Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 17 - Témoignages du 8 mai 2012
OTTAWA, le mardi 8 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 17 h 6, pour examiner, afin d'en faire rapport, les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole (sujet : Agriculture et alimentation au Canada : un appétit de changement croissant).
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Honorables sénateurs, nous souhaitons la bienvenue aux témoins que nous avons invités à comparaître devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. Je m'appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et je préside le comité. Je vais demander à chacun des sénateurs de se présenter avant que nous passions à notre ordre du jour.
Le sénateur Merchant : Je m'appelle Pana Merchant, et je suis de Regina, Saskatchewan.
Le sénateur Mercer : Je m'appelle Terry Mercer, et je viens de la Nouvelle-Écosse.
[Français]
Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, Saint-Louis-de-Kent, au Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, de l'Ontario.
Le sénateur Plett : Don Plett, du Manitoba.
Le sénateur Eaton : Nicole Eaton, de l'Ontario.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ghislain Maltais, du Québec.
Le président : Merci honorables sénateurs. Le comité continue son étude sur les efforts de recherche et d'innovation dans le secteur agricole.
[Traduction]
Aujourd'hui, nous allons entendre deux groupes de témoins. Avec le premier, nous nous intéresserons principalement au rapport intitulé Agriculture et alimentation Canada : un appétit de changement croissant, qui est le fruit d'une étude commandée par l'Institut Macdonald-Laurier. Avec le deuxième groupe de témoins, il sera essentiellement question de l'équipement agricole et de son importance pour l'innovation et l'agriculture.
Honorables sénateurs, notre premier groupe de témoins est composé de Larry Martin, directeur de recherche, George Morris Centre, et de Kate Stiefelmeyer, associée de recherche, George Morris Centre.
Au nom du comité, j'aimerais vous remercier d'avoir accepté de venir nous faire part de vos commentaires et de votre vision. Vous savez très certainement que le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts a reçu du Sénat du Canada le mandat suivant : que le comité soit autorisé à examiner les efforts en matière de recherche et de développement, notamment en ce qui concerne le développement de nouveaux marchés domestiques et internationaux, le renforcement du développement durable de l'agriculture, et l'amélioration de la diversité et de la sécurité alimentaires. J'estime qu'à cet égard, le Canada est le meilleur pays au monde. Bien sûr, nous avons nos difficultés, ça fait partie de la vie.
Je vais d'abord donner la parole à Mme Stiefelmeyer, qui sera suivie de M. Martin.
Kate Stiefelmeyer, associée de recherche, George Morris Centre : Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui à vous parler de l'innovation dans le secteur agroalimentaire. C'est un sujet important, qui pourrait donner un avantage concurrentiel au secteur.
La demande alimentaire augmente de façon exponentielle à cause de la croissance démographique et économique des pays émergents, surtout en Asie et en Afrique. Les populations de ces pays consomment de plus en plus de viande, de produits laitiers, d'oléagineux, et de fruits et légumes frais. L'augmentation de la demande pour la viande stimule également la demande de légumineuses. Parallèlement, les ressources agricoles sont de plus en plus exploitées à des fins non alimentaires, comme les biocarburants.
L'augmentation de la demande se produit alors que les ressources naturelles de certaines régions se raréfient, notamment dans les pays où la demande alimentaire augmente. La conjoncture internationale offre donc toutes sortes d'opportunités au secteur canadien de l'agroalimentaire.
Les entreprises du secteur canadien de l'agroalimentaire ont les compétences techniques et le savoir-faire nécessaires pour faire face à l'augmentation de la demande alimentaire. Le Canada dispose d'une infrastructure considérable, avec notamment ses centres de R-D, ses services vétérinaires et son système d'inspection alimentaire de réputation internationale, sans oublier des ressources naturelles abondantes.
Malgré l'augmentation de la demande alimentaire au niveau mondial et de la demande en produits à valeur ajoutée à l'intérieur de ses frontières, le Canada tarde à se lancer à l'assaut de ces nouveaux marchés. Sa part des exportations mondiales de produits agricoles et alimentaires est en déclin. Notre industrie de la viande rouge est en net recul, alors que la consommation mondiale de ce produit explose; les études montrent qu'en ce qui concerne la productivité manufacturière, le Canada accuse du retard par rapport aux autres pays de l'OCDE. La transformation alimentaire n'y fait pas exception.
Au Canada, les fabricants alimentaires investissent généralement moins dans les équipements que les autres industries et que leurs homologues américains. Au Canada, le secteur de la transformation alimentaire n'a pas l'envergure de son pendant américain.
D'après des études récentes sur l'innovation dans le secteur de la transformation alimentaire, les grandes entreprises sont la locomotive de ce secteur en matière de R-D et d'adaptation technologique.
Nous donnons à l'innovation une définition assez large, car il faut aller plus loin que la R-D. L'innovation ne doit pas se limiter à une idée; il faut qu'elle soit adoptée et mise en œuvre. L'innovation, ça peut être des percées technologiques qui augmentent la productivité, y compris le génie génétique et les nouvelles applications technologiques; ça peut être aussi la découverte de nouvelles applications à des technologies existantes, la découverte de meilleurs intrants. J'ai parlé de percées technologiques, mais il y a tout simplement aussi le fait d'avoir accès à de nouvelles variétés de graines, de nouveaux produits phytosanitaires ou zoosanitaires, qui existent déjà mais qui ne sont pas utilisés au Canada. Ça peut être également la mise au point de nouveaux produits, par exemple de produits de valeur pour les clients de la chaîne d'approvisionnement, notamment la modification de certaines caractéristiques d'un produit ou l'ajout de nouvelles, la modification de l'emballage ou du service offert pour un produit et, enfin, de nouvelles façons de servir les clients.
Que la concurrence se fasse au niveau du prix ou de la différenciation, l'entrepreneur qui prend un risque en introduisant quelque chose de différent pour réduire les coûts ou pour se différencier en tire d'importants bénéfices économiques, parce qu'il a été le premier sur le marché. Autrement dit, l'agriculteur ou le transformateur qui investit dans le but de réduire les coûts et/ou d'augmenter sa productivité en bénéficie.
Pour conserver durablement un avantage concurrentiel, il n'y a pas d'autre solution que de continuer à apprendre et à innover à l'échelle nationale et sectorielle. Les gens doivent être des innovateurs, et les politiques doivent encourager l'innovation.
Je vais maintenant donner la parole à Larry Martin, qui va vous expliquer comment les politiques peuvent encourager l'innovation.
Larry Martin, directeur de recherche, George Morris Centre : Ce que je vais vous dire s'ajoute au document sur l'appétit de changement. Mme Stiefelmeyer et moi avons fait une étude en 2006, avec l'aide d'un grand nombre de personnes au Canada, et certaines des recommandations dont je vais vous parler émanent de cette étude. Nous avons également fait, depuis, cinq études sur la réglementation, notamment par Santé Canada, et ce que je vais vous dire s'en inspire également.
Pour ce qui est de l'agroalimentaire, nous estimons que le plus important, c'est de moins mettre l'accent sur la protection et la préservation, comme on le fait depuis 50 ans, et de favoriser davantage l'instauration d'un environnement plus compétitif, qui stimule l'innovation, c'est-à-dire, conformément à la définition qu'en a donnée Mme Stiefelmeyer, ne pas faire seulement de la recherche et du développement, mais adopter et appliquer les résultats de cette recherche.
Pour y parvenir, nous avons plusieurs suggestions à vous faire qui, à mon avis, sont interdépendantes, c'est-à-dire que, dans la plupart des cas, il ne sert à rien d'en adopter une et pas les autres.
D'abord, il faut modifier le dispositif réglementaire afin d'encourager l'innovation. Mme Stiefelmeyer a parlé tout à l'heure de la grande fiabilité de notre système alimentaire, et cela ne fait aucun doute. En revanche, les procédures d'enregistrement des nouveaux produits sont lentes et inefficaces. Cela décourage l'innovation. Les études que nous avons faites là-dessus au cours des années le démontrent amplement.
Je me garderai bien de préconiser des critères d'inspection et des réglementations plus laxistes. À notre avis, les procédures doivent être rigoureuses mais rapides, à commencer, c'est un minimum, par une harmonisation optimale des procédures scientifiques avec l'Union européenne et les États-Unis. Je parle tout particulièrement des procédures scientifiques. L'Union européenne dispose à l'heure actuelle d'un système supérieur à celui des Américains, et plus rapide à bien des égards.
Deuxièmement, il faut imposer et faire respecter des procédés standardisés, qui doivent être appliqués de façon uniforme. Nous avons constaté, entre autres, que les décisions réglementaires ne sont jamais cohérentes; on ne sait jamais ce qu'on est censé faire et on ne sait jamais ce qu'on vous demandera de faire, sans compter qu'il faut attendre longtemps avant d'obtenir une décision.
Parallèlement à cela, il faut que les décisions de Santé Canada et de l'ACIA soient prises dans des délais impératifs, quitte à féliciter ces deux organisations lorsqu'elles les respectent, comme cela se fait dans d'autres pays. C'est vrai qu'on commence par le haut de la pyramide, mais ce sont des choses fondamentales qu'il faut régler dès le départ.
La deuxième grande recommandation que j'aimerais vous faire est de développer au maximum les exportations de produits agroalimentaires. Personnellement, je pense que nous devrions faire tout ce que nous pouvons pour obtenir un accord à Doha, car, pour un petit pays comme nous, les traités multilatéraux sont bien plus avantageux que les traités bilatéraux. Si, toutefois, nous ne parvenons pas à un accord multilatéral à Doha, il nous faudra alors redoubler d'efforts pour négocier des ententes régionales et bilatérales. Dans ce contexte, il faut s'intéresser en priorité aux produits en aval. En effet, il suffit de consulter les barèmes douaniers qui existent de par le monde pour voir que les produits en aval, c'est-à- dire les produits à valeur ajoutée, sont toujours ceux qui ont le tarif douanier le plus élevé en pourcentage et qui ont la plus grande valeur. L'un des objectifs de Doha était de réduire au maximum les tarifs douaniers les plus élevés, ce qui nous donnerait la possibilité d'augmenter le nombre de nos produits à valeur ajoutée. Voilà pour la deuxième recommandation, mais il y aurait bien sûr beaucoup à dire là-dessus.
La troisième chose qu'il faut faire, en même temps que les deux autres, c'est stimuler la productivité dans l'industrie de la transformation alimentaire. Mme Stiefelmeyer a insisté sur notre retard de productivité; vous avez dit, je crois, que nous investissons moins dans l'industrie alimentaire au Canada que dans l'amortissement. Plus exactement, le volume des investissements a diminué, tout au moins si j'en juge d'après les dernières données que nous avons consultées. C'est en grande partie le résultat des économies d'échelle, vu que notre faible population est disséminée sur un vaste territoire. Comment y parvenir? La première chose à faire est de trouver des débouchés pour nos produits en aval, ce qui nous ramène à ma recommandation précédente. Ensuite, comme on le fait depuis plusieurs années, il faut essayer d'offrir un maximum d'incitatifs fiscaux pour les investissements dans l'automation et l'amélioration technologique de nos usines de transformation. C'est ce que nous avions recommandé en 2006, et dans une certaine mesure, cela a été fait.
Quatrièmement, nous estimons qu'il est important d'offrir des incitatifs aux industries, ce que font beaucoup de pays concurrents, pour les encourager à s'organiser verticalement plutôt qu'horizontalement. Dans notre secteur agricole, nous avons les exploitations agricoles, les entreprises de transformation et les entreprises de vente au détail, et il est rare que l'industrie soit organisée verticalement. Un certain nombre de pays ont encouragé leurs industries à devenir plus compétitives en leur offrant des incitatifs afin qu'elles investissent là où il faut pour devenir plus compétitives. Au Canada, le meilleur modèle que je connaisse est celui de l'industrie du canola, mais il y a certainement d'autres industries qui le font aussi au Canada; les Européens et les Australiens le font aussi. Je pense que cela encourage l'innovation dans la chaîne de valeur.
Cinquièmement, il faut — et nous le faisons déjà un peu, avec des résultats considérables — offrir des incitatifs pour le développement des compétences en gestion d'entreprise, à la fois dans les exploitations agricoles et dans les entreprises de transformation alimentaire. Comme nous l'avons déjà dit, il n'y a pas d'innovation tant que l'entrepreneur n'a pas décidé d'adopter l'idée et de la vendre. Nous avons constaté, chez des gens que nous connaissons, que l'acquisition de solides compétences en gestion d'entreprise produit des résultats remarquables.
Pour terminer, j'aimerais vous recommander d'offrir des incitatifs pour encourager l'autonomie et la gestion privée des risques, afin que les gens comptent moins sur le gouvernement. Je pense que c'est important de le dire. J'ai constaté, au cours des 40 dernières années, que les organisations agricoles et beaucoup d'agriculteurs font tout ce qu'ils peuvent pour essayer d'obtenir le maximum des programmes du gouvernement. S'ils consacraient autant d'efforts à la mise en place d'innovations dans leur propre organisation, ils s'en sortiraient certainement mieux.
Je viens de faire un rapport là-dessus. Il y a aujourd'hui des innovations extraordinaires qui nous viennent du secteur privé, notamment de l'industrie du gaz naturel et du pétrole, qui peuvent aider les agriculteurs à mieux gérer les risques. Ça n'a pas l'air très compliqué. Par exemple, il faudrait obliger les gens à avoir un plan de gestion du risque et une assurance-récolte pour bénéficier du programme Agri-stabilité. Cela ne se fait pas à l'heure actuelle. Et je suis sûr que, si on leur en donne la possibilité et si on les encourage à le faire, il y aura beaucoup plus d'innovation dans le secteur. Je vais m'arrêter là.
Le président : Je vous remercie de votre déclaration.
Nous allons commencer par le sénateur Plett, qui sera suivi du sénateur Robichaud, du sénateur Eaton et du sénateur Mercer.
Le sénateur Plett : Je sais que notre temps est limité, et je vais donc simplement vous lire la moitié de ce que j'ai surligné ici, avant de vous poser une question.
Vous avez été très direct quand vous avez parlé de nos lacunes en matière de recherche et développement. J'ai lu votre synopsis, où vous dites que nous disposons d'un territoire extrêmement vaste par rapport à notre population. Bien sûr, c'est un peu un cercle vicieux. Quand on veut restreindre la superficie des terres, on restreint la superficie des terres arables. Ce n'est certainement pas ça qu'on veut faire, et nous ne cultivons que la moitié de notre territoire, donc il faut oublier ça, car, au nord du 60e, on ne peut pas dire qu'on ne cultive pas beaucoup de blé.
Dans le magazine Ontario Farmer d'aujourd'hui, il y a un article sur la loi sur la sécurité alimentaire que le gouvernement est en train de mettre en œuvre. C'est à croire que le gouvernement a entendu votre recommandation avant que vous nous la présentiez. En tout cas, nous travaillons sur ce dossier.
Le gouvernement n'a pas ménagé ses peines. Nous sommes en train d'essayer de faire partie du Partenariat transpacifique. Vous avez parlé du canola. Je suis sûr que ma collègue, le sénateur Buth, va aborder le sujet, mais c'est une production qui a commencé au Canada. Il y a toute une liste d'accords de libre-échange que nous négocions en ce moment. Nous en négocions un avec la Corée du Sud; nous avons engagé environ 500 millions de dollars pour financer la commercialisation de la prochaine génération de carburants renouvelables, et cetera. Ce sont d'excellentes initiatives. En fait, l'éthanol et le biodiesel réduisent le cycle de vie des émissions de gaz à effet de serre. Ce que nous avons fait équivaut au retrait de1 million de voitures de la circulation.
Je me demande donc dans quels secteurs nous ne faisons pas assez de recherche, de développement et d'innovation. J'aimerais bien que vous soyez un peu plus précis et que vous nous disiez en quoi nous avons été négligents. J'estime que notre ministre de l'Agriculture réussit fort bien à faire la promotion de notre pays dans les différentes négociations de traités de libre-échange auxquelles nous participons. Alors soyez un peu plus précis, je vous en prie, et expliquez- nous ce que, à votre avis, le gouvernement fait de travers, alors que moi j'estime qu'il fait tellement de bonnes choses?
M. Martin : Je vous dis tout de suite que ça ne s'applique pas uniquement au gouvernement actuel. C'est un problème qui remonte à plus longtemps. Je vais vous donner deux exemples précis, et si vous le voulez, je vous en donnerai d'autres.
Pour ce qui est des études qui ont été faites sur le dispositif réglementaire — et je vais essayer d'être précis —, il y en a une que nous avons faite il y a quelques années et où nous avons constaté que l'entreprise qui veut faire enregistrer un produit zoosanitaire au Canada doit attendre en moyenne 893 jours ouvrables, alors qu'en Australie, la décision est prise en 240 jours. Dans un cas précis, un produit a finalement été enregistré au Canada six ans après avoir été enregistré aux États-Unis et tout juste un an avant l'échéance de son brevet. Pour une multinationale qui veut enregistrer un produit au Canada, ça coûte vraiment très cher, surtout que c'est pour un territoire limité. L'ensemble du processus est beaucoup trop long, qu'il s'agisse d'intrants animaux, de nouveaux produits alimentaires ou d'autres produits. Les exemples ne manquent pas de gens qui ont eu une idée novatrice mais qui n'ont pas réussi à faire enregistrer le produit au Canada et ont donc été obligés de le commercialiser ailleurs. Notre système réglementaire est tout simplement trop lent. Il y a même des études qui montrent qu'il n'est pas plus sûr que d'autres systèmes qui sont plus rapides. Il faut donc accélérer le processus. La question n'est pas de savoir si c'est un problème qui a été causé par les gouvernements précédents ou par le gouvernement actuel, c'est un problème qui existe depuis longtemps. J'ai rédigé un rapport là-dessus en 2006, et, la veille de le publier, j'en ai trouvé un autre qui comportait les mêmes recommandations et qui n'avait rien donné.
J'aimerais maintenant parler de l'accès aux marchés. Nous disons dans notre rapport que notre industrie du porc — et Mme Stiefelmeyer y a fait allusion tout à l'heure — est passée de 1,6 million de truies en 2004 à 1,3 million aujourd'hui. Si vous multipliez les 300 000 truies que nous avons perdues par à peu près 25, soit la portée annuelle d'une truie, cela montre que le Canada n'a pas réalisé de valeur ajoutée sur tous ces porcs et que nous avons perdu une part de marché.
En 2007, 2008 et 2009, les prix en Chine étaient plus du double des prix au Canada. La Chine est le plus gros consommateur de viande de porc au monde, mais nous n'avions aucun accès à ce marché. Aucune possibilité d'y écouler notre viande. J'estime qu'il est important que nous puissions exporter nos produits alimentaires sur le marché chinois et sur tous les marchés asiatiques si nous voulons encourager la production, la productivité et l'innovation au Canada. Je sais que nous nous y employons en ce moment, mais ça a pris du temps.
Le sénateur Plett : Je sais que nous avions toutes sortes de problèmes avant 2006, mais nous n'en sommes plus là, nous nous sommes améliorés.
Il est vrai que notre production de porc a diminué. Ça ne fait aucun doute. Je viens de la province du Manitoba. Vous savez bien que le gouvernement de cette province est opposé à l'innovation et à tout ce qui signifie progrès. C'est un gouvernement rétrograde, qui a imposé un moratoire sur la production de porc.
C'est un gros problème, mais ce n'est pas le gouvernement fédéral qui en est la cause, ni l'actuel ni les précédents, car c'est une décision du gouvernement provincial.
Comme vous l'avez dit, nous avons ouvert de vastes marchés en Asie, surtout en Chine. C'est un pas dans la bonne direction, mais au lieu de le dire, vous avez laissé entendre que nous n'avions pas pris la bonne direction et que nous poursuivions notre déclin. Nous avons pourtant pris la bonne direction, n'êtes-vous pas d'accord avec moi, madame Stiefelmeyer?
Mme Stiefelmeyer : Oui, je reconnais que nous sommes dans la bonne voie. Ça souligne l'importance du PTP et de la nécessité absolue, pour nous, de participer à ces négociations.
Le sénateur Plett : Nous faisons des pieds et des mains pour y parvenir.
Mme Stiefelmeyer : Puis-je ajouter quelque chose?
Le sénateur Plett : Excusez-moi, je ne voulais pas vous interrompre.
Mme Stiefelmeyer : Je vous en prie. Je voudrais simplement ajouter qu'au Canada, nous sommes très bons en recherche et développement. Là où ça ne va pas, c'est au niveau de la commercialisation, le canola étant l'exception qui confirme la règle. Nous n'en avons pas fait autant pour beaucoup d'autres produits. Mais ça changera peut-être, avec la disparition de la CCB.
Le sénateur Plett : C'est ce que j'allais dire.
Le sénateur Robichaud : Je dois dire que je ne suis pas d'accord avec vous sur ce dernier point, mais nous entendons toutes sortes d'opinions et nous les respectons.
Mme Stiefelmeyer : Merci.
Le sénateur Robichaud : Monsieur Martin, vous avez dit que le processus d'enregistrement des produits était très long, si bien que des gens allaient les enregistrer ailleurs. Avez-vous des exemples à nous donner?
M. Martin : Je n'en ai pas qui me vienne à l'esprit, malheureusement.
Le sénateur Robichaud : Étant donné que cette affirmation est consignée au procès-verbal, j'aimerais bien avoir des exemples qui l'étayent.
Mme Stiefelmeyer : Nous vous en ferons parvenir.
M. Martin : Nous vous ferons parvenir cela.
Le sénateur Robichaud : Sinon, nous ne pouvons pas y accorder foi.
M. Martin : Nous avons ces renseignements dans notre dernier rapport sur l'industrie alimentaire et les nouveaux produits. Nous avons tout un chapitre sur les produits qu'on ne trouve pas au Canada, dont certains ont été mis au point ici et commercialisés ailleurs. Je suis désolé de ne pas avoir d'exemple en tête, mais nous allons vous faire parvenir ce rapport.
Le sénateur Robichaud : S'il vous plaît.
M. Martin : C'est promis.
Le sénateur Robichaud : Votre quatrième recommandation porte sur l'encouragement de l'intégration verticale. Je ne suis pas tout à fait d'accord, car on élimine ainsi le petit agriculteur.
M. Martin : Non, je ne dis pas qu'il faut encourager l'intégration verticale, mais plutôt que l'industrie doit collaborer de façon verticale. Autrement dit, les producteurs doivent travailler avec les transformateurs, et cetera. Je vais vous donner un exemple.
Le sénateur Robichaud : Je vous en prie.
M. Martin : En Hollande, dans l'industrie des légumes — ce n'est sans doute pas la seule, mais c'est celle que je connais car j'ai eu l'occasion de travailler avec eux —, les producteurs travaillent avec les transformateurs. Ils préparent un plan quinquennal de ce qu'il faut faire pour accroître la compétitivité de l'industrie, en encourageant notamment l'innovation. Dans ce pays, comme dans d'autres d'ailleurs, quand l'organisation qui représente l'industrie — et ça ressemble en quelque sorte à une association professionnelle, ce ne sont pas des entreprises individuelles...
Le sénateur Mahovlich : C'est comme la Commission canadienne du blé.
M. Martin : Non, pas du tout, la Commission canadienne du blé n'a jamais été une association professionnelle.
Le sénateur Robichaud : C'était une association dirigée par des agriculteurs.
M. Martin : Il s'agit d'une association professionnelle, et je pense que le Conseil canadien du canola en est le meilleur exemple au Canada. Cette organisation bénévole représente donc l'industrie et prépare un plan pour en accroître la compétitivité. Le gouvernement décide ensuite d'investir jusqu'à 50 p. 100 de ce dont a besoin l'industrie pour devenir plus compétitive. C'est donc un co-financement des infrastructures dont l'industrie a besoin pour se développer. Ça se fait aussi en Australie, au Chili et au Danemark, je crois. Il ne s'agit pas d'une entreprise mais d'une association professionnelle qui représente l'industrie de façon verticale plutôt que de façon horizontale.
Le sénateur Robichaud : Généralement, quand on parle d'intégration verticale, ce sont les grosses légumes qui contrôlent tout le circuit de la distribution.
M. Martin : Je ne parle pas du tout de ça.
Le sénateur Robichaud : C'est important de le préciser, car le gouvernement que nous avons pourrait fort bien comprendre que vous recommandez l'intégration verticale de l'industrie au sens où je l'entends.
M. Martin : Ce n'est pas du tout ça.
Le sénateur Robichaud : Merci beaucoup.
M. Martin : Pas de problème.
Le sénateur Eaton : Votre témoignage est intéressant, monsieur Martin. On nous a déjà dit, dans d'autres comités, que la recherche était très active au Canada, mais que le problème sesituait au niveau de la commercialisation des résultats de la recherche. Vous savez certainement que l'Ontario a lancé deux initiatives dans le secteur de la santé : le centre MaRS et le Li Ka Shing Knowledge Institute, qui est censé veiller à la commercialisation de la recherche. Je crois que le MaRS commence à obtenir des résultats pour ce qui est des médicaments brevetés.
Pensez-vous que nous devrions recommander, dans notre rapport, la création d'un observatoire ou d'un conseil qui aurait précisément pour mission de veiller à la commercialisation des résultats de la recherche? Il me semble qu'il y en avait un dans le secteur forestier. Nous avons entendu plusieurs témoignages à ce sujet. Leur rôle consistait à surveiller ce qui se passe dans le secteur agricole, ou foresterie en l'occurrence, et de défendre les intérêts de ce secteur. Pensez- vous que nous devrions en faire la recommandation? J'ai l'impression que c'est quelque chose qui manque au Canada. Nous faisons de la recherche, mais nous n'avons rien pour la commercialiser.
Parlez librement, on dirait que vous hésitez à dire ce que vous pensez.
M. Martin : Ce n'est pas mon genre.
La seule réserve que j'ai, c'est que lorsqu'on crée une nouvelle organisation, ça ne produit que de la bureaucratie et rien d'autre.
Le sénateur Eaton : Peut-être pas une nouvelle organisation, un simple conseil consultatif. Comment feriez-vous pour commercialiser toutes ces excellentes recherches qui se font au Canada? Je suis sûre que notre gouvernement va encourager la recherche agricole, mais comment faire pour la commercialiser, pour convaincre les Canadiens de l'adopter? Par des incitatifs fiscaux? Par une meilleure commercialisation?
M. Martin : C'est dur à dire. Je suis en train de lire un livre très intéressant, dont l'un des chapitres est justement consacré à cette question. Il s'intitule Coming Jobs War, et il traite du contexte mondial. Dans un chapitre consacré à l'esprit d'entreprise et à l'innovation, l'auteur montre bien que, comme nous l'avons observé plusieurs fois au cours de cette réunion, avoir une bonne idée et avoir la capacité de la commercialiser sont deux choses différentes. Il n'y a pas d'innovation tant qu'il n'y a pas de transaction. La difficulté, c'est de savoir comment encourager l'esprit d'entreprise,
Le sénateur Eaton : Comment commercialiser l'idée. Y a-t-il une étape intermédiaire pendant laquelle on « conditionne » l'innovation avant son arrivée sur le marché?
M. Martin : Il faut s'assurer que l'entrepreneur potentiel est au courant de l'existence du nouveau produit, et il faut le faire à maintes reprises. C'est la raison pour laquelle j'aime bien l'idée d'un conseil vertical. Vous pourriez peut-être l'envisager. Par exemple, le conseil vertical pour l'industrie du blé, du soja ou autre est chargé, entre autres, de déterminer ce qui peut être utile à l'industrie.
Le sénateur Eaton : Ils s'occupent de la commercialisation.
M. Martin : Oui, surtout si vous leur dites que le gouvernement sera prêt à financer une partie du plan qu'ils proposent.
C'est la raison pour laquelle ça marche très bien dans les autres pays. D'après ce que j'ai compris, c'est une organisation tout à fait bénévole — une association professionnelle verticale, comme je l'appelle —, mais les incitatifs sont là : si l'organisation présente un bon plan, le gouvernement en finance une partie. Ça peut être un investissement dans la commercialisation de l'innovation, ou bien un investissement dans les infrastructures.
J'aimerais vraiment que des membres de l'industrie y participent, car ils sont en mesure de voir d'abord ce qui existe et, ensuite, ce qui est nécessaire en aval.
Le sénateur Eaton : Ils travailleraient aussi avec les universités, avec les centres de recherche de leur propre industrie, et ils s'occuperaient de la commercialisation de tout ça?
M. Martin : Oui.
Mme Stiefelmeyer : Je voudrais simplement dire qu'en plus de l'association dont parle M. Martin, il faut aussi améliorer le dispositif réglementaire, car, sinon, ça sera toujours un obstacle. Il faut absolument que le processus d'approbation des produits soit plus efficace et plus efficient.
Le sénateur Eaton : À quels règlements pensez-vous, en particulier?
Mme Stiefelmeyer : Je parle à la fois de la réglementation, de la législation et de l'administration de tout le processus, car il y a des problèmes à ces trois niveaux, mais c'est l'administration qui est sans doute le plus gros obstacle en raison du manque d'uniformité dans l'interprétation donnée par les différents organes de réglementation, ce qui rend tout le processus incohérent.
M. Martin : Il faut que nous vous fassions parvenir les rapports que nous avons faits, car ils font apparaître une pléthore de problèmes de réglementation.
Le sénateur Eaton : Pour ce qui est des produits alimentaires, pensez-vous que ce serait une bonne idée, par exemple, d'accélérer le processus d'approbation au Canada si ces produits ont déjà été approuvés par l'Australie ou les États- Unis, et vice-versa? Seriez-vous favorable à ce genre de système?
Mme Stiefelmeyer : Oui, ce serait bien, dans un premier temps, de pouvoir approuver la commercialisation d'un produit au Canada, et de disposer ensuite d'un certain délai pour annuler cette approbation, en cas de rapport négatif.
Le sénateur Mercer : Tout ce que vous dites est vraiment intéressant. C'est vrai que la commercialisation des trouvailles de nos chercheurs est un gros défi, qui n'intéresse pas grand monde.
Je sais qu'à l'Université Dalhousie, à Halifax, ils ont mis en place, en collaboration avec le gouvernement provincial au moins, un programme qui s'appelle Industry Liaison and Innovation. Ils ont des gens sur le campus, qui travaillent avec les chercheurs.
Comment commercialiser les bonnes idées qui sortent de vos laboratoires? Sans compter que ça peut avoir des effets secondaires positifs pour les hôpitaux et les universités. J'aime donner l'exemple de l'invention de Pablum, à l'hôpital des enfants malades de Toronto. Pour la SickKids Foundation, les retombées ont été considérables au cours des années.
J'aimerais toutefois passer à un problème plus international, car on parle toujours de la croissance démographique du Canada. Je suis rentré, il y a à peu près un mois, de mon premier voyage en Inde, et les gens me demandent toujours quelles ont été mes impressions. À cela je réponds la saleté et la densité démographique, ceci expliquant sans doute cela, tout au moins en partie. L'Inde va être le pays le plus peuplé du monde d'ici à 2020, et l'économie la plus importante d'ici à 2050.
Il faut donc que quelqu'un leur fournisse de la nourriture, car ils ne sont pas très doués pour ça. Nous savons — et vous le dites dans votre documentation — que l'Australie, le Kazakhstan et le Canada sont les trois pays qui ont le plus de terres arables à y consacrer.
En sommes-nous arrivés à un point où nous devons vraiment réfléchir à la question? Elle est très sérieuse, car la crise s'en vient. Nous n'allons pas pouvoir donner à manger à tous les habitants de la planète si nos trois pays ne réfléchissent pas sérieusement, dans un avenir très rapproché, à la façon dont nous pouvons contribuer à la solution du problème.
Le moment est-il venu pour la communauté internationale d'organiser un sommet mondial de l'alimentation, où les dirigeants du monde entier cesseront un moment d'ergoter sur la guerre au Moyen-Orient ou le réchauffement climatique pour parler sérieusement de la production alimentaire, ce qui aura peut-être un effet positif sur le réchauffement climatique? En sommes-nous arrivés là? A-t-on atteint quasiment un point de non-retour?
M. Martin : Il y a des jours où je vous dirais oui, d'autres où je vous dirais non. Mais en fait, la réponse est oui, il faut vraiment que nous nous attaquions au problème. Si je dis que ma réponse peut varier, c'est parce que nous avons de nouvelles informations extrêmement intéressantes au sujet du ratio stocks-utilisation pour les légumineuses. Ces informations se trouvent dans notre document, et elles indiquent que la tendance est à la baisse, à cause de la décélération de notre production, d'une part, et de l'augmentation rapide de la demande, d'autre part.
Nous sommes dans une situation telle que, cette année, le prix du maïs pourrait être de 3,00 $ ou de 12,00 $ selon le volume de la production de maïs des États-Unis. Quand le marché devient aussi sensible à la production d'un seul pays, il y a vraiment de quoi s'inquiéter. Nous devons sans tarder nous attaquer au problème, car, comme vous le savez, les révolutions qui se sont récemment produites dans un certain nombre de pays ont toutes été déclenchées par des problèmes d'approvisionnement alimentaire, et ce n'est là à mon avis qu'un avant-goût de ce qui risque de se passer d'ici quelque temps. Il nous faut donc nous attaquer au problème, sans tarder.
Le sénateur Mercer : Vous avez parlé du prix du maïs. Il faut rappeler que le prix du maïs ne dépend pas de ceux qui le mangent.
M. Martin : En effet.
Le sénateur Mercer : Il dépend de ceux qui le transforment en éthanol et en biocarburants.
M. Martin : C'est vrai dans une certaine mesure. Je ne cherche pas particulièrement à défendre l'éthanol et les biocarburants, mais je crois que les critiques sont un peu exagérées. Pour la première fois l'an dernier, ou l'année d'avant, la Chine a importé du maïs pour l'alimentation. Elle ne l'avait jamais fait auparavant. Il y a deux semaines vendredi, elle a acheté 1,3 ou 1,4 million de tonnes métriques de maïs pour l'alimentation. À mon avis, l'augmentation de la demande pour la viande contribue autant sinon plus que l'éthanol à l'augmentation du prix du maïs.
Le sénateur Mercer : Vous voulez parler, bien sûr, de l'explosion du marché de la viande rouge en Chine.
M. Martin : Oui.
Le sénateur Mercer : Ce que vous avez dit au tout début de votre déclaration a piqué ma curiosité. Vous avez dit que nous avions en fait raté le coche pour ce qui est de la production de viande rouge. Pourtant, nous sommes les meilleurs au monde dans ce domaine, avec nos collègues américains, puisque la viande de bœuf traverse la frontière dans les deux sens. Nous excellons là-dedans, nous savons faire.
M. Martin : Oui.
Le sénateur Mercer : Malgré tous ces excellents éleveurs que nous avons dans l'ouest du Canada, nous avons raté le coche parce que nous ne réussissons pas, faute d'une bonne commercialisation, à exporter notre viande sur les marchés internationaux.
Nous avons parlé de la viande rouge. Le sénateur Plett a parlé de la viande de porc. Avons-nous raté le coche pour d'autres produits également? Je pense que ce sont les deux principaux.
M. Martin : Au risque d'ouvrir une boîte de Pandore, je dirai que les deux produits dont la consommation augmente le plus dans le monde sont les produits laitiers et la volaille, et nous avons choisi de ne pas participer.
Le sénateur Mercer : Nous avons choisi de ne pas participer, et pour de bonnes raisons, je pense. Si nous abandonnons le système de la gestion de l'offre, je ne vois pas comment, tout au moins à court terme, nous pourrions devenir des participants importants. Je suppose que l'intégration verticale que redoute le sénateur Robichaud se ferait en moins de deux, notamment pour la volaille.
M. Martin : En effet, et ça a déjà quasiment commencé.
Le sénateur Mercer : Peut-être.
Pour ce qui est des incitatifs pour la transformation et la gestion d'entreprise, comment cela pourrait-il se faire?
M. Martin : Il existe depuis quelques années des programmes qui donnent de bons résultats. Je vais éviter de parler de 2006, car je pense que les deux derniers gouvernements ont mis en place des programmes intéressants pour encourager les agriculteurs et les autres acteurs de la chaîne alimentaire à acquérir des compétences en gestion d'entreprise.
Au George Morris Centre, nous donnons des cours intensifs et avancés en gestion d'exploitations agricoles. Nous avons également un programme pour ceux qui travaillent dans l'industrie alimentaire. C'est en fait un genre de mini MBA, où l'on enseigne la finance, le marketing et tout ce qu'il faut pour améliorer ses compétences.
Chaque fois que je finis un cours, je me demande pourquoi c'est moi qui suis payé alors que j'apprends tellement de choses auprès de ces gens fabuleux. Nous avons beaucoup d'étudiants qui ont soif de connaissances et qui veulent absolument améliorer leurs compétences en gestion dans le secteur agroalimentaire. J'aime bien ce genre de programmes, car nous contribuons vraiment à développer leurs compétences en gestion, et ce sont des programmes fantastiques.
Mme Stiefelmeyer : À ce propos, il y a des provinces qui offrent de meilleurs incitatifs à la formation que d'autres, et nous le constatons dans nos programmes.
Le sénateur Mercer : Laquelle est la meilleure?
M. Martin : En fait, celle qui nous a causé le plus de problèmes est le Manitoba. Les fonds proviennent du programme Cultivons l'avenir, mais la province a sa propre interprétation. Ça nous a causé pas mal de difficultés. Maintenant ça va, car je pense que nous l'avons convaincue.
La Saskatchewan et l'Alberta encouragent vraiment bien leurs gens, mais il y a toujours des problèmes d'interprétation; je ne sais pas si ça vient des élus ou des fonctionnaires.
Mme Stiefelmeyer : Le sénateur Mercer a parlé tout à l'heure des terres arables. Nous avons au Canada plus de terres arables par habitant que nous n'en avons besoin, c'est la raison pour laquelle nos accords commerciaux sont tellement importants. De plus, il ne reste plus beaucoup de terres arables sur la planète, et il faut donc que nous en prenions soin. Et si nous voulons augmenter notre production alimentaire, il va falloir adopter les technologies adéquates, ce qui nous ramène à la question de l'innovation et de la commercialisation.
J'aimerais aussi faire remarquer que les accords commerciaux nous permettront d'approvisionner certains de ces pays beaucoup mieux que nous ne le faisons à l'heure actuelle. La ronde de Doha était incontournable pour beaucoup de petits pays et d'économies émergentes, face aux États-Unis et aux grandes économies comme le Japon et l'Union européenne. C'est la raison pour laquelle nous estimons que les négociations multilatérales sont cruciales, mais le PTP et d'autres grands accords commerciaux bilatéraux nous seront également très utiles.
Le sénateur Buth : J'aimerais revenir sur ce que vous avez dit à propos des incitatifs à donner pour la transformation alimentaire et les améliorations technologiques. Nous sommes évidemment en période d'austérité, et les gouvernements font attention à leurs dépenses et cherchent à investir là où ça aura le plus d'impact.
D'autres témoins nous ont dit que le secteur de la transformation alimentaire était en déclin au Canada, et qu'il n'y avait pas beaucoup de nouvelles usines qui ouvraient leurs portes dans ce secteur. Plus particulièrement, que devrions- nous faire dans le secteur de la transformation alimentaire?
M. Martin : Je ne peux pas vous parler des types d'équipement dont nous avons besoin, mais de façon générale, si l'on en juge par l'évolution de la population et de l'emploi, on constate que c'est en 2016 que le nombre de personnes qui quittent le marché du travail commencera à être supérieur au nombre des nouveaux arrivants sur ce marché. C'est en 2011 que les deux chiffres se sont rejoints pour la première fois, et à partir de là, le nombre de nouveaux arrivants sur le marché va commencer à diminuer.
La première chose qu'il faut faire, c'est commencer à réfléchir à la façon dont nous allons pouvoir remplacer la main-d'œuvre par du capital.
Prenons l'industrie de l'élevage du porc. À mon avis, l'un des problèmes que nous avons, c'est que dans une usine européenne de transformation de la viande de porc, il n'y a pratiquement que des robots, alors qu'au Canada, ce n'est pas du tout le cas. Cela a bien sûr un impact considérable sur les coûts, l'efficience, et cetera. D'où ma suggestion : il faut trouver des outils pour remplacer la main-d'œuvre. Je fais partie du conseil d'administration d'une entreprise de provenderie, et je peux vous dire que nous utilisons des robots pour l'emballage, entre autres, alors que nous ne le faisions pas avant.
Il y a une entreprise de transformation alimentaire qui s'est distinguée en investissant dans le tri par la couleur, l'automation de l'assurance de la qualité, et cetera. C'est une multinationale française, qui a son siège en France, je crois, et qui s'est d'abord implantée au Québec avant de venir en Ontario. Elle a fait des réinvestissements incroyables au cours des dernières années, notamment dans l'automation, le tri par la couleur et l'assurance de la qualité. C'est tout ça à la fois.
Troisièmement, pour ce qui est des équipements, il m'est plus difficile de vous donner un exemple car cela ne m'est pas assez familier. Notre avantage a toujours été la flexibilité, car nous sommes un marché restreint. Cela signifie que nous sommes capables d'avoir des cycles de fabrication plus courts pour toutes sortes de produits, tout en restant aussi efficients que possible. Ma troisième recommandation concerne donc tous les types de technologies et d'équipements qui donnent une certaine flexibilité au niveau de la fabrication.
Mme Stiefelmeyer : J'aimerais simplement ajouter quelques mots au sujet du programme RS&DE. On devrait essayer d'élargir la définition de travaux de recherche, afin d'inclure l'adaptation technologique, la fabrication flexible, et cetera.
Le sénateur Buth : C'est ce que je cherche à obtenir, des suggestions précises, comme pour le dispositif réglementaire. C'est important parce que, sinon, c'est difficile de faire une recommandation pour améliorer les choses si on n'a pas des exemples précis des améliorations qu'on veut apporter.
M. Martin : Je vois. Je croyais que vous vouliez que je vous parle d'équipements précis.
Le sénateur Buth : Non, je parle des incitatifs. Quels sont les programmes qui existent en ce moment?
M. Martin : Il y a le RS&DE, bien sûr. Et puis il y a la DPA, qui permet des amortissements accélérés. Ce sont les deux meilleurs incitatifs que je connaisse.
Le sénateur Buth : J'aimerais simplement revenir sur ce que vous avez dit au sujet de l'harmonisation de nos dispositifs de réglementation. Vous avez parlé du dispositif de l'Union européenne, et si j'en juge par ma propre expérience du secteur agricole, je peux vous dire que le dispositif réglementaire de l'Union européenne est l'un des plus imprévisibles au monde car certains aspects sont très politisés. Je ne recommanderai jamais un dispositif réglementaire semblable à celui de l'Union européenne.
M. Martin : Savez-vous qu'il a changé au cours des dernières années?
Le sénateur Buth : Oui.
M. Martin : Je vous pose la question, parce que j'ai entendu dire qu'il avait récemment été modifié.
Le sénateur Buth : Nous en reparlerons un autre jour, si vous le voulez bien.
M. Martin : Bien sûr.
Le sénateur Mahovlich : Face au carburant, l'alimentaire l'emporte toujours, n'est-ce pas?
M. Martin : À long terme, oui.
Le sénateur Mahovlich : Je me suis rendu au Brésil et j'ai vu qu'ils ont défriché des forêts pour produire de l'éthanol. C'est le pays qui utilise le plus d'éthanol comme carburant. Quelles recherches faisons-nous là-dessus au Canada?
M. Martin : Voulez-vous parler des retombées économiques?
Le sénateur Mahovlich : Oui.
M. Martin : Le George Morris Centre a publié plusieurs articles sur les retombées économiques des biocarburants.
Le sénateur Mahovlich : Avons-nous assez de terres pour nous approvisionner en biocarburants?
M. Martin : À long terme, je ne pense pas. Je vais vous expliquer. Les États-Unis utilisent 40, 41 ou 42 p. 100 d'une production de 13 milliards de boisseaux de maïs pour satisfaire environ 10 p. 100 de leurs besoins d'essence, et c'est bien moins que 10 p. 100 si l'on parle de tous les carburants.
Jusqu'où peut-on aller? Quand on en arrive à utiliser 40 p. 100 d'une production record de maïs pour répondre à moins de 10 p. 100 des besoins, il faut se demander si on a suffisamment de terres pour en produire beaucoup plus. Ma réponse est non, nous n'en avons pas assez, compte tenu des technologies dont nous disposons.
Le sénateur Buth : J'accepte votre argument au sujet des terres, mais si l'on tient compte des augmentations des rendements de production pour le maïs, et même pour le canola, que nous avons enregistrées au Canada, ne pensez- vous pas que ces augmentations vont être suffisantes, à un moment donné, pour la production de biocarburants?
M. Martin : Je ne crois pas.
Le sénateur Buth : Non?
M. Martin : Non. Des études révèlent, en fait, une décélération des rendements de production. Et si on prend en compte l'augmentation de la demande alimentaire en Asie, on voit que ce sont deux catégories de besoins qui s'opposent. Je sais que Monsanto et d'autres sociétés comptent sur des percées importantes, mais je dirai, sans vouloir heurter personne, que nous n'en savons pas assez sur le génome du blé pour pouvoir faire de la recherche biotechnologique; peut-être qu'une percée va se produire, même si c'est beaucoup plus difficile pour le blé que pour le maïs. On va peut-être faire des avancées technologiques inouïes, qui sait, mais je ne pense pas que nous puissions continuer au rythme actuel.
Le sénateur Buth : Je pense plus particulièrement aux avantages que nous commençons à voir avec les entreprises de biotechnologie qui utilisent l'azote pour rendre les plantes plus résistantes à la sécheresse. Et vous serez sans doute d'accord avec moi pour dire que, maintenant que le marché est plus libre, les entreprises canadiennes investiront davantage dans l'amélioration du blé.
M. Martin : Je suis d'accord avec vous. J'ai eu l'occasion de constater de visu que des entreprises commençaient à investir.
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame Stiefelmeyer, j'ai écouté la présentation de votre mémoire attentivement et je me suis pincé un peu car je me croyais dans un pays du tiers monde et ce n'est pas l'image du Canada que d'autres personnes nous ont fait voir ici.
Je vais m'attarder à des petits points soulevés par M. Martin. Vous avez parlé de l'assurance agricole. Ça existe dans des provinces. Pourquoi ça existe? Parce que les agriculteurs se sont pris en main et ont formé un syndicat et le gouvernement les a agréés. Il ne faut pas attendre que tous les gouvernements le fassent. Les agriculteurs ne sont pas des élèves de la maternelle. Vous les formez, vous leur donnez un petit cours de perfectionnement; alors ils devraient savoir que l'auto-assurance existe et que les gouvernements sont tous ouverts.
J'aimerais vous parler du secteur du porc principalement. Beaucoup de spécialistes sont venus ici, dont des gens de Guelph, en particulier. L'Ontario et le Québec sont de gros producteurs de porcs. La production est exportée en très grande partie aux États-Unis. La demande est forte et il y a de nouveaux marchés en Asie. Est-ce que nos sols sont capables de supporter une surproduction du porc pour les dix prochaines années?
[Traduction]
M. Martin : L'élevage du porc est une industrie cyclique, et il y a donc eu des périodes de surproduction, mais qui se sont corrigées assez rapidement. À l'heure actuelle, j'ai l'impression que la Chine est en train de s'organiser, et son principal souci, c'est que, comme le porc est un élément important de son IPC — l'indice des prix à la consommation —, elle veut s'assurer que les prix du porc restent sous contrôle, donc elle veut augmenter la production.
Si vous me posez la question au niveau mondial, je vous dirai qu'il y a toujours un risque qu'on aille trop loin quand on décide de développer une industrie, mais je ne pense pas que ça devienne un problème, si j'ai bien compris votre question.
[Français]
Le sénateur Maltais : Ma question est très claire : est-ce qu'une surproduction de l'élevage du porc en Ontario et au Québec pourrait mettre en danger la nappe phréatique d'eau douce?
[Traduction]
M. Martin : C'est un risque tout à fait réel, si vous n'avez pas les technologies adéquates et si vous ne protégez pas efficacement votre nappe phréatique.
[Français]
Le sénateur Maltais : Et quelle est cette technologie?
[Traduction]
M. Martin : Sur le plan technologique, il faut s'assurer que le lisier des porcs — et je sais que c'est maintenant obligatoire en Ontario et au Québec — se déverse dans des citernes en ciment, pour qu'il n'y ait pas de fuites. Dans cette région du monde, et en Occident aussi, lorsqu'on épand le lisier, il faut l'injecter dans le sol pour qu'il n'y ait pas de ruissellement. Ce sont deux précautions à prendre.
[Français]
Le sénateur Maltais : Vous êtes un scientifique et je m'adresse à des gens qui connaissent la science, mais d'autres scientifiques nous ont dit que tous les produits qui servent, par exemple, à conserver la bonne santé des animaux, que ce soit les porcs ou les bœufs, ont de la difficulté à se détruire lorsque le purin pourrait, entre autres, servir d'engrais et que les enzymes continuent d'entrer dans la nappe phréatique. Est-ce vrai?
[Traduction]
M. Martin : Je ne suis pas un spécialiste de la question, donc je ne peux pas vous dire exactement.
[Français]
Le sénateur Maltais : Alors il m'est inutile de vous parler des pêches parce que c'est un succès au niveau du crabe de l'Est du Canada qui est en totalité exporté au Japon et de qualité A1. Malheureusement, vous avez oublié de le souligner.
[Traduction]
Le sénateur Duffy : C'est un sujet vraiment fascinant, et c'est intéressant de voir qu'il y a encore chez nous beaucoup de forces opposées au changement qu'on appelait jadis progrès. Il n'y a pas si longtemps qu'on lisait constamment des articles et des reportages sur la disparition des fermes, sur le dépeuplement des régions rurales et sur le fait qu'il n'y aurait bientôt plus personne pour cultiver la terre.
J'ai l'impression que, depuis quelque temps, c'est en train de changer, et qu'avec l'augmentation de la demande en produits alimentaires, de la mise au point des nouvelles technologies dont vous nous avez parlé aujourd'hui et de l'accroissement des rendements, si nous réussissons à simplifier les procédures avec la signature d'accords commerciaux internationaux et dans nos propres règlements, l'agriculture a un bel avenir devant elle, en tout cas c'est l'avis du simple profane que je suis. Êtes-vous d'accord avec moi?
M. Martin : Je suis ravi de pouvoir répondre à cette question. Cela fait au moins 10 ans que je dis qu'au Canada, l'industrie alimentaire a un très bel avenir devant elle.
C'est passionnant à observer, surtout dans la perspective du professeur de gestion. L'an dernier, j'avais 25 étudiants, âgés de 23 à 35 ans, la plupart de l'Ouest du Canada. Ce sont des hommes et des femmes qui gèrent des avoirs de 2, 3 et 5 millions de dollars, qui prennent des risques et qui ont des connaissances technologiques faramineuses. Alors, oui, l'avenir de ce secteur est très prometteur. Nous avons des gens fantastiques qui travaillent dans le secteur agricole.
Mme Stiefelmeyer : Permettez-moi d'ajouter que, pour ce qui est de l'avenir de l'agriculture, je pense qu'il y aura deux types d'exploitation agricole : les grandes exploitations qui utilisent la technologie et qui approvisionnent les marchés d'exportation et les grandes chaînes alimentaires canadiennes; et les petites exploitations qui occupent un créneau bien défini et qui vont se développer considérablement. Je pense que les fermes de taille intermédiaire vont disparaître. Beaucoup de gens se lancent aujourd'hui dans l'agriculture sans venir d'une famille d'agriculteurs, et ils font de la culture biologique et de la vente directe au consommateur. Je pense donc que l'industrie va être composée de grandes exploitations agricoles, d'une part, et de petites fermes occupant un créneau bien précis, d'autre part.
M. Martin : Dans mon cours de gestion de 2010 ou de 2009 pour les agriculteurs, j'avais deux couples. L'un venait de la Saskatchewan où il avait une ferme de 9 000 acres, et l'autre venait du nord de Toronto, avec une ferme de 150 acres. Celui du nord de Toronto cultivait principalement le maïs. Aux dernières nouvelles, il pratique l'agriculture solidaire et a un contrat avec 750 clients à Toronto, à qui il livre un panier de légumes chaque semaine pendant 22 semaines. Les clients paient d'avance, au printemps, et les livraisons se font jusqu'à la fin de l'été. Nous avions des étudiants des deux groupes dans notre cours.
Le sénateur Duffy : Et ça marche bien dans les deux cas?
M. Martin : Absolument, et c'était vraiment fascinant. Mme Stiefelmeyer peut vous le dire. C'est dur de parcourir 100 milles en Saskatchewan sans rien trouver à manger.
Le sénateur Duffy : Oui, et il y a une variété incroyable. Merci d'être venus nous rencontrer. C'est bien de savoir que le secteur a de l'avenir, et justement, si le gouvernement veut se retirer, c'est pour laisser les agriculteurs prospérer au maximum.
Le président : Cela dit, j'aimerais, au nom du comité, remercier les témoins d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.
J'habite au Nouveau-Brunswick et j'ai déjà eu l'occasion de distribuer une bonne dizaine de ces brochures. Il y a plusieurs questions que des sénateurs auraient voulu vous poser, mais nous n'en avons pas eu le temps. Si vous me le permettez, madame Stiefelmeyer et monsieur Martin, je vous les ferai parvenir par l'intermédiaire de notre attaché de recherche et de notre greffier, pour que vous puissiez nous donner des réponses par écrit.
M. Martin : Avec plaisir.
Le président : Encore merci, et bonne chance.
Honorables sénateurs, nous accueillons maintenant notre deuxième groupe de témoins : M. T Howard Mains, conseiller en matière de politiques canadiennes, de l'Association of Equipment Manufacturers.
Monsieur Mains, merci d'avoir accepté notre invitation. Je vous invite à nous faire votre déclaration liminaire, après quoi nous passerons aux questions des sénateurs.
Comme nous le savons tous, les agriculteurs cherchent toujours à avoir les meilleures machines pour labourer et préparer le sol, pour faire les récoltes, pour compacter le sol et pour faire des semis de précision, tout en essayant d'abîmer le moins possible les produits de la récolte. Cela dit, je vous laisse la parole.
T. Howard Mains, conseiller en matière de politiques publiques canadiennes, Association of Equipment Manufacturers : Bonsoir sénateurs. Je remercie le président, les membres et le personnel du comité d'avoir invité notre association à comparaître. J'ai fait distribuer quelques photos des équipements auxquels je vais sans doute faire allusion, car ça vous aidera à comprendre.
Permettez-moi, pour commencer, de vous dire quelques mots sur les entreprises qui font partie de l'Association of Equipment Manufacturers. L'AEM est une association professionnelle qui représente des fabricants d'équipements pour la foresterie, l'agriculture, la construction et l'exploitation minière. Nous comptons parmi nos membres des multinationales comme Case New Holland et John Deere, ainsi que des fabricants prospères comme Macdon de Winnipeg, PowerPin de Fort Qu'Appelle, en Saskatchewan, et environ 800 autres membres installés au Canada et aux États-Unis.
Les membres de l'AEM inventent, mettent au point et fabriquent des machines pour construire des routes, extraire des ressources, et planter et récolter des cultures sans les abîmer.
Ce soir, j'aimerais vous parler des sujets suivants : la conservation, la préparation des sols, l'utilisation de la technologie GPS dans l'agriculture de précision, la recherche, l'innovation et la mise au point de nouvelles machines, sans oublier les débouchés pour les fabricants canadiens.
Pour situer un peu le contexte, j'aimerais vous faire part d'une expérience récente. Mercredi dernier, j'ai eu le privilège d'accompagner un législateur russe, de la république de Kalmoukie, dans deux exploitations agricoles très prospères de la région d'Ottawa. Ça a été une révélation pour chacun d'entre nous, car ça nous a donné l'occasion de discuter des pratiques agricoles des deux pays. On ne peut pas imaginer les difficultés qu'ont dû surmonter les agriculteurs kalmouks pour abandonner leur mode de vie nomade, puis s'adapter au collectivisme communiste, avant de se familiariser, aujourd'hui, avec les pratiques agricoles modernes — et ce, en l'espace de trois générations. Notre visiteur russe était absolument médusé par toutes les technologies et tous les équipements que nous utilisons.
Au cours de notre visite, M. Ed Schouten, un producteur laitier de Richmond, nous a expliqué qu'en 2011, pendant la courte période des semailles, il avait ensemencé 2 000 acres de maïs en l'espace de trois jours. Avec des équipes fonctionnant 24 heures sur 24, ils faisaient en moyenne à peu près 30 acres de maïs à l'heure avec une machine semblable à la planteuse que vous voyez sur la première page. À vrai dire, la planteuse était rouge, pas verte. Par contre, la planteuse que vous voyez à gauche de la photo faisait sans doute une moyenne de deux acres à l'heure, et encore, les bons jours. Tout cela n'est possible que grâce à l'utilisation de machines modernes efficaces et à l'utilisation de la technologie GPS.
Quand il faut planter 28 000 semences de maïs à l'acre pour optimiser le rendement, il est absolument essentiel d'utiliser des machines capables de planter chaque semence au bon endroit, tout en minimisant les déchets et les chevauchements. Les nouvelles machines peuvent planter avec précision chacune de ces semences à des vitesses très élevées, ce qui permet de réduire d'au moins 5 à 10 p. 100 le recours aux intrants coûteux comme les semences et les engrais.
Je vais maintenant vous parler de l'innovation et du travail de conservation du sol. Pour ceux d'entre vous qui ne connaissent pas bien le sujet, j'aimerais préciser que l'agriculture sans labour est une forme de conservation du sol qui était au départ une pratique aratoire antiérosive. J'ai inclus quelques photos sur les effets de l'érosion du sol. Quelqu'un m'a parlé d'une tempête de vent qui avait balayé le sud-ouest de l'Ontario et y avait laissé des dégâts considérables. Ça arrive.
Le travail du sol traditionnel comporte trois étapes : le labourage, la préparation du lit de semences, et la plantation. La culture sans labour supprime les deux premières étapes, et le labour minimum supprime la première étape, qui consiste à labourer le sol intensément. Par exemple, l'agriculteur doit normalement passer au moins trois fois sur son terrain avec sa machine, alors qu'avec la culture sans labour, la machine ne passe qu'une fois. La culture sans labour nécessite des équipements spécialisés, comme celui qui est fabriqué par Case New Holland, à Saskatoon. Certains d'entre vous ont sans doute vu beaucoup de machines de ce genre dans les Prairies. Ce type d'équipement présente un certain nombre d'avantages économiques et environnementaux importants, qui compensent largement son coût plus élevé. Le professeur Peter Phillips, de l'Université de la Saskatchewan, indiquait il y a quelques semaines dans The Western Producer que, dans l'ouest du Canada, plus de 75 p. 100 des producteurs de canola pratiquent maintenant le travail de conservation du sol.
Cette technique présente des avantages, notamment une moins grande utilisation de pesticides, le maintien des matières organiques dans le sol, la réduction de l'érosion, la conservation de l'humidité, ainsi qu'une diminution de la consommation de carburant, qui peut aller jusqu'à 85 p. 100, sans oublier une diminution considérable du temps de travail d'environ 80 p. 100.
Je vais maintenant parler de l'agriculture de précision et de l'utilisation de la technologie de localisation GPS. La technologie GPS permet aux agriculteurs de créer une carte précise de chaque champ. Une photo vous indique ici comment un champ est cartographié. Pendant la moisson, un logiciel de surveillance de l'état des cultures mesure et enregistre le rendement du champ, en temps réel, faisant apparaître les parties du champ les plus productives. À partir de ces données, la machine peut être programmée pour disperser plus ou moins de semences dans une partie du champ, compte tenu de la capacité du sol à faire pousser telle ou telle plante. Grâce à la technologie GPS, les agriculteurs peuvent facilement réduire encore les coûts de leurs intrants de 5 à 10 p. 100, tout en optimisant leur rendement.
Le producteur de maïs utilise une règle simple : pour obtenir un boisseau de maïs, il a besoin d'une livre d'azote. Avec cette technologie, il est en mesure d'optimiser son rendement. Lorsque le champ a un rendement potentiel de 175 à 180 boisseaux, il faut y épandre 180 livres d'azote; par contre, dans les parties du champ dont le rendement n'est que de 80 boisseaux, on réduit l'épandage d'azote à 80 livres. La technologie permet donc d'utiliser des engrais proportionnellement à la capacité du sol de produire un certain rendement.
Je vais maintenant parler de la recherche et de l'innovation. Dimanche dernier, j'ai discuté avec Gary Macdonald, l'un des propriétaires de Macdon Industries Ltd. de Winnipeg. Les sénateurs qui viennent du Manitoba savent certainement que MacDon fabrique d'excellentes moissonneuses, qui sont vendues dans le monde entier. J'aimerais vous transmettre les trois messages que M. Macdonald aurait bien aimé pouvoir vous communiquer de vive voix ici : premièrement, il tient à souligner l'importance de la mise au point de nouveaux produits et de nouvelles technologies, et les difficultés que cela présente. Les nouveaux produits sont l'oxygène des entreprises prospères, mais leur mise au point est un long processus. Par exemple, il a fallu à MacDon cinq ans entre la mise au point du prototype et la commercialisation d'une barre de coupe à céréales de 45 pieds, qui se vend aujourd'hui comme des petits pains sur les marchés internationaux. Vous avez ici une photo de la barre de coupe à céréales, et cette machine intègre plusieurs technologies de pointe. Il est important que le gouvernement accorde aux entreprises qui font de l'innovation des avantages fiscaux pour la mise au point de nouveaux produits.
Cela m'amène au deuxième message de M. MacDonald, qu'appuient un grand nombre de membres de l'AEM et qui concerne les changements proposés au programme d'incitatifs fiscaux RS&DE. Le crédit d'impôt RS&DE est un incitatif indispensable aux entreprises qui veulent mettre au point de nouveaux produits. Le programme permet d'utiliser des fonds de roulement pour financer la recherche et le développement. Comme l'indique une lettre envoyée hier au ministre des Finances, sous la signature de 47 membres de la Coalition des manufacturiers du Canada, les changements proposés au programme RS&DE auront un effet très négatif sur l'innovation et le développement dans le secteur manufacturier au Canada.
Troisièmement, M. MacDonald tient à faire part aux membres du comité du grave problème auquel se heurte l'industrie de l'équipement agricole, à cause d'une pénurie d'ingénieurs concepteurs qualifiés au Canada, et du nombre relativement faible d'étudiants dans cette discipline. À l'heure actuelle, MacDon recrute la majorité de ses ingénieurs dans les universités du Manitoba et de la Saskatchewan. Mais l'entreprise pourrait embaucher six ingénieurs concepteurs dès demain, si elle réussissait à les trouver. D'où la nécessité, pour le Canada, de se doter d'une politique adéquate en matière d'enseignement postsecondaire et d'immigration, afin que les fabricants comme MacDon puissent continuer à mettre au point de nouveaux équipements grâce auxquels le Canada restera à l'avant-garde dans ce secteur.
Je vous sais gré d'avoir entrepris cette étude et je vous remercie de m'avoir écouté. Je suis prêt à répondre à vos questions.
Le sénateur Plett : Merci, monsieur Mains, de comparaître devant nous aujourd'hui. Je n'ai que quelques questions à vous poser au sujet des incitatifs fiscaux. Nous avons tous une idée générale de ce que contient le budget, dans les grandes lignes, mais personnellement, je n'en ai pas fait une lecture approfondie. J'aimerais donc que vous m'expliquiez quels sont les changements que le gouvernement propose d'apporter au programme RS&DE et qui auront un impact négatif sur votre industrie.
M. Mains : Il est question de modifier la façon dont sont traités les dépenses d'investissement et les coûts des matériaux. Les changements proposés seront plus favorables à d'autres types d'entreprises, comme celles qui mettent au point de nouveaux logiciels, car elles n'utilisent que des ressources humaines. Mais si vous prenez un produit comme la barre de coupe à céréales qui est actuellement commercialisée par MacDon et d'autres fabricants, la mise au point d'une telle machine nécessite des dépenses d'investissement, notamment l'achat de machines pour construire et tester les nouvelles machines, ainsi que d'autres dépenses liées à la fabrication de l'équipement.
Certes, le temps des ingénieurs concepteurs serait pris en compte, mais les coûts liés au développement des nouveaux produits manufacturés ne seraient pas admissibles, en vertu des changements proposés.
Le sénateur Plett : Je vous remercie. C'est vrai que MacDon est une vraie réussite, et nous sommes heureux d'avoir l'entreprise à Winnipeg.
Nous avons plusieurs grandes universités au Manitoba, dont l'Université du Manitoba, qui forme chaque année un grand nombre d'ingénieurs.
Comment le gouvernement devrait-il s'y prendre pour encourager la formation d'un plus grand nombre d'ingénieurs? Quand vous dites qu'il doit offrir des incitatifs pour qu'il y ait suffisamment d'ingénieurs au Canada, c'est un peu vague.
M. Mains : Permettez-moi de revenir sur ce qu'a dit l'un des témoins avant moi, d'autant plus que ça relève du mandat de votre comité et je l'ai moi-même entendu ailleurs, à savoir que l'agriculture est en train de devenir un secteur beaucoup plus attrayant qu'il y a, disons, une dizaine d'années.
La question fait d'ailleurs la une du magazine Better Farming de ce mois-ci, qui constate une diminution du nombre de nouveaux agriculteurs, et c'est un sujet qui fait couler beaucoup d'encre.
À mon avis, il faudrait commencer par modifier la politique d'immigration — je sais que le ministre Kenney a proposé certains changements —, afin de faciliter l'immigration et l'accréditation des travailleurs qualifiés. C'est un pas dans la bonne direction.
Pour ce qui est de la formation d'ingénieurs, il faudrait que le gouvernement fédéral maintienne le financement du conseil de recherches en sciences et en génie — je ne connais pas son nom exact —, pour que la recherche se poursuive dans les facultés de génie et qu'en conséquence, les jeunes aient envie de faire des études dans ces domaines.
Le sénateur Mercer : Merci, monsieur Mains, de comparaître devant nous. Je suis fasciné. Les équipements que vous nous avez montrés en photos sont absolument fascinants. À propos de cette machine de MacDon, rien que pour nous permettre, à nous et aux téléspectateurs, de mettre tout ça en perspective, pouvez-vous nous dire quel est le prix de la barre de coupe à céréales?
M. Mains : Autour de 100 000 $.
Le sénateur Mercer : Quand on voit la machine, ça me paraît raisonnable, mais j'avoue que je n'y connais pas grand- chose.
Le sénateur Duffy : Cela comprend la stéréo et la climatisation?
M. Mains : C'est seulement pour la barre de coupe, pas pour la moissonneuse-batteuse. Ça, ça coûte 400 000 $.
Le sénateur Mercer : Donc, pour 500 000 $, vous avez la machine, avec la climatisation et la stéréo.
Ce qui m'intéresse, c'est l'entreprise qui a mis au point ce produit au Manitoba. Elle a suivi tout un processus compliqué, dont on a parlé tout à l'heure. Elle a mis au point le produit et elle l'a amené à l'étape de la commercialisation, et je suppose qu'elle s'occupe également de la commercialisation.
M. Mains : En effet.
Le sénateur Mercer : C'est un beau succès. Combien de personnes travaillent dans l'entreprise? Savez-vous combien travaillent dans les services de recherche et développement, par opposition aux services de fabrication? Avez-vous ces chiffres?
M. Mains : Je ne sais pas combien de personnes exactement travaillent dans les différents services. Je suis allé visiter l'usine en juillet dernier, et je peux vous dire que si vous passez à Winnipeg, il ne faut pas hésiter à y aller. C'est tout à côté de l'aéroport. Il suffit de l'appeler un peu avant, et il se fera un plaisir de vous faire visiter les lieux.
Quand j'y suis allé en juillet dernier, ils fonctionnaient avec le système des trois-huit, et je crois qu'ils employaient à peu près 600 personnes, mais je ne peux pas vous dire combien travaillent dans le génie et la conception, et combien travaillent dans les essais en ligne.
Il y a une chose que M. MacDonald m'a dite dimanche dernier, et c'est tout à leur honneur, c'est que les agriculteurs de l'Ouest canadien sont des chefs de file mondiaux. Les sénateurs de l'Ouest le savent bien, ces agriculteurs cherchent toujours à faire mieux. Ils sont très exigeants vis-à-vis de leurs fournisseurs d'équipements pour que ces derniers leur offrent les meilleures technologies, et c'est pour ça que, parmi les fabricants d'équipements spécialisés, comme les semoirs pneumatiques et les semoirs à grains, il y en a cinq, je crois, qui sont implantés dans l'ouest du Canada. Dans cette filière très spécialisée, les fabricants canadiens sont des chefs de file mondiaux.
Si vous allez sur leurs sites web, vous verrez qu'ils sont en anglais et en russe, c'est fascinant.
Le sénateur Mercer : Ceux d'entre nous qui font partie de ce comité, même si c'est depuis peu, savent que nous avons d'excellents agriculteurs au Canada, surtout les agriculteurs de l'Ouest. Nous sommes tout à fait d'accord avec vous.
Nous avons donc, dans l'ouest du Canada, un certain nombre de fabricants qui construisent des équipements très novateurs et de très grande qualité, et qui les vendent partout dans le monde. Leurs sites Web sont même en anglais et en russe.
Nous avons parlé des difficultés que pose la commercialisation des nouveaux produits, alors j'aimerais savoir si ces fabricants envoient chacun leurs propres représentants commerciaux en Russie, en Ukraine, au Kazakhstan et en Australie, ou bien s'ils coordonnent leurs efforts?
Depuis un certain nombre d'années, le gouvernement canadien, que ce soit l'actuel ou le précédent, organise des missions commerciales auprès de ses clients les plus importants, et l'industrie est généralement bien représentée dans la délégation canadienne.
Est-ce que cela a été utile pour votre secteur?
M. Mains : Je ne connais pas personnellement de fabricants qui aient participé à ces missions commerciales, je ne peux donc pas vous répondre.
Pour ce qui est des circuits de distribution, il y a bien sûr plusieurs modèles. Des multinationales comme John Deere ont renforcé leur présence en Russie et ont maintenant une usine de fabrication dans ce pays. Elle a maintenant pignon sur rue, en quelque sorte.
C'est sûr que ça comporte des difficultés, et nous avons dû demander l'aide du gouvernement canadien lorsque la Russie a décidé d'imposer certaines barrières commerciales non tarifaires.
Comme les Russes tenaient à ce que les fabricants d'équipements construisent des usines en Russie, ils avaient décidé d'imposer des barrières commerciales non tarifaires pour que les entreprises aient plus de difficultés à exporter sur ce marché.
Bref, pour ce qui est des circuits de distribution, je ne peux pas vous dire comment fonctionnent les entreprises canadiennes comme MacDon, Bourgault et Seed Hawk, sur les marchés internationaux.
[Français]
Le sénateur Rivard : Monsieur Mains, dans votre mémoire il y a quelque chose qui pique ma curiosité. Vous parlez de la politique commerciale internationale. Vous dites que le Canada souffre de la présence de nombreuses barrières tarifaires et non tarifaires, qui l'empêchent d'accéder à des marchés qui réclament des produits canadiens, et vous citez entre autres l'industrie du porc. Ce que je voudrais comprendre c'est que les barrières tarifaires sont imposées par les pays importateurs. Alors comment peut-on faire? On ne peut pas influencer les autres pays, c'est leur décision d'imposer cela. Je lis votre dernier paragraphe :
Un meilleur accès plus sécuritaire à ces marchés serait non seulement une solution pour l'industrie canadienne du porc mais pour l'ensemble du secteur agricole.
Expliquez-moi ce que vous voulez dire par là, je n'ai pas compris ce que vous indiquez avec ça. Parce que les barrières tarifaires, c'est imposé par les pays importateurs, pas par nous.
Le président : Sénateur Rivard, si vous me permettez, pour le témoin présent, son témoignage porte seulement sur le côté équipement, pas sur le côté production.
Le sénateur Rivard : Alors je n'ai pas de question sur l'équipement.
[Traduction]
Le président : Votre question portait sur la production de porc, mais c'était le sujet du groupe de témoins précédents. Avez-vous quelque chose à dire sur les équipements utilisés dans l'élevage du porc, par exemple, qu'ils soient fabriqués au Canada ou ailleurs?
M. Mains : Le seul exemple que je puisse vous donner concerne les machines utilisées par les céréaliers. Reprenons l'exemple de la barre de coupe de MacDon. La Russie avait décidé d'imposer des tarifs sur les moissonneuses- batteuses. Lorsqu'on exporte une moissonneuse-batteuse, la barre de coupe qui va avec est expédiée en même temps. Le nouveau tarif visait le fabricant de la moissonneuse-batteuse, mais il englobait du même coup la barre de coupe de MacDon.
C'est un exemple qui montre comment des barrières non tarifaires peuvent nuire aux intérêts canadiens. En revanche, je ne peux pas vous parler des répercussions que ça peut avoir sur les consommateurs canadiens ou sur les éleveurs de porcs canadiens.
[Français]
Le sénateur Rivard : Si vous me permettez un commentaire, cela s'applique également pour l'équipement, comme vous l'expliquez. Les barrières tarifaires, c'est lorsque le Canada négocie des ententes de libre-échange comme dans l'ALENA, puis probablement avec l'Union européenne, c'est de voir à s'assurer qu'il y ait le moins de barrières tarifaires pour qu'on puisse exporter ces produits.
[Traduction]
M. Mains : Oui, vous avez raison. L'AEM et ses membres appuient le gouvernement canadien, ainsi que le gouvernement américain, chaque fois que ces derniers essayent de négocier des accords commerciaux bilatéraux, et nous appuyons aussi les initiatives multilatérales, car les retombées des échanges commerciaux se répercutent sur des entreprises comme celles qui sont basées à Winnipeg ou même comme PowerPin, à Fort Qu'Appelle, en Saskatchewan, qui fabrique un cadre d'attelage pour les tracteurs et le matériel aratoire. Plus il y a d'échanges commerciaux dans ce secteur-là, mieux c'est, même pour des petites entreprises comme ça.
Le sénateur Robichaud : Ces machines doivent passer par toutes les étapes du processus de développement, car il faut vérifier comment elles performent, si elles répondent bien aux besoins des agriculteurs. Mais comment le fabricant peut-il garantir aux producteurs que la machine augmentera sa capacité d'ensemencement? Je vous pose la question parce qu'au Nouveau-Brunswick, je connais un producteur qui a acheté une machine qui était censée faire certaines choses. Il a même dû s'adresser à des agences pour obtenir des fonds. Quand il a reçu sa machine, il s'est rendu compte qu'elle ne faisait pas ce qu'elle était censée faire. Il s'est retrouvé coincé avec un investissement de 1 million de dollars, sans pouvoir utiliser la machine. Comment les producteurs et les fabricants se débrouillent-ils pour éviter que cela se produise?
M. Mains : C'est une bonne question car c'est une relation qui est fondée sur la confiance et la bonne foi. Dans le secteur des équipements agricoles, il y a des agriculteurs qui sont prêts à collaborer avec les fabricants sur la mise au point des prototypes. Pour reprendre encore une fois l'exemple de MacDon, l'entreprise mentionne justement, dans l'un de ses bulletins, le fermier qui l'a aidée, tout au début, à mettre au point la barre de coupe de 45 pieds en expérimentant la machine sur son propre champ pendant quelques années.
J'ai eu un cas comme ça, il y a quelques années, alors que j'étais en Alberta pour aider un de mes amis. Il fait du fourrage, il en récolte des quantités extraordinaires. Il y avait une démonstration d'un andaineur de McDon, mais la machine se bloquait constamment, et chaque fois il fallait arrêter le moteur, soulever le blindage et enlever le foin qui s'était coincé dedans. J'avais mon appareil photo, j'ai pris des photos et je les ai envoyées à l'entreprise à Winnipeg, en lui disant de faire les améliorations nécessaires, parce que le foin se coinçait dans la machine et la bloquait.
Il faut que la relation soit basée sur la confiance, surtout quand il s'agit d'un nouveau modèle. Dans le secteur agricole, cette confiance doit être encore plus solide, car au bout du compte, si vous avez une machine qui ne fonctionne pas bien et que vous avez 2 000 acres de maïs à ensemencer en l'espace de trois jours, vous vous dites que ça suffit, que vous n'achèterez plus de machines de couleur verte mais plutôt des machines de couleur rouge.
Il faut donc qu'une solide confiance s'établisse, et bien sûr, si la machine ne marche pas, la confiance est ébranlée.
Le sénateur Robichaud : C'est exactement ce qui s'est passé. Il n'y avait qu'un fournisseur, la machine était censée faire certaines choses, et elle ne les fait pas. Elle est donc là, qui ne sert à rien, et c'est un fardeau pour le producteur.
On a dit tout à l'heure que les agriculteurs de l'Ouest du Canada étaient d'excellents producteurs, mais je ne voudrais surtout pas rater l'occasion de dire que les producteurs de pommes de terre du Nouveau-Brunswick font un travail sensationnel aussi. Ils utilisent des machines très perfectionnées, sans oublier le GPS et toute cette technologie. Tout ça est à leur disposition, ils n'ont qu'à se servir, pour ainsi dire.
Le président : Il est évident que le marché de l'équipement au Canada est très important.
Pourriez-vous justement nous donner une idée de la taille du marché, d'après les chiffres de ventes, que représentent vos 800 fabricants et/ou fournisseurs du Canada? Monsieur Mains, quel pourcentage du marché canadien les fabricants canadiens approvisionnent-ils? Et les fabricants de l'Union européenne? Et les fabricants du Japon et même de la Russie, car j'ai vu qu'il y avait des machines agricoles russes aussi?
Comme nous le savons, aujourd'hui, les agriculteurs recherchent des machines plus petites, moins lourdes et moins encombrantes, et qui permettent d'accroître la productivité, notamment grâce à l'ensemencement de précision. Suite à ce que vient de dire le sénateur Robichaud, je me souviens très bien — et c'est encore une culture et une pratique dans toutes les usines de transformation — qu'ils veulent que les agriculteurs améliorent leur rendement. Il leur faut donc des semoirs plus précis, que ce soit pour la pomme de terre, le maïs ou quoi que ce soit d'autre. Il faut aussi que les agriculteurs travaillent moins la terre mais obtiennent de meilleures récoltes, ce qui signifie que les machines, tout en étant moins encombrantes ou moins lourdes, doivent quand même être performantes. L'objectif est d'abîmer le moins possible les récoltes afin que le rendement soit plus élevé et de meilleure qualité.
Cela dit, quel pourcentage représente le marché canadien en chiffres de ventes, aujourd'hui, et quels en sont les principaux fournisseurs? S'agit-il de fabricants canadiens ou bien de fabricants de l'Union européenne, des États-Unis ou d'ailleurs? Pouvez-vous me donner une réponse?
M. Mains : Je vais faire des commentaires généraux, mais je ne peux rien vous dire de précis.
L'industrie des équipements agricoles est composée de trois grandes entreprises, qui sont AGCO, Case New Holland et John Deere, et de plusieurs autres dont le nom m'échappe pour le moment. Ce sont les trois grands fabricants d'équipements agricoles qu'on voit le plus souvent au Canada. Ce sont des entreprises qui fabriquent une gamme complète de produits, c'est-à-dire que, pour le travail du sol, elles fabriquent des machines pour le labourage et pour la préparation des lits de semence, et elles fabriquent aussi des semoirs et des moissonneuses, que ce soit des récolteuses de fourrage ou des moissonneuses-batteuses. Ce sont donc des entreprises qui fabriquent une gamme complète d'équipements agricoles.
Il y a des entreprises canadiennes qui réussissent très bien à se trouver des créneaux, comme les semoirs pneumatiques. Il y en a cinq en Saskatchewan, et puis il y a les entreprises comme MacDon.
Pour ce qui est de leur chiffre d'affaires ou de leur part de marché, je n'ai pas ces renseignements ici. Vous devriez pouvoir les obtenir auprès de Statistique Canada ou une autre agence.
Le président : Votre association peut-elle nous en fournir quelques-uns? Je vais demander à l'attaché de recherche de vous transmettre quelques questions à ce sujet, afin que nous ayons une meilleure idée de la taille du marché canadien et des principaux fournisseurs.
M. Mains : Volontiers.
Le président : Nous allons conclure par une question du sénateur Mahovlich.
Le sénateur Mahovlich : Qu'est-il arrivé à Massey Ferguson? Jadis, on les voyait partout dans le monde.
M. Mains : C'est exact. L'entreprise fait maintenant partie d'AGCO. C'est toujours une marque prestigieuse, et dans certaines régions du monde, elle est très présente. Au Canada, on trouve toujours des tracteurs Massey, et moi-même, j'en ai un.
Le sénateur Malevitch : Ce sont maintenant des pièces de collection.
M. Mains : C'est le cas du mien, en tout cas.
Le président : Je vois que sur votre carte, vous avez « Can Expo Russia ». S'agit-il d'une exposition agricole en Russie?
M. Mains : C'est l'une des foires commerciales que l'AEM organise, en effet.
Le président : Je dois maintenant vous remercier, monsieur Mains, d'avoir comparu devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts et de nous avoir fait part de votre vision et de vos opinions.
Honorables sénateurs, la séance est levée.
(La séance est levée.)