Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts
Fascicule 26 -Témoignages du 22 novembre 2012
OTTAWA, le jeudi 22 novembre 2012
Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui, à 8 h 4, pour étudier la teneur des éléments de la Section 19 de la Partie 4 du projet de loi C-45, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Percy Mockler (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare la séance ouverte.
[Traduction]
Chers collègues, bienvenue à vous et aux témoins à cette réunion du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts.
Je m'appelle Percy Mockler, je suis sénateur du Nouveau-Brunswick et président du comité. Je vais demander à tous les sénateurs de se présenter.
Le sénateur Merchant : Bonjour. Bienvenue à vous. Je m'appelle Pana Merchant et je suis de Regina.
Le sénateur Mahovlich : Frank Mahovlich, Ontario.
Le sénateur Callbeck : Catherine Callbeck, Île-du-Prince-Édouard.
Le sénateur Plett : Je m'appelle Don Plett et je viens du Manitoba.
Le sénateur Buth : JoAnne Buth, Manitoba.
Le sénateur Eaton : Nicky Eaton, Toronto.
[Français]
Le sénateur Maltais : Bonjour. Ghislain Maltais, Québec.
Le sénateur Rivard : Michel Rivard, Les Laurentides, Québec.
[Traduction]
Chers collègues et messieurs les témoins, merci d'avoir accepté notre invitation et de nous faire part de vos commentaires, de votre vision et de votre expérience.
Aujourd'hui, le comité va poursuivre son étude de la Section 19 de la Partie 4 du projet de loi C-45, qui contient des modifications à la Loi sur les grains du Canada.
Chers collègues, nous avons aujourd'hui un groupe de trois témoins. J'aimerais les présenter officiellement. Nous avons M. Wade Sobkowich, qui est directeur exécutif de la Western Grain Elevator Association.
[Français]
M. Richard Wansbutter, président du comité de gestion de la Western Grain Elevator Association.
[Traduction]
Nous accueillons aussi Richard Phillips, directeur exécutif des Producteurs de grains du Canada.
Merci de venir témoigner devant le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts. J'invite les témoins à faire leurs présentations, qui seront suivies des questions des sénateurs.
Le greffier, M. Pittman, m'a informé que M. Sobkowich sera le premier présentateur. Veuillez commencer.
Wade Sobkowich, directeur exécutif, Western Grain Elevator Association : Merci beaucoup, monsieur le président et membres du comité d'avoir invité la Western Grain Elevator Association à intervenir sur les modifications à la section 19 du projet de loi C-45 modifiant la Loi sur les grains du Canada.
Collectivement, les membres de la Western Grain Elevator Association traitent plus de 90 p. 100 des exportations de grains en vrac de l'Ouest du Canada. Nos membres, de même que les agriculteurs et les clients que nous desservons, ont tout intérêt à ce que le rôle du principal organisme de réglementation de l'industrie soit bien conçu et bien défini.
Les modifications au projet de loi C-45 donnent à la Commission canadienne des grains la souplesse nécessaire pour que les titulaires de licence de silo puissent déposer une caution de la façon la plus économique. Elles éliminent également le caractère obligatoire de la pesée et de l'inspection à l'arrivage, tout en le maintenant pour les cas où elles sont nécessaires pour des opérations commerciales. Ce sont là des modifications nécessaires.
Mais il nous faut étudier beaucoup plus en profondeur la CCG et la Loi sur les grains du Canada. On doit commencer par prendre du recul et se demander si les services que la CCG continuera de fournir sont vraiment nécessaires et si leur coût est concurrentiel. Je vais utiliser les inspections à la sortie comme exemple, car ce sera à l'avenir une des principales sources de revenus de la CCG à la suite de l'élimination de la pesée et de l'inspection à l'arrivage.
Les coûts des inspections à la sortie, selon le récent document de consultation de la CCG sur les changements apportés aux frais d'utilisation, passeront de 51 ¢ à 1,60 $ la tonne. Par conséquent, le coût d'un seul certificat final pour un navire de 50 000 tonnes augmentera de 25 500 à 80 000 $. Le coût annuel de manutention d'environ 5 millions de tonnes de grain par an au terminal d'exportation serait de 8 millions de dollars. Pour remettre les choses en perspective, le même terminal aurait un effectif de 115 personnes chargées de nettoyer le grain, de gérer les stocks, d'expédier le grain et de s'occuper de la maintenance et des réparations. Les coûts de main-d'œuvre seraient d'environ 9 millions de dollars par an. Si on ajoute les coûts de gestion et les avantages sociaux, le RPC, l'assurance-emploi, les indemnités de vacances et ce genre de choses, il en coûte environ 14 millions de dollars par an pour exploiter ce terminal. Si on compare ce coût de 14 millions de dollars pour exploiter tout un terminal et assurer toutes les fonctions connexes aux 8 millions que lui coûteront les analyses d'échantillon et la remise d'une documentation finale par la CCG, il ne fait aucun doute que les coûts de la CCG pour ses services ne seront pas concurrentiels.
La WGEA est d'avis que les services d'inspection à la sortie de la CCG devraient être optionnels. Elle pourrait les fournir aux clients qui les demandent, mais d'autres pourraient également s'en charger.
Certains acheteurs acceptent les inspections effectuées par des tiers, quel que soit le certificat de la CCG, ce qui entraîne un doublement des coûts puisque nous devons obtenir un certificat de la CCG de toute façon. Les tiers qualifiés peuvent fournir un certificat d'exportation pour beaucoup moins cher, soit 35 ou 40 cents par tonne. En supposant que plus de 30 millions de tonnes métriques de grains et d'oléagineux sont exportées, l'obligation imposée à l'industrie d'utiliser la CCG pour obtenir ces certificats fera augmenter le coût de manutention des grains de plus de 36 millions de dollars par an.
La question fondamentale, c'est que la CCG assume certaines fonctions pour le bien du Canada. Je sais que d'autres témoins vous ont dit la même chose avant-hier. La CCG est tenue d'inclure les coûts d'autres fonctions dans son calcul des frais d'utilisation.
Un organisme de réglementation qui fonctionne sur une base de recouvrement des coûts est forcément en conflit d'intérêts. Plutôt que de vouloir principalement entreprendre des activités qui sont dans le meilleur intérêt de l'industrie céréalière du Canada, son principal intérêt est de chercher à créer et à appliquer des règlements, des politiques et des procédures qui permettent de produire des revenus.
La CCG, en tant que fournisseur de services réglementé, ne devrait pas avoir à chercher des moyens de produire suffisamment de revenus pour couvrir ses coûts de fonctionnement. Elle devrait plutôt chercher à offrir les services les mieux adaptés pour une industrie en évolution rapide, ce qui n'est peut-être pas le meilleur moyen de se procurer des fonds. Des fonctions comme le maintien d'un système d'assurance de la qualité des grains, les activités liées à la salubrité des grains, la traçabilité, la surveillance et la recherche et le maintien d'un système de classement réglementaire sont assumées pour le bien du Canada. D'autres organismes de réglementation, comme ceux qui s'occupent des services frontaliers, des services de police, des restrictions sur le poids des véhicules, et cetera, sont censés agir pour le bien du Canada et sont financés par les contribuables canadiens. Les consultations sur les frais d'utilisation de la CCG ont révélé que les coûts devraient passer de 38 à 54 millions de dollars par an à compter du 1er août 2013, même en éliminant la pesée et l'inspection à l'arrivage. Les coûts de la CCG pour un producteur qui possède une ferme de 5 000 acres et qui récolte environ une tonne l'acre sont actuellement d'à peu près 8 000 $ et augmenteront à 12 000 $ si ces frais d'utilisation entrent en vigueur.
Il est intéressant de savoir que les États-Unis, un des principaux concurrents du Canada, assurent 37 p. 100 du financement de leur organisme d'inspection. D'autre part, dans les négociations commerciales internationales, le financement des organismes de réglementation entre très peu en ligne de compte. Si le gouvernement prend des décisions sur la meilleure façon d'allouer les fonds au profit direct des producteurs, il est alors logique de privilégier les fonctions de la CCG qui sont pour le bien du Canada.
La Loi sur les frais d'utilisation définit ainsi les frais d'utilisation, et je vais paraphraser, mais j'ai la citation dans le document que je vous ai remis. Frais d'utilisation désigne des frais exigés pour un produit ou un service fourni exclusivement par un organisme de réglementation et qui entraînent un avantage direct pour la personne qui les paye. Les frais d'utilisation s'appliquent seulement dans les cas où la personne qui paye les frais en tire un avantage direct. Autrement dit, la CCG ne serait pas légalement autorisée à demander des frais pour des services qui n'entraîneraient pas un avantage direct pour la personne qui les paye. Selon nous, cela comprend également les éléments des coûts. Nous pensons que seuls les éléments directs des services devraient être inclus dans ce calcul des coûts. Par conséquent, nous nous demandons si la Loi sur les frais d'utilisation permet vraiment de recouvrer intégralement les coûts de toutes les fonctions de la CCG.
Concernant les autres modifications proposées, nous avons demandé à plusieurs reprises au gouvernement de moderniser l'ensemble de la Loi sur les grains du Canada avant d'augmenter les frais d'utilisation. Les modifications les plus importantes à apporter devraient concerner le mandat, la gouvernance, les grades et les normes, les inspections optionnelles pour les certificats finals, les exigences relatives aux déclarations de variété et les pénalités pour fausses déclarations. La Commission canadienne des grains est utile et l'industrie en a besoin pour certaines fonctions, mais à un moment donné, les coûts l'emportent sur les avantages. Bien des membres de l'industrie remettent tout cela en question actuellement.
La WGEA encourage le gouvernement à revoir sa position selon laquelle la CCG doit produire des revenus pour l'ensemble de ses activités, y compris toutes ses fonctions, qui sont comprises dans les frais de service. Sinon, il va imposer à l'industrie des coûts injustifiés qui représentent un montant indu pour les agriculteurs canadiens.
Le président : Merci, monsieur Sobkowich. Nous passons maintenant à M. Phillips.
Richard Phillips, directeur exécutif, Producteurs de grains du Canada : J'aimerais attirer votre attention sur la carte de chemin de fer que je vous ai remise. Je tiens à ce que vous compreniez ce que nous entendons par « éliminer l'inspection à l'arrivage » et pourquoi cette fonction n'est plus nécessaire aujourd'hui. Une des voies ferrées sur la carte porte la mention « 1972 ». Il y a 40 ans, pour une ferme au nord de Regina, en Saskatchewan, il y avait une ligne de chemin de fer le long de laquelle se trouvaient jusqu'à 10 compagnies céréalières. Le train venait avec 100 wagons et laissait 10 wagons à chaque silo. Chaque silo expédiait de l'orge, du blé, du canola, des pois et des lentilles — toute sorte de récoltes. Le train revenait, récupérait les wagons et amenait les 100 wagons vers les ports de Vancouver et de Thunder Bay. Il était trop onéreux de diviser le train et de donner à chacun ses wagons, de sorte que chacun avait 100 wagons à un terminal et le train suivant se rendait à l'autre terminal. Les grains de ces différentes compagnies étaient mutuellement acheminés au terminal de l'autre. Les entreprises ne se faisant pas trop confiance, il était important d'avoir une inspection sur place. L'inspecteur impartial de la Commission canadienne des grains attribuait un numéro 2 au blé ou un numéro 1 au canola, et cetera, et c'est ce qui servait de base au règlement entre les compagnies expéditrices et réceptrices. Aujourd'hui, sur cette même ligne ferroviaire, il y a sans doute un seul silo qui expédie les 100 wagons. Disons qu'il expédie 100 wagons de canola. Il les achemine le plus souvent vers son propre terminal pour ne pas payer tous les frais d'inspection lorsqu'il s'agit d'un transfert interne de grains. Ce que nous appelons « l'inspection à arrivage », c'est exactement ce dont nous n'avons plus besoin du fait que notre système a tellement changé. Voilà à quoi ressemble la carte aujourd'hui.
Nous sommes ravis des changements proposés pour mettre fin à l'inspection à l'arrivage. Nous sommes également heureux de certains changements proposés concernant le cautionnement et la sécurité. Nous pensons qu'il existe de meilleurs mécanismes que les systèmes de cautionnement que nous utilisons depuis de nombreuses années. Ce projet de loi comporte deux ou trois lacunes. Nous espérons qu'un autre projet de loi viendra plus tard.
Premièrement, il y a l'agrément accordé aux installations à valeur ajoutée. Si je livre mon grain aux silos de l'un de ces messieurs et si nous ne sommes pas d'accord — il dit que c'est du blé numéro 2 et je dis que c'est du numéro 1, je peux envoyer un échantillon de ce grain à la Commission des grains qui le testera et nous accepterons sa décision. Si j'amène mon grain à une minoterie ou à une usine de traitement du canola, je n'aurai pas accès au même grade et au même taux d'impuretés si nous ne sommes pas d'accord. Beaucoup de producteurs aimeraient que la CCG ait aussi le pouvoir d'établir ce grade et ce taux d'impuretés ailleurs que dans les silos de grain agréés.
Deuxièmement, la question de la gouvernance. D'une façon ou d'une autre, dans ce nouveau contexte, les producteurs paieront. Les compagnies céréalières devront payer les frais, mais lorsqu'elles calculeront combien elles doivent me payer mon grain, elles intégreront le coût associé à tous ces frais. D'une façon ou d'une autre, cela sortira de la poche des producteurs. Il est essentiel que cet organisme rende mieux compte de sa gouvernance à l'industrie et aux producteurs de grains. Nous devons savoir. Les bureaucraties qui sont là de longue date ont tendance à s'occuper de plus en plus de choses — la lourdeur bureaucratique. Nous voulons que les agriculteurs puissent s'adresser à une ou deux personnes siégeant au conseil d'administration du nouvel organisme pour leur demander pourquoi on augmente encore nos frais; sinon, cela se produira chaque année. C'est ainsi que fonctionne parfois la bureaucratie. Nous voulons quelqu'un qui soit responsable devant les agriculteurs et qui puisse justifier la hausse des frais. Nous serons d'accord si elle est justifiée.
Troisièmement, nous voulons plus de souplesse dans les inspections à la sortie. Une grève de la Commission canadienne des grains immobilise le port et nous ne pouvons pas charger les bateaux. Nous avons besoin de souplesse dans un système juste-à-temps pour qu'une minoterie japonaise qui a besoin de 50 tonnes de blé à une certaine date ne subisse pas de retard. On ne peut pas se permettre des retards. Si nous en avons, en raison de grèves ou de problèmes ferroviaires, les pays se tournent vers d'autres pays fournisseurs pour acheter leur blé, car ils ne peuvent se permettre d'avoir une minoterie vide. Cela nuit à la réputation du Canada et au potentiel de ventes futures de ces personnes. Voilà le genre de questions que, selon nous, les prochains projets de loi devraient aborder.
Le président : Merci, monsieur Phillips.
Le sénateur Plett : Merci, messieurs, de comparaître de nouveau devant le comité.
Ma première question s'adresse à la Western Grain Elevator Association. Ce qui m'intéresse depuis toujours, c'est l'agriculteur. Les agriculteurs sont-ils heureux? Dans ce cas-ci, nous devons nous préoccuper également des compagnies céréalières. Actuellement, en cas de différend entre un agriculteur et un exploitant de silo au sujet d'un grade ou d'un taux d'impuretés, l'inspecteur en chef des grains de la Commission canadienne des grains procède à une nouvelle inspection. Cette procédure demeure dans les changements proposés. On nous a dit que les agriculteurs appréciaient ce service, mais qu'en est-il des compagnies céréalières? Si pouvez répondre tous les deux.
Richard Wansbutter, président, Western Grain Elevator Association Management Committee, Western Grain Elevator Association : Les changements proposés prévoient que l'agriculteur aura encore la possibilité de s'adresser à l'inspecteur en chef pour arbitrer le différend concernant le grade et le taux d'impuretés. Nous acceptons ces changements. Je pense que l'agriculteur continue d'être protégé.
J'aimerais replacer tout cela en contexte. Nous avons toujours besoin de ces dispositions pour que les agriculteurs puissent faire appel. C'est pourquoi nous les appuyons.
Viterra manutentionne environ 14 millions de tonnes de grains chaque année. J'ai demandé à nos inspecteurs combien de différends il y avait au cours d'une année. La réponse m'a étonné. Il n'y en avait qu'une dizaine environ dans l'ensemble du système. Ce que je veux dire par là, c'est que nous avons des inspecteurs qualifiés, nos propres inspecteurs, à chaque silo, mais que l'on doit disposer d'un processus d'appel, et je pense que les changements répondent aux besoins des producteurs et les protègent.
M. Phillips : Je suis d'accord. Ce système demeure. Même si seulement 25 à 50 personnes dans l'ouest du Canada l'utilisent, c'est un service important. Nous aimerions qu'il soit étendu aux minoteries, aux malteries et aux usines de trituration du canola. Actuellement, si nous avons un différend avec Viterra au sujet des taux d'impuretés dans notre grain, nous envoyons un échantillon pour qu'il soit vérifié. Si je l'envoie à l'usine de trituration du canola et si l'on me dit que le grade est bas, je n'ai pas de recours, car le grain a déjà été déchargé. Nous aimerions que cette procédure soit étendue à d'autres installations à valeur ajoutée.
Le sénateur Plett : La Commission canadienne des grains demande des frais d'utilisation aux compagnies céréalières pour tous les services qu'elle offre. Mais chacun sait que les compagnies céréalières — qui cherchent évidemment à faire de l'argent — transmettent ces coûts aux agriculteurs. Quel est le pourcentage transféré aux agriculteurs et quel est le pourcentage payé par les compagnies céréalières?
M. Sobkowich : Lorsque les coûts sont fixes dans l'ensemble de l'industrie, on ne se fait pas concurrence sur ces coûts. D'autres facteurs entrent en jeu. Les coûts de transport sont fixes et sont les mêmes pour tout le monde. Ils sont indépendants de notre volonté. Les coûts de la CCG sont fixes et les mêmes pour tout le monde. Ils sont aussi indépendants de notre volonté. Ce sont des facteurs qui sont compris dans le rendu. Les compagnies se font ensuite concurrence sur le reste et tentent de faire des économies en rationalisant leur exploitation, tout ce qu'il est possible de faire pour être plus concurrentielles. Elles ont tendance à se faire concurrence sur ces autres éléments du rendu, alors que les coûts de la CCG et de transport sont fixes. Tout est mis dans le panier.
Le pourcentage que les compagnies paient et le pourcentage que les agriculteurs paient font partie du même calcul, c'est une constante qui entre dans le calcul. Je dirais que dans ce cas, les coûts de la CCG sont transmis par les compagnies céréalières à l'agriculteur ou au client final, dans la mesure où on peut récupérer sur le marché international.
Le sénateur Plett : Je ne vous suis plus très bien. J'avais cru comprendre que les agriculteurs payaient tout.
M. Sobkowich : C'est ce que j'ai dit.
Le sénateur Plett : J'ai donc bien compris.
M. Phillips : Cela se transmet de haut en bas de cette façon.
Le sénateur Plett : Les agriculteurs sont ravis de payer la totalité des coûts. Je ne crois pas.
M. Phillips : À vrai dire, c'est la même chose pour toutes les compagnies. Ce n'est pas que Viterra essaye de transférer tous les coûts à l'agriculteur et qu'une autre ne le fait pas. C'est la même chose pour tout le monde. En fin de compte, elles travaillent fort parce qu'elles veulent acheter notre grain chaque année. La concurrence est plutôt vigoureuse. Elles se donnent du mal pour acheter le grain. Je reconnais le mérite de toutes les compagnies céréalières.
Le sénateur Plett : Bien sûr, d'autres agriculteurs vont témoigner plus tard ce matin et nous allons leur demander s'ils sont si heureux que ça.
Monsieur Phillips, j'allais vous demander quels changements de politiques précis vous souhaitiez, mais vous avez déjà répondu dans votre présentation. Pensez-vous que ce que nous faisons actuellement est un premier pas positif vers les changements de politiques que vous souhaitez?
M. Phillips : C'est un premier pas positif. Mais nous aimerions que le deuxième arrive rapidement, car ces frais augmentent énormément. Il y a aura des économies de 1,51 $ la tonne à la sortie. Lorsque Viterra charge un bateau de 1 000 tonnes, les frais sont de 150 000 $ pour chaque chargement au départ. C'est beaucoup d'argent.
On a parlé de revoir les activités de la Commission des grains, de ces nombreuses fonctions depuis des années. Parmi ces services, lesquels ajoutent de la valeur pour les agriculteurs? S'ils ajoutent de la valeur, nous paierons, mais il nous semble que bon nombre de ces fonctions n'ajoutent pas nécessairement de la valeur. Il y a toujours de nouveaux règlements dont il est ensuite difficile de se débarrasser. Le monde a beaucoup changé depuis la fin de la Commission du blé. Nous devons revoir tout cela pour savoir ce qui ajoute vraiment de la valeur, et c'est ce pour quoi nous paierons. Tout le reste devrait être optionnel.
M. Wansbutter : J'aimerais ajouter quelque chose. Nous sommes tout à fait en faveur des pesées et des inspections à la sortie. Ce que nous voulons dire, c'est que nous avons un problème quand les coûts d'un organisme de réglementation ne sont pas vérifiés ou évalués. Dans l'exemple donné par M. Sobkowich, nos frais vont passer à 1,50 $ la tonne, mais si je pouvais utiliser un autre fournisseur, par exemple, SGS ou Intertek, que nous avons déjà utilisés et dont nous savons que les frais sont d'environ 40 cents la tonne, nous pourrions être aussi rentables que possible.
Pour répondre à votre question, vous avez raison, ces coûts sont transmis au producteur. J'aimerais mieux transmettre 40 cents que 1,50 $.
Le sénateur Merchant : Ma première question est en fait une demande de renseignement parce que des gens m'ont posé la question suivante : Pourquoi les silos de transbordement sont-ils combinés en une seule catégorie de silos terminaux? Il y a beaucoup de discussions à ce sujet et les gens se demandent pourquoi on prend ces mesures.
M. Sobkowich : Auparavant, la manutention du grain par les silos de transbordement et les silos terminaux était différente. Dans l'exemple donné par M. Phillips, de nombreux wagons de nombreuses sources se rendaient au terminal qui devait gérer le tout. Il doit encore le faire, mais c'est plus homogène et les sources sont moins nombreuses. Le silo de transbordement recevait simplement le produit, l'acheminait vers son installation et le chargeait sur le bateau. Comme son nom l'indique, il faisait du transbordement.
La différence entre ce que fait un silo terminal et ce que fait un silo de transbordement n'est plus aussi nette. Les silos de transbordement sur le Saint-Laurent acceptent le grain dans le cadre de programmes de transport ferroviaire direct qui leur permettent de contourner Thunder Bay et de se rendre directement à leurs installations, auquel cas ils fonctionnent comme un silo terminal de Thunder Bay. Je pense que la Commission canadienne des grains a estimé que leurs activités sont tellement semblables que l'on pouvait rationaliser le système et en faire une seule catégorie, soit des silos terminaux.
Le sénateur Merchant : Une autre chose dont on m'a dit qu'elle était importante — et même très importante — concerne les pesées et les inspections officielles. On me dit que la pesée ne se limite pas à la simple pesée du grain. On vérifie qu'il n'y a pas de fuite dans les wagons. On vérifie que les wagons sont bien identifiés, que chaque compartiment est plein. On vérifie l'identité du grain. Le matériel est vérifié et on tient des dossiers. Ces données sont importantes en cas de différence entre le poids de chargement et de déchargement et sont utilisées pour régler les différends.
Pour la pesée et l'inspection, il semble que le producteur soit censé retenir les services d'une entreprise qui vient observer le déchargement du grain, prendre des échantillons et inspecter. Quelqu'un qui observe le déchargement de wagons sait qu'ils ne sont pas déchargés dans un ordre donné. Par exemple, je peux expédier trois wagons qui ne seront pas déchargés en même temps ou le même jour et je ne saurais donc pas quand engager quelqu'un. On me dit que ce genre d'inspection fonctionne seulement sur papier. Pouvez-vous m'expliquer?
M. Wansbutter : Je vais essayer de répondre à certaines des questions et je demanderai à M. Sobkowich et à M. Phillips d'intervenir.
Pour ce qui est de votre première remarque, ce sont les employés de notre compagnie qui inspectent les wagons. On ne voit aucun employé de la CCG sur la voie. C'est à nous d'inspecter les wagons au moment du chargement pour vérifier qu'ils sont en bon état et qu'il n'y a pas de fuite. C'est notre personnel à la fosse de réception qui fait rentrer les wagons. Il ouvre les portes. Il vérifie que les wagons ne présentent pas de problèmes. Ce n'est pas le personnel de la CCG qui s'acquitte de cette fonction.
Pour ce qui est de la pesée et de l'inspection à l'arrivage, comme M. Sobkowich l'a dit à plusieurs reprises, la plupart du temps, probablement 95 p. 100 dans notre cas, le grain que nous déchargeons vient de nos propres points d'origine. Viterra expédie le grain de son silo primaire vers son propre terminal d'exportation. Nous avons déjà tout réglé avec l'agriculteur. Nous sommes les propriétaires de ce grain, nous l'avons acheté et nous l'acheminons pour qu'il soit vendu, que ce soit pour nous ou pour la Commission canadienne du blé. Par conséquent, nous n'avons pas besoin que la CCG fasse une pesée ou une inspection à l'arrivage.
Je voulais dire également que nous sommes étroitement réglementés par les Services d'inspection des poids et mesures afin que nos systèmes de pesée dans le terminal primaire et le terminal d'exportation soient testés et vérifiés et qu'ils soient exacts. D'après nous, ce service que la commission fournit est redondant et inutile.
M. Phillips : Je suis d'accord avec ce qui a été dit.
M. Sobkowich : J'ajouterais une dernière chose. Ce serait la même chose, par exemple, que de remplir son réservoir à la station-service. Il n'y a personne là pour vérifier que le volume et les poids sont exacts. Ils le sont parce qu'ils sont certifiés par Mesures Canada. C'est la même chose qui va se produire ici.
M. Phillips : Il est possible que la personne qui a rédigé ce texte parlait de l'expédition des wagons de producteurs. Bon nombre des wagons de producteurs arrivent en blocs. Ils circulent sur des lignes de courte distance. Il y en a en Saskatchewan, comme vous le savez. On expédie un bloc de wagons. En général, la destination a fait l'objet d'une négociation. On négocie avec les terminaux Mission, par exemple à Thunder Bay, et les employés de ces terminaux procèdent à l'inspection ou font appel à SGS ou à quelqu'un d'autre pour l'inspection et le classement. Cependant, comme M. Wansbutter l'a dit, ils ne font pas le travail que cette personne pensait qu'ils faisaient là, de sorte que cela ne me semble pas problématique.
Le sénateur Merchant : J'aurais une dernière question au sujet de l'élimination des pesées de contrôle. Ces pesées permettent de faire en sorte que les compagnies ne reçoivent pas trop d'impuretés. Les agriculteurs estimaient que l'on profitait d'eux, et l'élimination de ces pesées implique quelque chose de nouveau. Cela veut dire : Faites-moi confiance, la concurrence ne les rend pas honnêtes. Vous pouvez peut-être me dire ce qu'il en est.
M. Phillips : À titre d'agriculteur, je dois dire que c'est complètement faux. La plupart des agriculteurs ont une très bonne idée du taux d'impuretés dans leurs échantillons de grain. Si je m'adresse à Viterra et que je ne suis pas satisfait du taux d'impuretés, je peux m'adresser à Pioneer ou à bien d'autres compagnies ou je peux envoyer un échantillon à la Commission des grains pour qu'elle établisse le grade pour nous. Une fois que les compagnies ont acheté mon grain, c'est à elles de faire des mélanges et d'en tirer un profit. Si j'ai du blé numéro 2 à vendre et Viterra veut me l'acheter, elle me donne un numéro 1, car elle sait qu'elle peut faire un mélange. Les agriculteurs voient bien qu'il existe une forte concurrence et que si le grade au moment de la vente n'est pas satisfaisant, ils peuvent envoyer un échantillon à la Commission des grains pour obtenir un classement. Ce qu'elles font après, c'est leur affaire, elles peuvent en tirer un profit, mais elles courent aussi le risque de perdre de l'argent.
Je pense que cela n'est plus d'actualité, mais c'est toujours un bon sujet de conversation.
Le président : En tous cas, quand ils veulent envoyer de l'information aux sénateurs, ils peuvent le faire. Merci de cette information, monsieur Phillips.
Le sénateur Eaton : J'aimerais revenir sur les questions posées par le sénateur Plett. Êtes-vous en train de dire, et je pense que ce sera de plus en plus important à mesure que nous expédions davantage de grains, espérons-le, dans le cadre des accords de libre-échange avec l'Inde et éventuellement la Chine, la Corée et le Japon, que les pesées à la sortie devraient être ouvertes à la concurrence? Devraient-elles être totalement fonction du marché pour que tout le monde ait le choix de s'adresser à la CCG ou à quelqu'un d'autre? Le système devrait-il être déterminé par le marché?
M. Sobkowich : Je vais commencer. Nous pensons qu'il devrait être axé sur le marché. Il s'agit de donner au client ce qu'il veut. Si le client veut faire appel à un organisme d'inspection reconnu au niveau international, pourquoi n'aurait- il pas cette option? En réalité, il l'a déjà.
Le sénateur Eaton : On peut ne pas passer par la CCG?
M. Sobkowich : Non, on doit passer par la CCG. Mais une compagnie comme SGS peut se charger également de l'inspection. Si le client veut un certificat de la SGS, c'est ce que nous lui donnerons.
Le sénateur Eaton : Serait-ce viable de ne pas être obligé de passer par la CCG? Autrement dit, est-ce viable de laisser complètement le choix au client?
M. Sobkowich : Ce serait viable pour deux raisons. Premièrement, c'est déjà viable actuellement. En donnant une option dans ce cas, nous n'aurions pas à payer un certificat de la CCG qui finit à la poubelle.
Deuxièmement, dans bien des cas, on doit continuer de respecter le système de classement réglementaire de la Commission canadienne des grains. Même si une tierce partie inspecte le grain, elle doit le faire en respectant le système réglementaire. Certains clients peuvent avoir d'autres éléments que la tierce partie analyserait et consignerait, mais ce serait limité aux clients qui le souhaitent.
Nous devons donner la priorité au client et avoir la souplesse voulue pour continuer de donner un certificat de la CCG à ceux qui le veulent, mais en permettant à d'autres fournisseurs de services d'intervenir pour ceux qui sont prêts à l'accepter.
Le sénateur Eaton : Si le marché était ouvert et s'il n'était plus obligatoire de passer par la CCG, serait-ce une bonne façon de faire un nettoyage — si j'ose dire — ou de faire en sorte que la CCG étudie attentivement ses coûts et rationalise son système?
M. Sobkowich : En effet, et cela rejoint ce qui a été dit au sujet de ce qui est bon pour le Canada, car cela ne serait pas possible dans la perspective de la viabilité de la CCG. Elle a réorganisé ses finances pour tirer un revenu de ce certificat. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles il continue d'être obligatoire. Si nous pouvions adopter la partie concernant ce qui est bon pour le Canada et imposer des frais uniquement pour les coûts directs liés à ces services, je pense que ce serait faisable.
Le sénateur Eaton : Très bien. Supposons que dans un monde idéal, on ouvre le marché et qu'il n'est plus obligatoire de passer par la CCG; le client choisit qui fait la pesée et le classement à la sortie et qui délivre le certificat, y a-t-il alors un autre rôle pour la CCG?
M. Sobkowich : Oui. Si les clients ne choisissent plus CCG pour cette fonction, elle conserve le système de classement réglementaire.
Le sénateur Eaton : Elle continue de fixer les normes?
M. Sobkowich : Exactement. C'est ce que j'appelle le système de classement réglementaire. Elle continue de fixer les normes que nous devons continuer de respecter. Elle change avec le temps et l'évolution du marché et elle réagit, mais elle maintient le système de classement réglementaire.
M. Phillips : Puis-je parler en qualité de producteur?
Le sénateur Eaton : Oui.
M. Phillips : Les Producteurs de grains du Canada comptent 14 associations de produits. Nous avons demandé à nos membres s'ils préféraient un système obligatoire ou facultatif. Les États-Unis sont notre principal client, or la Commission des grains n'inspecte pas le grain qui leur est destiné. Elle n'inspecte que le grain et accorde ces précieux certificats que pour les chargements sur des bateaux en partance d'un port.
Le sénateur Eaton : Pourquoi?
M. Phillips : Tout est déjà négocié avec les acheteurs. Les compagnies céréalières traitent directement avec les acheteurs américains, sans que la Commission des grains n'intervienne.
M. Wansbutter : Cela faisait partie des premières négociations de l'ALENA. Et nous avons un tel commerce transfrontalier dans les deux sens que ces services d'inspection ont été jugés inutiles. Nous utilisons plutôt des accords contractuels.
Le sénateur Eaton : Si l'on rendait le service facultatif et si l'on pouvait choisir l'entité qui ferait le classement et délivrerait les certificats, y aurait-il un impact sur la marque canadienne à l'étranger, négatif ou positif?
M. Sobkowich : Je vais vous donner mon opinion là-dessus.
Encore une fois, le système de classement réglementaire demeure. Le certificat obtenu de la CCG ou d'un tiers doit le respecter. Voici le blé roux de printemps de l'Ouest canadien, voici son indice de chute et sa teneur en protéines. Les clients ont besoin de renseignements pour d'autres choses en dehors du système de classement réglementaire.
Je ne vois pas pourquoi on ne pourrait pas faire ce changement tout en donnant au client ce qu'il demande. Je ne vois aucune raison pour laquelle ce ne serait pas possible. Ce faisant, nous garderions notre réputation de fournisseur fiable qui offre un produit évalué avec exactitude et de qualité constante.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Phillips, vous avez ici une carte. Vous dites qu'en 1972, il y avait 10 silos et qu'il n'y en a plus qu'un. Quelle est en gros la distance?
M. Phillips : Elle varie selon l'endroit dans les Prairies. Dans le sud de la Saskatchewan, elle peut être plus grande. Ma ferme se trouve à Tisdale, en Saskatchewan, et nous avons cinq de ces gros silos à une distance de 30 ou 40 milles. Mais il existe plusieurs lignes de chemin de fer et ils sont à différentes distances sur ces lignes. Dans certains cas, ils sont distants de 100 milles et dans d'autres de 50 milles. Un peu plus ou un peu moins. Dans certains cas, il a pu y en avoir deux ou trois dans la même ville, et non dans 10 villes distinctes.
Le sénateur Callbeck : Vous avez dit qu'en cas de différend concernant la qualité à la livraison du grain au terminal, la Commission des grains s'en occupe. Mais si le grain est destiné à une minoterie, il n'y a personne pour régler ce différend.
M. Phillips : C'est exact.
Le sénateur Callbeck : Quelle est la réaction par rapport à la Commission des grains à ce sujet?
M. Phillips : Les producteurs veulent un changement. Par exemple, les minoteries sont moins nombreuses et le transport est donc plus long. Normalement, le grain est transporté par une entreprise de camionnage. Je ne suis pas là au déchargement pour négocier; je dois prendre ce qu'on me donne. La plupart des producteurs aimeraient une extension de ces services. Je ne sais si les exploitants de minoteries et d'usines de triturage du canola seraient d'accord. Ces messieurs pourraient donner leur avis. Je pense que vous avez investi dans certaines de ces installations?
M. Wansbutter : J'hésite toujours à parler au nom de quelqu'un d'autre, mais je crois comprendre que l'Association canadienne des producteurs d'oléagineux, la COPA, a étudié la question et ne semble pas avoir d'objection.
M. Phillips : La concurrence est plutôt forte et il existe de nombreuses usines de triturage des oléagineux en Saskatchewan, comme le sénateur Merchant doit le savoir. Si on ne me donne pas satisfaction, je vais m'adresser ailleurs. La concurrence assure une certaine régulation. Pour les quelques cas de désaccord important, nous aimerions que la Commission des grains procède à une inspection.
Le sénateur Callbeck : En avez-vous parlé à la Commission des grains?
M. Phillips : Je ne veux pas parler en son nom, mais je suppose qu'elle serait prête à faire ces inspections.
Le sénateur Callbeck : Qu'en est-il du coût de l'assurance-crédit et de la caution que vous devez déposer auprès de la compagnie d'assurances? Un témoin nous a dit l'autre jour que le coût de l'assurance-crédit représentait un dixième du coût de la caution. Êtes-vous d'accord? Est-ce une dépense importante?
M. Sobkowich : Je vais d'abord vous donner une idée des coûts actuels de garantie avant de parler éventuellement de ce qui arrivera dans un avenir qui comporte encore bien des inconnus.
Aujourd'hui, les dépôts de garantie de l'industrie s'élèvent à 600 millions de dollars. Ce n'est pas le coût de fournir une garantie, mais le montant du dépôt de garantie. Le coût de garantie est de 9 millions de dollars par an pour l'ensemble de l'industrie, soit 1,4 million de dollars pour la Commission canadienne des grains, 1 million de dollars pour l'administration des acheteurs et 6,6 millions pour les compagnies qui font un dépôt de garantie. C'est ce que leur coûte le dépôt de garantie de 600 millions de dollars. Ce sont les coûts actuels.
Selon ma compréhension limitée du système d'assurance — si c'est vers quoi nous allons — les coûts seraient sensiblement réduits, mais tout est dans les détails. Nous ne connaissons pas encore ces détails. Nous savons simplement que le projet de loi donne à la CCG le droit d'abandonner la garantie intégrée prévue dans la Loi sur les grains du Canada et de concevoir autre chose qui lui conviendra. Tout dépend de la façon dont les choses se passeront. Nous supposons qu'elle consultera l'industrie et les agriculteurs. Je ne peux pas vous dire dès maintenant si ce sera 10, 5 ou 20 p. 100. Je suis persuadé que ce sera moins, mais je ne connais pas le pourcentage. M. Wansbutter ou M. Phillips en ont peut-être une meilleure idée.
M. Wansbutter : La commission a déjà indiqué que l'administration de son système de garantie n'est pas le plus économique ni le plus efficace qui soit. Pour déposer une caution, il faut réserver 600 millions de dollars de capital qui pourrait servir ailleurs. Avec une assurance, on paie une prime et on n'a pas à immobiliser cet argent. Cela devrait réduire le coût du système et donner aux compagnies plus de capital à investir ailleurs.
M. Phillips : J'aimerais dire également que dans certains cas des compagnies ont fait faillite parce qu'elles devaient déclarer leur situation financière tous les 30 jours. Même si elles avaient déposé la caution, leur endettement avait tellement augmenté depuis leur dernier dépôt qu'elles n'obtenaient que 50 ou 70 cents par dollar. Pour certains producteurs, une assurance serait mieux adaptée pour payer ce pour quoi ils la souscrivent.
Le sénateur Callbeck : Quelle est la composition de la Commission canadienne des grains? Qui siège à la commission?
M. Sobkowich : La Commission des grains en tant qu'organisation?
Le sénateur Callbeck : Oui.
M. Sobkowich : C'est un organisme de réglementation. Il y a trois commissaires qui sont nommés par le ministre de l'Agriculture et qui dirigent la commission. Il y a ensuite plusieurs directions qui s'occupent des services à l'industrie, de la recherche et de toute sorte d'autres activités.
Aucun membre de l'industrie et aucun producteur ne siègent à la Commission des grains. Mais la Loi sur les grains du Canada exige qu'elle établisse un comité de normalisation de l'Ouest et un comité de normalisation de l'Est auxquels siègent des participants des différents secteurs de l'industrie, des organisations agricoles, des exportateurs, des manutentionnaires de grains, et cetera, qui donnent des conseils pour améliorer les valeurs et les niveaux dans le système de classement réglementaire, étudient la recherche et tentent de trouver de nouveaux moyens de fournir un produit constant et de qualité. Par exemple, actuellement, nous mesurons, pour donner une explication très simple, la teneur en gluten à partir du germe. On regarde le grain pour voir le niveau de germination. C'est un indicateur. Ce groupe étudierait la recherche pour savoir si l'indice de chute permet de déterminer s'il s'agit d'un meilleur moyen de mesurer la teneur en gluten et si on peut l'intégrer au système de classement. Il existe donc cette interface avec l'industrie par le biais de la Commission canadienne des grains, mais la commission elle-même n'a que des employés.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Phillips, vous avez dit que les agriculteurs devraient participer davantage et vous avez parlé également des frais. Que vouliez-vous dire?
M. Phillips : Comme je l'ai dit, nous assumerons une grande partie des coûts. On parle beaucoup de modifier la structure de gouvernance. Actuellement, il y a trois commissaires nommés. La Commission des grains demande si l'on devrait avoir un ou deux commissaires. Nous avons proposé la création d'un conseil d'administration, nommé par le ministre, qui comprendrait deux ou trois agriculteurs et éventuellement des membres de l'industrie céréalière. On doit avoir à la tête de la commission une, deux ou trois personnes à qui on peut demander pourquoi les frais augmentent de 4 p. 100 l'an prochain. J'ai besoin de quelqu'un en qui j'ai confiance et qui me dise : « Richard, nous entreprenons des démarches sur le plan international et nous travaillons à autre chose. Nous avons besoin de cet argent et ce sera bon pour les agriculteurs. C'est important pour les normes internationales. » Si on nous présente les bons arguments, nous les accepterons. Nous craignons de finir avec un système dans lequel il n'y aura pas de responsable en qui avoir confiance et qui réponde directement aux agriculteurs. C'est ce genre de responsabilisation que nous souhaitons.
Le sénateur Buth : Les deux organisations se sont prononcées en faveur des changements proposés dans le projet de loi. Nous vous remercions de vos suggestions pour les autres changements à envisager. Nous cherchons tous à éviter le gaspillage autant que possible afin de réduire les coûts à l'échelle du réseau, particulièrement pour les agriculteurs.
Vous utilisez un terme qui n'est pas nécessairement connu de tout le monde et j'aimerais que vous le définissiez : le prix « rendu ». Pouvez-vous nous parler un peu de ce prix rendu et de la manière dont il est fixé? Pouvez-vous me dire si ce prix rendu a fluctué au fil des ans? Quelles sont les tendances en la matière?
M. Sobkowich : Le prix rendu englobe les éléments de coûts qui ont été comptabilisés dans le prix offert par une entreprise qui cherche à être compétitive et à attirer le grain de l'agriculteur vers son silo. Les entreprises se prévalent de tous les moyens pour y arriver. Les calculs effectués pour obtenir le prix rendu comprennent les coûts fixes, dont les droits à verser à la CCG et les frais de transport, les coûts de l'entreprise et la marge bénéficiaire que celle-ci décide d'y ajouter, quelle qu'elle soit. Il y a peut-être d'autres éléments qui m'échappent, mais ce sont là les facteurs dont les entreprises tiennent compte pour établir les prix qu'elles vont offrir pour attirer le grain des agriculteurs.
M. Wansbutter : Pour répondre à votre question sur les tendances en matière de prix rendu, comme M. Sobkowich l'a déjà précisé, le prix que nous proposons au producteur varie suivant les conditions. Quand la demande est forte, par exemple pour le canola, nos entreprises se font concurrence auprès des producteurs. On assiste alors à un resserrement du prix rendu, car pour obtenir ce grain, nous devons être plus compétitifs et offrir de meilleurs prix aux producteurs. D'autres fois, les choses se passent à l'inverse et le prix rendu est majoré pour diverses raisons, par exemple si nous ne sommes pas sur le marché, si nous n'avons pas besoin de cet approvisionnement, ou encore à cause d'autres coûts.
Le sénateur Buth : Il s'agit donc d'une combinaison des coûts fixes au sein du réseau.
M. Wansbutter : Et des coûts de risque.
Le sénateur Buth : C'est aussi la formule que vous utilisez pour faire savoir à l'agriculteur si vous voulez ou ne voulez pas de son grain.
M. Wansbutter : Oui. C'est un indice de ce que le marché veut ou ne veut pas.
Le sénateur Buth : Monsieur Phillips?
M. Phillips : La plupart des agriculteurs surveillent le prix rendu de près. C'est au moment de la récolte que le prix rendu peut être majoré et que les prix peuvent baisser pour nous. Tout le monde s'efforce de livrer son blé en même temps et il faut attendre encore toute une semaine pour que les bateaux arrivent à Vancouver. Les entreprises ne veulent pas du blé dans leurs silos, car cela les bloque et elles ont besoin des bateaux pour le canola. Comme il leur faut charger le canola sur les bateaux dans les délais, elles cherchent alors assidûment à offrir de meilleurs prix pour le canola, ce qui favorise les agriculteurs. C'est ainsi que cela fonctionne. Les agriculteurs surveillent le marché pour y déceler les indices. Ils se disent que si le marché semble vouloir davantage de blé que de canola, et puisqu'ils doivent expédier leur grain d'une façon ou d'une autre, ils iront négocier pour la denrée privilégiée par les entreprises à ce moment-là. On peut toujours deviner ce qui correspond à la marge bénéficiaire sur les coûts.
Le sénateur Buth : Le prix a-t-il beaucoup fluctué au fil des ans?
M. Wansbutter : Le prix rendu fluctue considérablement.
Le sénateur Buth : Peut-on relever des tendances?
M. Phillips : Le marché est tout aussi concurrentiel pour mon grain aujourd'hui, voire davantage que par le passé. Cela s'explique en partie parce que les agriculteurs sont prêts à transporter leur grain plus loin et à chercher des débouchés à l'étranger, contrairement à ce qui se passait à l'époque où ils se contentaient d'aller au silo local, à quelques kilomètres de chez eux.
M. Wansbutter : À compter du début de cette campagne agricole, le prix rendu s'est contracté pour la grande majorité de nos cultures. Il s'est avéré très compétitif, mais je ne saurais prédire si la tendance se poursuivra à l'avenir.
Le sénateur Buth : Vous avez dit que certains acheteurs exigent des certificats de fournisseurs tiers pour les inspections de sortie. SGS est une entreprise d'inspection apte à fournir ces services. Est-ce habituel? Croyez-vous qu'à l'avenir les clients demanderont de plus en plus que l'on fasse appel à un autre service?
M. Wansbutter : Je dois dire que ce n'est pas habituel. Nous faisons affaire à la Commission canadienne des grains depuis tellement d'années que la plupart de nos clients y sont habitués. À mesure que le réseau évolue, ce n'est pas parce que le travail de la commission laisse à désirer que les clients nous demandent de faire appel à SGS ou à Intertek — loin de là — c'est parce que certains clients demandent de nombreuses analyses quantitatives que la CCG ne fait pas ou ne consigne pas nécessairement dans le certificat final. Certains clients font valoir que le grade et la teneur en protéines sont des renseignements utiles, certes, mais ils sont insuffisants. Il faut davantage d'information. Nous y avons déjà fait allusion. Par exemple, si nous expédions la marchandise dans le cadre d'une vente de blé à prix réduit, nous devons connaître l'indice de chute, la teneur en cendres et le taux de sorption d'eau. Les fournisseurs tiers s'occupent de tout cela et présentent le tableau analytique complet nécessaire pour nous permettre d'évaluer ce que nous sommes en train de vendre ou ce que nous sommes prêts à offrir.
Le sénateur Buth : Pourquoi y a-t-il une différence au niveau des coûts?
M. Sobkowich : La différence est attribuable au fait qu'il s'agit d'une marchandise d'origine canadienne. La CCG se doit de prévoir les coûts du Laboratoire de recherches sur les grains, le maintien d'un système de classement réglementaire, les coûts du bureau d'administration, et cætera. Comme tout cela se fait suivant une formule de recouvrement intégral des coûts, la commission doit comptabiliser ces coûts à l'heure d'établir les droits. Ses recettes proviennent principalement des droits perçus pour la délivrance de permis et de ceux perçus pour les inspections de sortie, et comme la commission procède de la sorte, ses coûts vont nécessairement être très élevés. D'autres organismes n'ont pas de laboratoire de recherches sur les grains et ne sont pas obligés de surveiller le système ni de s'acquitter d'une série d'autres fonctions liées à l'origine canadienne de la marchandise; leurs coûts peuvent donc être sensiblement plus bas.
Le sénateur Mahovlich : Monsieur Phillips, vous avez parlé de grève. Êtes-vous en train de prétendre que le gouvernement devrait légiférer de manière à interdire les grèves chez, disons, les exploitants de silos ou de trains?
M. Phillips : Je ne dirais pas cela. Nous affirmons que, si nous pouvons avoir recours à la grève, le ministre a quant à lui la latitude de faire en sorte que SGC s'occupe de délivrer les certificats jusqu'à la résolution du conflit de travail. Ainsi, le grain pourrait être transporté pendant les négociations syndicales. Nous devons avoir une sorte de mécanisme qui nous permette de ne pas interrompre le transport du grain; mais je ne suis pas en train de préconiser le retour obligatoire au travail.
Le sénateur Mahovlich : Autrement dit, faire la grève mais continuer à jouer au hockey.
M. Phillips : Les joueurs peuvent être remplacés.
Le sénateur Mahovlich : Voilà pourquoi il y a des grèves. Tout le monde est affecté par la grève.
M. Sobkowich : M. Phillips a raison. Permettez-nous donc d'apporter des joueurs remplaçants lorsque la CCG se met en grève. Voilà encore une raison d'autoriser les inspections facultatives. C'est ce que nous voyons en ce moment pour les expéditions d'arrivage à Thunder Bay, où la Commission canadienne des grains n'a pas les ressources nécessaires pour inspecter tous les chargements. Nous avons dû improviser une solution temporaire pour composer avec le problème. Il a fallu pour cela que la CCG exonère les entreprises du classement officiel, leur permettant de classer leur propre grain. La grève nous inquiète, car si elle se produisait lors des inspections de sortie, elle pourrait carrément paralyser le commerce. Les bateaux pourraient être là à attendre sans que nous puissions charger la marchandise sous prétexte que la CCG est en grève et n'est pas en mesure de procéder aux inspections. Dans ces cas-là, ainsi que pour d'autres raisons, nous aimerions être en mesure de faire appel à des tiers.
Le président : Je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu ce matin et de nous avoir fait part de leurs commentaires.
Honorables sénateurs, nous allons à présent passer à notre deuxième groupe de témoins avec Kevin Hursh, directeur général de la Inland Terminal Association of Canada, ainsi que deux témoins à titre personnel, John De Pape et Jeff Nielsen.
La première intervention sera celle de M. Hursh, suivi par M. De Pape et enfin, M. Nielsen.
Nous vous demandons de faire votre déclaration préliminaire et nous vous poserons ensuite des questions.
Kevin Hursh, directeur exécutif, Inland Terminal Association of Canada : Je m'appelle Kevin Hursh et je suis le directeur général de la Inland Terminal Association of Canada, ou ITAC.
Je vais vous donner quelques renseignements sur l'ITAC, car vous n'êtes peut-être pas au courant de sa structure. La Western Grain Elevator Association qui a témoigné antérieurement représente les grandes sociétés céréalières de l'Ouest canadien. La Inland Terminal Association of Canada est un groupe de 10 terminaux céréaliers appartenant à au moins 50 p. 100 à des agriculteurs.
Il fut un temps où la plus grande partie du réseau de manutention du grain de l'Ouest canadien était gérée par des coopératives agricoles. Cette époque est révolue depuis longtemps, mais il subsiste un groupe de 10 terminaux — sept en Saskatchewan et trois en Alberta — qui appartiennent majoritairement à des agriculteurs. Certains ont des partenaires qui sont de grandes sociétés céréalières, alors que d'autres appartiennent entièrement à des agriculteurs.
Ainsi, très rapidement, en Alberta, il y a Providence Grain Solutions, à Fort Saskatchewan; Westlock Terminals, dans la ville de Westlock, au nord d'Edmonton; et le Lethbridge Inland Terminal.
En Saskatchewan, le plus gros de tous est le Weyburn Inland Terminal; nous avons ensuite le North West Terminal à Unity; le Prairie West Terminal, à Plenty dans la région de Dodsland au centre-ouest de la province; le Great Sandhills Terminal à Leader; le South West Terminal près de Gull Lake; le Gardner Dam Terminal près de Strongfield, dans les environs du lac Diefenbaker; et enfin le CMI Terminal dans la région de Naicam-Spalding.
Quatre de ces terminaux intérieurs sont copropriétaires avec deux autres partenaires de l'Alliance Grain Terminal sur la côte Ouest, ce qui fait qu'ils ont des liens avec l'exportation. Je songe à Great Sandhills Terminal, Weyburn Inland Terminal, North West Terminal et Prairie West Terminal qui sont copropriétaires d'Alliance Grain avec Parrish and Heimbecker et Paterson Grain, qui sont deux compagnies céréalières privées de l'Ouest canadien.
Après ces quelques données sur l'ITAC, je vais passer à la question qui nous occupe, c'est-à-dire les modifications à apporter à la Loi sur les grains du Canada. Ce que vous entendrez de l'ITAC rejoint ce que vous aurez entendu de nombreux autres intervenants de l'industrie. En règle générale, l'industrie estime qu'il est bon de supprimer la nature obligatoire de la pesée et de l'inspection d'arrivage et, par voie de conséquence, les coûts superflus que cela supposait pour le réseau, mais nous pensons que le service doit tout de même être disponible, au besoin. Nous nous réjouissons outre mesure de la suppression de cette exigence et des 20 millions de dollars qu'elle aidera à économiser, car ce sera un fardeau en moins sur le dos des producteurs. Il s'agit d'éliminer ce qui est superflu.
On a longuement débattu des changements liés à la protection des paiements aux producteurs. Les producteurs tiennent à avoir une protection. Ils veulent avoir la certitude qu'ils seront payés quand ils livrent la marchandise à une entreprise. Or, comme le mécanisme de cautionnement suivi pour l'instant s'est souvent traduit par un manque à gagner, on espère qu'un régime d'assurance puisse améliorer la situation et s'avérer moins coûteux. Il reste à en préciser les détails. La plupart des gens pensent qu'avec un régime d'assurance prévoyant la mise en commun des risques pour diverses entreprises, il y aurait sans doute moins de dépenses et moins de formalités administratives et que ce serait une bonne chose, mais tout dépendra des détails.
À l'instar des autres groupes, l'ITAC estime que les efforts de modernisation ne vont pas assez loin à la Commission canadienne des grains, et plus particulièrement, comme il en a été question lors de la table ronde précédente, en ce qui a trait au rôle de l'inspection et de la pesée obligatoire à la sortie. On se demande notamment pourquoi on ne peut pas avoir le choix de faire appel à une entreprise d'inspection privée qui soit agréée par la commission. Comme nous l'avons vu, il y a bien des cas où l'acheteur, le client à l'étranger, pourrait vouloir obtenir un classement effectué par une entreprise privée. Le cas échéant, la Commission canadienne des grains se voit tout de même dans l'obligation de fournir son propre classement à ses propres frais en plus du classement privé, et c'est tout simplement du gaspillage.
Comme il en a été également question, le régime actuel n'est pas suffisamment axé sur l'intérêt public de ce que la Commission canadienne des grains a à offrir. Nous pourrions en effet affirmer que le Laboratoire de recherches sur les grains, l'élaboration de politiques et la sécurité alimentaire sont tous des éléments d'intérêt public. Or, comme ces éléments ne sont pas financés par le gouvernement, la commission se doit d'obtenir les fonds nécessaires en percevant des droits ou frais d'utilisation. Bien que cela ne fasse pas partie de ce projet de loi, la consultation sur les frais d'utilisation est en train de se dérouler simultanément et ces droits sont censés monter en flèche pour l'industrie entière à compter du 1er août. S'il y avait davantage d'éléments perçus comme étant d'intérêt public, si des choses comme la pesée et l'inspection à la sortie n'étaient plus obligatoires, les coûts diminueraient dans l'ensemble du réseau.
En ce moment, à ce que je sache, parmi les activités de la Commission canadienne des grains, il n'y a que celles représentant une valeur d'environ 5,45 millions de dollars qui soient perçues comme étant dans l'intérêt public. De nombreux analystes affirment que cette somme devrait être beaucoup plus élevée et qu'il faudrait alléger le fardeau des agriculteurs et de l'industrie au complet.
Pour conclure, j'estime que la plupart des gens qui surveillent ces travaux s'aperçoivent qu'il y a peu de chances que ce projet de loi soit modifié de manière percutante. Il sera sans doute approuvé tel quel. C'est du moins mon optique en tant qu'observateur externe. Cela dit, je crois qu'il est très nécessaire de reprendre les délibérations sur le projet de loi pertinent et de parachever le processus de modernisation dans les plus brefs délais. Ce qui est inquiétant, c'est que la question a été remise à l'étude dans le cadre du projet de loi qui nous occupe, quelques changements seront approuvés et tout le monde se mobilisera pendant que le projet de loi restera dans son coin des années durant avec des défauts flagrants qu'il s'agit de régler. L'espoir c'est que même si la question ne sera sans doute pas réglée dans le cadre de ce projet de loi, qu'elle puisse être remise à l'étude bientôt et que l'on se penche sur certains de ces autres aspects.
Le président : Merci, monsieur Hursh.
Nous entendrons à présent M. De Pape.
John De Pape, à titre personnel : Monsieur le président, sénateurs, bonjour et merci de m'avoir donné l'occasion de me présenter devant vous aujourd'hui pour parler des enjeux liés aux modifications de la Loi sur les grains du Canada dans la mesure où ils s'appliquent à la Commission canadienne des grains.
Permettez-moi de préciser tout d'abord que je n'entretiens aucune affiliation directe avec une société céréalière. En tant qu'expert indépendant travaillant dans le domaine de la gestion des marchés et des risques, je travaille avec des agriculteurs et des industries agroalimentaires en leur fournissant des analyses et autres contributions sur divers sujets portant sur la commercialisation du grain, notamment la gestion des risques, la concurrence et l'efficience du marché.
Mes remarques liminaires portent sur deux enjeux concrets, mais je serais heureux de me pencher sur d'autres par la suite : l'importance de l'information sur le marché et l'application équitable des droits ou frais d'utilisation perçus par la Commission canadienne des grains.
Il est incontestable que s'il est un grand événement par excellence à relever dans l'industrie céréalière depuis les dernières décennies, c'est bien celui de la fin du guichet unique de la Commission canadienne du blé, et ce, non seulement en raison de ce que cela signifie pour la capacité des agriculteurs de commercialiser leur blé librement, mais encore, de l'influence que cette entité exerçait sur la structure et la composition de l'industrie. Plus concrètement, la collectivité actuelle des entreprises de manutention du grain dans l'Ouest canadien et leur envergure relative sont un produit de l'ère de la Commission canadienne du blé.
En s'efforçant de faire concurrence aux grandes sociétés qui contrôlent de 80 à 90 p. 100 de notre capacité à l'exportation, de nombreuses petites entreprises, comme les membres de l'ITAC, ont lourdement misé sur la Commission canadienne du blé comme partenaire d'affaires fournissant le financement, la commercialisation, voire un pouvoir compensateur pour les maintenir en jeu parmi les géants. Mais tout cela a changé à présent avec les changements apportés à la Commission canadienne du blé.
Je ne pense pas que qui que ce soit songe à remplacer le monopole de la Commission du blé par un oligopole aux mains d'une poignée de sociétés privées dominantes. Nous devons fournir un terrain de jeu équitable dans la mesure du possible afin de donner libre cours à la concurrence, tout en laissant aux agriculteurs le choix de faire affaire aux acheteurs de grain qu'ils souhaitent et en maintenant les coûts réduits.
L'information joue un rôle essentiel dans l'instauration de règles du jeu équitables au Canada et la garantie de notre compétitivité mondiale, et la Commission des grains a une fonction de premier plan dans ce contexte, car il lui appartient de fournir des renseignements essentiels, et plus concrètement des statistiques sur la manutention du grain, qui sont utilisées par pratiquement tout le monde dans le secteur céréalier : les agriculteurs; les manutentionnaires; les chemins de fer; les analystes du marché comme moi-même, du secteur privé ou public; les courtiers des contrats standardisés et les courtiers en général; voire l'organe de contrôle du grain désigné par le gouvernement fédéral, la Quorum Corporation. Cette information est disponible gratuitement même si elle contribue à augmenter le coût global de la Commission des grains. J'espère bien sincèrement que la commission ne pense pas que la diffusion de ces informations essentielles est un élément superflu qui ne peut s'autofinancer. À mon avis, cette information devrait être considérée comme un élément d'intérêt public et devrait être fournie en conséquence. Je mentionne cela, car, il y a quelques années, on a effectivement envisagé de mettre un point final à la diffusion de cette information en raison du fardeau onéreux que cela supposait.
En fait, la fonction de la Commission des grains au chapitre de l'information sur le marché pourrait être élargie. Par exemple, j'estime que le Canada aurait intérêt à adopter une stratégie de publication hebdomadaire d'un rapport récapitulatif de tous les engagements de vente à l'exportation au fur et à mesure, à l'instar de ce qui se fait dans d'autres pays, et plus particulièrement aux États-Unis. Il s'agit-là d'informations vitales que pourraient bénéficier le secteur tout entier, et particulièrement les parties prenantes plus modestes.
Je ferai à présent quelques commentaires sur les frais d'utilisation. Lorsque des coûts viennent s'ajouter à la chaîne des valeurs, ce sont invariablement les agriculteurs qui paient la note. Nous avons entendu dire plus tôt aujourd'hui que les coûts sont répercutés en aval dans la mesure du possible. Néanmoins la question n'est pas aussi simple dans ce cas.
Faisons un peu de calcul. En admettant que nous exportons plus de 60 p. 100 de notre production totale de grain dans l'Ouest canadien, le prix net à la ferme de ces marchés étrangers joue un rôle de premier plan à l'heure de fixer le prix de marché local pour chaque récolte, la récolte intégrale. Si le prix net offert à l'agriculteur par les marchés étrangers est rétréci en raison de coûts plus élevés, par exemple attribuables à ces frais d'utilisation, le prix payé par l'acheteur local sera moins élevé, lui aussi. La valeur de l'intégralité de la récolte est donc incontestablement affectée à la baisse en raison des coûts plus élevés liés à l'approvisionnement de ce marché étranger.
Selon les estimations de la Commission des grains elle-même, si l'on ajoute 54,3 millions de dollars — ce qui représente le montant total des frais d'utilisation qui nous occupent — au coût de manutention de 23,3 millions de tonnes de marchandises à l'exportation, le prix à la ferme des grains exportés se verrait diminuer de 2,33 $ la tonne. Pour simplifier, nous dirons 2 $ la tonne. Cela incitera les acheteurs nationaux à baisser leur prix également. Autrement dit, le prix de l'intégralité de la récolte de l'Ouest canadien, disons 45 millions de tonnes de grains, en ressentira les effets. Cela représente un manque à gagner d'environ 105 millions de dollars en termes de revenu agricole. Les 54,3 millions de dollars seront destinés à payer les frais d'utilisation et à peine un peu plus de 50 millions seraient considérés comme un transfert des biens des agriculteurs aux broyeurs et aux meuniers nationaux, voire aux marchands des États-Unis, et ainsi de suite. Des frais d'utilisation s'élevant à 54,3 millions de dollars finiront par coûter presque le double aux agriculteurs.
Si les chiffres réels se prêtent à discussion, ce qui est indiscutable selon moi, c'est l'envergure de l'impact et le fait qu'il va dans un seul sens. C'est un peu comme du temps du tarif du Nid-de-Corbeau. Nous nous en sommes débarrassés, nous avons augmenté le tarif-marchandise et la valeur de la récolte toute entière a chuté.
Si l'on suppose que ce transfert de biens ne fait pas partie du plan, il faut envisager d'autres options. Pour peu qu'on estime que les services fournis par la Commission des grains sont obligatoires et qu'ils sont perçus comme une composante incontournable de « l'image de marque canadienne », il s'ensuit que c'est un avantage pour l'ensemble de l'économie agricole et qu'on devrait donc les considérer comme un bien d'intérêt public payé par le contribuable, à l'instar de ce qui se fait pour l'Agence canadienne d'inspection des aliments.
On estime que l'industrie devrait payer pour ce service, ce qui veut dire que ce sont les agriculteurs qui finiront par le payer, et je crois que l'approche la plus juste consisterait à imputer le coût à tous les agriculteurs en fonction du nombre de tonnes, peut-être moyennant le prélèvement sur les produits traités au lieu de se contenter de percevoir la somme sur les produits exportés. Le prélèvement de, disons, 1,20 $ la tonne sur toutes les livraisons de toutes les principales récoltes suffirait presque à produire les recettes nécessaires. Je ne suis pas en train de préconiser cette formule. Je me contente de proposer des options. En procédant de la sorte, le coût net pour les agriculteurs serait grosso modo la moitié de ce qu'il en coûterait autrement. Si les services sont considérés facultatifs, ceux qui en bénéficient pourraient les payer directement sans incidence matérielle sur les prix du marché en général, évitant ainsi que le coût excédentaire soit transféré aux agriculteurs.
Je suis heureux d'avoir eu l'occasion de vous faire part de ces réflexions et je suis prêt à répondre à d'autres questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur De Pape.
Nous demanderons maintenant à M. Nielsen de faire sa déclaration préliminaire, qui sera suivie de questions.
Jeff Nielsen, à titre personnel : Merci, honorables sénateurs, de m'avoir demandé mon avis comme producteur de grain et d'oléagineux sur les changements que l'on propose d'apporter à la Commission canadienne des grains.
En ma qualité de producteur, je travaille aussi fort que je peux et je m'efforce de produire les récoltes les meilleures et les plus salubres qui soient dans la mesure où la nature le permet. Au cours des 100 dernières années, la CCG a démontré à ses clients dans le monde entier que le Canada possède des céréales, légumineuses et oléagineux qui se classent parmi les meilleurs au monde, et qu'il en sera toujours ainsi. Cela dit, comme le domaine agricole évolue lui aussi, il est temps que la CCG soit au courant de ce que veulent nos fermiers, notre réseau de silos et nos clients, qui sont en définitive ceux qui achètent nos grains.
Le 1er août dernier, les producteurs de blé et d'orge de l'Ouest canadien ont enfin obtenu la liberté de commercialiser leurs récoltes comme tout autre producteur de blé et d'orge du reste du Canada. Cela en soi a été un gigantesque pas en avant. La modernisation de la CCG est très nécessaire elle aussi.
J'ai quelques remarques à faire sur le changement des pesées et les inspections à l'arrivage. En ce moment, on trouve plusieurs fournisseurs tiers aptes à mener ces inspections au besoin. Or, comme nous sommes dans un marché concurrentiel, j'estime que nos compagnies céréalières sont les mieux placées pour choisir l'organisation qu'elles veulent pour mener à bien ces inspections, au besoin. Cette mesure à elle seule économisera de l'argent aux producteurs et à l'industrie.
Comme on n'a pas manqué de faire remarquer, et ce qui m'inquiète en tant que producteur, c'est la possibilité d'une augmentation des droits perçus sur les inspections de sortie. En passant à la formule du recouvrement intégral des coûts, ces droits augmenteront sans doute énormément. Je suis très préoccupé par le fait que ces coûts ne seront pas absorbés par l'acheteur ou l'expéditeur et qu'ils finiront donc par être répercutés sur les producteurs. Il y aurait tout lieu d'affirmer que c'est pour le bien du Canada que le gouvernement intervienne afin de limiter ces coûts à un minimum.
Je parlerai maintenant de la sécurité des producteurs. En tant que producteur, je suis obligé de garantir ce que je vends à une compagnie céréalière, à un courtier, à une usine de maltage, à un parc d'engraissement ou autre. Les exigences de cautionnement actuelles de la CCG ne correspondent pas aux besoins de l'industrie ni des exploitations agricoles. Au fil des ans, nous avons assisté à la mise sous séquestre de compagnies céréalières ou de courtiers faute d'un cautionnement suffisant pour couvrir les ventes du producteur. Résultat : les producteurs n'obtenaient que quelques sous sur chaque dollar qui leur était dû.
L'assurance-crédit est une option possible et elle est acceptée par la CCG. Atradius offre en ce moment ce genre d'assurance-crédit. Ayant entendu les témoignages de cette entreprise, si j'ai bien compris, le coût de cette assurance est infime pour les acheteurs de grain. Peut-être que d'autres entreprises pourront nous offrir des programmes d'assurance-crédit compétitifs. Cela permet de protéger les producteurs et de réduire les coûts tout en libérant du crédit et du capital pour les acheteurs.
Une autre possibilité serait la création d'une chambre de compensation pour les marchandises au comptant. Ce modèle, appelé AgClearing, a été mis au point par la Western Barley Growers Association en 2008. L'intérêt de cette option a été amplement éprouvé par l'industrie et les producteurs et pourrait demeurer une option viable aujourd'hui.
J'estime que l'un des grands atouts actuels de la CCG réside dans son Laboratoire de recherches sur les grains. À mesure que nous nous efforçons de simplifier les activités de la CCG, il importe de retenir que le gouvernement du Canada, au nom de tous les Canadiens, doit continuer à augmenter le financement destiné à ce laboratoire. Tous les Canadiens sortiront gagnants de ce geste posé dans l'intérêt public. Songeons par exemple aux emplois que ce laboratoire fournit en termes de surveillance annuelle des récoltes; de nouvelles variétés et usages; et à ses bienfaits pour la minoterie, la qualité des oléagineux et de l'orge brassicole. La mesure va encore plus loin sur le plan technique, car le laboratoire s'occupe d'analyser de nouvelles variétés de grains, d'identifier des mycotoxines, de faire des recherches sur les oligoéléments et sur la biologie des grains.
En tant que producteur, ces travaux sont extrêmement importants pour moi, comme pour tous les Canadiens. C'est grâce au travail effectué par les laboratoires de la CCG que les Canadiens récoltent les avantages de veiller à la qualité, salubrité et sécurité de nos grains. Il faut continuer à garantir à nos clients un approvisionnement constant de grains qui sont parmi les meilleurs au monde, pour ne pas dire les meilleurs.
J'aimerais faire un commentaire rapide sur la gouvernance. À l'instar de bien d'autres, je suis d'avis qu'il nous faut voir des changements au niveau de la gouvernance de la CCG. Tout en sachant que cela ne fait pas partie des changements proposés ici, j'aimerais toutefois vous faire part de mon inquiétude. Ma suggestion est de faire passer la CCG à une structure de gouvernance comparable à un conseil d'administration. En plus de compter sur la représentation des agriculteurs, cette structure fournirait des freins et contrepoids susceptibles de veiller à ce que la CCG devienne l'organisme plus efficace que les agriculteurs et l'industrie souhaitent.
Je vous remercie de m'avoir accordé votre temps aujourd'hui et je répondrai volontiers à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Nielsen.
Honorables sénateurs, je voudrais vous rappeler que j'ai l'intention de convoquer une réunion à huis clos à 9 h 50 afin d'adopter le rapport qui va être déposé au Sénat cet après-midi.
Le sénateur Plett : Merci messieurs de votre présence. Certains d'entre vous sont déjà passés par ici et nous sommes heureux de vous revoir.
Monsieur Nielsen, j'ai promis à M. Sobkowich et à ce comité de vous poser une question quand vous viendriez, alors vous savez probablement de quoi il s'agit; vous y avez d'ailleurs répondu, du moins en partie. À quel point les agriculteurs se réjouissent-ils d'avoir à payer l'intégralité des frais d'utilisation?
M. Nielsen : J'ai été impressionné par certains chiffres qui ont été cités ce matin sur l'augmentation de ces frais. C'est une somme non négligeable pour une exploitation agricole de 5 000 acres. Notre bénéfice net en tant que producteur est quelque chose qui nous importe beaucoup. Cette année, avec l'amélioration des prix du grain, il est tout naturel que nos fournisseurs veuillent augmenter le prix de leur côté. Nous sommes toujours en train de lutter contre cette épée à deux tranchants, c'est-à-dire obtenir les meilleurs prix pour notre grain tout en payant davantage pour l'approvisionnement. C'est quelque chose que nous avons toujours à l'esprit.
Le sénateur Plett : Nous avons entendu d'autres témoins avant vous — encore tout à l'heure — affirmer qu'ils sont satisfaits des changements qui sont en train d'être apportés tout en estimant qu'ils ne vont pas assez loin. Monsieur Hursh, vous avez été très clair à ce sujet.
Ce gouvernement s'est montré très clair dans son désir de transformer l'industrie céréalière. C'est d'ailleurs ce qui a été énoncé dans la Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation que nous avons présentée encore récemment, et vous étiez certainement en faveur de cela. Il y a apparemment un colloque céréalier qui va se dérouler à Ottawa cette semaine qui a pour thématique « l'aube d'une nouvelle ère ». Je crois que c'est une excellente thématique.
Cela dit, je crois que nous avons démontré que nous voulons aller de l'avant. Nous avons pris ce premier pas avec l'adoption de la Loi sur le libre choix des producteurs de grains en matière de commercialisation. Nous sommes désormais en train de prendre le deuxième pas.
Monsieur Hursh, vous vous souciez sans doute à juste titre du fait que le gouvernement ne se mobilise pas toujours assez rapidement, mais peut-être que nous avons réussi à faire quelque chose cette fois-ci et que les choses se passeront autrement.
J'aimerais connaître l'avis de tout le monde sur l'absence d'un indice clair que nous souhaitons aller de l'avant. Je ne suis certainement pas en train d'engager notre gouvernement à quoi que ce soit; croyez-moi. Néanmoins, nous allons de l'avant. Notre ministre a clairement laissé entendre qu'il souhaitait transformer l'industrie céréalière, chose qui n'a pas été faite depuis une centaine d'années ou en tout cas depuis longtemps.
Ne seriez-vous pas d'accord pour dire, pour commencer, que ce que nous faisons maintenant n'aurait pas pu être fait sans la Loi sur la Commission du blé — sans la fin de la commercialisation à guichet unique — et qu'il y a de très bonnes chances que nous continuerons à transformer la loi au fur et à mesure?
M. Hursh : Je ne suis pas persuadé que cela aille de pair avec les changements apportés à la commercialisation par la Commission canadienne du blé. Je crois que de nombreux changements à la Commission canadienne des grains auraient pu être apportés sous le régime actuel de la Commission du blé.
Cela dit, la transition vers un système de marché ouvert a fonctionné mieux que l'on aurait pu prévoir. Le mouvement des grains a été bon, notamment grâce à des prix élevés presque inédits. L'avenir d'une commission canadienne du blé de nature volontaire est un aspect que nous pourrions discuter — c'est-à-dire déterminer si elle a un avenir et si elle aura des difficultés.
Nous avons été déçus de constater que les changements à la Commission canadienne des grains ne vont pas aussi loin qu'il faut pour les besoins de modernisation, tel qu'il a déjà été dit.
L'autre pièce du casse-tête réside dans le transport du grain. Je suis persuadé que la question sera sans doute présentée à l'étude de ce Comité sénatorial de l'agriculture et des forêts. Non seulement les expéditeurs de grain, mais tous les expéditeurs du pays sont en train d'attendre des modifications législatives permettant des accords sur les niveaux de service et la création d'un terrain de jeu égal avec les principaux chemins de fer. On espérait l'adoption de la loi dès cet automne. Peut-être qu'il faudra attendre jusqu'au printemps. C'est là un élément essentiel de l'initiative toute entière de la modernisation de l'industrie céréalière. Tous les trois sont importants.
M. De Pape : Je vous ai déjà donné mon avis sur la Commission du blé et la fin du guichet unique. C'est un changement si massif, que je le compare au déracinement de tout un arbre. Le gouvernement a fait la partie lourde et a déraciné l'arbre. Par contre, voilà qu'il reste un trou à sa place. Si nous voulons un terrain de jeu égal, il y a un peu d'aménagement paysager à faire.
Le gouvernement ne devrait pas s'inquiéter outre mesure de la déréglementation. Les règlements sont comme le cholestérol; il y en a de bons et de mauvais. Si vous voulez qu'un marché déréglementé soit l'étendard de votre rendement, je vous dirais penchons-nous sur autre chose. Penchons-nous sur le marché des opérations à terme, qui est un des marchés les plus rigoureusement réglementés en place. Le règlement est très rigoureux, il est surveillé de près et il est très efficace. Nous ne devons pas craindre les règlements.
J'ai fait savoir au ministre que l'industrie est en train de demander de la structure. C'est tout. Quand j'ai parlé de l'obligation de signaler les ventes à l'exportation, c'est quelque chose que nous n'avons pas vu depuis très longtemps. La mesure est survenue dans la foulée du grand vol de train de 1972. Les Russes sont venus et ils ont acheté tout ce qui était disponible aux États-Unis, semant un véritable chaos dans le marché. Depuis, quand on fait une vente, il faut la signaler; elle est rendue publique. C'est tout simplement une bonne information. C'est un règlement. Il devrait être obligatoire. Je crois que ce serait une bonne structure.
Parlons des problèmes de la Commission des grains au chapitre des inspections de sortie. Rendre ces inspections facultatives serait tout aussi faisable que rendre la Commission du blé facultative. Je suis très partisan d'un climat concurrentiel et de ses effets.
Laissez-moi vous donner un exemple. Prenons le 1,60 $ que la Commission des grains prétend percevoir pour le chargement d'un navire. Le chargement devrait se faire habituellement à raison de 2 000 tonnes l'heure. À raison de 1,60 $ la tonne, cela revient à 3 200 $ l'heure. Pour un quart de huit heures, nous parlons de près de 30 000 $ pour deux hommes, soit une production de 30 000 $ par jour. Il y a d'autres coûts, car la concurrence peut le faire meilleur marché. Quand on analyse la question, on se demande pourquoi on est en train de payer. Si on examine les soumissions de la Commission des grains, on voit qu'elle est en train de payer pour d'autres choses, dont le Laboratoire de recherches sur les grains. Si elle paie pour quelque chose qui ne lui rapporte pas un bénéfice direct, quelqu'un d'autre est en train de l'obtenir, ce bénéfice. Il me semble qu'il s'agit de quelque chose d'intérêt public. Si nous souhaitons vraiment faire avancer l'industrie tout en faisant des économies, il faudrait que la mesure soit facultative et laisser à la concurrence le soin de comprimer les coûts.
Le sénateur Plett : Monsieur Nielsen, avez-vous un commentaire à faire?
M. Nielsen : Je suis d'accord avec M. De Pape et avec M. Hursh et nous devons procéder à certains des changements les plus importants.
Quant aux changements à la Commission des grains, ils se font attendre depuis longtemps. La question est déjà passée devant le Sénat et la Chambre par le passé. Elle arrive enfin à un point où nous sommes en train de faire quelque chose. Nous n'allons peut-être pas aussi loin que nous le voudrions, mais nous sommes en train de le faire. La question à l'étude a été présentée dans deux projets de loi par le passé et plusieurs rapports ont été commandés sur les changements à la Commission des grains depuis les cinq à sept dernières années; il est temps de franchir cette étape.
Le sénateur Plett : Monsieur De Pape, ma femme et mon médecin vous remercient de m'avoir rappelé que je dois surveiller mon niveau de cholestérol.
J'ai une dernière question et ensuite j'attendrai la deuxième série de questions. Nous avons beaucoup entendu parler de cautionnement, d'assurance, d'économie et ainsi de suite. J'aimerais connaître l'optique d'un agriculteur.
En cas de manquement, avec quelle fréquence arrive-t-il qu'un agriculteur obtienne le paiement à 100 p. 100 avec le système de cautionnement sans parler du coût que cela implique, que je crois a déjà été expliqué? L'assurance sera toujours moins coûteuse. Je suis un homme d'affaires. J'ai dû fournir des cautionnements au fil des ans et c'est quelque chose de dispendieux.
M. Nielsen : Je dirais que rarement. M. Phillips a fait valoir ce matin que les cautionnements sont habituellement en place au mauvais moment du mois ou quand l'entreprise écoule la marchandise à partir de ses stocks. Quand l'entreprise était en situation de manquement, elle avait probablement davantage de stock et moins d'argent liquide à la banque. Dans ces conditions, on n'a jamais vu de paiement à 100 p. 100, et le producteur obtenait 10 cents par dollar. Je fais affaire à des courtiers céréaliers privés, car je suis producteur de céréales fourragères et je me dois de faire attention à ce que je fais.
Récemment, à Lethbridge, il y a eu un modeste courtier en grains qui a été mis sous séquestre et il y a toujours des producteurs à payer dans ce contexte. C'est une grave inquiétude. Sans une assurance de base qui me donne la certitude de pouvoir obtenir 95 p. 100 de la somme, voire davantage, je ne serais pas entièrement heureux.
M. De Pape : La question du cautionnement est un peu anachronique. Le cautionnement ne couvre pas tous les risques que l'on pourrait craindre. Le cautionnement de la Commission des grains couvre les opérations entre les négociants en grain et les agriculteurs, mais seulement pour les opérations qui ont déjà été effectuées. Une bonne partie du grain est néanmoins vendue sous forme de contrat à terme de gré à gré.
Par exemple, disons que M. Hursh vend son blé à 9 $ le boisseau, qui est un bon prix, mais que la livraison doit se faire au mois de mars. À un moment donné avant le mois de mars cette entreprise fait faillite, il n'y a plus de contrat, et le prix n'est plus que de 7 ou 8 $. A-t-il perdu de l'argent? Vous pourriez dire que c'est une perte sur papier seulement, mais c'est une véritable perte. Il aurait pu en décider autrement s'il avait su. Le cautionnement ne couvre pas cela pas plus que les opérations entre entreprises. Il y a de plus en plus d'opérations qui se déroulent de la sorte entre entreprises. Si l'une d'elles fait faillite, l'autre en souffre et les agriculteurs finissent par en souffrir eux aussi. Il faut réétudier la question. L'assurance peut servir en partie et le concept de la chambre de compensation que M. Nielsen a mentionnée permettrait de gérer la plupart de ces opérations.
Le sénateur Plett : C'est très important. Personne n'en a parlé avant. Merci beaucoup.
Le sénateur Callbeck : Monsieur Nielsen, vous avez parlé de la possibilité de frais plus élevés pour les inspections de sortie. Vous estimez que si cela se produit, les gens qui seront touchés seront les producteurs, et non pas les expéditeurs ou acheteurs. Pouvez-vous nous dire pourquoi vous estimez que c'est le bénéfice net des producteurs qui en pâtira?
M. Nielsen : Je crois que c'est juste la manière dont notre système a fonctionné depuis 100 ans. Nous avons toujours fourni ces services d'inspection à nos clients par l'intermédiaire de la CCG. En tant que producteur, je n'ai jamais trouvé que les acheteurs m'avaient remboursé pour ces services à leur juste valeur. Il s'agirait donc de tirer parti de la CCG puisqu'elle a une bonne renommée et qu'elle fait preuve d'impartialité à l'heure de sélectionner les marchés susceptibles de pouvoir payer pour ces services. J'aimerais voir un recouvrement des coûts du côté de l'acheteur. Si les acheteurs ont des spécifications, et je sais que ma production peut être à la hauteur — et que la CCG veillera à ce qu'il en soit ainsi, — je pense quant à moi que c'est eux qui devraient payer pour cela. Néanmoins, de la manière dont les choses sont structurées actuellement, le coût se répercutera sur nous tous en tant que producteurs.
Le sénateur Callbeck : Avez-vous d'autres commentaires à faire à ce sujet?
M. De Pape : J'étais surpris de constater ce matin que la Western Grain Elevator Association n'a pas répondu à une question analogue de cette manière. Ses membres étaient nombreux à affirmer que l'inspection à la pesée n'était qu'un élément du bon au comptant; le bon au comptant ou le chèque. Ils ventilent les coûts qu'ils peuvent identifier clairement ainsi et les consignent directement sur le bon au comptant comme prélèvement. Oui, absolument, ce sont les agriculteurs qui paient pour cela.
M. Hursh : J'en conviens. Le marché international a tendance à être extrêmement concurrentiel. Le prix est fixé et les coûts sont déduits et prélevés des producteurs. Même si le producteur ne remarque pas que le coût est prélevé du chèque, c'est en définitive lui qui paie pour la vaste majorité, sinon pour le tout.
Le sénateur Callbeck : Vous avez affirmé que le travail effectué par la CCG est en fait dans l'intérêt public et que vous estimez que le gouvernement devrait financer cette partie du travail. Convenez-vous que cela représente environ de 20 à 25 p. 100 du budget total?
M. Hursh : J'ai vu quelques calculs qui laissent supposer que ce serait là un mélange raisonnable, oui; 5 millions de dollars jusqu'à 15 ou 20 millions pour un bien public. J'ai vu cette suggestion pour des choses comme la salubrité des aliments et les recherches sur les grains, si elles sont perçues comme étant d'intérêt public.
M. Nielsen : Selon mes informations, il y a en ce moment un fonds permanent de 5,4 millions de dollars qui revient à la CCG. Je crois que ce fonds devrait être augmenté. Il bénéficie à tous les Canadiens, car c'est notre nom qui figure sur ces céréales et il y va de notre prestige.
Le sénateur Callbeck : Nous avons déjà entendu cela d'autres témoins.
Le sénateur Eaton : Pour faire suite aux questions du sénateur Callbeck et à la manière dont la Commission du blé a perdu son monopole, pourriez-vous en faire autant pour la CCG? Si vous allez légiférer à l'avenir, pourriez-vous diviser la loi en deux? Autrement dit, nous aurions la partie où la CCG est considérée dans l'intérêt public — elle relèverait alors du ministère et serait payée par le gouvernement du Canada — et des aspects telles la certification de sortie, les choses qui ont été faites sur le terrain qui pourraient être ouvertes aux forces du marché. Serait-ce là une manière de faire qui rendrait la situation plus juste pour les agriculteurs?
M. De Pape : Oui.
M. Nielsen : Je crois que c'est une bonne idée et il faut se pencher dessus, oui.
Le sénateur Eaton : Merci.
Le sénateur Buth : La plupart de mes questions ont été répondues, mais monsieur De Pape, je m'intéresse à ce que vous disiez dans votre déclaration quand vous décriviez les coûts pour l'ensemble de l'industrie. Pouvez-vous reprendre ce raisonnement et expliquer ce que vous pensez qu'il arriverait si les coûts étaient ajoutés au côté exportation?
M. De Pape : Bien sûr. Une analogie serait peut-être utile. Il y a quelques années, nous avons assisté à ce que l'on appelait le tarif du Nid-de-Corbeau. Il s'agissait d'un tarif officiel établi à 8 $ la tonne de n'importe où dans l'Ouest canadien jusqu'à Vancouver. Ce n'était pas viable, alors il a été modifié. Nous avons maintenant des tarifs commerciaux de l'ordre de 45 $.
À l'époque, on prétendait que si on augmentait ce tarif de 8 à 40 $, cela baisserait le prix du grain, et non pas seulement du grain transporté dans les wagons destinés à l'exportation, mais de tous les grains. La raison pour cela est une chose appelée arbitrage. Si le prix à l'exportation est de 9 $ le boisseau, c'est ce que l'on obtient. L'acheteur local qui traite le grain au même endroit ne va pas payer plus de 9 $ le boisseau. Si le prix est baissé à 8 $ le boisseau, il offrira également 8 $ le boisseau uniquement. La marée montante soulève tous les bateaux.
Quand je me suis penché là-dessus, j'ai simplement regardé les chiffres bruts de 54 millions de dollars sur 23 millions de tonnes. Il ne s'agit pas seulement de 23 millions de tonnes, mais en réalité de 45 millions, car nous en exportons à peu près la moitié. Il s'agit en réalité du double. Les agriculteurs qui vendent leurs produits à Cargill ne sont pas en train de vendre dans ce marché à l'exportation et ils en ressentiront tous les effets. Leurs prix seront moins élevés parce que les marchés et les mesures incitatives fonctionnent. L'acheteur local ne paiera pas davantage simplement parce qu'il peut se le permettre. Il paiera un prix compétitif. Dans le fond, il s'agit d'une question de compétitivité.
Le sénateur Buth : Merci. Vos précisions sont très utiles.
Le sénateur Plett : Monsieur Hursh, ou n'importe qui d'entre vous, j'aimerais que vous touchiez un mot des pratiques efficientes ou non efficientes de l'inspection d'arrivage obligatoire. Il y a eu certains commentaires sur les gens qui effectuent des inspections volontaires. Pensez-vous que les producteurs auraient recours à des inspections d'arrivage volontaires à l'avenir?
M. Hursh : Je n'en vois vraiment pas l'utilité. Je ne sais pas exactement comment fonctionnent les wagons des producteurs dans l'environnement où les inspections ont lieu, car dans ce cas-là, le grain continuerait à appartenir au producteur jusqu'à atteindre le lieu d'exportation, je présume.
Quant à la manière dont les producteurs sont touchés, une fois qu'ils ont laissé le grain au silo, qu'il s'agisse du terminal de Viterra ou Richardson, Weyburn Inland Terminal ou North West, le grain n'appartient plus au producteur. Le classement et les impuretés ont été négociés, le producteur est payé et le grain appartient désormais au terminal qui vient de l'acquérir. Si ce terminal est le North West Terminal, et disons que dans ce cas, il n'a pas l'intention d'envoyer le grain à son propre terminal d'exportation, peut-être y a-t-il une raison pourquoi il voudrait payer pour une inspection d'arrivage quand le grain arrive au terminal; or, s'il s'agit de Richardson ou de North West Terminal qui envoie le grain à Alliance Grain et qui détient une partie de ce terminal, pourquoi voudrait-on inspecter ce qui a déjà été expédié? C'est un système qui a été conçu pour une autre époque et un réseau différent, et le coût demeure onéreux.
Le sénateur Plett : Monsieur De Pape, avez-vous des commentaires à faire?
M. De Pape : Il a tout relevé.
Le sénateur Plett : Merci beaucoup.
Le président : Sur ce, je remercie nos témoins de nous avoir fait part de leurs commentaires et expériences. La séance a certainement été instructive.
Honorables sénateurs, je demanderais à présent que nous prenions une petite pause avant de passer à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)