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APPA - Comité permanent

Peuples autochtones

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Peuples autochtones

Fascicule 38 - Témoignages du 5 juin 2013


OTTAWA, le mercredi 5 juin 2013

Le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones se réunit aujourd'hui, à 18 h 47, pour examiner, en vue d'en faire rapport, les responsabilités constitutionnelles, conventionnelles, politiques et juridiques du gouvernement fédéral à l'égard des Premières Nations, des Inuits et des Métis et d'autres questions générales relatives aux peuples autochtones du Canada.

Le sénateur Vernon White (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Honorables collègues, bonsoir. J'aimerais souhaiter la bienvenue à l'ensemble des honorables sénateurs et aux membres du public qui regardent la séance du Comité sénatorial permanent des peuples autochtones sur la chaîne CPAC ou sur le Web.

Je m'appelle Vernon White et je viens de l'Ontario. Je suis le président du comité.

Le mandat du comité est d'examiner de manière générale les lois et les questions relatives aux peuples autochtones du Canada. De temps à autre, nous invitons des personnes, des organismes et des ministères à venir nous donner un aperçu des enjeux dans leur sphère.

En 2010, le comité a publié un rapport intitulé Le chemin à parcourir : Rapport sur les progrès accomplis depuis les excuses présentées par le gouvernement du Canada aux anciens élèves des pensionnats autochtones. Dans le rapport, le comité exprime le souhait de demeurer au courant de la progression de cet enjeu. Étant donné que le mandat de la Commission de vérité et réconciliation arrive à échéance, nous avons convenu que ce serait un bon moment pour faire un suivi à ce sujet.

Nous entendrons aujourd'hui les témoignages de représentants de la Commission de vérité et réconciliation. Avant de donner la parole à nos témoins, j'aimerais demander aux membres du comité qui sont ici ce soir de se présenter.

La sénatrice Dyck : Je m'appelle Lillian Dyck et je viens de la Saskatchewan; je suis également membre hors-réserve de la Première Nation Gordon.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace Nicholas, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Watt : Sénateur Watt, Nunavik.

Le sénateur Sibbeston : Nick Sibbeston, des Territoires du Nord-Ouest.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, Nunavut.

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le président : Chers collègues, veuillez avec moi souhaiter la bienvenue à nos témoins de la Commission de vérité et réconciliation. L'honorable juge Murray Sinclair, président, et le chef Wilton Littlechild, commissaire.

Merci beaucoup d'être venus ici ce soir.

L'honorable juge Murray Sinclair, président, Commission de vérité et réconciliation du Canada : Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, distingués témoins et invités. Je suis en compagnie aujourd'hui du chef Wilton Littlechild, commissaire. Je vous transmets les excuses de la commissaire Marie Wilson, qui est en congé. C'est un congé bien mérité, mais elle pense quand même à nous et nous appuie.

Je vais pour commencer remercier le président et les membres du comité de nous donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui. Nous avons comparu il y a plus de deux ans et demi devant le Comité sénatorial permanent des peuples autochtones, Mme Wilson, le chef Littlechild et moi-même. C'est un honneur pour moi de vous présenter un bref aperçu des progrès réalisés par la Commission de vérité et réconciliation depuis lors et de vous faire part de certains défis liés à notre mandat imposé par le tribunal auxquels nous faisons face à ce moment de notre histoire.

Lorsque nous avons comparu devant votre comité, la dernière fois, en septembre 2010, mes collègues et moi travaillions pour la commission depuis un peu plus d'un an. Nous vous avions surtout parlé à ce moment-là de l'objectif de la commission, de sa formation et du contexte historique et social dans lequel elle a commencé ses travaux.

Nous n'avons pas beaucoup de temps, et je ne veux pas me répéter inutilement. Toutefois, il y a deux ou trois choses que j'aimerais mettre en relief dans mes prochains commentaires.

Premièrement, j'aimerais vous rappeler l'étendue du mandat de la commission. Elle a été créée dans la foulée de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, signée en 2007 par plusieurs parties, y compris le gouvernement du Canada, les églises catholique et protestante, et plusieurs signataires représentant les survivants de ces pensionnats eux-mêmes. La CVR a l'autorisation et l'obligation de renseigner l'ensemble des Canadiens sur l'historique des pensionnats et leur héritage indélébile; de donner à l'ensemble des anciens élèves et du personnel et à toutes les personnes touchées par les pensionnats la possibilité de raconter leur histoire dans le cadre d'événements nationaux et communautaires et d'exercices de collecte de témoignages; d'organiser sept événements publics nationaux axés sur l'éducation et la commémoration de même que des événements régionaux et communautaires; de recueillir tous les documents pertinents au sujet de l'histoire et des répercussions de ces écoles; de mener des recherches originales fondées sur des recherches précédentes et de préparer des rapports à partir de ces travaux; de mettre sur pied un centre national de recherche qui donnera à tous les Canadiens accès aux témoignages, aux rapports de recherche et aux autres documents que la commission aura recueillis; et, dernier point, mais non le moindre, de lancer et d'orienter un processus de guérison et de réconciliation au sein des familles et des collectivités autochtones et avec les Autochtones et non-Autochtones du pays.

C'est un large mandat.

Deuxièmement, je précise, en guise de mise en contexte, que notre mandat n'est pas facultatif. Il a été ordonné par un tribunal, il constitue une obligation juridique qui concerne non seulement la commission, mais également les parties à la convention de règlement. Cette convention a elle-même réglé le plus important recours collectif de l'histoire du Canada. Les survivants ont accepté d'affecter à la commission une somme de 60 millions de dollars, prise à même leur fonds d'indemnisation, et ils lui ont demandé de terminer le travail en cinq ans.

Le mandat de la commission prend fin le 1er juillet 2014, dans un peu plus d'un an.

Voilà notre mandat. Laissez-moi maintenant vous parler de ce que la commission a fait jusqu'ici pour s'acquitter de ses obligations.

Les responsabilités de la CVR sont reliées entre elles et se chevauchent. Quand nous remplissons une des parties de notre mandat, nous faisons inévitablement des avancées, en même temps, dans une ou deux autres de ses parties. Par exemple, notre mandat veut que nous informions les Canadiens sur les répercussions des pensionnats; nous nous acquittons de ce mandat principalement en organisant divers événements au cours desquels nous donnons également l'occasion aux survivants des pensionnats de raconter publiquement leur expérience. Les témoignages véridiques de ces survivants ouvrent la porte à la réconciliation. Ce n'est pas une garantie de réconciliation, mais nous savons que la réconciliation n'aura aucune chance si elle ne plonge pas ses racines dans la connaissance approfondie de la vérité des autres.

Au moment de la signature de la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens, on avait recensé environ 80 000 anciens élèves toujours vivants au Canada. Ils étaient souvent très vieux. Au fil des ans, ce nombre a diminué et il est peut-être maintenant d'environ 10 000. Depuis sa création, la commission s'est engagée à donner à chacun de ces élèves et à toute autre personne dont la vie a été affectée par le système des pensionnats la possibilité de documenter son expérience. Jusqu'ici, nous avons recueilli le témoignage fait en public ou en privé d'environ 5 200 personnes. Il s'agissait dans la plupart des cas des survivants des pensionnats eux-mêmes, mais nous recevons de plus en plus souvent le témoignage d'enfants de survivants et des enfants de ces derniers, dont la vie reflète l'héritage de ces écoles.

Ces documents durent en moyenne de 45 minutes à une heure, et il faudrait environ deux ans et demi à une personne qui s'y consacrerait à temps plein pour écouter ou regarder tous les témoignages que nous avons recueillis jusqu'ici.

Le commissaire Littlechild va poursuivre.

Wilton Littlechild, commissaire, Commission de vérité et réconciliation du Canada : Merci beaucoup. Honorables sénateurs, bonsoir. Je vais poursuivre avec un compte rendu des événements nationaux que nous organisons. Nous avons tenu jusqu'ici cinq événements nationaux. J'aimerais toutefois souligner pour commencer que chacun de ces événements nationaux porte sur un thème tiré de nos enseignements sacrés. Le premier événement, qui a eu lieu à Winnipeg, portait sur le respect; celui d'Inuvik portait sur le courage. Celui de Halifax, sur l'amour. Celui de Saskatoon, sur la vérité. Le dernier événement, qui s'est tenu à Montréal il n'y a pas très longtemps, portait sur l'humilité.

Nous avons également organisé deux événements régionaux, un à Victoria et l'autre à Whitehorse. Nous avons organisé 68 assemblées communautaires, souvent dans le Grand Nord. Il reste deux événements nationaux : celui de la Colombie-Britannique, qui aura lieu à Vancouver du 18 au 21 septembre, et, pour terminer, celui de l'Alberta, qui aura lieu du 27 au 30 mars à Edmonton, en 2014.

Avant ces deux événements nationaux, nous prévoyons organiser sept autres audiences communautaires en Colombie-Britannique et en Alberta. Nous dressons également des plans en vue d'une cérémonie de clôture, qui se tiendra également ici, à Ottawa. Avant de mettre la clé sur la porte, nous prévoyons que nous aurons recueilli plus de 6 000 témoignages. Je ne veux pas moi non plus égrener un chapelet de chiffres, mais je veux être sûr que vous avez bien compris l'envergure et la nature des projets que la commission a réalisés jusqu'ici.

Si vous aviez participé au dernier événement national organisé au Québec par la CVR — je devrais peut-être m'arrêter pour prendre le temps de remercier le sénateur Watt, qui était récemment à Montréal —, vous auriez été l'un des 12 000 visiteurs qui s'y sont présentés ces quatre jours-là. Vous auriez pu prendre part à plus de 50 cérémonies, recevoir la bénédiction matinale des aigles, autour du feu sacré, participer à des activités de partage de la vérité, à des activités éducatives ou de réconciliation, assister à des spectacles culturels. Vous auriez pu vous entasser dans une salle avec plus de 500 élèves de la sixième à la douzième année, de toutes les régions du Québec, et voir à quel point ils ont été captivés par les exposés, les performances et les opinions de leurs pairs. Vous auriez pu voir toutes sortes de films, du film We Were Children, couvert d'éloges, produit par l'Office national du film et Eagle Vision, jusqu'à une douzaine de courts documentaires produits par des jeunes participants au projet Wapikoni. Vous auriez pu voir la puissante exposition sur les pensionnats indiens appelée Mémoire rouge. Vous auriez pu entendre les témoignages courageux, présentés de vive voix, par des dizaines de survivants des écoles, dont quelques-uns racontaient leur expérience publiquement pour la toute première fois.

Vous auriez pu assister à l'intronisation de huit nouveaux témoins honoraires de la CVR, entre autres l'ex-premier ministre Paul Martin et l'ex-joueur vedette de hockey Joé Juneau. L'ex-premier ministre Joe Clark est devenu témoin honoraire l'an dernier, à Saskatoon. Notre tout premier témoin honoraire a été l'ex-gouverneure générale, Son Excellence Michaëlle Jean.

Vous auriez pu assister à 24 séances d'expression de réconciliation réunissant des particuliers et des représentants de divers organismes, de gouvernements ou d'églises. Vous auriez pu vous aussi participer à une fête très émouvante qui soulignait l'anniversaire de naissance de centaines de survivants présents, dont l'anniversaire n'avait jamais été célébré au pensionnat. Il y a eu des petits gâteaux et des cartes de souhaits, faits à la main par les enfants de toute une série de paroisses situées dans le corridor entre Montréal et Ottawa.

Plus de 45 journalistes s'étaient inscrits afin de pouvoir couvrir l'événement national du Québec. L'événement a été diffusé en direct sur le Web et a suscité plus de 6 700 visionnements dans plus de 30 pays. Nous étions sensibilisés, avant même de commencer nos travaux, au grand retentissement international que pouvait avoir la commission et qu'elle a eu. Quand la commission a commencé son travail, la population du Québec était relativement mal informée au sujet des pensionnats canadiens et de leurs répercussions. Nous croyons avoir fait changer cela.

Je pourrais vous donner des détails semblables sur les autres événements nationaux et régionaux que nous avons tenus, mais je crois en avoir dit assez pour vous donner une idée de ce que nous faisons. Si vous n'avez encore jamais participé à un événement national de la CVR, j'espère que vous allez vous décider à le faire. En fait, je vous invite dès maintenant à participer aux événements qui se tiendront à Vancouver et à Edmonton.

M. Sinclair : La CVR a reçu jusqu'ici du gouvernement du Canada et des églises 2,6 millions de documents. Je sais que le gouvernement du Canada avait indiqué, dans un mémoire qui vous a été présenté il y a quelques semaines, nous avoir transmis 3,5 millions de documents, mais nos registres montrent que certains de ces documents ont été enregistrés deux fois. Cela représente un grand nombre de documents, mais, comme vous le savez, il ne comprend aucun des millions de documents pertinents sur les pensionnats actuellement conservés par Bibliothèque et Archives Canada.

Vous êtes déjà au courant des commentaires formulés récemment par le gouverneur général au sujet de l'incapacité du Canada et de la commission à arriver à un accord sur la portée des documents que le Canada doit transmettre à la commission. J'admettrai dès le départ que le gouvernement du Canada et la commission n'ont pas été capables d'en arriver à un accord au sujet des documents conservés par Bibliothèque et Archives Canada. C'était un désaccord fondamental, qui a duré trop longtemps. Il a été réglé en janvier dernier par la Cour supérieure de l'Ontario, qui a défendu l'interprétation de la commission touchant la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens.

Maintenant que cette question a été clarifiée, la CVR, le ministère des Affaires autochtones et du Développement du Nord Canada et Bibliothèque et Archives Canada travaillent de concert pour déterminer de quelle manière et à quel moment les documents pertinents seront transmis à la commission. De l'avis de la commission, ni AADNC ni BAC ne se montrent réticents à respecter les obligations juridiques du Canada à ce chapitre. Toutefois, l'ampleur du travail que cela suppose et le temps limité qu'il reste au mandat de la CVR préoccupent sérieusement autant le Canada que la commission elle-même.

Le fait que la CVR n'a pas encore reçu la plus grande partie des documents que possède le Canada risque de l'empêcher de s'acquitter de son mandat et pourrait également nuire à la qualité et à l'exhaustivité du rapport de recherche final qu'elle doit présenter.

Notre mandat se termine dans 13 mois, et on peut difficilement croire que les documents nous seront transmis à temps pour que nous en tirions profit pour ce dernier aspect de notre mandat. Nous avons rencontré le ministre Valcourt deux fois, et nous continuons à travailler de près avec AADNC et BAC pour élaborer un programme qui nous permettra de mettre la main sur les documents pertinents et de les préparer pour les mettre à la disposition des Canadiens au centre national de recherche.

M. Littlechild : Malgré les retards touchant la transmission de documents à la Commission de vérité et réconciliation, nous avons mené un nombre important de recherches pertinentes. Une partie de ces recherches se reflète dans notre rapport intérimaire et notre version préliminaire de l'historique des pensionnats, intitulé Ils sont venus pour les enfants. Ces deux documents ont été publiés en février 2012. Les recherches se reflèteront également dans notre rapport final, en quatre volumes, qui portera sur les travaux de la commission et ses constatations, l'historique des pensionnats, leur héritage et les exigences et attentes relatives à une réconciliation significative.

J'aimerais parler d'un projet de recherche en particulier qui est en cours depuis la création de la commission ou presque. Je parle du Projet des enfants disparus. Vous savez peut-être que 150 000 enfants autochtones ont vécu dans un pensionnat au Canada au cours d'une période d'environ 150 ans. Ce que vous ne savez peut-être pas, c'est que des milliers d'enfants sont décédés à l'école ou ont été portés disparus. Nous avons entendu de nombreux témoignages. J'ai personnellement entendu l'histoire de survivants qui avaient été témoins du décès de certains de ces enfants — et les enfants enterraient d'autres enfants. Certains enfants sont morts parce qu'ils se sont enfuis de l'école. Ils se sont noyés en essayant de traverser une rivière. Ils sont morts gelés. De fait, la semaine dernière seulement, on m'a montré la photo de quatre garçons, collés les uns sur les autres, qui étaient morts gelés non loin de l'école.

Jusqu'ici, la commission a recueilli des informations au sujet de 4 134 enfants qui sont morts à l'école ou qui ont été portés disparus. Le chiffre continue de monter à mesure que le projet se poursuit. Bien sûr, ces informations intéressent énormément les familles touchées. Mais ce qui est le plus important, toutefois, c'est qu'elles nous permettent de parler des répercussions des pensionnats sur la vie quotidienne des familles autochtones sous un angle qui remue profondément tout le monde.

M. Sinclair : Laissez-moi faire une mise à jour sur les progrès du centre national de recherche. La convention de règlement exige que la CVR mette sur pied un centre national de recherche au cours de ses cinq premières années d'activités. Au cours des deux dernières années et demie, la commission a pris un certain nombre de mesures en vue de créer ce centre, y compris un forum d'experts internationaux et un appel de déclarations d'intérêt qui a fait l'objet d'une bonne publicité. Nous avons reçu quatre déclarations d'intérêt d'organismes hôtes éventuels, qui ont chacun de nombreux partenaires, et nous poursuivons les négociations avec l'organisme qui répond le mieux à nos critères de sélection.

Je parle de l'Université du Manitoba et de ses huit partenaires de financement proposés, que nous présenterons une fois que nous aurons mis toutes les barres sur les t et tous les points sur les i. Nous prévoyons que la cérémonie de signature se tiendra plus tard au cours du mois.

Enfin, dans le domaine de la réconciliation, la commission a toujours mis l'accent sur l'importance de la réconciliation en ce qu'elle vise à établir et à maintenir des relations de respect réciproques. J'ai déjà parlé des dialogues que nous avons tenus dans le cadre de nos événements communautaires, régionaux et nationaux avec les survivants et avec les autres personnes présentes. Cela a donné lieu à des discussions substantielles et à l'expression de points de vue intéressants

Les commissaires ont également tenu de telles discussions avec les parties à la convention de règlement dans le cadre des réunions où toutes les parties étaient convoquées. Nous avons discuté de la réconciliation dans le cadre d'un grand nombre de conférences et de rassemblements publics et privés auxquels participaient les chefs de file des collectivités, des provinces et de la nation.

L'un des événements les plus importants a été la réunion annuelle du Conseil des ministres de l'Éducation, qui a eu lieu en juillet dernier; dans ce cadre, nous avons mis l'accent sur le besoin d'examiner de très près les changements à apporter dans les programmes d'éducation publique et de bien enseigner aux enfants l'histoire des relations entre les Autochtones et les non-Autochtones du Canada de manière à jeter les bases du respect mutuel pour l'avenir.

Nous avons demandé aux ministres de s'engager à faire ces changements et nous avons ensuite envoyé des lettres personnelles pour faire le suivi de cette réunion. Nombre de ministres ont répondu positivement, et nous allons avoir le bonheur de les rencontrer de nouveau plus tard au cours de l'année.

De plus, le lieutenant-gouverneur David Onley, de l'Ontario, le lieutenant-gouverneur Philip Lee, du Manitoba, le lieutenant-gouverneur Graydon Nicholas, du Nouveau-Brunswick et ensuite le lieutenant-gouverneur Steven Point, de la Colombie-Britannique ont chacun à leur tour été l'hôte, dans leur résidence officielle, des événements organisés par la CVR, y compris des dialogues sur la réconciliation auxquels participaient des membres du public. Nous allons mettre l'accent sur la réconciliation jusqu'à la fin de notre mandat.

C'est ainsi que se termine notre déclaration préliminaire. Nous avons bien hâte d'entendre vos questions et vos commentaires. Merci beaucoup.

Le président : Merci beaucoup à tous les deux. C'était là d'excellents commentaires. Je vais demander à la sénatrice Dyck de commencer.

La sénatrice Dyck : Merci beaucoup de vos exposés de ce soir. Vous nous avez donné de nombreux sujets de réflexion.

Je vais discuter pour commencer du mandat. Je poserai une question au sujet des documents, puis une question sur la guérison.

En ce qui concerne les documents, vous avez parlé du nombre de documents que vous vous attendez à recevoir, et j'imagine que ces documents seront entreposés d'une manière quelconque au centre national de recherche. Cependant, étant donné le volume de matériel, il me semble que cela représente une charge de travail énorme puisqu'il faut organiser les documents, les analyser, les résumer et les rendre publics. Est-ce que l'évaluation des documents sera un des principaux volets du travail qu'entreprendra le centre national de recherche? Y a-t-il un mécanisme qui fournira les ressources nécessaires à ce type de travail?

M. Sinclair : Je répondrai à cette question en disant qu'il s'agira d'un travail de collaboration. Il exige la collaboration de la CVR et du centre national de recherche. Le rôle de la CVR, en ce qui a trait à l'analyse et à l'organisation des documents que nous recevons consistera à faire en sorte que nous pourrons utiliser le temps qu'il nous reste pour réaliser notre objectif, celui de terminer la rédaction de notre rapport. Il est important pour nous de nous assurer d'avoir accès à l'information qui se trouve dans ces documents puisque cela nous permet de présenter l'histoire complète des pensionnats du pays, et c'est pourquoi il est important, au regard de cet objectif, d'avoir accès aux documents.

Je crois que nous devrions pouvoir accéder aux documents et les organiser de manière à confirmer que les documents que nous recevons représentent la gamme complète des documents pertinents dont nous connaissons l'existence et que nous supposons être entre les mains du gouvernement du Canada comme des églises et de leurs services d'archives. Nous devons avoir la possibilité de procéder à cette évaluation.

Notre opinion, c'est que le gouvernement et les églises ont l'obligation de remettre ces documents à la CVR. Techniquement, une fois que cela sera fait, ce sera le travail de la CVR et du centre national de recherche, dans la mesure où la commission aura déterminé la façon dont le centre pourra faire cela, poursuivre le travail d'analyse et d'organisation des documents.

Nous nous attendons à ce que la plupart des documents qui nous seront communiqués le soient en format numérique plutôt que dans des boîtes. Nous recevrons aussi, probablement, quelques boîtes. Pour le moment, nous ne savons pas ce que ces documents contiennent. Je peux vous dire qu'en ce qui concerne la plus grande partie des archives que les églises nous ont communiquées, jusqu'ici, nous avons eu la possibilité de numériser la plus grande partie des documents en question. Nous croyons que les documents d'archives qui seront à l'avenir entreposés au centre national de recherche seront des documents numériques. Les copies originales de ces documents resteront là où elles sont aujourd'hui, dans les services d'archives des églises et du gouvernement, de façon que toute personne qui veut obtenir la copie originale pourra l'obtenir. Cependant, nous ferons un nombre raisonnable de copies de chaque document.

Tout cela suppose du travail, mais nous nous efforçons de garantir que, avant la fin de notre mandat, nous aurons reçu tous les documents pertinents qui nous reviennent, croyons-nous, et que les autres parties ont l'obligation de nous transmettre.

La sénatrice Dyck : À ce sujet, pensez-vous que votre mandat vise aussi l'organisation, l'analyse et l'examen de ces documents dans le but d'éduquer le public canadien? Pensez-vous avoir besoin de plus d'un an pour terminer ce travail et vous acquitter de votre obligation relative aux documents? Pensez-vous qu'il faudrait prolonger le mandat de la Commission de vérité et réconciliation?

M. Sinclair : Tout dépend de ce que nous recevrons. Nous ne le savons pas, pour l'instant, parce que nous ne savons pas ce que nous allons recevoir. Nous avons une assez bonne idée en ce qui concerne bon nombre des documents conservés par Bibliothèque et Archives Canada parce que nous avons des chercheurs, qui nous conseillent, et que nous connaissons des gens dans le domaine de l'archivistique qui nous renseignent sur les documents qu'ils savent s'y trouver. Nous savons aussi, grâce aux informations que nous avons réunies jusqu'ici, et par le truchement d'autres documents, ce que nous soupçonnons pouvoir y trouver. Toutefois, le volume de matériel est assez impressionnant. Si nous avions en main aujourd'hui l'ensemble des documents, nous nous demanderions sérieusement si nous pourrons terminer une analyse complète avant la fin de notre mandat, en juillet de l'année prochaine. Tout est lié à la question de savoir si nous allons pouvoir mener une analyse suffisamment poussée pour présenter un rapport. Si nous réussissons cela, nous pourrions envisager de laisser le reste du travail d'analyse, d'organisation et d'archivage des documents entre les mains du centre national de recherche. Il nous faudrait être assurés d'avoir à tout le moins accès aux documents afin d'en tirer les informations importantes nécessaires à notre rapport.

Nous avons déjà rédigé une version provisoire de notre rapport, comme vous vous l'imaginez bien. Ce rapport est structuré. Nous savons sur quels sujets nous allons écrire et nous savons de quoi nous voulons parler; nous savons aussi de quels types de documents nous avons besoin pour répondre aux nombreuses questions que nous avons formulées sur ces aspects particuliers. Nous savons où se trouvent probablement certains de ces documents. Une fois que nous aurons établi que ces documents se trouvent là où nous croyons qu'ils sont et que nous saurons ce qu'ils contiennent, nous pourrons rédiger notre rapport, et nous pourrons laisser le reste du travail d'archivage des documents entre les mains du CNR. C'est un travail de collaboration, mais c'est à nous que revient de faire une bonne partie du travail.

La sénatrice Dyck : Ma dernière question concerne votre mandat. Vous dites que ce mandat a été imposé par la cour, et la dernière obligation que vous avez énumérée est de lancer et d'orienter un processus de guérison et de réconciliation au sein des familles et des collectivités autochtones. Pourriez-vous nous donner des exemples de situations qui, à votre avis, sont liées à la guérison, en plus de ce que vous avez dit jusqu'ici? Allez-vous présenter des recommandations, par exemple, visant à ce qu'on mette en œuvre plus de programmes touchant les répercussions intergénérationnelles ou les séquelles des traumatismes psychologiques qui font partie de l'héritage des pensionnats?

M. Sinclair : Si vous lisez bien notre mandat, vous verrez qu'en effet il ne porte pas précisément sur le concept de guérison. Cette notion ne fait pas partie de notre titre et elle n'est pas non plus un objectif précis et obligatoire du travail que nous avons à faire. Quoi qu'il en soit, nous avons toujours été d'avis que, si nous voulons aborder de manière appropriée la question de la réconciliation, nous devons vraiment envisager sérieusement toute la question de la guérison, sur le plan personnel, sur le plan communautaire, sur le plan tribal, sur le plan provincial et même sur le plan national, étant donné que, au Canada, l'histoire des pensionnats n'est pas le problème des Autochtones : c'est le problème du Canada. C'est un problème que le pays entier doit régler. Les enfants autochtones qui ont fréquenté ces écoles ne sont pas les seuls à avoir subi un préjudice en raison de ce qui s'y passait. Le Canada dans son entier a subi un préjudice, étant donné qu'on racontait aux élèves des systèmes publics toutes sortes de choses sur les Autochtones, qu'on leur apprenait que les cultures et les langues autochtones étaient inférieures, que les Autochtones étaient des sauvages et qu'ils ne méritaient pas d'être traités comme des égaux. Étant donné ce qu'on leur apprenait dans les écoles publiques, des générations entières d'enfants non autochtones du Canada ont grandi en croyant que les Autochtones avaient été des êtres inférieurs et l'étaient toujours.

Cela nous explique pourquoi, implicitement, ils ont appris à croire en leur propre supériorité en tant que descendants d'Européens de race blanche. Ce n'est pas eux qu'il faut blâmer. Il ne faut pas croire qu'ils sont responsables de l'image qu'ils se sont faite d'eux-mêmes. Cependant, cet épisode de l'histoire du pays a fait que leur perception d'eux-mêmes, et la perception que les Autochtones ont d'eux-mêmes ont été faussées. Nous devons corriger ces perceptions. Nous devons rééquilibrer ces perceptions.

Toute la question de la guérison fait partie du dialogue portant sur la réconciliation. Dans le cas des Autochtones qui sont passés par les pensionnats, il ne fait aucun doute qu'ils ont été personnellement traumatisés par bon nombre des expériences qu'ils ont vécues, directement ou indirectement, dans ces pensionnats. Près de la moitié des gens qui se disent des survivants des pensionnats ont présenté des réclamations pour les préjudices personnels subis dans ces écoles, mais l'autre moitié ne l'a pas fait. Dans ce dernier groupe, certains parlent néanmoins du fait que, pendant qu'ils étaient à l'école, ils éprouvaient un terrible sentiment d'isolement et d'éloignement de leur famille, de perte d'intimité et de perte de l'affection de leur famille. Ils ont vécu et grandi dans un établissement, et cela a détruit leur conception des relations familiales, leur perception de la façon de prendre soin d'eux-mêmes, de prendre soin de leurs enfants ou de tout petits enfants, de bien se conduire à titre de parent, d'oncle, de fils ou de fille. Leur perception d'eux-mêmes a été gravement endommagée par les écoles, même dans le cas où ils n'avaient pas été physiquement ou sexuellement agressés dans l'école.

Nous devons comprendre cela. Cette situation a contribué de manière importante au mauvais fonctionnement des collectivités autochtones. La situation a causé du tort aux non-Autochtones puisque, à bien des égards, on pourrait dire que la prophétie s'est réalisée. Le gouvernement et les églises croyaient que les Autochtones étaient des gens inférieurs, lorsqu'ils les ont placés en pensionnats, et ils ont mis en place un environnement qui leur réservait une existence de qualité inférieure à leur sortie du pensionnat. Il faut que ça change. Pour faire changer les choses, nous devons d'abord et avant tout savoir la vérité. Nous ne pouvons pas changer l'histoire, mais nous pouvons faire deux choses au sujet de l'histoire : nous pouvons la faire connaître et nous pouvons en tirer des leçons. Ce sont deux choses très importantes pour nous à l'heure actuelle. Cela nous permet d'aborder la question de la réconciliation sur le plan personnel de façon que les survivants puissent eux-mêmes faire la paix avec ce qui leur est arrivé, non seulement en ce qui concerne les préjudices et les blessures physiques, psychologiques et émotionnelles qu'ils ont subis, mais aussi qu'ils puissent parler de réconciliation avec les membres de leur famille. Cela nous amène à la question des descendants des survivants des pensionnats.

Les descendants des survivants des pensionnats nous disaient, lorsque nous avons commencé nos travaux, et qu'étant donné qu'ils n'avaient jamais été élèves d'un pensionnat, ils ne savaient pas trop pourquoi il était important pour eux de comprendre les pensionnats. Toutefois, quand ils ont pris conscience du fait qu'ils avaient oublié leur langue, qu'un bon nombre d'entre eux ne connaissaient ni leur culture ni leur histoire, qu'un bon nombre d'entre eux avaient grandi dans des familles et des collectivités dysfonctionnelles et qu'un bon nombre d'entre eux avaient bel et bien grandi avec l'impression d'être inférieurs et de ne mériter aucun respect, ils ont fini par comprendre, je crois, grâce au processus d'éducation publique que nous avons lancé, qu'il leur fallait eux aussi entamer un processus de guérison.

Dans le document que nous vous avons transmis, nous parlons de l'importance de faire du respect mutuel la clé de la réconciliation. Toutefois, avant que les Autochtones et les non-Autochtones apprennent à se respecter les uns les autres, nous devons, à notre avis, entamer le processus qui permettra aux Autochtones du pays de se respecter eux- mêmes. Ce processus exige que les Autochtones soient bien renseignés sur leur identité, leur culture et leur histoire et sur leur propre collectivité, de façon qu'ils puissent, de fait, lorsqu'ils discutent avec les chefs des gouvernements fédéral et provinciaux, leur parler d'égal à égal.

La guérison est un processus très complexe et important dans les discussions et le dialogue portant sur la réconciliation. Je sais que Santé Canada et d'autres programmes consacrent beaucoup d'argent à la guérison des personnes, mais cela va au-delà.

Dans notre rapport provisoire, nous avons recommandé d'offrir des services en santé mentale plus nombreux et de meilleure qualité aux anciens élèves des pensionnats, et nous croyons fermement que c'est très important, car il y a encore des personnes qui ressentent encore vivement les blessures de cette expérience. Nous croyons fermement, à titre de commissaires, qu'il est très important de fournir à ces personnes un soutien en santé mentale et des programmes de guérison de façon qu'elles puissent trouver une certaine paix après avoir découvert la vérité sur le fait que cette expérience n'était aucunement de leur faute, mais qu'elles ont néanmoins besoin de tourner la page. La guérison sera plus difficile pour ces personnes qu'elle ne le serait pour leurs descendants, mais leurs descendants éprouvent quand même beaucoup de colère, de ressentiment et de frustration; il faudra aussi y voir, et nous pensons que ces programmes de guérison sont très importants.

Nous avons formulé un certain nombre de recommandations dans notre rapport intérimaire, et nous avons l'intention de répéter ces recommandations et de les intégrer à notre rapport final, car nous considérons que c'est très important.

Pardonnez-moi d'avoir pris autant de temps pour répondre à votre question, mais elle était complexe.

La sénatrice Dyck : C'est une excellente réponse, et je suis persuadée qu'elle a permis de répondre à d'autres questions qu'auraient pu poser d'autres sénateurs. Je vous remercie beaucoup.

Le sénateur Sibbeston : Je tiens à vous remercier, messieurs, d'être venus témoigner et je veux vous témoigner mon respect pour avoir entrepris le travail de la commission. Cela est très important pour notre pays et pour les Canadiens et, bien sûr, pour les Autochtones du Canada. Je ne doute absolument pas que vous ayez entendu des milliers d'histoires déchirantes de gens qui ont vécu l'expérience des pensionnats indiens.

J'ai eu le privilège d'assister à l'audience de la commission à Inuvik, que vous avez tenue il y a deux ou trois étés. Votre patience et la façon dont vous avez assumé votre travail m'ont impressionné.

J'ai passé 11 ans dans un pensionnat indien quand j'étais jeune. Les six premières années, lorsque j'étais à Fort Providence, de l'âge de cinq à 11 ans, étaient les plus difficiles. J'estime toujours souffrir des répercussions de cette époque. Je souffre de la tristesse et je souffre de la dépression. J'ai de bonnes journées et j'ai de mauvaises journées, des matins où je n'ai même pas envie de me lever. À mesure que je vieillis, je me demande si j'arriverai un jour à m'en remettre.

Les répercussions des pensionnats indiens sont réelles et profondes. J'en suis la preuve vivante; dans une certaine mesure, je suis irrécupérable. Il est vraiment difficile de s'aider soi-même.

J'aimerais vous interroger au sujet du rapport intérimaire. Je connais les 20 recommandations que vous avez présentées. Quelle a été la réponse du gouvernement fédéral? À votre avis, le gouvernement fédéral est-il réceptif et prend-il vos recommandations au sérieux?

M. Sinclair : Je crois que cela dépend en grande partie de ce qu'il fait. Il n'a pas fait ce que nous lui avons demandé de faire à bien des égards. Toutefois, cela ne signifie pas qu'il n'y attache aucune importance. Nous venons tout juste de discuter avec les parties à la Convention de règlement, il y a quelques mois, dans le cadre d'une séance réunissant toutes les parties, et nous leur avons demandé d'entreprendre avec nous un dialogue sur ce qu'il faudrait faire pour donner suite aux recommandations intérimaires. N'oubliez pas que les recommandations intérimaires ont été publiées il y a un an, et, bien que, à certains égards, cela représente une longue période d'attente, à d'autres égards, je crois que, vu la complexité des recommandations, une analyse et une approche exhaustive s'imposent.

La discussion avec les parties au sujet de la mise en œuvre des recommandations a été, jusqu'à maintenant, très instructive et importante. Je crois qu'il faut en faire plus. Nous avons demandé aux parties de prendre des engagements qui exigeront la dépense de ressources additionnelles, au-delà de ce qui a été offert jusqu'à maintenant. Notons par exemple notre recommandation selon laquelle la Fondation autochtone de guérison devrait être maintenue — ou aurait dû l'être — et qu'un tel programme est nécessaire pour maintenir une approche adéquate sur le plan de la guérison des Autochtones ayant survécu aux pensionnats indiens.

De plus, nous avions recommandé l'établissement de ressources adéquates pour les centres de santé mentale à l'intention des survivants autochtones de pensionnats indiens, surtout dans le Nord du Canada, car, lorsque nous terminions nos audiences dans le Nord, mais aussi à la lumière du travail que nous avions accompli dans le cadre de certaines audiences dans le Sud, il était clair que l'accès aux ressources en santé mentale dans le Nord faisait défaut. Il n'est pas étonnant d'apprendre que, si on a des ressources pour le faire, il est plus facile d'accéder à des ressources en santé mentale dans le Sud que dans le Nord. Même si on a les ressources dans le Nord, il est tout de même difficile de trouver dans le Nord des gens qui ont la formation et les compétences nécessaires pour vous offrir cet appui. Toutefois, il y a aussi une question de ressourcement et d'établissement des programmes.

Nous ne parlons pas seulement — soit dit en passant — d'ajouter des psychiatres, des psychologues et des professionnels de la santé formés aux approches occidentales. Nous parlons aussi de l'établissement de programmes de traitement adaptés à la culture faisant appel aux Aînés et aux soignants autochtones dans le cadre d'un dialogue avec les survivants.

Selon une étude menée pour la Fondation autochtone de guérison, bien des Autochtones — particulièrement les survivants de pensionnats indiens et les survivants intergénérationnels — qui retrouvent leur culture et leur identité consultent non seulement des professionnels occidentaux — pour s'attaquer aux problèmes médicaux et de santé mentale qui les affligent —, mais aussi des Aînés et des soignants spirituels autochtones, et ces personnes doivent aussi faire partie intégrante de tout régime de guérison constitué à l'intention des Autochtones, surtout ceux axés sur l'expérience des pensionnats indiens.

Quant à votre question de savoir si le gouvernement du Canada prend des mesures adéquates, à ce jour, le gouvernement du Canada a affecté des millions de dollars au traitement de la santé des Autochtones au Canada, et il s'agit d'une contribution significative. Toutefois, ce que nous avançons maintenant, c'est qu'il faut adopter une approche réfléchie pour veiller à ce que les programmes de traitement constitués à l'intention des Autochtones tiennent compte, en fait, des véritables problèmes découlant des pensionnats indiens et du caractère unique de ces problèmes. Cela exige beaucoup plus de travail que ce qui a été accompli jusqu'à aujourd'hui.

On ne nous a jamais dit que cela ne ferait pas partie du dialogue, mais je crois que l'engagement pris en vue de veiller à ce que ces personnes soumises au processus d'évaluation indépendante continuent à recevoir les soins de santé mentale est un bon signe. Toutefois, lorsque ce processus sera terminé, la question que nous posons est la suivante : qu'arrivera-t-il aux gens qui sont laissés derrière?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue. Je me souviens aussi du jour où on est venu enlever mes cousins. C'était un jour très triste.

Vous avez mentionné que le gouvernement du Canada et la commission n'ont pas pu s'entendre sur les documents entreposés à Bibliothèque et Archives Canada. Quelles sont les raisons?

M. Sinclair : Pourquoi n'avons-nous pas pu nous entendre?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui.

M. Sinclair : Parce qu'il avait tort. Le tribunal a dit qu'il avait tort et que nous avions raison.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Le gouvernement a-t-il donné suite à l'une ou l'autre des recommandations du rapport intérimaire?

M. Sinclair : Oui, le gouvernement a donné suite à chacune des recommandations que nous avons formulées dans le rapport. Il a décrit certaines des mesures qu'il avait prises dans la foulée du rapport intérimaire, et, parfois, nous ne sommes pas certains que certaines mesures que ses représentants disent avoir prises à la suite des recommandations ou afin d'en gérer un aspect ou un autre soient adéquates au regard de la recommandation proprement dite.

Les recommandations intérimaires étaient des recommandations qui, selon nous, étaient plus urgentes. Nous savons qu'il faudra des recommandations à long terme auxquelles on devra donner suite, et nous prévoyons que certaines recommandations intérimaires devront être reconduites dans le cadre de la démarche à long terme que nous allons entreprendre.

Dans notre rapport final, nous aurons l'occasion de renouveler et d'analyser ce qu'on a fait jusqu'à maintenant au chapitre de l'éventuelle mise en œuvre de ces recommandations.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Croyez-vous qu'un an est suffisant pour mener votre travail à terme?

M. Sinclair : Vous voulez dire le reste de l'année pour terminer notre travail?

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui.

M. Sinclair : Je crois que cela dépend de la quantité de documents qui arrivera dans notre bureau et du moment où ils arriveront. S'ils nous parviennent le 30 juin 2014, non, nous en avons besoin beaucoup plus tôt, immédiatement, vite.

La sénatrice Lovelace Nicholas : S'ils arrivent la veille de l'échéance, croyez-vous que vous pourrez obtenir une prolongation sans problème?

M. Sinclair : Eh bien, la question de la prolongation et la question des ressources supplémentaires pour la commission sont des questions que nous avons mises en lumière à l'intention de toutes les parties à l'heure actuelle.

Nous avons averti les parties que, plus elles mettront du temps à honorer leurs obligations aux termes de la convention de règlement, plus il sera urgent pour elles de reconnaître — et pour nous de faire valoir — que nous ne pourrons pas remplir notre mandat. En notre qualité de commissaires, nous ne sommes pas prêts à abandonner ce travail avant qu'il soit conclu.

Si nous arrivons au stade où nous ne pouvons pas terminer le travail à cause de l'inaction des parties, alors nous devrons entreprendre un dialogue sérieux avec elles. Si elles refusent d'entreprendre un dialogue sérieux avec nous au sujet de ce qu'il faut faire, alors nous allons demander une orientation au tribunal, car le tribunal a la responsabilité continue de surveiller la mise en œuvre de la convention de règlement. Il s'agit d'une convention de règlement ordonnée par le tribunal.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Oui. Merci beaucoup.

Le président : J'aimerais poser une question, si vous me le permettez.

Je sais que vous avez brièvement parlé de la sensibilisation des Canadiens aux pensionnats indiens et aux Autochtones au Canada en général.

J'ai regardé un peu le travail qu'ils ont fait en Australie. La Nouvelle-Galles du Sud, à tout le moins, exige que tous les élèves de quatrième année apprennent en quoi consiste la « génération volée »; je crois que c'est ainsi qu'on la qualifie. On enregistre des résultats très positifs auprès de ces enfants dès la huitième ou neuvième année, en ce qui concerne leur compréhension de l'enjeu. Je crois fermement en cette démarche et, à la conférence de Winnipeg, j'ai prononcé un discours au sujet de la réconciliation et du fait que l'isolement compromettait parfois la véritable réconciliation.

J'essaie de déterminer comment obtenir la reconnaissance des Canadiens en général; c'est probablement plus facile chez les jeunes. Je sais que vous avancez qu'il y a peut-être un intérêt potentiel. Voyez-vous un véritable intérêt des ministres de l'Éducation et des provinces à l'égard de la mise en œuvre? J'ai vu votre matériel pédagogique en vue de la mise en œuvre d'un programme de ce type en troisième et en quatrième année, à un âge où les jeunes ont la possibilité de prendre connaissance d'un événement tragique, mais, aussi, d'une réalité pour eux, de sorte que, en grandissant, ils acquièrent une meilleure compréhension. Le cas échéant, pouvez-vous me dire s'il y a une seule province qui passe à l'action?

M. Littlechild : Merci. C'est une question très importante, et, bien que nous ayons vu de grands progrès au chapitre de l'éducation, je veux remonter au début. Je crois que vous avez déjà entendu dire que c'est l'éducation qui nous a plongés dans cette situation désastreuse, mais ce sera aussi l'éducation qui nous en sortira.

Le président : C'est très vrai.

M. Littlechild : L'un des points saillants, à mes yeux, par exemple, c'est lorsque des représentants de l'Université du Manitoba sont venus à Halifax pour poser un geste de réconciliation; ils se sont excusés du rôle de l'université, qui a permis aux étudiants en enseignement d'obtenir leur diplôme sans rien connaître des pensionnats indiens et de leur histoire et de leur héritage. Cette étape était très importante, je crois, car une institution comme une université a mis en lumière cet aspect devant les Canadiens.

Depuis lors, bien sûr, les Territoires du Nord-Ouest ont commencé à exiger l'inclusion de la question des pensionnats indiens à l'éducation secondaire. La mise en œuvre en est seulement à sa première année, mais les autorités territoriales évalueront à quel point elle est efficace et détermineront les changements qui doivent être apportés. Ces deux étapes, selon moi, ont été significatives pour le Canada, car elles se rattachent à notre plus grand défi, à savoir de faire participer les Canadiens à cet aspect de l'éducation. C'est très important.

Dans le rapport antérieur et ce soir aussi, nous avons mentionné que l'éducation des Canadiens devait être prise très au sérieux. Ce ne sont pas seulement les élèves autochtones dans les pensionnats qui ont été touchés; tous les élèves des écoles non autochtones l'ont été aussi. L'enjeu est énorme, et nous devons prendre des mesures adéquates.

Il y a eu une réunion des ministres, mais je crois que je leur lancerais le défi d'aller encore plus loin, à savoir de songer à l'inclusion dans toutes les écoles canadiennes — toutes les écoles —, pour que l'histoire des pensionnats indiens soit obligatoire dans tous les programmes. Je crois que les enfants commenceront alors à prendre le virage, forts de leurs connaissances de l'histoire.

Il y a un bon exemple en Saskatchewan. Lorsque les écoles ont été tenues d'inclure les traités dans leur programme pédagogique, un certain nombre d'années plus tard, pas beaucoup, elles se sont aperçues que, par conséquent, non seulement les élèves ont commencé à faire preuve d'une plus grande compréhension l'un envers l'autre, mais en plus, les relations dans la cour d'école se sont véritablement améliorées. Je crois que cet exemple est facilement transférable à l'histoire des pensionnats indiens.

Une fois que les enfants canadiens — pas seulement les jeunes enfants, mais aussi ceux qui sont à l'âge critique de l'adolescence et s'intègrent à des groupes universitaires — connaîtront cette histoire, je crois qu'on verra de grands changements positifs au Canada.

Cette question est très importante, et je tiens à vous remercier de cela, car c'est là que réside la solution. Une solution, à tout le moins, se rattache à cet aspect.

Le président : Merci de l'excellente réponse. Merci d'avoir précisé qu'il s'agissait d'une bonne question. Même l'oiseau aveugle peut parfois trouver un ver.

Le sénateur Patterson : Je vais me faire l'écho du sénateur Sibbeston et vous féliciter de votre courage et de votre engagement à entreprendre cette tâche très importante. Je suis certain que votre travail a été très épuisant, compte tenu de son caractère chargé sur le plan affectif.

J'aimerais vous poser une question au sujet de la recommandation du rapport intérimaire concernant la réconciliation. Vous avez parlé du fait que la réconciliation exige une transformation des relations entre les peuples autochtones et le gouvernement du Canada et qu'il faudrait abandonner l'approche axée sur l'aide sociale et la remplacer par la reconnaissance du statut juridique unique des peuples autochtones au Canada en tant que peuples d'origine de notre pays.

Pourriez-vous expliquer cela plus en profondeur et préciser si, selon vous, le gouvernement fédéral pourrait prendre des mesures concrètes pour que la relation se transforme conformément à la recommandation de votre rapport? Pourriez-vous approfondir cet aspect?

M. Littlechild : J'essaie de trouver la recommandation proprement dite.

Le sénateur Patterson : C'est à la page 87 du livre intitulé Ils sont venus pour les enfants et à la page 30 du rapport intérimaire, je crois. C'est la page 29, pardon.

M. Littlechild : Je ne suis pas certain par où commencer. Il s'agit d'un vaste enjeu qui remonte en fait à l'ancienne doctrine des grandes découvertes, par exemple; la relation était façonnée non seulement par les doctrines historiques, mais aussi par les dispositions législatives fondées sur ces doctrines.

La suite historique, par exemple, est la Proclamation royale et toute cette époque de notre histoire et ses conséquences sur l'instrumentalisation des pensionnats indiens pour enlever les enfants et s'emparer des terres, des territoires et des ressources. La relation a parfois été qualifiée, pour cette raison, de toxique, et c'est une façon terrible de définir les relations entre les Autochtones et les non-Autochtones au pays.

Regardez l'histoire, et faites défiler rapidement jusqu'à aujourd'hui pour comprendre les répercussions des pensionnats indiens, puis regardez comment cela touche la réconciliation et ce à quoi ressemble la réconciliation dans ce scénario. Nous avons conclu, rapidement, à la lumière des témoignages, que la réconciliation est réellement une question d'améliorer les choses pour que la relation, auparavant toxique, soit désormais fondée sur le respect. Parfois, je me tourne vers un mot cri que j'ai déjà mentionné, car une petite ville se trouve à côté de ma réserve, et son nom est souvent mal prononcé. Les gens l'appellent « Wetaskiwin ». En fait il s'agit d'un mot cri qui signifie « avoir de bonnes relations, avoir des relations pacifiques ». Retrouver les relations respectueuses ou créer des relations pacifiques ou respectueuses est l'objectif de notre travail dans certains cas, en raison des relations que nous avons connues.

Quant à l'approche axée sur l'aide sociale, je crois que vous avez entendu dire qu'il était nécessaire de la renverser complètement et de se pencher sur les relations économiques. Comment améliore-t-on des relations dans le cadre de ce qu'on a appelé la réconciliation économique ou le développement économique grâce à la réconciliation? Il y a une vision entièrement nouvelle de la façon de gérer cette relation.

Sur la scène internationale, il y a des scénarios semblables partout dans le monde. La semaine dernière seulement, dans la ville de New York, on a discuté des commissions de vérité à la conférence des Nations Unies. L'un des changements proposés en vue d'améliorer les volets d'éducation et de bien-être social était d'amener les États où des pensionnats indiens avaient existé à regarder la Déclaration de l'ONU sur les droits des peuples autochtones et d'en faire le cadre de la réconciliation. Vous verrez que, dans un autre paragraphe, nous avons tenté de relier ces deux choses en disant que cela était vraiment important pour l'avenir.

Voilà nos premières conclusions, et nous travaillons toujours en ce sens à l'aide de ces éléments. Les témoignages que nous avons entendus et la vérité que nous avons entendue permettront de mieux définir ce à quoi doit ressembler la réconciliation pour l'avenir et ce qu'il faut changer pour l'avenir afin de concrétiser la réconciliation. Si nous continuons à appliquer des politiques d'assimilation, alors les préjudices définis par le premier ministre dans le cadre de ses excuses se poursuivront tout simplement. En fait, nous avons entendu dire que, dans certains cas, c'était encore le cas aujourd'hui. Cela continue, et nous devons procéder à un examen pour apporter des changements.

Le sénateur Patterson : Merci.

M. Sinclair : J'aurais quelque chose à ajouter, si vous permettez.

Dans le cadre d'un certain nombre de décisions récentes liées à l'article 35 de la Loi constitutionnelle, qui reconnaît et affirme les droits des Autochtones issus de traités au Canada, la Cour suprême a statué que la disposition traduisait la nécessité de concilier l'actuelle souveraineté de la Couronne avec la souveraineté préexistante des peuples autochtones au Canada.

Depuis cette déclaration initiale faire relativement peu après que l'article 35 est devenu un cadre législatif prioritaire au pays, la Cour suprême et de nombreux autres tribunaux se sont heurtés à la question de savoir comment concilier ces deux choses sur ce plan. À la lumière de cette déclaration, il est clair que la nature de la relation et la nature de la réconciliation excluent cette approche de bien-être paternaliste à l'égard des Autochtones au pays. Le Canada ne procédera pas seul à une telle transformation de la relation; cette transformation est en cours aux quatre coins du monde, à différents stades.

Selon mon point de vue personnel, si je reviens à l'époque où j'étais étudiant et au début de ma carrière d'avocat, l'un des premiers signes qui a marqué cette transformation de la relation est survenu aux États-Unis, au début des années 1970, lorsque le président des États-Unis a déclaré que la relation entre le gouvernement américain et les tribus amérindiennes serait désormais fondée sur un modèle de nation à nation. C'est un président républicain qui a fait cette déclaration, le président Nixon. Il a fait cette déclaration parce qu'il voyait — comme il l'a dit à l'époque et l'a réaffirmé dans ses écrits ultérieurs, l'importance de subordonner la discussion et le dialogue entre des représentants du gouvernement des États-Unis et des chefs de tribus amérindiennes à un principe pouvant orienter cette interaction.

Le critère appliqué depuis est de savoir si l'approche du gouvernement américain — dont la compétence et la souveraineté prévalent toujours, si vous voulez, sur le plan de la gouvernance du pays — est toutefois respectueuse de la relation de nation à nation que le président avait qualifiée à l'époque d'aspect majeur qui définirait désormais le dialogue.

Ce genre de transformation de l'approche est le genre de transformation dont nous parlons dans notre rapport. Cette transformation doit se réaliser, pas seulement parce que nous croyons qu'elle doit se réaliser. Nous disons que cette transformation survient aux quatre coins du monde. La relation de traité à traité, illustrée par les traités des provinces de l'Ouest et d'autres régions canadiennes en est un exemple. Ces traités ont été conclus par des peuples égaux, des peuples qui avaient des pouvoirs relativement équivalents en matière de négociation. Ce n'était pas un cadeau qu'offrait une partie à l'autre par grandeur d'âme; c'était une condition préalable visant à ce que la relation demeure pacifique.

C'est ce que nous disons : il faut reconnaître que cet aspect de la relation défini dans les traités — et qui est désormais renouvelé dans l'article 35 de la Constitution et réitéré dans la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones —, constitue un des principes directeurs de la relation entre le gouvernement du Canada et les gouvernements et dirigeants des populations autochtones au pays.

Une telle transformation de l'approche favoriserait grandement l'établissement d'une relation de respect mutuel entre ces dirigeants. Les choses ne changeront pas du jour au lendemain. La pauvreté ne sera pas éliminée. Le logement sera toujours un problème. Les routes ne seront pas tout d'un coup asphaltées. C'est la façon dont les gens parlent entre eux et parlent des autres qui changera, et c'est ce qui doit se produire, selon nous.

M. Littlechild : J'aimerais ajouter une observation rapide à un aspect de la question que je n'ai pas abordé, à savoir la reconnaissance du statut juridique que vous mentionnez dans le paragraphe. La notion enseignée dans les écoles au sujet des deux nations fondatrices du Canada est un aspect auquel nous avons songé et dont nous avons parlé lorsque nous avons dit que l'approche dont il est question, celle fondée sur l'aide sociale, ne tient pas compte du statut juridique unique des peuples autochtones en tant que peuple d'origine du pays.

Ainsi, on pourrait envisager de dire qu'il y a trois nations fondatrices dans notre pays, pas seulement deux. Si vous ne parlez que de deux nations fondatrices, vous excluez les peuples d'origine de ces territoires. Il faut reconnaître cette relation avec les peuples autochtones.

À ce jour, des membres de notre peuple doivent se présenter devant des tribunaux pour prouver qu'ils sont autochtones. C'est l'une des premières épreuves auxquelles ils sont soumis en cour. Il faut se pencher plus attentivement sur cette question et être prêt à faire preuve de plus d'ouverture et de plus d'inclusivité. Cela signifie, par exemple, reconnaître qu'il y a trois peuples fondateurs au Canada. C'est aussi la relation qui était définie dans le paragraphe.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Il est très agréable de vous accueillir de nouveau pour obtenir un bilan. Je serai assurément là en septembre. Personnellement, j'espère que tous les membres du comité feront un effort pour assister à l'un de ces événements nationaux, car je peux voir à quel point ils sont importants.

Nous allons bientôt célébrer le 150e anniversaire de la Confédération. Bien sûr, on transforme le Musée canadien des civilisations pour qu'il devienne le Musée canadien de l'histoire. Votre commission joue-t-elle un rôle pour s'assurer que l'histoire des Autochtones est bien intégrée aux fondements du pays?

J'avancerais qu'il n'y a pas trois nations fondatrices; probablement que beaucoup de Premières Nations étaient là, puis ensuite, il y en a eu deux nouvelles. Toutefois, c'est vraiment important, car ce musée national sera une façon de commencer à réécrire l'histoire, et je suis entièrement en faveur de ce projet.

Avez-vous une relation avec le musée, ou quelle serait l'entité responsable, au nom de l'ensemble des nombreuses Premières Nations, de s'assurer qu'on brosse un portrait juste de la situation?

M. Sinclair : J'ignore la réponse à ce dernier volet. Je présume que les différents chefs autochtones estiment qu'ils ont un rôle à jouer au moment de faire valoir leurs intérêts particuliers dans le dialogue.

Je peux vous dire que, lorsque le gouvernement a annoncé il y a quelques mois qu'il allait modifier le Musée canadien des civilisations pour créer un musée de l'histoire, nous avons dès le début manifesté notre intérêt à prendre part au dialogue, car nous croyons que cela constitue un aspect important de la réconciliation. Comme je l'ai dit plus tôt, on ne peut pas changer l'histoire, mais on peut changer deux ou trois choses dans ce domaine : on peut changer ce que l'on sait et on peut changer ce que l'on comprend.

C'est ce que font les musées. Les musées vous donnent davantage de renseignements au sujet de l'histoire et ils vous aident à comprendre la signification qu'a l'histoire pour vous aujourd'hui. Les musées — particulièrement les musées nationaux, comme le Musée canadien de l'histoire — auront une énorme incidence sur la façon dont les Canadiens et le monde perçoivent le Canada, mais aussi sur la façon dont les Canadiens se perçoivent eux-mêmes. Nous croyons que cette perception doit comprendre un contenu autochtone, car le rôle des Autochtones dans l'évolution initiale du pays a été essentiel — cela ne fait aucun doute —, et nous devons nous assurer que ce contenu est présent.

En fait, vous voulez savoir si nous participons au dialogue, et la réponse est non. Voulons-nous participer au dialogue? La réponse est oui. Si vous arrivez à déterminer comment nous pouvons mettre un pied dans la porte, nous aimerions pouvoir prendre part au processus.

La sénatrice Raine : J'ai aussi été frappée, lorsque le comité s'est déplacé partout au pays dans le cadre d'une étude sur l'éducation autochtone de la maternelle à la 12e année... Nous avons eu l'occasion de nous déplacer aux quatre coins du pays et nous avons été très impressionnés — je crois que je peux parler pour tout le monde — par ce qui se produit en Saskatchewan avec le commissaire aux traités, selon lequel nous sommes tous parties aux traités et par la mise en place d'un programme de cours obligatoire. Je crois comprendre que le même processus se déroule aussi au Manitoba.

M. Sinclair : Oui.

La sénatrice Raine : Dans quelques années, il sera question de la maternelle à la douzième année au Manitoba. C'est si important, pour toutes les raisons que vous avez évoquées. En fait, le processus survient à un moment parfait, car nous sommes à un tournant critique. La situation doit changer, et elle changera seulement lorsque tout le monde l'aura reconnue.

Voyez-vous un obstacle éventuel au mouvement en faveur d'une meilleure éducation pour tous dans les écoles au chapitre de l'histoire autochtone?

M. Sinclair : Il est possible que les arguments qui seront évoqués contre la prise de toute mesure à ce chapitre soient de nature financière; cela coûtera de l'argent, et l'argent n'est pas là. Dans le cadre de notre exposé à l'intention des ministres de l'Éducation, lorsque nous avons parlé de l'importance de modifier le programme de cours et de le bonifier pour veiller à préserver un équilibre quant au rôle des Autochtones dans l'évolution du pays et à la relation historique entre les Autochtones et les non-Autochtones au pays, nous avons affirmé qu'il n'était pas nécessaire de dépenser un cent de plus pour le faire comme il faut. Il faut simplement comprendre que les pratiques actuelles ne sont pas justes, elles ne sont pas équilibrées. Il faut tout simplement changer la façon de procéder. Il est possible de le faire sans dépenser un cent de plus que maintenant dans le domaine de l'éducation.

La résistance invoquera l'argument financier; elle fera valoir que cela nous coûtera de l'argent et que, par conséquent, nous devrions nous abstenir de le faire. En réalité, on peut trouver des façons de concrétiser la réconciliation et de progresser pour instaurer une approche convenable et équilibrée en matière d'éducation des enfants canadiens sans que cela exige la dépense de ressources supplémentaires. Nous sommes constamment en train de parfaire les programmes au pays. Nous examinons constamment notre façon d'instruire les enfants. Nous modifions constamment notre programme de cours. Nous disons seulement : « Faites-le comme il faut. » Voilà une façon de faire les choses comme il faut. C'est un des éléments qu'il faut envisager à ce chapitre.

Nous avons présenté un exposé en ce sens aux différents ministres de l'Éducation à la réunion du CMEC, le Conseil des ministres de l'Éducation du Canada, et nous allons continuer à présenter des exposés sur cette tribune. Nous allons continuer à exercer sur eux de la pression, dans une certaine mesure — insister —, tant et aussi longtemps que notre commission sera en place. N'oubliez pas qu'il ne nous reste qu'un an. Alors, tant et aussi longtemps que nous existerons, nous avons l'intention de les assujettir à cette norme. Ils le comprennent. À ma connaissance, personne ne s'opposait en principe au maintien d'un équilibre sur le plan de l'éducation de nos enfants au pays, mais il y a certainement de puissantes entités qui croient que cela coûtera de l'argent, sans mener d'analyses qui illustrent le contraire.

La sénatrice Raine : Je crois que, dans le cadre du processus que vous traversez, vous découvrez probablement beaucoup de champions de cette cause et favorisez leur croissance.

M. Sinclair : Je trouve beaucoup d'ennemis, par la même occasion.

La sénatrice Raine : Vraiment? Nous espérons qu'il y aura plus de champions que d'ennemis.

M. Sinclair : Je crois vraiment que c'est le cas, et nous avons trouvé beaucoup d'excellents champions. Grâce à une meilleure compréhension de l'essence même de la démarche, nous avons constaté qu'il existe un grand nombre de gens qui attendent seulement qu'on leur donne l'occasion de participer. La réaction la plus éloquente que nous observons constamment à la suite des événements et des exposés de la commission, c'est qu'il y a des gens qui disent : « Je n'ai jamais su cela. » Maintenant, ils le savent. La prochaine question est de savoir ce qu'on peut faire. Nous essayons de donner une certaine orientation à ce chapitre. Cela s'inscrit dans le dialogue au sujet de la réconciliation.

Le président : Honorable juge Sinclair, savez-vous si le Musée canadien de l'histoire prépare actuellement une exposition sur les pensionnats indiens?

M. Sinclair : Le Musée canadien de l'histoire?

Le président : Oui, en collaboration avec Affaires autochtones Canada.

M. Sinclair : Nous l'ignorons.

M. Littlechild : La sénatrice Raine a mentionné une grande occasion où nous pourrons faire ce travail, qui nous interpelle tous, à savoir le 150e anniversaire. Voilà un scénario; et il en va de même pour le 250e anniversaire de la Proclamation royale, qui arrive à grands pas. C'est aussi vrai pour l'ouverture du Musée canadien des droits de la personne. Lorsqu'on regarde ces occasions à saisir en pensant au chapitre le plus sombre de notre histoire, comme on l'a appelé — c'est-à-dire le volet des pensionnats indiens dans l'histoire canadienne —, je ne pourrais imaginer un meilleur moment pour informer le Canada — et, de fait, le monde — au sujet de l'histoire des pensionnats indiens. Si c'est le chapitre le plus sombre de notre histoire, alors nous devrions bien faire la lumière sur ces événements, et nous assurer que notre travail sera pris en considération, que ce soit dans le cadre du Musée canadien de l'histoire ou du Musée canadien des droits de la personne ou les deux, à l'occasion des anniversaires à venir. Cette occasion est très importante pour nous, je crois.

Le président : J'en conviens.

La sénatrice Dyck : En ce qui a trait à l'éducation, la toute première année où j'étais au Sénat, j'ai visité North Battleford et je suis allée au centre d'amitié. Les représentants du centre m'ont remis le programme éducatif de la maternelle à la 12e année sur les pensionnats. Je ne suis pas certaine de savoir qui l'a produit ni qui l'utilise, mais il est dans mon bureau, à la maison. Je me demandais si vous saviez si, en Saskatchewan, ce programme d'enseignement est utilisé dans les écoles.

M. Sinclair : Pourriez-vous me dire en quelle année c'était?

La sénatrice Dyck : C'était en 2005.

M. Sinclair : La Saskatchewan est une des provinces qui est à l'avant-garde quant à l'élaboration d'un programme éducatif sur les pensionnats. Je ne sais pas quels documents éducatifs vous avez vus ni dans quelle mesure ils ressemblent aux documents utilisés aujourd'hui, donc je ne peux pas répondre à la question de savoir s'ils utilisent les documents que vous avez vus. Cependant, je sais qu'en Saskatchewan, de même que dans quelques autres provinces, on a créé des documents éducatifs. Au Manitoba, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, on a créé des documents éducatifs, qui sont utilisés dans les salles de classe et destinés aux enfants de différents niveaux scolaires. Ils ne sont pas tous destinés au même niveau. Je ne suis pas certain de la réponse à la question. Je peux vous dire que, dans ces provinces, on crée des documents et qu'on les rend disponibles pour les enfants des écoles primaires, mais je ne suis pas certain si ce n'est pas encore obligatoire pour tous les enfants. Ce l'est peut-être. Je n'ai pas cette information à portée de main. Si vous devez le savoir, nous pouvons certainement trouver cette information dans nos dossiers.

Notre recommandation aux ministres de l'Éducation était que cela devrait être rendu obligatoire, de sorte que tous les enfants puissent voir cela dans la matière qui leur est enseignée sur l'histoire du pays.

Le sénateur Watt : D'abord, monsieur le juge Sinclair et M. Littlechild, je sais que vous avez beaucoup travaillé pour nous. Comme vous le savez, je suis un survivant du pensionnat, le même que celui du sénateur Sibbeston. Je me souviens du moment où j'ai quitté ma collectivité pour la toute première fois. En atterrissant à Montréal durant la nuit, tout ce que je voyais, c'était des phares devant moi, rien que des lumières. À ce moment-là, je n'y ai pas vraiment pensé, mais cela faisait partie, d'une certaine manière, du choc culturel. C'était un choc culturel.

Cela dit, vous avez beaucoup et bien travaillé. Je n'ai pas participé à toutes les activités que vous avez organisées, mais je n'étais pas loin de vous et j'étais au courant de ce qui se passait ainsi que de chaque étape que vous franchissiez. Un de mes fils a travaillé avec vous, et j'ai apprécié cela. Il me tenait informé de ce qui se passait et de qui disait quoi.

J'ai également écouté les survivants, à Montréal. Mon impression des survivants et de la façon dont ils parlaient de leurs griefs contre les autorités ne m'ont pas ébranlé, car ce sont des situations que j'ai vécues. Je n'ai pas senti, à l'occasion de l'activité que vous avez organisée à Montréal, une volonté de réconciliation, et il y avait un nombre assez important de gens. Je suppose qu'ils ont trop souffert des expériences qu'ils ont vécues. Ce n'était pas une surprise pour moi, et je ne pense pas que c'en était une pour vous non plus.

Cela dit, vous avez soulevé de nombreuses questions importantes. Je ne vais pas tenter de préciser les questions que vous avez posées, mais nous devons trouver certaines réponses. Nous savons pertinemment que nous avons des droits constitutionnels, notamment ceux garantis par l'article 35, qui n'ont pas été respectés, et les représentants du gouvernement semblent encore hésiter à le faire. Peut-être qu'un jour ils changeront d'avis, mais je ne sais pas combien de temps encore nous pouvons continuer à attendre une occasion d'aller de l'avant et de commencer à bénéficier de règles du jeu équitables, comme c'est le cas de tout le monde.

Rétrospectivement, si l'on examine les conditions du système des réserves ainsi que dans certaines parties des collectivités inuites, nous sommes tellement éloignés les uns des autres. Les politiciens, de temps à autre, parlent de combler l'écart. J'en viens à me demander s'ils savent vraiment de quoi ils parlent. Nous ne sommes pas près de combler l'écart. Nous sommes très loin de cela.

C'est aussi simple que d'examiner nos possibilités économiques. Il y a toutes sortes de possibilités économiques. La majorité des Autochtones au pays ont beaucoup de difficulté au chapitre du pouvoir d'achat. Ils ont de la difficulté à se doter du nécessaire pour subvenir eux-mêmes à leurs besoins, pour pouvoir obtenir, de la terre, la nourriture et les vêtements dont ils ont besoin, parce qu'ils ne peuvent se permettre d'aller au magasin du coin ou à la Compagnie de la Baie d'Hudson pour acheter les biens qu'il leur faut pour survivre.

Les Autochtones sont comme tout le monde. Ils ont le droit de manger et le droit de survivre. Malheureusement, encore aujourd'hui, cela n'est pas entièrement reconnu. C'est la réalité d'aujourd'hui, mais nous devons changer cela. Comment allons-nous nous y prendre? Nous avons conclu un traité moderne, dont une part relève entièrement du peuple autochtone. Nous n'avons pas de difficulté à mettre en œuvre ces traités. Lorsqu'il est question d'un partenariat avec le gouvernement du Canada ou les provinces, nous éprouvons énormément de difficulté. Cela laisse parfois perplexe lorsque l'on parle d'une amitié, d'un traité qui a été conclu à l'époque où les Européens ont commencé à venir s'établir dans notre pays. Il est normal que ces traités ne soient pas respectés. Imaginez un peu, même les ententes ayant force obligatoire que nous avons, les traités modernes, nous avons de la difficulté à les faire respecter. Il faut qu'un changement se produise dans le pays si nous voulons aller de l'avant.

J'aimerais demander à M. le juge Sinclair et à M. Littlechild de quel autre type d'instrument avons-nous besoin, au nom des Autochtones, pour faire bouger les choses au Canada? Nous avons des droits constitutionnels, nous avons des déclarations reconnues par la Charte des Nations Unies, nous avons des traités, mais nous n'observons tout de même aucune progression. Notre situation ne s'améliore toujours pas. Nous allons toujours de reculons. Que faisons-nous? De quoi avons-nous vraiment besoin? Quelle est la solution simple et magique dont nous avons besoin pour que le pays et les gens comprennent et disent : « d'accord, le temps est venu de se réconcilier »? Je ne pense pas que nous soyons rendus au point d'être prêts à nous réconcilier, puisque peu importe ce que nous faisons, cela ne semble pas nous aider à aller de l'avant.

La question que je veux vous poser, monsieur Sinclair, est la suivante : avons-nous besoin d'une loi? Avons-nous besoin d'un instrument juridique émanant des gens concernés par la question de la réconciliation? Serait-ce possible? Y avez-vous un peu réfléchi? Je vais terminer ma question ici.

M. Sinclair : Ce qu'il y a de compliqué concernant votre question, c'est que vous y avez intégré tout un lot de choses qui ont une vaste portée.

Permettez-moi de commencer par ce qui est la prémisse qu'il faut garder à l'esprit. Personne ne vous donne la souveraineté. Personne ne vous donne une vie. Il faut foncer et faire sa vie, la vivre. Si les Autochtones veulent eux- mêmes faire valoir leur droit de faire certaines choses, alors ils doivent agir. Ils doivent se lever et s'affirmer. Ce qui, selon moi, a constitué l'obstacle le plus important à cela, c'est la longue période d'oppression qui a nui aux collectivités autochtones, lesquels, de manière générale — les gens, mais également les collectivités —, estiment qu'elles ont le droit de s'affirmer contre ce mastodonte qu'est devenue la nation du Canada. En conséquence, il y a ce sentiment qu'aucune solution ne fonctionnera sans l'aval ou l'appui des gouvernements du pays ou si elle ne vient pas d'eux.

Selon moi, aucune solution émanant de gouvernements non autochtones ne sera satisfaisante pour les Autochtones. C'est une chose que j'ai davantage constatée sur le plan personnel qu'en tant que juge ou avocat ou même commissaire de cette commission. Je ne doute pas un instant que des changements législatifs seront nécessaires. Des changements de la Loi sur les Indiens seront nécessaires. Il faudra examiner la possibilité d'apporter des changements aux divers autres textes législatifs qui nuisent à l'exercice de certains droits ou qui le limitent. Il faut se pencher sur le fait que, dans le cadre du régime juridique canadien, on accorde davantage d'importance à la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones.

On ne peut, dans notre pays, adopter une loi qui fera en sorte que les Autochtones se lèveront. Ce qu'il faut, c'est que les Autochtones doivent trouver en eux-mêmes la capacité de se lever.

Dans une large mesure, nous commençons à en voir des signes, avec plus d'assurance aujourd'hui que ce que nous avons vu par le passé. Nous l'avons vu par le passé. Si l'on se rappelle l'époque où nous étions jeunes, et avant la naissance de certaines personnes ici présentes, lorsque le livre blanc de 1969 a été publié par le gouvernement du Canada et était censé orienter le Canada vers la révocation des droits autochtones et des droits conférés par traité dans notre pays, il y a eu une réaction immédiate des chefs autochtones et de la communauté autochtone en général. Cela a galvanisé les Autochtones et les chefs autochtones et les a amenés à prendre des mesures et à s'affirmer de manière significative.

Depuis le livre blanc de 1969, nous avons constaté un changement important dans la relation juridique entre les Autochtones et les non-Autochtones dans notre pays, en commençant par l'affaire Calder, suivie d'autres décisions des tribunaux, y compris l'affaire Sparrow et ce qu'on en est venu à appeler l'affaire de la trilogie, le rapatriement de la Constitution dans les années 1980 assorti de dispositions et de la reconnaissance des Autochtones, et les droits conférés par des traités. Tout cela a procédé de la réaction, en 1969, à l'égard du livre blanc de 1969 publié par le gouvernement du Canada.

Je crois que ce type de moment d'exaltation devra se produire pour que la communauté autochtone reconnaisse qu'elle a en elle le pouvoir de faire ce qui s'impose pour créer son propre avenir. C'est vraiment de cela dont il s'agit : créer son propre avenir. Bon nombre de mesures devront être prises par les administrations fédérale, provinciales, territoriales et municipales en réaction à cela, mais il faudra surtout qu'elles libèrent la voie et qu'elles laissent place aux changements qui doivent se produire au sein de ces collectivités.

En réponse à votre question de savoir si nous avons besoin d'une loi fédérale, je pense que ce ne sera pas la solution, mais que ça en fera partie. Je crois que la vraie solution sera de voir les collectivités autochtones se lever et s'affirmer ainsi que trouver, en elles-mêmes, la capacité de se responsabiliser afin de régler les problèmes qui les affligent de l'intérieur.

Je ne parle pas de lancer des mouvements de protestation ou de créer des barricades ou de faire des manifestations. Je parle de se lever et de prendre ensemble des initiatives qui mettront de l'avant leurs cultures, leurs langues, l'éducation de leurs enfants de manière positive, ce qui permettra l'évolution et la création d'entreprises au sein de leur communauté de sorte que leurs collectivités puissent suffire à elles-mêmes et qu'il y ait une croissance au sein de la population de la classe moyenne.

Actuellement, les collectivités autochtones et la population autochtone dans notre pays ne comportent pratiquement aucune classe moyenne. Par conséquent, les institutions, que vous voyez habituellement dans une collectivité et qui dépendent de la classe moyenne pour son soutien, n'existent pas dans bon nombre de collectivités autochtones. Il n'y a aucune fondation des arts ni aucun centre culturel qui ne dépend pas de l'appui financier des gouvernements fédéral ou provinciaux.

Les collectivités elles-mêmes devront profiter de l'impulsion de cette réaction. Cela exigera un changement d'attitude à l'égard du gouvernement et de son rôle. Cela reflète le besoin qu'il y ait une reconnaissance du fait que le gouvernement, tout autant qu'il est à blâmer pour bon nombre des problèmes qui existent au sein des collectivités autochtones, ne détient pas la réponse. La réponse se trouve au sein même des Autochtones. Il leur faut trouver les ressources humaines et physiques dont elles ont besoin pour pouvoir régler les problèmes auxquels elles font face tous les jours.

La majorité des problèmes ne se règleront qu'à long terme et ne pourront être réglés immédiatement, à court terme. Il faudra certainement qu'il y ait des programmes sociaux et une aide sociale de quelque sorte, comme une aide au logement ainsi qu'une aide visant à garantir l'approvisionnement en eau potable et la prestation de soins appropriés dans ces collectivités. À long terme, il revient aux Autochtones de se lever et de s'affirmer.

Les survivants, qui ont comparu dans le cadre des audiences auxquelles nous avons assisté, reconnaissent que, et, en fait, ils en ont parlé, leurs propres collectivités doivent prendre des initiatives afin de s'assurer que les petits-enfants des survivants aient accès à des ressources leur permettant d'apprendre leur langue et leur culture et d'avoir une bonne idée de leur identité. C'est très important.

Nous devons également reconnaître que le Canada évolue. Du point de vue de la communauté autochtone, ce processus de blâme dans lequel nous sommes actuellement engagés deviendra assez futile dans l'avenir, puisqu'un nombre important de Canadiens ne seront pas nés au Canada. Ils ne seront pas liés à cette histoire. Nous parlons de la population d'immigrants.

Du point de vue de la Commission de vérité et de réconciliation, nous devons reconnaître que les nouveaux arrivants, qui sont arrivés ici pendant la dernière génération et qui continueront de venir s'établir dans notre pays, constitueront une force politique et une force économique importantes. Ils n'auront aucun lien avec l'histoire d'oppression. Ils n'auront pas le sentiment d'être coupables des torts commis par le passé ni d'être concernés par cela. La question consiste donc, pour nous, en tant que commission, à déterminer comment nous devrions communiquer à cette communauté la notion qu'ils sont tout de même concernés par la question des Autochtones et des pensionnats. La réponse réside dans le fait de les amener à reconnaître que, même s'ils ne sont pas responsables du passé, ils seront responsables de l'avenir, et l'avenir de notre pays exige que l'on adopte une approche appropriée à l'égard de la réconciliation, à laquelle ils doivent participer.

À l'occasion de l'événement national qui se tiendra en Colombie-Britannique, par exemple, nous serons à Vancouver. Vancouver comporte la communauté multiculturelle et multiethnique la plus importante au pays, à l'exception, peut-être, de Toronto. Les plus importants rassemblements de population de nouveaux arrivants au pays ont lieu à Vancouver et à Toronto. Lorsque nous participerons à l'événement national de la Colombie-Britannique, en septembre, nous avons l'intention de tenter d'engager le dialogue avec la communauté multiculturelle, la communauté de nouveaux arrivants, concernant la réconciliation, sans toutefois pouvoir les blâmer de ce qui s'est produit par le passé.

Si nous nous éloignons du jeu des accusations et que nous commençons à nous pencher sur la façon de travailler ensemble afin d'assurer un avenir positif pour notre pays, cela nous permettra peut-être d'adopter une attitude appropriée pour trouver des pistes menant à la réconciliation à mesure que nous avançons dans l'avenir, parce que, actuellement, le jeu du blâme nous permet parfois d'accuser le gouvernement et le Canada d'y être pour quelque chose. On ne peut pas faire cela lorsque l'autre partie de la conversation n'est pas, en fait, liée à l'histoire.

Nous devons adopter ce type d'approche, c'est-à-dire de non pas s'en remettre à la culpabilité ou au blâme, mais de dire : « voici le problème. Le problème, c'est que la relation entre nous et notre pays est entachée, et nous devons régler la situation. » Il faut commencer par s'assurer que l'on enseigne également de manière appropriée l'histoire de notre pays aux nouveaux arrivants. Nous avons parlé à des gens au sein d'instances d'immigration au gouvernement de ce qu'ils doivent faire pour que les gens qui viennent s'établir ici connaissent la nature du Canada. La sensibilisation de la population d'immigrants doit également être accrue.

La réponse courte à votre question, c'est que la solution aux problèmes des collectivités autochtones, c'est elles qui l'ont, et elles doivent la trouver, la mettre à l'essai et l'appliquer. À court terme, elles auront besoin d'aide pour y parvenir, mais, à long terme, cela doit procéder d'elles.

Le sénateur Watt : M. Littlechild, avez-vous quelque chose à dire à ce sujet?

M. Littlechild : Oui. Je crois que, dans l'enceinte du Parlement et dans d'autres arènes politiques, lorsque vous posez la question de savoir quel instrument il nous faut, plutôt qu'un instrument, je dirais que ce qu'il nous faut avant tout pour qu'un changement puisse avoir lieu, c'est une volonté politique. Je parle d'une volonté politique à tous les échelons gouvernementaux, qu'il s'agisse des échelons fédéral, provincial ou municipal, ou qu'il s'agisse des chefs des Premières Nations, des Métis et des Inuits. Lorsqu'il y a une volonté politique, nous savons tous qu'un changement peut se produire très rapidement. C'est une des observations que j'aimerais faire.

Une seconde observation que j'aimerais faire est que, en allant de l'avant, lorsque nous entendons des histoires comme celle dont vous venez de parler concernant le fait que nous ne sommes pas prêts à la réconciliation, il y a, il faut le reconnaître, bon nombre de nos frères et sœurs, qui ne sont effectivement pas prêts à se réconcilier. Même dans ce cas, si nous devions jeter un coup d'œil à la relation existante scellée par traité à titre d'exemple, c'est-à-dire la Déclaration des Nations Unies, je crois qu'ils font tous deux appel à nous pour que nous travaillions ensemble dans le cadre de cette initiative pour le changement. Avons-nous besoin d'une loi pour y arriver? Peut-être que, dans une certaine mesure, on en tient compte. Je vais vous donner trois courts exemples.

D'abord, j'ai parlé du rôle de l'éducation au début. Avons-nous, en réalité, besoin d'une loi sur l'éducation des Premières Nations pour qu'un changement ait lieu? Avons-nous besoin d'une loi sur la réconciliation une fois que notre travail sera terminé pour que l'on puisse s'assurer que ce que nous avons proposé à titre de solution peut être pris en considération et, surtout, mis en œuvre? Avons-nous besoin d'une loi de mise en œuvre pour faire cela?

Ce sont encore des questions dont il faut discuter, mais, à tout le moins, j'aimerais commencer par dire que lorsque nous ferons cela, nous allons trouver des options pour aller de l'avant parmi lesquelles nous pourrons faire un choix tous ensemble.

C'est ce que je crois. Une volonté politique, un désir et, bien sûr, une décision de travailler en partenariat, ensemble. Qu'il s'agisse de la voie législative ou d'une autre voie, je pense que ces deux points de départ sont fondamentaux, essentiels. C'est ce que je pense.

Le sénateur Watt : J'aimerais soulever un autre point. Dans notre pays, partout au pays, d'ailleurs, il est impossible de faire quoi que ce soit sans argent. Par le passé, nous pouvions vivre en utilisant les ressources naturelles pour nous nourrir et nous habiller. C'est le fondement de notre économie. Dans une certaine mesure, c'est encore le cas aujourd'hui dans le Nord. Nous devons emprunter la voie qui nous amènera à nous émanciper et à assumer nos responsabilités. Si nous n'avons pas le contrôle des finances dont nous avons besoin, nous sommes limités à ce chapitre.

Lorsque l'on traite de l'enjeu de la réconciliation, une des questions que j'aimerais soulever, c'est de savoir si nous devons élaborer une formule pour pouvoir profiter des avantages tirés des ressources naturelles de notre pays qui, à une époque, nous appartenaient et qui nous ont été retirées. Nous pourrions, une fois pour toutes, cesser de nous blâmer les uns les autres afin de tous pouvoir commencer à aller de l'avant de façon positive. J'aimerais avoir votre opinion à ce sujet.

M. Sinclair : Je crois que l'essentiel de votre question, si je l'ai bien comprise, est de savoir quelle sera la nature de la relation entre les gouvernements que nous allons observer dans l'avenir.

Le sénateur Watt : Oui.

M. Sinclair : Ainsi, si je comprends bien, il y a, implicitement, une question concernant la nature de la relation financière entre les deux gouvernements. Il n'y a aucun doute, selon moi, qu'il y a plusieurs modèles que l'on pourrait choisir. On pourrait également examiner la relation actuelle des gouvernements provinciaux et fédéral en ce qui concerne les finances.

En plus de tout cela, il y a la question du droit à l'utilisation des ressources de la terre, ce qui figure encore dans certains traités et dans la revendication du titre autochtone ou du droit ancestral, et ce que certains tribunaux ont reconnu comme faisant partie de l'engagement constitutionnel concernant les terres de notre pays, ce qui est une question dont il faut encore débattre. Je crois qu'il faut en discuter longuement avant d'en venir à une conclusion.

Votre question est de savoir quelle est la formule. Je ne sais pas ce que sera la formule, ni les fondements de cette relation. Je ne peux pas vous dire si la formule fera en sorte qu'un certain pourcentage des profits tirés des ressources iront dans les coffres du gouvernement autochtone ou s'il s'agira d'une autre forme de processus auquel il participera.

Voici ce que je sais : nous ne pouvons pas continuer à financer les programmes autochtones dans l'avenir en adoptant une approche fondée sur une politique d'aide sociale, puisque, de cette manière, cela est perçu comme un fardeau pour le reste de la population canadienne plutôt que comme un droit à une part des ressources ou un droit de se gouverner à leur propre manière.

Si vous appelez cela des programmes sociaux ou une aide sociale, alors c'est une aide sociale. Si vous le percevez et le financez comme si c'était un programme d'aide sociale, alors c'est rien d'autre qu'un programme d'aide sociale.

Cependant, si les gouvernements autochtones peuvent fonctionner comme tout gouvernement peut fonctionner relativement à la gestion d'une part équitable des ressources ou d'une part équitable des recettes fiscales qui découlent d'un droit aux ressources qui sont imposées, alors l'équation est entièrement différente, de même que la perception qu'on a de tout ça.

Je crois que la perception est plus importante que le montant d'argent réel et que la façon dont il est utilisé. C'est que l'approche adoptée est entièrement différente.

Je suis d'accord avec vous pour dire qu'il faut des ressources pour que les gouvernements autochtones ou que les chefs autochtones puissent faire ce qui s'impose au sein de leurs collectivités, mais tant et aussi longtemps qu'ils administrent le programme social de quelqu'un d'autre, ils ne sont pas ceux qui dirigent ou n'exercent pas une fonction de chef, selon moi. Ils effectuent de la gestion, ce qui est différent. Un gestionnaire n'est pas nécessairement un chef. Il faut reconnaître qu'il faut changer la relation.

C'est pourquoi, encore une fois, nous disons à la commission qu'il faut que nous examinions, et que nous examinions soigneusement, la Déclaration des Nations Unies sur les droits des peuples autochtones afin de nous en servir comme cadre de la réconciliation, car, dans la déclaration, il y a un dialogue et une discussion sur les principes concernant la relation entre les peuples autochtones et les entités souveraines qui permettra de définir et d'asseoir sur des bases plus solides la relation entre ces deux peuples très distincts.

Nous croyons que le fait de comprendre ce que cela signifie joue un rôle important dans le cadre du dialogue. Tout changement apporté à la législation, comme la façon dont la Loi sur les Indiens est abordée ou abrogée et remplacée par quelque chose d'autre, doit être fait compte tenu des principes en cause dans la Déclaration des Nations Unies.

M. Littlechild : Je pense que le partage des recettes est certainement une des choses dont il faut discuter, non seulement pour reconnaître le propriétaire d'origine, mais également pour mettre en œuvre certains des traités de la bonne manière. Je dis cela parce qu'un des principes essentiels et fondamentaux était que ces ententes avaient pour but de défendre la notion de partage. Il n'y était pas question que nous nous départissions de tout. Il s'agissait d'une entente nous permettant non seulement de partager les droits de surface, mais également de conserver bon nombre de droits d'exploitation du sous-sol, y compris les minéraux. Il y a beaucoup de bonnes raisons juridiques et de bonnes normes juridiques internationales que l'on pourrait envisager d'appliquer afin de s'assurer qu'il y a effectivement un partage des recettes.

Lorsque vous parlez de combler l'écart, si vous examinez l'écart en matière d'éducation, on nous a souvent dit qu'il faudrait 28 ans aux enfants autochtones pour rattraper les enfants non-autochtones en ce qui concerne l'obtention de diplômes d'études secondaires. Lorsque l'on examine cet écart, une des façons de le combler serait, bien sûr, au moyen de l'argent, mais l'argent de qui? Si vous examinez la question sous cet angle, la possibilité de partager les recettes... je n'appellerais même pas cela une possibilité. Je pense que nous devons véritablement commencer le partage des ressources.

Lorsque j'entends dire qu'il y a actuellement, au Canada, pour 600 milliards de dollars de ressources sur les territoires autochtones, je pense alors qu'il devrait y avoir une volonté d'examiner la situation et de poser la question : « Comment devons-nous partager cela de sorte que tout le monde y trouve son compte? » Ce sont des discussions que nous aurions dû avoir il y a longtemps, je dirais. Il faut que nous les ayons eues et que nous commencions à les avoir maintenant, car si nous voulons combler l'écart en matière d'éducation et sur le plan économique, alors je pense qu'il faut vouloir partager les ressources.

Le sénateur Watt : Merci.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup. Cela a tout simplement été une merveilleuse soirée.

Nous avons récemment effectué une étude sur l'histoire métisse, et, dans le cadre de nos voyages, nous avons rencontré des gens qui étaient métis, qui avaient fréquenté les pensionnats et qui ne prenaient pas part au processus de réconciliation et de règlement. Avez-vous des commentaires à ce sujet?

M. Sinclair : Tout Métis qui a fréquenté un pensionnat qui figure sur la liste dans l'entente est admissible à une compensation pour y avoir été. Tout enfant métis qui n'a pas fréquenté un pensionnat figurant sur la liste dans l'entente, mais qui a été blessé à l'un de ces pensionnats, est admissible à une compensation pour blessure. Dans cette mesure, l'entente les englobe.

Une partie du problème relève du fait qu'il y a un grand nombre d'écoles qui étaient sous la houlette d'entités catholiques dans l'Ouest du Canada en particulier — en Ontario également — et qui étaient, de par leur nature, des pensionnats fréquentés par des enfants métis en raison de leurs origines catholiques, et qui ne sont pas incluses dans la Convention de règlement. Par conséquent, ces enfants non seulement se sentent exclus de la Convention de règlement en soi — et, en fait, sur le plan juridique, ils en sont exclus puisque l'école ne figure pas sur la liste —, mais ils ont également l'impression que les excuses ne leurs étaient pas destinées et qu'ils n'étaient pas visés par les gestes de réconciliation, y compris les excuses prononcées par le premier ministre et les autres leaders parlementaires, en 2008.

Il y a là un important sentiment de perte, non seulement de la part des Métis, qui ont été exclus en raison de la question des pensionnats, mais également de la part des élèves des Premières Nations, qui ont fréquenté les pensionnats, mais qui n'y habitaient pas. Nous parlons des élèves de jour. Dans de nombreux cas, le pensionnat était construit à l'intérieur de leur collectivité ou dans une collectivité tout près. Ils s'y rendaient pendant le jour. Ils étaient traités exactement de la même manière que les élèves du pensionnat, mais ils pouvaient retourner chez eux le soir et n'étaient pas dans la résidence. Il se pouvait qu'ils n'habitent pas dans une résidence gérée par le ministère des Affaires indiennes. Il se pouvait qu'ils habitent dans une autre résidence, qui était gérée seulement par l'Église, auquel cas ils ne sont pas inclus dans la Convention de règlement relative aux pensionnats indiens. Ainsi, ils se sentent également exclus, et je soupçonne qu'il y aura un litige entourant cette question, de même qu'un litige au nom des élèves métis qui ont fréquenté les écoles non incluses également.

Ce que nous avons dit, en tant que commission, c'est que, même s'ils ne sont pas inclus dans la Convention de règlement, nous allons les inclure dans notre dialogue sur la question de ce qui s'est passé dans les pensionnats de sorte qu'ils puissent se présenter et faire enregistrer leur témoignage sur les expériences qu'ils ont vécues en tant qu'élèves de jour ou qu'élèves métis dans les écoles qu'ils ont fréquentées. Nous allons également les inclure dans notre discussion sur la réconciliation. Ainsi, lorsque nous posons la question de savoir ce que nous pouvons faire pour améliorer les choses dans l'avenir pour nos petits-enfants dans notre pays, nous pourront leur donner l'occasion de participer à ces discussions et dialogues.

Je dois dire, en passant, que ce ne sont pas les seuls groupes qui ont été exclus de la Convention de règlement. Tous ceux qui ont fréquenté des écoles dirigées par le gouvernement à Terre-Neuve-et-Labrador ont également été exclus de la Convention de règlement en raison de l'entrée tardive de cette province dans la Confédération. Aucune des écoles qui ont été établies et exploitées aux fins des élèves autochtones à Terre-Neuve-et-Labrador n'est incluse dans la Convention de règlement.

Il y a un nombre considérable d'Autochtones qui sont exclus de la Convention de règlement, et cela, à notre avis, crée un obstacle à la réconciliation dans notre pays, car tant et aussi longtemps qu'ils se sentent exclus, ils estiment qu'ils ne devraient pas participer au dialogue sur la réconciliation, ou ils refusent de le faire, ou ils ne se sentent pas concernés. Ce que nous avons dit, pour revenir à notre première année d'existence, c'est que tant qu'une population aussi importante d'Autochtones est exclue de la Convention de règlement ainsi que du processus de compensation et que l'on ne reconnaît pas ce qu'ils ont vécu, la réconciliation sera une chose difficile à réaliser dans notre pays.

La sénatrice Raine : C'est un défi.

M. Sinclair : Tout à fait.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup.

Le président : Je tiens à vous remercier tous les deux. Je sais à quel point la commission a travaillé dur, et je veux me faire l'écho de la sénatrice Raine, qui a laissé entendre que, si quelqu'un a l'occasion d'assister à l'événement de Vancouver ou d'Edmonton, il devrait y aller. C'était assez touchant. Lorsque j'étais à Winnipeg, je pense qu'il y avait 2 700 personnes dans la salle. Ce fut été un moment spécial pour moi.

Merci d'être ici ce soir et merci beaucoup de vos commentaires.

(La séance est levée.)


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