Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones
Fascicule 3 - Témoignages du 19 octobre 2011
OTTAWA, le mercredi 19 octobre 2011
Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, pour examiner les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada (sujet : questions concernant l'éducation des Premières nations).
Le sénateur Gerry St. Germain (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonsoir. Je souhaite la bienvenue à tous les honorables sénateurs et aux membres du grand public qui suivent cette séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur CPAC ou sur le web.
Je suis le sénateur Gerry St. Germain, de la Colombie-Britannique, et j'ai l'honneur de présider le comité.
Le comité a pour mandat d'examiner les projets de loi ainsi que toute autre question intéressant les peuples autochtones du Canada en général. Compte tenu de ce mandat, le comité a entamé une étude des stratégies qui pourraient permettre de réformer l'éducation primaire et secondaire des Premières nations en vue d'améliorer les résultats scolaires. L'étude porte entre autres sur les ententes tripartites en matière d'éducation, les structures de gouvernance et de prestation de services et les mesures législatives qui pourraient être adoptées.
Ce soir, nous entendrons des témoins de deux organisations : le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba et la Nation Nishnawbe Aski.
Le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba a vu le jour en 1999, et il a reçu des chefs du Manitoba le mandat d'offrir des services d'éducation de deuxième et de troisième niveaux aux 55 écoles des Premières nations au Manitoba. Le centre facilite une éducation communautaire fondée sur les besoins, les priorités et les plans d'éducation des Premières nations, qui conservent l'autorité.
La Nation Nishnawbe Aski a été établie en 1973. Il s'agit d'un organisme territorial politique qui représente 49 collectivités des Premières nations dans le Nord de l'Ontario totalisant 45 000 membres qui vivent à l'intérieur ou à l'extérieur des réserves.
La Nation Nishnawbe Aski fait valoir les aspirations socioéconomiques et politiques de ses membres des Premières nations auprès de tous les ordres de gouvernement afin de permettre l'autodétermination au niveau local tout en établissant leur indépendance spirituelle, culturelle, sociale et économique.
[Français]
Avant d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter les membres du comité qui sont ici ce soir.
[Traduction]
À ma gauche se trouve le sénateur Lillian Dyck, de la Saskatchewan, vice-présidente du comité. À côté d'elle prend place le sénateur Larry Campbell, de la Colombie-Britannique. À ma droite siègent le sénateur Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique et, à côté, le sénateur Don Meredith, de l'Ontario. Viennent ensuite le sénateur Jacques Demers, du Québec, et le sénateur Dennis Patterson, du Nunavut.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous invite à vous joindre à moi pour souhaiter la bienvenue aux témoins : du Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba, M. George Ross, et, de la Nation Nishnawbe Aski, M. Terry Waboose, grand chef adjoint. Nous avons vraiment hâte d'entendre vos exposés, que vous ferez le plus concis possible pour que les sénateurs aient le temps de poser des questions et d'enrichir leurs connaissances pour produire un meilleur rapport.
George Ross, conseiller en administration scolaire, Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba : Ekosani — merci de m'avoir invité à comparaître devant le comité.
Le système d'éducation eurocentriste nous a enseigné à ne pas faire confiance à nos propres façons indigènes d'apprendre et de savoir. Aujourd'hui, nous le déplorons et cherchons des réponses. Pourquoi? La majorité de nos enfants ne réussissent pas dans les écoles canadiennes destinées aux Premières nations et par la suite, ils ne peuvent s'épanouir ni dans un monde ni dans l'autre et encore moins dans les deux.
Il faut transmettre ces modalités indigènes du savoir et de l'apprentissage aux systèmes structurés actuels d'apprentissage, mais la meilleure solution consiste à créer un système d'éducation pour les Premières nations dans lequel nos cosmogonies, notre spiritualité, nos enseignements, traditions, valeurs et langues servent de fondement.
Une recommandation de Wahbung, en 1971, dit ceci : « Il faut redéfinir l'éducation dans un contexte total. » Voici une autre citation : « La nécessité d'un changement radical du système d'éducation pour nos gens est à la base des changements nécessaires. » C'est ce que Verna Kirkness disait en 1999. Aujourd'hui, le gouvernement fédéral admet jusqu'à un certain point l'état lamentable des systèmes d'éducation destinés aux Premières nations. De nouveaux programmes de financement, comme le PRSEPN, ont été mis en place.
Affaires autochtones et Développement du Nord Canada parle à ce sujet de réforme de l'éducation. Il faut qu'il y ait transformation. Dans ma langue, le nehiyawak, ou le cri, on appelle cela kweskâtisiwin. La réforme n'est pas une solution.
Au Manitoba, beaucoup de réserves desservies par le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba demandent la création d'un collectif, d'une division ou d'un district scolaire qui relèverait des Premières nations. Elles estiment que l'union fait la force et rend le succès possible.
Le mécanisme de gouvernance doit être un processus qui commence par une consultation auprès des parents, des tuteurs et des grands-parents pour savoir ce que serait à leurs yeux un bon système d'éducation contrôlé par les Premières nations : programme scolaire, structure organisationnelle et gouvernance. Comment conçoivent-ils la réussite de l'élève? Tous les membres de la collectivité des Premières nations doivent prendre part à ce processus. Bien des initiatives ont échoué parce qu'elles sont venues d'en haut, parce que ce n'est pas un processus auquel tous les intéressés ont pu participer de façon que tous y adhèrent.
Un système d'éducation bien structuré et financé pour les élèves des Premières nations est nécessaire pour qu'il soit possible de concevoir et de dispenser des services de second niveau efficaces. Une commission scolaire des Premières nations rendra obligatoires des programmes scolaires propres à améliorer l'apprentissage chez les élèves. On pourrait former un collectif, comme au Manitoba, un modèle des Premières nations qui aurait ses dispositions législatives grâce à une loi sur l'éducation des Premières nations. Une formule de mise en place avec option d'adhésion pourrait être une possibilité pour les réserves.
Depuis la publication du document Wahbung, en 1971, et même depuis plus longtemps, le peuple des Premières nations au Manitoba exprime le souhait d'établir un système d'éducation capable de répondre aux besoins de tous les élèves. Le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba a été mis sur pied en 1999. Il s'agissait d'une initiative de réforme de l'éducation appuyée par l'Assemblée des chefs du Manitoba. Le centre a été conçu comme une stratégie de réforme de l'éducation pour répondre aux besoins en services spécialisés de deuxième et de troisième niveaux pour les écoles exploitées par des bandes des Premières nations. L'objectif à long terme est d'établir, de développer et de mettre en place le cadre d'un système d'éducation pour les Premières nations qui traduit leur conception de l'éducation comme un cheminement qui dure toute la vie, conforme aux valeurs, traditions, langues et méthodes d'enseignement des Premières nations.
Le CREPNM assure un service de deuxième et de troisième niveaux à environ 54 écoles — dans près d'une cinquantaine de réserves — avec des inscriptions totalisant environ 15 000 élèves, sans compter les étudiants adultes qui participent à des programmes de formation donc le CREPNM a pris l'initiative. Le centre compte environ 115 employés.
Ce que nous voulons, c'est aider les Premières nations à concevoir et à mettre en place un système d'éducation holistique complet qui intègre les langues, la conception du monde, les croyances et les traditions des Premières nations à des normes scolaires exemplaires relevant de la compétence des Premières nations. Notre mission est d'aider les Premières nations à améliorer l'éducation pour tous les élèves — traductions en cri, en ojibwa, en oji-cri, en déné et en dakota.
Dans le cadre des buts et objectifs de l'exercice 2010-2011, le CREPNM reconnaît que, pour rester fidèle à cette vision, il doit poursuivre son travail afin de renforcer ses capacités. Pour faciliter la concrétisation de cette vision et la réalisation de sa mission, il a fixé six objectifs pour l'exercice 2010-2011. Ce plan de travail est soumis chaque année à AADNC. Voici les objectifs : 1) renforcer les capacités en partenariat avec les Premières nations et d'autres organisations au moyen du perfectionnement professionnel, de services de soutien coordonnés et du réseautage; 2) aider à renforcer le développement de l'institut d'éducation des Premières nations, la gestion de l'éducation et la capacité de gouvernance; 3) aider à améliorer l'efficacité des leçons en salle de classe grâce au renforcement des capacités dans la prestation du programme scolaire, à la mise au point de programmes dans les langues des Premières nations, aux améliorations pédagogiques, à la rénovation des écoles et aux initiatives de réforme de l'éducation, ainsi qu'à la mise en place et à l'amélioration de la technologie à l'école; 4) renforcer la sensibilisation à l'importance de la participation de la collectivité et des parents, ce qui favorisera des relations constructives entre l'école et la collectivité dans un cadre propice à l'apprentissage; 5) appuyer la réforme de l'éducation pour concrétiser la vision des Premières nations du Manitoba, qui visent l'excellence en éducation par la recherche et le développement; 6) renforcer les capacités dans la collecte efficiente et efficace des données et la production de rapports.
Le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba a continué de s'occuper de deux grandes initiatives. La première est l'initiative de réforme de l'éducation. Pendant l'exercice en cours, il a continué à travailler à cette initiative, dont l'objectif général est de permettre aux éducateurs des Premières nations d'offrir la meilleure éducation possible aux enfants des Premières nations.
Ces nouvelles initiatives amélioreront les services actuellement offerts par le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba, l'accent étant mis sur l'alphabétisation, le calcul, la persévérance scolaire, la planification scolaire et les évaluations de l'apprentissage scolaire et la mesure du rendement selon les indications du Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations et du Programme des partenariats en éducation, le PPE.
En ce qui concerne les systèmes de gouvernance en éducation des Premières nations, le CREPNM, sous la conduite de son conseil d'administration, continue d'aider les chefs du Manitoba à élaborer un système régional d'éducation pour les Premières nations. Un groupe de travail a été mis sur pied pour rédiger un document de conception qui esquisserait les diverses possibilités de systèmes d'éducation pour les Premières nations afin que les directeurs de l'éducation, les chefs chargés du portefeuille de l'éducation et les membres de l'Assemblée des chefs du Manitoba les examinent. Tous les intéressés participeront au processus, une fois toutes les recherches réalisées et réunies.
Voilà une version abrégée des structures de gouvernance et de prestation des services que le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba est en train d'élaborer et de mettre en place pour tous les élèves des écoles exploitées par des bandes au Manitoba. Les services de deuxième et de troisième niveaux continuent de se développer, et les initiatives commencent à obtenir le soutien de nos collectivités, qui en reconnaissent la valeur. La confiance s'installe. Les relations s'établissent. La prochaine étape sera un système d'éducation des Premières nations pour notre peuple.
Ekosani — merci — de votre temps.
Terry Waboose, grand chef adjoint, Nation Nishnawbe Aski : Merci.
[M. Waboose s'exprime dans sa langue maternelle.]
Je m'appelle Terry Waboose et je suis grand chef adjoint de la Nation Nishnawbe Aski. C'est un honneur et un plaisir d'être ici. Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs et les membres du personnel du comité, merci de cette occasion de comparaître ce soir. Je suis venu jusqu'ici pour lancer un appel à l'aide de la part des plus jeunes de nos membres de 49 Premières nations qui vivent dans le Nord de l'Ontario et constituent la Nation Nishnawbe Aski. On refuse sciemment et systématiquement à ces jeunes l'éducation de qualité à laquelle vos enfants et petits-enfants ont droit.
Malgré des droits constitutionnels qui disent le contraire, il est incontestable que, lorsqu'on est un Indien inscrit qui vit dans une réserve de la Nation Nishnawbe Aski, ou NAN, on ne reçoit pas des services d'éducation d'un niveau, d'une ampleur ou d'une qualité semblables à ce qui est offert aux autres Canadiens qui ne sont pas des Indiens inscrits et qui ne vivent pas dans des réserves.
Comme l'ancienne vérificatrice générale l'a écrit clairement dans plusieurs rapports sur l'éducation des Premières nations, les résultats et les taux d'obtention de diplômes de nos élèves sont bien inférieurs aux normes provinciales. Malgré l'engagement et le dévouement des dirigeants et du personnel des services d'éducation, qui font toujours un surcroît d'efforts pour donner à nos élèves la meilleure qualité d'éducation possible, les difficultés continuent de s'aggraver et l'écart de se creuser. En tolérant cette situation, le Canada perpétue sciemment la crise de l'éducation dans les collectivités des Premières nations. Cette crise se manifeste de bien des façons chez nos jeunes. Faute de pouvoir accéder à une éducation qui les prépare à une vie qui a du sens, à une vie saine et productive, beaucoup trop de ces jeunes n'entrevoient pas d'avenir où ils auraient leur place et cèdent à un comportement autodestructeur, ce qui donne notamment des taux de suicide sans égal dans le reste du Canada.
Beaucoup de jeunes qui n'ont parfois que 13 ans doivent quitter leur collectivité pour fréquenter l'école secondaire en milieu urbain. Fait tragique, pour des raisons qu'il reste à élucider complètement, cela a entraîné la mort de sept jeunes de la NAN dans des circonstances similaires tandis qu'ils fréquentaient l'école secondaire à Thunder Bay.
Toutefois, la vaste majorité des élèves de la NAN fréquentent des écoles exploitées par les Premières nations. Ce que nous voulons, c'est que les élèves de tous âges aient des choix et puissent accéder à des programmes et services d'éducation de qualité tout au long de leur vie, ce qui donnerait à chacun la possibilité d'acquérir les connaissances, les compétences, les aptitudes et la confiance nécessaires pour réaliser ce qu'ils ont choisi de faire de leur vie.
Nos organisations du domaine de l'éducation s'efforcent de mettre en place des programmes scolaires qui appuient les programmes d'immersion, des ressources adaptées à la culture et les nombreux services essentiels qui sont nécessaires dans nos écoles, mais elles sont contraintes de le faire sans un financement de base durable, ce qui entrave leur réussite.
Il faut des changements fondamentaux. Nous sommes exaspérés par les simples palliatifs apportés par les Affaires indiennes, dont la réponse à nos demandes d'aide et aux rapports de la vérificatrice générale se résume à des programmes de durée limitée fondés sur des propositions. Nous n'avons pas besoin d'un nouveau groupe d'experts convoqués et nommés par le ministre des Affaires autochtones pour cerner les problèmes d'éducation dont nous connaissons tous l'existence. Un processus paternaliste de plus n'apportera aucun changement d'importance.
La formule de financement par bande, fondement de nos écoles dirigées par la collectivité, remonte à 1988. La formule a maintenant 23 ans. Songez à tout ce qui a changé en 23 ans, à tout ce qui a changé aujourd'hui. Nos Premières nations essaient de faire fonctionner des écoles au moyen d'une formule des années 1980 qui ne prévoit rien pour les bibliothèques, la technologie ou les services parascolaires. Les formules dépassées qui servent à financer les programmes et les services d'éducation dans les réserves continuent d'entraver notre système d'éducation.
Fait dramatique, plusieurs Premières nations de la Nation Nishnawbe Aski n'ont même pas d'école. Beaucoup d'élèves vont à l'école dans des bâtiments rafistolés ou dans des salles de classe mobiles, solutions provisoires qui finissent par devenir permanentes. Nous avons des élèves qui n'ont jamais fréquenté une véritable école, et nous ne savons pas s'ils le feront un jour.
Les lacunes du financement pour les immobilisations et l'infrastructure de l'éducation sont un fléau pour les Premières nations de tout le Canada et elles sont à l'origine d'une crise dans la Nation Nishnawbe Aski.
Une collectivité de la NAN n'a pas de programmes ni de services d'éducation depuis plus de cinq ans. On y trouve des enfants qui ne sont jamais allés à l'école, mais ni le gouvernement fédéral, ni le gouvernement provincial n'estiment avoir la responsabilité de corriger cette injustice.
Dans le territoire de la NAN, il y a actuellement un retard de 12 à 15 ans dans la construction d'écoles. La majorité des écoles de ce territoire ont plus de 20 ans et présentent des problèmes de sécurité et d'espace : moisissures, surpeuplement, mauvaise qualité de l'air et de l'eau, salles de classe mobiles et insuffisance des fonds pour l'exploitation et l'entretien.
La majorité des Canadiens n'ont jamais vu ce qu'on appelle des écoles dans des localités isolées des Premières nations, et ils ne comprennent pas vraiment le type d'environnement jugé convenable pour nos enfants. C'est une terrible injustice qu'il faut corriger.
La Nation Nishnawbe Aski est maintenant engagée dans des négociations avec le gouvernement du Canada sur les compétences en matière d'éducation. Nos objectifs sont clairs. D'abord, nous devons avoir un contrôle réel de la gouvernance dans nos programmes d'éducation. Nous devons avoir des installations sûres, salubres et adaptées aux besoins. Nous devons avoir une gamme de programmes d'éducation capables de répondre aux besoins des élèves dans un cadre adapté à leur culture. Nous devons avoir un système d'éducation correctement financé qui tient compte des coûts réels subis par les collectivités isolées des Premières nations. Nous devons avoir accès à des programmes et services d'éducation de qualité à tous les stades d'un apprentissage qui dure toute la vie, depuis l'éducation de la petite enfance et la maternelle jusqu'à la 12e année, avec toutes les possibilités d'études postsecondaires, y compris des instituts autochtones durables pour les Premières nations.
Nous sommes disposés à travailler en partenariat avec le gouvernement du Canada pour atteindre ces objectifs, mais nous ne voulons plus être les observateurs passifs de notre propre avenir. Compte tenu de l'état de l'éducation dans nos collectivités, nous sommes contraints de nous demander si le Canada se préoccupe vraiment des enfants des Premières nations. Il ne devrait pas en être ainsi. Nous méritons mieux que cela. Nos enfants méritent mieux que cela, et le Canada aussi. Meegwetch — merci de votre temps.
Le président : Merci beaucoup, grand chef adjoint.
Chers collègues, si ces interventions ne lancent pas un message auquel nous devons donner une réponse favorable, je me demande ce qu'il faudra.
Merci de vos excellentes interventions.
Je voudrais que vous me disiez tous les deux si un organisme national des Premières nations pourrait jouer un rôle de soutien auprès des autorités régionales en matière d'éducation. Je présume qu'il s'agirait du quatrième niveau. Si vous êtes d'accord, quels seraient à votre avis son rôle et ses responsabilités?
M. Waboose : Je dirai d'abord que cela me semble essentiel, mais, dans le cas que je viens d'esquisser, nous nous préoccupons de la base, des questions élémentaires concernant l'éducation pour nous. J'ai parlé de l'insuffisance des infrastructures, de l'état des écoles des Premières nations. Il faut s'intéresser à cela d'abord, et ensuite, bien entendu aux programmes à offrir pour que nos écoles soient sur un pied d'égalité avec celles de la société majoritaire. Nous accepterions d'examiner cette question, et c'est ce que je souhaite.
Pour ajouter des précisions à mon exposé, je dirai que nous avons 7 400 élèves pour qui s'applique la formule de financement relevant des bandes. J'ai dit que cette formule existait depuis 23 ans. Cette formule vétuste s'applique donc à tous ces enfants. Évidemment, ils sont désavantagés dès le départ.
Cette formule s'applique également à 31 écoles des Premières nations. Nous avons aussi deux écoles secondaires en milieu urbain, une à Thunder Bay et une à Sioux Lookout, ainsi que 10 Premières nations qui ont l'école secondaire par Internet.
Vous parlez d'une entité nationale qui s'occuperait de ces services. Je conviens que nous en aurions besoin. À mon avis, cependant, les structures de base d'une école correcte sont un besoin plus important.
M. Ross : C'est une idée, un rêve.
Le président : Le quatrième niveau?
M. Ross : Oui. Toutefois, comme mon collègue l'a dit, nous avons besoin d'une mission pour concrétiser ce rêve. Quelles étapes franchirons-nous pour en arriver là? Si nous voulons créer une entité nationale, par où devons-nous commencer pour amener nos gens à s'investir vraiment dans l'éducation de leurs enfants? Nous devons commencer par la base. Comme mon collègue l'a dit, nous bâtissons nos écoles et nos systèmes d'éducation. En même temps, il se fait du travail afin de mettre cela en place.
Nous sommes unis comme peuple des Premières nations. Nous avons toujours été unis. C'était la clé de la survie. Mon collègue et moi parlions de chasse. Pour réussir à la chasse, il faut travailler en équipe.
Grâce au travail en équipe, il se passe des choses aux niveaux local et national. C'est une démarche. Il faut fixer des délais et mettre les choses en place. C'est notre rêve.
Le sénateur Demers : Vous vivez au Canada, n'est-ce pas? La situation est inacceptable. Vous vivez ici, au Canada? C'est notre pays, n'est-ce pas?
M. Ross : Oui.
Le sénateur Demers : Je siège au Sénat depuis plus de deux ans. Vous avez présenté un bon exposé. C'est un appel à l'aide. On refuse à vos enfants des possibilités offertes aux autres enfants. Je n'arrive pas à comprendre. Sommes-nous dans les années 1950? Non, nous sommes en 2011. Je tiens simplement à m'en assurer.
Vous avez parlé de 23 ans. Plus longtemps les enfants ne vont pas à l'école et plus il y aura de suicides et de crimes. C'est mal. J'ai écouté attentivement et j'ai posé des questions aux bonnes personnes, car c'est un nouveau domaine pour moi.
Est-ce que le problème se résume à une question d'argent et de structures? Il est insensé que des enfants qui veulent aller à l'école... Certains ne le veulent pas, vous le savez. Des enfants de Québec ou du centre-ville de Montréal ne le veulent pas non plus. Ils n'habitent pas des réserves, mais ils ne veulent rien savoir de l'école. Quoi qu'il en soit, une forte majorité de vos enfants veulent aller à l'école. Pourquoi n'auraient-ils pas les mêmes droits que les autres enfants?
Qu'en pensez-vous? Je suis un peu en colère parce que ce n'est pas juste. Je pense à ces enfants. Je vois d'ici une fille de 12 ans qui est enceinte, un jeune de 14 ans sur un coin de rue, ivre ou drogué. Ce genre de choses arrivent, et vous le savez. Que se passe-t-il donc?
M. Ross : Nous voyons ce genre de chose dans nos localités, dans nos réseaux au Manitoba. Ce qui arrive dans ces écoles, lorsque les élèves y arrivent non préparés, c'est qu'ils ne se préoccupent aucunement de la dimension scolaire. À mon point de vue personnel, nous devons commencer par nous intéresser à nos gens. Les enfants dont nous parlons, où sont-ils? Ils errent sans but. Ils ne savent pas où ils vont; ils n'ont pas de but dans la vie. Il y a quelque chose qui manque, et c'est le sens d'être membre d'une Première nation, un sentiment de fierté. Quand on a cela, une langue et des traditions, on possède de solides assises pour réussir.
De quoi devons-nous nous préoccuper dans nos écoles? Du programme scolaire. Élaborons un programme d'études qui répondra aux besoins de ces étudiants. C'est peut-être à ce niveau qu'il faut développer la langue. Comment est-ce que je me sentirais si je ne pouvais pas parler la langue? Quelle estime de moi est-ce que je pourrais avoir?
Il faut rompre le cycle intergénérationnel des pensionnats. C'est dans le système scolaire que nous finirons par le faire un jour. Les enfants qui se présentent dans ces écoles sont le produit intergénérationnel des pensionnats. Il nous faut dans nos écoles un solide fondement pour y parvenir. Toutefois, il nous faut des soutiens et des structures. C'est parfois incompréhensible.
Il faut aussi regarder de l'autre côté, considérer notre peuple, nos citoyens. Ils savent que nous avons besoin de cela. Ils le savent, mais on ne leur a pas donné les outils pour qu'ils puissent examiner leur situation afin de choisir une orientation.
Nous connaissons les raisons. Si nous bâtissons la structure, les fondements qui aideront les enfants qui fréquentent nos écoles, l'avenir semble brillant. Mais il nous faut beaucoup de soutien et nous devons bâtir. Nous devons nous développer comme peuple des Premières nations. Nous devons assumer la responsabilité. Nous devons faire cela nous- mêmes.
Le président : J'ai une question à vous poser, sénateur Demers. Quelle serait la réaction, pensez-vous, si sept jeunes se suicidaient à West Vancouver, en Colombie-Britannique, à Westmount, à Montréal, ou à Forest Hill, à Toronto? Est-ce que les gens resteraient là à ne rien faire?
Le sénateur Demers : Non. Nous en ferions bien plus de cas parce que ce sont des enfants de riches. Oublions Westmount, puisque je vis au Québec. Tout à coup, si l'un de ces enfants meurt, on se dit : « Encore un qui disparaît. »
Personne ne semble beaucoup s'en soucier.
Le président : N'y a-t-il pas un endroit où il y a de l'espoir? Ces enfants des Premières nations sont des Canadiens.
Le sénateur Demers : C'est pourquoi j'ai demandé s'ils vivaient au Canada.
Le président : Je sais. Merci.
Le sénateur Campbell : De combien d'élèves votre organisation s'occupe-t-elle au Manitoba, monsieur Ross?
M. Ross : Entre 15 000 et 16 000.
Le sénateur Campbell : Combien habitent dans des réserves?
M. Ross : Ce chiffre, c'est celui des élèves dans les réserves. Nous travaillons avec les écoles exploitées par les bandes, avec les enfants des réserves.
Le sénateur Campbell : Quel est votre taux de réussite?
M. Ross : Au secondaire?
Le sénateur Campbell : Oui.
M. Ross : Je dirais que de 30 à 40 p. 100 obtiennent leur diplôme.
Le sénateur Campbell : Quelle est la différence entre votre système dans les réserves et les systèmes hors des réserves? D'où tirez-vous ce chiffre de 30 à 40 p. 100? Nous savons que les chiffres se situent probablement autour de 28 p. 100 au plus, et il y a peut-être 4 p. 100 des élèves qui vont à l'université. Comment en arrivez-vous à ces chiffres?
M. Ross : Nous établissons des relations avec nos écoles. Ce sont nos parents, nos gens. Nous comprenons et nous sommes là ensemble pour donner à nos enfants un cadre propice à la réussite.
Lorsque j'ai posé cette question, quelqu'un, dans l'une des réserves, m'a dit : « Nous les faisons réussir. Nous veillons à ce qu'ils réussissent. »
Le sénateur Campbell : Combien y a-t-il d'enfants dans votre système, chef Waboose?
M. Waboose : Environ 7 400 qui sont visés par la formule de financement pour les bandes. Nous avons aussi près de 700 élèves dans les écoles des conseils scolaires de la province. Autrement dit, les Premières nations qui habitent près de centres urbains concluent des ententes sur les frais de scolarité avec le conseil scolaire local. En tout, nous avons 8 100 élèves.
Le sénateur Campbell : L'argent versé pour les élèves qui vont à l'école hors des réserves n'est pas comparable à celui qu'on donne pour les enfants qui n'appartiennent pas à une Première nation?
M. Waboose : Dans notre cas, il s'agit d'une formule simple. Comme je l'ai déjà dit, elle est apparue il y a 23 ans. C'est ce que nous recevons pour les écoles exploitées par les bandes. Le plus souvent, il s'agit de 4 000 $ à 5 000 $ par élève. Si ce même élève d'une Première nation fréquentait une école de la province, le montant dépendrait du conseil scolaire de l'école fréquentée. Il faut payer le montant qui a cours. C'est parfois le double. Il est arrivé que des Premières nations doivent payer 13 000 $ par élève alors que, pour les mêmes élèves qui resteraient dans la réserve, nous recevrions de 3 000 $ à 4 000 $.
Le sénateur Campbell : Il ne s'agit pas ici de différences entre zones urbaines et rurales, ni entre le Manitoba et le Nord de l'Ontario, n'est-ce pas?
M. Waboose : À mon sens, c'est une question d'équité, entre les fonds accordés à un conseil scolaire provincial et ceux que reçoit une école des Premières nations.
Dans notre cas, les localités sont rurales à l'extrême. Elles sont isolées, accessibles seulement par avion, et 34 de nos Premières nations n'ont pas de routes toutes saisons. Il faut s'y rendre par avion. Le plus souvent, il y a une piste d'atterrissage de 3 500 pieds, et le service est assuré par une ou deux lignes aériennes locales. Le transport des personnes et des marchandises coûte plutôt cher.
Si l'hiver est favorable, nous avons des routes d'hiver pendant deux ou trois mois de l'année. C'est pendant cette période que beaucoup de collectivités des Premières nations essaient de faire venir des matériaux pour les infrastructures, pour le logement et d'autres immobilisations nécessaires. C'est pendant l'hiver qu'on essaie de faire le transport. Il y a des économies à réaliser, et pas seulement pour les Premières nations. Le coût des affaires est amoindri grâce à cette période de transport routier de deux ou trois mois. À cause du réchauffement climatique, la période des routes d'hiver a été gravement réduite pendant trois des cinq dernières années. À peu près tout nous arrive par avion.
Le sénateur Campbell : Je suis sur une lancée.
Je ne m'y retrouve pas toujours très bien. Si je pouvais dire que je suis prêt à financer l'éducation des Autochtones en raison des obligations du Canada envers les Premières nations, mais qu'il faut un groupe pour assurer la surveillance, les Premières nations pourraient-elles se réunir et former ce groupe? Ou bien est-ce que ce serait comme demander à l'Angleterre, à la France, à l'Allemagne et à l'Italie de former l'Union européenne? Voilà la question que je pose.
Où je veux en venir? Je voudrais me débarrasser du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. Je veux le faire depuis six ans. Je suis plus convaincu chaque fois que je viens ici et entends des témoignages. Mais pour en arriver là... Le gouvernement du Canada ne peut pas traiter avec 300 Premières nations. Ce n'est tout simplement pas possible.
Voici ma question : les Premières nations pourraient-elles former ce groupe central et se charger de répondre à leurs besoins en matière d'éducation si je respecte mes engagements aux termes des traités ou simplement des exigences de l'ONU? Si je respectais mes engagements, les Premières nations pourraient-elles faire cela?
M. Waboose : Ce serait difficile. Comme vous le savez, le Canada compte plus de 600 Premières nations.
Le sénateur Campbell : Je viens de la Colombie-Britannique.
M. Waboose : Nous sommes tous uniques du point de vue de la langue et de la culture. Mon collègue et moi sommes des Ojibways, mais nous nous distinguons par nos usages. Dans certains secteurs, il est envisageable d'avoir moins d'institutions ou d'organisations pour gérer l'éducation. Dans nos secteurs, cela pourrait marcher parce que nous sommes un groupe isolé. Si trois ou quatre collectivités des Premières nations qui sont proches les unes des autres pouvaient se regrouper pour former un conseil scolaire, alors ce serait possible. En arriver à un seul organisme serait tout un défi à relever.
Le sénateur Campbell : Et au niveau provincial?
M. Waboose : Peut-être.
Le sénateur Campbell : Un organisme dans chaque province?
M. Waboose : En Ontario, ce serait également difficile.
Nous avons beaucoup de secteurs visés par des traités, des traités postérieurs à la Confédération, et des traités d'amitié. C'est différent. De toute façon, il pourrait y avoir beaucoup moins de 600 entités, il me semble.
Le sénateur Campbell : En 2004, la vérificatrice générale a recommandé qu'AINC élabore et applique une stratégie et un plan d'action complets pour combler l'écart de scolarisation. Dans un rapport récent, la vérificatrice générale a constaté que le ministère n'avait pas gardé une approche uniforme et qu'il ne pouvait pas démontrer qu'il y avait eu amélioration jusqu'ici.
Ça fait sept foutues années. Le ministère n'a rien fait en sept ans. Nous retrouverons-nous ici dans 12 ans à écouter la même chose, à entendre qu'un jeune Canadien ne peut pas recevoir une éducation? Est-ce que c'est ce qui va se passer?
M. Waboose : Si rien ne change, nous en serons au même point dans sept ans.
Le sénateur Campbell : Ce n'est pas acceptable.
M. Waboose : Non, ça ne l'est pas.
Le sénateur Campbell : C'est inacceptable parce que cet enfant sera en prison ou mort.
M. Waboose : C'est inacceptable. Si nous investissons, et je dis bien investissons, dans l'avenir de ces enfants en leur offrant des écoles et des programmes comparables à ce à quoi tous les autres ont droit, peut-être n'aurons-nous pas besoin d'en reparler. Mais si les responsables continuent à multiplier les études et les groupes de travail, nous serons encore là à discuter de la question dans sept ans. Le plus regrettable, c'est que, comme vous le dites, il y aura eu alors beaucoup plus d'élèves qui auront été laissés en rade.
Le sénateur Campbell : C'est ce que le gouvernement fait le mieux. Nous avons siégé ici et entendu parler de problèmes comme le manque d'eau, de services d'éducation et d'électricité, la présence de moisissures noires, l'insalubrité des logements. Je n'en peux plus et je ne sais pas quoi faire, vraiment pas.
Je vais vous dire une chose. Vous avez beaucoup plus de patience que moi, infiniment plus. Je ne peux pas rester là encore 12 ans à écouter les mêmes choses. Nous devons d'une façon ou d'une autre trouver une solution. Le problème ne se limite pas au gouvernement actuel. C'est la même chose depuis 1867 et probablement même avant. Cela me brise le cœur, vraiment.
Je suis désolé, monsieur le président.
Le président : Ne soyez pas désolé.
M. Ross : Pour répondre à votre question, adressons-nous aux parents. J'habite à Cross Lake, au Manitoba, une localité de 6 000 habitants. Nous discutons d'éducation. Je suis originaire de là-bas, et je suis l'un de ceux qui ont eu de la chance : j'ai pu faire des études et j'ai bien réussi. Mais je suis aussi un survivant du système des pensionnats.
Pourquoi est-ce que j'ai eu de la chance? J'avais une structure familiale au foyer. Il y avait là des fondements solides. Dans notre mode de vie, celui des Cris, le premier enseignement ou la première loi est le miyo-ohpikihâwasiwin, ce qui veut dire « bonne éducation de l'enfant ». Je suis l'un de ceux qui ont eu de la chance.
Vous avez posé une question sur le taux d'obtention de diplômes. Nous créons un milieu propice à la réussite des enfants. Nous créons ce milieu dans le système scolaire. Nous établissons des relations, et ce sont nos gens. Ils nous disent que nous devons nous unir. Ce sont les parents. Pas des dirigeants politiques, mais des parents. Ils perçoivent déjà cela, que nous devons nous unir. La façon d'échapper au problème du suicide et au désespoir, c'est l'éducation. Cela se fonde sur nos croyances et nos valeurs.
C'est peut-être parce que j'avais ces valeurs que j'ai eu de la chance. Je pouvais vivre et travailler là où je le voulais. Voilà ce que nous souhaitons pour les enfants.
Le sénateur Campbell : Je n'ai jamais entendu des représentants d'une Première nation ou l'autre venir nous faire part de convictions différentes de celle que vous venez d'exprimer. Qu'il s'agisse de Haïda, de gens de Tzouhalem ou de Musqueam ou encore de Cris. Ils ont tous commencé par la même prémisse, la vôtre.
Que se passerait-il si j'envoyais M. Ross dans la collectivité de M. Waboose pour lui expliquer ce qui se passe dans la sienne afin de l'aider? Vous l'accepteriez certainement. Vous voudriez accepter cette aide. Est-ce que cela a de l'importance, si ce n'est pas la même Première nation? Non.
Je voudrais tenir une réunion où il y a un front uni, où toutes les Premières nations, ou leur vaste majorité, viendraient et diraient : « Nos croyances sont toutes les mêmes. Nous croyons en la famille et à la terre. Nous avons les mêmes structures. » Les dieux et les esprits sont peut-être différents, mais les besoins fondamentaux sont les mêmes. Si vous faisiez cela, ce serait la fin d'AINC, car nous comptons que les Premières nations vont lutter l'une contre l'autre pour obtenir un peu d'argent.
Le sénateur Dyck : Il est difficile de prendre le relais après ces questions. Ce soir, vos témoignages nous ont profondément touchés, et nous vous en remercions.
Je commence par une question facile qui fait suite à la question du financement. Il est certain qu'une grande partie des difficultés que vous décrivez tiennent à l'inégalité du financement selon que l'élève va à l'école à l'intérieur ou à l'extérieur de la réserve. On nous a dit dans d'autres régions que, si l'un des élèves fréquentait une école hors de la réserve, il fallait payer la différence sur son propre budget reçu d'Affaires indiennes et du Nord canadien. Cela arrive-t- il chez vous également?
M. Waboose : Dans notre région, on parle de choix parental. Cela veut dire que, si on veut que son enfant fréquente une école de la province, il faut assumer la totalité des frais. Pas une partie, mais la totalité. La seule exception autorisée est fondée sur des raisons scolaires ou bien le fait qu'une école secondaire n'offre pas le type de programme souhaité.
Il faut que le ministère estime que l'élève est « doué » ou « spécial » pour accepter de payer les frais de scolarité. Ou bien, dans notre cas, il est disposé à payer si l'école de la réserve n'offre pas le cours ou si le cours n'est pas disponible.
Chez nos huit Premières nations qui ont des écoles secondaires, celles-ci n'offrent même pas la filière qui mène à l'université, mais seulement la filière ordinaire. Il n'y a pas de filière qui permette à l'élève d'aller à l'université ou au collège. Voilà notre situation.
M. Ross : Au Manitoba, c'est différent. Nous avons de la chance. Environ le tiers de nos collectivités sont isolées. Beaucoup sont accessibles. L'infrastructure est gérable.
Pour ce qui est des programmes, nous sommes un organisme de prestation de services. Nous offrons ces programmes pour nos écoles. Nous proposons à nos enseignants un perfectionnement professionnel et des pratiques exemplaires. Nous nous intéressons peut-être davantage au contrôle de la qualité. Nous voulons avoir la meilleure éducation possible pour nos enfants.
Nous travaillons bien avec les administrateurs des écoles et des collectivités. C'est ce que devrait être une bonne éducation. L'établissement des relations va très bien. Ce travail me plaît.
Pour ma part, je travaille avec les directeurs d'école. Je suis ce qu'on appelle un conseiller en administration scolaire.
Je travaille donc avec les directeurs et nous examinons la planification scolaire, les pratiques exemplaires, toutes les sortes de programmes. Nous étudions aussi la question du perfectionnement professionnel pour les enseignants, et nous commençons à constater qu'il y a une foule de programmes. Ces écoles obtiennent des résultats étonnants avec les ressources limitées qu'elles ont à leur disposition. Je suis parfois étonné des programmes qu'elles offrent et de la qualité des programmes.
Imaginez si nous avions un financement égal à celui des autres. L'écart serait comblé en peu de temps, mais cela va de pair avec le leadership. Voilà ce que nous cherchons en matière de leadership en éducation. Pour que les choses marchent bien dans n'importe quelle école ou autre organisation, il faut qu'il y ait un solide leadership. Nous renforçons cette capacité d'avoir des administrateurs solides, et nous voulons qu'ils soient forts, puisqu'ils travaillent avec nos enfants. La plupart des administrateurs sont issus de notre propre population.
Le sénateur Dyck : Voici ma question suivante : que nous recommandez-vous de faire? Il est clair que la situation décrite par le chef Waboose est critique. Il faut agir tout de suite. Il y a des choses à faire de toute urgence. Le financement, comme vous le dites, est peut-être l'une d'elles. Puis, il y a la solution à long terme. Le comité a songé à la possibilité de modifications législatives, mais cela, vous le savez, n'apportera pas une solution rapide. Il faudra je ne sais combien d'années. Nous siégerons toujours ici, sénateur Campbell. À l'évidence, il faut faire quelque chose maintenant. Si vous deviez recommander une ou deux mesures à prendre maintenant, en situation de crise, qu'est-ce que ce serait?
M. Waboose : Dans l'ensemble, la première chose, sans doute, serait la reconnaissance par le gouvernement, selon la région du Canada où on se trouve, mais c'est notre cas, du fait que nous sommes des partenaires égaux parties à un traité. Quant à nous, nous avons signé notre traité en 1905, et ce traité veut dire pour nous que nous partagions le territoire avec la Couronne et les colons en échange d'avantages mutuels. C'est par là que je commencerais : obtenir la reconnaissance par l'autre partie que nous sommes des partenaires égaux, avec un accès égal aux ressources du territoire et aux revenus qui en découlent. À partir de là, nous pouvons concevoir des programmes et services dans tous les domaines dont les Premières nations ont besoin comme tout le monde.
Je me suis rendu dans beaucoup de collectivités de nos Premières nations. On discute avec une personne dans la rue. Même si la rue n'est pas asphaltée, elle vous dira qu'elle veut les éléments de base, comme de bons soins de santé. De quoi manger. Envoyer les enfants dans un bel établissement d'enseignement pour qu'ils décrochent un emploi comme tout le monde, ce qui leur permettra de faire vivre leur famille. C'est par là que nous commencerions : faire reconnaître que, comme peuple des Premières nations, nous sommes des partenaires et que nous devons développer ce pays ensemble. À partir de là, je crois que tout se mettrait en place, mais tant que la volonté de franchir ce pas n'existera pas, il y aura des difficultés. Voilà ma réponse politique à la question.
M. Ross : Je ne donnerai pas une réponse politique, mais la réponse d'un enseignant qui travaille dans la réserve. Disons par exemple que je me rends dans une localité à Red Sucker Lake. Si je pouvais faire un vœu, ce serait d'obtenir l'égalité dans le financement : pour les salaires des enseignants, les fournitures, la réparation des écoles, l'élaboration du programme d'études et d'autres programmes. Il ne faut pas se borner à la dimension politique, aux modalités d'administration, à l'idéal, mais considérons l'idéal, la vision. Voilà ce que je ferais, et nous verrions d'énormes améliorations. Si, en plus, nous créons un système assorti de freins et contrepoids, d'un régime de responsabilisation, nous ferons le rattrapage en un rien de temps.
Le sénateur Meredith : Messieurs, merci beaucoup de comparaître ce soir. La situation me brise le cœur et je partage le sentiment des sénateurs Demers, Dyck et Campbell au sujet des délibérations en cours qui se poursuivent. Je suis un nouveau sénateur et quelques-uns de ces problèmes me sont familiers, puisque j'ai travaillé avec des jeunes à Toronto. La description des difficultés des jeunes m'émeut, tout comme je suis remué lorsque j'entends parler des taux de suicide et de décrochage scolaire. La situation n'est guère différente chez les noirs, chez qui quatre jeunes sur 10 quittent l'école pour diverses raisons systémiques. Ces mêmes raisons valent pour les collectivités autochtones de notre pays. Il est temps que nous mettions l'accent sur l'éducation de tous les jeunes Canadiens. Peu importe où ils sont nés dans notre pays, ce sont des Canadiens. Il me semble que c'est la question importante autour de laquelle nous devons nous mobiliser. Comment parvenir à éduquer les jeunes?
La question que je vous adresse, monsieur Waboose, concerne les dirigeants et leur volonté de prendre la situation en main, peu importe où ils se trouvent au Canada. Sont-ils prêts à faire leur part pour faire avancer vraiment le processus, en mettant de côté leur ego et leurs divergences pour se concentrer sur un seul mot, « éducation ». Les dirigeants sont-ils disposés à le faire? Vous êtes un grand chef et vous rencontrez les autres chefs. Il me semble que le problème se trouve du côté des dirigeants. Cela me semble important.
Sénateur Campbell, je sens la passion qui vous anime devant ces problèmes, mais j'y reviens toujours comme quelqu'un qui a dû traiter avec des organisations et des dirigeants. Ce sont eux qui bloquent les progrès. La cause des jeunes me passionne. Je veux qu'il y ait du changement. Je veux que les jeunes soient éduqués puisqu'ils sont non seulement notre avenir, mais aussi notre présent, et ils ont aujourd'hui des difficultés à surmonter dont il faut nous occuper.
Voici la question que j'ai à vous poser, grand chef. Existe-t-il chez les dirigeants une volonté de se constituer en une force unie pour apporter des changements, de façon à éviter que, dans sept ans d'ici, nous nous retrouvions à discuter du même problème? Voilà ma première question.
M. Waboose : Merci de votre question, sénateur. La conception dont vous parlez et qui consiste à donner la priorité à l'éducation, je la partage. Mes collègues de la Nation Nishnawbe Aski et moi estimons que l'éducation est une priorité. Voilà pourquoi je suis parmi vous et voilà pourquoi je suis venu ici à toutes les occasions qui m'ont été données de travailler avec d'autres chefs. Je travaille avec le comité de l'éducation de l'Assemblée des Premières Nations. Je le fais depuis que j'ai été élu, il y a cinq ans, pour apporter les améliorations que nous souhaitons tous. C'est ce que je constate. Je perçois cette volonté de travailler ensemble pour faire de l'éducation une priorité. Cette volonté existe certainement de notre côté, mais lorsque nous tendons la main à nos partenaires, nous ne recevons pas un accueil favorable.
Le sénateur Meredith : Qui sont ces partenaires?
M. Waboose : Vous venez de parler d'AINC. Nous essayons à chaque occasion d'apporter des changements constructifs. Dans notre domaine, nous voulons aller de l'avant. Comme je l'ai dit dans mon exposé, nous sommes maintenant en négociation avec le gouvernement fédéral au sujet des compétences en éducation. Nous en sommes à un stade où ce sont presque les négociations finales sur un accord. Nous participons à des discussions et à des négociations avec le gouvernement fédéral depuis 10 ans, 10 années très dures, afin d'obtenir un partenariat en éducation.
Il y a eu des années difficiles, mais notre engagement a été là et il tient bon.
À notre point de vue, à mon point de vue, je perçois cette priorité chez moi et chez les dirigeants, et elle est partagée par les administrateurs et les organisations qui assurent ces services aux jeunes.
M. Ross a parlé des gens qui font le travail. Nous aussi, nous avons beaucoup d'éducateurs. Malgré les lacunes du financement et le déficit des infrastructures, ils font un travail admirable pour essayer d'éduquer les jeunes. Toutefois, le problème fondamental, c'est qu'il doit y avoir de bonnes dispositions de la part de nos partenaires, qu'il s'agisse de la province ou du gouvernement fédéral, pour travailler avec nous au lieu de dire qu'il faut examiner de nouveau ce problème d'éducation, qu'il faut créer un autre groupe ou commander une autre étude.
Nos partenaires ont probablement accumulé ces dernières années des centaines d'études sur les Premières nations et sans doute une vingtaine sur l'éducation. Je ne tiens pas à ce que cela continue. Je veux des réponses pratiques, concrètes pour aider nos jeunes à réussir leurs études. J'admire votre passion, moi aussi. Merci.
M. Ross : Avez-vous jamais vu une excellente école qui avait une direction médiocre? Avez-vous jamais vu une école médiocre? Avez-vous jamais vu une excellente école dont le directeur était médiocre ou une école médiocre dont le directeur était excellent?
Je considère cela en tant qu' homme politique. Je suis enseignant. Mettons les deux points de vue ensemble, et nous parlons de la même chose.
Pour ce qui est de la direction, dans les écoles que nous voyons et avec lesquelles nous travaillons, celles qui produisent beaucoup de diplômés de 12e année qui font ensuite des études postsecondaires et réussissent bien, sont celles où la direction joue un rôle crucial. Les administrateurs sont bien instruits, ils ont une conception de l'éducation des Premières nations et ils ont de profondes racines culturelles. Ils savent où ils veulent aller. Ils sont passionnés et ils foncent.
Le plus grand atout, chez un dirigeant, comme chez un directeur d'école, c'est la capacité de prendre des décisions difficiles en sachant ce qui va se produire, en connaissant les ramifications de ces décisions. Toutefois, il prend ces décisions pour l'enfant à éduquer et pour les parents qui lui confient leur enfant. Voilà ce que j'appelle un dirigeant, quelqu'un qui est capable de prendre ces décisions difficiles pour le plus grand bien des gens.
De plus, le leadership doit avoir certaines composantes. Quelles sont-elles? C'est une chose que, travaillant dans les écoles, je perçois même dans la salle de classe. L'enseignant est un bon leader. Je vois beaucoup de qualités qu'il doit avoir pour être un bon leader. Il faut avoir le cœur et la volonté de prendre le risque.
Le sénateur Meredith : Monsieur Ross, vous parlez de votre conception de l'éducation des Premières nations comme une démarche centrée sur les Premières nations. Excusez-moi, mais je pense ici aux écoles afrocentristes. Je songe à la communauté antillaise. J'ai laissé mon esprit vagabonder un instant. Nous venons tout juste de mettre en place une école afrocentriste qui prend en compte la culture et les aspects qui manquaient dans les manuels d'histoire du Canada. Les responsables ont jugé nécessaire de pouvoir s'engager dans cette voie, d'éduquer les élèves africains à cet égard. C'est l'approche qui est retenue maintenant.
Vous considérez votre conception comme une approche centrée sur les Premières nations, une approche holistique de l'éducation des Premières nations. Voulez-vous m'expliquer davantage cette conception? Des témoins nous ont déjà parlé du succès des centres où se conjuguent les matières scolaires et les éléments culturels et linguistiques. Vous et M. Waboose, expliquez-moi cette conception, dites-moi comment vous entrevoyez l'établissement d'un système national dans tout le Canada. Il y aurait environ trois ou quatre niveaux. L'idée n'a pas été très étoffée, mais elle a été lancée au comité et divers témoins en ont parlé.
Veuillez m'expliquer davantage cette conception.
M. Ross : Je le répète, je ne suis pas un politique, mais si nous considérons l'ensemble du tableau, les parents et les collectivités souhaitent une entité centrale, un collectif. Je pense par exemple que, au Manitoba, nous sommes prêts à mettre en place un réseau scolaire des Premières nations. Les appuis sont là. Nous sommes prêts. Le CREPNM fournit la structure pour la prestation des services. Il faut mettre en place un système de gouvernance, mais c'est un autre débat.
Si nous avions cette entité au Manitoba, et aussi dans le territoire de M. Waboose, en Saskatchewan, qui ferait la même chose... Nous avons tous les mêmes aspirations. Nous nous réunissons et nous créons une entité nationale. Il faudra beaucoup de travail et bien des discussions. Toutefois, si les gens le veulent, s'ils peuvent participer au processus, c'est réalisable. Ce serait un atout.
Pour ce qui est des consultations, la mise en place d'une éducation régionale, l'élaboration d'une loi sur l'éducation nationale et, pourrait-on dire, d'une politique, cela me semble réalisable. Comme nous l'avons dit, il y a des différences, mais nous pouvons les mettre de côté dans l'intérêt de nos enfants.
M. Waboose : Il est important de savoir qui on est et d'accepter son identité.
Je me considère comme un Nishnawbe de la terre. C'est notre peuple. C'est de là que vient la génération de mes parents et de mes grands-parents, de la terre. Si on s'accepte tel qu'on est, si on accepte son identité et si on est à l'aise dans sa langue, on peut réussir dans n'importe quelle société. C'est la conception que je voudrais voir incarnée dans un système d'éducation pour nos jeunes : conserver ce qu'il y a de mieux dans leur culture et leur langue, mais, en même temps, utiliser le système tel qu'il existe pour réussir dans l'ensemble de la société.
C'est de là que vient la réussite. Si on est bien ancré dans son identité et sa réalité propres, c'est une source de fierté, et on a envie de se lever le matin pour aller à l'école. Si nous pouvons favoriser cette attitude chez nos élèves, chez nos jeunes, peu importe qui ils sont, le succès peut venir de là.
Pour ma part, je ne suis pas allé à l'école avant l'âge de sept ou huit ans parce qu'on m'instruisait sur la terre. Mes parents m'ont montré à chasser, à pêcher, à faire du piégeage, mais en même temps, ils ont été la dernière génération en mesure de subvenir à leurs besoins de cette manière. Ils ont vu le monde changer, le pays changer.
Ils ont dit : « Pour que tes enfants réussissent, ils doivent étudier dans la société non autochtone. » C'est ce que nous avons fait. Nous nous sommes arrachés à notre terre d'origine, au territoire que mes parents aimaient et nous avons déménagé dans une localité qui avait une école, où, la plupart du temps, j'étais le seul Anishinabe. Tous les autres étaient des enfants non autochtones. J'ai réussi grâce à l'éducation que mes parents et mes grands-parents m'ont inculquée : tu es d'abord un Anishinabe, d'abord un membre des Premières nations, d'abord un Ojibway. Cela donne la force de conquérir et de surmonter toutes les difficultés qui surgissent.
Mon père était un bon chasseur et tout aussi bon comme pêcheur, trappeur et guide. Il avait toutes ces activités, ce qui ne l'a pas empêché de devenir mécanicien d'avion. Ma mère est devenue travailleuse sociale. Imaginez que mon père ait pu aller à l'école. Lorsque les avions venaient prendre les enfants de notre région pour les emmener à l'école, il était à la chasse et à la pêche avec mon grand-père. Il n'a jamais pu aller à l'école. Ce que les pensionnats avaient de bien et de mal, il est passé à côté. Ce fut peut-être une bénédiction. Par contre, cela a freiné son développement. Ma mère est allée au pensionnat. Ce fut tolérable. Malgré tout, leurs valeurs leur venaient de la terre et de leur identité première. Ils parlaient la langue et le font toujours aujourd'hui.
Le fondement, ce doit être un système d'éducation solide pour les Premières nations. Si nous avions droit à un financement comparable à celui des autres, imaginez ce que nous pourrions apporter comme dirigeants. C'est ce que je veux inculquer à mes jeunes enfants : il y a des possibilités d'épanouissement pour eux si on leur donne les mêmes chances qu'aux jeunes de Toronto, de Halifax, de Vancouver, et du Pas, au Manitoba. C'est ce qui se passera, le pays ne s'en portera que mieux. Mesdames et messieurs, investissons dans l'éducation des Premières nations.
Le sénateur Meredith : Merci beaucoup de vos réponses. Je vous félicite, vous et vos dirigeants, de ce que vous faites au moyen des ressources limitées que vous avez.
Ma dernière question porte sur un sujet troublant. Lorsqu'il y a une crise dans l'une de nos écoles des centres urbains et des grandes villes, nous avons des conseillers pour les endeuillés. Avez-vous ce service dans vos collectivités? Vous avez dit qu'environ 79 jeunes s'étaient suicidés. Y a-t-il actuellement des mécanismes pour aider les familles et les autres élèves?
M. Waboose : Merci de votre question cette fois encore. Je dois dire que non. Il n'y a rien en ce moment parce que les ressources sont très limitées. Elles sont consacrées en priorité aux services d'éducation de base, à l'école, qui reçoivent le maximum de fonds pour éduquer les élèves. Il faut se débrouiller avec ce qu'on a.
Je vais expliquer un peu plus le cas des sept jeunes. Tous avaient quitté leur petite collectivité isolée des Premières nations pour fréquenter l'école à Thunder Bay. Il s'agit d'une période relativement brève. Nous avons perdu le premier jeune en 2002. En février dernier, nous avons perdu le septième. Ils ont tous été retrouvés dans une rivière. Ils se sont noyés ou quelque chose d'autre leur est arrivé. C'est qu'il n'y avait personne pour les aider lorsqu'ils en avaient le plus besoin. Il n'y avait pas assez de services de soutien pour eux après les heures d'école. On ne s'occupe d'eux qu'entre leur arrivée à l'école et leur départ. Le reste du temps, quand on est un élève des Premières nations qui n'est jamais allé dans une ville, quand on est un jeune de 12, 13 ou 14 ans qui quitte la maison pour la première fois... Je serais effrayé.
Le sénateur Meredith : Je croyais avoir entendu 79. Excusez-moi. Mais même un seul, c'est déjà trop.
M. Waboose : C'est exact.
J'ai demandé à l'Ontario de nommer une commission d'enquête pour connaître les circonstances qui expliquent la mort de ces sept jeunes. J'espère que cela nous permettra de trouver des réponses et, plus important encore, des solutions pour empêcher que cela ne se reproduise.
M. Ross : Je vais reprendre la question au niveau de l'école. L'un de mes rôles de conseiller scolaire consiste à élaborer des plans d'intervention en cas de crise, dans le cadre du processus de planification scolaire. Lorsque quelque chose se présente, il y a un système en place pour gérer le problème.
En ce qui concerne les conseillers pour les endeuillés, nous faisons appel à la province. Nous avons une excellente relation de travail avec la province du Manitoba. Nous partageons des ressources. Les organisations autochtones ont leurs conseillers, du moins celles qui peuvent se permettre d'avoir ce service. Les collectivités ont leur propre système de counseling pour les endeuillés. Nous faisons appel à la province et à ce système au moment de l'élaboration du plan. Lorsque quelque chose se produit, il y a une réponse. On nous demande : pourquoi est-ce que cela arrive? Quelle est la cause profonde des suicides? À mon avis, c'est la perte de l'identité culturelle. On traverse la vie sans raison d'être, sans direction, sans un esprit. Beaucoup de ces enfants en arrivent à se demander : qu'est-ce que j'ai?
Nous devons créer un système scolaire qui s'occupe des quatre dimensions de l'être humain : spirituel, affectif, physique et intellectuel. Une grande partie du problème chez les jeunes est la perte de l'esprit. Sans cet esprit, bien des choses peuvent se produire. Il nous faut ranimer cet esprit, cette flamme. Dans le processus que nous avons maintenant, je crois, comme enseignant, que notre seule avenue est le système scolaire. Voilà pourquoi nous devons remettre notre système en ordre. Une grande partie de ce qu'il faut ne vient pas du foyer, qui ne l'a pas. Le système scolaire doit suppléer pour que nous rompions ce cycle. C'est réalisable.
Le sénateur Patterson : Je vous remercie beaucoup de votre exposé. Je songeais, pendant que vous parliez tous les deux, que nous nous acheminons vers la rédaction d'un rapport qui, nous l'espérons, aura un certain impact. Heureusement, certains de nos rapports ont un certain retentissement.
Vous décrivez les problèmes avec éloquence, ainsi que les espoirs. Je crois que nous pouvons utiliser une partie de votre témoignage pour expliquer pourquoi il nous faut intervenir.
Je vais vous poser à tous deux des questions très précises. À M. Ross d'abord. Je voudrais que vous m'en disiez un peu plus long sur la zone géographique que vous desservez. Je veux savoir s'il y a des écoles secondaires dans ces collectivités, surtout les plus petites. Je veux savoir comment on en est arrivé à créer le CREPNM et comment il est financé. Sauf erreur, vous avez dit qu'il n'était pas vraiment bien dirigé, ou qu'il avait besoin de gouvernance. Mais qui le dirige?
M. Ross : Je n'ai pas dit qu'il n'était pas bien dirigé.
Le sénateur Patterson : Désolé, je ne voulais pas dire cela. Vous parliez de formes améliorées de gouvernance. Voilà ce que je voulais dire.
M. Ross : C'est une question à laquelle nous nous intéressons. Nous essayons, dans le cadre de notre mandat, d'améliorer les modalités de gouvernance dans les écoles. Nous formons les membres des conseils scolaires et des conseils de parents.
Une école secondaire qui réussit bien, comme celle d'OCN, au Pas, a produit beaucoup de diplômés et beaucoup d'élèves qui ont fait des études postsecondaires. C'est une école secondaire qui réussit bien. Quels sont les éléments qui concourent à cette réussite? Je dois dire que la collectivité se mobilise et l'appuie, et qu'il y a une direction forte.
Le sénateur Patterson : Désolé. Je voulais en venir à ce que nous appelons, avez-vous dit, un collectif, un conseil. Vous avez une cinquantaine d'écoles, et votre centre de ressources est à leur service. Toutefois, vous voulez une sorte de structure. Vous dites maintenant que vous êtes prêts pour une structure, comme un conseil scolaire, qui donnerait aux services un caractère plus structuré.
M. Ross : Oui.
Le sénateur Patterson : Pourriez-vous expliquer un peu plus?
M. Ross : Si nous avions une structure en bonne et due forme, si nous étions un collectif, par exemple, et mettions nos ressources en commun... Il y a 54 écoles des Premières nations et 54 petits districts ou petites administrations de l'éducation. Qu'arriverait-il si nous n'en avions qu'une, avec des régions?
Nous aurions un pouvoir d'achat pour les ressources, nous mettrions tout notre argent ensemble pour payer les salaires des enseignants et il y aurait peut-être aussi une structure centrale. Si les gens s'entendent, s'il y a un mandat de la population, c'est ce qui arrivera dans notre système. Ce sont les lois et les règlements qu'il nous faut suivre.
Pour l'instant, nous n'en sommes pas là. Nous sommes un fournisseur de services. Nous n'avons pas de pouvoir. Nous pouvons fournir des services de perfectionnement professionnel, mais nous n'avons pas le pouvoir nécessaire pour la mise en œuvre. Nous en arrivons au point où beaucoup d'écoles nouent des relations avec nous, nous font confiance et nous permettent de faire le travail. Nous pouvons justifier les pratiques exemplaires en éducation et dire ce qu'est un bon enseignement, et c'est ce que nous souhaitons.
Quant au collectif, les gens disent que nous sommes prêts. Le temps est peut-être venu. Si nous avions cette chance, je pourrais dire par exemple à mes enfants : « Vous avez tant de temps pour vous préparer à faire telle chose; si vous y arrivez, vous serez récompensés. »
Le sénateur Patterson : En ce moment, vous êtes plus ou moins soumis à l'autorité des Affaires indiennes. Vous n'avez pas votre propre structure de gouvernance. C'est bien cela?
M. Ross : Oui, et le pouvoir général appartient aux chefs du Manitoba. Quant au financement, ceux qui possèdent les fonds ont le pouvoir, d'habitude.
Le sénateur Patterson : Comment regroupez-vous les ressources pour financer votre centre de ressources en éducation? Recevez-vous une contribution des 54 écoles?
M. Ross : Oui. Cela se fait dans le cadre de propositions, aux termes du Programme de réussite scolaire des étudiants des Premières nations. Nous avons utilisé ces fonds pour assurer la direction au CREPNM. Je suis heureux de constater ce qui se fait grâce à cet argent, et aussi de voir ce qu'il advient des programmes que nous élaborons. Si j'étais un parent, dans la collectivité, et si je comprenais ce que je vois, je serais également content.
Le sénateur Patterson : Il me semble que vous êtes à mi-parcours d'une démarche vers la création d'un conseil, ce que vous avez dit réclamer. Vous avez parlé d'une structure collective. Nous songeons à recommander des modifications ou des mesures législatives. Il va sans dire que ce qui se trouve dans la Loi sur les Indiens est pathétique et dépassé.
Si nous recommandions des modifications législatives qui rendraient possible la création d'une sorte de conseil scolaire — et je crois que vous avez dit qu'il serait optionnel ou que les bandes pourraient s'en retirer... Je connais un peu la division scolaire Frontier, au Manitoba...
M. Ross : Oui, j'y ai travaillé.
Le sénateur Patterson : Est-ce votre prochaine étape? Pourrions-nous vous aider, pensez-vous, au moyen d'une loi habilitante?
M. Ross : Je ne suis pas un homme politique. Il y a bien des choses dont M. Waboose a parlé, au niveau politique. Je suis un simple enseignant. Je dirais que oui, bien sûr, c'est ce que nous souhaitons.
Nous faisons beaucoup de bonnes choses en ce moment, mais si nous pouvons mener le cheval à l'abreuvoir, nous ne pouvons pas le faire boire. Si tout le monde s'entend au sujet d'une loi — et il faut que nos partenaires, les gens des Premières nations conviennent que c'est ce que nous voulons faire et allons faire —, alors très bien. Nous aurons une autorité centrale qui surveillera le système d'éducation, selon l'orientation donnée par les gens.
Le sénateur Patterson : Je poserai rapidement la même question au chef Waboose.
M. Waboose : Dans notre cas, sénateur, nous négocions un accord d'autonomie gouvernementale en éducation. Nous souhaitons remplacer la Loi sur les Indiens par une loi sur l'éducation.
Comme je l'ai déjà dit, nous sommes engagés dans ce processus depuis 10 ans. Cela se déroule dans le cadre de la politique fédérale des droits inhérents. Nous en sommes à un stade où nous commençons à parler des choses dont M. Ross nous a entretenus : quel modèle ou quelle structure y aura-t-il pour l'éducation?
J'illustre mon point de vue. Il y a là un grand défi à relever pour nous parce que notre région s'étend de la frontière ontario-manitobaine jusqu'à la baie d'Hudson, à la baie James, au Québec, et vers le nord jusqu'à Thunder Bay, et au nord de Timmins et Kenora. Et puis il y a 49 Premières nations et trois groupes linguistiques. Dans la recherche d'un modèle, il faut discuter de certaines difficultés d'ordre pratique.
Dans notre cas, nous savons qu'il n'est pas possible d'avoir 49 modèles différents d'éducation. Dans la pratique, ça ne marcherait pas. Peut-être pourrions-nous avoir un groupe de 10 ou 15 Premières nations qui ont une langue commune, comme les Cris, du côté Est. Peut-être voudraient-ils leur propre structure de gouvernance ou d'éducation.
Il y a les Ojibway au centre et l'oji-cri du côté ouest du territoire. Ce genre de chose est envisageable. Voilà les discussions qui ont cours en ce moment.
Pour l'heure, nous avons nos propres idées et les gens d'en face ont les leurs. Nous discutons. En 1998, lorsque les chefs voulaient avoir ces négociations avec le gouvernement fédéral, le point de dissension était qu'ils voulaient leur propre système d'éducation, quelque chose qui remplacerait une Loi sur les Indiens vétuste par une solution plus pratique, plus facilement réalisable et qui, ce qui est le plus important, aiderait les élèves des Premières nations à réussir dans leurs études.
Voilà ma réponse. C'est ce que nous prévoyons dans notre région.
Le sénateur Patterson : Je fais appel à mon expérience dans le Nord et je songe aux récits convaincants au sujet des jeunes qui sont morts après avoir été envoyés loin de chez eux pour fréquenter l'école secondaire. A-t-on songé à bâtir des écoles secondaires locales?
M. Waboose : J'en reviens à la situation de nos Premières nations. Nous avons beaucoup d'écoles secondaires locales. Il y en a beaucoup. Certaines collectivités ne comptent que 200 personnes. Les plus grandes ont entre 2 000 et 3 000 membres. La collectivité moyenne compte de 400 à 500 personnes. Il est possible aux Premières nations les plus importantes de se donner une école secondaire. Il y a huit écoles secondaires sur les réserves dans la NAN. C'est pourquoi nous avons deux écoles secondaires situées dans des centres urbains, l'une à Thunder Bay et l'autre à Sioux Lookout.
La majorité des élèves qui doivent fréquenter l'école secondaire doivent quitter leur milieu. On se retrouve ainsi dans un autre cas de figure où ils quittent leur foyer et se retrouvent dans les situations les plus pénibles qui soient, comme c'est arrivé à ces sept jeunes.
Même dans les huit collectivités qui ont des écoles secondaires, la plupart de ces établissements n'offrent pas tout le cours secondaire. La plupart offrent les cours jusqu'à la 10e année. Pour la 11e et la 12e, il faut aller à l'extérieur. Beaucoup de nos élèves se rendent dans des centres urbains comme Thunder Bay et Timmins. Certains, ceux qui habitent près de la frontière, vont même à Winnipeg.
Le sénateur Raine : Je sais qu'il est très important d'avoir de bons enseignants. Où les recrutez-vous, à l'heure actuelle? Comment entrevoyez-vous la préparation de ces enseignants à l'avenir? Avez-vous du mal à trouver des enseignants qui parlent la langue et peuvent transmettre la culture?
M. Ross : Oui, c'est le cas. Je me souviens de vous, maintenant. Vous avez été une championne de ski. Je me rappelle vous avoir applaudi aux Jeux olympiques.
Le sénateur Raine : Merci.
M. Ross : Oui, c'est le cas. Nous avons la capacité. Si nous devenions un district scolaire, nous pourrions créer un centre de formation des maîtres. Nous avons cette capacité. Nous avons des gens compétents qui peuvent faire cela, et nous savons ce que c'est, un bon enseignement. Une partie de la vision que moi et d'autres entretenons, c'est de créer un centre d'excellence, un centre de formation des maîtres, de formation linguistique. Nous avons des professeurs de langue qui parlent la langue, mais nous n'avons pas de programme de formation. Ni les ressources voulues pour l'élaborer. C'est difficile. Il faut aussi envisager un centre où la langue se développe, un centre d'échanges. Au CREPNM, nous avons des programmes pour lesquels nous sommes associés aux universités ou à d'autres centres, et nous formons et accréditons nos propres professeurs de langue. C'est ce que nous voudrions obtenir, l'accréditation, et nous souhaitons que le ministère de l'Éducation, par exemple au Manitoba, reconnaisse cette accréditation.
La question des enseignants est difficile. Nous ne pouvons pas en engager si nous ne pouvons pas les payer. Les salaires que nous offrons sont très faibles. Des États comme le Texas envoient des représentants à Winnipeg, à la foire de l'emploi, et ils prennent tous les enseignants parce qu'ils ont les moyens de les payer, et nous ne les avons pas. Beaucoup de nos enseignants des Premières nations vont sur le terrain, ce qui est bien, mais nous avons aussi beaucoup d'enseignants qui, de toutes les régions du Canada, viennent dans nos collectivités. C'est difficile, mais si nous pouvions proposer un barème salarial acceptable, par exemple, je crois que nous attirerions beaucoup plus d'enseignants et des enseignants de meilleure qualité. Nous avons la capacité de former nos propres gens pour en faire de bons enseignants.
M. Waboose : La situation est semblable dans notre région, où il est très difficile de recruter et de garder des enseignants qui ne sont pas membres d'une Première nation à cause de ce que M. Ross a appelé le barème salarial. Les salaires sont insatisfaisants. Nous n'avons pas non plus les moyens d'offrir à nos enseignants la possibilité de s'inscrire à l'Ordre des enseignantes et des enseignants de l'Ontario, je crois, parce que nous n'avons pas les ressources pour les aider, à titre d'avantage social, à payer leurs frais et ce genre de chose. Ils ne peuvent pas y arriver. Toutefois, nous collaborons avec l'ordre afin de rectifier la situation.
Nous avons aussi nos propres enseignants des Premières nations issus de nos collectivités et, là encore, surtout dans le domaine de la langue. Le plus souvent, ils commenceraient par suivre les programmes d'éducation des enseignants autochtones dans les universités de la société majoritaire, comme celle de Lakehead, à Thunder Bay, pour la plupart d'entre eux. Nous nous sommes également associés à d'autres universités qui offrent ce programme. Nous commençons à voir nos propres enseignants lentement se tourner vers les universités de la société majoritaire pour trouver leurs enseignants. Là encore, le défi est le même; lorsque les enseignants atteignent un certain niveau d'expérience et de compétence, nous les perdons. Ils vont vers les conseils scolaires de la société majoritaire en raison des salaires et des avantages sociaux et autres qu'ils peuvent obtenir dans des collectivités autres que celles des Premières nations. Oui, c'est une difficulté.
Le sénateur Raine : Chef Waboose, je comprends plus ou moins votre territoire. Monsieur Ross, vous occupez-vous de tout le Manitoba ou de seulement une partie de la province?
M. Ross : De toute la province. Nous avons cinq groupes linguistiques. Ce sont des écoles exploitées par des bandes. La division scolaire Frontier dirige certaines écoles et elle a des accords avec les bandes sur les frais de scolarité. Il y a deux autres collectivités qui sont parties prenantes d'autres écoles provinciales dans le cadre de projets qui ont été conçus par AINC et la bande pour ce qui est des ressources davantage développées. S'il y a suffisamment de ressources, le système d'éducation sera meilleur. Il y en a quelques-unes. Nous nous occupons de presque toute la province.
Le sénateur Raine : Je pose la question à vous deux : combien de collectivités auxquelles vous assurez des services peuvent se brancher à Internet à haute vitesse? Chef Waboose, vous avez parlé d'apprentissage au moyen d'Internet. Comment est-ce organisé?
M. Waboose : Disons d'abord que la technologie n'est pas aussi facilement disponible qu'ici. Nous sommes en train d'installer Internet à large bande pour 29 Premières nations par câble de fibre optique. Le projet s'étale sur trois ans. Pour nos communications à large bande, nous avons beaucoup recours aux tours à ondes ultracourtes qui existent déjà. Là encore, il s'agit d'une technologie ancienne, et la capacité est limitée. Cela nous permet tout de même d'offrir des cours par Internet. Des cours sur Internet sont offerts dans six Premières nations grâce à une organisation appelée K-Net. Elle offre ce service à toutes les Premières nations de la NAN, mais elle le fait aussi à partir de Red Lake et de Thunder Bay. Nous avons dû utiliser cet autre moyen pour assurer une sorte d'éducation à nos élèves à cause du manque de ressources. Il faut utiliser tous les moyens possibles pour éduquer les élèves.
Nous avons également le télé-enseignement par la radio. Il s'agit de Wahsa, et les 29 Premières nations participent à ce programme également.
Le sénateur Raine : Vous avez raison; il faut être ingénieux. J'ai été un peu étonnée de vous entendre dire que les enfants qui vont à l'école dans les villes, dans les zones urbaines, ne sont encadrés que pendant qu'ils se trouvent à l'école et qu'il n'y a pas de programme de soutien après les heures d'école. Ne serait-il pas possible d'avoir une maison où ils auraient un cadre qui ressemble plus à un foyer?
M. Waboose : Faute de ressources, à peu près tous les enfants sont mis en pension. Le parent qui les accueille en pension reçoit une indemnité mensuelle.
Ce serait certainement une solution, si nous pouvions utiliser ces ressources pour investir dans une maison de ce genre, où tous les enfants pourraient se retrouver, ou mettre en place des programmes nous permettant d'investir dans des écoles secondaires des Premières nations et d'offrir peut-être jusqu'à la 11e ou à la 12e année. Les enfants feraient leur neuvième et leur 10e années dans la réserve, après quoi ils ont 16 ou 17 ans; ils sont un peu plus mûrs et ont une plus grande expérience de la vie, alors que, maintenant, ils doivent aller en ville pour la neuvième année, lorsqu'ils ont 14 ans.
Nos dirigeants considèrent toujours différents scénarios et différentes possibilités. Là encore, c'est un travail qui prend du temps et exige des ressources.
Le sénateur Raine : La leçon qu'il faut tirer de tout cela, c'est sans doute qu'il n'y a pas de solution universelle. Bien sûr, la formation permanente est l'objectif, de sorte que, si vous êtes prêts à aller quelque part un peu plus tard, il ne devrait pas y avoir une grande presse. Merci beaucoup.
Le président : Merci, messieurs. Vous le savez, et vous en avez parlé, monsieur Ross, une structure d'autorité s'impose. C'est ce que nous essayons de recommander au gouvernement et à toutes les parties en cause. Nous songeons à concevoir une structure qui conférera le pouvoir dont vous avez dit qu'il manquait maintenant, au Manitoba, même si vous avez accompli d'énormes progrès.
Hélas, les choses sont telles que vous l'avez dit : celui qui contrôle l'objectif contrôle le jeu. Nous espérons néanmoins que, si nous pouvons recommander une ou plusieurs structures, qu'il y ait trois ou quatre niveaux, nous pourrons vous procurer les outils dont vous avez besoin pour accomplir votre travail avec le maximum d'efficacité et d'efficience pour le plus grand bien des enfants dans les réserves. Merci encore, au nom des sénateurs.
M. Waboose : Je voudrais vous livrer une observation en guise de conclusion. D'abord, merci au comité, à tous les sénateurs, de nous avoir invités à comparaître pour faire état de notre expérience dans le domaine de l'éducation.
Je vous tends la main, à vous tous. Avant les élections, vous collaboriez avec mon bureau pour organiser une petite tournée de certaines de nos collectivités pour des sénateurs, mais le projet est plus ou moins tombé à l'eau parce que les élections ont été déclenchées, et c'est pourquoi je vous lance de nouveau une invitation. Si une occasion se présente de nouveau pour que vous ou certains d'entre vous veniez visiter certaines de nos collectivités pour voir de vos yeux nos écoles... J'avais une bonne tournée organisée pour vous. Je voulais bien sûr vous montrer des situations déplorables, mais nous avons aussi des écoles où tout se passe bien. Certaines de nos écoles construites ces dernières années sont belles et ultramodernes. Nous avons également des programmes innovateurs.
Le plus important serait que vous puissiez voir de vos propres yeux, dans leur milieu, les enfants et les éducateurs qui font de leur mieux pour les éduquer. C'est ce que j'espérais vous montrer l'été dernier. Je tiens à vous lancer de nouveau une invitation, si vous tous ou certains d'entre vous pouvez venir quelques jours. Nous serons heureux de vous organiser une visite. Meegwetch.
M. Ross : Merci. Ce fut une belle expérience. J'étais un peu nerveux au départ, mais maintenant, je me sens bien. Je crois que je suis sur une bonne lancée. J'ai rencontré l'étoile du hockey qu'a été Frank Mahovlich, et je crois avoir vu Justin Trudeau arriver, et il y a aussi tous ceux que je vois à Ottawa.
Je vous invite à venir voir le Centre de ressources éducationnelles des Premières nations du Manitoba, à Winnipeg. Ce que vous verrez vous impressionnera. Venez le voir et faire une visite. Lorne Keeper en est le directeur administratif et Gwen Merrick, la directrice administrative adjointe. Nous sommes fiers du centre. Venez le visiter.
Le président : Merci de cette invitation et de vos propos obligeants. Merci d'avoir comparu. Dieu vous bénisse dans votre travail. Continuez.
(La séance est levée.)