous permettre de trouver le juste équilibre. La volonté exprimée par le gouvernement récemment et le regroupement des associations en consortium me portent à croire que si nous arrivons à travailler ensemble, nous pourrons constater de grandes différences.
J'aimerais souligner une dernière chose. Nous avons un petit nombre d'étudiants internationaux, mais je crois que le message doit être bien clair : nous ne voulons pas attirer la plupart des étudiants, nous voulons seulement la plupart des meilleurs. Nous ne serons jamais les États-Unis ni le Royaume-Uni. Nous n'avons pas la population nécessaire pour accepter autant d'étudiants qu'eux. Cependant, cela nous confère un avantage stratégique incroyable, parce que nous pouvons trier les candidats sur le volet.
Le sénateur Downe : Et sur quoi se fondent vos choix? Nous avons entendu des gens de certaines institutions nous dire qu'ils avaient été un peu surpris de constater que le niveau de leurs étudiants n'était pas aussi élevé qu'ils le croyaient à leur arrivée et qu'ils avaient dû les inscrire à un programme de mise à niveau. Tous les établissements ne sont pas égaux dans tous les pays du monde. Certains sont de calibre mondial, d'autres ont des normes très basses. Y a- t-il une analyse préalable qui se fait?
M. Peralta : Bien sûr, il y a une évaluation des compétences scolaires. Qu'arriverait-il si je me rendais en Turquie et que j'affirmais que mes connaissances de la langue turque sont de niveau intermédiaire, mais qu'après examen, ils constataient que je suis vraiment débutant, que j'ai surestimé un peu mes propres compétences? En langues, je sais exactement ce qui peut se passer. Pour les programmes universitaires, par contre, nous constatons que le niveau des étudiants n'est pas toujours ce que nous croyions, et le cas échéant, ils ont besoin d'aide.
[Français]
La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur Peralta, je suis curieuse. En tant que directeur de Langues Canada, est-ce que vous pourriez nous en dire un petit peu plus sur les relations personnelles ou les relations que les membres de votre organisme ont développées avec les institutions d'enseignement de la Turquie afin d'accroître la mobilité des jeunes entre le Canada et la Turquie?
M. Peralta : Je sais qu'il y a des relations entre certains de nos membres et certains organismes turcs. Je ne peux pas vous donner une description exacte en ce moment. Je pourrai faire une petite recherche. Je crois que mon collègue, M. Henderson, a parlé de la différence entre les systèmes d'éducation.
Donc, je ne crois pas qu'il y ait des relations très vastes sur place, ou très profonde.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Vous n'avez pas rencontré des directeurs d'institutions turques? Vous n'êtes pas allé rencontrer un directeur d'école, d'université ou autres?
M. Peralta : Non, pas nécessairement. Dans le prochain voyage nous allons commencer à explorer ce terrain, cette possibilité. Lors de nos voyages précédents, je dois l'admettre, c'était surtout pour rencontrer des agents en éducation et faire de la promotion du Canada, de Langues Canada, de nos membres.
La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur D. Smith : Je vais vous citer une publicité qu'on voit à la télévision et vous demander d'y réagir. « J'ai essayé d'autres méthodes, mais la méthode Rosetta Stone est la seule qui a fonctionné pour moi. » La méthode originale Rosetta Stone vient d'Égypte. Est-elle offerte en Turquie et est-ce qu'elle fonctionne, ou est-ce qu'il s'agit simplement de publicité habile?
M. Peralta : Oui.
Le sénateur Smith : Oui quoi? Elle est présente en Turquie ou ce n'est que de la publicité?
M. Peralta : Elle est présente partout. Rosetta Stone est partout dans le monde. Cette méthode est vendue partout. C'est une publicité très habile. Je peux vous garantir, pour avoir personnellement participé à de nombreuses conférences sur les techniques d'apprentissage accélérées, qu'il n'y a pas de formule magique. En fin de compte, il faut simplement y mettre l'effort.
La présidente : Je pense que c'est de bon ton pour conclure. Il n'est pas facile d'attirer les étudiants turcs vers nos institutions. Nous allons devoir travailler pour les attirer. Je vous remercie, monsieur Peralta, de tous ces renseignements et de votre point de vue.
Monsieur Henderson, je retiens de ce que vous avez dit que tout ne dépend pas que des institutions et de leur qualité, mais aussi des partenariats personnels et de la compréhension personnelle, des éléments extrêmement importants en Turquie. Cela concorde avec ce que nous avons nous-mêmes constaté pendant notre voyage. Il faut commencer par établir la relation, et après, on peut obtenir des résultats, en éducation, en commerce ou dans d'autres domaines d'investissement. Vous avez exprimé un message qui nous a été répété pendant tout notre séjour en Turquie.
Je vous remercie tous les deux d'être venus nous rencontrer. Je crois que vous avez compris l'excellente réponse des sénateurs d'après leurs questions. Je vous remercie de nous avoir consacré du temps aujourd'hui.
M. Henderson : Merci.
La présidente : Mesdames et messieurs les sénateurs, il n'y aura pas de réunion mercredi prochain. Je vous avise seulement que vous n'aurez pas d'engagement avec le comité mercredi prochain. Nous allons vous envoyer un avis de convocation pour la prochaine séance. Nous attendons avec impatience de recevoir l'ébauche de notre rapport. Sur ce, la séance est levée.
(La séance est levée.)