Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 32 - Témoignages du 18 avril 2013


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi S-17, Loi mettant en œuvre des conventions, des protocoles, des accords, un avenant et une convention complémentaire conclue entre le Canada et la Namibie, la Serbie, la Pologne, Hong Kong, le Luxembourg et la Suisse en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale en matière d'impôts, se réunit aujourd'hui, à 10 heures, afin d'étudier ce projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue à la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce.

Ce matin, notre comité amorcera son étude du projet de loi S-17, la Loi de 2013 pour la mise en œuvre de conventions fiscales. L'adoption de ce projet de loi a pour but de mettre en œuvre quatre conventions fiscales que le Canada a conclues récemment avec la Namibie, la Serbie, la Pologne et Hong Kong. Cette adoption permettra également d'apporter des amendements aux dispositions relatives à l'échange de renseignements à des fins fiscales qui figurent dans les conventions fiscales que le Canada a conclues avec le Luxembourg et la Suisse.

Aujourd'hui, nous sommes heureux de souhaiter la bienvenue à l'honorable Ted Menzies, ministre d'État (Finances). Il est accompagné par Ted Cook, chef principal, Législation, Division de la législation de l'impôt, et par Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales.

Chers sénateurs, M. Menzies ne peut pas rester pendant toute la séance, mais on m'a assuré que ses représentants pouvaient le faire.

L'honorable Ted Menzies, C. P., député, ministre d'État (Finances) : Merci beaucoup. Vous avez absolument raison. Ces deux messieurs seront en mesure de répondre aux questions techniques relatives à ce qui constitue une très importante mesure législative et, compte tenu du nombre de personnes qui participent à la séance ce matin, je peux constater que les sénateurs en ont conscience. Je suis ravi d'être ici. Je vais être très concis, afin de permettre aux membres du comité de me poser des questions pendant ma brève comparution. Je suis désolé, mais ma présence est également requise ailleurs ce matin.

Avant de commencer, j'aimerais remercier le président, le vice-président et tous les membres du comité d'avoir accepté d'entreprendre l'examen parlementaire de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes en 2012. Le comité a déposé récemment un rapport détaillé dans lequel figurent d'importantes recommandations qui guideront les mesures que le gouvernement prendra dans les mois ou les années à venir pour surveiller les transactions suspectes et combattre le terrorisme international et le crime organisé.

Je suis heureux de constater que le comité porte maintenant son intention sur le projet de loi dont nous sommes saisis, à savoir la Loi pour la mise en œuvre de conventions fiscales. Bien que la mesure législative soit très technique et traite d'un vaste éventail de pays et d'enjeux, les nouvelles initiatives liées au projet de loi S-17 se situent dans le prolongement de l'engagement que notre gouvernement a pris depuis longtemps de maintenir les impôts à des niveaux acceptables. Par exemple, depuis 2006, nous avons mis en œuvre plus de 150 mesures d'allégement fiscal pour aider les sociétés, les particuliers et les familles du Canada. Par conséquent, une famille moyenne de quatre personnes a maintenant 3 200 $ de plus dans ses poches par année. Ces réductions d'impôt donnent aux familles et aux particuliers une plus grande marge de manœuvre quant aux choix qu'ils peuvent faire pour améliorer leur situation. De plus, elles contribuent à jeter les assises requises pour assurer la croissance économique du Canada, créer plus d'emplois pour les Canadiens et rehausser leur niveau de vie.

Pendant cette même période, notre gouvernement a déployé d'importants efforts pour mettre en place un régime d'impôt des sociétés concurrentiel qui vise à favoriser une création d'emplois et une croissance des investissements renouvelées. Résultat : notre pays demeure l'un des endroits de la planète où les sociétés internationales et les investissements étrangers directs sont les mieux accueillis. En fait, une étude menée récemment par KPMG a démontré que les coûts fiscaux totaux que les sociétés assumaient au Canada, y compris l'impôt sur le capital, la taxe de vente, les impôts fonciers et l'impôt sur les traitements et salaires, sont plus de 40 p. 100 inférieurs à ceux des États-Unis. Néanmoins, notre gouvernement s'est engagé à veiller à ce que notre régime fiscal continue de promouvoir les normes d'intégrité et d'équité les plus élevées qui soient.

Cet engagement nous amène à discuter du projet de loi qui nous occupe aujourd'hui, un projet de loi qui propose d'autres mesures nécessaires pour renforcer le régime fiscal canadien. Nous, les contribuables, versons une part de nos revenus durement gagnés afin de financer les soins de santé, les programmes sociaux et d'autres services indispensables à tous les Canadiens. Nous le faisons honnêtement et de bon gré, et tout ce que nous demandons en retour, c'est que les gouvernements gèrent l'argent des contribuables judicieusement et ne nous demandent pas de payer plus que notre juste part. À cet égard, les Canadiens peuvent compter sur notre gouvernement.

Le projet de loi S-17 démontre que nous sommes toujours déterminés à honorer cette promesse. Par exemple, la prospérité économique du Canada dépend de l'investissement étranger direct ainsi que des entrées d'information, de capitaux et de technologies. Voilà pourquoi, en ce moment, nous mettons en application 90 conventions fiscales conclues avec divers pays et nous continuons de négocier des ententes avec d'autres États. Le projet de loi S-17 s'inscrit dans le cadre des efforts permanents que nous déployons en vue de mettre à jour et de moderniser notre ensemble de conventions fiscales.

Il y a plusieurs années, Jack Mintz, un économiste réputé de l'Université de Calgary, a déclaré ce qui suit : « Un traité fiscal bilatéral semble être l'un de ces documents hermétiques et mystérieux que seul un avocat-fiscaliste souhaiterait à comprendre. » Parfois, j'ai tendance à être de son avis, mais ces documents sont cependant extrêmement importants.

Toutefois, j'aimerais également utiliser la citation suivante pour faire valoir un argument : « et pourtant, un traité est un outil important qui favorise les mouvements transfrontaliers d'investissements, de technologies et de travailleurs, stimulant ainsi la croissance économique ». En résumé, les conventions fiscales mentionnées dans le projet de loi S-17 établiront des règles fiscales prévisibles et équitables à l'intention des entreprises et des particuliers canadiens et étrangers.

Permettez-moi maintenant d'aborder la question de la double imposition. Personne ne souhaite que ses revenus soient imposés à deux reprises, et ils ne devraient pas l'être. Toutefois, en l'absence d'une convention fiscale comme celle prévue par le projet de loi S-17, c'est exactement ce qui pourrait se produire. Par exemple, si une convention fiscale n'existait pas, les revenus que des Canadiens touchent à Hong Kong seraient imposés deux fois : une fois localement et une autre fois dans leur pays d'origine.

En utilisant le projet de loi S-17 pour mettre en place une convention, nous favoriserons la certitude, la stabilité et un meilleur climat des affaires pour les contribuables et les entreprises du Canada, ainsi que pour les Canadiens et les entreprises à l'étranger. Et ce qui importe tout autant, c'est que ces conventions aideront le Canada à se tailler une place au sein de l'univers de plus en plus concurrentiel du commerce et des investissements internationaux.

Pour reprendre l'exemple de Hong Kong, les Manufacturiers et Exportateurs du Canada approuvent l'une des conventions fiscales prévues par la mesure législative. Selon leur PDG, Jayson Meyers :

L'accord [...] réduit le nombre d'obstacles au commerce bilatéral et aux investissements entre le Canada et Hong Kong, en prévenant la double imposition des revenus, des biens et des transactions, en rationalisant les procédures d'imposition et en améliorant les conditions d'investissement entre le Canada et Hong Kong.

Finalement, permettez-moi d'attirer l'attention du comité sur la question de l'évasion fiscale, dont nous avons beaucoup entendu parler récemment. C'est un sujet qui, selon moi, importe énormément à tous les contribuables, et cela a tout à voir avec l'équité fiscale.

Comme les honorables sénateurs le savent, certaines sociétés canadiennes et étrangères tirent parti des règles fiscales en vigueur au Canada pour éviter de payer des impôts. De plus, quelques particuliers fortunés ont recours à des administrations étrangères pour cacher des revenus et se soustraire à l'impôt. L'évasion fiscale internationale et l'évitement fiscal agressif occasionnent des coûts fiscaux au gouvernement et sont injustes envers les contribuables qui suivent les règles.

Notre gouvernement reconnaît que l'une des meilleures façons de nous défendre contre l'évasion fiscale internationale consiste à développer et à améliorer les mécanismes de coopération internationale et, tel que les conventions l'indiquent, à échanger des renseignements. Pour veiller à ce que tous les Canadiens soient traités équitablement sur le plan fiscal, des traités semblables à ceux prévus par le projet de loi S-17 permettent aux autorités fiscales d'échanger des renseignements, conformément aux normes de l'OCDE, afin de s'entraider à repérer l'évasion fiscale et à prendre les mesures qui s'imposent.

En conclusion, je tiens à indiquer clairement que le projet de loi S-17 ne constitue rien de nouveau ou d'important en matière de modifications des politiques et que, par conséquent, on devrait le considérer comme une mesure législative normale et assez courante. En effet, depuis 1976, les gouvernements tant libéraux que conservateurs ont présenté 30 mesures législatives de ce genre.

Comme bon nombre de leurs récents prédécesseurs, les conventions fiscales décrites par le projet de loi suivent le Modèle de convention fiscale de l'OCDE, qui est accepté partout dans le monde.

Le projet de loi S-17 se situe dans le prolongement de l'excellent bilan de notre gouvernement en matière d'allégement fiscal destiné à tous les Canadiens. De plus, il continuera d'aider les entreprises canadiennes à aspirer à être des chefs de file mondiaux, tout en veillant à ce que tous paient les impôts qu'ils doivent.

MM. Cook et Castonguay seront heureux de répondre aux questions difficiles, alors que je répondrai à celles qui le sont moins.

Le président : Je vous remercie de votre déclaration préliminaire. Permettez-moi, monsieur le ministre, de vous poser une question assez facile. J'aimerais me référer en particulier aux observations que vous avez formulées concernant l'attention accrue que les médias prêtent aux impôts, en général, et à l'évasion fiscale, en particulier.

Certains observateurs ont tenté d'établir un lien entre certains reportages dans les médias, le projet de loi et ce qui est considéré comme une réduction du budget de l'Agence du revenu du Canada en matière d'observation. Bien que le Budget principal des dépenses, dont le Comité des finances est saisi en ce moment, ne soit pas le document budgétaire final et que nous sachions qu'un Budget supplémentaire des dépenses pourrait être présenté, pourriez-vous clarifier la réduction d'environ 90 millions de dollars dont le Budget principal des dépenses a fait l'objet cette année, par rapport à celui de 2011-2012, en faisant bien entendu surtout allusion à l'intérêt que l'ARC a à assurer l'observation que vous recherchez?

M. Menzies : C'est là une question pertinente, et je crois que Mme Shea, la ministre responsable de l'Agence du revenu du Canada, a répondu à cette question à quelques reprises pendant la période des questions.

Bon nombre de ces coûts étaient ponctuels et avaient trait à la mise en œuvre de la TVH en Ontario, ainsi qu'à la mise en œuvre et au « démantèlement », si je peux m'exprimer ainsi, de la TVH en Colombie-Britannique. Ces coûts ponctuels étaient inévitables. Je pense que vous, messieurs, qui êtes assis à la table, comprenez en quoi consiste la TVH et à quel point le régime fiscal bénéficie de l'harmonisation; en fait, cela simplifie les choses.

Toutefois, sa mise en œuvre exige des effectifs plus importants. En fait, l'ARC emploie en ce moment 400 vérificateurs de l'impôt de plus qu'en 2006. La taille du programme de la vérification internationale a été accrue de 40 p. 100. Nous savons exactement quel genre de travail nous accomplissons, et nous constatons qu'il est plus complexe et plus électronique que jamais. Par conséquent, nous avons engagé de nouveaux employés pour exécuter celui-ci. Depuis notre arrivée au pouvoir en 2006, nous avons décelé presque 4,6 milliards de dollars en impôts impayés, si l'on peut les désigner ainsi.

L'autre question est très simple. Je viens de faire allusion au travail électronique. De nombreux contribuables ne produisent plus de déclarations de revenus par écrit et, pourtant, chaque année nous envoyons par la poste un formulaire très épais à chacun d'entre eux. La plupart de ces formulaires finissent dans les poubelles. Le fait est que nous avons changé. Je ne crois pas avoir produit une déclaration de revenus par écrit depuis des années.

Le sénateur Massicotte : Mais vous les avez produites, n'est-ce pas?

M. Menzies : Je peux assurer à tous les honorables sénateurs que j'ai effectivement produit mes déclarations de revenus. Je suis certain de l'avoir fait, mais je vais tout de même vérifier. Si ce n'était pas le cas, je suis sûr que vous en seriez informé.

En termes simples, c'est tout. Mais, si nous calculons tous les arbres que nous sauverons en évitant d'expédier tous ces documents, nous constaterons que la somme pourrait être substantielle. Toutefois, les contribuables peuvent toujours demander un formulaire papier; nous comprenons que bon nombre d'entre eux les utilisent encore.

Dans le cadre de notre récent budget, le Plan d'action économique du Canada de 2013, de nouvelles mesures ont été mises en œuvre et 15 millions de dollars supplémentaires ont été investis afin de gérer le nombre accru de transfert électronique de fonds. Encore une fois, il n'y a pas très longtemps, nous ne nous occupions pas de cela. Par conséquent, il faut que nous suivions ces dossiers de près.

Le sénateur Massicotte : Dernièrement, nous avons parlé, avec raison, de l'évasion fiscale. Je pense que votre gouvernement est grandement motivé à percevoir équitablement tous les impôts. Comme vous le savez, les conventions fiscales jouent un rôle important dans l'atteinte de ce but, parce qu'elles définissent la relation que nous entretenons avec des pays en vue d'obtenir des renseignements supplémentaires et d'atteindre ces objectifs.

La mesure législative traite un peu des droits de réciprocité en matière d'obtention de renseignements. Pourriez-vous décrire comment ces conventions nous aident à obtenir plus de renseignements et nous dire si des restrictions s'appliquent à cet égard, en particulier en ce qui concerne le Luxembourg — et les amendements qui s'y rattachent —, la Suisse et Hong Kong? Pouvez-vous décrire l'utilité et l'importance des conventions?

Nous avons entendu des experts dire que ces conventions existent depuis longtemps et qu'elles sont raisonnablement uniformes. Toutefois, elles ne nous ont pas permis d'atteindre les objectifs que nous nous étions fixés. Pourriez-vous également formuler des observations à ce sujet?

M. Menzies : Je vais commencer à répondre à votre question, mais je demanderai à mes experts de vous expliquer les subtilités.

Ces pays sont tout simplement obligés de nous fournir des renseignements. Nous contractons également l'obligation de fournir des renseignements à ces pays, s'ils ont l'impression d'en avoir besoin. Il s'agit d'un accord réciproque qui prévoit que nous fournirons des renseignements sur nos contribuables, en particulier ceux qui possèdent des entreprises qui exercent leurs activités dans différents pays; c'est l'un des principaux enjeux, et bon nombre des pays avec lesquels nous traitons exercent ce droit.

Comme je l'ai mentionnai plus tôt, la double imposition est un problème. Nous savons que des impôts sont perçus dans un pays et dans l'autre, et cela est important. Nous ne prévoyons pas imposer les revenus des gens une deuxième fois, s'ils ont déjà versé des impôts.

Le sénateur Massicotte : Ce droit réciproque s'applique aux entreprises ainsi qu'à tout résident des deux pays — n'est-il pas vrai que nous avons le droit d'obtenir tout renseignement souhaité, à condition d'assurer sa confidentialité?

M. Menzies : Oui, mais je vais demander à l'un des experts de vérifier si j'ai raison à cet égard. Je ne sais pas si cela comprend tous les renseignements ou s'il y a des restrictions particulières.

Alain Castonguay, chef principal, Conventions fiscales, ministère des Finances Canada : Le ministre a tout à fait raison. Les échanges de renseignements prévus par nos conventions sont très étendus. Ils comprennent tous les renseignements ayant trait à l'administration de nos lois fiscales ou de la convention. On peut obtenir des renseignements sur tout contribuable, entreprise, fiducie ou particulier, quelle qu'en soit la raison — que cela ait trait à l'évasion fiscale, l'évitement fiscal ou tout autre motif. Nous pouvons demander l'information à condition qu'elle concerne le calcul de l'impôt sur le revenu au Canada.

En l'absence d'une convention, l'ARC n'a pas le pouvoir d'exiger des renseignements, et l'autre pays n'est pas obligé de nous les communiquer. Nous devons donc être liés par une obligation conventionnelle qui stipule ce qui suit : « Soit vous nous donnez les renseignements dont vous disposez, soit vous vous les procurez et vous nous les communiquez, si vous n'y avez pas déjà accès ».

[Français]

Le sénateur Massicotte : Si c'est le cas, et je présume que les ententes sont claires. Comment se fait-il qu'on ait un manque de résultat? Aux États-Unis, ils ont récolté des milliards en ce sens. Au Canada, c'est tellement peu. Quelle est l'explication?

M. Castonguay : Je ne sais pas si je peux commenter sur le manque de résultat. Dans nos relations bilatérales où on peut détenir de l'information, l'agence a des outils pour obtenir l'information dès qu'il y a suspicion qu'une personne ne respecte pas ses obligations fiscales.

Des cas aux États-Unis ont été médiatisés. Je ne peux vraiment commenter sur leur façon de faire les choses. Ici, lorsque l'agence utilise les données pour redresser un contribuable, c'est quelque chose qui reste privé. Ce n'est pas du domaine public. À moins que le cas se retrouve en cour dans le cas de contestation. Mais en général, ce sont des choses qui ne sont pas nécessairement apparentes.

Le sénateur Massicotte : Et cette entente existe avec la Suisse? Le secret bancaire tombe à l'eau? La Suisse laisse tomber ce droit qu'elle avait depuis des décennies.

M. Castonguay : C'est un point extrêmement important. Effectivement, la Suisse et le Luxembourg ont le secret bancaire et ce que ces ententes font, c'est de lever le secret bancaire pour que nous puissions obtenir l'information pertinente pour l'observation fiscale au Canada.

Le sénateur Massicotte : On a gagné ce droit suite à l'amendement du traité, on aura droit à l'information de tout suspect qu'on peut avoir avec la Suisse et le Luxembourg. C'est très bien.

M. Castonguay : Bien sûr.

[Traduction]

Le sénateur Black : Monsieur le ministre, chers représentants officiels, je vous remercie de votre exposé et du travail que vous accomplissez. Avant de siéger au Sénat, j'étais propriétaire d'une entreprise et d'une pratique juridique dynamiques. Je comprends l'importance de ce dont nous parlons aujourd'hui et de la signification que cela peut avoir pour l'économie canadienne.

Comment choisissez-vous les pays avec lesquels vous voulez conclure des conventions et, une fois que vous l'avez fait, quels sont le processus et le délai général pour y parvenir?

M. Castonguay : Comme vous l'avez indiqué, nous avons déjà mis sur pied tout un réseau de conventions fiscales; nous en avons 90 qui sont en vigueur, ce qui nous porte au troisième ou quatrième rang dans le monde pour ce qui est du nombre de conventions. Notre réseau de conventions couvre toutes nos grandes relations bilatérales. Hong Kong, par exemple, était l'un des pays qui n'en faisait pas partie, et nous avons réglé le problème en négociant une convention avec elle.

En ce moment, nous sommes au point où nous devons maintenir et tenir à jour les conventions que nous avons. Par exemple, la convention que nous avons avec la Pologne a été signée à une autre époque. Nos efforts visent essentiellement à tenir à jour les conventions fiscales qui remontent à longtemps en les renégociant.

Le processus prévoit des négociations entre des gens comme mes collègues de l'autre côté et moi-même. Nous nous fondons sur le modèle de convention fiscale de l'OCDE. Il y a bien des aspects dont nous n'avons pas besoin de discuter, car nous nous entendons déjà à leur sujet. Les négociations visent essentiellement à nous mettre d'accord sur les points où nous ne suivons pas nécessairement à la lettre le modèle de l'OCDE.

On tiendra ordinairement deux rondes de négociations échelonnées sur six mois, neuf mois, voire un an, en fonction du nombre. Par la suite, dans la mesure où il y a un libellé, il faut le faire traduire et demander l'approbation du Cabinet pour procéder à la signature, ce qui prend du temps.

Nous devons suivre le processus interne, intégrer les dispositions dans un projet de loi comme celui à l'étude aujourd'hui et demander l'approbation du Parlement pour que nous puissions ratifier la convention.

En ce qui concerne ces projets de loi, la majorité des pays ont soit déjà ratifié la convention, soit promis de le faire au cours de la prochaine année, de sorte que si ce projet de loi reçoit la sanction royale cette année, nous serons en mesure de ratifier la convention et de provoquer son entrée en vigueur.

Le sénateur Black : Parmi nos principaux partenaires commerciaux, y en a-t-il avec qui l'entente que nous avons ne vous satisfait pas?

M. Castonguay : Je pense que tous les principaux sont couverts, je dirais.

Le sénateur Harb : Comme le ministre l'a dit plus tôt, nous avons un modèle qui s'inspire de celui de l'OCDE. La question que je vous pose porte précisément sur l'information concernant la convention avec la Serbie et celle avec la Pologne. Je veux parler plus particulièrement des taux d'imposition maximum que vous fixez. Dans le cas de la Pologne, vous avez fixé le taux d'imposition à 5 p. 100 pour les dividendes versés à une entreprise qui détient au moins 10 p. 100 du capital dans l'entreprise qui paie les dividendes et un taux maximal de 15 p. 100 dans tous les autres cas. Toutefois, la convention avec la Serbie prévoit un taux maximal de 5 p. 100 sur les dividendes versés à une entreprise qui détient au moins 25 p. 100 du capital. Quels facteurs influent sur la décision d'établir le taux à 10, 15 ou 25 p. 100?

M. Menzies : J'espère que cette question est pour M. Castonguay, et non pas pour moi.

M. Castonguay : C'est une bonne question.

De toute évidence, une convention fiscale constitue au final un compromis entre des positions qui peuvent diverger. Dans ce cas précis, le taux est fixé à 5 p. 100, et il y a souvent différentes façons de faire. En ce qui nous concerne, nous préférons que le seuil soit à 10 p. 100 des voix. Certains pays ne sont pas disposés à descendre aussi bas et préfère que le taux soit de 25 p. 100. Nous avons plusieurs conventions dont le seuil est de 25 p. 100. Bien que je n'aie pas participé aux négociations avec la Serbie, je comprends qu'elle n'était pas disposée à aller plus haut que 5 p. 100.

M. Menzies : Le taux est de 10 p. 100 avec Hong Kong, je vois.

Le sénateur Harb : En voyons-nous souvent la rentabilité? Nous avons tous ces traités et je sais que nous avons également l'Accord sur la promotion et la protection des investissements étrangers et l'accord de libre-échange. Nous avons donc signé des ententes avec ces pays. Dans le cas de la double imposition, nous arrive-t-il souvent de voir la valeur ajoutée?

M. Castonguay : Les traités visent à favoriser le commerce et les investissements. Assurons-nous un suivi pour mesurer les répercussions? Je ne pense pas. Compte tenu des réactions positives que l'on reçoit, et surtout de la part des entreprises, on sait que les conventions apportent des changements constructifs. Elles rendent nos entreprises plus concurrentielles dans les autres États. Les entreprises disent : « Sans convention, nous n'avons pas la même certitude juridique et nous sommes surimposées à cause de ces taux de retenue d'impôt élevés. » De toute évidence, les conventions ont une incidence, du simple fait que les entreprises nous disent que nous devrions avoir une convention ou moderniser celle que nous avons avec le pays en question. Je pense que les traités ont une incidence positive.

Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur l'approche globale à l'égard de tous ces traités. Vous avez dit, avec raison, monsieur le ministre, que nous avons une entente avec environ 90 pays, ce qui fait du Canada l'un des pays qui en a le plus dans le monde. À quel moment allons-nous dire qu'il est peut-être temps de rendre ces ententes obligatoires, comme nous le faisons avec d'autres types d'ententes, pour mettre fin à cette approche ponctuelle qui est en place? À quel moment le Canada devrait-il prendre l'initiative de s'adresser, par exemple, à l'OMC ou aux Nations Unies et dire que compte tenu de l'orientation que l'économie mondiale prend et du fait que des entreprises s'implantent partout, ces ententes doivent devenir la norme dans tous les pays membres de l'OMC ou des Nations Unies?

M. Menzies : Vous soulevez un bon point. Vous avez mentionné l'OMC, et je dois vous rappeler que nous ne pouvions même pas nous entendre sur les négociations du cycle de Doha. Elles s'éternisent depuis des années.

Dans un monde parfait, ce serait le cas, mais dans un monde parfait, il n'y aurait pas de fraude fiscale et nous n'aurions pas à pourchasser les fraudeurs.

Pour répondre à l'argument soulevé par M. Castonguay selon lequel il faut protéger les entreprises canadiennes au moyen d'accords de protection des investissements étrangers, il est très important non seulement de demander des renseignements sur les contribuables dans les autres pays, mais aussi de s'assurer que les pays sont protégés. J'ignore s'il est possible de le faire par l'entremise des Nations Unies ou de l'OMC, mais je présume que le nouveau directeur général de l'OMC qui sera nommé le 1er juillet pourra offrir son aide à cet égard.

Le sénateur Oliver : Je m'excuse, monsieur le ministre, d'être arrivé en retard et d'avoir raté votre déclaration liminaire, mais j'ai trois questions brèves à vous poser. Elles font suite aux questions du sénateur Harb, car il a fait valoir que la majorité de ces conventions s'inspirent du modèle de convention fiscale de l'OCDE. Il a souligné quelques différences et je veux savoir s'il y a d'autres secteurs où le projet de loi S-17 s'écarte du modèle de l'OCDE et, le cas échéant, pourriez-vous nous les énumérer?

De plus, le projet de loi S-17 renferme-t-il des mesures tout à fait uniques et différentes qui s'écartent du modèle de convention fiscale de l'OCDE et, le cas échéant, quelles sont-elles?

Ma dernière question est la suivante : étant donné que le projet de loi S-17 représente un effort en vue de mettre à jour et d'élargir les conventions fiscales du Canada, y a-t-il d'autres conventions fiscales qui doivent être mises à jour et élargies?

M. Menzies : Pour répondre à votre dernière question, je vous dirais oui, mais je vais demander à M. Castonguay d'y répondre.

L'OCDE est un modèle, mais comme on l'a dit en réponse à l'une des questions qui ont été posées, nous avons un but, le pourcentage des membres votants. Nous ne l'atteignons pas toujours, si bien que nous n'obtenons pas toujours tout ce que nous voulons. Nous avons toutefois de bons négociateurs comme M. Castonguay qui tentent d'y parvenir. Il peut probablement répondre mieux que moi pour vous dire s'il y a bel et bien des déviations au modèle de l'OCDE.

M. Castonguay : Il pourrait falloir beaucoup de temps pour passer en revue toutes les conventions. Certaines sont plus importantes que d'autres. Nous devons faire attention à ce que nous entendons par « déviation », car il y a un modèle et une observation qui reconnaît que nous pouvons aborder une question particulière de différentes façons et offrir des solutions de rechange au modèle dans bien des cas.

Par exemple, le modèle de l'OCDE prévoit que les prestations de pension devraient être exclusivement imposées dans le pays de résidence du prestataire. Par conséquent, si un Canadien qui a cotisé à des régimes d'épargne-retraite enregistrés ou à un régime de pension tout au long de sa vie quitte le Canada pour aller à l'étranger, nous ne pourrions pas imposer la pension provenant du Canada. Cela ne fonctionne pas pour nous, car cette pension a été conçue avec l'aide fiscale. Nous insistons pour qu'il y ait un droit d'imposition quelconque pour le pays d'origine et notre politique vise à toucher 15 p. 100 de la pension provenant du Canada. C'est un exemple où nous ne suivons pas le modèle de l'OCDE, mais il est conforme à notre politique fiscale interne et offre de meilleurs résultats pour nous.

Il y a d'autres exemples. C'est la même chose pour les redevances.

L'OCDE dit que les redevances ne devraient être imposées que dans le pays de résidence du prestataire mais, d'après nous, elles ne devraient pas l'être complètement. Nous sommes prêts à accorder une exemption pour certains paiements, pour les droits d'auteur notamment, mais pour d'autres choses, nous insistons pour qu'il y ait un droit d'imposition pour le pays d'origine. Je pense que nous sommes conformes à nos politiques en matière de convention.

Dans le cas des quatre conventions exhaustives que nous avons ici, elles concordent bien avec nos politiques en matière de convention. Pour ce qui est des pays avec lesquels les conventions doivent être modifiées, nous sommes actuellement en négociation avec l'Espagne et le Royaume-Uni. Nous n'avons encore rien annoncé, mais nous sommes en train de préparer des négociations avec d'autres pays. Nous en ferons l'annonce au fur et à mesure.

Il y a toujours des conventions à améliorer. Plusieurs font actuellement l'objet de négociations. Nous sommes en pourparlers avec les Pays-Bas, le Royaume-Uni, l'Espagne et d'autres pays. Lorsque ces négociations seront achevées, nous passerons à la prochaine série de conventions.

Parfois, c'est nous qui manifestons notre intérêt, et d'autres fois, c'est l'autre pays qui nous dit que nous devrions renégocier la convention, ce que nous faisons à l'aide des ressources dont nous disposons.

Le sénateur Oliver : C'est une question simple, mais je ne saurais vous répondre. Comment se fait-il que vous n'avez pas de projet de loi distinct pour chaque convention? Lorsque vous en avez trois, vous dites : « Il est maintenant temps d'élaborer un projet de loi », ou est-ce quand vous en avez 10? Pourquoi n'y en a-t-il pas un pour chaque convention? Pourquoi les regroupez-vous? Comme vous l'avez expliqué, les conventions sont différentes, et vous ne suivez pas toujours le modèle de l'OCDE.

M. Menzies : Cela a peut-être rapport avec le calendrier parlementaire.

M. Castonguay : En partie. S'il fallait élaborer un projet de loi pour chaque convention, la tâche serait plus lourde et nous serions ici plus souvent. Il y a un compromis entre le fait de rédiger un projet de loi pour chaque convention et d'attendre d'avoir un nombre important de projets de loi et d'être prêts. Il ne faut pas oublier que nous ne voulons pas trop retarder l'entrée en vigueur du projet de loi lorsque nous savons que l'autre côté est en voie de le ratifier. C'est en quelque sorte un compromis. Je pense que nous avons toujours procédé ainsi.

La sénatrice Ringuette : L'ensemble du régime fiscal pour les particuliers au Canada est fondé sur le lieu de résidence, alors que celui de nos voisins est fondé sur la citoyenneté. Ce fait accentue-t-il la nécessité pour le Canada de conclure ce genre d'ententes bilatérales?

M. Castonguay : Vous avez raison de dire que notre régime fiscal est fondé sur l'imposition du revenu de toutes provenances d'un résident, qu'il s'agisse d'un particulier ou d'une entreprise. Les particuliers et les entreprises peuvent toucher des revenus dans un pays étranger et être ainsi assujettis aux lois fiscales de l'autre pays.

Les conventions fiscales permettent de coordonner l'exercice des droits d'imposition respectifs de chaque pays pour faire en sorte que l'imposition ne soit pas lourde ou que de multiples formes d'imposition soient appliquées.

Abstraction faite de la citoyenneté, il y a une bonne raison d'établir des conventions fiscales avec des pays dont le régime fiscal est fondé sur le lieu de résidence. Que je sache, tous les pays le font, à part un.

La sénatrice Ringuette : Je suis une personne pratique. Je suis très curieuse de savoir ce qu'il en est des entreprises. Comment établissez-vous les pays où ils ont des opérations? Comment savez-vous qu'une entreprise canadienne donnée a une installation en Serbie, par exemple, et demande des renseignements à la Serbie?

M. Castonguay : Je vais présenter les choses sous un autre angle. Si une entreprise étrangère s'implante au Canada, que ce soit une filiale constituée en personne morale ou une succursale qu'elle exploite, nous le savons car, dans les deux cas, l'entreprise est tenue de déclarer ses revenus à l'Agence du revenu du Canada. Si une entreprise canadienne ouvre une succursale en Serbie, elle sera assujettie aux lois fiscales serbes et devra produire une déclaration de revenus dans ce pays. Si nous voulons obtenir des renseignements sur l'entreprise, il suffit d'examiner les profits réalisés à la succursale.

La sénatrice Ringuette : Cela me ramène à la question. Ces ententes sont les demandes de renseignements. Ce n'est pas la Serbie qui signale avoir reçu une déclaration d'impôt d'une entreprise donnée qui a une succursale ou un siège social au Canada. Ce n'est pas un système où l'on transmet des renseignements, mais où l'on demande des renseignements. Il faut obtenir les renseignements de chacun de ces pays.

Voilà qui me ramène à ma question initiale. Comment faites-vous des recoupements? Comment savez-vous si vous devez demander à la Serbie, à la Pologne ou à Hong Kong les renseignements qu'il vous faut pour percevoir l'impôt des sociétés prévu aux termes de ces ententes?

M. Castonguay : Dans le cas d'une entreprise, si elle possède des filiales, nous avons des formulaires de déclaration où l'entreprise doit signaler les endroits où elle exerce des activités par l'entremise de ses filiales. Si elle a des succursales, sa déclaration d'impôt indiquera qu'elle touche des revenus en Serbie et elle demandera un crédit pour impôt étranger conformément à la législation serbe.

Par conséquent, soit nous croyons l'entreprise sur parole et revérifions les revenus qu'elle a gagnés et le montant d'impôt qu'elle a versé à la Serbie en le lui demandant — en tenant compte de la déclaration —, soit c'est quelque chose qu'un vérificateur peut demander pour s'assurer qu'elle verse le montant d'impôt approprié au Canada.

La sénatrice Ringuette : Prenons une courte période. Combien de deniers publics avez-vous récupérés par l'entremise de ces conventions au cours des cinq dernières années? Il doit bien y avoir un incitatif pour vous encourager à conclure ces conventions.

M. Castonguay : Je pense que vous faites allusion à la fraude fiscale, à l'omission de déclarer des revenus et à ce genre de choses, n'est-ce pas?

La sénatrice Ringuette : Non, je parle des conventions modèles dont nous sommes saisis. Elles sont mises en œuvre pour vous permettre d'avoir accès, sur demande seulement, aux renseignements concernant des entreprises qui font également des affaires au Canada. Il doit y avoir un incitatif — un avantage pécuniaire — à conclure ces conventions.

Je devrais plutôt vous demander les avantages financiers que le Canada a reçus au cours des cinq dernières années relativement aux traités que nous avons déjà en place.

M. Castonguay : Je ne pense pas avoir une telle information. C'est une question très vaste.

La sénatrice Ringuette : Cela devrait être la question qui justifie à la base la décision d'investir l'argent des contribuables dans de telles initiatives.

M. Menzies : Je peux essayer de vous répondre. Lorsque vous savez qu'il y a une surveillance et que le Canada a un traité avec le pays où vous avez une entreprise, c'est l'un des cas où les gens comprennent qu'ils doivent faire des déclarations. De l'autre côté, nous pouvons obtenir les renseignements et les poursuivre. L'important est notamment que les gens d'affaires comprennent qu'on les surveille. Selon moi, il serait difficile de chiffrer le tout.

La sénatrice Ringuette : Non. En fait, si une personne ou un groupe de gens les surveillent, il doit donc y avoir des résultats.

Ted Cook, chef principal, Législation, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances Canada : C'est une question difficile, parce qu'il faut chiffrer une portion précise d'un élément en particulier d'un traité. Les représentants de l'ARC ont témoigné devant le Comité permanent des Finances de la Chambre des communes en février. À cette occasion, ils ont indiqué que depuis 2006 ils ont vérifié 8 000 cas qui ont une composante fiscale internationale abusive. Cela représentait 4,5 milliards de dollars en impôt.

Lorsqu'il est question de vérifications internationales et de vérifications de manière générale, le rôle précis de l'échange de renseignements en vertu d'un traité est difficile à cerner, si ce n'est que cela contribue de manière plus générale au système.

J'ajouterai aussi que l'ARC a donné des chiffres au sujet de la divulgation volontaire. L'ARC a indiqué qu'entre 2007 et 2011-2012 le nombre de divulgations volontaires concernant des questions et des avoirs internationaux était de 1 500 divulgations volontaires pour la première année et avait doublé, soit plus de 4 000, en 2011-2012. L'échange de renseignements en vertu de traités fait partie intégrante de la manière d'aborder l'ensemble des questions fiscales internationales.

Le président : Sénatrice Ringuette, j'ajouterai aussi que nous avons l'intention de faire témoigner des représentants de l'ARC devant le comité, ce qui vous sera peut-être utile.

La sénatrice Ringuette : J'ai une autre question importante. En vertu des présentes conventions, les taux maximaux de la retenue sont réduits de 25 à 5 p. 100 pour les dividendes, à 10 p. 100 pour les intérêts versés, à 10 p. 100 pour les redevances et à 0 p. 100 pour d'autres éléments. Étant donné que tout est égal, il s'agit de réductions considérables des taux d'imposition. Combien d'entreprises canadiennes profiteront-elles de taux d'imposition réduits en vertu des présentes conventions à l'étude?

M. Castonguay : Je n'ai pas de chiffre à vous donner. Je peux vous dire que toute entreprise qui exerce des activités dans ces pays en tirera profit. Chaque entreprise qui a une filiale pourra rapporter des dividendes qui seront assujettis à un taux de 5 p. 100 au lieu de 25 p. 100. Cela signifie probablement que plus de Canadiens seront en mesure d'y aller et d'y investir. Je n'ai pas le nombre, mais nous savons que c'est en soi avantageux pour les entreprises de rapporter des dividendes à un taux beaucoup plus bas.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Bienvenue, monsieur le ministre, ainsi qu'à vos adjoints. D'entrée de jeu, je supporte totalement le principe d'éliminer la double imposition au plus bas niveau possible pour favoriser les investissements du Canada à l'étranger. J'ai parlé hier dans mon discours de la Pologne, de Bombardier et de Pratt & Whitney qui peuvent servir les pays de l'Est. On sait fort bien que ces gens font affaires avec KPMG, Ernst & Young et Deloitte et que ces gens préparent des états financiers qui sont amalgamés mondialement. Ce sont des entreprises généralement inscrits à la bourse.

Au départ, je n'ai pas de grandes hésitations à dire que c'est extrêmement important de continuer cette démarche. Cela nuit à nos entreprises d'aller dans des pays où elles sont taxées et taxées à nouveau ici.

Quand est-ce qu'on va implanter les mesures de ces pays-là? Quelle est la date dans le mécanisme? On sait que vous avez négocié et qu'il y a eu une entente. Vous avez préparé un projet de loi. Maintenant il y a la mise en vigueur. Est-ce qu'à l'autre bout, une loi doit être passée? Est-ce qu'il y a un mécanisme que nous devrons avoir pour savoir quand est- ce que, par exemple, Bombardier va profiter de ces mesures?

M. Castonguay : Ma compréhension est que la plupart des pays contenus le projet de loi S-17 ont déjà ratifié ou seront en position de le faire. Ils ont leur propre procédure domestique. En général, elle demande que le traité soit devant leur Parlement respectif, et cetera. Je ne peux pas commenter davantage là-dessus.

Pour votre question précise, une fois que le projet de loi S-17 aura reçu la sanction royale, le gouvernement sera en position de communiquer de façon formelle à l'autre pays que nous avons complété nos procédures internes. Et dans la mesure où l'autre pays fait la même chose, le deuxième échange de notes va provoquer l'entrée en vigueur de l'entente, avec effet en général le 1er janvier de l'année suivante.

Donc, dans la mesure où on est capable de mettre en vigueur les conventions cette année, elles prendront effet généralement à partir de janvier 2014.

La sénatrice Hervieux-Payette : D'accord. Je n'ai pas à vous apprendre qu'en Suisse avec Hervé Falciani, on a eu une liste de gens qui ne payaient pas leurs impôts et cachaient leurs comptes en Suisse. Est-ce que les dispositions dans cette loi vont permettre à notre gouvernement de récupérer de l'information autre que les listes de M. Falciani et les centaines de millions de dollars, pour ne pas dire les milliards, qui ont été cachés à notre gouvernement? Est-ce que cela va nous permettre d'avoir de l'information? On pourra demander une liste de choses à la Suisse. Est-ce que cela va faciliter qu'on puisse découvrir tous ces comptes secrets et prendre les mesures?

Pour ceux qui sont repentis, qui vont à la confesse, qui font un chèque, cela ne va pas trop mal, mais pour les autres qui restent cachés, qui ne veulent pas payer, il y a normalement des procédures criminelles; mais est-ce qu'on va améliorer vraiment notre situation?

M. Castonguay : Avant l'amendement de la convention avec la Suisse en 2010, la convention que nous avions avant ne nous permettait pas de demander de l'information assujettie au secret bancaire en Suisse. Donc, on ne pouvait pas, carrément pas poser la question.

Depuis ce temps-là, depuis la Convention de 2010 et l'amendement mineur qu'on fait ici, on est capable de demander à la Suisse des informations concernant des informations protégées par le secret bancaire vis-à-vis des individus ou des compagnies ou des fiducies, n'importe quel contribuable.

Donc, la différence, d'abord, c'est qu'on est capable de poser des questions et d'avoir des réponses et, deuxièmement, que les Canadiens qui seraient tentés de penser qu'ils peuvent investir en Suisse sans rencontrer leurs obligations fiscales au Canada devraient peut-être y penser deux fois parce qu'ils savent maintenant que nous allons demander des questions à la Suisse les concernant. À mon avis, cela a un effet dissuasif important.

La sénatrice Hervieux-Payette : Vous avez confiance que cela va être mis en vigueur d'ici la fin de l'année.

M. Castonguay : J'espère bien. Dans le cas de cette entente, les Suisses administrent cette convention. On va faire en sorte que dans la loi ce soit la même chose. C'est déjà le cas.

La sénatrice Hervieux-Payette : Quand est-ce qu'on recevra de l'Agence du revenu du Canada, les mesures qui ont été prises dans le cas de la liste de M. Hervé Falciani, à savoir qu'on avait une liste informatisée de tous les Canadiens, qu'il y avait des petits sous placés en Suisse pour savoir quelles mesures notre gouvernement a prises? Parce que pas seulement moi, mais tous les Canadiens sont intéressés à savoir que si on améliore le système, on est assuré que le système sera mis en place et qu'on aura la possibilité de retrouver ces sommes d'argent et d'aider à payer le déficit. C'est extrêmement important.

Est-ce qu'il me reste encore quelques minutes?

[Traduction]

Le président : Comme je l'ai mentionné, l'ARC témoignera. Il vous reste du temps.

La sénatrice Hervieux-Payette : C'est seulement pour prévenir les représentants d'avoir les renseignements, au lieu de devoir leur demander de nous les faire parvenir deux ou trois semaines plus tard. Nous savons que nous les aurons plus tard.

[Français]

J'avais des questions concernant le chiffre d'affaires qu'on fait avec ces pays-là. Dans certains cas, les chiffres ont augmenté. J'ai demandé une recherche à ce sujet.

[Traduction]

Étant donné que je m'adresserai au ministre, je vous demanderai ce renseignement. Pour la Namibie, la Serbie, la Pologne, Hong Kong, le Luxembourg et la Suisse, j'ai demandé des données au sujet des échanges commerciaux en ce qui a trait aux importations et aux exportations. D'après moi, c'est un projet de loi qui aborde cet aspect. Évidemment, lorsqu'il est question de Hong Kong, nos exportations représentent 2,464 milliards de dollars, alors qu'elles se sont déjà élevées à 2,9 milliards. Croyez-vous que cela aura un effet? Est-ce que la réduction du taux d'imposition stimulera les échanges avec Hong Kong? Une diminution de l'ordre de 500 millions de dollars, ce n'est pas banal.

M. Menzies : Ces accords ont comme objectif de protéger notre assiette fiscale, mais nous ne voulons certainement pas que cela influe négativement sur les investissements et le commerce. M. Castonguay peut mieux expliquer comment le tout a en fait un effet cumulatif.

C'est positif, lorsque vous pensez aux APIE que nous avons aussi signés avec ces pays. Cela rassure nos entreprises qui exercent des activités à l'étranger. J'imagine que cela leur donnera un peu plus confiance en vue d'investir.

Le président : Monsieur le ministre, avant de laisser la parole à M. Castonguay, vous aviez indiqué que vous deviez quitter la séance en raison d'une autre obligation.

M. Menzies : De toute façon, je me sens pratiquement superflu.

Le président : Au nom du comité, merci beaucoup de votre comparution. Chers collègues, je vous rassure que MM. Castonguay et Cook resteront pour répondre aux questions.

M. Menzies : Merci beaucoup.

M. Castonguay : Pour répondre à votre question, les conventions fiscales n'abordent pas directement le commerce de marchandises. Les tarifs douaniers ne sont pas réduits. Les traités concernent l'imposition des gens et des entreprises. Évidemment, cela aide à soutenir les investissements bilatéraux et la prestation transfrontalière de services.

Hong Kong est principalement une économie de services. Les Canadiens qui fournissent des services à Hong Kong seront protégés par le traité, parce qu'il y a un seuil qui exempte d'imposition une personne qui exerce des activités dans l'autre État jusqu'à ce qu'il ou elle ait une présence permanente, un établissement stable. Si vous ne répondez pas à ce seuil, vous ne serez pas imposé. Cela stimule les échanges commerciaux et les investissements transfrontaliers. Cela veille aussi à ce que le financement garanti ou fourni par EDC, particulièrement au sujet des exportations, soit exempté de la retenue d'impôt. Cela aide ainsi évidemment le commerce de marchandises.

[Français]

La sénatrice Hervieux-Payette : Si je regarde les exportations à Hong Kong de 2,4 milliards, on parle de métaux précieux, de perles, de fourrures, de vêtements, des machines et d'équipements électriques. À mon avis, une grosse partie de ça, c'est le secteur financier et les investissements à la bourse de Hong Kong. Sur 2,4 milliards de dollars, je n'ai pas l'impression que c'est la business de la fourrure avec les gens de Hong Kong même si les femmes de Hong Kong doivent aimer quand même porter une fourrure canadienne.

Lorsqu'on parle de dividendes, si j'ai placé mon argent à Hong Kong et beaucoup de gens sur la côte Ouest canadienne ont encore un pied à terre à Hong Kong, ce qui veut dire que lorsqu'ils feront des bénéfices, le taux d'imposition sur le bénéfice des actions qu'ils auront achetées à la bourse de Hong Kong, ils n'auront pas de doubles impositions ou une diminution de l'imposition.

M. Castonguay : Exact. Dans le cas des dividendes, le traité met la limite à 5 p. 100 et donc, effectivement, cela facilite l'investissement à ce moment-là, absolument.

La sénatrice Hervieux-Payette : Merci, monsieur le président.

[Traduction]

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Castonguay, j'aimerais revenir sur certaines questions de la sénatrice Hervieux- Payette au sujet de la Suisse et du Luxembourg et des lois sur la protection des renseignements personnels. Selon votre commentaire de 2010 sur la convention, le Canada peut-il se servir de ces renseignements dans le cadre de poursuites criminelles qui ne portent pas nécessairement sur l'impôt?

M. Castonguay : C'est une bonne question. L'article sur l'échange de renseignements protège le caractère personnel des renseignements obtenus de la part d'autres États et limite l'utilisation que nous pouvons en faire. La majorité des traités mentionne qu'ils doivent servir à l'application des lois fiscales, y compris les vérifications, les procédures judiciaires, le recouvrement ou les divers éléments. L'utilisation est limitée à l'application des règles fiscales.

L'OCDE a revu l'article 26 de son modèle de convention en vue d'inclure que dans certaines circonstances les renseignements obtenus en vertu de cet article peuvent être transmises aux autorités chargées de l'application de la loi si les deux autorités fiscales sont d'accord. C'est un élément que nous commençons à peine à inclure dans nos conventions fiscales. Ce sera pour l'avenir.

La sénatrice Hervieux-Payette : À titre de précision, notre collègue n'a peut-être pas lu chaque ligne de notre rapport sur le blanchiment d'argent, mais vous devez savoir que les renseignements seront transmis à l'Agence du revenu du Canada qui pourra prendre les mesures s'il s'agit de blanchiment d'argent, parce qu'il peut s'agir de fraude fiscale ou de blanchiment d'argent. Si vous avez un compte bancaire en Suisse et que vous voulez avoir la conscience tranquille, vous devez payer immédiatement vos impôts. Si vous ne le faites pas, vous faites peut-être partie de l'un des deux groupes. Dans les deux cas, vous contrevenez à la loi.

La sénatrice Nancy Ruth : C'est en cours.

Le sénateur Moore : Dans le document que nous avons reçu, on retrouve la liste des 90 traités actuellement en vigueur. Pourriez-vous faire parvenir à la greffière la même liste avec les dates d'entrée en vigueur entre parenthèses à côté? Ce serait intéressant de savoir l'âge de certains de ces traités, parce que je vois qu'il y en a que nous commencerons à renégocier. Si vous pouviez le faire, ce nous serait utile.

M. Castonguay : Je crois que vous trouverez ces renseignements au cinquième onglet de votre document, si je ne m'abuse.

Le sénateur Moore : J'avais l'autre tableau. Merci.

Comme la sénatrice Hervieux-Payette l'a mentionné, ainsi que la sénatrice Ringuette, des articles sont récemment parus dans les médias au sujet des Îles Cook. Avez-vous essayé de négocier une convention fiscale avec les Îles Cook ou les Îles Caïmans ou tout autre État où il y aurait des comptes à l'étranger qui vous intéressent?

M. Castonguay : En plus de négocier des traités fiscaux, je négocie également des accords d'échange de renseignements à des fins fiscales, AERF. Nous en avons négocié 30. Nous en avons un en vigueur avec les Îles Caïmans, et nous sommes en négociations avec les Îles Cook.

Le sénateur Moore : Les modalités de ces accords sont-elles similaires au nouveau traité avec la Suisse ou à l'ancien traité dans lequel vous ne pouviez pas obtenir de renseignements?

M. Castonguay : Leur fonctionnement s'apparente au traité avec la Suisse.

Le sénateur Moore : Le nouveau traité.

M. Castonguay : Cela concernera absolument l'échange de renseignements aux fins fiscales.

Le sénateur Moore : Quand avez-vous entamé les négociations avec les Îles Cook?

M. Castonguay : Si je ne m'abuse, c'était en 2010 ou 2011. Je ne suis pas certain. Il y en a eu quelques-uns.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Le verbiage dont on se sert dans les traités pour assurer qu'on reçoit l'information qu'on cherche, vous êtes certainement connaissant, est-il similaire dans les traités américains avec ces pays qui ont eu quand même un très bon succès d'informations et de poursuites.

M. Castonguay : Nos traités suivent les standards de l'OCDE, les États-Unis aussi.

Le sénateur Massicotte : C'est le même modèle pour les Américains?

M. Castonguay : Oui.

Le sénateur Massicotte : Quand je regarde les rotations qu'on propose, disons, avec ces pays-là, je remarque que, par exemple, à Hong Kong, on aura une rétention de 25 p. 100 sur les paiements de pension. Pendant que c'est 15 p. 100 avec la Serbie et la Pologne, zéro avec la Namibie. Il y a certainement un raisonnement. Évidemment c'est suite à une compétition de négociation. C'est possible de donner un peu de renseignements, à savoir pourquoi 25 p. 100 et non 15 p. 100? Est-ce qu'on a plus de résidents canadiens qui reçoivent des pensions de leur pays original que nous? Il y a certainement un calcul financier qui a été fait. Pourquoi est-on arrivés à cette conclusion?

M. Castonguay : Ce n'est pas vraiment un calcul financier. Sans aller dans les détails, notre position est de réduire le taux à 15 p. 100 pour les pensions. Le résultat de 25 p. 100 reflète le fait que ce n'était pas acceptable pour Hong Kong.

Le sénateur Massicotte : Ce n'est pas acceptable pour nous ou pour Hong Kong?

M. Castonguay : Pour Hong Kong.

Le sénateur Massicotte : Ils ont refusé 15 p. 100 car ils cherchaient 25 p. 100.

M. Castonguay : Ils cherchaient 25 p. 100 ou ils cherchaient autre chose et on n'a pas pu s'entendre. On a décidé d'appliquer notre loi domestique.

Le sénateur Massicotte : Est-ce je me trompe en disant qu'il y a plus de gens qui ne demeurent pas ici et qui reçoivent des fonds de pension que le contraire? Est-ce que nous sommes gagnants avec un taux plus élevé?

M. Castonguay : Je ne sais pas, honnêtement, je ne pourrais pas vous dire.

Le sénateur Massicotte : Quand vous négociez ces points, il y a sûrement des calculs qui disent, on poursuit l'intérêt du pays et ces calculs doivent être faits, non?

M. Castonguay : De façon général, nous essayons d'avoir une position assez cohérente d'un traité à l'autre. J'aime décrire notre position comme équilibrée où on se garde le droit de taxer les pensions reçus par des résidents du Canada qui viennent d'autres pays et qui reçoivent des pensions d'autres pays, mais en même temps protéger notre habileté de protéger les pensions qui sont payées par le Canada et qui en général ont bénéficié d'assistance fiscale dans le passé. C'est une position de compromis.

Le sénateur Massicotte : Suite à une question de la sénatrice Ringuette, vous avez dit qu'on a un concept de revenu mondial. Ce n'est pas le cas pour les particuliers. C'est plus dans le sens corporatif, mais pour les particuliers, n'est-ce pas la résidence qui compte?

M. Castonguay : Les résidents, individus et compagnies sont taxés sur les revenus de toutes sources, mondiale.

Le sénateur Massicotte : On se concentre sur le prorata attribué au Canada?

M. Castonguay : Sauf le prorata qui appartient au Canada, qui est attribué au Canada. Non, les individus sont taxés sur les revenus de toutes sources. D'où l'intérêt d'avoir de l'information lorsque l'argent est placé ailleurs.

Le sénateur Massicotte : Pour ce qui est de la Suisse, l'entente supplémentaire qu'on propose, je ne comprends pas : on dit dans les notes qu'on a reçues que l'entente dit qu'on ne peut pas demander l'information sur le nom des personnes sous investigation mais on peut demander d'autres informations. Je ne comprends pas comment on peut demander de l'information sans divulguer le nom de la personne qu'on recherche. Il y a quelque chose que je ne comprends pas.

M. Castonguay : D'abord, je dois expliquer le contexte dans lequel nous avons été amenés à faire cette entente. Il est important de l'expliquer. On a conclu une convention en 2010 qui reflétait à ce moment-là la politique de la Suisse sur l'échange d'informations. Ils pouvaient aller jusqu'à un certain point et pas au-delà. La Suisse, tout comme nous, est membre du Forum mondial sur l'échange d'information. Le forum mondial assujettit tous ses membres à une revue des pairs très rigoureuse. Un peu après la fin de notre négociation avec la Suisse, la Suisse a été soumise à l'examen des pairs et le rapport qui a été publié a dit que la pratique de la Suisse dans ses conventions fiscales d'exiger le nom du contribuable ou de la personne qui pouvait avoir vraisemblablement l'information ne correspondait pas au standard de l'OCDE, qui dit que toute information qui peut divulguer l'identité, pas nécessairement le nom — cela peut être un numéro de compte — qui peut nous amener dans la direction d'avoir de l'information par rapport à quelqu'un qu'on suspecte. Le but de cette entente est de ramener notre traité à ce qui aurait toujours dû être, le standard de l'OCDE, où la Suisse ne peut pas exiger strictement un nom, dans la mesure où nous sommes capables d'identifier une personne autrement.

Le sénateur Massicotte : Disons qu'on cherche de l'information sur M. Y. Si on n'a pas le droit de divulguer son nom, comment peut-on avoir l'information qu'on recherche?

M. Castonguay : On peut enquêter sur un contribuable et tomber sur de l'information dont on ne sait pas si elle se rapporte à cette personne ou à son conjoint. Mais si on dit : j'ai un nom, j'ai un numéro de compte bancaire, je ne peux pas nécessairement faire le lien entre les deux mais j'aimerais s'il vous plaît avoir de l'information sur ce compte bancaire. C'est possible de le faire.

Le sénateur Massicotte : Mais on ne doit pas divulguer le nom?

M. Castonguay : Dans la mesure où on n'est pas certains quel nom est attaché au compte bancaire, au moins on a un élément d'information pour en chercher d'autres.

Le sénateur Massicotte : On doit le décrire? Six pieds deux, cheveux bruns? On peut chercher de l'information sur le compte bancaire, on peut donner le numéro de compte bancaire mais on ne peut pas donner le nom.

M. Castonguay : Dans la mesure où on investigue quelqu'un et qu'on a de l'information qui pourrait être pertinente ou non à des personnes, on n'a pas nécessairement à prouver que le compte bancaire est détenu par M. X. On a seulement à dire qu'on a trouvé de l'information dans le compte bancaire qui est vraisemblablement pertinent aux affaires de M. X, mais on n'a pas à dire à la Suisse : nous on pense que le compte bancaire est détenu par M. X.

Le sénateur Massicotte : Si je comprends bien, les traités donnent le droit à l'information quand c'est relatif à l'évasion fiscale. Mais si c'est relatif à un acte criminel, on n'a pas le droit de demander de l'information au sujet des traités qui existent présentement? Est-ce que j'ai raison?

M. Castonguay : Toute information sur l'évitement fiscal, toute autre raison, si c'est de nature criminelle fiscale, oui; si c'est ne nature criminelle autre que fiscale, non.

Le sénateur Massicotte : Et le blanchiment d'argent, est-ce que c'est fiscal?

M. Castonguay : Non, pas dans le traité que nous avons.

Le sénateur Massicotte : Même si le blanchiment d'argent laisse croire que ces gens ont peut-être choisi un compte bancaire en Suisse pour ne pas payer de l'impôt, cette information n'est pas adéquate.

M. Castonguay : Pas dans les traités fiscaux.

Le sénateur Massicotte : On manque un gros morceau.

M. Castonguay : C'est ce que je disais, nous commençons à incorporer une disposition plus large pour faire en sorte qu'on pourra dans le futur, dans la mesure où c'est pertinent à d'autres services du gouvernement.

Le sénateur Massicotte : C'est le cas pour tous les traités qui existent.

La sénatrice Ringuette : J'ai une question supplémentaire, on vient d'étudier tout ce qui se passe dans les opérations du CANAFE. Est-ce que vous pouvez utiliser de l'information que vous recevrez du CANAFE pour identifier un numéro de compte et poursuivre de cette façon?

M. Castonguay : Je ne voudrais pas m'avancer dans les domaines que je ne connais pas. mais dans la mesure où CANAFE donne à l'Agence du revenu des informations pertinentes, je ne vois pas la raison pour laquelle l'agence ne puisse pas l'utiliser.

La sénatrice Ringuette : Donc, c'est à travers uniquement — faisant suite aux questions du sénateur Massicotte — au travers du CANAFE que vous pourriez identifier des comptes bancaires ou des personnes?

M. Castonguay : Le traité est une source d'information mais pas exclusive. Dans la mesure où d'autres sources d'information sont pertinentes, c'est sûr que l'agence va les utiliser. Dans le cadre d'une convention fiscale, la tradition c'était de se restreindre aux informations fiscales.

La sénatrice Ringuette : Dans votre expérience, disons qu'un Canadien va ouvrir un compte à numéro en Suisse... maintenant, sortons de la Suisse parce que c'est une question de différents niveaux de convention à ce jour.

Disons, allons au Luxembourg : si un Canadien va au Luxembourg, ouvre un compte de banque dans le but de ne pas payer d'impôt, comment pouvez-vous savoir si le système n'est pas désigné pour pousser l'information vers le pays d'origine? Comment pouvez-vous savoir que M. X est allé au Luxembourg ouvrir un compte de banque?

M. Castonguay : D'abord, quelqu'un qui ouvre un compte de banque au Luxembourg a l'obligation de rapporter ses revenus gagnés au Luxembourg. Dans la mesure où il ne les rapporte pas volontairement, il commet l'évasion fiscale.

Deuxièmement, l'agence peut demander des questions au Luxembourg. La question est : est-ce que l'agence peut détecter chaque cas d'évasion fiscale? Pas nécessairement, parce que l'entente telle qu'amendée avec le Luxembourg permet à l'agence de poser des questions sur des cas particuliers.

La sénatrice Ringuette : Je comprends que c'est très difficile à détecter quel Canadien a des comptes et où, à l'extérieur du pays. C'est pour cela que je me demande pourquoi est-ce que le fondement de ces conventions n'est pas fondé sur une information qui serait poussée et non requise? Cela devient extrêmement complexe. Si le citoyen canadien X va ouvrir un compte au Luxembourg, il doit donner un lieu de résidence, de l'information.

M. Castonguay : Votre question se rapporte à celle de savoir si on devrait avoir un échange automatique d'information et si le Luxembourg devrait spontanément nous transmettre l'information.

La sénatrice Ringuette : Le Luxembourg ou tout autre pays.

M. Castonguay : Tout à fait. Dans le cas de la convention présente dans le projet de loi S-17, au Luxembourg, ce n'est pas le cas, car cela reflète leur politique fiscale. Mais les choses sont en train de changer et le thème de l'échange automatique d'information commence à prendre de plus en plus de place dans l'actualité. Donc il n'est pas exclu qu'il y ait des changements dans le futur, qui vont nous permettre d'étendre le concept d'échange d'information automatique.

Des 90 conventions fiscales que nous avons en vigueur, il y en a peut-être 25 par lesquelles nous avons un échange d'information de façon automatique, sans avoir à le demander — les États-Unis, le Royaume-Uni, la France, et cetera. En général, ce sont des pays qui ont des administrations fiscales sophistiquées, qui sont en mesure de collecter de l'information et de l'envoyer de façon cohérente.

Est-ce qu'on peut faire plus? Bien sûr, du point de vue de l'administration fiscal, ce serait idéal.

[Traduction]

Le sénateur Moore : Monsieur Castonguay, j'aimerais compléter l'intervention de la sénatrice Ringuette. Dans le cas d'un Canadien qui ouvre un compte au Luxembourg et qui gagne des revenus, je m'attends à ce qu'il doive faire une déclaration de revenus au Luxembourg, n'est-ce pas? Il est citoyen canadien, mais il a un compte au Luxembourg.

M. Castonguay : Dans certains pays, vous êtes imposé à la source, tandis qu'ailleurs vous ne l'êtes pas. Évidemment, s'il fait une déclaration de revenus au Luxembourg, il en fera une aussi au Canada. Lorsque les gens commettent une fraude fiscale, ils demeurent invisibles ou ils font une déclaration de revenus dans chaque pays.

Je ne veux pas sous-entendre que le Luxembourg est un pays isolé.

Le sénateur Moore : Ce n'est qu'un exemple aux fins de la discussion.

Actuellement, si une personne fait une déclaration de revenus au Luxembourg, les autorités luxembourgeoises ne vous rapporteraient pas automatiquement qu'un citoyen de notre pays a fait une déclaration de revenus au Luxembourg et que ses revenus sont peut-être assujettis à l'impôt sur le revenu au Canada. Vous ne le sauriez pas.

M. Castonguay : C'est exact.

Le sénateur Moore : Espérez-vous inclure de telles dispositions dans de futurs accords? Cela fait-il partie du modèle de convention de l'OCDE ou cela a-t-il été abordé au sein du groupe de travail qui a conçu le modèle?

M. Castonguay : On discute actuellement de cet aspect.

Le sénateur Moore : En vertu des présents accords avec les 11 pays, notamment le Luxembourg et la Suisse, si le projet de loi est adopté et que les autres pays adoptent un projet de loi similaire en vue d'avoir une loi en place, cela concernera-t-il seulement les comptes en place à partir de maintenant ou pourrions-nous aller 10 ans en arrière et demander des renseignements au sujet d'un soupçon que vous aviez à l'époque?

M. Castonguay : Cela concerne les revenus gagnés après l'entrée en vigueur, peu importe quand le compte a été ouvert.

Le sénateur Moore : Cela concerne uniquement les revenus gagnés, mais vous ne pouvez pas remonter dans le temps et demander si un parti ou une entreprise avait un compte et a gagné des revenus il y a 10 ou 15 ans.

M. Castonguay : Non.

Le sénateur Moore : Ce sont les données actuelles et futures.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Je veux juste m'assurer que j'ai bien compris vos commentaires. La GRC nous avise qu'elle estime qu'il y a peut-être 15 à 20 milliards de dollars de blanchiment d'argent par année au Canada. C'est un chiffre assez important. Le défi, pour une personne qui veut faire du blanchiment d'argent, c'est de trouver le moyen de refaire circuler cet argent dans l'économie canadienne de façon à ce qu'on perde la trace, l'identité de ces fonds. C'est un défi important et ils sont prêts souvent à payer l'impôt sur ce revenu fantôme.

Mais si je comprends bien, au lieu de relever ce défi de réintroduire l'argent dans l'économie canadienne, ils ont peut-être aussi le choix de le déposer dans un compte en Suisse. Et si je comprends bien vos commentaires, même si on peut penser qu'il s'agit potentiellement d'argent illégal sur un compte suisse, étant donné que c'est un blanchiment d'argent et pas nécessairement de l'évasion fiscale, nos traités ne nous donnent pas de pouvoir additionnel pour obtenir de l'information sur ces manœuvres probablement illégales. Ai-je bien compris?

M. Castonguay : Oui. Nos conventions fiscales concernent, dans le cadre de l'échange d'information, et dans le cas qui nous occupe, l'évasion fiscale. Dans la mesure où l'agence du revenu a de l'information qui l'amène à poser des questions à la Suisse, c'est comme ça qu'on pourrait obtenir de l'information. Mais l'utilisation de l'information que l'agence obtiendrait serait pour l'impôt et l'impôt seulement.

Le sénateur Massicotte : Étant donné les lois qui ont été introduites, par exemple au Canada, au sujet du blanchiment d'argent il y a une vingtaine d'années, et presque partout dans le monde également, comment se fait-il qu'on ne se soit pas réveillé plus tôt en disant : il y a un éléphant dans la salle, comment se fait-il qu'on laisse passer ça?

M. Castonguay : Mon expertise ne va pas au-delà des questions fiscales. Je ne peux pas m'avancer à dire s'il existe d'autres instruments qui permettraient au Canada d'obtenir de l'information. C'est probablement le cas, mais c'est au- delà de mon expertise.

[Traduction]

M. Cook : Nous avons discuté de l'imposition, et je ne voudrais pas vous laisser avec l'impression que s'il n'y a pas d'échanges de renseignements fiscaux, il n'y a pas d'autres solutions. Vous devriez inviter des représentants du ministère de la Justice pour en parler directement.

En ce qui a trait aux enquêtes criminelles en cours relativement à des crimes dans d'autres pays, il y a un tout autre réseau d'accords entre le Canada et les autres pays; il s'agit de traités d'assistance judiciaire aux fins d'enquêtes.

Ce dont nous parlons ici n'est que l'une des branches de l'arbre, pour le dire ainsi. Lorsque cela concerne davantage des questions pénales, par exemple, les autorités ont recours à un tout autre arsenal d'outils.

Pour ce qui est de la relation entre les questions fiscales et criminelles, la GRC a un peu plus les coudées franches en vue de fournir des renseignements à l'Agence du revenu du Canada et de l'aider dans ses enquêtes que l'ARC peut actuellement le faire à l'endroit de la GRC.

Je souligne que nous avons discuté d'un aspect en particulier à ce sujet, soit l'échange de renseignements fiscaux en vertu des conventions fiscales, mais comme je l'ai indiqué, il y a une panoplie d'éléments du point de vue de la fiscalité internationale.

Dans le budget 2013, il y a une mesure budgétaire qui imposerait la même exigence de déclarer les transferts électroniques de fonds qui s'applique actuellement en ce qui a trait au blanchiment d'argent et aux questions fiscales en vue d'aider l'ARC. Je faisais particulièrement allusion à la question de la sénatrice Ringuette au sujet d'une personne qui ouvre un compte bancaire. Si de grandes sommes d'argent sont transférées par des intermédiaires financiers à l'extérieur du Canada, une déclaration sera faite à cet égard. De plus, les exigences en matière de déclaration au sujet du T-1135 seront élargies. Encore une fois, si une personne ne se conforme aucunement aux règles, cela rend les choses plus difficiles. Il y a divers éléments en vue d'aborder cet enjeu.

[Français]

La sénatrice Ringuette : Monsieur Castonguay, l'échange d'information avec les pays avec lesquels nous avons des ententes bilatérales va donc essentiellement s'appliquer uniquement si les citoyens ou les corporations remplissent, dans un pays ou dans l'autre, un formulaire d'impôt. Pour revenir à l'exemple du Luxembourg, si un citoyen ne remplit pas de formulaire d'impôt au Luxembourg et qu'il a des revenus au Canada...

M. Castonguay : Ma réponse à cela : pas nécessairement. C'est plus difficile mais pas impossible et dans la mesure où l'agence a accès à d'autres sources d'information qui lui permettent de poser des questions au Luxembourg au sujet d'une personne, c'est possible d'avoir de l'information mais effectivement c'est un peu plus difficile.

La sénatrice Ringuette : Et vice versa.

[Traduction]

Le président : Messieurs Castonguay et Cook, merci de vos témoignages très instructifs et approfondis.

Avant de conclure la séance, je vous rappelle que mercredi à l'occasion de notre prochaine séance nous accueillerons le gouverneur Mark Carney. Il s'agira de sa dernière présence sur la Colline du Parlement.

(La séance est levée.)


Haut de page