Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 16 - Témoignages du 1er mai 2012
OTTAWA, le mardi 1er mai 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 3, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujets : innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles, et protection des sols et son importance sur le plan de l'innovation en agriculture).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, bonjour. La séance est ouverte.
[Français]
Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
[Traduction]
Je m'appelle Percy Mockler. Je suis un sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Madame et messieurs les témoins, merci d'avoir accepté notre invitation. Je vais demander aux sénateurs de se présenter eux-mêmes. Nous avons deux groupes de témoins ce soir, et nous consacrerons une heure à chacun.
Je demanderais au vice-président de se présenter en premier.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Sénateur Frank Mahovlich, Toronto, Ontario.
Le sénateur Plett : Don Plett, Landmark, Manitoba.
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, Manitoba.
Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, Québec.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
Le président : Merci beaucoup, honorables sénateurs.
[Traduction]
Madame et messieurs les témoins, merci d'avoir accepté notre invitation et de venir nous présenter votre vision et vos recommandations quant à l'avenir de l'agriculture au Canada, dans le contexte de notre examen du développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, du renforcement du développement durable de l'agriculture et de l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires.
[Français]
Le comité poursuit son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
[Traduction]
Ce soir, nous entendrons deux groupes. Le premier traitera de l'innovation dans le système agricole et agroalimentaire de la perspective des producteurs agricoles, et le deuxième de la protection des sols et de son importance sur le plan de l'innovation en agriculture.
Le premier groupe se compose de Mme Lisa Campbell, directrice de la recherche, et de M. Jim Everson, vice-président des Affaires générales, tous deux au Conseil canadien du canola. Après leur exposé, les sénateurs leur poseront des questions.
Monsieur Everson, vous avez la parole.
Jim Everson, vice-président, Affaires générales, Conseil canadien du canola : Merci monsieur le président, et bonjour à tous, honorables sénateurs. Merci de nous accueillir aujourd'hui; c'est un plaisir que d'être ici et de vous parler de la recherche et de l'innovation dans le secteur du canola. Je commencerai par deux ou trois points, puis passerai la parole à Lisa Campbell qui vous parlera de notre programme de recherche.
Le canola est un excellent exemple de la façon dont la recherche et l'innovation peuvent mener au succès dans le secteur agricole au Canada. L'innovation et l'investissement constituent l'épine dorsale de notre industrie. Notre slogan est le suivant : « Innovateur. Résistant. Résolu à créer une valeur supérieure et un monde plus sain. » Inventé dans les années 1970 ici même au Canada, le canola est aujourd'hui la culture qui a le plus de valeur pour le Canada. La recherche a mené à une amélioration des propriétés nutritionnelles de l'huile et du tourteau de canola, et aujourd'hui, l'huile de canola est reconnue comme étant une des huiles de cuisson les plus saines disponibles.
Nous aimerions commencer par vous parler un peu du Conseil canadien du canola et du secteur canadien du canola aujourd'hui. Le Conseil canadien du canola est une organisation de chaîne de valeur qui représente l'ensemble du secteur canadien du canola. Nous représentons le point de vue des producteurs, mais nous représentons aussi toute l'industrie dans la chaîne de valeur. Il y a 43 000 cultivateurs de canola. Nous représentons aussi les concepteurs des semences que les agriculteurs utilisent, et qui, d'année en année, développent de nombreuses nouvelles technologies et améliorent la qualité des semences; nous représentons les broyeurs qui transforment les graines en tourteau et en huile, et les exportateurs qui exportent le canola sous forme de graines qui sont ensuite traitées dans le pays importateur.
Le Conseil canadien du canola est l'instrument par lequel l'industrie se réunit en vue d'établir des objectifs et mettre en oeuvre des plans pour l'industrie entière. Voici quelques chiffres importants concernant notre industrie. Le canola est la culture qui offre le plus de valeur aux agriculteurs canadiens; en 2011, il leur a procuré 7,3 milliards de dollars en espèces. L'industrie appuie 228 000 emplois dans tout le pays et représente annuellement 15,4 milliards de dollars pour l'économie nationale.
Depuis de nombreuses années, notre industrie s'attache à établir des objectifs pour le secteur, et notamment l'objectif de 15 millions de tonnes de demandes et de production de canola d'ici 2015. En 2011, les agriculteurs ont produit le nombre record de 14,2 millions de tonnes, et nous sommes donc confiants que ce nombre augmentera et que nous atteindrons notre cible d'ici 2015.
Mme Campbell vous donnera des détails sur nos priorités en matière de recherche; par conséquent, je concentrerai mes remarques sur deux domaines dans lesquels l'investissement et le soutien du gouvernement sont particulièrement importants pour l'innovation dans notre secteur. Le premier porte sur l'ouverture et le maintien de marchés du canola dans le monde. Nos agriculteurs et notre industrie dépendent du commerce extérieur; nous exportons plus de 85 p. 100 de toute notre production. Au fur et à mesure que notre production augmente, ce nombre augmentera lui aussi, car il y a une limite à ce que peut être la consommation au Canada. Nous continuerons donc à exporter de plus en plus notre produit; nous le faisons déjà dans une très forte proportion.
Par conséquent, pour que nous réussissions, il est crucial que nous ayons accès à des marchés extérieurs. Le gouvernement, par le truchement de la diplomatie et des négociations commerciales, a un rôle important à tenir dans la croissance et le maintien de notre accès à ces marchés. Les récents efforts du gouvernement, et en particulier ceux du ministre de l'Agriculture, Gerry Ritz, et du ministre du Commerce international, Ed Fast, ont aidé l'industrie du canola à prospérer grâce à la demande extérieure. Un accès croissant et prévisible à ces marchés crée davantage de revenus au Canada, qui sont ensuite réinvestis dans la recherche et l'innovation. Un élément important de ces efforts consiste à faire baisser les droits sur nos produits par le truchement de traités commerciaux, et nous apprécierions tout effort qui resserrait nos liens économiques avec certains de nos plus gros partenaires économiques, notamment l'Union européenne, le Japon, la Corée du Sud et la Chine.
L'élimination progressive des barrières non tarifaires est importante aussi. La création de lois et règlements fondés sur la science est un élément clé. Le Canada a l'un des systèmes réglementaires les plus efficaces; il veille à ce que toutes les décisions, qu'il s'agisse des intrants de culture, de phytogénétique, d'approbation de biotechnologies ou d'étiquetage des aliments, soient fondées sur des données scientifiques solides. Les pays vers lesquels nous exportons doivent eux aussi avoir des politiques à fondements scientifiques.
Les investissements en recherche et innovation dépendent de la prévisibilité de la réglementation. Sans des systèmes réglementaires à fondements scientifiques de qualité à l'étranger, nous sommes handicapés dans notre capacité de faire avancer nos propres recherches et innovations pour améliorer les caractéristiques du canola et sa durabilité.
Nous encourageons le comité à appuyer un effort ambitieux du gouvernement du Canada en ce qui concerne la promotion d'échanges commerciaux ouverts et libéralisés, la vigilance dans le maintien de l'accès à nos marchés et la promotion de politiques et règlements qui reposent sur des données scientifiques.
La deuxième question sur laquelle j'aimerais attirer votre attention concerne l'importance d'investissements continus dans la recherche publique. Un des domaines est l'entente fédérale-provinciale sur un nouveau cadre stratégique agricole. Mme Campbell vous parlera de certains de nos succès en matière de recherche qui découlent de l'initiative des grappes agroscientifiques, dans le cadre de la stratégie fédérale-provinciale actuelle.
Les ministres fédéral et provinciaux de l'Agriculture se sont rencontrés il y a tout juste deux semaines pour discuter de la négociation d'un nouveau cadre stratégique, la stratégie fédérale en matière d'agriculture relevant conjointement du gouvernement fédéral et des gouvernements provinciaux. Le nouveau cadre stratégique, qui est appelé Cultivons l'avenir 2, appuie non seulement la recherche, mais aussi le développement des marchés et la compétitivité. Un nouveau cadre stratégique doit être mis en oeuvre d'ici avril 2013, dans seulement un an, en remplacement des programmes actuels. Pour que notre secteur puisse poursuivre sa planification et travailler en étroite collaboration avec les gouvernements, nous exhortons le ministre fédéral et ses homologues provinciaux à conclure leurs discussions et à s'entendre sur un nouveau cadre stratégique le plus rapidement possible.
De plus, Agriculture Canada mène d'importants travaux de recherche agronomique dans de nombreuses stations dans l'Ouest canadien, et il est important que cet investissement se poursuive.
Je passe maintenant la parole à Mme Campbell qui va décrire nos travaux de recherche actuels et nos plans pour l'avenir.
Lisa Campbell, directrice de la recherche, Conseil canadien du canola : Merci. L'innovation étant au coeur de l'industrie du canola, le Conseil mène de nos jours de nombreuses recherches dans le domaine de la valeur nutritionnelle de l'huile, de la valeur nutritionnelle du tourteau et des cultures agricoles.
Comme l'a mentionné M. Everson, l'événement principal pour nous à l'heure actuelle est notre grappe scientifique du canola et du lin, qui se déroule dans le cadre de l'initiative des grappes agroscientifiques. Il s'agit d'un programme de 20 millions de dollars financé conjointement par le gouvernement du Canada et l'industrie du canola. Nous pouvons dire qu'au cours des quatre dernières années, il a représenté un investissement sans précédent dans le type de recherches que nous considérons cruciales pour l'avenir de notre industrie.
En ce qui concerne cette grappe, le conseil du canola coordonne — tant au niveau des universités qu'à celui des organismes gouvernementaux — la recherche dans le secteur public qui s'aligne sur les priorités de notre industrie. Cela nous a permis d'ajouter au pouvoir des fonds de notre industrie celui des fonds du gouvernement, et d'augmenter ainsi notre investissement. Dans le cadre de la stratégie Cultivons l'avenir, ce programme a été très bénéfique. Il a aussi été un véritable modèle de coopération, où nous avons eu un rôle prépondérant dans le type de recherche qui développera nos marchés tant au pays qu'à l'étranger et améliorera les cultures agricoles, menant à la rentabilité fondamentale et à la durabilité de nos cultures.
De plus, il nous a offert une occasion unique. Nous avons 81 chercheurs oeuvrant dans cette grappe, et il nous a permis de les réunir tous pour discuter de cette recherche avec les intervenants de notre industrie.
Je parlerai brièvement de chacun de nos domaines de recherche, le premier étant celui de l'huile de canola. L'huile de canola a été le moteur de la valeur de notre industrie en raison de ses caractéristiques relatives à la santé cardiaque. Elle a une faible teneur en gras saturés, est dépourvue de gras trans et est une source d'acides gras essentiels. Nous n'en savons pas encore assez à son sujet, et nous voulons comprendre les autres effets bénéfiques qu'elle pourrait avoir sur des choses comme le diabète.
Un des projets de recherche que nous coordonnons dans le cadre de la grappe est une importante étude sur la santé cardiaque qui analyse les effets des huiles de canola et de lin sur les biomarqueurs des risques de maladie cardiaque. Nous avons jusqu'à présent de nombreuses recherches sur l'huile de canola et sur la mesure dans laquelle elle influe sur les niveaux de cholestérol. Nous n'avons pas beaucoup de recherches qui nous permettent de voir comment elle influe sur d'autres paramètres de santé cardiaque, en plus du niveau de cholestérol, qui se révèle de plus en plus important.
En ce qui concerne nos recherches sur le plan de la santé, la chose la plus importante à mentionner est la façon dont ce programme de grappes nous a permis de mener le type d'essais cliniques qui étaient, auparavant, hors de notre portée. Un exemple concret est la dernière étude sur la santé cardiaque que nous avons menée avant la grappe; nous avons pu faire suivre notre diète spéciale à 36 participants. Dans le cadre de l'étude sur la santé cardiaque que je viens de mentionner, nous avons pu la faire suivre à 130 personnes. C'est important, car nous pouvons maintenant examiner un certain nombre de paramètres que nous ne pouvions pas examiner auparavant, ce qui élargit l'impact et nous donne accès à bien plus de connaissances.
Ces essais tirent tous à leur fin, et nous faisons déjà ce qu'il faut pour en transmettre les résultats aux professionnels de la santé par l'intermédiaire de notre programme CanolaInfo.
Notre deuxième domaine de recherche est celui du tourteau de canola, ou le résidu solide obtenu lors du traitement des grains de canola en vue de l'extraction de l'huile. Le tourteau est riche en protéines, et il est une source précieuse de protéines dans l'alimentation des animaux; cependant, en raison de la rapidité de la croissance de l'industrie du canola, il n'est pas aussi bien compris que les autres sources communes de protéines pour les animaux, et sa valeur nutritive est sous-estimée.
Dans la grappe de la recherche sur le tourteau, on cherche à augmenter la valeur du tourteau de canola. Cela en fait augmenter la contribution économique et a pour résultat que plus d'argent revient dans les poches des agriculteurs.
Un des projets de recherche qui est en cours dans la section du tourteau se penche sur la maximisation de l'utilisation du tourteau dans l'alimentation des vaches laitières. On a constaté par le passé que le tourteau de canola faisait augmenter la production de lait chez les vaches, et il est prisé pour cet attribut; en outre, les études que nous menons actuellement visent à déterminer pourquoi cette augmentation se produit, et si c'est la composition particulière de la protéine qui a cet effet bénéfique sur les vaches laitières. Quand nous en saurons davantage sur le sujet, nous pourrons communiquer avec les spécialistes de la nutrition animale et voir à ce que cette protéine soit intégrée dans les rations selon la bonne formulation.
Le plus grand domaine de recherche dans la grappe, qui représente près de la moitié de notre investissement, se situe au niveau de la culture agricole, ou la façon dont le canola est cultivé. Dans cette grappe, nous avons pu pour la première fois formuler un plan détaillé visant la résolution de certains des problèmes agronomiques les plus pressants. Après une année environ de consultation exhaustive, nous avons mis au point une stratégie détaillée qui traite sept aspects clés de la production des cultures : l'établissement des cultures, la nutrition des cultures, la protection des cultures, la gestion de la récolte et de l'entreposage, la gestion intégrée des cultures et la durabilité.
Dans la section de la production des cultures, 31 recherches sont en cours dans le domaine à divers endroits du Canada; l'objectif ultime est d'améliorer la rentabilité pour l'agriculteur, et d'augmenter la durabilité des pratiques de production de canola dans le futur. À l'heure actuelle, nous en sommes à la dernière année de recherche, et nous travaillons à un plan détaillé de transfert de la technologie afin de nous assurer de communiquer tous les résultats de recherche sur la production des cultures aux agriculteurs canadiens pour qu'ils puissent les mettre en pratique le plus rapidement possible dans leurs fermes.
Le succès de la grappe au cours des dernières années et ce qu'il nous a permis d'accomplir sont remarquables. La grappe a uni l'industrie et le gouvernement dans une collaboration accrue qui s'est exprimé de nombreuses façons différentes.
À l'heure actuelle, le programme des grappes de recherche en est à sa dernière année. Il est censé se terminer le 31 mars 2013, quand le cadre stratégique prendra fin. Compte tenu du succès que ce programme a connu jusqu'à présent, nous serions très heureux de le voir se poursuivre, et nous nous réjouirions de poursuivre la coopération.
Le président : Merci, madame Campbell.
Le sénateur Buth : Merci de votre exposé. J'ai une question pour chacun de vous. La première s'adresse à M. Everson.
Pouvez-vous nous dire quels sont vos principaux marchés d'exportation présentement? Vous avez parlé de cohérence dans la réglementation, et je suppose que cela se rapporte aux barrières non tarifaires. Pouvez-vous nous donner quelques conseils sur ce que le gouvernement du Canada pourrait faire sur le plan des questions de réglementation ou des barrières non tarifaires?
M. Everson : Les États-Unis sont le principal marché d'exportation du canola. Ce pays achète une combinaison de tout ce que nous produisons — graines, huile et tourteau —, et il constitue notre marché permanent le plus précieux.
Il serait suivi par le Japon, à qui nous exportons principalement des graines. Nous vendons de façon très stable et continue des graines au Japon. Dans ce pays, le canola représente entre 40 et 45 p. 100 du marché des huiles végétales, et nous sommes donc très présents dans la vie des gens au Japon.
La Chine représente un marché en croissance pour le canola. Elle achète de plus en plus de graines. Elle est aussi intéressée à acheter davantage de tourteau et d'huile. C'est un marché émergent qui nous intéresse beaucoup.
Le Mexique est un autre marché, principalement pour les graines de canola, et, évidemment, le Canada est aussi un marché pour nous.
Nous avons vendu la récolte de l'an dernier dans 55 marchés différents. Il y a aussi une gamme de plus petits pays que nous servons, mais ceux que j'ai mentionnés plus tôt sont les principaux marchés de l'industrie du canola.
En ce qui concerne les barrières non tarifaires et la réglementation, c'est un élément crucial de nos activités continues. Les tarifs diminuent de plus en plus, grâce aux accords commerciaux internationaux et aux accords de libre-échange, ce qui permet l'accès aux marchés, du point de vue des tarifs. Cependant, pour avoir un accès efficace aux marchés, il faut non seulement avoir accès, mais aussi ne pas être bloqué par des barrières non tarifaires et des réglementations différentes.
Par exemple, en ce qui concerne l'approbation des produits génétiquement modifiés, notre canola est, principalement, un produit génétiquement modifié. On a beaucoup investi dans de nouvelles méthodes et techniques que les producteurs peuvent utiliser, ce qui leur a donné un immense avantage sur le marché et a fait du canola une culture plus rentable. Cependant, c'est une question délicate sur le plan international, et les pays n'ont pas la réglementation permettant qu'un produit donné soit approuvé sur leur marché.
Le problème se situe au niveau du processus d'approbation. Il s'agit de s'assurer que le processus d'évaluation des risques s'appuie sur des données scientifiques et soit ponctuel, et que ces marchés approuvent les produits en temps opportun de sorte que les agriculteurs canadiens puissent adopter les techniques et les semences qui leur procurent de nouveaux avantages pour ce qui est d'exporter leurs produits vers ces marchés.
Ce que le gouvernement du Canada pourrait faire dans ce cas, c'est préconiser des politiques à fondements scientifiques — ce que notre ministre de l'Agriculture fait chaque fois qu'il le peut — pour s'assurer que les politiques sont effectivement fondées sur des données scientifiques. Il pourrait aussi, par le truchement d'accords et de traités commerciaux, chercher des moyens de faire en sorte que nos négociations visent non seulement à faire réduire les tarifs, mais à s'assurer que les règlements sont appliqués de façon juste et en fonction de données scientifiques.
Le sénateur Buth : Madame Campbell, M. Everson a mentionné que le canola est une innovation canadienne. Il a été mis au point au Canada dans les années 1970. Vous n'avez, ni l'un ni l'autre, mentionné le canola de spécialité. J'aimerais que vous nous parliez du canola de spécialité, de la place qu'il occupe dans l'industrie du canola et de ses usages.
Mme Campbell : J'ai parlé un peu de l'huile de canola, et j'ai mentionné qu'elle a une faible teneur en gras saturés et bien des caractéristiques sur le plan de la santé cardiaque. Elle est aussi une source d'acides gras essentiels, dont un est un acide gras omega-3 appelé acide alpha-linolénique. Nous avons de nouvelles variétés sur le marché, appelées canola à teneur élevée en acide oléique. Ce sont des variétés de spécialités qui ne remplacent pas l'huile de canola ordinaire, mais qui ont vu le jour par suite de l'étiquetage des acides gras trans et du besoin en huiles stables, saines sur le plan de la santé cardiaque, qui peuvent remplacer les gras trans et les graisses saturées dans le cas des choses comme les frites et autres aliments frits, les aliments emballés — les choses qui nécessitent une grande stabilité thermique ou stabilité à l'entreposage. Oui, les croustilles aussi.
Nous avons vu une véritable augmentation de la superficie consacrée aux variétés à haute teneur en acide oléique. La demande continue d'augmenter. Dans nos objectifs de 2015, nous les voyons occuper 25 p. 100 de nos superficies. Ces variétés sont utilisées par le secteur des services alimentaires et celui des produits alimentaires industriels, et elles offrent une option saine de remplacement des huiles hydrogénées et des graisses animales qui étaient utilisées auparavant.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Suite à la question du sénateur Buth, vous avez parlé d'organismes génétiquement modifiés, les OGM. Ce problème existe en Europe n'est-ce pas? Vous dites qu'on veut s'assurer qu'il s'agisse d'une approche scientifique. Pour beaucoup de gens, il s'agit d'un sentiment qu'on ne peut justifier et ils aimeraient mieux ne pas voir ce genre d'organisme. Comment peut-on combattre ce sentiment? Le produit est sur le marché depuis longtemps et on n'a jamais démontré qu'il pouvait être nuisible pour la santé, n'est-ce pas?
[Traduction]
M. Everson : C'est exactement ça. Je crois que vous avez défini les circonstances tout à fait correctement. Voilà 15 ans que nous avons recours à la modification génétique; elle s'est révélée être une technologie précieuse pour le producteur, elle présente toutes sortes d'avantages, et elle est manifestement sûre. Je ne crois pas qu'il y ait jamais eu une étude scientifique qui l'ait déclarée dangereuse. De fait, j'ai avec moi un livre, publié par l'Union européenne, qui parle longuement de la biotechnologie et de la modification génétique. Il conclut, essentiellement, qu'à l'issue de toutes leurs études menées au cours des 25 dernières années, il ressort que les récoltes génétiquement modifiées ne diffèrent pas des autres récoltes ordinaires. Du point de vue scientifique, même l'Union européenne a donné le feu vert, en quelque sorte, à la modification génétique.
Cependant, il y a un problème stratégique ici, en ce qui concerne la façon dont les gens la perçoivent. Voilà pourquoi il est important pour nous que nous recherchions les politiques à fondements scientifiques. Nous pouvons exporter notre canola en Europe et ce, à l'issue d'un processus d'approbation selon lequel ils ont fait une évaluation des risques associés aux organismes génétiquement modifiés que nous produisons au Canada et les ont déterminés sûrs. Ils ont donné ces approbations, et nous pouvons donc exporter là-bas.
Le problème que présente le système européen est qu'il n'est pas entièrement fondé sur la science. Ils ont un processus d'approbation à fondements scientifiques, par le truchement d'un organisme appelé European Food Safety Authority, qui est un système axé sur les risques, un système international à fondements scientifiques, mais qui n'aboutit pas sur une pleine approbation. Une fois le processus terminé, l'autorité présente une opinion à ses dirigeants politiques; la demande passe ensuite par un autre processus d'approbation, politique cette fois, qui n'est pas fondé sur des données scientifiques et n'est pas aussi prévisible.
Le sénateur Robichaud : C'est à ce niveau que se situe le problème?
M. Everson : Nous croyons que c'est là qu'est le problème. S'il s'agissait seulement d'un système fondé sur des données scientifiques, ce serait un meilleur système. Si tous les principaux marchés pouvaient approuver les produits dans à peu près la même plage de temps, ce serait fort utile sur le plan des approbations. Si on est approuvé dans un pays et pas dans un autre, on ne peut toujours pas commercialiser le produit parce que l'autre pays ne l'a pas encore approuvé; cela pose certains défis. À notre avis, le système serait meilleur s'il était apolitique et fondé sur des données scientifiques.
Le sénateur Robichaud : Vous l'espérez et priez, tout comme nous d'ailleurs.
M. Everson : Les gens ont besoin de temps pour mieux comprendre la technologie, et c'est en train d'arriver. Nous parlons à vos homologues en Europe. Nous l'avons fait à plusieurs reprises dans le cadre de l'accord commercial entre le Canada et l'Union européenne. Nous parlons régulièrement avec les députés européens. Quelques-uns sont en visite au Canada cette semaine, et nous aurons l'occasion de leur parler de nouveau.
Ils ne s'opposent pas autant à la modification génétique. Ils comprennent la science et l'importance de la science, mais ils doivent faire face à des circonstances politiques. J'en fais l'analogie avec la décision de l'Europe qu'elle n'aime pas le BlackBerry, et le genre de technologies et d'investissements qui ont été consacrés à cette invention canadienne et à quel point celle-ci est une réussite pour nous quant aux emplois et au développement économique qu'elle crée au Canada.
Sur le plan de certaines de nos technologies, je doute que nous accepterions que quelqu'un déclare simplement, sur foi de principes non scientifiques, ne pas aimer la technologie. Cependant, en ce qui concerne ce que nous produisons pour les agriculteurs canadiens et ce qu'ils transforment en valeur, cette biotechnologie a été très importante. Et pour ce qui est de nourrir le monde à l'avenir, elle est encore plus importante. Ces questions doivent absolument être réglées, et c'est par le truchement d'ententes commerciales, de traités internationaux et de règlements à fondements scientifiques qu'elles peuvent l'être.
Le sénateur Robichaud : Dans la mesure où nous ne mettons pas en danger d'autres secteurs, comme la gestion de l'offre.
M. Everson : D'un point de vue de denrée d'exportation, je pense au processus que l'Organisation mondiale du commerce a lancé au sujet des ententes commerciales. La première chose que font tous ces pays quand ils se réunissent est de parler de leurs points sensibles. Dans les négociations commerciales, le Canada n'est pas le seul pays à avoir des points sensibles et des préoccupations; tous les pays en ont. En ce qui nous concerne, nous ne ferions pas de recommandations qui touchent la gestion de l'offre.
Nous sommes d'avis que nous créons une immense valeur économique pour le Canada avec notre industrie du canola. Nous comptons fortement sur l'exportation, et donc, nous avons besoin d'avoir accès à ces marchés. Je crois que la démarche à suivre dans les ententes commerciales est de s'ouvrir et de parler de tout, de tout mettre sur la table. Néanmoins, nos négociateurs sont futés; ils comprennent quels sont les points sensibles pour le Canada et quels sont ceux pour les autres pays; c'est la nature même des négociations.
Le sénateur Plett : Je veux parler de l'huile de canola. Tout d'abord, monsieur Everson, vous avez répondu à la question du sénateur Buth au sujet des exportations. Est-ce que l'huile de canola serait exportée aux mêmes endroits que le canola le serait? Cela irait-il de pair?
M. Everson : Cela dépend du marché. Certains marchés veulent les graines seulement ou l'huile seulement, et d'autres veulent plusieurs produits différents.
Par exemple, nous avons un accord de libre-échange avec les États-Unis, et nous y avons un marché pour les graines, l'huile et le tourteau.
Le cas du Japon est différent, car il n'a aucun tarif sur les graines mais des tarifs plus élevés sur l'huile; il est donc, essentiellement, un marché de graines. Nous lui expédions les graines dont il fait dans le pays la trituration et le traitement pour le marché japonais. Nous vendons très peu d'huile au Japon. Tout cela dépend du marché et de ses circonstances.
Le sénateur Plett : Je crois que nous avons une huilerie de canola à Brandon, n'est-ce pas?
M. Everson : Je ne crois pas qu'il y en ait une à Brandon, pas une usine de trituration. Altona a une usine de trituration
Le sénateur Plett : Il n'y en a pas une à Brandon?
M. Everson : Je ne le crois pas, non.
Le sénateur Plett : Je pensais qu'il y en avait une.
Madame Campbell, vous avez parlé de l'huile de canola et de la santé, qu'elle a une faible teneur en gras saturés, et ainsi de suite. La question que je vais vous poser a une certaine saveur personnelle. Bien des gens de mon âge ont différents problèmes de santé, et on m'a conseillé de consulter un diététicien. Il m'a fortement découragée d'utiliser l'huile de canola. Je croyais bien avoir découvert quelque chose; des amis m'avaient donné un peu d'huile de canola et m'avaient dit que c'était bon pour la santé. Le diététicien m'a dit qu'il préférait que je n'en consomme pas. Une des raisons qu'il m'a données est qu'elle est très, très grasse.
Les messages sont contradictoires. J'aimerais que vous m'expliquiez un peu de quoi il en retourne, puis j'irai le revoir. Je prendrai le compte rendu avec moi et lui dirai que j'ai d'autres renseignements. Je trouve ça intéressant.
Mme Campbell : C'est intéressant. L'huile de canola est de l'huile, elle a donc le même nombre de calories que n'importe quelle autre huile. Elle n'est ni plus grasse, ni moins grasse.
Un des aspects que nous voyons changer dans le domaine de la nutrition, que nous voyons dans certaines des lignes directrices émises par le gouvernement, est qu'auparavant, on parlait de faible teneur en gras, de santé cardiaque et de la nécessité d'éliminer le plus possible de gras de notre alimentation. Manger le moins de gras possible. Maintenant, de plus en plus de recherches disent que ce n'est pas la quantité, mais le type de gras qui est important, et que si les calories que vous consommez sont constituées de gras sains, vous pourrez constater plusieurs très importants effets sur la santé cardiaque — dans la mesure où vous contrôlez la quantité de vos calories, bien sûr.
Le message qui ressort est qu'il ne s'agit pas tant de réduire la teneur en gras que de remplacer dans notre alimentation les gras saturés par un gras sain pour la santé cardiaque, comme l'huile de canola qui est riche en graisse monoinsaturée ou pauvre en acide gras saturés, et les effets bénéfiques sur la santé cardiaque se feront sentir. Nous cherchons activement à communiquer ce message aux diététiciens et autres professionnels de la santé pour éclaircir tout malentendu qu'il pourrait encore y avoir.
Le sénateur Plett : Je vous donnerai le nom du diététicien après la séance, pour qu'il ne soit pas dans le compte rendu.
Mme Campbell : Parfait.
Le sénateur Plett : Je veux que vous communiquiez avec lui et corrigiez ce malentendu.
Mme Campbell : Nous l'appellerons.
Le sénateur Plett : Monsieur Everson, vous avez dit que le canola a représenté 7,3 milliards de dollars en espèces. Combien généralement? Vous avez dit aussi que c'est une culture des plus rentables, je crois. Je suppose que ces 7,3 milliards de dollars représentent le revenu brut de la récolte. Quelle proportion de cela serait le profit? À quel point la culture du canola est-elle profitable pour les agriculteurs, par rapport à celle du blé?
M. Everson : Vous savez, c'est une bonne question, et j'aimerais pouvoir y répondre. Vous avez raison, les 7,3 milliards de dollars représentent l'argent qui revient aux producteurs, et cela augmente tous les ans. Les producteurs sont très intéressés par la culture du canola; ils la trouvent très profitable par rapport aux autres céréales.
N'étant pas agriculteur, je ne crois pas pouvoir quantifier exactement l'écart qu'il y a entre cette culture et celle du blé ou celle des légumineuses. Cela dit, l'intérêt que suscite le canola est motivé par les possibilités de rentabilité que cette culture procure aux agriculteurs. C'est ce qui a mené à l'augmentation de la superficie consacrée au canola au Canada.
Le sénateur Plett : Il est à espérer que nous accueillerons ici un agriculteur qui nous dira combien d'argent il fait.
Le sénateur Eaton : Monsieur Everson, pour en revenir à la question des échanges commerciaux, comme vous le savez, nous essayons de participer aux échanges commerciaux transpacifiques. Entrevoyez-vous des problèmes au niveau de l'incorporation du canola dans ces échanges transpacifiques?
M. Everson : Je crois que, du point de vue du canola, ce serait une bonne chose que le Canada puisse participer à ces échanges commerciaux transpacifiques. Alors non, je ne vois pas de problème à ce niveau.
Le sénateur Eaton : Produisons-nous suffisamment de canola? Vous parlez des États-Unis, du Japon, de la Chine, du Mexique et de l'Inde. Pouvons-nous produire assez pour alimenter tous ces marchés d'exportation?
M. Everson : Nous devons pouvoir avoir accès à de nombreux marchés d'exportation, un accès prévisible, car cela augmenterait la valeur de nos produits expédiés vers ces marchés. Nous devons essayer de les desservir. Bien sûr, selon la demande, il y aura peut-être des problèmes d'offre, mais nous n'avons pas de problème d'offre.
Le sénateur Eaton : Nous n'avons pas encore de problème d'offre?
M. Everson : Je dirais que nous n'avons pas de problème d'offre à l'heure actuelle.
Le sénateur Eaton : Vous pourriez peut-être vous pencher tous deux sur la question suivante : en ce qui concerne les produits génétiquement modifiés et votre grappe avec le lin, ce qui est très intéressant, informons-nous avec assez de dynamisme les gens au sujet de nos produits à fondements scientifiques? Commercialisons-nous aussi efficacement que nous le devrions l'excellence de nos produits agricoles?
M. Everson : Votre observation est pertinente en ce qui concerne le nombre de marchés que nous avons et la taille de ces marchés. Quand il s'agit de faire pencher la balance en notre faveur en faisant la promotion d'un produit dans un pays comme la Chine ou l'Inde, on parle de milliards et de milliards de personnes et de toutes sortes de différences régionales; c'est donc tout un défi à relever. Je crois que nous faisons de notre mieux, et nous ciblons nos efforts le plus possible.
Le sénateur Eaton : Je pose cette question parce que nous n'avons pas aussi bien réussi que nous l'aurions pu dans certains pays d'Europe. Je pense à l'Allemagne, entre autres, qui est tellement contre les cultures génétiquement modifiées. Ne vient-elle pas justement de faire quelque chose au sujet du miel, c'est-à-dire essayer de suspendre les exportations canadiennes de miel si ses tests indiquent que les abeilles ont été dans un champ génétiquement modifié?
Avons-nous changé de démarche? Essayons-nous de faire preuve de plus de dynamisme dans notre marketing à fondements scientifiques?
M. Everson : Je crois que nous travaillons aussi fort que nous le pouvons pour éduquer les décideurs et les consommateurs dans les autres pays.
Nous faisons beaucoup d'efforts d'éducation en ce qui concerne les questions dont Mme Campbell a parlé, notamment la valeur du canola sur le plan de la santé et ce qui le distingue des autres huiles parce qu'il a une faible teneur en gras saturés et qu'il n'a pas de gras trans. C'est ce qui joue vraiment dans l'acceptation par les consommateurs et dans notre capacité d'augmenter notre part des marchés comme les États-Unis et le Mexique, où l'on comprend de plus en plus à quel point l'alimentation est importante pour la santé.
Il n'en va pas de même dans de nombreux autres pays. Je ne crois pas que ce degré de compréhension et l'importance de l'alimentation soient aussi forts, disons, en Inde, qui est davantage un marché axé sur les denrées. Néanmoins, nous nous efforçons beaucoup de faire en sorte que le canola se distingue ainsi.
Le sénateur Eaton : Avons-nous des concurrents pour le canola? D'autres pays réussissent-il aussi bien que vous à promouvoir le canola?
M. Everson : Au Canada, notre culture de canola représente environ 20 p. 100 de la production mondiale, mais nous comptons pour à peu près 85 à 90 p. 100 des échanges commerciaux de canola. Nous ne sommes pas le plus gros producteur; c'est l'Union européenne qui est le plus gros producteur de canola. Nous serions plutôt deuxièmes, avec la Chine. La Chine est aussi un très gros producteur; cependant, l'Union européenne et la Chine consomment elles-mêmes la majeure partie de leur récolte. Nos concurrents seraient l'Australie et, de plus en plus, l'Ukraine, qui cultivent le canola et le colza. L'Ukraine vend présentement beaucoup de colza à l'Union européenne qui l'incorpore dans la production du biodiesel. En ce qui concerne l'exportation des graines, le Canada viendrait au premier rang, suivi de l'Australie.
Le sénateur Eaton : Vous attendez-vous à ce que nous restions en tête?
M. Everson : Oui, je le pense. Notre plan stratégique prévoit que la demande en canola canadien s'élèvera à 15 millions de tonnes d'ici 2015. À peu près 18,5 millions d'acres ont été attribués au canola l'an dernier, et Statistique Canada vient de prévoir que cette superficie augmentera à plus de 20 millions d'acres cette année. Si c'est le cas, et si nous avons une bonne récolte, il est probable que nous nous rapprocherons de cet objectif au cours de cette campagne agricole.
Le sénateur Eaton : Merci.
Le sénateur Mahovlich : Quelle région du pays est la plus favorable pour le canola?
M. Everson : Vous voulez dire pour la culture du canola?
Le sénateur Mahovlich : Oui. L'Ouest? Les Prairies?
M. Everson : Oui. Le Manitoba, la Saskatchewan et l'Alberta. À peu près 48 p. 100 du canola canadien est cultivé en Saskatchewan. L'Alberta vient en deuxième pour la superficie, puis le Manitoba.
Le sénateur Mahovlich : Et où, en Europe, la situation est-elle semblable?
M. Everson : Le canola est cultivé à bien des endroits en Europe — en Allemagne, en France et, dans une certaine mesure, en Angleterre. Il y a une importante superficie de production du colza en Europe.
Le sénateur Mahovlich : Vous dites que l'Inde cultive le sien?
M. Everson : L'Inde ne cultive pas vraiment le canola. Je ne suis pas très au courant de la production de l'Inde. Ils produisent une huile de moutarde.
Le sénateur Mahovlich : Ont-ils été exposés à ce produit?
M. Everson : Il y a en effet de l'huile de canola en Inde, dans une certaine mesure. Je ne peux pas vous dire combien l'Inde en importe. Ce pays importe beaucoup d'huile de palme et d'huile de soja, mais pas autant de canola.
Le sénateur Mahovlich : Je n'utilise toujours pas l'huile de canola dans mes salades. Est-ce que beaucoup de gens utilisent l'huile de canola dans leurs salades?
Mme Campbell : Oui. Un des messages que nous cherchons à diffuser au sujet de l'huile de canola, c'est sa souplesse d'emploi. Elle est parfaite pour les salades. De fait, vous pouvez faire votre propre vinaigrette, la mettre au frigo et...
Le sénateur Mahovlich : Est-ce qu'il y a une marque?
Mme Campbell : Il y a beaucoup d'huile de canola dans les vinaigrettes. Vous pouvez faire votre propre vinaigrette avec cette huile. On peut employer l'huile de canola pour tout ce qu'on fait dans la cuisine. Une huile pour tout. Vous pouvez l'utiliser dans vos salades, son point de fumée est élevé, et elle a une grande stabilité thermique.
Le sénateur Mahovlich : Et dans les oeufs brouillés?
Mme Campbell : Oui, les oeufs brouillés. Vous pouvez l'utiliser pour les fritures. Vous pouvez l'utiliser pour les sautés, et vous pouvez la mettre dans vos muffins.
Le sénateur Mahovlich : Quand vous vendez des graines, par exemple aux États-Unis, peuvent-ils cultiver leur propre canola maintenant? Sont-ils capables de produire leurs propres semences?
M. Everson : Ils produisent effectivement des semences aux États-Unis, dans le nord. Le Dakota du Nord a une assez grande superficie de production de canola, mais cette culture convient surtout aux Prairies canadiennes, même si le Dakota du Nord fait plus ou moins partie de la même zone géographique. On essaie de créer différentes semences pour d'autres parties des États-Unis où le climat est plus chaud, mais c'est au Dakota du Nord qu'on produit la majeure partie du canola américain, c'est-à-dire entre un million et un million et demi de tonnes.
Le sénateur Mahovlich : En Ontario, il n'y a pas de canola.
M. Everson : Il y en a une certaine culture en Ontario. C'est dans la région de New Liskeard que se trouve la plus grande superficie de culture du canola, mais je crois que sa production se situe entre 200 000 et 300 000 tonnes; elle est donc encore petite. Le canola est cultivé là, et un peu au Québec, de même qu'à l'Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Robichaud : Au Nouveau-Brunswick aussi. Ce sont les champs jaunes, n'est-ce pas?
M. Everson : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Ils font des expériences?
M. Everson : Oui.
Le sénateur Mahovlich : Il y a quelques années, nous cultivions le ginseng dans le nord. Il a disparu maintenant. Je constate que la ferme qui le cultivait a arrêté de le faire.
M. Everson : Je crois que les producteurs l'essaient. Ils essaient différentes espèces pour voir lesquelles fonctionnent. Ils voient bien que dans l'Ouest, la production du canola grossit si rapidement et qu'elle est une si bonne occasion pour les producteurs qu'ils veulent l'essayer dans leur propre région.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma question s'adresse à Mme Campbell. Vous avez beaucoup parlé des vertus de l'huile de canola pour la santé et je souscris à votre théorie. Pourriez-vous me dire, très rapidement, la différence entre une huile de canola ordinaire et l'huile de canola légère? Est-ce qu'il s'en fait, d'abord? Je ne sais pas, je vous pose la question.
[Traduction]
Mme Campbell : Je ne suis pas sûre d'avoir très bien saisi. Venez-vous de dire huile de canola, et huile de canola à teneur réduite en gras? Entendez-vous par cela l'huile de canola à haute teneur en acide oléique, une huile spéciale?
Le taux de graisse saturée est le même dans l'huile de canola et dans l'huile de canola à haute teneur en acide oléique. On considère généralement le gras saturé comme celui qui n'est pas bon pour le coeur. La grande différence se situe au niveau du taux d'acide alpha-linoléique, l'acide gras oméga-3. Les acides gras oméga-3 sont très bons pour la santé. Ces acides gras, cependant, deviennent problématiques lorsqu'ils sont chauffés trop longuement, et c'est le cas de la friture ou lorsqu'ils se trouvent dans des biscuits ou des craquelins conservés trop longtemps.
L'huile de canola à haute teneur en acide oléique contient davantage de corps gras monoinsaturés — l'acide oléique — ce qu'on trouve dans ce qu'on appelle le régime méditerranéen, mais la teneur en acide linoléique, par contre, est plus faible. Dans cette huile, la teneur en oméga-3 passe de 11 p. 100 à moins de 3 p. 100.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous avez passé rapidement sur une huile qui m'a obnubilé durant mon enfance, soit l'huile de graines de lin. Il y avait deux huiles, dans mon enfance, que ma mère nous obligeait à prendre à la cuillerée, soit l'huile de foie morue et l'huile de graines de lin. Quelles sont les propriétés de l'huile de graine de lin pour la santé?
[Traduction]
Mme Campbell : L'huile de lin est très différente de l'huile de canola. Sa teneur en acide alpha-linoléique, l'acide gras oméga-3 dont je viens de parler est très élevée — plus de 55 p. 100. L'huile de lin présente pour la santé, des avantages certains. Sa forte teneur en acide gras oméga-3 la rend cependant instable. L'huile de lin peut être conservée au frigidaire dans une bouteille qui la met à l'abri de la lumière. On en verse un petit peu sur les aliments. On peut également la prendre à la cuillère, ce qui est sans doute la manière dont votre maman vous l'administrait. On peut également en mettre sur les céréales. Elle ne doit pas être utilisée pour la friture. Elle ne doit pas non plus être utilisée pour la cuisson au four et doit être conservée au frais. Il s'agit d'une huile spéciale qui occupe une place de choix parmi les aliments santé, mais qui ne concurrence aucunement l'huile de canola, car elle n'a pas les mêmes usages.
[Français]
Le sénateur Maltais : Et si je vous demandais la différence entre l'huile de foie morue et l'huile de graines de lin, que me diriez-vous?
[Traduction]
Mme Campbell : Entre l'huile de foie de morue et l'huile de lin? Les deux sont riches en acides gras oméga-3. Sans entrer dans une longue discussion de leurs propriétés chimiques, disons que dans les acides gras oméga-3 provenant de la mer — du poisson ou des algues — la longueur de la chaîne est différente et la fonction est différente de celle de l'acide alpha-linoléique, qui est, lui, un acide oméga-3 à base de plantes. L'huile de foie de morue est riche en ADH, bonne pour la santé mais, encore une fois, il s'agit d'une huile qui doit être réfrigérée et servie fraîche ou consommée à la cuillère.
[Français]
Le sénateur Maltais : Je conseillerais au sénateur Mahovlich de faire ses œufs brouillés à l'huile de foie morue. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : Merci, monsieur le président. Je souhaite la bienvenue à nos témoins. Certains d'entre nous, originaires de régions autres que les Prairies, ont écouté avec un intérêt particulier ces explications concernant les merveilleuses propriétés du canola, et la rentabilité de cette culture. Je dois dire qu'au cours des 30 et quelques dernières années, cette industrie a su se faire connaître, réussissant à développer un nouveau produit et à le positionner sur le marché. C'est un grand succès pour l'industrie canadienne.
La semaine dernière, je me trouvais dans le sud-ouest de l'Ontario, et l'on m'a dit que la seule chose qu'ils ne peuvent pas cultiver là, c'est le canola, semble-t-il parce qu'il y fait trop chaud.
M. Everson : Je ne suis pas vraiment compétent pour vous parler des conditions agronomiques qui se prêtent, dans les différentes régions, à la culture du canola. Je pense que, dans le sud de l'Ontario, les sols sont beaucoup plus humides. Les conditions agronomiques sont donc très différentes.
Le sénateur Duffy : On m'a dit que le canola n'y était pas encore cultivé, mais j'essaie, naturellement, de réfléchir à ce qu'on pourrait faire pousser à l'Île-du-Prince-Édouard afin de procurer à nos agriculteurs une autre culture commerciale.
M. Everson : Cela me paraît intéressant au niveau de l'innovation dont vous venez de nous parler. D'importants investissements privés sont actuellement consacrés au développement de nouvelles semences de canola, ce qui est, pour notre secteur, une excellente chose. Les entreprises cherchent constamment à proposer, aux producteurs des différentes régions, de nouveaux produits et à élargir la gamme des cultures, y compris celle du canola.
Je suis originaire de l'est de l'Ontario, région qui, il y a 20 ans, était presque entièrement couverte de maïs. Or, on constate maintenant que de grandes étendues sont consacrées à la culture du soja, car les nouvelles semences s'accommodent d'une période de végétation plus courte, ce qui est en outre bon pour l'environnement.
Si les agriculteurs de l'Ontario et du Québec, et des autres provinces de l'Est, s'intéressent à la culture du canola, on peut s'attendre à ce que la science réponde à brève échéance à leurs besoins. Il est possible en effet de développer des variétés végétales mieux adaptées à ces régions.
Le sénateur Duffy : À l'Île-du-Prince-Édouard, nous nous sommes récemment lancés dans l'écrasage de semences de fleurs pour l'industrie des cosmétiques. On me dit que les cosmétiques actuellement produits à l'Île-du-Prince-Édouard empêchent de vieillir. Comme vous pouvez le voir, les résultats sont à cet égard tout à fait probants.
Mais qui dit développement de nouveaux produits, dit modification génétique. Les Européens ne peuvent pas ignorer l'avantage que le canola présente pour la santé cardiovasculaire. L'idée que nous sommes en train de développer des produits qui nous font du bien, améliorant ainsi ce que fait la nature, doit tout de même être prise en compte par les Européens. Mon collègue a parlé tout à l'heure d'aliments Frankenstein, épinglant ainsi les aliments génétiquement modifiés. C'est se prononcer sans tenir compte des données scientifiques. Ne pensez-vous pas que dans la mesure où la science démontre les avantages que cela présente sur le plan cardiovasculaire, nous disposons d'un argument de choix pour essayer de faire comprendre aux Européens que les OMG présentent, sur le plan de la santé, un certain nombre d'avantages.
M. Everson : Nous nous y employons effectivement lorsque nous faisons, dans les diverses régions du monde, la promotion de notre huile de canola. Nous faisons valoir qu'elle tranche par rapport aux autres corps gras, car elle est meilleure pour le coeur. C'est ce que nous disons aux Européens, et je pense que le message commence à passer, même si nous continuons à nous heurter à des obstacles au commerce.
[Français]
Le sénateur Rivard : Votre présentation était claire. Vous avez très bien répondu à toutes les questions posées. Lorsque vous parlez de 228 000 emplois, est-ce que ce sont tous des emplois directs ou si cela inclut des emplois indirects?
[Traduction]
M. Everson : Cela comprend les emplois indirects.
[Français]
Le sénateur Rivard : Quelle est la formule utilisée? En économie, on dit qu'un emploi manufacturier crée un quart d'emplois indirects. Avez-vous élaboré une formule pour arriver à ce nombre de 228 000 emplois ou avez-vous utilisé des formules habituelles, à savoir qu'un emploi manufacturier crée 25 p. 100 d'emplois indirects?
[Traduction]
M. Everson : Je pourrais vous faire parvenir l'étude dans laquelle se trouvent toutes ces données. C'est une étude très complète. Je ne me souviens pas quel est au juste le multiplicateur que l'auteur de l'étude a appliqué aux emplois créés dans le secteur du canola, mais nous nous fions aux résultats obtenus, et aux conclusions qui en ont été tirées. On y trouve la répartition des emplois par province, et les résultats enregistrés au niveau de l'économie, tant dans le secteur des transports, que dans les secteurs de la manutention et de l'agronomie. Il s'agit d'une étude très complète et très détaillée. Nous nous sommes aperçus que l'étude se base sur des niveaux de production assez modestes, alors qu'on constate dans le secteur une production plus élevée et davantage d'investissements, ce qui devrait naturellement entraîner la création d'un plus grand nombre d'emplois et donner des résultats économiques encore meilleurs.
Le sénateur Plett : Je voudrais, pour que tout soit clair, préciser le sens des questions que j'ai posées tout à l'heure. L'entreprise qui, à Brandon, fait la pression à froid du canola, s'appelle Shape Foods. Elle extrait l'huile de graines de canola. Il s'agit d'une pression à froid et non pas de raffinage. Je ne suis pas moi-même très sûr de la différence entre les deux, mais vous êtes sans doute au courant de cela. J'en ai parlé, il y a seulement quelques minutes. Je tenais donc à dire, simplement pour information, que nous extrayons également l'huile de canola.
Il y a, madame Campbell, une deuxième chose que je souhaiterais clarifier. L'huile que m'a interdite mon diététiste, c'est l'huile de lin. Je ne sais pas si cette huile est meilleure ou plus mauvaise pour la santé, mais il semblerait que l'huile de canola ne soit pas contre-indiquée. Je vous prie de m'excuser.
Mme Campbell : Vous m'épargnez ainsi le besoin de faire un appel téléphonique.
Le sénateur Plett : Je tenais à le préciser.
Le sénateur Mercer : Il ne doit pas aller très bien, puisqu'il a mis en composition abrégée le numéro de téléphone de son médecin.
M. Everson : Je vous sais gré de votre observation. On ne vient jamais devant le Sénat du Canada sans apprendre quelque chose. Je songeais aux grandes entreprises de transformation, mais ce ne sont pas les seules à être actives dans le conditionnement de l'huile.
Le sénateur Plett : Elles n'aimeraient peut-être pas que l'on fasse allusion à leur taille. Il nous faudra, la prochaine fois que vous vous trouverez au Manitoba, vous emmener à Brandon.
M. Everson : Je me rendrai chez Shape Foods.
Le président : Il est bon que les choses soient claires, et les faits exposés avec exactitude.
Le sénateur Robichaud : Quelqu'un a parlé tout à l'heure de biodiesel. Une partie de la production canadienne sert-elle au biodiesel?
M. Everson : Une petite partie de la production canadienne est actuellement affectée à la production de biodiesel. Les provinces de l'Ouest, la Colombie-Britannique, l'Alberta, la Saskatchewan et le Manitoba ont toutes opté pour un mélange de diesel et de biodiesel. Le mélange varie d'une province à l'autre. Je crois qu'en Colombie-Britannique, il est de 4 p. 100, ou le sera bientôt. Je crois que dans toutes les autres provinces, il s'agit d'un mélange à 2 p. 100. Le gouvernement fédéral a lui aussi adopté, à l'échelle nationale, un mélange à 2 p. 100 de biodiesel. Cela crée une nouvelle demande pour la matière biologique entrant dans la production de biodiesel.
Le sénateur Robichaud : Par « matière biologique », entendez-vous toute la plante, ou seulement une partie?
M. Everson : Il s'agit de l'huile tirée de la plante. L'huile est extraite par écrasage de la graine. Cela donne, après traitement, du biodiesel. Le mélange à 2 p. 100 devrait, une fois adopté à l'échelle nationale, prendre environ un million de tonnes de graines de canola. La production actuelle s'élevant à 14 millions de tonnes environ, c'est donc de 6 à 7 p. 100 de la production qui serait consacré à la production canadienne de biodiesel. Le canola est bon pour le coeur et, pour les mêmes raisons, adapté à la production de biodiesel. Il convient bien à ces usages industriels. L'huile de canola est, effectivement, à faible teneur en graisses saturées, et elle est donc mieux adaptée aux basses températures. C'est, il est clair, une des matières premières qui convient le mieux à la production de biodiesel.
Le sénateur Robichaud : La culture du canola est une culture assez intensive, non? Il faut donc, pour assurer la conservation des sols, alterner de temps à autre les cultures.
M. Everson : Dans l'Ouest, où l'on cultive le canola, on plante par alternance du blé, des légumineuses, de l'orge commune et d'autres espèces. La culture d'assolement que pratiquent les agriculteurs dépend d'où ils habitent dans l'Ouest, et, aussi, des choix qu'ils opèrent. En ce qui concerne le canola, l'alternance peut se faire tous les trois ou quatre ans. Certains producteurs alternent avec d'autres cultures tous les deux ans. Le canola exige effectivement la rotation des cultures.
Mme Campbell : Au sein de notre grappe de chercheurs scientifiques, nous menons de nombreuses recherches sur la rotation des cultures, sur les divers types de rotation et sur leurs effets à long terme sur les récoltes au Canada.
Le sénateur Robichaud : Nos prochains témoins vont nous parler de conservation des sols. J'aimerais en effet savoir quels sont les types de recherche que vous effectuez en matière de protection des sols, car c'est le fondement même de votre production.
M. Everson : Ce qu'on a pu constater au cours des 10 dernières années, et sans doute nous en dira-t-on davantage sur ce point, c'est que le canola sert de plus en plus de culture d'assolement. Alors qu'auparavant, dans l'Ouest du Canada, une grande partie des terres cultivées restaient en jachère pendant l'été, elles sont maintenant plus souvent mises en culture. Cela atténue l'érosion des sols, ce qui a été une considération majeure.
Le président : Madame Campbell, monsieur Everson, je vous remercie de votre comparution devant le comité. Merci d'avoir partagé avec nous ces éléments de connaissance.
Nous allons maintenant accueillir M. Don McCabe, président du Conseil canadien de conservation des sols.
Monsieur McCabe, merci de vous être rendu à notre invitation. Nous avons hâte d'entendre vos recommandations, et de recueillir votre point de vue et vos conseils quant aux recommandations que le Comité permanent de l'agriculture et des forêts pourrait formuler pour permettre au secteur de continuer à progresser et assurer que le Canada se maintient en tant que chef de file de ce domaine dans le monde.
Don McCabe, président, Conseil canadien de conservation des sols : Je vous remercie d'avoir offert au Conseil canadien de conservation des sols l'occasion de comparaître devant vous. Je précise d'emblée que le conseil sert de tribune non partisane à l'échelle nationale pour promouvoir la conservation des sols. Nous sommes une organisation non gouvernementale indépendante fondée en 1987 pour servir de tribune non partisane à l'échelle nationale et promouvoir la conservation des sols. La publication d'un rapport du Comité sénatorial permanent de l'agriculture, des pêches et des forêts, Nos sols dégradés : Le Canada compromet son avenir, a mené à la création du conseil. L'honorable Herb Sparrow, ancien président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture, des pêches et des forêts s'est démarqué dans la cause de la défense des sols, car il a beaucoup fait pour sensibiliser le pays à la question.
Le Canada se trouve à une époque charnière et c'est maintenant qu'il lui faut tout faire pour conserver ses atouts et améliorer sa position au niveau international. Tout dépend du sol, de sa santé et de sa conservation dans le contexte du paysage terrestre.
Les producteurs de notre pays vont mettre en oeuvre tous les moyens à leur disposition, non seulement pour garantir la viabilité de leurs exploitations, mais, ce qui est plus important encore, pour pérenniser nos ressources.
Agriculteur, je me suis levé un jour et constaté que le chroniqueur météo avait menti et que la météo m'était devenue défavorable. J'ai décidé de me rendre à une vente aux enchères, car à de telles époques, c'est sans doute ce qu'un agriculteur peut faire de mieux. À cette vente, la famille m'a dit qu'à chaque fois que le grand-père, leur père, achetait un livre, leur mère achetait un article de verrerie. Ce jour-là, j'ai acheté un de leurs livres.
Il s'agissait du premier rapport de la Commission de la conservation du Canada, publié en 1910. On y trouve exposées les ressources du pays en matière d'agriculture, de forêt et de pêcheries. Le rapport se penche sur les rendements, sur la fertilité des sols, et les questions à long terme que nous tentons encore de résoudre sont examinées dans ce contexte-là. Certaines choses ont changé, y compris, notamment, l'ordre de grandeur de la production agricole en Ontario, au Nouveau-Brunswick et dans l'ensemble du Canada.
La question qu'il va nous falloir résoudre est essentiellement une question de vocabulaire. Nous ne devons pas récuser le terme de « intensification », car c'est un fait que les villes n'ont toujours pas compris ce qu'il en est. Il convient de préciser, pour ce qui est du sol, que la ville de Toronto s'étend chaque année d'un mille. Ça ne me gêne pas de voir le consommateur se rapprocher de moi, mais je pourrais très bien aussi lui livrer ma production par la route. La réalité est que la conservation des sols et les recherches en ce domaine sont à la base même de notre avenir et c'est cela qui nous permettra de répondre aux besoins de la population. Un autre terme qu'on entend souvent prononcer ces jours-ci, alors qu'approche le sommet Rio+20 qui doit avoir lieu au Brésil, est celui de « durabilité ». Le vaste éventail d'opinions concernant les orientations qu'il conviendrait de prendre à l'échelle mondiale semble nous faire oublier la grande question des sols et des moyens qu'il va falloir, pour cela, donner aux agriculteurs du monde.
Un jour que je quittais les locaux de la Fédération de l'agriculture de l'Ontario, à Toronto, quelqu'un m'a demandé comment je gagnais ma vie. J'ai répondu : « Je suis producteur de cultures commerciales. » Il m'a alors dit : « Faites-vous pousser de la graine de dollar? » Je lui ai répondu « Si tant est que j'aie essayé de le faire, pas une de mes plantes n'a survécu. Je fais pousser du maïs, du soja et du blé. » Il m'a alors dit : « J'adore votre maïs. Au mois d'août, j'en mange tout le temps. » Je lui ai alors répondu : « Non ce n'est pas du maïs doux que je fais pousser. » « Vous voulez dire que vous faites pousser du maïs à bétail? » Je lui ai alors répondu : « Vous pouvez l'appeler ainsi si vous voulez. Moi j'appelle cela une belle occasion, car on trouve des produits du maïs dans 25 p. 100 des épiceries canadiennes. »
On pourrait en dire autant du canola et du blé, car tout cela provient du sol. Il faut faire en sorte que nos recherches permettent de protéger cette ressource pour l'avenir. La meilleure façon d'expliquer la situation serait de dresser un graphique : on met « les années » sur l'axe des X, et « le rendement », sur l'axe des Y, en remontant à 1865, à l'époque où Lincoln occupait la Maison-Blanche, en passant par la dépression de 1930. C'est Norman Borlaug qui, le premier, a envisagé une révolution verte. Il a constaté que de 1865 à 1930, la ligne était droite, et que les rendements de la culture du maïs n'avaient guère changé. Sans de nouvelles technologies, sans les autorisations, la recherche et les améliorations dans la manière de gérer nos sols, il n'y aurait pas eu d'amélioration, et pas, non plus, l'intensification des cultures à laquelle nous sommes parvenus. C'est ainsi que j'ai fini par répondre à cette personne que j'avais rencontrée à Toronto. Je cultive, certes, du maïs, du soja et du blé, mais en fait, je gère les cycles du carbone et de l'azote — en passant par le cycle hydrologique — afin de réduire la quantité d'amidon, d'huile, de carburant, de fibre, d'énergie et de protéine, tout en préservant l'habitat des animaux, et en améliorant la qualité du sol, de l'air et de l'eau. C'est juste que j'aimerais être rémunéré pour cela.
Selon moi, c'est dans ce contexte-là que se situe l'action du comité. Le Canada a été, en matière de recherches, un chef de file. Nous sommes arrivés dans ce pays où nous nous sommes établis et, très rapidement, nous avons acquis de très nombreuses connaissances. Il nous faut maintenant exporter notre vision des choses et communiquer notre savoir-faire en matière de durabilité. Il nous appartient d'être en mesure de nourrir la planète à partir de 2050. Nous en avons les moyens et nous y parviendrons, mais cela exigera que nous nous en tenions aux principes élémentaires de la recherche.
Permettez-moi de conclure en disant que l'alimentation n'est pas seule en jeu. Il ne s'agit pas simplement de biocarburant, et il n'y a pas lieu d'opposer nos besoins alimentaires à nos besoins en carburant. Je suis la preuve vivante de la salubrité alimentaire, ou de l'obésité, au choix. C'est un fait que je fais pousser des choses et que j'y parviens mieux qu'avant parce que j'ai su employer les outils que m'ont fournis l'industrie et le gouvernement. Pour continuer dans cette voie, ces outils me sont nécessaires mais je dois, en outre, pouvoir les faire progresser. La recherche est quelque chose de fondamental, d'essentiel. C'est le fondement incontournable de nos efforts. Le sol dépend de cinq choses, le climat, la topographie, le matériau originel, le biote et le temps. Je suis agriculteur, et lorsque j'ai acheté mon exploitation, j'ai reçu en même temps le climat, la topographie et le matériau originel. J'ai pu jouer avec le biote, et le temps s'est occupé du reste. J'ai besoin de votre aide afin d'assurer que nos travaux de recherche demeurent les meilleurs possibles.
En ce qui concerne les recommandations, je tiens à dire au comité qu'il faudra mettre sur pied un comité de la recherche et de l'innovation agricoles, qui ferait appel à des chefs de file de la production agricole de partout au Canada. Les producteurs agricoles sont au fait des difficultés, si bien qu'ils sont souvent les meilleures sources d'information pour trouver des méthodes novatrices en vue de régler les problèmes. Lorsque, au printemps, je vois mon voisin faire quelque chose, je suis immédiatement porté à en faire autant. Ce qui me motive le plus, c'est de voir quelqu'un tenter quelque chose de différent. À l'heure actuelle, cependant, il me faut aller au restaurant pour leur demander comment ils procèdent, car je ne peux pas leur poser la question directement, et je ne connais, dans l'administration, personne qui soit capable de me répondre. Il faut donc que j'aille rencontrer les gens au restaurant. À l'automne, lorsque leur récolte est particulièrement abondante, je dois retourner au restaurant pour leur demander comment ils ont fait. Lorsque je me suis rendu à la vente aux enchères, je croyais que la famille avait fait faillite, mais ce n'était pas le cas.
Je signale, parmi les domaines de recherche prioritaire, l'agriculture de précision, la technologie à taux variable, la mesure des indicateurs de la santé et de la qualité des sols, ainsi que l'agronomie axée sur les nouvelles variétés et la rotation des cultures. Dans certains de ces domaines, il n'y a pas grand-chose de nouveau, mais c'est un fait que les techniques d'amélioration génétique des cultures ont progressé et qu'elles vont continuer à le faire. Faisons-les connaître, et exportons-les dans le reste du monde.
Il convient en outre d'accroître la recherche en science des sols et sur les pratiques novatrices en matière de gestion du sol. Le sol est le fondement d'un secteur agricole durable. Le sol est le fondement d'une société mondiale. Je précise que lorsque je parle de « société mondiale », je ne parle pas uniquement d'alimentation. On assiste en effet, à la naissance d'une bioéconomie et les agriculteurs canadiens vont être parmi les premiers producteurs de la matière première servant à produire le plastique qui habillera votre prochain téléphone intelligent ou autre appareil, car nous allons produire de tout. Il nous faut renforcer la communication des nouvelles informations issues de la recherche et le transfert technologique aux producteurs, et évaluer les répercussions économiques et environnementales potentielles des projets de recherche. Le transfert de la technologie de tiers par le truchement d'associations de producteurs telles que le conseil s'est avéré un moyen efficace de transmettre les résultats des recherches.
Nous sommes heureux de voir le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts jouer un rôle de premier plan pour ce qui est de promouvoir l'exploitation durable des sols dans le secteur agricole. Le sénateur à la retraite, Herb Sparrow, est un merveilleux exemple d'un homme politique qui a su se démarquer en étant à l'avant-garde du changement dans les pratiques agricoles. Nous sommes ici pour travailler de concert avec vous, et faire ce qu'il faut pour l'ensemble des consommateurs canadiens. Il est dit, à la fin de ce texte de 1910, que les enfants d'agriculteurs n'entendent pas rester à la ferme, mais veulent aller en ville. Les problèmes d'hier demeurent, si tant est qu'on y voie des problèmes, mais on pourrait dire que nos efforts ont été couronnés de succès, car nous avons trouvé les moyens d'action qu'il nous fallait.
En définitive, je suis, certes, agriculteur, mais il m'appartient également de gérer le carbone et l'azote, et à cet égard, l'agriculteur canadien est comme l'agriculteur chinois, l'agriculteur du Tchad, l'agriculteur du Chili, ou l'agriculteur tchécoslovaque. Peu importe le pays, car l'agriculture est en fait plutôt une question d'échelle. Donnez-moi les moyens de faire mon métier, mais j'ai pour cela besoin de votre aide. Je vous remercie de votre attention et c'est très volontiers que je répondrai maintenant à vos questions.
Le président : Merci, monsieur McCabe.
Le sénateur Plett : Je vous remercie de votre exposé. Vous nous avez présenté un certain nombre de recommandations et je suis certain qu'elles vont toutes dans le bon sens.
Pourriez-vous me dire, très brièvement, ce que vous entendez, dans votre seconde recommandation, par agriculture de précision?
M. McCabe : J'entends par agriculture de précision, le fait que, avec les satellites qui entourent la terre et qui permettent les télécommunications instantanées, et qui nous permettent d'équiper nos véhicules d'un GPS, nos exploitations agricoles disposent aujourd'hui de ce même genre de moyens techniques qui nous permettent d'introduire des quantités précises d'azote, de phosphate et de potasse, là où le besoin s'en fait sentir selon les différents sols, selon les besoins exacts des cultures en question. L'injection de ces divers éléments peut maintenant se faire de manière très précise, allant du quart de pouce à quelques millimètres. On ne se contente plus de les répandre un peu au hasard en espérant que les plantes en profiteront.
Ce que je fais, en définitive, c'est acheter au détail et vendre en gros. J'assume moi-même, dans les deux sens, les frais d'acheminement. J'apprécie mes fournisseurs, mais ne m'attends plus à recevoir d'eux un joli calendrier. Mon seul but est de répondre aux besoins de mes plantations, et de faire de mon mieux pour gérer correctement l'environnement. L'agriculture de précision est quelque chose de nouveau qui permet effectivement de faire cela.
Le sénateur Plett : Les idées que vous nous avez exposées ne sont-elles pas déjà appliquées par la plupart des grosses exploitations?
M. McCabe : C'est vrai de certaines exploitations qui soit sont très grandes, soit éprouvent en cela des besoins particuliers. Je vais évoquer le cas des producteurs de pommes de terre ou des producteurs de tomates, car pour eux, la question de la précision se pose effectivement, comme se pose la question du rendement des cultures. L'agriculture est passée par une période difficile du point de vue de la rentabilité. À l'heure actuelle, les agriculteurs ont davantage de marge et ne vont donc pas hésiter à investir. Ce qu'il faut souligner, c'est que nous disposons désormais de technologies nous donnant accès aux informations dont nous avons besoin. Nous ne disposons cependant pas des analyses qui nous permettraient d'en tirer des conclusions utiles. Nous allons devoir, pendant plusieurs années, accumuler les données nécessaires afin de mieux comprendre comment les sols évoluent, et comment réagir à cette évolution.
Le sénateur Plett : Vous proposez, comme première recommandation, la création d'un comité de recherche et d'innovation agricoles, puis recommandez que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts assume en cela un rôle de premier plan. Nous allons à l'issue de notre examen, rédiger un rapport. D'après vous, qui devrait se charger de la mise sur pied d'un comité de la recherche et de l'innovation? Quels sont les partenaires qui devraient se charger de cela? Je suis d'accord que les agriculteurs qui disposent d'une marge financière sont portés à investir et je suis certain qu'ils feraient d'excellents partenaires, mais qui devrait être chargé de mettre sur pied ce comité de la recherche et de l'innovation?
M. McCabe : En ce qui concerne un éventuel échéancier, je me référerai au rapport intitulé Nos sols dégradés, dont une des recommandations portait justement sur la création d'une organisation nationale spécialisée dans la conservation des sols. C'est cette recommandation qui a abouti à la création du Conseil canadien de conservation des sols.
Il s'agit d'une question de la première importance. Je ne dis pas en cela qu'il faille créer une organisation de plus. D'après moi, ce qu'il nous faut c'est un large partenariat. Une partie de ces partenariats existe d'ailleurs déjà. Je peux, à titre d'exemple, citer le Conseil canadien de conservation des sols. Nous comptons, parmi les membres de notre conseil d'administration, la Canadian Cattlemen's Association, une organisation, elle aussi, de producteurs. Les sols n'intéressent en effet pas seulement les récoltes, mais également les pâturages et les problèmes qui en découlent au niveau de la biodiversité.
Il y a également l'Institut canadien des engrais, et puis CropLife Canada, car ce sont nos fournisseurs d'intrants et nous souhaitons collaborer pleinement avec eux, et nous tenir au courant des technologies qu'ils envisagent et des moyens nous permettant de les adopter. Ils participent, eux aussi, à un combat économique international en vue d'amener au Canada les investissements nécessaires. Il est parfois difficile, lorsque vous êtes en concurrence avec des marchés émergents, de savoir où investir, mais nous souhaiterions les voir investir au Canada.
Cela ne concerne d'ailleurs pas seulement les producteurs, mais également les agrofournisseurs. Agriculture Canada a, lui aussi, un rôle à jouer, et il ne faut pas pour cela ignorer Environnement Canada, même si, lorsqu'il examine un problème, il opte en général pour l'emploi d'un seul outil, le plus souvent un marteau. Ils sont parfois un peu énervants dans leur manière de faire, et s'ils commencent, il est vrai, à élargir un peu leur optique, c'est comme cela qu'on les a vu agir dans le dossier de la réglementation. Une grande partie de cela n'exige pas de réglementation, mais plutôt de la pédagogie et de l'extension.
En ce qui concerne Ressources naturelles Canada, je précise que mes exploitations jouxtent des terrains forestiers. Tout fait partie d'un même paysage, qu'il nous faut envisager dans le cadre d'un partenariat. Il nous faut pour cela réunir tous les acteurs concernés.
Le sénateur Plett : Le gouvernement devrait-il jouer en cela un rôle de premier plan ou devrait-il intervenir à titre de partenaire?
M. McCabe : À titre de partenaire. Au niveau de votre rapport, le gouvernement peut jouer un rôle de premier plan dans la création de ce comité, mais si nous voulons que ce comité puisse intervenir efficacement sur le terrain, il faudra qu'il soit piloté par des organisations de producteurs.
Le sénateur Robichaud : Quelle est l'étendue de la dégradation qui s'est produite, disons au cours des 10, 20, 30 dernières années, si tant est que les sols se soient effectivement dégradés? Cela devrait-il être un des principaux axes de la recherche afin, justement, d'inverser la tendance? Pourriez-vous nous fournir des éclaircissements à cet égard?
M. McCabe : Sénateur, vous me laissez là une extrême latitude au niveau de la définition de ce que l'on entend par dégradation.
Le sénateur Robichaud : Ne vous gênez pas.
M. McCabe : Merci. En ce qui me concerne, j'entends par dégradation le coulage de ciment et d'asphalte, car ces deux matériaux m'empêchent de planter des pommes de terre. Un des problèmes que nous ne savons pas encore résoudre est celui de l'urbanisation et de l'intensification qu'il entraîne. J'y vois, en ce qui me concerne, une dégradation.
Dans le contexte plus strict de l'agriculture, prenons l'exemple de la Nouvelle-Écosse. Je voudrais également évoquer le concept de classes de sols. La classification va de 1 à 7. Les sols de classe 1 se prêtent à toutes les cultures. La classe 7 correspond essentiellement à de la pierre. Cette classe est là pour protéger l'enfer de la lumière du jour. Entre les deux, se situent les divers types de topographie, d'inclinaison et de qualité du sol.
On ne trouve pas, en Nouvelle-Écosse de sols de classe 1 et 2, car les glaciers sont passés par là, n'y ont guère laissé de sols propices à la culture et, le sol se formant lentement, il ne s'est pas encore écoulé assez de temps pour cela. Le sol s'y prête bien, par contre, à la culture de la pomme de terre. Mais la culture de la pomme de terre sans rotation des cultures, entraîne une forte dégradation des pentes, et une perte importante de terre végétale.
À l'échelle mondiale, le plus grave problème qui se pose au niveau de la dégradation des sols, est la perte de la matière organique du sol. C'est d'ailleurs pour cela que l'agriculture canadienne est en position de chef de file, car nous pouvons offrir des solutions permettant de rétablir la situation. Nous avons, au Canada, opté pour le Protocole de Kyoto. À l'époque, les milieux agricoles ont entamé une réflexion prospective. Nous savions que cela aurait des incidences sur le ciment, les pesticides, les engrais, les carburants, enfin sur tout ce que j'achète au détail. Nous avons réfléchi à la situation et vu très clairement qu'il nous fallait prendre un certain nombre d'initiatives pour essayer de ralentir le mouvement. Nous avons fini par nous rendre compte que l'agriculture compte pour 10 p. 100 du problème, le chiffre de 8,3 p. 100 calculé par Environnement Canada étant en effet trop difficile à garder en tête, mais que dans la mesure où vous nous en donnez les moyens, l'agriculture comptera pour 20 p. 100 des solutions, et encore plus si vous nous donnez davantage de moyens.
Ce qu'il faut savoir c'est que les plantes réintroduisent du carbone dans le sol et en reconstituent la matière organique, ce qui donne des sols, disons, plus résilients. Il ne s'agit donc pas simplement d'atténuer les risques, mais de s'adapter à l'avenir. Peu importe le mot que l'on choisit d'employer, le sol est à la base de tout.
Il y a donc eu, effectivement, dégradation, mais je dirais qu'au cours des 10 dernières années, la tendance s'est inversée. Ce qui me préoccupe davantage, au cours des 10 dernières années, c'est l'urbanisation. Si vous m'aviez posé cette question dans les années 1960 ou 1970, avec les grands vents que les Prairies ont éprouvés cette année, et avec ce que j'ai ressenti dans le sud-ouest de l'Ontario, où est située mon exploitation, nous aurions vu du noir s'accumuler à l'angle des rues Portage et Main, et cela aurait été dû à l'avancée des terres. Cela ne s'est pas produit. Et cela, en raison de ce que les agriculteurs avaient appris. Nous avons en effet adopté le semis direct ou la culture sans labour. Nous sommes en train de redresser la situation, mais cela veut également dire qu'alors que nous passons à une bioéconomie, nous ne pouvons pas nous permettre de nous reposer sur nos lauriers et de retirer du sol trop de résidus simplement parce qu'on veut nous acheter de la paille.
Je peux dire, sénateur, que je n'ai pas, dans mon exploitation, de déchets agricoles ou de produits de base qui se perdent. Je n'ai que des occasions insuffisamment exploitées et sous-évaluées. Voilà la question qu'il convient de porter à l'attention de tous les acteurs de l'économie canadienne si l'on veut s'opposer à la dégradation, car la dégradation entraîne du gâchis. Je n'ai aucun intérêt à gaspiller.
Le sénateur Buth : Je vous retrouve avec plaisir, monsieur McCabe. Si vous pouviez attribuer une note en matière de conservation des sols en chiffrant la situation actuelle par rapport à 1987, époque à laquelle le sénateur Herb Sparrow était président du Comité sénatorial de l'agriculture, quelle serait la note que vous attribueriez?
M. McCabe : La question est assez insidieuse, car la note pourrait très bien varier selon mon auditoire.
Le sénateur Buth : Vous vous adressez actuellement à un public de sénateurs.
Le sénateur Plett : Dans quelle circonscription entendez-vous vous présenter lors de la prochaine élection?
Le sénateur Buth : Donnez-nous votre réponse de sénateur, ce qui ne vous empêchera pas de donner une réponse différente devant un autre auditoire.
M. McCabe : Je répondrai simplement que la conservation des sols mérite actuellement un B moins, mais qu'elle se dirige vers un A plus. Je dis cela, car quand j'étais jeune, si j'arrivais à la maison avec un B moins, je me faisais assez botter le derrière pour me convaincre que je devais faire un effort supplémentaire. À l'heure actuelle, il nous faut multiplier les efforts pour obtenir une meilleure note. Nous avons déjà beaucoup progressé par rapport au F que nous méritions à l'époque où le sénateur Herbert Sparrow s'est attelé à la tâche.
Le sénateur Buth : Devant un auditoire différent, la note que vous attribuez serait-elle différente?
M. McCabe : Si je m'adressais au ministère des Finances, je leur donnerais immédiatement un F. Nous savons très bien que le budget est en déficit, mais il existe un certain nombre de choses fondamentales qu'on ne doit absolument pas négliger, et j'entends par cela la souveraineté nationale. Or, le meilleur moyen de protéger la souveraineté nationale est de faire en sorte que nos sols soient dans le meilleur état possible, que notre alimentation soit la meilleure et la plus abondante possible, et que nous aidions les autres pays à en faire autant.
Un petit investissement en ce domaine permettra à l'agriculture et aux agriculteurs de faire d'énormes progrès.
Le sénateur Buth : Je vous remercie.
Le sénateur Robichaud : En complément, on vient de dire qu'un petit investissement donnerait de grands résultats. Vous n'entendez pas par cela de l'argent qui serait remis aux agriculteurs, mais bien de crédits affectés à la recherche et à l'innovation?
M. McCabe : Il s'agit bien de la recherche et de l'innovation, car le progrès passe par là. Il existe de nombreuses catégories, de recherche, allant de la recherche fondamentale à la recherche appliquée. Ce que je trouve un peu décourageant dans ce grand monde de l'information — et en disant cela, je n'entends aucunement faire du sarcasme — la meilleure source de renseignement sur les sols est actuellement la Central Intelligence Agency, à Washington, car ici, au Canada, nous ne faisons plus, hélas, grand-chose en matière de prospection des sols. Nous ne disposons pas actuellement de cartes pédologiques numérisées alors que cela nous serait de la plus grande utilité dans le contexte de l'agriculture durable. Il paraît que de telles cartes sont en préparation, mais on nous a souvent dit cela. Si vous n'avez pas une bonne connaissance de vos ressources, c'est que vous ne savez pas planifier.
Le sénateur Robichaud : Je vous remercie.
Le sénateur Mahovlich : Herb Sparrow, Nos sols dégradés : Le Canada compromet son avenir. Est-il satisfait de la situation actuelle? Avons-nous aujourd'hui davantage de sols cultivables qu'il y a 25 ans? La qualité des sols s'est-elle améliorée?
M. McCabe : Dans certaines régions du pays, la qualité des sols s'est améliorée. Cela dit, les surfaces arables sont moins étendues qu'autrefois.
Le sénateur Mahovlich : Nous en avons actuellement moins?
M. McCabe : Oui, car nous continuons à y mettre des constructions. Je n'entends pas, encore une fois, faire preuve de sarcasme, mais même avec le réchauffement de la planète, nous n'augmenterons pas au Canada les surfaces arables. Il y a, en effet, le Bouclier canadien. Il ne s'est pas altéré en quatre milliards d'années; je ne pense pas qu'il va commencer à changer. C'est une réalité.
Le sénateur Mahovlich : Allons-nous perdre des sols?
M. McCabe : Nous perdons des sols dans certaines régions. En raison, cependant, de l'intensification, de l'amélioration des techniques agricoles et des ressources dont nous disposons dorénavant, je vais revenir à l'exemple que j'ai cité en matière de rendement. En Ontario, en 1930, une acre donnait 30 boisseaux de maïs. En 2010, en Ontario, une acre nous donne des quantités record de blé, de soja et de maïs. Nous enregistrons actuellement, dans l'Ouest, des récoltes sans précédent. Ce que vos derniers témoins ont dit de l'industrie du canola est assurément exact. Or, c'est une invention canadienne. Sans ce genre d'innovation, je serais pessimiste à l'égard de l'avenir. Mais je suis actuellement très optimiste, et je pense que ma nièce aura la possibilité de faire ce que mon grand-père m'a permis de faire, c'est-à-dire pratiquer l'agriculture.
Le sénateur Mahovlich : Très bien.
[Français]
Le sénateur Maltais : Monsieur McCabe, vous avez bien expliqué que les sols sont en érosion depuis de nombreuses années. Plusieurs experts nous ont dit que, d'ici l'an 2050, il faudra augmenter la production agricole d'environ 70 p. 100. D'après vous, l'état des sols, actuellement, est-il capable d'absorber une pareille surproduction, si on peut l'appeler ainsi?
[Traduction]
M. McCabe : Je répondrai à votre question sous deux angles : d'abord, celui des sols canadiens, puis celui des sols mondiaux.
Du point de vue des sols canadiens, je crois qu'une statistique des Nations Unies montre que d'ici 20 ans, 6 pays seulement seront capables d'exporter des aliments aux 200 autres pays, plus ou moins.
C'est la qualité de nos sols et notre capacité de produire grâce à eux qui nous permettront de le faire. Ces six pays, si je me souviens bien — ce serait à vérifier — sont le Canada, les États-Unis, le Brésil et l'Argentine. La Russie figure dans la liste, mais il y a le léger problème des perturbations politiques. Je crois qu'on a inséré la France dans cette liste simplement parce qu'on voulait donner la chance à un pays européen d'en faire partie.
Au bout du compte, l'enjeu pour nous au Canada, c'est que j'aie la chance de collaborer avec de bons partenaires comme l'Institut canadien des engrais et CropLife Canada pour trouver des technologies qui me permettent de faire d'autres progrès, de collaborer avec des sélectionneurs de cultures semencières, des chercheurs et des fournisseurs de machinerie aussi, pour faire ce que je dois faire.
Dans un contexte mondial, c'est pourquoi j'utilise la définition selon laquelle les agriculteurs sont les mêmes dans le monde entier. Nous gérons les cycles du carbone et de l'azote, mais nous devons comprendre parfaitement la diversité des sols. Lorsque nous sommes à l'équateur, monsieur le sénateur, nous exploitons des mines de silice, d'aluminium et de fer parce que depuis quatre milliards d'années, les précipitations et le climat ont lessivé ces sols au point où ils en sont réduits à ces minerais de base.
Au Canada, nous sommes très privilégiés parce qu'il y a environ 12 000 ans, il y avait un kilomètre et demi de glace au-dessus de nos têtes, ce qui a réapprovisionné nos sols et nous a donné une nouvelle possibilité. C'est pourquoi avec les possibilités qui s'offrent à nous maintenant de poursuivre nos progrès avec nos partenaires, nous avons la capacité de faire ce que nous pouvons faire.
Je crois honnêtement que nous pouvons appliquer les technologies dont CropLife Canada fait la démonstration dans ses projets à l'échelle mondiale, qui sont mises en oeuvre dans des pays africains ou dans d'autres régions où nous les verrons. J'ai récemment eu la chance de me rendre en Argentine. J'y ai appris, du point de vue d'Air Canada, que vous devez faire la tournée du laitier pour vous rendre en Argentine. La situation est la suivante : vous atterrissez d'abord au Chili. Quand vous quittez Santiago, vous quittez essentiellement Abbotsford, en Colombie-Britannique, parce que là-bas il y a les Andes et ici il y a les Rocheuses, mais vous volez au-dessus de montagnes magnifiques et soudainement, vous voyez apparaître les contreforts, puis vous voyez le paysage des marmites de géants de la Saskatchewan, mais lorsque vous atterrissez à Rio de Janeiro, vous pourriez aussi bien atterrir à Winnipeg parce que vous voyez le même paysage défiler sous l'avion.
Là-bas, leur climat est plus chaud et en trois ans, ils peuvent faire quatre récoltes. Je n'aurai jamais cette possibilité, mais grâce à notre saine gestion, nous devons rester les chefs de file. Pour être un chef de file, j'ai besoin de la recherche et de l'innovation pour m'aider à me tailler une place.
Le sénateur Mercer : Je vous remercie d'être ici, monsieur McCabe. Nous vous sommes reconnaissants de nous consacrer du temps et de nous faire part de vos commentaires.
Le changement climatique a eu un effet sur votre entreprise et vous avez dû vous y adapter. Quel serait le principal changement par rapport aux sols avec lequel vous avez dû composer au cours des 15 dernières années à cause des changements climatiques?
M. McCabe : Je dirais que je n'ai pas modifié mes pratiques de gestion du sol en pensant aux changements climatiques. Les changements climatiques sont un facteur que j'ai toujours en tête, mais d'abord et avant tout, il y a cette petite chose qui s'appelle la Banque Royale et qui voulait un paiement d'hypothèque en date d'aujourd'hui.
Le sénateur Mercer : Je ne les connais que trop bien.
M. McCabe : Je vous comprends. Le fait est qu'un agriculteur doit réagir d'abord en fonction de l'économie mais, en général, tous les agriculteurs se souviennent d'avoir utilisé un jour un petit tabouret pour traire les vaches. Tous les tabourets ont trois pattes. Il y a les facteurs économiques, et les facteurs environnementaux et sociaux sont les deux autres pattes. Vous me parlez d'un point comme les changements économiques et ma réponse, c'est le fait que j'installerai un tirant sur un semoir Sunflower. J'accrocherai un Massey 1155 devant ce semoir. Je vais réduire les risques et m'adapter et, je l'espère, je ferai de l'argent. Je vais m'assurer d'avoir un impact social en dernier lieu.
L'aspect le plus important dans tout ça, c'est que j'améliorerai la santé de mon sol. J'ai adopté une pratique de gestion du sol, le semis direct ou sans travail du sol, qui m'a déjà permis d'obtenir sur ma ferme une récolte de maïs avec un gain de rendement de 50 p. 100, grâce à la sélection de cultures semencières. Cependant, lorsque j'applique des pratiques de gestion bénéfiques, j'augmente encore plus ce rendement.
Les changements climatiques ne mènent pas vraiment ma vie, mais il n'y a aucun doute que j'en tiens compte. Du point de vue des changements climatiques, je dois aussi tenir compte du fait que je fais pousser des céréales qui réagissent au dioxyde de carbone de différentes façons. Les cultures réagissent aux cycles de C3 et de C4. Peu importe ce que je fais, les mauvaises herbes gagneront la partie, mais ça, c'est une tout autre affaire.
Cela revient au fait que je dois toujours être à l'affût de la prochaine percée en matière de recherche et d'innovation qui m'aidera à obtenir les meilleures connaissances. Dès que les météorologues disent une chose, j'ai encore trois plans dans ma petite poche et l'un d'eux comprend une vente à l'encan.
Le sénateur Mercer : Il est intéressant de vous entendre parler d'une augmentation de 50 p. 100 du rendement du maïs, un gain manifestement considérable. Attribuez-vous entièrement cette augmentation à votre gestion du sol, ou y a-t-il d'autres améliorations qui touchent les semences ou les engrais?
M. McCabe : Je vais répondre sans détour : je ne connais pas la recette toute faite pour l'agriculture, mais dès que l'agriculture deviendra prévisible, je démissionnerai. Ce ne sera plus amusant.
Le fait est que je dois prendre des décisions en fonction de ce que j'observe. Actuellement, oui, jusqu'à hier, le semoir à maïs était en marche dans notre région. L'an dernier à pareille date, ce n'était pas le cas. Je n'ai réussi à ensemencer mon dernier champ de maïs que le 10 juin et j'étais terrifié à l'idée de ce qui allait se passer. Mère Nature nous a donné la météo qu'il fallait pour obtenir une bonne récolte.
Mes collègues au Manitoba ont été détrempés le printemps dernier mais ils ont eu un automne sec. J'ai eu un automne humide. Je n'ai donc pas pu respecter ma rotation de cultures. Le mieux que je peux faire, c'est de continuer à essayer sans cesse d'incorporer au bout du compte les meilleures technologies, les meilleures améliorations des semences et d'examiner comment tout cela s'adapte à ma rotation de cultures et à mon plan d'affaires. Ma rotation des cultures est ma pièce maîtresse absolue dont je dois tenir compte et m'assurer que je continue d'améliorer mon sol. Je vais le faire, une étape mûrement réfléchie à la fois, parce que personne ne peut se permettre de décider soudainement d'ensemencer une seule culture sur toute sa terre dans une année donnée. C'est le chemin vers la perdition le plus direct que je connaisse.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Sparrow est plutôt un dur à cuire. Il était ici à mon arrivée et j'avais beaucoup de respect pour lui. C'est au fil du temps que les membres du comité, anciens et nouveaux, nous mettaient au courant de sa réputation. Je sais qu'il est légendaire dans l'Ouest canadien. Ses méthodes, que nous avons décrites, ont non seulement modifié la production céréalière au Canada, mais dans le monde entier, si je comprends bien ce que les gens qui ont suivi ses recommandations en ont dit.
Que devons-nous faire pour passer à l'étape suivante? En quoi consiste l'étape suivante? Le sénateur Sparrow nous a amenés à un niveau. Il y a eu des améliorations depuis, mais devons-nous faire un autre pas important? Je ne parle pas seulement du gouvernement, mais aussi des producteurs et de l'industrie qui approvisionne le secteur.
M. McCabe : C'est une excellente question et les réponses sont nombreuses. D'abord et avant tout, il y a le problème de l'érosion du sol. Nous ne l'avons pas tout à fait réglé. Je ne veux pas vous donner cette impression, mais nous l'avons sans aucun doute freiné. Il y a encore place à l'amélioration et c'est là qu'entre en jeu la poursuite de la vulgarisation et de la communication d'information pour permettre aux agriculteurs de prendre les meilleures décisions à propos de leur terre.
Il y a aussi la question d'être prêts à s'attaquer à de nouveaux marchés. J'ai parlé d'une bioéconomie. J'ai la chance d'agir comme vice-président du Bioindustrial Innovation Centre à Sarnia, en Ontario. Sarnia est une ville de raffineries. Elle n'aime pas plus le cours actuel du pétrole que n'importe qui d'autre. On commence à s'apercevoir que les agriculteurs, les forestiers et les éleveurs de bétail sont les seules personnes qui gèrent vraiment le carbone et que nous avons peut-être une source qu'on devrait peut-être envisager. La prochaine étape consistera donc à faire en sorte que nous ayons une définition de la viabilité et de la santé du sol qui nous permettra de conserver nos atouts concurrentiels et de déterminer l'orientation et les mesures à prendre.
Le dernier point qui m'apparaît le plus important est l'éducation. Je veux souligner que le Conseil canadien de conservation des sols, en partenariat avec les États-Unis et plusieurs de nos partenaires de l'industrie, sera heureux d'être l'hôte du Sixième Congrès mondial sur l'agriculture de conservation à Winnipeg en 2014. Je vous invite tous à venir et à participer à un événement mondial où nous mettrons en évidence la technologie nord-américaine.
Le sénateur Mercer : Cela me semble une invitation intéressante, monsieur le président, que nous ne devrions pas laisser passer.
Quelles améliorations proposeriez-vous pour la conservation du sol? Que pourrions-nous faire aujourd'hui que nous ne faisons pas de façon générale? Je sais que vous avez parlé d'éducation, mais quelles choses devrions-nous faire maintenant? Nous rédigerons un rapport. Quand nous parlerons de conservation des sols, entre autres choses, que devrions-nous y mettre qui serait utile tout de suite? Nous allons parler d'innovations et de recherches peut-être futuristes, mais qu'est-ce qui pourrait aider aujourd'hui?
M. McCabe : Ce qui aiderait concrètement se ramène au refrain bien connu de la recherche fondamentale. Cependant, sur la ferme même, nous réagissons aux marchés parce que c'est ce qui paie les factures. L'Alberta a mis sur pied un marché du carbone. Dans le cadre de cette initiative, on présentait le travail du sol — et en particulier le semis direct — comme la principale possibilité de réduire les émissions de gaz à effet de serre dans cette province. Ainsi, les producteurs de l'Alberta touchent directement de l'argent pour avoir fait la bonne chose.
Résultat net : si vous voulez favoriser la mise en oeuvre d'autres mesures à la ferme, la solution passe par les biens et les services écologiques. Je remets du carbone dans le sol, j'ai éliminé de l'atmosphère ce que vous n'avez pas réussi à éliminer. J'ai utilisé des végétaux pour fixer le carbone dans le sol pour vous et maintenant, j'accepte de l'y laisser.
Après avoir capté le carbone, je vais purifier l'eau pour vous. Je vais garder les sols en place; je vais y retenir les nutriments. Je vais filtrer les nutriments pour vous. Je vais faire tout cela pour la société. En même temps, soudainement, la biodiversité augmente et vous le constaterez facilement, quand vous verrez jusqu'aux plus gros mammifères montrer le bout de leur nez sur votre ferme.
Résultat net : encouragez-moi un peu et je transformerai les prochaines possibilités en réalités pour la société canadienne dans son ensemble.
Le sénateur Mercer : C'est un excellent résumé, monsieur McCabe. Je vous en remercie beaucoup. Nous vous en sommes vraiment reconnaissants.
Le président : Merci beaucoup, monsieur McCabe.
Pour conclure, nous demanderons à la greffière de vous faire parvenir une question par écrit pour éclaircir deux points. Le premier concerne votre mention du rôle de la CIA, et c'est pour moi une première dans le peu d'expérience que j'ai en agriculture. Le deuxième point, c'est que nous aimerions obtenir vos données.
Par ailleurs, nous aurons la chance d'entendre des concessionnaires de machinerie. La mécanisation a un impact sur la conservation du sol — le type d'équipement que nous utilisons, la compaction des sols et ainsi de suite. Nous vous ferons peut-être parvenir quelques questions après votre témoignage.
Sur ce, monsieur McCabe, si vous n'avez pas d'autres remarques à formuler pour conclure, nous vous remercions beaucoup de nous avoir fait part de vos réflexions. Mesdames et messieurs les sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)