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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 27 - Témoignages du 29 novembre 2012


OTTAWA, le jeudi 29 novembre 2012

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour examiner la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes (L.C. 2000, ch. 17), conformément à l'article 72 de cette loi.

[Traduction]

Barbara Reynolds, greffière du comité : Honorables sénateurs, comme le président et la vice-présidente ont dû s'absenter, il m'incombe, à titre de greffière, de présider à l'élection d'un président suppléant.

[Français]

Je suis prête à recevoir une motion à cet effet.

[Traduction]

Le sénateur Oliver : Je propose que l'honorable sénateur Larry Smith soit le président suppléant.

Le sénateur Massicotte : J'appuie la motion.

[Français]

Mme Reynolds : Est-ce qu'il y a d'autres nominations?

Des voix : Non.

[Traduction]

Mme Reynolds : L'honorable sénateur Oliver propose que l'honorable sénateur Larry Smith soit le président suppléant du comité.

Vous plaît-il, honorables sénateurs, d'adopter la motion?

Des voix : D'accord.

Mme Reynolds : Merci. Je déclare la motion adoptée, et j'invite le sénateur Smith à prendre le fauteuil.

Le sénateur Larry Smith (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Je souhaite la bienvenue aux témoins, qui sont aujourd'hui au nombre de trois. Nous poursuivons l'examen effectué par le Parlement tous les cinq ans de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Il s'agit de la 21e séance consacrée à cette question. Au cours de cet examen, le comité a entendu des témoins selon qui il y aurait du blanchiment d'argent dans certains secteurs, notamment celui de la vente de biens de luxe.

Aujourd'hui, nous entendrons les représentants de commerces qui vendent trois types de biens de luxe : des voitures, des bateaux et des œuvres d'art.

[Français]

Laissez-moi vous présenter les témoins.

[Traduction]

De la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, Richard C. Gauthier, président et chef de la direction; de la Boating Ontario Association, Jeff Wilcox, gouverneur, et président de George's Marine and Sports; d'Heffel Fine Art Encanteurs, Andrew Gibbs, représentant à Ottawa. Bienvenue à vous.

Nous avons consacré 21 séances à cet examen, et nous sommes très avancés. Nous tenions néanmoins à vous entendre tous les trois aujourd'hui. Messieurs Gibbs, Gauthier et Wilcox, avez-vous des déclarations liminaires? Nous allons les entendre, après quoi viendront les questions des sénateurs et les échanges avec eux. M. Gibbs pourrait-il commencer?

Andrew Gibbs, représentant à Ottawa, Heffel Fine Art Encanteurs : Bien sûr. Je vous remercie. Monsieur le président suppléant, honorables sénateurs et membres du comité, je vous remercie beaucoup de m'avoir invité à témoigner.

Vous m'avez invité en tant que représentant de la maison de vente aux enchères Heffel Fine Art Auction House. J'y travaille depuis 1999, mais je suis entré dès 1987 au service d'une maison de vente aux enchères en Angleterre. Pendant mes 25 années d'expérience, j'ai été adjudicateur, commissaire-priseur et directeur dans quatre maisons, ce qui m'a permis d'acquérir une large connaissance des rouages de la vente aux enchères d'œuvres d'art.

C'est sans doute parce que Heffel Fine Art est la plus grande maison du genre au Canada qu'on nous a appelés à donner un témoignage d'expert sur la vente aux enchères d'œuvres d'art au Canada. Je vais d'abord vous donner un aperçu de la maison et de la place qu'elle occupe sur le marché.

La maison Heffel a été fondée à Vancouver en 1978 en tant que galerie d'art spécialisée dans l'art canadien et international haut de gamme. Elle a tenu sa première vente aux enchères en 1995. En 17 ans, elle a beaucoup grandi, si bien qu'elle a maintenant des galeries à Vancouver, Toronto et Montréal et compte pour plus de 60 p. 100 de toutes les œuvres vendues aux enchères au Canada. Elle organise deux ventes en salle par an; à Toronto en novembre et à Vancouver en mai, et elle présente les œuvres dans ses trois galeries. Ces ventes battent régulièrement des records en termes de prix obtenus pour les artistes et de valeur globale des œuvres d'art achetées.

Une vente aux enchères compte le plus souvent 180 lots d'une valeur à la vente totale d'environ 15 millions de dollars, soit en moyenne quelque 85 000 $ par œuvre d'art. Notre vente record a rapporté 23 millions de dollars, en 2007, et nous avons tenu les 14 ventes les plus lucratives de l'histoire du Canada. Les ventes récentes de notre concurrent le plus proche, Sotheby's, ne rapportent pas la moitié des nôtres.

Nous tenons aussi 11 ventes aux enchères en ligne par an. La valeur estimative des œuvres d'art alors offertes varie entre 1 000 et 100 000 $, mais il arrive que les ventes en ligne rapportent plus de 700 000 $. Nous vendons surtout de l'art canadien, mais deux fois par an nous mettons aux enchères des œuvres étrangères qui rapportent entre 500 000 $ et 2 millions de dollars par vente.

J'espère que cela vous aura donné une idée du niveau d'activité de la maison Heffel sur le marché de la vente aux enchères d'œuvres d'art au Canada.

Passons maintenant à la question qui a été posée à Heffel : la vente aux enchères d'œuvres d'art est-elle au Canada un secteur où les transactions au comptant atteignent des sommes importantes et où les possibilités de blanchiment d'argent sont d'autant plus grandes?

Pour répondre simplement à la question, il est extrêmement rare qu'une œuvre d'art soit payée comptant, nous ne payons jamais comptant un consignateur et nous ne croyons pas qu'il y ait des possibilités de blanchiment d'argent. Nous encourageons les acheteurs à payer par télévirement. Nos conditions stipulent que le paiement doit se faire par télévirement, chèque certifié, traite bancaire ou chèque accompagné d'une lettre de crédit de la banque de l'acheteur.

Nous acceptons les cartes de crédit jusqu'à concurrence de 25 000 $ en personne ou de 5 000 $ par téléphone, mais ce n'est pas quelque chose que nous encourageons, car il peut en résulter une diminution considérable de notre commission, les frais de transaction étant fonction de la valeur totale de l'œuvre tandis que la commission en est un pourcentage.

J'ai consulté MM. David et Robert Heffel, les propriétaires, qui m'ont assuré que, depuis la transformation de leur entreprise en maison de vente aux enchères, les œuvres n'ont que rarement été payées comptant. Ces dernières années, le chiffre d'affaires a augmenté, mais le nombre de paiements au comptant a diminué et encore, ces paiements n'ont jamais totalisé plus de 10 000 $ par an. Compte tenu d'un chiffre d'affaires de quelque 30 à 50 millions de dollars par an, il me semble assez évident que la maison Heffel ne sert pas à blanchir de l'argent par l'achat d'œuvres d'art en échange d'argent comptant. Les ventes au comptant de nos concurrents sur le marché de la vente aux enchères d'œuvres d'art comptent sans doute pour un pourcentage aussi infime de leurs ventes totales.

Passons maintenant à la question de l'utilisation des ventes aux enchères d'œuvres d'art à des fins de blanchiment d'argent au Canada.

J'ai reçu la transcription des audiences que le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce a tenues les 28 et 29 mars 2012. En la lisant, j'ai remarqué les observations des représentants de l'industrie de la joaillerie concernant les maisons de vente aux enchères et leur vulnérabilité au blanchiment d'argent et notamment, à la page 22, celle de M. Barcados, président de C.D. Barcados Co. Ltd. Il aurait dit :

L'organisation même d'une vente aux enchères, où il y a un acheteur et un vendeur tous deux anonymes, est faite de sorte qu'il n'y a pas de diligence due à l'égard du client ni le type de relations auxquelles le sénateur faisait allusion lors de la question précédente; cette possibilité n'est pas offerte.

Selon moi, les propos de M. Barcados donnent à tort l'impression que les maisons de ventes aux enchères mènent leurs activités dans un monde interlope d'acheteurs et de vendeurs anonymes et qu'elles ne connaissent pas l'identité des gens qui leur demandent de vendre leurs tableaux de plusieurs millions de dollars ou des mystérieux milliardaires qui enchérissent à leurs ventes. La vérité est que les ventes aux enchères d'œuvres d'art haut de gamme au Canada sont remarquablement transparentes.

Oui, il y a des vendeurs et des acheteurs qui sont anonymes en ce sens que nous ne révélons pas leur identité à la presse ou au grand public, mais l'élément probablement le plus important de notre métier consiste justement à connaître ces gens. Bon nombre d'entre eux comptent parmi les personnalités les plus marquantes du monde des affaires et de la vie publique au Canada.

En ce qui concerne la consignation, nous n'acceptons de vendre une œuvre d'art que si nous sommes certains à 100 p. 100 de sa provenance et du droit de son propriétaire de la vendre. Outre l'obstacle moral qui s'oppose à la vente d'une œuvre d'origine inconnue, les risques financiers sont énormes s'il s'avère qu'elle a été obtenue de façon illégitime. Notre maison adhère à un code de déontologie strict qu'on peut consulter à l'adresse www.heffel.com.

Il vaut toujours la peine de prendre les précautions voulues pour établir la provenance ou l'histoire d'une œuvre d'art en remontant aussi loin que possible, parfois même au jour où l'artiste l'a signée. Il peut aussi être utile de connaître les vendeurs pour en apprendre davantage sur les œuvres. L'œuvre a souvent été transmise de génération en génération et les renseignements qu'on peut obtenir sur les modalités de son acquisition ajoutent parfois à sa valeur et à notre connaissance de la production de l'artiste.

L'un des meilleurs outils dont nous disposons pour établir la provenance des œuvres, c'est notre propre banque de données publique sur les œuvres d'art canadiennes vendues aux enchères au cours des 45 dernières années. Cette banque, appelée le Heffel Canadian Art at Auction Index, contient quelque 80 000 œuvres, la plupart illustrées, y compris celles de toutes les grandes maisons de vente aux enchères du Canada.

La diligence que nous mettons à établir l'identité, la capacité de payer et les intérêts de nos acheteurs est également importante. Il n'y a rien de pire dans la vente aux enchères qu'un acheteur auquel on ne peut pas remonter. Imaginez le coup que prendrait notre réputation si nous vendions un tableau d'un million de dollars à un acheteur inconnu de nous. Nous avons absolument intérêt à bien connaître tous nos acheteurs et nos vendeurs.

Chez Heffel, nous avons la chance d'être présents ici et là au Canada grâce à nos galeries de Vancouver, de Toronto et de Montréal et à notre bureau d'Ottawa. C'est là que nous rencontrons la plupart de nos acheteurs dans le cadre du processus d'examen et que nous leur demandons de s'enregistrer pour enchérir ou de s'inscrire à notre liste d'envoi. Pour enchérir dans nos ventes en salle, il faut présenter une pièce d'identité; pour enchérir aux ventes en ligne, il faut fournir des renseignements personnels et bancaires pertinents. Tous nos bureaux sont raccordés à notre banque de données sur les acheteurs, les vendeurs et les œuvres d'art.

À mon avis, il serait insensé de passer par le marché canadien de la vente aux enchères haut de gamme pour blanchir de l'argent. Contrairement aux biens décomposables en pièces anonymes, une œuvre d'art est à tout jamais reconnaissable. Chacune est individuelle, cataloguée dans les règles et photographiée pour la postérité, et les fichiers sont accessibles au public en ligne ou aux archives du Musée des beaux-arts du Canada. Par ailleurs, la procédure d'achat et de vente que nous offrons est parfaitement transparente et les comptes de Heffel, où figurent le nom et les coordonnées de tous les acheteurs et les vendeurs, sont rendus accessibles au public par Revenu Canada ou la police en cas de transaction suspecte.

J'espère avoir convaincu le comité qu'au Canada, la vente aux enchères d'œuvres d'art, telle que la pratique en tout cas la maison Heffel, est loin d'être un refuge pour blanchisseurs d'argent.

Le président suppléant : Merci beaucoup, monsieur Gibbs.

Richard C. Gauthier, président et chef de la direction, Corporation des associations de détaillants d'automobiles (CADA) : Je suis président et chef de la direction de la Corporation des associations de détaillants d'automobiles, qui est très heureuse d'avoir été invitée à vous aider par tous les moyens possibles dans vos délibérations.

La CADA est un regroupement national de concessionnaires d'automobiles et de camions neufs. Nos quelque 3 300 concessionnaires qui emploient près de 140 000 Canadiens bien rémunérés forment un secteur vital de l'économie canadienne. Les concessionnaires que représente la CADA vendent toutes les marques de véhicules disponibles au Canada et sont établis dans presque toutes les villes et localités.

Je me réjouis de prendre la parole aujourd'hui devant le Comité sénatorial des banques au sujet du blanchiment d'argent et du crime organisé. Mais d'abord, voici quelques renseignements généraux sur le secteur que la CADA représente.

[Français]

En 2011, les commerces de nos membres ont vendu aux consommateurs canadiens des biens et des services d'une valeur de plus de 80 milliards de dollars.

Ce chiffre correspond à plus de 5 p. 100 du produit intérieur brut du pays, soit une hausse de 5 p. 100 par rapport à 2010, et représente 20 p. 100 des ventes au détail. Jusqu'ici en 2012, le secteur a connu une forte croissance devançant presque tous les autres secteurs d'activités au Canada.

En fait, en octobre 2012, les ventes de véhicules neufs n'ont jamais été aussi élevées pour un mois d'octobre dans toute l'histoire du Canada et les ventes totales de véhicules neufs enregistrés pour les 10 premiers mois de l'année dépassent les ventes de 2011 de presque 7 p. 100.

[Traduction]

Compte tenu de la croissance économique globale par ailleurs modeste, il s'agit d'un résultat très positif pour nos membres, pour le secteur de l'automobile et pour l'économie en général.

Au fil des ans, nos membres n'ont été que trop nombreux à être victimes du crime organisé. Trop souvent, ils sont touchés par les tentatives concertées d'organisations criminelles pour dérober des quantités considérables de véhicules en même temps, ce qui représente parfois des millions de dollars. Notre association nationale coopère depuis longtemps avec l'État afin de sévir contre le crime organisé. En ce qui concerne le blanchiment de capitaux, son approche est tout à fait la même.

[Français]

Bien que nos membres soient trop souvent victimes du crime organisé, je dois admettre que c'est par l'entremise du Comité sénatorial des banques et du commerce et des médias que j'ai entendu dire pour la première fois que les concessionnaires de véhicules neufs constituent un exécutoire pour le blanchiment d'argent.

Par suite des travaux du comité, la CADA s'est adressée aux concessionnaires pour savoir si les grosses transactions au comptant étaient fréquentes.

Les résultats du sondage étaient aussi limpides que prévisibles : 85 p. 100 des concessionnaires ont indiqué que les transactions en numéraire supérieures à 10 000 dollars représentaient moins de deux p. 100 des ventes. Parmi les autres concessionnaires, la grande majorité a indiqué que ces transactions constituent moins de 5 p. 100 des ventes.

[Traduction]

Ces transactions s'accompagnent d'un lot de documents tant chez le concessionnaire qu'à son institution financière. Comme pour toute entreprise, le concessionnaire qui prend possession d'une somme importante s'empresse d'aller la déposer à la banque.

Le fait est que la grande majorité des acheteurs de véhicules neufs financent eux-mêmes une partie de leur achat; les taux d'intérêt bas comme ils ne l'ont jamais été et la concurrence féroce dans le secteur leur facilitent la tâche comme jamais auparavant. Grâce au financement sans intérêt, même les clients qui ont les moyens de payer avec de l'argent liquide sont incités à payer autrement. C'est pourquoi les grosses transactions en numéraire se font de plus en plus rares.

Le comité doit savoir que les concessionnaires d'automobiles forment un groupe spécial du secteur de la vente au détail. Ils vendent principalement des articles très coûteux. Ils ont donc moins de transactions que tous les autres commerces de détail qui vendent un grand volume de petits articles et de services. Chaque transaction sur un véhicule neuf chez un concessionnaire fait déjà l'objet d'une abondante documentation.

[Français]

Entre le fabricant et le concessionnaire et entre celui-ci et le client, il existe de nombreux documents sur toutes les transactions liées à l'achat de véhicules neufs au Canada et sur le financement de ces véhicules. En raison du suivi exhaustif de l'inventaire, toute transaction au comptant de plus de 10 000 $ est déjà inscrite à la banque.

Prenons par exemple le cas simple, mais rare, où un client achète un véhicule qu'il paie comptant. Le véhicule serait retiré de l'inventaire et la banque ou l'institution financière qui fournit le financement de stock serait informée de la vente du véhicule. À partir de là, le dépôt de l'argent effectué pour la vente du véhicule serait signalé et repéré par la banque.

Il en va autrement dans le cas des ventes au détail d'autres articles.

[Traduction]

Les concessionnaires qui contourneraient illégalement cette piste s'exposeraient à l'annulation de leur contrat de franchise, une conséquence beaucoup plus lourde qu'une simple amende. Cela dit, la CADA et ses membres, qui sont socialement responsables, sont disposés à collaborer avec le gouvernement en ce qui concerne la documentation relative à ces transactions, si rares soient-elles.

Le gouvernement mettant en œuvre le plan d'action de la Commission de réduction des formalités administratives et la règle du « un pour un » pour l'élimination de règlements, il vaut la peine de marquer un temps d'arrêt pour s'assurer que tout nouveau règlement donne les résultats attendus et vise de nouveaux secteurs de l'économie. C'est logique. Nous demandons au comité sénatorial de faire en sorte que toute recommandation concernant de nouvelles exigences en matière de déclarations tienne compte de l'objectif gouvernemental maintes fois réaffirmé d'alléger les formalités administratives.

Je le répète, la CADA est disposée à collaborer avec le comité et avec le gouvernement pour faire la vie dure aux organisations criminelles. Nos réalisations à cet égard en témoignent et elles ne se démentiront pas.

Merci de m'avoir accordé du temps, et je serai très heureux de répondre à vos questions tout à l'heure.

Jeff Wilcox, gouverneur, Boating Ontario Association : Bonjour, honorables sénateurs. Je suis gouverneur de Boating Ontario. Je possède également deux concessions de bateaux, l'une à Ottawa et l'autre dans la vallée de l'Outaouais. Nous sommes très heureux de venir nous entretenir avec vous et expliquer la position de notre secteur de l'économie.

Boating Ontario, auparavant connu sous le nom d'Ontario Marine Operators Association, est la principale association de navigation de plaisance au Canada. L'association, qui compte près de 600 membres, représente toutes les facettes du marché du nautisme, allant des ports de plaisance et des détaillants jusqu'aux fournisseurs et aux fabricants. Nos membres viennent autant du secteur privé que des municipalités et du grand public.

En 2007, nous avons fait une étude sur les répercussions économiques qui a montré que, lorsque tous les facteurs sont pris en considération, la navigation de plaisance représentait plus de 25 milliards de dollars. L'Ontario comptait pour la moitié de ce total, environ. Le secteur du nautisme crée des milliers d'emplois et rapporte des milliers de dollars au gouvernement. Nous procédons actuellement à une mise à jour de ce rapport; la nouvelle étude est attendue pendant le premier trimestre de 2013.

Au cours de l'exercice achevé le 31 mars 2012, environ 46 000 bateaux neufs et 58 000 bateaux d'occasion ont été vendus au Canada. Depuis la récession de 2008, le marché américain, comme le marché canadien du reste, connaît un grave ralentissement des ventes d'embarcations de plaisance. Sur ce plan, le Canada s'en est un peu mieux tiré que son voisin, les ventes ayant diminué, certes, mais moins qu'aux États-Unis. Les fabricants canadiens ont été touchés durement par les variations du cours du dollar, des taux de rémunération et des coûts gouvernementaux. Bon nombre de fabricants canadiens ont dû cesser leurs activités.

Le segment le plus touché est celui des bateaux de croisière ou des bateaux de plus de 25 pieds. Ce segment a connu des baisses supérieures à 10 p. 100 au cours des cinq dernières années et, tout récemment, le deuxième fabricant en importance annonçait qu'il se retirait de ce secteur en Amérique du Nord.

Un autre important fabricant à abandonner également ce secteur est le fabricant canadien BRP, de Sherbrooke, au Québec. Principal fabricant de bateaux à hydrojet, il vient d'annoncer que le marché, petit et instable, n'est plus assez rentable pour lui.

Le secteur du nautisme connaît toutefois du succès dans la vente de pontons en aluminium, d'un prix abordable et de plus en plus populaires, ce qui lui a permis d'établir des ventes records et d'attirer de nouveaux adeptes.

Tout comme le secteur de l'automobile, nous avons des règlements et des contrôles très rigoureux qui font échec à toute forme de blanchiment de capitaux. Le financement est devenu une part importante de notre activité et il le demeurera à l'avenir. Merci.

Le président suppléant : Merci, monsieur Wilcox.

Pour situer nos échanges d'aujourd'hui, disons que notre mandat consiste à examiner une loi qui a été adoptée en 2000. Nous l'avons examinée une fois déjà, et il s'agit cette fois du deuxième examen. L'objectif du comité est de trouver des moyens d'améliorer le régime existant. Aujourd'hui, dans le cadre de cette recherche d'améliorations, nous sommes heureux de recevoir vos observations et vos idées au cours de la période de questions. Sénateur Massicotte, voulez-vous commencer?

Le sénateur Massicotte : Bien sûr. Je ne demande pas mieux. La question qui suit s'adresse aux trois témoins. Vous dites tous que les transactions en numéraire sont extrêmement rares. Dans le secteur de l'automobile, elles représentent de 2 à 5 p. 100, et vous dites qu'elles sont exceptionnellement rares. Il s'agit d'opérations en liquide, mais ce qui nous intéresse ici, ce sont les opérations de plus de 10 000 $ en numéraire et non par carte de crédit. S'agit-il de 2 ou de 5 p. 100?

M. Gauthier : Dans notre cas, c'est moins de 2 p. 100.

Le sénateur Massicotte : C'est beaucoup, si on pense qu'il faut venir avec une petite boîte contenant 10 000 $ en billets, puisque nous n'imprimons plus de billets de 1 000 $. Que dites-vous, lorsque quelqu'un paie de cette manière? Je sais bien qu'il y a la banque et que vous avez le transfert du titre de propriété, mais, à moins d'obtenir des renseignements sur le client, de demander une pièce d'identité et de vérifier auprès de la banque, que faites-vous? De toute évidence, vous devez immédiatement avoir des soupçons lorsque quelqu'un se présente avec 10 000 $ en liquide.

M. Gauthier : Les renseignements sont abondants. D'abord, chez le concessionnaire, on ne peut même pas faire l'essai d'une voiture sans produire son permis de conduire, par exemple. On ne peut même pas faire un essai sur route et, a fortiori, on ne peut acheter un véhicule. Les renseignements sont plutôt nombreux.

Le point important, c'est que, une fois le véhicule vendu, l'argent est déposé à la banque. De nos jours, beaucoup de concessionnaires ont l'impression d'être réglementés et ils se comportent comme s'ils l'étaient. Comme elle est tenue de déclarer ce type de transaction en numéraire, la banque renvoie automatiquement ces obligations au niveau du concessionnaire. Ce dernier applique alors le même processus d'identification rigoureuse que la banque.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien la réglementation en place, la banque reçoit l'argent liquide et doit ensuite faire une déclaration disant qu'elle a reçu tel montant de telle personne. C'est tout. À la question de savoir d'où est venu l'argent liquide, elle répondra : du concessionnaire. Mais elle ne saura pas de quel client est venu cet argent liquide.

M. Gauthier : À l'heure actuelle, les banques demandent ce renseignement aux concessionnaires.

Le sénateur Massicotte : Dans tous les cas?

M. Gauthier : Oui, si le seuil à partir duquel elles doivent faire une déclaration est dépassé.

Le sénateur Massicotte : Supposons qu'un client dise qu'il n'a pas besoin d'essayer le véhicule et qu'il va l'acheter. Quels renseignements obtenez-vous de l'acheteur qui paie en liquide?

M. Gauthier : Tous les renseignements. L'essai de conduite n'était qu'un exemple pour illustrer la rigueur du contrôle chez le concessionnaire. Je ne voulais pas laisser entendre que la situation est telle qu'elle est et qu'il faut s'en tenir là. Les renseignements que le concessionnaire obtient, c'est tout ce qui se rapporte au client parce que, en fin de compte, il y a les facteurs de l'assurance qui jouent. Quant aux banques, j'en ai parlé tout à l'heure : ces transactions doivent être déclarées à l'institution financière, et celle-ci fait une vérification rigoureuse de la solvabilité. Elle sait même où le client travaille.

Le sénateur Massicotte : Et si le véhicule est payé entièrement en argent liquide?

M. Gauthier : Dans ce cas, l'institution financière n'aurait probablement pas à vérifier la solvabilité, mais il faudrait certainement connaître le conducteur du véhicule, voir son permis de conduire, savoir qui est l'assureur et quels sont l'adresse du client et son numéro d'assurance sociale.

Le sénateur Massicotte : Pourquoi?

M. Gauthier : Pour les plaques et l'enregistrement de la garantie. Je dirais que de 80 à 90 p. 100 des clients achètent des accessoires et des garanties prolongées. Tout cela doit être enregistré chez le concessionnaire, et les renseignements sont transmis aux divers assureurs ou réassureurs. On ne va pas comme ça chez un concessionnaire pour repartir aussitôt avec une voiture.

Le sénateur Massicotte : Si vous avez ces renseignements, trouvez-vous déplaisant de devoir faire savoir au CANAFE que vous avez reçu 10 000 $ en argent liquide?

M. Gauthier : Certainement pas. Comme je l'ai dit dans ma déclaration d'ouverture, je suis ici pour travailler avec vous, et c'est ce que nous voulons faire. Nous avons de longs états de service. Nous avons collaboré avec le ministre de la Justice à l'élaboration de la nouvelle loi sévère sur les véhicules volés qui a été mise en application l'an dernier, et le gouvernement nous a félicités de l'aide que nous avons apportée à cet égard.

Je le répète, le point que nous essayons de faire ressortir, c'est qu'il y a fort peu de transactions de cette nature qui se font chez les concessionnaires. C'est tout.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Gibbs, vous avez parlé du marché de l'art, que vous connaissez vraiment bien, puisque vous y occupez une place dominante. Vous nous avez donné beaucoup d'information sur votre situation, où vous vous occupez d'œuvres extrêmement rares, par exemple.

Dans votre cas, étant donné votre réputation et l'importance du marché, vous avez une réputation importante à protéger. Vous recueillez donc beaucoup d'information sur quiconque fait des acquisitions avec de l'argent liquide. Je soupçonne toutefois qu'il y a dans votre secteur des gens qui sont moins attentifs ou qui ont une éthique plus élastique que la vôtre. J'ai lu des articles à ce sujet dans les journaux. Ne serait-ce pas un bon moyen de blanchir des capitaux que de trouver quelqu'un de plus souple que vous et de recycler de l'argent en achetant des œuvres d'art? Ce sont des produits, et on peut les revendre ensuite.

M. Gibbs : Si vous voulez parler de transactions de plus de 10 000 $, je dois dire qu'il ne doit pas y avoir beaucoup d'autres maisons de vente aux enchères qui proposent des peintures de plus de 10 000 $.

Le sénateur Massicotte : Et parmi les marchands?

M. Gibbs : Si vous voulez parler des marchands d'art, là encore ceux qui s'occupent sur le marché secondaire d'œuvres de plus de 10 000 $ sont rares.

Vous avez peut-être communiqué avec l'AMAC, l'association professionnelle des marchands d'art. C'est probablement avec elle que vous pourriez discuter de cette question.

De ce côté-là, les possibilités sont peut-être plus grandes que dans les ventes aux enchères, où règne une grande transparence. Si un marchand a l'occasion de vendre une peinture pour de l'argent liquide, si c'est bien de cela qu'il s'agit, je suis sûr que cette possibilité-là existe. Si vous voulez discuter de ces possibilités, c'est à l'Association des marchands d'art du Canada que vous devriez vous adresser plutôt qu'aux maisons de vente aux enchères.

Le président suppléant : Je me permets d'intervenir. Nous avons approché cette association.

Mme Reynolds : Elle enverra un mémoire.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Wilcox, dans votre mémoire, vous ne nous donnez aucune information à ce sujet. Arrive-t-il que des gros bateaux soient achetés avec de l'argent liquide?

M. Wilcox : Notre secteur ressemble beaucoup à celui de l'automobile en ce sens qu'il est lourdement encadré par une réglementation. Les transactions en liquide sont minimes, étant donné l'importance du financement qui permet l'acquisition de nos produits de nos jours. La plupart de nos produits se situent dans une fourchette qui va de 10 000 $ à beaucoup plus qu'un million de dollars. Moins de 2 p. 100? Oui. Nous ne sommes peut-être pas aussi réglementés que le secteur de l'automobile. En ce qui concerne ce type de transaction, nous n'avons pas de chiffre exact. Tout comme le secteur de l'automobile, nous devons aussi déclarer les transactions de plus de 10 000 $. De plus, nous transférons les titres de propriété aux clients; nous devons donc connaître leur identité, que la transaction soit de 10 000 $ ou inférieure à ce montant. Nous transférons tous les enregistrements au nom du client, conformément à la législation canadienne. Nous connaissons l'identité du client bien avant d'en arriver à une transaction en argent liquide.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que vous déclarez déjà les transactions en argent liquide supérieures à 10 000 $. Est-ce le cas? Présentez-vous une déclaration au CANAFE?

M. Wilcox : À nos banques, qui nous demandent la même chose qu'au secteur de l'automobile. Nous avons dans nos dossiers l'identité du client.

Le sénateur Massicotte : Quel pourcentage des bateaux de plus de 10 000 $ sont achetés à crédit ou selon une autre forme de financement?

M. Wilcox : La plupart des concessionnaires disent que le pourcentage se situe entre 65 et 75 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Par conséquent, de 25 à 35 p. 100 de vos clients paient comptant.

M. Wilcox : Oui, ils prennent leurs propres dispositions, ils font des traites ou ont recours à d'autres moyens.

Le sénateur Massicotte : S'il vous était demandé de remettre une déclaration au CANAFE pour les transactions en argent liquide de 10 000 $, cela serait-il incommodant pour votre secteur?

M. Wilcox : Pas du tout. La plupart de nos systèmes réglementaires s'appliquent bien à l'intérieur de notre secteur. Cela peut se faire sans aucun problème. Ce n'est pas du tout incommodant.

Le président suppléant : J'ai une question à poser rapidement à M. Gauthier. Vous avez dit dans votre déclaration d'ouverture que le vol organisé de véhicules au Canada était une activité d'un milliard de dollars au Canada. Cette activité pourrait-elle être liée au blanchiment d'argent et aux criminels?

M. Gauthier : Bonne question, sénateur. Comme je n'appartiens pas au monde interlope, je ne suis pas sûr de pouvoir établir un lien entre l'une et l'autre.

Le président suppléant : Vous portez votre moustache de Movember.

M. Gauthier : J'ai voulu la raser, mais ma femme m'a dit : « Après 35 ans, pas question. » Je n'ai donc pas pu manifester mon soutien à cette noble cause.

Le vol de véhicules, et avant tout l'activité d'un milliard de dollars dont nous avons parlé, sert surtout à la revente de pièces au Canada et à l'exportation de véhicules à l'étranger. La nouvelle loi rigoureuse contre le vol de véhicules a donné des pouvoirs supplémentaires aux agents des douanes, par exemple, afin qu'ils puissent vérifier le contenu de conteneurs ouverts dans les cours d'expédition, par exemple.

Le vol permet surtout la revente de véhicules. Les numéros de série sont retirés, et les véhicules sont envoyés dans des pays comme l'Arabie saoudite, par exemple.

Le sénateur Oliver : La question que j'allais poser portait justement sur ce milliard de dollars.

Le président suppléant : Mes excuses.

Le sénateur Oliver : Je vais l'aborder sous un autre angle, si je puis.

Vous avez dit tous les trois que les montants d'argent étaient si faibles, qu'il y avait très peu de possibilités de blanchiment de capitaux. Dans votre texte, vous avez dit que ce qui inquiétait vos membres, c'était la concertation des organisations criminelles pour voler un grand nombre de véhicules à la fois, représentant souvent des millions de dollars. Le taux de vols de véhicules a toujours été beaucoup plus élevé au Canada qu'aux États-Unis, ce qui m'inquiète. Vous dites encore que le vol organisé de véhicules au Canada est une activité d'un milliard de dollars par an. À mon sens, cela relève du crime organisé.

M. Gauthier : C'est ce que c'est.

Le sénateur Oliver : La question que la présidence pose aujourd'hui est celle des moyens à prendre pour améliorer le régime. Que peut faire le secteur de l'automobile pour éviter la perte d'un milliard de dollars qu'on accuse au Canada? Étant donné que le problème est pire au Canada qu'aux États-Unis, que font les Américains pour atténuer le problème chez eux?

M. Gauthier : Excellente question. Évidemment, je ne peux rien dire de ce qui se passe au sud de la frontière. Quant à ce qui se passe au Canada, nous croyons que la nouvelle loi mise en place l'an dernier ou il y a un an et demi a été un excellent progrès. Elle a criminalisé le vol de véhicules. Par le passé, le vol d'un véhicule n'aurait peut-être pas été considéré comme appartenant à la même catégorie que les vols de moins de 5 000 $. Aujourd'hui, même la modification des numéros de série est considérée comme un acte criminel passible d'une peine d'emprisonnement. Aujourd'hui, quelqu'un qui est surpris à voler des véhicules à répétition, même si ce n'est que pour faire une balade, séjournera en prison. Nous croyons que cette loi va limiter cette activité criminelle.

Les concessionnaires et les sociétés d'assurance collaborent également afin de mieux sécuriser les terrains des concessionnaires que par le passé. Dans notre secteur, nous entendons beaucoup parler de l'imagerie; les fabricants insistent pour que les concessionnaires et les réseaux renforcent la sécurité de leurs installations. Les sociétés d'assurance insistent aussi sur des éléments comme les clôtures, les systèmes de surveillance, les caméras, les chiens de garde et tout le reste pour assurer les biens des concessionnaires. Par le passé, les assureurs n'insistaient pas autant là- dessus.

Par le passé, il y a eu un effort concerté de notre secteur pour collaborer avec le gouvernement à la lutte contre cette activité criminelle, et tout le monde y a mis du sien. Il est probable que, d'ici cinq à dix ans, cette activité reculera considérablement.

Le sénateur Oliver : Mis à part les caméras, les clôtures, les chiens et tout le reste, que pouvez-vous conseiller au comité de recommander pour améliorer le système?

M. Gauthier : Étant donné que je comparais pour répondre à vos questions sur les activités relatives au blanchiment de capitaux, je ne vois pas très bien ce que je pourrais recommander pour l'instant afin de dissiper vos préoccupations. Je connais mon secteur d'activité, mais celui de ces autres messieurs ne m'est pas du tout familier.

Dans le secteur de l'automobile, le montant moyen de la transaction se situe entre 20 000 $ et 25 000 $. Je n'ai pas la mentalité d'un criminel, mais si je voulais blanchir de l'argent, je serais porté à me demander si je veux le faire à coups de 20 000 $, quitte à faire 10 ou 15 transactions, ce qui alerterait automatiquement l'institution financière. Les institutions financières essaieront de voir si quelqu'un achète des véhicules à répétition. Si quelqu'un en achète quatre, cinq, six ou sept en l'espace d'un an, l'institution financière le remarquera immédiatement, à moins qu'il ne s'agisse de l'acheteur d'un parc, et alors il s'agirait d'une grande entreprise comme Bell, ce qui n'éveillerait sans doute pas de soupçons au CANAFE.

Si on veut blanchir des capitaux, autant s'y prendre d'une manière qui permettra d'en blanchir un bon montant comme 400 000 $ ou 500 000 $ à la fois, plutôt que de faire des transactions répétées de 20 000 $. Je sais que cela ne se fait pas. Dans notre secteur, il n'y a pas de transactions de 300 000 $. Je ne tiens vraiment pas à pointer d'autres secteurs du doigt, mais il se peut que celui de la construction et des rénovations soit plus intéressant. Il a besoin de montants considérables.

Le sénateur Oliver : Vous avez dit que, dans le secteur de l'automobile, la plupart des clients financent l'achat ou louent le véhicule. Si quelqu'un se présente chez l'un de vos concessionnaires avec un chèque personnel de 150 000 $ pour acheter un véhicule, est-ce que cela déclenche l'alarme? Peut-être l'argent a-t-il été mis dans un compte pour le blanchir?

M. Gauthier : Il y aurait une ou deux sonnettes d'alarme. D'abord, il faudrait que ce soit une voiture assez luxueuse, puisque la transaction moyenne se situe entre 20 000 $ et 25 000 $. Si on considère le taux de pénétration du marché pour ce type de véhicule par rapport aux 1,7 million de voitures et de camions qui se vendent au Canada, il serait probablement inférieur à 1 p. 100.

Deuxièmement, l'importance du montant suffirait à attirer automatiquement l'attention de la banque, qui nous demanderait immédiatement des renseignements sur l'acheteur.

Il y a beaucoup de mécanismes intégrés qui sont liés au montant de la transaction. Comme je l'ai dit au sénateur Massicotte tout à l'heure, un certain nombre d'intervenants sont en cause. La transaction est rigoureusement scrutée. L'institution financière pose des questions et l'assureur aussi. Les entreprises du marché secondaire poseraient des questions, tout comme celles qui offrent la garantie secondaire, la protection antirouille, et tout le reste. Bien des gens auraient besoin de connaître tous les détails de la transaction.

Je ne suis pas sûr que celui qui tient à rester discret veuille faire une transaction qui est examinée d'aussi près par autant de monde.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que la banque remarquera la transaction. Je présume que la plupart des marchands de voitures font un dépôt par jour, n'est-ce pas?

M. Gauthier : Oui, une fois par jour.

Le sénateur Massicotte : Je suppose que la plupart des acheteurs font un versement d'environ 2 000 $ à l'achat de la voiture. Vous devez déposer au moins 50 000 $ ou 100 000 $ par jour en argent liquide. Combien de voitures par jour la plupart des concessionnaires vendent-ils?

M. Gauthier : Contrairement à ce qu'on croit généralement, un concessionnaire qui vend cinq voitures aura fait une très bonne journée.

Le sénateur Massicotte : Par conséquent, il doit y avoir chaque jour un dépôt qui peut atteindre les 30 000 $?

M. Gauthier : Il y a très peu d'argent liquide en cause. À la différence de ce que dit mon collègue du secteur du nautisme, le taux de pénétration des services financiers dans notre secteur se situe entre 90 et 95 p. 100.

Le sénateur Massicotte : Vous dites que, si vous déposez 15 000 $ à la banque à la fin de la journée, elle s'inquiète aussitôt?

M. Gauthier : En argent liquide, oui, mais il faudrait que cela concerne une seule transaction.

Le sénateur Massicotte : Quand vous remplissez votre bordereau, elle ne sait pas s'il s'agit d'une seule transaction ou d'une dizaine. Vous dites qu'elle va le remarquer. Je n'en suis pas sûr. Je n'ai pas la certitude qu'un dépôt de 50 000 $ au bout d'une pleine journée chez un concessionnaire qui vend de 20 à 25 voitures par jour va déclencher une sonnette d'alarme.

M. Gauthier : Je crois comprendre que la loi exige que les banques doivent poser des questions sur tout dépôt de 10 000 $ et plus. Elles remontent à la source.

Le sénateur Massicotte : La source, c'est vous, lorsque vous faites un dépôt. Elles doivent déclarer qu'elles ont reçu de l'argent de tel ou tel concessionnaire.

M. Gauthier : Et, de palier en palier, on en arrive à la transaction même.

Le président suppléant : Monsieur Gauthier, dites-nous combien de véhicules par année peuvent vendre un petit, un moyen et un grand concessionnaire. Nous pourrons établir un rapport avec le potentiel quotidien, ce qui nous ramène à la question du sénateur Massicotte.

M. Gauthier : Au Canada, le concessionnaire moyen vend moins de 400 voitures par année. D'après notre dernier examen annuel, la moyenne est de 386.

Le président suppléant : Et le concessionnaire le plus important en vend combien?

M. Gauthier : Les plus importants doivent en vendre environ 650 par année en moyenne.

Le président suppléant : Cela comprend la vente et la location?

M. Gauthier : C'est exact, la vente et la location. Nous déclarons et suivons toutes les transactions de vente au détail. Vente ou location, c'est donc la même chose. Les chiffres sont publiés dans notre examen annuel.

Le président suppléant : Monsieur Gibbs, pour poursuivre dans la même voie que le sénateur Oliver, dans quel type de circonstances les maisons de mise aux enchères et les marchands d'œuvres d'art pourraient-ils offrir des occasions de blanchir des capitaux? Je ne vous demande pas de vous transformer en criminel. Ce qui nous intéresse, c'est votre connaissance de votre champ d'activité. Dans votre mémoire, vous énoncez les valeurs et les normes de votre activité. La première question qui vient à l'esprit est la suivante : tout le monde a-t-il les mêmes valeurs et les mêmes normes que vous? Dans l'ensemble de votre secteur, peut-on percevoir des éléments qui permettent de dire que le blanchiment de capitaux est possible?

M. Gibbs : Dans les maisons de vente aux enchères haut de gamme, on n'utilise pas d'argent liquide pour acheter des œuvres d'art. Je suis sûr que cette affirmation vaut pour les cinq plus grandes maisons au Canada, qui assurent la quasi-totalité des ventes d'objets d'art. Si on suppose qu'il n'y a pas de blanchiment d'argent lorsqu'un client paie en liquide à une maison de vente aux enchères, je suppose qu'il faut revenir en arrière et voir si les gens paient en liquide une peinture qui est ensuite vendue par l'entremise d'une maison de vente aux enchères.

Dans ma déclaration du début, j'ai expliqué assez clairement que, étant donné que nous connaissons très bien les vendeurs, il est très simple de voir si quelqu'un est entièrement honnête au sujet de la provenance de la peinture.

Disons toutefois que, si ce n'était pas le cas et si quelqu'un avait acheté une peinture avec de l'argent liquide, soit à un particulier, soit à un marchand, et la faisait ensuite vendre par une maison de vente aux enchères pour 100 000 $, ce serait à mon avis la seule manière de blanchir de l'argent.

Combien de gens peuvent vendre une peinture pour 50 000 $? Cela éveillerait des soupçons. Il est possible que des particuliers vendent des peintures de 50 000 $ à un intermédiaire qui les vendrait ensuite par l'entremise d'une maison de vente aux enchères pour obtenir de cette maison un chèque tout à fait légal. Il est peu probable qu'ils les vendraient par l'entremise de Heffel ou d'autres grandes maisons puisque, à mon avis, tout si passe de façon très transparente. Les transactions seraient contrôlées s'il y avait un problème ou si la personne était soupçonnée de tractations louches

Le sénateur Oliver : Vous avez dit que vous saviez qui étaient vos acheteurs et vos vendeurs, mais je serais porté à penser qu'un certain nombre de grandes personnalités canadiennes n'achètent pas directement, mais préfèrent avoir recours à des agents professionnels pour négocier et acheter en leur nom. Si tel est le cas, quel travail, quelle surveillance faites-vous à l'égard de ces agents?

M. Gibbs : Vous serez étonné d'apprendre que les grands noms font eux-mêmes leurs acquisitions, à l'exception de deux ou trois grands marchands qui agissent au nom d'une dizaine de clients. Et nous connaissons non seulement le client, mais aussi les marchands.

Il y a là un semblant de possibilité, mais les gens qui achètent des peintures de 50 000 $, de 100 000 $ ou d'un million de dollars sont très bien établis sur le marché des œuvres d'art. Ils savent ce qu'ils font. Il est très difficile de s'immiscer dans ce milieu comme intermédiaire corrompu.

Le sénateur Ringuette : Voici la première question que j'ai à vous poser à tous les trois, messieurs : au cours des cinq dernières années, vous a-t-on demandé de participer à une enquête sur le blanchiment de capitaux ou vous a-t-on demandé des renseignements à ce propos?

M. Gibbs : Pour ma part, certainement pas.

M. Gauthier : Que je sache, cela n'a été demandé à personne.

M. Wilcox : Je ne suis au courant de rien de tel.

Le sénateur Ringuette : Ma deuxième question s'adresse à MM. Gauthier et Wilcox. Vous avez beaucoup insisté sur le fait que la banque suit de près vos activités parce qu'elle finance votre inventaire. Que se passerait-il si quelqu'un qui a une voiture ou un bateau de luxe se présentait à un concessionnaire et disait : « Écoutez, il me faut de l'argent liquide. Je vous donnerai une commission. Le produit n'a pas à se trouver dans l'inventaire »?

J'imagine que ce genre de chose peut se produire. Est-ce fréquent? Actuellement, il n'existe aucun mécanisme qui permette à vos organisations d'avertir un organisme d'enquête de ce qui s'est produit.

Le président suppléant : Votre question, sénateur?

Le sénateur Ringuette : Oui ou non?

M. Wilcox : Vous demandez si nous acceptons des produits à revendre contre de l'argent liquide, sans pièce d'identité, par exemple? Nous avons dans le secteur nautique un système de courtage grâce auquel nous pouvons accepter des produits de particuliers pour les revendre par l'entremise de nos courtiers, dont la plupart sont enregistrés auprès de l'ABYC, l'American Boat Yachting Corporation. Celle-ci a une série précise de lignes directrices sur le courtage de bateaux qui exigent qu'on remonte à la propriété des bateaux existants.

Il faut que le client soit propriétaire non seulement du bateau, mais aussi de la remorque, car nous devons avoir en main deux pièces d'identification distinctes pour le produit. La remorque est enregistrée dans la province d'origine et le bateau est enregistré auprès du gouvernement fédéral. Il faut donc deux pièces d'identification. Lorsque le produit est revendu, c'est souvent par l'entremise d'une institution financière, qui demandera aussi l'identité de l'acheteur.

Le sénateur Ringuette : Je comprends que vous avez l'identité ou la prétendue identité de la personne, mais vous ne signaleriez pas à un organisme d'enquête des faits qui semblent anormaux.

M. Wilcox : Vous demandez si le marchand achète le produit au client avant la revente ou s'il le revend pour son compte?

Le sénateur Ringuette : D'une façon ou de l'autre, il s'agirait d'une transaction en espèces et le montant ne serait pas nécessairement déposé à l'institution bancaire, et le produit ne serait pas porté à votre inventaire non plus.

M. Wilcox : Il est certain que le marchand qui agit comme courtier n'inscrira pas le produit dans son inventaire. Quant à la documentation, elle doit tout de même être là et être complète.

Le sénateur Ringuette : Je comprends. Le minimum est d'avoir la documentation et l'identité de la personne, mais rien n'oblige votre association, pour l'instant, à signaler cette activité. Nous parlons ici d'une situation de risque. En ce moment, la loi n'oblige pas votre organisation à évaluer le risque et, s'il y a risque, à le signaler à un organisme comme le CANAFE, la GRC ou quelque autre organisme.

Dans le secteur nautique, le courtage est payé par commission. Il n'y a aucun inventaire de l'institution financière, par exemple. Je suppose qu'il y a quelque chose d'un peu semblable dans le cas des concessionnaires de voitures.

M. Gauthier : En toute déférence, sénateur, je ne suis pas d'accord. La source de l'inventaire des produits de nos concessionnaires, c'est uniquement le fabricant de véhicules, par exemple Toyota, Honda et General Motors. Dans notre secteur, les concessionnaires ne jouent pas le rôle de courtier. La plupart des consommateurs qui veulent se départir de leur véhicule le vendent par leurs propres moyens, mais les concessionnaires ne jouent pas le rôle de courtier. Pas dans notre secteur.

Si je peux me permettre — car cela peut se rapporter en partie au point auquel vous vouliez en venir et je voudrais peut-être revenir aussi à la question du sénateur Oliver au sujet de mes recommandations —, je dirai qu'un point de vente de véhicules qui passe totalement inaperçu actuellement et échappe à toute réglementation est ce que nous appelons dans notre secteur les courtiers et les revendeurs à la sauvette. Ce sont des gens qui se présentent comme des particuliers qui ont un véhicule à vendre, mais au fond, il s'agit d'une activité commerciale. Ce sont de tout petits marchands de voitures, mais qui échappent à toute réglementation et travaillent habituellement à partir de leur maison privée. Ils n'ont pas de permis les autorisant à vendre des produits. Comme je l'ai dit, ils annoncent une voiture à la fois dans un journal local, et ils se présentent comme des particuliers qui ont un véhicule à vendre.

Évidemment, comme il s'agit d'une entité non réglementée, sans infrastructure, souvent constituée d'une seule personne, il n'y a pas de frais généraux. Bien entendu, ce type de transaction ne nécessite aucune disposition pour le financement. Il n'y a pas d'inventaire à financer. Le secteur de l'automobile a besoin de beaucoup d'argent. Je présume que la plupart des transactions de ces revendeurs à la sauvette, non réglementés, doivent se faire en liquide.

Sénateur Oliver, si, avec le recul, je devais vous conseiller un secteur que vous souhaiteriez peut-être examiner de plus près, je dirais sans doute que c'est celui de ces revendeurs individuels. Mais ce sera difficile. Ils ne sont pas organisés et ils n'ont pas d'associations ou organismes pour les représenter. En somme, ils mènent leur activité en marge de la légalité. Par exemple, ils ne sont pas réglementés par le Conseil ontarien de commerce des véhicules automobiles ou l'organisme équivalent en Alberta ou en Colombie-Britannique.

Quant à votre question, sénateur Ringuette, je dirai que nos marchands ne jouent pas le rôle de courtier, normalement. Ils ne prennent pas de véhicules en consignation. Cela va à l'encontre de leurs intérêts. Les concessionnaires cherchent à toute force à faire rouler leur inventaire. On peut avoir un inventaire de 4, 5, 6 ou 7 millions de dollars. Qui plus est, à cause du mouvement actuel de regroupement des concessionnaires, il y a des inventaires qui peuvent atteindre les 15 ou 20 millions de dollars sur lesquels il faut chaque jour payer des intérêts. Les intérêts peuvent atteindre les 250 ou 300 $ par jour sur certains véhicules, selon le coût de chacun. Toute l'attention des concessionnaires se concentre sur le roulement de l'inventaire. Ils peuvent se passer d'avoir des véhicules en consignation, si je peux me permettre ce terme, sur leurs terrains et de demander à leurs vendeurs de s'en occuper alors qu'il faut faire rouler leur propre inventaire. Notre travail est complètement axé sur un roulement de 30 ou 60 jours. Dès qu'un véhicule est en inventaire depuis 90 à 120 jours, il fait l'objet d'une attention intense de la part des concessionnaires et du personnel de gestion des ventes.

Je comprends ce qui vous préoccupe, mais ce n'est pas une chose courante dans notre industrie.

Le sénateur Tkachuk : J'ai quelques questions à poser à M. Gibbs.

Recevez-vous des chèques de l'étranger en paiement?

M. Gibbs : Oui. La plupart des paiements que nous recevons sont des virements bancaires. Nous recevons des paiements de l'étranger, mais pour des achats qui sont faits à l'étranger. Lorsque nous vendons des peintures de l'étranger, ce que nous faisons deux fois par année, beaucoup d'acheteurs viennent d'Europe et même de plus loin. Les chèques de l'étranger sont moins probables, mais cela revient sans doute au même.

Le sénateur Tkachuk : Comment assure-t-on le suivi des peintures? En dépit de la facture de loi, de tous les règlements et d'une grande bureaucratie, nous ne retrouvons pas l'argent. C'est le problème que nous avons. À mon avis, l'argent vient probablement de l'étranger, étant donné que les choses sont moins faciles au Canada, et les transactions se font au Mexique, en Amérique du Sud ou ailleurs. Si quelqu'un achète une peinture au Mexique, par exemple ou en Amérique du Sud et l'apporte au Canada, est-ce que la peinture qui vaut un demi-million de dollars est transportée par camion, ou le propriétaire la transporte-t-il lui-même à bord d'un avion?

M. Gibbs : J'ai déjà dû rapporter des peintures d'Angleterre par avion. C'est donc possible. Il faut les déclarer à l'arrivée au Canada, et il faut alors payer la TPS ou, désormais, la TVH.

Le sénateur Tkachuk : Vous déclarez la peinture? Vous dites que vous l'avez achetée ailleurs?

M. Gibbs : Oui. Généralement, nous n'achetons pas nous-mêmes des peintures. Nous le faisons pour le compte de clients. C'est donc tout à fait le contraire. Nous agissons toujours comme des courtiers, dans les faits, au lieu de devenir les propriétaires de peintures.

Prenons le cas où j'ai rapporté une peinture de l'Angleterre. C'était une œuvre réalisée au Canada, emportée par un diplomate à Londres, vendue par sa fille 40 ans plus tard, puis rapportée au Canada. Voilà qui est loin d'éveiller des doutes, me semble-t-il.

Supposons qu'un particulier veuille utiliser ce stratagème pour blanchir de l'argent au moyen d'une peinture. Oui, on peut lire sur Internet qu'il est possible d'utiliser un stratagème semblable, je comprends qu'on puisse l'employer dans certains pays où il y a des limites au montant d'argent qu'on peut sortir. On peut alors sortir la peinture et la vendre ensuite à l'étranger. C'est une possibilité. Mais là non plus, ce n'est pas une chose que nous avons vue se produire ou que nous nous attendons à voir un jour. Cela ne nous est pas arrivé, que nous sachions, et je ne crois pas que ce soit une chose normale, utiliser une maison canadienne de vente aux enchères pour blanchir de l'argent.

Le sénateur Tkachuk : Monsieur Gauthier, votre corporation représente-t-elle les vendeurs indépendants de voitures d'occasion?

M. Gauthier : Non, sénateur.

Le sénateur Tkachuk : Y a-t-il une organisation qui les représente?

M. Gauthier : Il y en a une en Ontario.

Le sénateur Tkachuk : Au niveau provincial ou au niveau national?

M. Gauthier : Provincial. Que je sache, il n'y a aucune association nationale qui représente les marchands de voitures d'occasion au niveau national, mais il y en a une en Ontario.

Le sénateur Tkachuk : Ils vendent des véhicules assez coûteux.

M. Gauthier : Cela peut arriver.

Le sénateur Tkachuk : Au moins dans notre ville, je remarque beaucoup plus de voitures haut de gamme sur la route.

M. Gauthier : Les véhicules sont plus durables et leur qualité est supérieure. Il se vend environ 4 millions de véhicules d'occasion au Canada. Notre association ne représente que les vendeurs de véhicules neufs, c'est-à-dire les marchands qui sont concessionnaires d'un fabricant.

Le sénateur Moore : Messieurs, merci d'être parmi nous.

Je voudrais revenir sur la question du sénateur Tkachuk, monsieur Gibbs. Lorsque vous avez rapporté cette peinture au Canada, dans l'exemple que vous avez donné, aux douanes, avez-vous dû déposer ou produire un document d'évaluation établi par un expert?

M. Gibbs : Oui. Il faut présenter un document qui indique la valeur de la peinture, mais c'est seulement pour payer le bon montant de TVH.

Le sénateur Moore : Comment la valeur est-elle établie?

M. Gibbs : D'après la juste valeur marchande, c'est-à-dire une estimation de ce que la peinture rapporterait aux enchères.

Le sénateur Moore : Dans vos catalogues, auxquels je souscris, c'est une fourchette de valeurs qu'on indique. Lorsque vous vous présentez aux douanes, dites-vous : « Elle peut valoir 20 000 $, mais nous pourrions en tirer 30 000 $, nous ne savons pas »? Avez-vous une évaluation écrite établie par un expert compétent de Londres ou du Canada?

M. Gibbs : Oui. La juste valeur marchande est un chiffre unique. L'estimation en vue des enchères est une estimation prudente du prix de vente attendu. Disons que le catalogue indique une estimation de 50 000 $ à 80 000 $. Il se peut fort bien que nous nous attendions à ce que la peinture se vende à 80 000 $. Par conséquent, la juste valeur marchande serait de 80 000 $. Dans le cas de cette peinture, je crois me souvenir que la juste valeur marchande qui a été déclarée a été légèrement supérieure au prix de vente effectif.

Le sénateur Moore : Je voudrais savoir comment la juste valeur marchande est établie. Est-ce simplement un document que Heffel présente?

M. Gibbs : Oui.

Le sénateur Moore : Et pas un document produit par un expert de Londres?

M. Gibbs : Non.

Le sénateur Moore : Faute de connaissance du marché?

M. Gibbs : Effectivement. Les experts londoniens ne connaîtraient rien au marché. C'est nous qui établissons la valeur. Si un particulier faisait la même chose, il se pourrait bien qu'il communique avec nous ou avec d'autres experts et demande : « Quelle valeur est-ce que je dois déclarer pour être honnête? »

Le sénateur Moore : La peinture est-elle retirée de son cadre et roulée ou bien est-elle transportée avec son cadre?

M. Gibbs : Dans ce cas-ci, la peinture était dans son cadre et elle a été mise dans une valise placée dans le compartiment du pilote. J'ai dit au personnel d'Air Canada : « Je préfère prendre ce bagage dans la cabine plutôt que de courir le risque de le placer dans la soute. » Il a été heureux de prendre ces dispositions, à plus forte raison lorsque je lui ai révélé la valeur de l'œuvre.

Le sénateur Moore : Monsieur Gauthier, permettez-moi d'en revenir à la question que le sénateur Oliver vous a posée. Le taux de vols de véhicules a toujours été plus élevé au Canada qu'aux États-Unis. Vous avez dit que ces vols représentaient environ un milliard de dollars au Canada. Quels sont les chiffres pour les États-Unis? Le savez-vous?

M. Gauthier : Je ne suis pas au courant des chiffres précis, sénateur, mais je crois que le Bureau d'assurance du Canada, association des assureurs, en a fait état. On dit qu'il y a toujours eu plus de vols de voitures au Canada qu'aux États-Unis, mais c'est par habitant. Il s'agit du nombre de véhicules volés par rapport à la population du Canada ou par rapport à celle des États-Unis.

Ce n'est peut-être que conjecture, mais je soupçonne que cela doit tenir au fait que nous avions au Canada des lois moins rigoureuses et beaucoup moins de surveillance dans les cours d'expédition et aux douanes avant la nouvelle loi plus rigoureuse qui est actuellement en place.

Le sénateur Moore : Quand vous parlez de taux de vols, vous voulez parler du nombre de véhicules par habitant, en comparant le Canada et les États-Unis?

M. Gauthier : C'est exact.

Le sénateur Moore : Il me semble curieux que vous disiez que vous ne savez pas comment les choses se passent aux États-Unis ni comment les Américains s'y prennent pour avoir moins de vols. Ne discutez-vous pas avec vos collègues aux États-Unis, et ne leur demandez-vous pas comment ils s'y prennent pour prévenir le crime? Ce n'est pas une démarche que vous faites?

M. Gauthier : Non. Il y a une organisation semblable à la nôtre aux États-Unis, NADA, mais jusqu'ici, nos communications n'ont pas porté là-dessus. Cela n'a pas été un centre d'intérêt.

Le sénateur Moore : Un milliard de dollars retiendrait mon attention.

M. Gauthier : Bien sûr. La Corporation des associations de détaillants d'automobiles cherche à aider ses membres à prévenir les vols de véhicules sur les terrains de leur commerce.

Le sénateur Moore : Je sais, mais les Américains n'auraient-ils pas quelques idées qui vous seraient utiles? C'est tout ce que je me demandais.

Le président suppléant : Monsieur Gauthier, si vous pouviez nous communiquer les données que le sénateur vous a demandées, ce serait utile à notre comité, car cela nous donnerait une idée de la portée du phénomène.

M. Gauthier : Nous allons le faire, sénateur.

Le président suppléant : Ce serait très utile.

M. Gauthier : Merci de votre question.

Le président suppléant : Il nous reste environ une minute. Y aurait-il un dernier mot que vous voudriez nous laisser, tous les trois, pour nous aider dans notre examen de la loi? Il faut toutefois s'en tenir à une trentaine de secondes. C'est donc une intervention éclair. Monsieur Gibbs, un dernier message?

M. Gibbs : Je vous suis reconnaissant de m'avoir invité. Du fond du cœur, je suis convaincu que le secteur des ventes aux enchères, notamment dans le domaine artistique, n'est pas favorable au blanchiment d'argent, étant donné que le processus est tout à fait transparent. Quant à l'utilisation des œuvres d'art pour blanchir de l'argent, il semble que cela se soit fait, d'après ce que vous avez lu sur Internet, mais il me semble peu probable que cela se passe dans notre secteur.

Le président suppléant : Merci. Monsieur Gauthier?

M. Gauthier : Merci à vous tous de m'avoir permis de témoigner. S'il est un message que je voudrais vous laisser, c'est que la Corporation des associations de détaillants d'automobiles ne demande pas mieux que de travailler avec vous, de coopérer avec vous pour toute initiative que vous voudriez prendre.

J'ai voulu souligner aujourd'hui que, dans notre secteur, étant donné la nature de l'activité et le caractère concurrentiel du financement, il y a peu de transactions en argent liquide. Si vous recherchez le maximum d'efficience dans la lutte contre le blanchiment d'argent, il y a d'autres domaines où vous obtiendriez probablement de meilleurs résultats, mais nous collaborerons avec vous de la façon qui vous conviendra.

Le président suppléant : Merci, monsieur Gauthier. Monsieur Wilcox?

M. Wilcox : Je suis d'accord avec M. Gauthier. Notre organisation a peu d'expérience, si on la compare au secteur de l'automobile. Nous faisons des efforts pour amener tout le monde à suivre nos lignes directrices, et nous obtenons des résultats. Notre secteur se tire bien d'affaire si on le compare à beaucoup d'autres. Nous sommes parfaitement disposés à collaborer avec le comité de la façon qui lui conviendra. Merci.

Le président suppléant : Merci beaucoup. Messieurs, nous vous savons gré de votre témoignage d'aujourd'hui et de votre volonté de nous aider.

À notre prochaine réunion, le mercredi 5 décembre, nous allons examiner le projet de rapport sur le blanchiment d'argent, que vous recevrez à vos bureaux lundi après-midi.

Le jeudi 6 décembre, nous accueillerons Gérald Cossette, le nouveau dirigeant du CANAFE.

Voilà le programme de la semaine prochaine. Merci à vous tous d'avoir été là. Je lève la séance.

(La séance est levée.)


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