Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 12 - Témoignages du 28 février 2012
OTTAWA, le mardi 28 février 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 18 h 10, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : comprendre l'importance des nouveaux acteurs en innovation du secteur agricole et agroalimentaire).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Honorables sénateurs et chers témoins, bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Français]
Mon nom est Percy Mockler, sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité.
[Traduction]
J'aimerais commencer en demandant aux sénateurs de se présenter, s'il vous plaît.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Terry Mercer, de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Le sénateur Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, du Manitoba.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.
[Traduction]
Le président : Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole. Aujourd'hui, nous allons tenter de mieux comprendre les nouveaux acteurs en innovation dans le secteur agricole et agroalimentaire.
[Français]
L'objet de la réunion est l'importance de comprendre les nouveaux acteurs en innovation du secteur agricole et agroalimentaire.
Nous accueillons aujourd'hui M. Frédéric Marcoux, président de la Fédération de la relève agricole du Québec.
[Traduction]
Nous accueillons également Justin Beck, ancien président de la Table canadienne de la relève agricole; Lynne Markell, conseillère en affaires gouvernementales et politique publique, Association des coopératives du Canada et Lynn Bishop, coordinatrice de coop, West End Food Co-op.
Merci d'avoir accepté notre invitation et d'être ici ce soir pour nous faire part de votre vision et de vos réflexions sur le secteur agricole et agroalimentaire au Canada.
Justin Beck, ancien président, Canadian Young Farmers' Forum : Merci, monsieur le président. Je m'appelle Justin Beck. Je viens du Kings County, en Nouvelle-Écosse, d'une ferme porcine familiale établie par mon père. J'y travaille actuellement et je contribue à gérer une ferme céréalière de 1 100 acres où nous cultivons du mais, du blé et du soja, ainsi qu'un magasin de grains secs pour d'autres producteurs.
J'ai été directeur du Canadian Young Farmers' Forum au cours des quatre dernières années. J'ai occupé ce poste, mais je suis actuellement ancien président. L'année dernière, lors de notre AGA, nous avons demandé à nos membres d'organiser une séance de groupes sur ce qu'ils pensaient être les obstacles à leurs activités, actuellement et à l'avenir, à court et à long terme. Nous leur avons demandé de définir les obstacles, mais également les solutions à ces obstacles.
Dans les sept minutes qui me sont imparties aujourd'hui, je vais essayer de résumer le rapport publié à ce sujet et souligner les principaux points que nos membres ont définis.
Le premier thème commun à nos membres a été la question des fonds propres ou de leur absence. Pour la plupart des jeunes agriculteurs qui sortent du collège ou qui veulent simplement lancer une exploitation, la colonne des fonds propres sur le bilan n'est pas impressionnante pour une ferme dont la valeur est de 1 million, 2 millions, 5 millions ou 10 millions de dollars. Le jeune agriculteur ne dispose pas des fonds propres nécessaires pour réussir. S'il s'adresse à une institution financière, il ne sera pas accueilli à bras ouverts pour un prêt aussi important, et la demande ne sera pas acceptée. C'est une question essentielle pour les jeunes agriculteurs, qu'ils travaillent déjà sur une ferme familiale ou essayent de se lancer dans ce secteur. Il s'agit d'un énorme obstacle.
Dans la séance de groupes, certains membres ont parlé des provinces qui possèdent des programmes de diminution des taux d'intérêt. Il a été proposé, par exemple, d'établir un fonds de capital et d'emprunt qu'un agriculteur débutant pourrait utiliser pour renforcer sa position financière. On a également parlé d'établir des liens avec les agriculteurs actuels qui veulent transférer leurs fermes. Il existe de nombreuses exploitations agricoles qui n'ont pas de repreneurs, que ce soit quelqu'un de la famille ou quelqu'un d'autre, alors que les agriculteurs veulent transmettre leur ferme. Certains veulent vendre, ce qui est bien. Cependant, certains veulent transmettre leur ferme et n'ont personne, membres de la famille ou proches, pour la reprendre. Telle était la question. Comment assurer cette transition?
Cela a conduit à notre prochaine solution, c'est-à-dire la gestion des relations et les communications. On a estimé qu'un obstacle important à la réussite des futurs jeunes agriculteurs était la difficulté à créer des liens avec les autres agriculteurs ou, si on est sur une ferme familiale, de parler aux parents de la succession, de parler finances. Dans ma propre famille, il est difficile de parler aux parents de ces questions quand ils vous ont toujours dit ce qu'il fallait faire. Lorsqu'on commence à penser à reprendre la ferme, il y a beaucoup de discussions et de questions autour de la table. Vous avez peut-être entendu parler de John Fast. Selon lui, trois éléments sont essentiels pour réussir un transfert : une entreprise rentable, une bonne communication et du temps. L'important ici est « une bonne communication et du temps », ce qu'ont évoqué nos membres pendant nos séances de groupes. Nous devons trouver le moyen non seulement d'acquérir les compétences en communication dont nous avons besoin, mais aussi de le faire en temps opportun afin d'améliorer les chances de succès de ces transferts.
Cela nous amène à la partie suivante soulevée autour de la table, à savoir l'éducation et le perfectionnement professionnel. Il y a 20 ans, les agriculteurs pouvaient travailler dur et réussir. Nous n'en sommes plus là, nous devons travailler plus intelligemment pour réussir. Ce n'est pas toujours le nombre d'heures que l'on passe sur le siège du tracteur ou dans la grange, c'est la façon d'utiliser ces heures de façon plus efficace et plus rentable. C'est le perfectionnement professionnel. C'est dans la génération des exploitations agricoles qui seront bientôt transférées et qui étaient exploitées à une époque où on pouvait travailler dur et réussir que le changement intervient. Ce modèle ne fonctionne plus. Nous devons avoir les autres aspects, la gestion d'entreprise, c'est-à-dire la vision, l'analyse FFPM et la planification stratégique. Il nous faut également l'éducation, je suppose, si l'on veut s'en sortir et réussir. Bon nombre de nos membres ont estimé qu'il s'agissait d'un facteur important pour faire progresser leur exploitation.
Un groupe de dirigeants du secteur agricole a fait une analyse statistique et a constaté que simplement en écrivant sa vision de l'exploitation agricole ou de l'entreprise, on peut être 20 p. 100 plus rentable. Il s'agit d'une statistique, et il a donc fallu faire beaucoup de tests pour prouver son exactitude. Ce sont les autres activités que la prochaine génération estime importantes, et c'est ce que nous devons transférer. C'est là où intervient le Canadian Young Farmers' Forum. Nous avons dit que c'est un domaine auquel nous pouvons contribuer. En plus de l'agriculture, je fais aussi de la soudure, qui est un autre métier.
On ne peut pas apprendre la communication et devenir un expert en lisant, il faut pratiquer, et la seule façon de le faire est de communiquer. C'est le principal objectif de notre table, sensibiliser et offrir une tribune où on peut parler à d'autres jeunes agriculteurs et échanger des idées.
Nous avons également organisé des ateliers de meilleures pratiques de gestion dans toutes les provinces. Ils portent sur le perfectionnement professionnel, ils apprennent à élaborer une vision, à travailler à la planification d'une analyse stratégique FFPM — les autres aspects de l'entreprise que les dirigeants agricoles de demain ou d'aujourd'hui apprennent et devront appliquer s'ils veulent réussir.
Nous avons tiré trois éléments principaux de notre liste de 15, et j'ai cette liste. Le premier élément est la question des fonds propres, ou de leur absence, sur le bilan des jeunes agriculteurs et le manque de programme fédéral pour résoudre ce problème. Je dirais que la plupart des programmes de gestion des risques de l'entreprise ont été conçus jusqu'à présent pour maintenir les fonds propres des agriculteurs actuels et non pour créer ou améliorer la position financière des jeunes agriculteurs. Soyons réalistes : Selon certains d'entre eux, en cas de perte, ils ne recevraient pas de paiement ou ne verraient aucun profit avant deux ou trois ans. Pour un jeune agriculteur, ce serait la fin de son entreprise. Il n'y a pas vraiment eu de programme visant à trouver une solution. Cela dit, il existe des programmes que nos membres jugent très utiles, comme notre programme de paiement anticipé qui permet aux jeunes agriculteurs d'avoir accès à du capital pour acheter des intrants moins cher parce qu'ils peuvent optimiser les rabais chez les négociants, par exemple. Certains programmes ont été utiles, mais en ce qui concerne les capitaux, les programmes actuels n'ont pas été conçus pour aider les jeunes agriculteurs à obtenir cet argent.
Le deuxième et le troisième sont la gestion des relations et les communications et l'aspect perfectionnement professionnel du secteur auxquels on doit s'attaquer. Comme je le disais, le Canadian Young Farmers' Forum s'occupe des communications et du perfectionnement professionnel pour aider les jeunes agriculteurs à réussir dans ce secteur en constante évolution et de plus en plus concurrentiel.
[Français]
Frédéric Marcoux, président, Fédération de la relève agricole du Québec : Bonsoir, mesdames et messieurs. Mon nom est Frédéric Marcoux, je suis un jeune producteur laitier de la Beauce, sur la rive sud de Québec. Mon père et moi possédons un troupeau de 45 vaches laitières, soit une ferme beaucoup plus petite que la moyenne en matière de production laitière. Nous sommes aussi acériculteurs.
Je préside la Fédération de la relève agricole du Québec depuis les trois dernières années. Cette fédération regroupe 14 associations membres provinciales dont le but est de promouvoir, défendre et développer les intérêts professionnels, économiques, sociaux et moraux de ses membres. Nous sommes plus de 2 000 membres au Québec.
Actuellement, au Québec, il y a 30 000 fermes et environ 42 000 agriculteurs. Chaque année, nous perdons entre 600 et 800 fermes. Pour maintenir le nombre de fermes au seuil connu ainsi que la dynamique régionale, il faudrait 400 établissements supplémentaires.
Près de 8 000 jeunes, âgés de 18 à 40 ans au Québec sont propriétaires d'entreprise. Environ 40 p. 100 d'entre eux sont des producteurs laitiers par rapport à 27 p. 100 qui travaillent dans la production agricole. Tout laisse donc croire que les jeunes producteurs agricoles du Québec se tournent vers la production laitière de plus en plus, même si la croyance générale est pessimiste à l'égard de l'entrée des jeunes dans cette production. Il est établi que 73 p. 100 des acquisitions par des jeunes sont faites par transfert d'entreprise familiale alors que 27 p. 100 deviennent propriétaires en créant leur propre entreprise. Sur ces 8 000 jeunes encore, près de 10 p. 100 ne proviennent pas du milieu agricole. Il y a de la place et des gens s'intègrent à notre milieu.
Le grand défi auquel les jeunes font face lors de la reprise de l'entreprise familiale, c'est le décalage quasi incompréhensible entre la valeur marchande et la valeur économique de l'entreprise qui vaut deux fois moins.
Une des grandes valeurs qui diffère par rapport à la génération précédente, c'est la conciliation travail-famille. Les jeunes adorent travailler dans l'entreprise, mais ne veulent pas nécessairement y consacrer autant de temps que leurs parents l'ont fait. Cette mentalité change actuellement.
Je terminerai en vous énumérant quelques mythes entretenus à l'égard des jeunes agriculteurs.
Le premier mythe, c'est qu'il manque de relève agricole. On entend souvent dire que les jeunes ne sont pas intéressés par l'agriculture. De notre point de vue, c'est faux, il y a énormément de jeunes qui s'intéressent à l'agriculture, mais il manque de réalisations concrètes en transfert d'entreprise. Il n'y a jamais eu autant de jeunes inscrits dans les institutions de formation agricole. Ils sont là, mais ils perdent leur rêve au cours du cheminement scolaire.
Un autre préjugé entretenu à l'égard des jeunes agriculteurs, c'est qu'ils ne sont pas nombreux à cause de la faible rentabilité du secteur. Nous sommes en désaccord avec cela. Le problème, c'est que dès qu'il y a profitabilité dans le secteur, il y a une hausse des actifs de production qui amène une barrière supplémentaire à l'établissement des jeunes. C'est un cercle vicieux. On ne s'en sortira pas si on ne se base que sur cette logique.
Un autre mythe, c'est qu'il est nécessaire d'augmenter la taille de l'entreprise pour pouvoir la transférer. Cela veut aussi dire augmenter la charge de travail et des dépenses. Ce n'est pas une observation scientifique, mais on le sent sur le terrain, notre génération est beaucoup moins intéressée par la gestion de grandes entreprises que par une meilleure gestion de l'entreprise. La mentalité change par rapport aux générations précédentes.
Un dernier mythe entretenu à l'égard d'un transfert agricole, c'est que les producteurs croient qu'en transférant leur entreprise ils vont payer énormément d'impôt. C'est faux. Il n'y a pas plus de discrimination positive à l'égard d'un transfert que par rapport à un démantèlement d'entreprise. Une entreprise va payer entre 3 et 10 p. 100 d'impôt sur la valeur marchande totale. Vous avez été de près ou de loin attachés à des entreprises dans la société civile, si vous transférez une entreprise en société civile, vous paierez beaucoup plus d'impôt. Il faudrait davantage pénaliser les gens qui démantèlent leur entreprise au lieu de la transférer. La comparaison n'est peut-être pas parfaite, mais je pourrais donner l'exemple de la France : chaque ferme qui sort de l'agriculture pour aller dans une activité économique autre qu'agricole est taxée davantage. Un fonds a été créé à cet effet et il est consacré à l'établissement des jeunes agriculteurs dans une entreprise. Pourrait-on établir la même logique ici? Directement, non, mais c'est une démarche de laquelle on peut s'inspirer pour créer d'autres mesures fiscales.
Je crois que j'ai fait le tour de mon sujet et je vous remercie.
[Traduction]
Lynne Markell, conseillère en affaires gouvernementales et politique publique, Association des coopératives du Canada : Je m'appelle Lynne Markell et je travaille dans le domaine du développement des coopératives et des relations gouvernementales pour l'Association des coopératives du Canada. Je vais commencer par un aperçu général et je vais ensuite céder la parole à ma collègue, Lynn Bishop, de la West End Food Co-op.
L'Association des coopératives du Canada est une organisation nationale de coopératives représentant plus de neuf millions de membres de coopératives et caisses populaires du Canada appartenant à plus de 3 000 organisations. Cette année, 2012, a été proclamée Année internationale des coopératives par les Nations Unies en reconnaissance de leur contribution au développement économique et social dans le monde. Nous portons nos boutons pour l'année internationale. J'aurais dû en apporter pour tout le monde; je pourrais peut-être prendre des dispositions pour vous en faire parvenir.
Nos membres appartiennent à tous les secteurs de l'économie, mais nous avons des membres de très grosses entreprises agroalimentaires, telles que Federated Co-operatives, United Farmers of Alberta, GROWMARK, Co-op Atlantic et Granny's Poultry Cooperative. En outre, cinq coopératives laitières sont membres : Gay Lea Foods, Farmers Dairy, Scotsburn Dairy, Northerumberland Dairy et Organic Meadow. Il existe plus de 1 300 coopératives agricoles au Canada, et la plupart des petites coopératives sont affiliées à une association provinciale, et ces associations provinciales sont à leur tour nos membres.
Comme vous le savez, l'âge moyen des agriculteurs canadiens augmente. Il est donc plus important que jamais d'apporter du sang neuf dans l'agriculture. Aujourd'hui, nous allons parler de ces nouveaux acteurs, de la façon dont le modèle opérationnel des coopératives aide ces nouveaux venus et des autres mesures à adopter pour aider ces nouveaux agriculteurs à prospérer dans le secteur agricole et agroalimentaire.
Nous allons également vous présenter quelques recommandations concernant l'éducation et les programmes de formation, la réglementation gouvernementale qui s'applique aux petites et moyennes entreprises et les programmes de développement coopératif.
Nous savons tous qu'il faut de nouveaux acteurs pour remplacer les agriculteurs qui prennent leur retraite, mais ils jouent également un rôle pour revitaliser le secteur agricole et l'aider à s'adapter au nouveau contexte. On vous a déjà dit que les nouveaux venus font les choses un peu différemment. Les jeunes et les autres nouveaux acteurs en agriculture apportent de nouvelles façons de voir l'agriculture, produisent différents types de produits alimentaires, recherchent de nouveaux marchés, adoptent des pratiques plus durables et communiquent avec les clients différemment.
L'Association des coopératives du Canada, en partenariat avec d'autres et avec le gouvernement fédéral gère des programmes visant à aider les coopératives à se lancer. Environ 25 p. 100 de ces nouvelles coopératives ont un lien avec l'agriculture et l'alimentation. C'est le type de coopérative le plus populaire dans notre pays et, de plus en plus, ces coopératives sont créées pour répondre à une partie ou à la totalité des besoins des nouveaux agriculteurs.
Alors que les fils et les filles d'agriculteurs existants sont de nouveaux acteurs évidents, nous avons également constaté que d'autres groupes se lancent dans l'agriculture. Je suis heureuse d'être ici aujourd'hui pour vous parler de certains de ces nouveaux acteurs. Nous avons des jeunes issus de milieux non agricoles. Nous avons des gens qui changent de carrière à différents âges. Nous avons des néo-Canadiens qui veulent cultiver des produits alimentaires pour leurs communautés et gagner leur vie grâce à l'agriculture. Nous avons des membres des Premières nations qui vivent dans les réserves et qui veulent cultiver leurs propres produits et assurer la sécurité alimentaire dans leur communauté.
Il est intéressant de noter que parmi tous ces groupes, les femmes constituent le plus important à se lancer dans l'agriculture. Certains des programmes de formation montrent que 50 et 60 p. 100 des gens qui veulent se lancer en agriculture sont des femmes.
Comment les coopératives aident-elles ces nouveaux acteurs? Comme vous le savez, les coopératives sont un élément très important de l'économie canadienne, en particulier dans les collectivités rurales. Les agriculteurs utilisent les coopératives pour commercialiser leurs produits, ajouter de la valeur à leurs produits, financer leur entreprise et fournir des intrants agricoles. En fait, les coopératives les plus anciennes sont de nature agricole.
Le modèle de la coopérative n'est pas archaïque. Il est polyvalent et peut constamment être revitalisé pour répondre à de nouveaux besoins, comme il le fait aujourd'hui. Une coopérative est une entreprise qui appartient à ses membres pour répondre à leurs besoins et leur apporter des avantages, ainsi qu'à leur collectivité.
Voici quelques moyens innovants que les coopératives utilisent pour aider les nouveaux agriculteurs. Premièrement, les gens travaillent ensemble. Ils vivent et travaillent collectivement sur des terres qu'ils peuvent acheter conjointement ou louer conjointement. Ces terres peuvent même être achetées par une fiducie foncière qui les redonne pour que l'exploitation agricole reste dans la collectivité.
Les coopératives regroupent les produits à vendre. Les agriculteurs mettent en commun leurs produits afin de vendre à un marché de producteurs, participer à un programme de paniers alimentaires ou répondre aux besoins d'un client important, comme une école ou un hôpital. Les coopératives créent un lieu pour vendre des produits, qu'il s'agisse d'un marché de producteurs, d'un magasin ou même de vente en ligne.
Les agriculteurs se joignent à des consommateurs pour former de nouvelles coopératives où ils vendent des produits. C'est une des initiatives les plus innovantes des cinq ou six dernières années. Alors que les coopératives étaient limitées aux agriculteurs, nous voyons maintenant des agriculteurs et des consommateurs se regrouper pour former une coopérative pour se vendre des produits entre eux. L'agriculteur peut ainsi se consacrer à ce qu'il aime le mieux, l'agriculture, et d'autres membres de la coopérative s'occupent de la vente.
La commercialisation est collective par le biais d'une marque commune, d'une valeur ajoutée ou de la transformation. C'est le cas d'une plante médicinale appelée rhodiola rosea, une plante utilisée pour la santé. Il existe en Alberta une coopérative qui organise l'ensemble des infrastructures de base pour que les gens puissent cultiver cette plante. Elle fournit les semences et le savoir-faire. Elle achète ensuite la plante, la traite et la vend à une entreprise nutraceutique. La coopérative permet à de nouveaux venus de s'installer sans avoir à tout recommencer, car ils font partie d'un grand groupe. Ils partagent les installations, comme les cuisines commerciales et les machines.
Enfin, certaines coopératives offrent des programmes de formation pour les jeunes où ils préparent de nouveaux agriculteurs au leadership. Je n'ai pas assez de temps pour vous en dire plus, mais Gay Lea Foods et Agropur se sont regroupés afin de créer un programme de leadership où ils forment des jeunes de moins de 35 ans pour qu'ils puissent travailler à la coopérative.
Je vais céder la parole à Mme Bishop. Elle parlera davantage de sa coopérative et vous fera quelques recommandations.
Lynn Bishop, coordinatrice de coop, West End Food Co-op : Merci de m'avoir invitée. Je suis ravie d'être ici. Je suis cofondatrice d'Everdale Organic Farm, dans le Sud de l'Ontario, qui offre un programme de formation aux agriculteurs. J'ai beaucoup travaillé avec des agriculteurs potentiels et je suis actuellement coordinatrice pour la West End Food Co-op, une des premières coopératives multipartites de l'Ontario. Nous réunissons les agriculteurs, les consommateurs et les travailleurs pour voir comment chacun peut gagner sa vie et bien manger.
Je voulais parler de la façon dont les coopératives encouragent l'innovation en agriculture, en particulier dans la perspective des petites exploitations polyvalentes.
La West End Food Co-op, par exemple, qui est présente à Toronto depuis environ quatre ans, a commencé comme un marché de producteurs. Son objectif était d'apporter des produits locaux dans l'ouest de la ville, mais à mesure que la collectivité et les membres ont augmenté, certains agriculteurs sont devenus membres, les consommateurs et les travailleurs étaient déjà membres, et l'on voulait avoir de bons salaires pour les travailleurs et une rémunération équitable pour les agriculteurs. Il est devenu évident que la plupart des agriculteurs du marché de producteurs avaient atteint leur limite en produisant pour ce marché et aussi pour un programme d'agriculture soutenue par la communauté, ou ASC. S'ils voulaient augmenter leur production, il leur fallait d'autres marchés.
La coopérative, avec l'aide du fonds d'investissement de développement, est sur le point d'ouvrir un magasin de détail où nous allons vendre les produits de nos agriculteurs dans notre collectivité et ouvrir une cuisine communautaire où les agriculteurs peuvent créer leur propre valeur ajoutée. Un des enjeux pour les agriculteurs est d'avoir accès à un espace où ils peuvent créer des produits à valeur ajoutée. S'ils ne peuvent pas les faire eux-mêmes, la coopérative les fabriquera avec sa marque. Ce sont des petites innovations qui donnent aux agriculteurs des possibilités d'accroître leurs sources de revenus.
Une multitude de petites coopératives commencent à voir le jour partout au pays. Il y en a une à Windsor appelée Coopérative agricole de Windsor, qui est un petit groupe de néo-Canadiens, surtout d'origine haïtienne, qui ont uni leurs efforts pour accéder collectivement à la terre et cultiver des produits qui répondent aux besoins de leur communauté. Ils cultivent plus précisément de l'amarante, de l'oseille africaine, les feuilles de courge et de l'aubergine africaine, de nouvelles cultures qui vont alimenter un énorme marché en émergence au Canada, celui des cultures ethniques. Ils en sont actuellement au tout début de cette entreprise et vendent à d'autres néo-Canadiens dans leur collectivité, mais ils cherchent à étendre ces marchés aux grands centres.
Une autre coopérative innovante est la True North Community Co-op, qui cherche à trouver des marchés pour les agriculteurs du Nord. Ils affrètent des avions dans les collectivités rurales éloignées du nord de l'Ontario pour apporter des produits agricoles du Nord.
Un des principes de la coopérative étant de satisfaire un besoin, ces coopératives innovantes étudient la nécessité qu'ont les collectivités les plus reculées d'avoir accès à des produits frais locaux et la nécessité qu'ont leurs agriculteurs locaux de trouver de nouveaux marchés.
Je pense que nous devons prendre un certain nombre de mesures pour soutenir ces innovations, notamment ce dont M. Beck a parlé, c'est-à-dire soutenir l'éducation et la formation des nouveaux agriculteurs. Il peut s'agir de compétences techniques, de compétences de production, et de se tenir au courant des nouvelles technologies, mais plus important encore, ce sont les compétences en affaires, communication et marketing et la compréhension de la réglementation. Nous constatons que bon nombre des nouveaux agriculteurs n'ont pas les antécédents ni le sens des affaires nécessaires pour gérer une exploitation agricole efficiente et économiquement viable.
Nous constatons également que de nombreux agriculteurs subissent beaucoup de stress lié à l'absence de centres de traitement et de distribution qui sont en train de disparaître. Nous avions des abattoirs au niveau local et régional, mais nos agriculteurs doivent maintenant parcourir de grandes distances pour que leurs animaux soient abattus correctement. Une grande partie des modalités de distribution qui existaient au niveau de la collectivité et qui permettaient d'apporter les produits alimentaires de la région dans les grands centres, disparaissent. Certaines coopératives essayent de trouver des solutions et de rétablir ce système de distribution. On voit de petites entreprises qui regroupent les produits agricoles locaux et les apportent dans les centres, parce que les agriculteurs ne peuvent pas à la fois cultiver et distribuer.
Je tiens à souligner que j'ai vu beaucoup de petites coopératives qui sont vraiment gérées par leurs membres — agriculteurs, consommateurs ou travailleurs — qui créent des secteurs économiques et des petites entreprises viables qui contribuent à résoudre certains problèmes de façon vraiment innovante.
Je pense qu'il est important de reconnaître le modèle coopératif comme une méthode efficace de soutenir les agriculteurs grâce à l'expansion des services pour le développement coopératif. Je le répète : Ceci étant l'Année internationale des coopératives, je tiens à souligner que l'Initiative de développement coopératif est un partenariat entre les deux associations coopératives nationales en collaboration avec le gouvernement fédéral, au Secrétariat aux coopératives, qui fait partie d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Le programme de l'IDC appuie depuis 2003 la création et l'expansion de coopératives grâce au financement de projets et à des services consultatifs, et on voit que de nombreuses coopératives se créent. Le programme devrait prendre fin en mars 2013.
Nous aimerions encourager le gouvernement à marquer l'importance de cette année, l'Année internationale des coopératives, en annonçant la poursuite du programme de l'IDC au-delà de 2013.
Le sénateur Plett : M. Beck, vous nous avez parlé d'un certain nombre de problèmes, les questions de fonds propres et ainsi de suite, et vous avez dit que les jeunes agriculteurs avaient de la difficulté à trouver de l'argent pour se lancer, ce que je comprends.
Financement agricole est toujours en activité, je crois. N'est-il pas possible de faire appel à lui? Combien d'argent Financement agricole donne-t-il par rapport à banque? Une banque donne peut-être 60 ou 65 p. 100. Financement agricole est-il limité et ne serait-il pas relativement facile pour une exploitation agricole bien portante d'obtenir un crédit agricole?
Vous avez mentionné le Programme de paiements anticipés. Pourriez-vous en parler un peu?
M. Beck : Je ne suis pas un employé de Financement agricole, mais je sais que c'est un établissement de crédit. Dans notre région, nous lui avons demandé de prêter davantage, parce qu'il n'est pas considéré comme une banque. Il offre du financement à long terme. En fait, nous leur avons demandé s'ils pourraient faire davantage office de banque et assumer plus de responsabilité en ce sens.
Oui, c'est un des meilleurs prêteurs sur le plan financier. La grande différence que nous ayons constatée, c'est qu'il est cohérent et présent pour le long terme. Bon nombre des grandes banques — tout dépend de l'endroit où se trouvent les marchés — ont fait volte-face, ce qui peut arriver en agriculture, et il faut parfois un peu plus de temps pour revenir en arrière.
Financement agricole a été un mécanisme de financement. Lors de consultations que nous avons eues avec lui, nous avons demandé s'il ne pourrait pas faire davantage et prendre la place de l'une des grandes banques. Au lieu de faire appel aux grandes banques, on ferait appel à lui.
Pour ce qui est du Programme de paiements anticipés, il s'agit d'un programme qui a permis aux agriculteurs d'accéder au capital, surtout au niveau de l'exploitation. Il donne de bons résultats pour la production céréalière, ou même pour l'élevage. Il permet d'acheter des intrants, surtout des semences et des engrais. Si on peut prépayer, on peut tirer le maximum des remises. Il est possible d'obtenir un rabais de 20 p. 100 sur une facture de semences si on paye avant une certaine date. Si on peut avoir l'argent de la récolte, on peut obtenir ces rabais. C'est 20 p. 100 sur le résultat net qui est remis si on a le capital pour payer tout de suite.
Le sénateur Plett : Qu'attendez-vous du comité? Mme Markell a dit qu'elle aimerait que le programme de l'IDC se poursuive. Qu'est-ce que la Table canadienne de relève agricole attend du comité ou du gouvernement?
M. Beck : Il y a deux réponses à cette question. J'ai mentionné la communication et le perfectionnement professionnel. Nous aimerions un soutien et une croissance continus dans ce domaine.
D'autre part, nous aimerions revenir sur certains programmes. Comme je l'ai dit, certains programmes ne sont pas adaptés aux jeunes agriculteurs ou ne tentent pas de les faire participer. Je parle principalement d'un programme de gestion des risques de l'entreprise. En tant que jeune agriculteur, je ne les utilise pas. Je ne les considère pas comme un outil. Nous aimerions le réexaminer pour voir comment mieux les adapter aux jeunes producteurs.
Comment devient-on un jeune agriculteur? Je comprends que nous ayons une organisation de jeunes agriculteurs. Serais-je admissible? Ou est-ce que j'ai dépassé l'âge?
[Français]
M. Marcoux : Être jeune n'est pas une question d'âge mais une question d'attitude. Cela prend de l'enthousiasme et la passion du métier. C'est probablement les deux choses les plus importantes qui définissent un jeune agriculteur.
Vous avez posé quelques questions à Justin et j'aimerais intervenir sur quelques-unes. Vous avez demandé ce que nous aimerions que le comité retienne de notre présentation. Une des choses pour nous, qui est assez importante, c'est de connaître la base des jeunes, qui ils sont réellement.
Au Québec, le gouvernement provincial a mis le recensement de la relève agricole. On a recensé chaque jeune agriculteur qui est actionnaire d'une entreprise. On a plusieurs statistiques, mais le portrait détaillé du point de vue canadien, on ne l'a pas. Ce serait très intéressant de l'avoir. J'ai déjà posé la question à Agriculture et Agroalimentaire Canada, et on a eu plusieurs échanges à ce sujet.
Pourquoi ce serait intéressant? Il y a deux ans, j'ai participé — tout comme M. Beck, je crois — aux consultations pour la relève agricole dans le cadre de l'initiative Cultivons l'avenir II.
J'ai discuté avec un des directeurs d'Agriculture et Agroalimentaire Canada sur le même sujet, à savoir qu'on doit connaître notre base. Je lui ai mentionné que, au Québec, présentement, 27 p. 100 des entreprises sont en production laitière; 40 p. 100 des jeunes sont en production laitière. On peut aller chercher une prime à l'établissement des jeunes agriculteurs, et 55 p. 100 de ceux qui vont la chercher sont des producteurs laitiers. Tout porte à croire que le portrait agricole au Québec va tendre, même s'il y a une diminution du nombre de fermes, vers le secteur laitier. Savez-vous quelle a été la réponse de ce directeur? Il a dit « Merde! »
L'importance du secteur laitier va devenir démesurée par rapport aux autres. Il est important de connaître ce que les jeunes font présentement pour être capable de prévoir ce qu'on fera dans dix ou 15 ans, et comment on pourra accompagner les producteurs. C'est un souhait qu'on formule à la Fédération de la relève agricole du Québec, c'est-à-dire qu'on connaisse le portait des jeunes producteurs agricoles d'un point de vue canadien.
Vous avez parlé du financement, qui semble être un sujet très important pour les jeunes agriculteurs des autres provinces. Chez nous, ça l'est un peu moins. Ce n'est pas une des grandes priorités. C'est un enjeu pour les gens qui démarrent leur entreprise. En ce sens, suite aux pressions que nous avons exercées au cours des cinq dernières années, le gouvernement provincial et ses partenaires, Capital régional et coopératif Desjardins et le Fonds de solidarité FTQ, ont créé le Fonds d'investissement pour la relève agricole. Il s'agit d'un fonds de 75 millions de dollars destiné à ceux qui démarrent en agriculture et qui ne proviennent pas du milieu agricole. Il existe depuis seulement un an. On estimait qu'il y aurait entre 60 et 100 jeunes qui pourraient passer par ce programme, cependant, il n'y a que dix jeunes qui s'en sont prévalu. On sait que ce ne sont pas les conditions qui les limitent. On surestime peut-être le besoin au point de vue du financement.
[Traduction]
Le sénateur Plett : Merci.
J'aimerais poursuivre sur un point. Je l'ai dit un peu à la plaisanterie, mais je voudrais savoir si un jeune agriculteur est un nouvel agriculteur? Y a-t-il en fait des restrictions quant à l'âge d'un jeune agriculteur, ou est-ce simplement quelqu'un qui lance une entreprise?
[Français]
M. Marcoux : À la Fédération de la relève agricole du Québec, un membre est quelqu'un qui a entre 16 et 40 ans, qui n'est pas producteur agricole, qui n'est pas nécessairement fils de producteur et qui a un intérêt pour la production. On parle davantage de relève établie lorsque c'est un jeune qui est propriétaire d'une entreprise et quelqu'un qui aspire à être un producteur agricole.
[Traduction]
Le sénateur Plett : À 40 ans, je pourrais presque.
Le sénateur Mercer : Quarante ans, mon œil.
Une voix : Vous n'êtes pas admissible.
Le sénateur Mercer : Je n'essaie même pas.
Tout d'abord, je pense que les jeunes agriculteurs sont parmi les plus grands entrepreneurs au pays en prenant le risque de se lancer dans un secteur où il est difficile de réussir. Je tiens à vous en féliciter.
Nous revenons toujours sur la question des transferts et de la planification de la relève dans les fermes familiales. Les questions sont compliquées par le fait qu'en général, les agriculteurs qui possèdent leur ferme ont, à leur retraite, le capital qu'ils ont accumulé dans la ferme elle-même. Le problème est que quand ils veulent vous le transférer, vous n'avez pas l'argent pour les payer pour qu'ils aient la bonne vie qu'ils avaient prévu. C'est un cercle vicieux.
Votre organisation a-t-elle fait des études détaillées sur de nouvelles méthodes de transfert générationnel des terres entre agriculteurs âgés et jeunes agriculteurs? Nous aimerions du nouveau. Les vieilles méthodes existent; nous les avons vécues, mais cela n'a pas été facile.
M. Beck : Je pense avoir parlé tout à l'heure de la planification et de la nécessité de commencer la planification assez tôt.
Il existe des mécanismes et des outils que l'on peut utiliser, mais dans le cas de quelqu'un qui veut prendre sa retraite dans cinq ans, il ne reste pas assez de temps pour cette planification. Nous devons trouver les moyens d'aider les agriculteurs à transférer leur ferme et à être rémunérés équitablement pour ce qu'ils ont construit.
Je pense que l'élément temps est essentiel. Il faut commencer le processus suffisamment tôt pour pouvoir tirer profit de tous les outils et faciliter la transition.
J'ai lu des articles sur des exploitations agricoles dont les successeurs ont lancé leur propre entreprise. La première était une exploitation familiale. Ils ont dû démarrer leur propre entreprise à part avant de pouvoir revenir.
Il existe différents moyens, des moyens entrepreneuriaux, mais il faut du temps. Dix ans ne suffisent pas toujours. Ce processus doit vraiment commencer tôt, et il est essentiel de faire cette transition beaucoup plus tôt. Comme je l'ai dit dans ma présentation, certains exploitants veulent simplement encaisser leur argent, et c'est très bien. Ce sont les agriculteurs qui veulent véritablement transférer leur exploitation que nous voulons mettre en rapport avec des gens qui veulent se lancer dans l'agriculture, et nous devons le faire plus tôt.
J'espère que vous ne pensiez pas que j'allais vous donner une nouvelle façon révolutionnaire de transférer une exploitation agricole, car je ne peux pas le faire, mais je pense que nous devons commencer à assurer cette transition plus tôt. Je pense qu'il existe des mécanismes que l'on peut utiliser pour cela, mais il faut planifier longtemps à l'avance.
Je connais des membres de notre groupe qui ont entre 25 et 35 ans qui pensent déjà à la succession. Comment vont- ils modifier ou transférer la ferme? Ils ont de jeunes enfants, trop jeunes pour savoir s'ils vont prendre la relève, mais ils songent déjà aux moyens d'établir l'entreprise pour la transférer et en obtenir ce dont ils ont besoin.
Le sénateur Mercer : Nous devons parler des moyens d'aider les gens à assurer cette planification. Vous avez raison, vous ne pouvez pas attendre.
Madame Bishop, vous avez dit que vous aviez commencé comme marché de producteurs. Où êtes-vous situé?
Mme Bishop : À Toronto.
Le sénateur Mercer : Quelle partie de l'ouest de la ville?
Mme Bishop : À Parkdale.
Le sénateur Mercer : J'y ai habité et je connais bien ce quartier.
Mme Bishop : Le marché se trouve à Sorauren Park.
Le sénateur Mercer : Je connais votre marché dans ce cas, et il est vraiment très bien. Est-ce que les produits que vous vendez viennent du sud-ouest de l'Ontario, ou bien de la région du Niagara?
Mme Bishop : Surtout du sud-ouest de l'Ontario. Nous avons un fruiticulteur qui vient de Niagara.
Le sénateur Mercer : Le mouvement coopératif est évidemment extrêmement important dans tous les aspects de la vie rurale, même si l'on n'est pas une coopérative officielle. Dans une collectivité rurale, on coopère, ne serait-ce que pour le service des pompiers bénévoles.
La structure des coopératives est-elle un obstacle ou un avantage? Devons-nous rationaliser la réglementation des coopératives pour en faciliter le démarrage et les aider à prospérer afin qu'elles puissent aider leurs membres?
Mme Bishop : C'est ce que fait le fonds IDC. Il nous aide pour les questions de gouvernance, les premières étapes et l'élaboration des articles de constitution en société. C'est en effet plus compliqué quand on a davantage de parties prenantes à la table, davantage de membres et davantage d'intérêts; certains éléments de la création d'entreprise sont spécifiques aux coopératives. Nous-mêmes et d'autres coopératives avec qui j'ai travaillé — j'ai travaillé pour une coopérative de biodiesel et je connais des coopératives qui font de l'agrégation — avons demandé l'aide de On Cooperative. Dans le cas, très fréquent, des grandes entreprises, il y a un conseil d'administration. Dans le cas d'une coopérative, on a des gens au tout début. Ce sont des aspects compliqués, et le fonds IDC nous aide à construire une base solide dans le cadre du développement coopératif en facilitant tout l'aspect bureaucratique. La coopérative est ainsi libérée plus rapidement pour commencer à travailler.
Le sénateur Mercer : La taille des coopératives varie considérablement. Mme Markell a parlé de Scotsburn Dairy et de Farmers Dairy en Nouvelle-Écosse, qui sont de très grandes sociétés. Y a-t-il une différence dans la façon dont la réglementation touche les grandes coopératives comme Scotsburn et Farmers?
Mme Markell : La plupart des coopératives sont constituées en société au niveau provincial, et les règlements s'appliquent à tous les types de coopératives. Cela a trait à la façon dont elles sont régies, la vente d'actions et autre. La taille des coopératives ne semble pas poser de gros problèmes par rapport à la constitution en société ou aux règlements. Il ne faut pas oublier que les petites coopératives qui sont créées actuellement, avec l'aide de notre initiative de développement coopératif et qui répondent à ces nouveaux besoins, prennent un peu de temps à commencer, mais elles se maintiennent à long terme. Les études montrent que la durabilité et la viabilité des coopératives sont deux fois supérieures à celles des entreprises privées. Des études l'ont montré pour l'Alberta, la Colombie-Britannique et le Québec. Les coopératives durent plus longtemps du fait que la propriété est collective et qu'il y a un roulement au niveau du leadership et de la gouvernance et ainsi de suite.
Scotsburn était au départ une petite coopérative. Organic Meadow a 20 ans. C'était au début une coopérative laitière biologique qui, dans les années 1980, était très petite. Aujourd'hui, on voit sa marque partout et on peut acheter du lait et du fromage Organic Meadow. Elle fait aussi du congelé, et cetera. Il faut simplement que les petites entreprises croissent, ce qui prend du temps, mais la réglementation n'est pas particulièrement lourde ni gênante. Merci d'avoir posé cette question.
[Français]
Le sénateur Eaton : Monsieur Marcoux, dans votre présentation vous avez parlé du nombre de fermes qui cessaient leurs opérations, qui ne se transféraient pas d'une génération à une autre. Aussi, l'Université de Guelph dit avoir de la difficulté à attirer des jeunes vers ses programmes éducatifs en agriculture.
[Traduction]
En dehors du transfert financier générationnel, quelles sont les raisons pour lesquelles le secteur agricole n'attire pas les jeunes agriculteurs?
[Français]
M. Marcoux : C'est ce que je disais en introduction. Je suis plus ou moins d'accord avec le fait qu'on a de la difficulté à attirer des jeunes. Ce qu'on observe au Québec, c'est que le nombre d'inscriptions en institution se maintient.
Par contre, ce qu'on voit dans les universités, c'est une diminution du nombre d'inscriptions pour former des professionnels du domaine agroalimentaire. C'est une situation très préoccupante parce qu'il y a beaucoup moins de gens qui sont intéressés à étudier dans le secteur de la transformation et de l'encadrement. C'est ce qu'on voit.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Vous avez dit tous les deux que votre génération doit faire une agriculture plus intelligente. Entendez-vous par là que vous essayez de créer des produits à valeur ajoutée? Par exemple, le Québec fait des fromages formidables.
Je suis désolé, j'étais en retard pour votre présentation et je ne sais pas d'où vous venez.
M. Beck : Je viens de Nouvelle-Écosse.
Le sénateur Eaton : Qu'entendez-vous pas une « agriculture intelligente »? S'agit-il de créer des produits innovants pour le marché ou d'utiliser des machines ou de faire les choses plus intelligemment?
[Français]
M. Marcoux : C'est un sujet que je n'ai pas abordé. Je suis d'accord avec le fait qu'il faut faire une gestion différente des entreprises. Aujourd'hui, c'est devenu plus rentable de passer une partie de la journée dans un bureau à compter les opérations qu'on fera que de simplement aller travailler sur la terre à faire des travaux manuels.
Je crois qu'on doit améliorer la formation en tant que telle. Oui, on doit encourager l'accès à la technologie et on doit se moderniser, mais il faut de l'argent pour y arriver. Les produits à valeur ajoutée, oui, j'y crois et je crois aussi qu'on en a besoin parce que ce sont des produits forts pour l'image de notre industrie. Mais il ne faut pas croire qu'il est possible de faire de la production agricole uniquement basée sur des produits de créneaux.
Les consommateurs demandent généralement des produits de commodité générale. Et que ça nous plaise ou non, on est une matière première et on répond généralement à un besoin de transformation.
Le sénateur Eaton : On ne peut pas faire les deux?
M. Marcoux : Oui, on peut faire les deux et on se doit de faire les deux. Mais il ne faut pas croire qu'il est possible de faire seulement de la production de produits à valeur ajoutée.
[Traduction]
Le sénateur Eaton : Monsieur Beck, que veut dire une « agriculture intelligente » pour vous?
M. Beck : Tout dépend d'où vous venez. Dans notre région, on fait de la valeur ajoutée parce que nous ne pouvons pas rivaliser avec les gros producteurs. Dans ce contexte d'agriculture intelligente et du prix élevé des produits de base, nous avons parlé à des membres dans les provinces de l'Ouest qui nous ont dit que les gens achètent des terres et de plus grosses machines sans s'occuper du prix et sans se demander si cette machine ou cette terre sera rentable. L'agriculture intelligente, c'est mieux analyser les chiffres et étudier la situation et non s'agrandir comme une fin en soi.
Chez nous, l'agriculture intelligente est dans la valeur ajoutée. J'élève des porcs, et nous savons que nous ne pouvons pas rivaliser avec quelqu'un de l'Indiana qui peut produire 300 boisseaux de maïs et être largement approvisionné en aliments pour animaux, tandis que je dois tout acheter. Je dois trouver un marché différent qui me paiera ce dont j'ai besoin pour faire un profit.
Le sénateur Eaton : Produisez-vous spécialement pour certains marchés? Avez-vous vos propres marchés pour lesquels vous produisez en particulier?
M. Beck : Oui.
Le sénateur Eaton : Avez-vous envisagé de créer de nouveaux produits avec les porcs?
M. Beck : Oui. Nous envoyons les porcelets en Ontario. Nous ne finissons pas les animaux dans notre province. Nous élevons ce que l'on appelle des porcelets sevrés, qui ont 21 jours, et nous les envoyons à des éleveurs qui assurent la finition en Ontario où les aliments pour animaux sont moins chers.
Le sénateur Eaton : Aimeriez-vous finir l'engraissement dans votre région?
M. Beck : Nous prospectons des marchés nationaux, mais nous n'allons pas revenir à ce type d'élevage à moins que le marché soit en mesure de payer pour le porc fini. Comme l'élevage d'un porc en Nouvelle-Écosse coûte plus cher, il faut que le marché puisse assumer les prix avant que l'on revienne au porc fini. Il faut du temps, mais nous essayons de trouver des marchés pour travailler dans notre région.
Le sénateur Mahovlich : Pensez-vous qu'il est possible d'enseigner l'agriculture à nos jeunes dans notre système scolaire public? Je me souviens que quand j'étais petit dans le nord de l'Ontario, nous ne visitions jamais de ferme pour voir ce qu'était l'agriculture et comment on faisait pousser une plante. Je n'ai jamais eu de cours sur l'agriculture. Je suis allé en ville pour aller à l'école secondaire où l'on ne m'a jamais appris quoi que ce soit sur l'agriculture. Il y avait bien sûr des élèves dont les parents étaient agriculteurs. Ils allaient à l'école secondaire et ensuite à Guelph pour apprendre l'agriculture à l'université.
Mais à part ça, pensez-vous que l'on devrait avoir des cours sur l'agriculture dans notre système scolaire public?
Mme Bishop : J'aimerais beaucoup répondre à cette question. À Everdale, le centre d'apprentissage que j'ai créé, nous avons développé un programme ferme-école, et nous offrons maintenant un kit que les agriculteurs peuvent utiliser comme autre source de revenus, notamment les petites exploitations familiales qui font, par exemple, de l'horticulture et de l'élevage. De nombreux agriculteurs font de l'ASC et vendent directement au détail dans leur collectivité. Ils établissent des liens avec les écoles et font venir les enfants à la ferme. Il existe un mouvement pour introduire l'agriculture dans les écoles. Je me souviens que quand nous avons fait venir les enfants à Hillsburgh dans notre ferme, ils n'avaient jamais vu une carotte. Ces enfants vivaient en milieu rural, mais n'avaient jamais vu une carotte dans la terre. Bien sûr qu'il est important d'enseigner l'alimentation et la nutrition.
Nous avons aussi, bien entendu, les centres de santé. La West End Food Co-op est située au rez-de-chaussée du Centre de santé communautaire de Parkdale, et le Centre de santé communautaire de Guelph offre de nombreux programmes en alimentation. Il existe maintenant un lien très fort entre la santé, la nutrition, l'alimentation et l'alphabétisation alimentaire, ce qui fait partie du mouvement pour manger localement associé à la sécurité alimentaire. C'est pourquoi on trouve des gens qui veulent des prix équitables pour leurs agriculteurs et seraient prêts à payer un peu plus pour rencontrer l'agriculteur au marché et comprendre comment il gagne sa vie. L'éducation alimentaire est en effet importante.
Parmi les enfants qui ont suivi le programme à Hillsburgh, où j'ai été pendant 13 ans, certains travaillent maintenant à la ferme pendant l'été pour donner un coup de main. Ce programme leur a ouvert de nouveaux horizons.
La véritable question revient à la viabilité de l'exploitation agricole. Si l'agriculture était un secteur viable, nous n'aurions pas de problème. Nous ne serions pas ici à en parler. S'il y avait de l'argent en agriculture, on ne manquerait pas d'exploitants. Il y a de l'argent, mais on doit l'utiliser intelligemment et judicieusement. Il faut offrir une formation en gestion et un soutien.
Le sénateur Mahovlich : C'est essentiel.
Mme Bishop : Quel est votre modèle de gestion et comment allez-vous survivre dans un marché en pleine mutation? Allez-vous exporter? Certains innovent en travaillant au niveau local, en vendant directement au détail, mais d'autres ne sont pas des spécialistes du marketing. Et puis, il y a le modèle coopératif qui apporte un soutien dans différents domaines, de sorte que les commerçants vendent les produits des agriculteurs qui peuvent ainsi se consacrer à la culture. C'est une des solutions.
Le sénateur Mahovlich : Avons-nous un marché d'exportation pour le porc? Y a-t-il une demande pour le porc à l'étranger?
M. Beck : Oui. Le Japon offre des marchés haut de gamme.
Le sénateur Mahovlich : S'il existe une demande, on devrait avoir davantage d'exploitations porcines.
M. Beck : En effet. Pour en revenir à votre question sur les écoles, je pense que c'est primordial en raison de notre évolution démographique. Si l'agriculture n'est pas enseignée dans les écoles, c'est qu'autrefois, il y avait toujours un lien quelque part avec une ferme; on n'y vivait pas nécessairement, mais on avait un grand-père, un oncle, un arrière grand-père qui en avait une et on allait y travailler l'été.
Mais nous en sommes à une génération où ce lien n'existe plus et nous allons vers une société qui sera complètement déconnectée du lieu de production de sa nourriture. Je dis toujours que nous encourageons les gens à devenir avocats et comptables et autre, mais pourquoi pas agriculteur ou un travail dans ce secteur? Ce n'est pas seulement remuer du foin dans une grange, ce sont toutes sortes de débouchés, en recherche et développement, dont nous ne parlons pas assez.
Comme je l'ai dit, le principal problème maintenant et la raison pour laquelle il est primordial d'enseigner l'agriculture à l'école, c'est cette déconnexion. Nous sommes une nouvelle génération; les enfants d'aujourd'hui n'ont aucun lien avec une entreprise agricole. Autrefois, même s'ils ne vivaient pas sur une ferme, ils pouvaient avoir des liens avec elle.
Mme Bishop : Cela me rappelle quelque chose d'intéressant. Ceux qui ont une connexion réelle avec l'agriculture sont maintenant les néo-Canadiens. Mon chauffeur de taxi hier soir me disait qu'il avait grandi avec 500 moutons sur une ferme ovine en Irak. Ces gens viennent de milieux agricoles et pourraient donner des idées intéressantes à nos nouveaux agriculteurs. Je n'utilise pas le terme de « jeune agriculteur » parce que bon nombre des nouveaux agriculteurs que je connais ne sont pas jeunes, ce sont de nouveaux immigrants, des gens qui ont changé de carrière ou des gens qui veulent simplement essayer.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Plett pourrait.
Mme Bishop : Vous pourriez être un « nouvel agriculteur », quant à moi.
Mme Markell : Pour cette étude, on a utilisé le terme « nouveaux acteurs ». C'est important. Profitons des gens de notre pays qui veulent faire de l'agriculture et aidons-les. Certains le font parce qu'ils ont grandi sur une ferme et qu'ils veulent reprendre l'entreprise familiale, mais d'autres veulent travailler la terre parce que c'est un mode de vie qui les intéresse. Ils veulent répondre à un besoin et veulent devenir agriculteurs. Il peut s'agir de néo-Canadiens, de gens sur une réserve indienne ou de jeunes qui se disent : « Je ne veux pas aller à l'université, je veux travailler de mes mains et j'aime vraiment le côté pratique ».
Nous devons adopter une perspective plus large et voir qui sont ces aspirants agriculteurs qui viennent suivre des programmes et autre et aidons les à s'installer pour qu'ils puissent gagner leur vie.
Le sénateur Buth : J'ai été frappée par le fait que ni M. Beck ni M. Marcoux n'ont mentionné la nécessité d'une formation technique ou en gestion de la production. Pouvez-vous nous dire ce que vous pensez des besoins des jeunes agriculteurs à cet égard, ou bien des réponses sont-elles déjà données, en particulier en matière d'innovation à la ferme?
[Français]
M. Marcoux : Certains d'entre vous ne sont peut-être pas familiers avec le système éducationnel québécois, mais une des statistiques qui me préoccupe beaucoup quand on regarde le portrait de l'éducation des jeunes agriculteurs québécois, c'est que 60 p. 100 des jeunes qui s'établissent présentement sur une entreprise agricole n'ont pas de diplôme d'études collégiales. Ils ont moins que cela.
Il y a beaucoup de bons agriculteurs qui n'ont pas de diplôme. À mes yeux, l'école n'est pas simplement une place où on apprend la matière et les techniques. C'est aussi une place où on s'ouvre l'esprit, où on rompt avec l'entreprise familiale. À mon avis, c'est le premier pas vers l'innovation. C'est là où on ouvre son esprit à l'innovation. Si les jeunes ne se placent pas dans ce moule au préalable, ils auront plus de difficulté à innover.
[Traduction]
Le sénateur Buth : Vous dites que 60 p. 100 des jeunes agriculteurs n'ont pas...
M. Marcoux : N'ont pas de DEC, diplôme d'études collégiales.
Le sénateur L. Smith : Quarante-deux pour cent des garçons ne finissent pas l'école secondaire. C'est le taux de décrochage le plus élevé en Amérique du Nord, au même niveau que le Mississippi.
[Français]
Le point de M. Marcoux est donc très important parce qu'il faut développer la base de l'éducation avant de développer la créativité vis-à-vis l'évolution pour les jeunes fermiers.
M. Marcoux : À titre de comparatif, un DEC est grosso modo une formation technique en production agricole mais qui équivaut à la moitié de l'université.
Le sénateur Chaput : C'est donc un cégep?
M. Marcoux : Oui, c'est un cégep.
[Traduction]
M. Beck : En ce qui concerne les études, de nombreux agriculteurs ont des diplômes ou suivent d'autres cours. C'est ce que j'ai fait. J'ai quitté la ferme, et cela a été la meilleure expérience que je n'ai jamais eue. Je dis souvent que probablement 80 p. 100 de la valeur de mon diplôme est attribuable aux gens que j'ai rencontrés, et j'ai rencontré des gens qui étaient à seulement 20 minutes de chez moi et que je n'aurais jamais rencontrés si je n'avais pas suivi ces cours. Je n'ai pas parlé de l'éducation parce que je n'avais que sept minutes pour faire ma présentation.
Quant à l'innovation, c'est un domaine un peu négligé. Les gens ne voient pas nécessairement les agriculteurs comme des innovateurs et on n'exploite pas nos innovations agricoles ou on ne les optimise pas. On ne les voit que comme quelque chose qui nous facilite le travail.
Quand on pense à l'éducation, avec Internet et tout le reste, il n'est plus question de trouver de l'information, mais de faire un tri pour trouver la bonne, alors qu'avant, c'était l'inverse. C'était beaucoup plus difficile de trouver de l'information et d'y accéder, mais généralement, quand on la trouvait, elle était de qualité.
Nous constatons qu'aujourd'hui la plupart des agriculteurs ont un diplôme. Les médias sociaux et tout cet environnement ont également changé notre façon d'obtenir des informations, de les interpréter et de les utiliser.
Le sénateur Buth : Avez-vous des recommandations spécifiques à faire au comité concernant les besoins en gestion de la production ou formation technique?
M. Beck : C'est une bonne question. Je dirais probablement davantage de formation dans les médias sociaux.
Mme Bishop : Le marketing.
M. Beck : Soyons réalistes, si je peux entrer en contact avec un autre producteur de porcs ailleurs qui a le même problème que moi et que je peux lui poser des questions, c'est, pour moi, probablement plus utile que d'essayer de trouver la solution dans un livre. Il n'y a peut-être même pas d'étude sur le sujet de toute façon. Je dois admettre que l'évolution des médias sociaux est tellement rapide qu'on a du mal à suivre, et pourtant je suis le plus jeune et je suis censé être au courant. Ce pourrait être un outil important qui nous permettrait de transférer de l'information entre agriculteurs beaucoup plus rapidement et facilement.
Mme Bishop : C'est anecdotique, mais d'après mon expérience, je vois beaucoup d'associations, comme les associations d'horticulteurs, qui offrent beaucoup de programmes éducatifs, des conférences et des ateliers. Ils font venir des experts qui parlent de différentes techniques de production. Ils organisent des expositions de machines et des foires agricoles en extérieur qui sont très populaires auprès des agriculteurs. Ce sont toutes les compétences non techniques. L'aspect production semble être bien assuré, mais ce n'est pas nécessairement le cas pour l'innovation. Une bonne partie de ce qui est enseigné est très traditionnelle.
Ce que je vois souvent, c'est que les jeunes qui viennent d'une exploitation agricole vont au collège, puis reviennent à la ferme pour y rester. Ils commencent à avoir des idées et à rechercher des marchés et des techniques de marketing différents, parce qu'ils veulent donner une autre orientation à leur ferme.
Le sénateur Buth : En ce qui concerne les coopératives, quelles sont vos limites par rapport à la clientèle? Je suppose que vos produits sont vendus à des prix plus élevés pour soutenir les petites exploitations.
Mme Bishop : À la West End Food Co-op, nous avons effectivement ce genre de relation et de dialogue, parce que nous regroupons les agriculteurs et les consommateurs, ainsi que les travailleurs, qui veulent gagner un salaire décent. Dans ce cas particulier, nous reconnaissons que nous nous adressons à un groupe bien précis. Nous étudions les crédits coopératifs et l'entreprise sociale au sein de l'espace de vente pour rejoindre d'autres groupes.
Cela fait partie de la mission de la West End Food Co-op, des coopératives en général, du fait qu'elles répondent à un besoin. S'il s'agit, par exemple, d'une coopérative gérée par des consommateurs, elle trouve une source de produits moins chère pour ses clients. Les coopératives peuvent reconnaître les différents besoins et ne visent pas nécessairement le haut de gamme. À la West End Food Cooperative, les agriculteurs et les consommateurs sont présents et doivent parler des prix, c'est donc très intéressant.
[Français]
Le sénateur Chaput : Ma première question s'adresse à M. Marcoux. Vous avez mentionné que vous remarquez une diminution dans les études qui touchent la transformation des produits.
M. Marcoux : Les professionnels agroalimentaires.
Le sénateur Chaput : Et cela s'applique à la transformation des produits, à titre d'exemple.
M. Marcoux : Je dirais tout ce qui entoure les entreprises agricoles, y compris la transformation. On voit moins de conseillers aussi.
Le sénateur Chaput : Est-ce inquiétant pour le Québec? Il me semble que vous avez toujours été assez fort dans ce domaine.
M. Marcoux : Très inquiétant, à un point tel qu'une table de travail québécoise a été instaurée par l'Université Laval, l'Union des producteurs agricoles et d'autres partenaires pour se pencher sur cette question.
Le sénateur Chaput : Avez-vous déterminé certains facteurs?
M. Marcoux : Je ne participe pas à la table. Je sais qu'ils en sont seulement au début de leur questionnement. Le constat est fait et ils vont étudier la question.
Le sénateur Chaput : Combien d'emplois génère la transformation des produits dans votre province?
M. Marcoux : Je crois que c'est 140 000, de mémoire.
Le sénateur Chaput : C'est assez élevé.
M. Marcoux : C'est une des grandes forces du secteur agricole québécois.
Le sénateur Chaput : Vous avez aussi mentionné un programme d'aide financière dont le nom m'échappe. Si je ne me trompe pas, vous disiez que le nombre de demandes n'a pas été aussi élevé que ce à quoi vous vous attendiez.
M. Marcoux : Le programme octroie des prêts aux jeunes producteurs qui ne proviennent pas de famille agricole ou qui ne reprennent pas l'entreprise familiale. Les jeunes qui désirent démarrer une entreprise peuvent bénéficier d'un congé de capital et intérêts pendant trois ans, jusqu'à 250 000 $. C'est un programme assez généreux. Je ne veux pas faire de discours alarmiste, car il n'existe que depuis dix mois. Il aurait avantage à être mieux connu, mais effectivement, nous nous attendions à recevoir plus de demandes.
Le sénateur Chaput : Les associations membres de votre fédération réagissent-elles face à cette situation?
M. Marcoux : Nous demandions ce programme depuis cinq ou six ans à la fédération. Je me retrouve un peu dans une position inconfortable parce que les jeunes ne sont pas au rendez-vous pour l'instant, mais nous avons bon espoir que la promotion va changer les choses. Je voulais seulement démontrer que le besoin en financement n'est peut-être pas si important, n'est pas si généralisé pour l'ensemble des producteurs.
Le sénateur Chaput : Ou bien les jeunes ont peur de faire un emprunt, compte tenu de la situation économique.
M. Marcoux : Je ne crois pas, parce que près de 90 jeunes démarrent des entreprises chaque année.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Bienvenue à nos témoins. Si nous voulons de l'innovation et un renouvellement dans le secteur de l'agriculture, nous en avons un exemple avec nos témoins de ce soir.
Je reviens tout juste de l'Île-du-Prince-Édouard, où je suis allé voir PEI Juice Works, à Bloomfield, une banlieue d'Alberton, elle-même banlieue de Summerside. Quoi qu'il en soit, c'est une toute petite partie formidable de l'Île-du- Prince-Édouard. On y trouve une toute nouvelle installation. Un groupe d'agriculteurs qui cultivent la pomme de terre dans cette région ont créé une sorte de coopérative. Ils ont mis leur argent en commun, obtenu des crédits et ont créé une entreprise qui utilise les bleuets qui ne font pas partie de la catégorie Canada no 1, mais les autres qui sont un peu abîmés, pour faire du jus de bleuet, fabriqué à partir de bleuets purs, sans aucun additif. Les antioxydants et l'élément santé de ce produit sont absolument phénoménaux. PEI Juice Works, là encore, un nom de marque moderne et bien trouvé.
Je pense que nous assistons à ce genre de chose partout. Nous avons un gros problème, à Charlottetown. Le marché de producteurs crée un énorme embouteillage. La question actuellement est de savoir si on va agrandir le stationnement et empiéter sur la ferme expérimentale centrale pour accueillir les foules qui veulent fréquenter le marché de producteurs?
Vous êtes à la fine pointe d'une nouvelle évolution pour notre pays, et c'est remarquable
Quand j'étais jeune, j'étais membre de la caisse populaire. Nous étions membres également de la coopérative de Charlottetown, ce qui éloignait les chaînes de magasins parce qu'elles ne pouvaient pas offrir la même chose que la coopérative sur le plan des services et des prix, et bien entendu, en tant qu'actionnaire, on récupérait de l'argent à la fin. C'était absolument fabuleux.
Les caisses populaires ont voulu libérer leurs chaînes pour que la centrale de caisse de crédit puisse devenir un organisme bancaire véritablement national. Maintenant, vous pouvez retirer de l'argent à l'aéroport à un guichet comme n'importe où ailleurs.
Il y a une formidable effervescence. Quels sont les obstacles?
Je vais vous poser une deuxième question au sujet de l'IDC. Comment pouvons-nous vous aider? Qu'est-ce qui empêche dans l'immédiat une expansion de cette partie très importante de notre société?
Mme Bishop : Il s'agit de ce dont nous avons parlé tout à l'heure. Lorsqu'on lance une petite coopérative, c'est une entreprise, mais en raison de la nature du modèle coopératif, on doit créer un conseil d'administration et des systèmes de communications et des éléments administratifs qui sont différents de ceux des entreprises privées qui n'ont pas besoin de passer par certaines de ces étapes.
Le sénateur Duffy : La structure de gouvernance est-elle plus compliquée?
Mme Bishop : En effet; il y a les réunions du conseil d'administration; il faut ratifier les motions; il faut suivre les procès-verbaux et l'ordre du jour, tout ce système que j'ai mentionné tout à l'heure. Une grande société, à mesure qu'elle se développe et si elle devient publique, doit mettre en place tout cela. Dans une coopérative, il faut l'avoir dès le début. À la West End Food Co-op, nous en serons peut-être à un million de dollars par an dans quelques années. Il s'agit d'un processus difficile et fastidieux. Il faut des connaissances et comprendre. L'IDC nous aide sur le plan de la gouvernance et des aspects administratifs, comment établir les articles de constitution en société, comment prendre un procès-verbal, comment établir des conseils d'administration, comment former le conseil d'administration, comment dynamiser nos conseils et toutes ces questions qui sont inhabituelles pour une entreprise qui démarre, en plus des contraintes liées au démarrage d'une entreprise.
L'aspect positif, c'est que les statistiques montrent que les coopératives ont un taux de réussite élevé et qu'elles peuvent regrouper non seulement les produits mais l'argent. La West End Food Co-op en est un exemple extraordinaire puisque nous avons vendu pour 100 000 $ d'obligations dans notre collectivité.
La collectivité s'y intéresse. Nous avons déjà nos clients. Nous avons 250 personnes qui vont venir faire leur magasinage chez nous et des agriculteurs qui veulent produire. C'est un modèle formidable, mais il y a les frais de démarrage, des coûts en temps et en acquisition de connaissances qui sont propres à une coopérative.
Le sénateur Duffy : Connaissez-vous le budget de l'IDC et de ce qu'il en coûterait pour qu'elle continue ses activités?
Mme Markell : Oui, je le connais. Nous sommes l'un des deux organismes qui le gèrent. Le budget global de l'IDC depuis quatre ans est de 19 millions de dollars, soit environ 4 millions de dollars par an. Le problème actuellement est que nous n'avons pas assez d'argent pour être présents partout dans le pays et aider les gens.
En Ontario, l'association des coopératives de l'Ontario et une organisation francophone obtiennent un financement pour aider de nouvelles coopératives partout en Ontario, mais elles ont une personne à Guelph qui doit parler aux gens au téléphone et ne peut pas être dans l'Est ni dans le Nord de l'Ontario.
Le Québec, en plus de ce que le gouvernement fédéral fait avec le programme de l'IDC, offre également 17 centres de ressources en développement coopératif dans toutes les régions pour aider de nouvelles coopératives à se créer. Il y a davantage de coopératives créées au Québec en raison de ce genre de ressources qui les aident partout.
En cette période de restrictions budgétaires, il est très difficile de demander une hausse du financement pour notre initiative de développement coopératif, mais nous l'avons fait l'an dernier. Maintenant, nous demandons simplement de continuer avec ce que nous avons.
D'autres choses peuvent être faites également. La première est le crédit d'impôt pour ceux qui investissent dans leur coopérative. Il existe un programme au Québec que nous aimerions reproduire dans tout le pays. Nous aimerions aussi un fonds de développement coopératif qui pourrait consentir des prêts spécialement aux coopératives, gérées par le secteur coopératif, parce que nous savons ce dont nous avons besoin. Il existe d'autres solutions encore.
Le sénateur Duffy : Cette proposition de crédit d'impôt a-t-elle été présentée au ministre des Finances?
Mme Markell : Oui, et elle a été présentée au Comité des finances. À plusieurs reprises pendant les discussions prébudgétaires, le Comité des finances a recommandé que le plan d'investissement coopératif soit mis en œuvre. Les gens à qui nous parlons nous disent : « Vous voulez dire que cela n'a pas encore été mis en place? », car c'est tellement évident.
J'ai d'autres renseignements à ce sujet, et je peux vous en dire plus.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Monsieur Marcoux, vous avez dit que vous étiez propriétaire d'une ferme laitière de 45 vaches productrices. Lorsqu'on parle de fermes laitières, on parle d'une ferme avec un plus grand nombre de vaches productrices. Vous avez également dit que vous étiez acériculteur. Est-ce que les jeunes qui se lancent en agriculture cherchent à diversifier les opérations? Est-ce que c'est une nouvelle approche?
M. Marcoux : C'est une excellente question. Honnêtement, je n'ai même pas de réponse à vous donner, car ça dépend beaucoup des individus. Chez nous à la ferme, nous avions quatre productions auparavant très diversifiées. On en a délaissé deux et il n'en reste plus que deux.
Si vous me demandez mon opinion personnelle, dans un cas comme le mien, oui, je suis producteur unique, je crois beaucoup plus à la spécialisation et à l'amélioration des connaissances propres à une production particulière qu'à la diversification.
Par contre, je crois qu'il faut encourager la diversification dans le cas d'une entreprise limitée par ses moyens de production. On peut diversifier l'entreprise par l'apport d'un jeune supplémentaire qui contribuerait à transformer la production à la ferme. Dans ce sens-là, oui on en voit de plus en plus. Mais je crois un peu moins à la diversification de la production dans une entreprise.
Le sénateur Robichaud : Nous avons eu l'exemple d'un producteur laitier du Nouveau-Brunswick qui avait innové en se servant de sous-produits qui provenaient non seulement de sa ferme, mais aussi de la communauté.
On sait que, dans le secteur de l'élevage du porc, beaucoup de sous-produits peuvent être transformés en fertilisants. Avez-vous envisagé la possibilité de ne pas vous limiter qu'à un seul producteur et d'utiliser le modèle de coopérative pour l'utilisation de ces produits?
[Traduction]
Monsieur Beck, voulez-vous intervenir?
M. Beck : Sur notre ferme, nous avons diversifié pour que la ferme puisse m'être transférée. Mon père a commencé l'exploitation porcine et j'ai lancé l'exploitation céréalière. Si nous avons élargi l'exploitation céréalière, c'est que les porcs ont besoin de manger le grain et que nous avons beaucoup de fumier de sorte que l'on peut être compétitif avec la culture du grain. J'en ai fait ma principale activité, ce qui m'a permis de croître et d'améliorer mes compétences en gestion. En fin de compte, j'alimente l'autre exploitation et les deux en tirent mutuellement profit. Je reçois l'engrais dont j'ai besoin et mon père obtient les grains de qualité dont nous avons besoin pour produire des animaux de grande qualité.
C'est ce que j'aime appeler le modèle Irving, l'intégration verticale. C'est là où la structure coopérative peut entrer en jeu. Il faut beaucoup de capitaux et d'installations de traitement. Il s'agit de réunir des groupes d'agriculteurs pour faire certaines choses. L'intégration verticale est la voie de l'avenir pour les agriculteurs. Nous devons posséder une plus grande partie de la chaîne et aller plus loin sur cette chaîne.
[Français]
M. Marcoux : J'ajouterais le fait qu'il y a déjà des producteurs qui innovent comme vous venez de le décrire. Ce qu'on voit moins, c'est la propagation des bonnes idées parmi les autres producteurs. On le remarque lorsque que quelqu'un réussit à utiliser un sous-produit X et que sa technique est bonne. C'est probablement la communication avec les autres qui est le point faible.
Le sénateur Robichaud : Communication, éducation, échange entre les producteurs?
M. Marcoux : Communication, échange. Pourtant, il y a déjà beaucoup d'outils en place. Il faudrait savoir quoi faire pour que les producteurs les utilisent. Je n'ai pas la réponse.
[Traduction]
Le sénateur L. Smith : J'écoutais le groupe, et une des choses que nous avons déjà étudiées en ce qui concerne l'aspect bancaire est le problème du capital-risque.
[Français]
Vous avez dit que cela avait été difficile de démarrer votre entreprise.
[Traduction]
Avant de commercialiser les produits de votre jeune entreprise, il y a une transition qu'il faut assurer.
Les investisseurs en capital-risque, de 1995 à 2005 environ, ont été frappés de plein fouet et n'ont pas fait de déclarations, c'est pourquoi ils ont plus ou moins disparu. Maintenant vous avez les gros fonds qui réservent une partie de l'argent pour le capital-risque, mais de quel type d'engagement s'agit-il? Est-ce que vous avez la possibilité de travailler avec les coopératives pour élaborer un plan en trois volets, un plan coopératif? Il semble que si vous voulez devenir membre d'une coopérative, vous devez vous spécialiser dans des produits destinés à un créneau particulier. Si vous êtes dans une jeune coopérative, il y aura un problème d'expansion, et ce sera alors une question de rentabilité.
Dans le cas d'une succession, monsieur Beck, comment obtenez-vous l'argent pour payer le père? Le père s'est établi et a beaucoup de matériel. Il y a une certaine échelle. Quel type de modèle financier peut être mis en œuvre? Ce modèle peut-il être établi avec Financement agricole ou avec une banque? Quel est le meilleur interlocuteur pour établir ce modèle. Vous avez un modèle pour la coopérative, et le sénateur Duffy a posé une question au sujet du concept de crédit d'impôt et de ce que nous pourrions faire pour vous aider. Y a-t-il un modèle du côté coopératif ou du côté de la relève?
[Français]
Est-ce qu'il y a un modèle pour les nouveaux fermiers ou des immigrants qui entrent au pays? Vous avez mentionné le Fonds de solidarité FTQ et Desjardins. Est-ce que ces modèles sont bien communiqués? Possédez-vous l'autorité dans la communauté pour faire la liaison entre les banquiers et les agriculteurs?
M. Marcoux : Je crois que cela se fait assez bien jusqu'à maintenant. La moyenne d'âge des agriculteurs québécois est cinq ans plus jeune que la moyenne canadienne. Il y a donc des jeunes qui arrivent dans le secteur.
Comme je le disais au début, 10 p. 100 des 8 000 jeunes établis en production ne proviennent pas du milieu agricole, ce qui est beaucoup à nos yeux. On croit avoir fait un bon bout de chemin.
Vous avez demandé quels outils on pourrait utiliser afin de mieux transférer l'entreprise agricole ou comment faciliter l'intégration des jeunes. Une des propositions qu'on a déjà soumises serait un fonds d'épargne-retraite.
Et comme on le disait plus tôt, la retraite des parents dépend exclusivement de la valeur des actifs de l'entreprise. Nous croyons que s'il y avait un mécanisme qui permettrait d'économiser en dehors de la ferme alors que les propriétaires travaillent encore, ils seraient beaucoup moins dépendants de la valeur de leur entreprise.
Si on développe ces outils, est-ce qu'on ne pourrait pas arriver à avoir un fonds de pension exclusivement agricole? La France a déjà ce modèle; les producteurs agricoles français contribuent toute leur vie à un fonds de retraite, et lors de leur retraite, ils ont un fonds à prestations prédéterminées à la fin de leur carrière. Cela enlève de la pression sur la valeur des actifs de l'entreprise qui, ensuite, peut se permettre d'être transférée avec moins de dettes, en ne devant pas réhypothéquer l'entreprise. C'est une voie que l'on pourrait explorer davantage.
[Traduction]
Le sénateur L. Smith :Vous l'avez peut-être déjà fait, excusez-moi, mais votre groupe a-t-il trois grandes priorités à nous recommander pour que nous puissions vous aider?
[Français]
Y a-t-il trois priorités que vous pouvez mentionner qui pourraient vous aider dans votre évolution, premièrement, comme coop, deuxièmement, comme producteur autonome avec une succession, et troisièmement, pour les nouveaux fermiers qui entrent dans le secteur?
M. Marcoux : J'aurais trois priorités générales. La première serait qu'on doit se connaître en tant que jeunes agriculteurs. Je reviens encore avec mon idée de recensement. Je trouve inconcevable qu'on soit en train de définir un programme qui s'appelle Cultivons l'avenir quand on ne connaît pas qui seront nos futurs producteurs. À mon avis, c'est un non-sens.
La deuxième chose, on doit discriminer le transfert d'un démantèlement. Il y a des gens qui seraient intéressés à entrer dans une entreprise, mais il est plus attrayant pour les gens qui quittent l'entreprise de retirer l'argent de la vente plutôt que de transmettre leur entreprise. Est-ce qu'on ne pourrait pas créer un fonds pour récupérer d'une certaine façon ce montant afin d'aider davantage les jeunes à installer?
La dernière priorité est sous-jacente à l'épargne-retraite dont je viens de parler, il serait capital d'augmenter le niveau de formation chez nos jeunes.
Le sénateur L. Smith : Très bien.
[Traduction]
Mme Markell : Comme nous l'avons dit dans notre présentation, les trois choses qui, selon nous, sont le plus susceptibles d'aider les nouveaux acteurs à utiliser le modèle coopératif sont premièrement, un programme de formation, des programmes de soutien pour les nouveaux agriculteurs, c'est-à-dire les aspects pratiques de la gestion de l'entreprise, y compris la formation à la production, le plan d'entreprise, ce genre de chose; deuxièmement, un soutien pour le traitement et la distribution régionale des produits alimentaires.
Nous n'en avons pas parlé tout à l'heure, mais je suis sûre que d'autres petites et moyennes entreprises vous l'ont dit, c'est la question des règlements et des normes de sécurité du gouvernement, qui semblent s'adresser aux très grandes entreprises, mais qui n'ont guère de sens pour les petites et moyennes entreprises. Ces contraintes nous compliquent la vie.
Vous avez posé des questions sur la constitution en société et les règlements qui s'appliquent à la création d'une coopérative. Bien plus importants encore sont les règlements gouvernementaux sur les abattoirs et le traitement et ainsi de suite qui n'ont plus aucun sens.
Finalement, c'est l'expansion et la poursuite des programmes qui aident réellement les gens à créer une nouvelle coopérative et leur offrent des conseils spécialisés.
M. Beck : Nous avons eu une séance de groupes avec nos membres, et je vais essayer de résumer en trois points. Le premier concerne les fonds propres, la façon dont nous utilisons le modèle pour transférer ces actifs à la génération suivante. Il existe déjà des outils qui fonctionnent bien, mais nous devons les améliorer à cette fin en particulier.
Le deuxième a trait à la communication. Je pense que j'ai déjà dit plusieurs fois ce soir qu'il faut combler l'écart, parce que les solutions ne sont pas nécessairement compliquées, mais il faut assurer cette transition. Le troisième est le perfectionnement professionnel, pour en revenir à l'agriculture intelligente, et non une agriculture plus difficile.
Le président : Avant de conclure, je tiens à remercier les témoins. Mais nous allons vous envoyer deux questions pour lesquelles nous aimerions une réponse. Il s'agit de l'impact de la vente de produits alimentaires par des chaînes de magasins comme Costco, Walmart, Zellers, Shopper's Drug Mart et même Canadian Tire et Jean Coutu. Nous aimerions avoir vos commentaires à ce sujet. Vous avez touché au sujet, mais pourriez-vous nous envoyer vos opinions sur les médias sociaux et l'impact des médias sociaux sur l'agroalimentaire, la sécurité et l'innovation?
Au nom des membres du comité, nous vous remercions de nous avoir fait part de votre vision et de vos idées.
(La séance est levée.)