Aller au contenu
BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 34 - Témoignages du 23 mai 2013


OTTAWA, le jeudi 23 mai 2013

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, auquel a été renvoyé le projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières), se réunit aujourd'hui, à 10 h 30, pour l'étude du projet de loi.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Aujourd'hui, nous poursuivons notre étude du projet de loi C-377, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu (exigences applicables aux organisations ouvrières).

Hier, nous avons entendu le témoignage du parrain du projet de loi, le député Russ Hiebert, ainsi que les témoignages des représentants de la profession juridique du Canada.

À titre de rappel, mesdames et messieurs les sénateurs, je tiens à vous rappeler que notre réunion aujourd'hui durera trois heures. Pendant la première heure, nous recevons des représentants de l'Agence du revenu du Canada, à savoir Brian McCauley, sous-commissaire adjoint, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires; et Ted Gallivan, directeur général, Direction des déclarations des entreprises, Direction générale des services de cotisations et de prestations.

Monsieur McCauley, si j'ai bien compris vous avez une déclaration préliminaire, après quoi vous répondrez aux questions.

Brian McCauley, sous-commissaire adjoint, Direction générale de la politique législative et des affaires réglementaires, Agence du revenu du Canada : Ma déclaration préliminaire sera très brève, monsieur le président. Nous sommes ici pour répondre à vos questions. Nous n'avons pas d'opinions précises sur le projet de loi d'initiative parlementaire et nous nous sommes dit, par conséquent, qu'il serait mieux tout simplement de répondre à vos questions, si nous le pouvons. C'est aussi simple que cela. Nous sommes ici pour faire notre possible pour vous aider.

Le président : Il s'agit là de l'une des déclarations préliminaires les plus concises jamais entendues devant ce comité; droit au but. Merci.

[Français]

Le sénateur Massicotte : Vous êtes au courant du projet de loi adopté par la Chambre des communes. J'assume que vous l'avez lu. Vous êtes au courant de ce qui est proposé.

Hier, avec le parrain du projet de loi, M. Hiebert, nous avons eu une discussion sur les mots utilisés dans le projet de loi. On fait souvent référence à des états des emprunts. En anglais on dit que ce sont des statements. On dit qu'il y a un état des comptes recevables, un état des comptes payables, un état indiquant le total des déboursés relatifs à l'organisation des activités, et cetera.

Quand j'ai demandé comment était défini le mot « état » M. Hiebert a répondu qu'on va laisser le gouvernement dire comment il interprète ce mot. Il a fait référence aux normes comptables. Je ne crois pas que cela défini le mot « état ». Si vous êtes responsable de la gestion de ce projet de loi, comment interprétez-vous le mot « état ». Quelle est la définition? Quelle sorte d'information est-ce que cela veut dire?

[Traduction]

M. McCauley : Il s'agit d'une très bonne question. Le problème que nous avons, une fois que le projet de loi sera adopté ou s'il est adopté, c'est de passer en revue le projet de loi en détail et de donner des directives ainsi que d'éclaircir un certain nombre de définitions et de termes. Nous le ferions en nous servant d'autres références à une nomenclature semblable dans la Loi de l'impôt sur le revenu, par exemple, ou dans d'autres lois auxquelles nous pouvons faire allusion, et nous consulterons également le secteur qui serait touché. Je crois que le projet de loi précise que nous prescririons la nature des renseignements, les formulaires et les détails qui seront fournis électroniquement.

En premier lieu, nous essaierions probablement de refléter ce que la définition d'une déclaration serait aux fins de la Loi de l'impôt sur le revenu et ce que vous auriez à produire dans vos livres et vos dossiers normaux afin que ce soit le moins exigeant possible, si je puis m'exprimer ainsi, du point de vue administratif pour l'organisation, tout en étant conforme à ce que nous essaierions de déterminer comme étant les objectifs du projet de loi.

Le sénateur Massicotte : Vous essaieriez probablement de trouver l'intention de cette législature si nous approuvions le projet de loi, n'est-ce pas?

M. McCauley : Nous avons eu une discussion intéressante après avoir entendu les témoignages d'hier après-midi que nous avons trouvé très intéressants. Oui, nous aimerions essayer de mieux comprendre non seulement la lettre juridique, à savoir ce que contient la loi, mais aussi nous essaierions de cerner ce que le Parlement avait comme intention et ce qu'il espérait accomplir avec cette loi et, ainsi, cela nous guiderait pour formuler notre opinion quant à ce qui serait nécessaire à des fins de rapport.

Le sénateur Massicotte : Le paragraphe 3 qui est proposé donne une longue liste de renseignements. Le sous-alinéa (3)b)(v) parle de « l'état des comptes créditeurs » et utilise aussi fréquemment une expression semblable « l'état des emprunts » et « un état indiquant », et cetera. Si vous regardez la définition dans le dictionnaire Webster, le mot « état ou déclaration » pourrait être interprété comme le fait de dire « oui, nous avons des comptes créditeurs » ou à votre avis cela implique-t-il de donner une liste de tous les comptes créditeurs?

M. McCauley : Nous considérerions qu'il s'agit davantage d'un énoncé. Avec le mot « état financier », puisque le changement sera apporté à la Loi de l'impôt sur le revenu, il faudrait voir comment considérer les mots « états financiers » et comment on les interprète et on les définit dans ce contexte, car ils seront inclus dans la loi. J'ose donc dire, sous toute réserve, qu'il s'agirait davantage que d'une ligne unique. Il faudrait qu'on soit assez précis.

Le sénateur Massicotte : Lorsque vous voyez « l'état des comptes débiteurs » au sous-alinéa (3)b)(i), l'entité aurait à établir une liste par fournisseur, je suppose, ou encore une liste de toutes ses créances. Il ne s'agirait pas uniquement d'une phrase qui dirait « voici le total ». Il s'agirait d'une liste de chaque créditeur. Est-ce juste?

M. McCauley : Oui. Encore une fois, si le projet de loi est confirmé ou ajusté, nous communiquerions avec les organismes concernant le niveau de détail associé à cette formulation ainsi que nos attentes. Cela pourrait reprendre leur façon actuelle d'organiser leurs livres comptables. Je crois savoir qu'il s'agit d'organismes professionnels. Ils sont incorporés; il ne s'agit pas d'organismes informels. Nous tâcherions d'établir un parallèle avec leur fonctionnement actuel. Si ce fonctionnement respectait nos critères ainsi que l'intention de la loi, nous tâcherions de nous organiser ainsi.

Le sénateur Massicotte : Vous êtes donc souple pour ce qui est de la mise en forme. L'intention est d'obtenir une liste des comptes débiteurs. Vous êtes souple quant à la mise en forme, selon le fonctionnement de l'entreprise ou du syndicat, mais il s'agit néanmoins d'une liste. Est-ce juste?

Ted Gallivan, directeur général, Direction des déclarations des entreprises, Direction générale des services de cotisations et de prestations, Agence du revenu du Canada : Oui. Notre interprétation actuelle est que si le montant global se situe à plus de 5 000 $ pour tout particulier ou entité participant à la transaction, cette dernière serait consignée dans le détail. Nous examinerions aussi le formulaire LM-2 du département du Travail des États-Unis, qui influence en partie cette mesure. Ce document comprend une liste claire de transactions précises et individuelles.

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur McCauley, vous avez dit que lorsque la loi serait adoptée, vous essaieriez de découvrir « l'intention du Parlement en créant la loi ». Vous avez vu le projet de loi. Est-ce que vous avez une meilleure idée de l'intention du Parlement?

M. McCauley : Je crois que les gens assis autour de cette table auraient une vision plus éclairée que moi pour l'instant. Nous n'allons pas traiter ce projet de loi différemment des autres projets de loi. Lorsqu'il sera adopté, nous chercherons à obtenir un ensemble de renseignements qui portent sur la lettre de la loi ainsi que sur toute déclaration concernant les politiques.

J'ai comparu devant un comité la semaine dernière et nous parlions du hansard de 1928 pour nous donner une meilleure idée de ce que le gouvernement recherchait lorsqu'il adoptait une loi.

Nous examinerions toutes ces sources de renseignements, mais nous n'adopterons pas de position tant que le projet de loi n'est pas adopté. Il faudrait ensuite se pencher sur la question, mais cela fait partie du processus de transmission d'informations en temps et lieu.

La sénatrice Nancy Ruth : La Direction parlementaire du budget estime qu'il en coûtera 11 millions de dollars pour mettre en œuvre ces changements avec 2 millions de dollars annuellement en coûts de production. Comment ces chiffres ont-ils été accueillis dans votre ministère?

M. McCauley : J'estime que ce chiffre est proche de nos approximations. Je crois cependant qu'il a été calculé avant que certains amendements au projet de loi aient apporté un léger changement notamment dans l'appariement des données et d'autres éléments qui auraient été requis dans la première version du projet de loi.

Bien que nous n'ayons pas une analyse rigoureuse des chiffres — et je ne suis pas certain que le DPB ait fait cette analyse également —, je crois qu'une bonne partie de cette somme visait les systèmes et la technologie. Ce chiffre baisserait sûrement, compte tenu des amendements actuels, mais les coûts permanents sont dans les mêmes niveaux que les nôtres. Nous sommes donc cohérents avec le DPB à cet égard.

La sénatrice Nancy Ruth : L'ARC a-t-elle la même estimation de coûts pour l'administration des déclarations d'organismes de bienfaisance qu'ainsi qu'une certaine divulgation semblable?

M. McCauley : Nous nous sommes penchés sur le nombre d'organismes de bienfaisance, mais aussi sur le traitement de base. Lorsque nous avons étudié nos coûts, nous ne nous sommes pas penchés sur le fond du projet de loi et des exigences qu'il nous impose; nous avons simplement étudié nos processus, la précision, la collecte et l'affichage de l'information. Ce projet de loi contient peu d'exigences quant à l'examen de l'information, cependant pour ce qui est des organismes de bienfaisance, nous examinons l'information lorsque nous la recevons. Nous devons faire beaucoup de saisies de données, car l'information n'a pas à être fournie par voie électronique.

Ainsi, les coûts d'examen d'organismes de bienfaisance sont probablement plus élevés simplement parce que l'examen est plus approfondi et parce qu'il faut faire de la saisie de données, mais nous visons — et M. Gallivan pourra sûrement vous en parler — d'autres processus où nous avons estimé les coûts.

M. Gallivan : Nous étudions cette mesure sous l'optique de la divulgation et non pas à des fins d'administration fiscale ou d'évaluation fiscale. Depuis cinq ans, nous avons procédé à trois mesures : une sur le bois d'œuvre, une sur la déclaration de renseignements des sociétés de personne et une troisième sur les institutions financières désignées particulières. Ces trois mesures ont été effectuées dans ma section et l'installation de la TI a coûté environ 2 millions de dollars. Il y a donc peu de liens avec le reste des opérations de l'ARC ce qui semble être conforme à ce que l'on cible, c'est-à-dire la divulgation publique de renseignements.

La différence entre un coût de 2 millions de dollars et un coût de 10 millions porte sur le nombre d'éléments que nous avons ajoutés tels l'établissement des rapports. S'il y a une grande demande d'accès à l'information ou d'établissement de rapports, nous ajoutons des rapports automatisés. Si nous n'ajoutons pas cette caractéristique, chaque fois qu'on nous appelle pour un rapport, nous devons choisir manuellement de produire cette information pour le Parlement ou d'autres parties.

Au fur et à mesure que nous élaborons nos plans pour ce projet de loi, il nous faudra prendre des décisions sur la quantité de rapports et déterminer si nous investissons au départ ou après coup. Voilà pourquoi vous voyez un coût moins élevé et un coût plus élevé. Cela dépend du nombre d'éléments que nous ajoutons et des investissements au départ et nous déciderons en fonction de l'activité attendue dans le cadre de ce programme.

La sénatrice Nancy Ruth : Veuillez m'éclairer, si je donne 50 $ à un organisme de bienfaisance, je reçois un reçu et je le classe. On étudie ma déclaration de revenus et celle de l'organisme de bienfaisance pour voir si les sommes reçues ont été utilisées aux fins pour lesquelles elles étaient prévues, mis à part les 10 p. 100 pour l'activité politique, par exemple. Est-ce exact en théorie?

M. McCauley : De manière générale je dirais oui.

La sénatrice Nancy Ruth : Ici, des cotisations au syndicat sont versées. Le syndicat reçoit une somme pour travailler pour ses membres. Les cotisations syndicales sont déductibles dans la déclaration de revenus de l'individu. N'y a-t-il pas un système de comptabilité semblable pour s'assurer que les syndicats utilisent les sommes pour leurs membres qui ont versé des cotisations, comme c'est le cas d'un don de 50 $ à un organisme de bienfaisance?

M. McCauley : Je crois comprendre que ce projet de loi ne vise qu'à rendre l'information publique alors cela ne déclencherait pas, par exemple, un examen financier plus approfondi ou faire subir des conséquences fiscales aux organisations ouvrières au-delà de ce qui se fait à l'heure actuelle.

La sénatrice Nancy Ruth : Dans ce projet de loi, il n'y a pas l'équivalent de retirer le numéro d'enregistrement d'un organisme de bienfaisance? On ne rend pas de jugement?

M. McCauley : Pas à ma connaissance.

La sénatrice Ringuette : Je suis ravie que vous ayez confirmé que l'ARC estime que c'est un projet de loi sur la divulgation et non pas sur les aspects fiscaux, car ça réaffirme le fait que ce projet de loi n'est pas de la compétence du Parlement du Canada.

Passons aux coûts dont vous avez parlé. J'ai de l'information tirée de votre déclaration devant un comité de la Chambre des communes qui s'est penché sur ce projet de loi selon lequel sur 1 000 entités déclarantes, le coût serait de 2,4 millions pour deux ans et de 0,8 million en coûts récurrents.

Le DPB a confirmé que le coût par entité pour l'ARC est de 1 800 $ par entité déclarante. Il y aura au moins 25 000 entités déclarantes ce qui signifie un coût de 45 à 50 millions de dollars pour les contribuables. Dans quel but? Qui en profitera à l'exception de quelques privilégiés qui ont exercé des pressions intensives depuis deux ans?

À la lumière de ce que vous avez estimé être votre coût pour 1 000 entités et à la lumière de ce que le directeur parlementaire du budget a signalé depuis l'automne dernier, cette même structure de coût — excusez-moi, il en coûterait 2 100 $ pour l'installation et il y aurait également les coûts récurrents par entité. Selon vous, les estimations du DPB sont-elles correctes?

M. McCauley : J'aimerais préciser les propos de M. Gallivan concernant la divulgation. Nous croyons comprendre que ce projet de loi vise à fournir des renseignements qui seraient disponibles au public. Il existe d'autres dispositions dans la Loi de l'impôt sur le revenu qui nous obligent à faire cela, nous ne déclarons ni ne concluons donc pas qu'il est approprié de passer par l'entremise de la Loi de l'impôt sur le revenu pour faire cela. Je voulais préciser que ce n'était pas intentionnel et je suis désolé si nous vous avons donné cette impression. Nous n'avons pas d'opinion en ce sens, c'est une prérogative qui appartient au Parlement.

Pour ce qui est des coûts, c'est une excellente question. Je vais commencer et M. Gallivan pourra préciser, car, à mon avis — bien que le DPB puisse donner son avis —, je ne crois pas que nous ayons vraiment une différence d'opinions.

Lorsque nous avons établi les chiffres, nous avons étudié attentivement ce qu'il en coûterait pour développer une technologie qui traiterait l'information. Dans une certaine mesure, c'est tout à fait évolutif. Que l'on traite ou non 40 ou 40 000 entités déclarantes, nous développons ces choses dans une grande mesure afin que les coûts irrécupérables, l'investissement dans le système en place, soient dans la norme. D'une certaine façon, c'est la raison pour laquelle même si le nombre est petit, il semble élevé, mais une fois que vous avez un grand nombre, la moyenne baisse.

Comme l'a souligné M. Gallivan, en ce qui concerne les systèmes, ce qui fait augmenter les coûts c'est lorsqu'on ajoute des caractéristiques telles que la compatibilité croisée et les vérifications de système. Nous avions compris que les amendements avaient restreint la portée du projet de loi et que cela réduirait un peu les coûts.

En ce qui concerne le traitement, je crois que — de nouveau, le DPB serait mieux placé pour répondre à cette question. Nous avions dit que les coûts liés à la réception et à l'affichage des renseignements seraient de l'ordre de 2,2 millions de dollars. Il s'agissait d'une prévision fondée sur des renseignements très préliminaires.

La sénatrice Ringuette : C'était fondé sur 1 000 entités?

M. McCauley : Oui. Et c'est exactement de là que proviennent les 2,2 millions de dollars. M. Gallivan dira en quoi cela est tout de même flexible. D'après nous, si l'on ajoute environ 10 000 ou 15 000 entités déclarantes, cela ne va pas forcément mener à une multiplication des capacités par 10 ou par 15. M. Gallivan pourra vous en parler rapidement si vous le souhaitez.

La sénatrice Ringuette : Non. Je voulais tout simplement que vous nous confirmiez les conclusions du DPB lorsqu'il a comparé ce qu'il fallait divulguer aux États-Unis et ce que ce projet de loi exigeait que l'on divulgue. J'aimerais que l'on parle du coût de traitement des entités aux États-Unis par rapport au Canada, du coût annuel d'établir tout cela, des coûts à long terme et des exigences imposées par ce programme à l'ARC. Ne songeons pas aux 25 000 entités de Canadiens qui travaillent fort. Il y a au moins 25 000 entités déclarantes, donc il s'agit d'environ 48 millions de dollars qui proviennent des poches des contribuables qui paient pour un projet de loi qui n'est pas constitutionnel.

M. McAuley : L'ARC ne s'attend pas à ce coût, mais, de nouveau, il s'agit de traiter un plus grand nombre d'entités par rapport à un nombre plus restreint.

En ce qui concerne le DPB, nous lui avons fourni des renseignements. Il s'agit d'un projet de loi qui a changé plusieurs fois. Nous parlons peut-être de certaines données pour lesquelles on avait fait des prévisions budgétaires à l'époque alors qu'il s'agit peut-être de faits bien distincts maintenant. Je ne veux pas contester vos propos, mais il faut savoir que les choses ont changé dans ce dossier.

M. Gallivan : La question est logique : pourquoi est-ce que cela ne coûte pas davantage quand on en fait plus? C'est parce que la plupart de nos coûts sont des coûts fixes. En d'autres termes, si nous créons une interface afin de permettre à ces organisations de pouvoir remplir des formulaires, cela coûtera autant pour une seule entité que pour 45.

En ce qui concerne votre question plus précise à savoir pourquoi les coûts n'augmentent pas sensiblement, il faut savoir que si la portée de cette mesure législative augmente considérablement, la plupart de nos coûts sont des coûts fixes que nous encourons, qu'il y ait une ou plusieurs entités.

La sénatrice Ringuette : J'imagine que vous fonctionnez de la même façon qu'aux États-Unis. Le parrain de ce projet de loi a comparu devant notre comité hier. Il a dit qu'il voulait des instaurer des règles du jeu équitables. Eh bien, la recherche du DPB en ce qui concerne le coût de traitement du gouvernement américain indique qu'il s'élevait à 1 800 $ par entité. Et nous parlons de 25 000 entités.

Je comprends tout à fait la question du nombre d'entités, mais il s'agissait des coûts moyens pour les entités aux États-Unis. Le DPB, depuis son existence, a fourni des prévisions très fiables fondées sur son évaluation de l'expérience des États-Unis.

Nous parlons de 48 millions de dollars par année pour ce projet de loi. Ce sont les chiffres actuels. Il y a quelques mois, vous aviez annoncé une réduction de 300 employés dans vos bureaux alors que bon nombre de sénateurs demandent que l'ARC fasse plus de travail pour examiner les cas d'évasion fiscale à l'étranger.

Je comprends que vous ne puissiez pas donner votre avis sur une question d'ordre politique, mais il s'agit ici d'une question d'ordre politique qui en coûtera 48 millions de dollars par année aux contribuables, et ce, à un moment où vous subissez déjà des coupures. Je trouve ces mesures injustifiées en raison du coût pour les contribuables, sans compter le coût de divulgation tel que l'exige le projet de loi que nous étudions aujourd'hui. Les 25 000 entités dont il est question ont aussi un mandat de formation de la population active canadienne.

Il faut se rendre compte de tout l'argent nécessaire pour satisfaire une ou peut-être deux entités canadiennes, dont l'une est Merit Canada.

Le président : Madame la sénatrice, vouliez-vous poser une question? Vous avez fait une déclaration. Je n'ai pas entendu le témoigner confirmer qu'il s'agit de 48 millions, et peut-être qu'il aimerait vous répondre sur cette question.

Est-ce que vous aviez un dernier commentaire à faire?

La sénatrice Ringuette : Peut-être souhaitent-ils contredire l'estimation du DPB?

M. McAuley : Je ne souhaite certainement jamais contredire le DPB.

La sénatrice Ringuette : Merci de votre réponse.

M. McAuley : J'aimerais simplement indiquer que nous avons fourni des renseignements au comité. Si le comité veut nous charger de revoir les chiffres, nous serions certainement prêts à le faire. Cependant, je crois qu'il revient au DPB de confirmer ses propres chiffres. Je crois qu'au final, la différence est en fait le coût réel.

Je ne ferais que souligner qu'au Canada, nous faisons les choses comme il se droit. Ce qui se passe aux États-Unis peut être intéressant, mais les choses ne se passent pas toujours ainsi au Canada.

Le sénateur Segal : Je suis d'avis que l'ARC a pour objectif principal de percevoir des impôts qui correspondent aux mesures imposées par la Loi de l'impôt sur le revenu et toute autre loi fiscale émanant du Parlement.

Monsieur McAuley, je crois que vous avez été très clair ce matin lorsque vous avez dit que cette loi, dans la mesure où elle force les syndicats à déposer un formulaire de divulgation auprès de l'Agence de revenu du Canada, n'aura absolument rien à voir avec la perception d'impôts.

Vous pourrez me corriger le cas échéant, mais j'ai toujours cru que si une société de placement déposait un T5 qu'elle avait envoyé à un de ses clients, dans le cadre d'une vérification au hasard fondée sur l'échelle de points prévue par votre système, il serait possible de voir si le client en question avait également déclaré ce même T5 dans sa déclaration personnelle, s'il était imposable. Vous avez un système qui vous permet d'agir ainsi et je crois qu'il est juste, équilibré et approprié.

Vous dites que ces déclarations ne seraient pas utilisées précisément pour aller voir si, par exemple, un avocat qui reçoit des honoraires de 365 000 $ avait effectivement inclus ce montant dans sa déclaration personnelle, celle de son cabinet, ou dans la déclaration de partenariat à la Couronne de l'Agence du revenu du Canada. Vous dites que contrairement à toutes les autres données que vous amassez, ces dernières ne feraient pas partie de votre système de renseignements sur la perception des impôts alors que nous dépendons tous de ce système pour que les impôts soient perçus de façon équitable et pour assurer un revenu à Sa Majesté pour les bons services rendus par son gouvernement. Vous ai-je mal compris?

M. McAuley : J'aimerais apporter quelques nuances, mais vous avez raison au niveau fiscal. Nous fournissons aussi divers programmes de prestations au nom des provinces et d'autres lois ou mesures, telles que celles sur le bois d'œuvre et l'importation des boissons enivrantes où il y a peut-être des liens secondaires avec les services fiscaux.

Je disais que selon ma compréhension du projet de loi et étant donné le témoignage d'hier, l'objectif principal était de divulguer ces renseignements et de les rendre publics. Le système, soit la technologie qui recevrait tous ces renseignements et les afficherait par la suite, système qui nous permet d'ailleurs de maintenir de très faibles coûts, ne pourrait transmettre les renseignements à nos autres systèmes majeurs, donc les données ne seraient pas liées. Les renseignements reçus ne seraient pas inclus dans notre énorme macro-infrastructure de renseignements commerciaux.

Le sénateur Segal : J'aurais une question au sujet de l'équité de ce système. Elle vient de l'autre côté du télescope si vous voulez. Supposons qu'une petite entreprise vous présente sa déclaration et a une série de créances, dont certaines sont des sommes imposantes. Ces activités seraient comptabilisées par votre système de services fiscaux pour vous assurer qu'il y a eu des déclarations équivalentes reflétant la liste de créances de cette entreprise. Pourquoi croyez-vous donc que ce qui est déclaré en vertu de la loi actuelle ne devrait pas être inclus dans le système? Qu'y a-t-il dans la loi actuelle qui vous pousse à dire en tant que fonctionnaires de l'Agence du revenu du Canada que ces données qui émanent des 25 000 entités sont intéressantes? Nous allons les rendre publiques. C'est ce que la loi exige que nous fassions, mais nous n'allons pas y jeter un coup d'œil pour voir si cela se raccorde bien au système fiscal.

J'aimerais savoir pourquoi vous adoptez ce point de vue avec de petites entreprises en vertu de la LCSA, par exemple, et un autre point de vue lorsqu'il s'agit d'une grande division syndicale de la Colombie-Britannique.

M. McCauley : Je ne crois pas que ces points de vue soient divergents. Comme vous l'avez dit, nous amassons certains renseignements au sujet des petites entreprises à des fins d'établissement de rapports. Une bonne partie des renseignements plus détaillés ne sont bien sûr pas inclus dans les systèmes. Ils sont disponibles lorsque nous entreprenons une vérification ou un examen. Ce ne sont pas des renseignements exigés.

Nous avons examiné le projet de loi ainsi que ses objectifs. Nous avons essayé de trouver les meilleures méthodes de fournir les renseignements de façon efficace, et le raccordement de ces renseignements avec le reste du système aurait entraîné des coûts importants. Donc, nos estimations ont été élaborées sans tenir compte d'un raccordement éventuel.

Je ne souhaite pas porter de jugement hâtif. Je suis désolé si je vous ai induit en erreur. Si ce projet de loi est adopté et que les renseignements arrivent chez nous puis sont affichés publiquement, est-ce que nous y jetterions un œil si nous croyions que c'était justifié? En d'autres mots, en tant que vérificateur ou en tant que source de renseignements, est-ce que nous allons voir ce qui peut nous aider? Peut-être. Je crois que ce que j'essayais de vous dire est qu'il n'y aurait aucun programme lancé précisément pour examiner tous ces renseignements, les vérifier et les remettre en question le cas échéant. Cependant, supposons que nous procédons à un examen sur une organisation du travail. Dans le cadre de notre examen normal, est-ce que nous considérerions les nouveaux renseignements en même temps? Sans doute, ne serait-ce que pour éviter à cet organisme d'avoir à faire un rapport ultérieur, et cetera.

Quand je vous ai indiqué qu'on ne servirait pas du tout de ces renseignements, je voulais dire qu'il n'y aurait aucun programme actif prévu par le projet de loi visant à créer un suivi ou des liens.

Le sénateur Segal : Je vais vous donner des exemples hypothétiques. Vous êtes fonctionnaires et vous pouvez parfaitement dire : « Nous ne traitons pas des situations hypothétiques. » Je comprendrai, si vous dites cela, car il est arrivé que des politiciens disent la même chose.

Prenons le cas d'une situation de grève particulièrement tendue. Les deux parties sont à couteaux tirés. Puisqu'il existe à l'agence un programme pour encourager les dénonciations, surtout en ce qui a trait à l'évasion fiscale à l'étranger, quelqu'un qui vous contacterait pour vous dire qu'il connaît une personne qui détient un compte en banque colossal à l'étranger vous inciterait à faire le nécessaire, forts des renseignements que vous avez obtenus, afin de protéger l'intérêt public. Maintenant, supposons que quelqu'un vous contacte au moment où le différend entre syndicats et employeurs dure toujours pour vous dire que la déclaration d'impôt de l'année précédente d'une section locale comporte une somme de 125 000 $ versée à un certain M. Durand, ce dernier n'ayant pas déclaré cette somme comme il se doit, ce qui pourrait être une fraude. Dans ce cas-là, diriez-vous que c'est intéressant, mais qu'il ne vous appartient pas de vous pencher là-dessus parce que cela fait partie de la responsabilité d'autres autorités? Ou diriez- vous au contraire qu'ayant reçu une dénonciation légitime, la Loi de l'impôt sur le revenu vous oblige à enquêter pour déterminer s'il y a eu violation des dispositions de la loi dans ce cas-là? Je voudrais savoir comment le ministère réagirait dans ce contexte.

M. McAuley : Vous avez raison de dire que l'initiative concernant les dénonciateurs vise essentiellement les évasions internationales, mais à part cette initiative, il existe depuis plusieurs années un programme sur les indications. Nous recevons de nombreux appels de la part de particuliers dans divers contextes et ils offrent un degré plus ou moins élevé de véracité. L'exemple que vous avez décrit serait traité dans ce contexte. Il y a tout un processus qui se déroule, comme vous pouvez l'imaginer, au cours duquel, à certains moments, nous nous demandons s'il s'agit d'une question fiscale ou s'il ne s'impose pas de faire intervenir la justice. À cet égard, ce projet de loi ne change rien.

Le sénateur Segal : Cela signifie que les données déclarées n'échapperaient pas aux enquêtes éventuelles faisant suite à l'indication obtenue, n'est-ce pas?

M. McAuley : Si les renseignements sont rendus publics, et les membres du comité pourraient en prendre connaissance, nous aurions mauvaise grâce, trois ans plus tard, de reconnaître que même si nous avions reçu une indication, nous ne nous étions pas donné la peine de prendre connaissance de renseignements déjà publics. Ainsi, nous le ferions, car c'est ce que l'on attend de nous.

La sénatrice Ringuette : La commissaire à la protection de la vie privée a exprimé des inquiétudes à l'égard de ce projet de loi. Au cours de nos recherches, croyez-le ou non, j'ai relu la Loi sur la protection de la vie privée. Il est clair que toutes les lois fédérales doivent être conformes aux dispositions de cette loi. Il est clair que tout renseignement personnel divulgué doit avoir fait l'objet au préalable du consentement de l'intéressé.

Quand on examine le processus prévu dans le projet de loi C-377, on constate qu'il y a deux étapes à la divulgation. Tout d'abord, l'organisation de travailleurs va devoir obtenir le consentement écrit des personnes qui reçoivent des sommes de plus de 5 000 $. Le consentement écrit obtenu par l'organisation est donc la première inquiétude sur le plan de la divulgation de renseignements personnels.

La deuxième étape du processus de divulgation est que votre ministre va mettre ces données sur un site web public. Il faudra alors que votre ministère ou le personnel du ministre, selon le cas, obtienne un consentement écrit supplémentaire de chacune des personnes intéressées, puisqu'il s'agit de leurs renseignements personnels. Comment allez-vous gérer cela?

M. McCauley : Vous pouvez sans doute répondre à cette question mieux que moi, mais je vais essayer.

À propos de la deuxième partie, le projet de loi, s'il est adopté, donne à l'agence le pouvoir de divulguer publiquement ces renseignements. Le pouvoir serait conféré par une loi du Parlement. Suivant le processus normal, nous nous entretiendrions alors avec la commissaire à la protection de la vie privée pour savoir comment procéder de la façon la plus respectueuse. Je le répète, à l'agence, nous n'en sommes pas encore à réfléchir à l'application de ce projet de loi.

La sénatrice Ringuette : Il faut toutefois songer à toutes les conséquences.

M. McCauley : Oui. Nous ne demanderions pas et nous n'exigerions pas un consentement écrit avant de divulguer ces renseignements. Par exemple, pour les œuvres caritatives et d'autres entités, nous pouvons compter sur des dispositions législatives nous conférant à cet égard le pouvoir de diffuser ces renseignements. Cela ne veut pas dire qu'on ne pourrait pas contester ce pouvoir et qu'une contestation à cet égard est exclue. Je crois que la plupart des gens peuvent évaluer les défis que posent sur le plan juridique et de la protection de la vie privée de nombreux éléments des lois que nous administrons quotidiennement. En l'occurrence, les dispositions de ce projet de loi relèvent de cette catégorie.

Quant à votre première question, je ne sais pas. Il me faudra vous répondre plus tard concernant les organisations de travailleurs qui ont l'obligation d'obtenir un consentement écrit avant de divulguer les renseignements qui seraient mis sur le site web, par exemple.

La sénatrice Ringuette : Je comprends bien.

M. McCauley : Je dois reconnaître ne pas avoir fait de recherche sur ce sujet.

La sénatrice Ringuette : La Loi sur la protection des renseignements personnels vise le gouvernement, mais toute organisation responsable adopte la même politique que le gouvernement. Je comprends votre point de vue.

Permettez-moi de passer à une autre question. Il s'agit de la définition de l'expression « organisation ouvrière », qui figure dans le projet de loi et je cite :

« organisation ouvrière » Association syndicale ou autre organisation ayant notamment pour objet de régir les relations entre les employeurs et les employés.

Je me suis reportée aux bulletins d'interprétation 158R2 et 103R de l'ARC concernant les cotisations et j'en conclus, de l'interprétation que donnent ces deux bulletins, que le projet de loi C-377 s'appliquerait aux cotisations perçues annuellement auprès des professionnels membres d'une association. Autrement dit, toute organisation qui a pour objet de régir les relations entre les employeurs et les employés est assujettie à ce projet de loi. Cela m'a été confirmé grâce à l'interprétation que vous donnez dans vos bulletins, à savoir les cotisations annuelles versées par des professionnels.

Dans les provinces, il y a certaines associations médicales.

Le président : Pouvez-vous poser une question?

La sénatrice Ringuette : Oui.

Dois-je être plus claire? Je veux m'assurer que vous avez bien pris connaissance de la définition. On dit : « organisation ayant notamment pour objet de régir » et, selon le bulletin d'interprétation de l'agence, cela engloberait également les cotisations des membres professionnels.

M. McCauley : Nous n'avons pas encore tranché quant à la portée de cette définition. C'est une analyse que nous devrons faire une fois l'éventuelle adoption du projet de loi. Nous tiendrons compte de plusieurs facteurs qui nous guideront dans l'établissement de la portée de la définition. On sait qu'on a parlé d'un seuil, 1 000 $, 4 000 $ ou 25 000 $. Ce sera là le défi que nous devrons relever.

Pour ce qui est de faire de l'ordre là-dedans, la discussion d'hier nous a bien renseignés. Plus les dispositions du projet de loi sont claires et sans ambiguïtés, plus notre travail sera facile. Il nous faut assumer les conséquences du libellé du projet de loi et par la suite, nous devons faire un travail pour cerner les définitions, en ne tenant pas seulement compte de nos bulletins d'interprétation, mais de ce que le Parlement essayait de réaliser en nous appuyant sur d'autres sources.

Le président : Sénatrice Ringuette, je vous ai donné beaucoup de temps. Si vous voulez poser d'autres questions, dressez-en la liste et nous les présenterons à M. McCauley afin qu'il y réponde si le temps le permet. Il y a quelqu'un d'autre qui veut prendre la parole.

La sénatrice Ringuette : Je comprends certainement la difficulté de la portée, mais ne convenez-vous pas qu'il incombe aux parlementaires de vérifier la portée du projet de loi pour mesurer l'incidence qu'il aura pour les Canadiens.

M. McCauley : Il nous incombe de tirer le meilleur parti possible des projets de loi qui sont adoptés.

Le président : Ceux et celles qui sont ciblés par la loi seront déterminés et à partir de là la portée des dispositions sera fixée.

Le sénateur Segal : J'allais vous poser une question toute simple, mais étant donné la réponse que vous venez de donner concernant la portée, je ne suis pas sûr qu'elle soit si simple. Excusez-moi si elle semble inutile.

Étant donné les ressources financières du ministère, devrez-vous redéployer des fonds pour répondre aux exigences de cette loi? Quel que soit le nombre de contribuables visés, il est entendu que vous n'avez pas des ressources financières illimitées. Vous devez tenir compte de la fourchette budgétaire actuelle. C'est l'essentiel de ma question. Toutefois, vous venez de dire qu'au sein de l'agence vous devez déterminer la portée du projet de loi une fois qu'il sera adopté et c'est là que vous comprendrez mieux l'implication financière, et si ma question est prématurée, je vous prie de m'en excuser. Étant donné ce que vous savez maintenant, ai-je raison de présumer que vous ne pourrez pas accomplir ce qu'exige cette loi sans un redéploiement, même modeste, des ressources qu'offre le budget actuel?

M. McCauley : Autrement dit, vous me demandez si l'application du projet de loi exigerait un effort supplémentaire et des dépenses accrues? Je vous répondrai que oui. La réalité en fait est que notre organisation coûte 3,4 milliards de dollars. Quand donc les chiffres grimpent... Prenez le cas du bureau d'un sénateur qui reçoit 5 000 lettres supplémentaires par jour. On peut trouver le moyen d'accommoder cela. Je ne sais pas si nous allons devoir redéployer des fonds en raison de ces chiffres. Ceux qui seront responsables d'administrer la loi devront trouver le moyen d'intégrer cela au programme de travail. Bien entendu, cela créera des pressions dans certains secteurs, mais on se demandera, comme tout le monde, si l'on ne peut pas améliorer l'efficacité par ailleurs.

Il n'y aura sans doute pas de redéploiement officiel des fonds. Vous l'avez dit, tout dépendra de la portée, mais nous essaierons d'intégrer cela au budget ministériel, car, à la vérité, nous n'aurons pas le choix.

M. Gallivan : Je pense qu'en fait, à tout le moins, il s'agira d'un coût de renonciation. D'autres activités seraient sacrifiées.

Le sénateur Segal : Autrement dit, on laissera tomber certaines activités parce qu'on sera occupé en l'occurrence.

M. Gallivan : Oui.

Le président : Monsieur McCauley et monsieur Gallivan, merci de votre participation à l'étude de ce projet de loi. Vos remarques et vos réponses nous seront très utiles. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie infiniment d'être venus témoigner aujourd'hui.

Pour notre deuxième heure de séance, nous sommes ravis d'accueillir, à titre personnel, Bruce Ryder, professeur, Osgoode Hall Law School; Ian Lee, professeur, Université Carleton; Douglas Forer, associé, McLennan Ross LLP; et Alain Barré, professeur à l'Université Laval qui nous présenteront chacun un exposé. Je leur ai demandé de nous dire brièvement auparavant quelle est leur expérience.

Sur ce, je donne la parole à M. Ryder.

Bruce Ryder, professeur, Osgoode Hall Law School, à titre personnel : Je suis ravi d'avoir l'occasion de m'adresser aux membres du comité dans le cadre de l'étude du projet de loi C-377.

Je suis constitutionnaliste. J'enseigne le droit constitutionnel depuis 1987 à la Osgoode Law School, notamment la Charte des droits et le fédéralisme. Je donne des cours en la matière et j'ai publié fréquemment des articles sur le partage des pouvoirs législatifs entre le Parlement et les provinces. C'est sur cela que portera mon exposé d'aujourd'hui.

Je suis ici pour nous annoncer une mauvaise nouvelle. Le projet de loi C-377 ne relève pas de la compétence législative du Parlement du Canada. Sa caractéristique dominante est la réglementation des activités des organisations ouvrières, une question qui relève avant tout de la compétence provinciale pour adopter des lois portant sur la propriété et les droits civils, aux termes de l'article 92.13 de la Loi constitutionnelle de 1867. Si le projet de loi C-377 est adopté par le Parlement, il sera déclaré inconstitutionnel et inopérant par les tribunaux.

Permettez-moi, sénateurs, de rappeler brièvement deux doctrines ésotériques du doit constitutionnel qui m'amènent à tirer cette conclusion. Il s'agit du principe du caractère véritable et de la doctrine de la compétence accessoire.

Pour qu'une loi soit validée, la caractéristique dominante, ou ce que les tribunaux appellent le principe du caractère véritable, doit être un domaine conféré à la compétence d'un organe législatif, et dans le cas du Parlement en vertu de la Loi constitutionnelle de 1867, particulièrement l'article 91.

Pour déterminer la caractéristique dominante, ou le principe du caractère véritable, les tribunaux examinent les objectifs et les conséquences juridiques d'une loi. L'objectif déclaré du projet de loi C-377 est d'exiger des organisations ouvrières des renseignements financiers détaillés afin de les divulguer au grand public. Pour accomplir cela, le projet de loi ajouterait une nouvelle disposition, l'article 149.01 proposé, à la Loi de l'impôt sur le revenu. Juridiquement parlant, l'article 149.01 proposé impose des obligations de divulgation détaillée aux organisations ouvrières qui, en cas d'infraction, seraient passibles d'une amende de 1 000 $ par jour jusqu'à concurrence de 25 000 $. Voilà le seul objectif et la seule conséquence juridique du projet de loi C-377. Il n'est pas difficile dans le cas qui nous occupe de déterminer la caractéristique dominante d'une telle loi.

L'imposition aux organisations ouvrières d'une obligation de divulgation financière n'est tout simplement pas dans les compétences du Parlement. Le pouvoir d'adopter des lois réglementant les relations de travail et les organisations ouvrières est avant tout de compétence provinciale, conformément à l'article 92.13 de la loi de 1867. La compétence fédérale en matière de relations de travail est une exception à la règle générale. Le Parlement a compétence en matière de relation de travail dans le secteur public fédéral et dans les lieux de travail réglementés par le gouvernement fédéral, comme les banques, les lignes aériennes et les sociétés de télécommunication.

La compétence en matière de relations de travail, y compris la réglementation des obligations de divulgation financière imposées aux organisations ouvrières est donc partagée entre les assemblées législatives provinciales et le Parlement. En effet, des exigences relatives aux rapports financiers existent déjà dans chaque province et territoire au Canada. Au niveau fédéral, l'article 110 du Code canadien du travail impose à chaque syndicat de fournir « sur demande d'un de leurs adhérents... gratuitement... une copie de leurs états financiers de la date de clôture du dernier exercice... » Cette disposition s'applique uniquement au lieu de travail réglementé au niveau fédéral. Si elle s'appliquait à toutes les organisations ouvrières du pays, elle serait inconstitutionnelle, ultra vires, et inopérante. Les dispositions semblables dans les lois provinciales s'appliquent de la même façon uniquement aux secteurs réglementés par les provinces. Le droit du travail dans les provinces ne peut pas constitutionnellement s'appliquer aux lieux de travail réglementés par le fédéral.

Le projet de loi C-377 comporte un problème sur le plan du partage des pouvoirs. Il ne respecte pas le partage constitutionnel de la compétence législative en matière de relation de travail et en ce qui concerne les organisations ouvrières. Si le Parlement estime que les obligations de divulgation imposées aux syndicats sont incomplètes, constitutionnellement, la voie à suivre est de modifier l'article 110 du Code canadien du travail, en précisant que l'article modifié s'applique uniquement aux organisations ouvrières dans les secteurs réglementés par le fédéral.

Toutefois, les choses ne s'arrêtent pas là. La Loi de l'impôt sur le revenu est valide en ce sens que le Parlement exerce son pouvoir conformément à l'article 91.3 de la Loi constitutionnelle de 1867 c'est-à-dire qu'il adopte des lois relatives au prélèvement de deniers par tous modes ou systèmes de taxation. Peut-on sauver le projet de loi C-377, c'est-à-dire le nouvel article proposé 149.01 en faisant un lien avec les autres dispositions de la Loi de l'impôt sur le revenu? C'est l'élément clé que doit déterminer le comité. Ce faisant, il faut prendre en compte une autre doctrine constitutionnelle ésotérique — et je vous prie de m'en excuser —, à savoir la doctrine de la compétence accessoire.

Selon cette doctrine, même si une disposition législative particulière prise hors contexte, comme l'article proposé 149.01, n'est pas de la compétence d'une législature, elle peut être déclarée valide dans la mesure où elle constitue une partie intégrante d'un régime législatif plus vaste, valide et qui relève de la compétence de cette législature. En d'autres termes, cette doctrine, pour des raisons pratiques, vient secourir constitutionnellement des dispositions qui autrement seraient ultra vires. Dans une décision récente de la juge en chef McLachlin, on peut lire ceci :

La doctrine des pouvoirs accessoires permet à l'un des ordres de gouvernement d'empiéter sur la compétence de l'autre afin d'établir un cadre réglementaire complet. De par leur caractère véritable, les dispositions adoptées suivant la doctrine des pouvoirs accessoires excèdent les pouvoirs attribués à l'organisme qui les a adoptées... La doctrine des pouvoirs accessoires contrevient donc à l'idée que le Parlement et les législatures possèdent le pouvoir exclusif de légiférer dans les limites de la compétence que leur confère la Loi constitutionnelle de 1867. C'est pourquoi il n'est possible de recourir à cette doctrine que dans les cas où l'empiétement sur les pouvoirs de l'autre ordre de gouvernement se justifie par le rôle important que joue la disposition dans un régime législatif valide. Ce rapport ne saurait être insignifiant.

Il doit y avoir un rapport substantiel entre la disposition invalide, prise isolément, et le régime législatif plus vaste. C'est là l'élément essentiel sur lequel le comité doit se prononcer. Y a-t-il, sur le plan du partage des pouvoirs, un rapport assez solide entre une mauvaise disposition et le reste de la loi?

Selon la Cour suprême, il faudrait que les dispositions soient au moins logiquement et fonctionnellement reliées à l'objectif du régime législatif que l'on souhaite étayer. Dans la négative, de telles dispositions seront supprimées de la loi et déclarées ultra vires, inopérantes. La question demeure : peut-on dire que les dispositions proposées dans le projet de loi C-377 et prévoyant la divulgation des renseignements financiers font partie intégrante du contexte plus large de la Loi de l'impôt sur le revenu? Ce rapport ne peut pas être insignifiant, de dire la juge en chef. Les dispositions du projet de loi C-377 sont-elles rationnellement et fonctionnellement liées aux objectifs de fiscalité de la loi?

À mon avis, le rapport entre les exigences de divulgation du projet de loi C-377 et les objectifs de la Loi de l'impôt sur le revenu est évasif et trop mince pour satisfaire à ces critères. La doctrine de la compétence accessoire ne pourra donc pas secourir les dispositions ultra vires du projet de loi C-377. Le projet de loi ne vise en rien la situation fiscale des syndicats ou les conséquences fiscales des activités syndicales ou celles des syndiqués. Ces dispositions ne font aucun lien entre le traitement fiscal actuel des activités syndicales ou celui qui est réservé aux syndiqués. On a l'impression qu'on utilise la Loi de l'impôt sur le revenu comme un cheval de Troie pour réglementer les syndicats. Je suis à peu près sûr que les juges aboutiraient à la même conclusion.

Le détail sans précédent des obligations de divulgation imposées aux organisations ouvrières — et uniquement aux organisations ouvrières — n'a aucun lien perceptible avec une question ou un objectif fiscal. Pour cette raison, j'en conclus que le projet de loi C-377 dans son libellé actuel excède les compétences du Parlement et sera déclaré invalide et inopérant par les tribunaux.

Le président : Merci, monsieur Ryder.

Ian Lee, professeur, Université Carleton, à titre personnel. Je vais d'abord me présenter, tel qu'il m'a été demandé. Je suis professeur à la Sprott School of Business de l'Université Carleton, où j'enseigne un cours intitulé Capstone Strategic Management. Pour ceux d'entre vous qui ont besoin de langage archaïque, il s'agit du cours équivalent au cours de mémoire de fin d'études en quatrième année de science politique, d'économie, de sociologie ou de journalisme. Je suis membre du CUASA — à savoir l'Association du personnel enseignant de l'Université Carleton — qui est le nom que les professeurs donnent à leur syndicat, car ils n'aiment pas admettre qu'ils appartiennent à un syndicat. Nous les appelons donc des associations du personnel. Toutefois, le CUASA est reconnu, tout comme les autres syndicats de professeurs en Ontario le sont en vertu des conventions collectives de l'Ontario ou de la loi collective. Il s'agit en réalité de syndicats, même si les professeurs ne veulent pas l'admettre.

C'est un plaisir pour moi de comparaître devant cet auguste comité dont la création remonte à 1867. Je vais commencer par vous divulguer certaines choses.

Premièrement, je ne suis pas consultant, directement ou indirectement, pour une société, une entreprise, une association de gens d'affaires, un gouvernement, une ONG, un syndicat, un parti politique ou une autre entité ou personne.

Deuxièmement, je n'ai aucun placement ou bien de toute sorte, à l'exception de mon domicile à Ottawa et ma part du régime de pension de l'Université Carleton.

Troisièmement, je n'appartiens plus à aucun parti politique — je suis sûr que votre comité sait que je me suis une fois présenté en 1993 contre Mac Harb, député à l'époque —, et ce, depuis un certain temps déjà, et je ne fais aucun don ni n'assiste à des évènements politiques.

J'ai publié deux articles d'opinion en février et la semaine dernière pour appuyer fermement le Sénat du Canada.

Enfin, j'ai publié un article d'opinion sur le projet de loi C-377 dans le journal Ottawa Citizen, en décembre.

S'il y a un seul mot ou une seule expression qui reflète les valeurs canadiennes ou américaines contemporaines au sujet des institutions publiques et de leur relation avec la société, il s'agit bien du mot « transparence » ou ouverture. Comme je l'ai avancé dans mon récent article d'opinion au Citizen qui appuyait fermement le directeur parlementaire du budget, le génie de la gouvernance démocratique constitutionnelle dans les pays anglophones est l'évolution continue de la mise au point de freins et contrepoids non seulement imposée à l'exécutif, ce que tout le monde comprend, mais aux institutions de la société civile. Dans cet article d'opinion, je disais :

[...] le DPB est une évolution naturelle, logique et inévitable qui n'est pas différente des innovations démocratiques, telles que la primauté du droit, l'habeas corpus, les élections, la liberté d'expression, de religion ou de réunion, la période des questions, les partis politiques, le Budget principal des dépenses, le vérificateur général, des médias libres et indépendants, des états financiers vérifiés, le Comité des comptes publics, des universités indépendantes et des enquêtes publiques — qui font toutes partie du décor institutionnel essentiel de la gouvernance constitutionnelle moderne.

À cette liste de freins et contrepoids que l'on retrouve dans la gouvernance démocratique constitutionnelle, j'ajouterais le principe qui a évolué au cours des 40 dernières années et qui est celui de la transparence et de l'ouverture dans toutes les institutions. Si on la comprend bien, l'évolution de la transparence comme valeur primordiale a commencé, je crois, avec la loi du New Deal, de Franklin Delano Roosevelt qui contraignait les banques et les sociétés à divulguer des renseignements et qui a rapidement été adopté au Canada sous le gouvernement R. B. Bennett et, plus tard, par le gouvernement King.

Au cours des 70 dernières années environ, la transparence et la divulgation ont été élargies et appliquées non seulement aux sociétés, dans la loi relative à la Commission américaine des valeurs mobilières ou SEC, sous Roosevelt, aux universités, à la fonction publique, aux fonctionnaires, aux organismes caritatifs, aux professionnels ou professions libérales comme les comptables et les avocats et, bien entendu, aux représentants politiques. Aujourd'hui, par exemple, aussi bien au Canada qu'aux États-Unis, les sociétés qui sont cotées en bourse doivent déposer des documents d'information qui contiennent des renseignements corporatifs les plus confidentiels et qui contiennent entre 150 et 300 pages de renseignements que l'on retrouve dans le rapport 10-K de la SEC ou de son homologue, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario dont les rapports sont déposés à l'aide du SEDAR.

Ces documents sont déposés gratuitement sur Internet pour quiconque désire les voir, n'importe où dans le monde. Vous n'avez pas besoin de vous inscrire et de leur dire pourquoi vous voulez obtenir cette information. J'ai enseigné dans de nombreux pays dans le monde, y compris 10 fois en Iran, et j'ai pris un grand plaisir, devant mes étudiants iraniens, à aller sur Internet, à aller sur le site de la SEC et à télécharger un rapport 10-K d'une société publique, pas simplement pour les États-Unis, mais aussi pour les compagnies canadiennes, chinoises ou autres qui sont cotées en bourse aux États-Unis.

Il s'agit d'un excellent exemple de transparence. La valeur de la transparence a graduellement gagné le secteur public pour revenir encore au secteur privé et à la société civile, au cours des 50 dernières années environ. Par exemple, en Ontario, une loi sur la transparence a été adoptée par le gouvernement néo-démocrate dirigé alors par le premier ministre Bob Rae, au début des années 1990, qui forçait la divulgation des salaires non seulement des fonctionnaires du gouvernement de l'Ontario qui gagnaient plus de 100 000 $, mais aussi des employés non gouvernementaux, y compris ceux des universités, des collèges, des conseils scolaires, des hôpitaux et des municipalités. Mon salaire est rendu public et l'est depuis un certain temps, tout comme celui de bien des résidents de l'Ontario.

Effectivement, on devrait applaudir les syndicats qui en sont à l'origine et qui ont fortement milité pour l'adoption de la loi ontarienne sur la transparence, car, comme ils le disaient — et j'étais d'accord avec eux et je le suis toujours aujourd'hui — cela permettrait de renforcer considérablement la surveillance et mènerait à un meilleur processus décisionnel, non seulement au gouvernement, mais au sein des organisations privées de la société civile.

Plus récemment, le gouvernement McGuinty a élargi la loi en matière d'accès à l'information, ce qui est une autre forme de divulgation et de transparence, aux universités, aux hôpitaux, aux écoles et aux autres employés non gouvernementaux de l'Ontario. Qui plus est, lorsque nous avons sondé d'autres pays anglophones, y compris les États- Unis, nous avons appris que ces pays exigeaient depuis longtemps une divulgation de la part des syndicats. Ainsi, ce n'est pas exagéré — et je dis cela avec beaucoup de respect, car je suis un grand partisan du Sénat canadien — que de dire que les deux derniers bastions du secret de l'opacité de la société canadienne sont le Sénat canadien et les syndicats canadiens. Comme chaque sénateur le sait bien mieux que moi, le Sénat fait l'objet d'un examen minutieux depuis plusieurs mois, car de nombreux Canadiens pensent que vous manquez de transparence. Ainsi, il est fort fâcheux pour le Sénat et tous les sénateurs, à mon avis, que certains sénateurs viennent peut-être renforcer les stéréotypes négatifs qui circulent sur le Sénat en s'opposant à la transparence et à la levée du secret pour les syndicats, ce qui est pourtant une pratique standard de longue date dans d'autres pays anglophones.

En conclusion, j'aimerais m'adresser directement aux sénateurs qui s'opposent au projet de loi C-377 en indiquant ce qui suit : la transparence et la divulgation sont un bien public, non pas un mal public. Il s'agit de choses qui renforcent les institutions et les rendent plus légitimes. Le secret et l'opacité sont des maux publics, des valeurs anachroniques provenant de notre sombre passé et qui ne sont plus acceptables aux yeux d'un grand nombre de Canadiens. La transparence et l'ouverture nous rendent mieux informés, et pas le contraire. Ils permettent d'arriver à de meilleures prises de décision organisationnelles, et pas à de pires. Ils nous rendent plus forts et pas plus faibles. J'estime que ce projet de loi offre aux sénateurs l'occasion de rejeter ces stéréotypes négatifs aux yeux de l'opinion publique en refusant les valeurs archaïques et illégitimes du secret et de l'opacité que pratiquent, dans ce contexte, les syndicats.

Ma formule algébrique est la suivante : la transparence égale la responsabilité, qui à son tour égale les institutions publiques et privées plus robustes. Pour citer feu le timonier Mao, il faut laisser mille fleurs s'épanouir. Enfin, pour faire appel au FDR qui sommeille en moi, je dirais que les syndicats n'ont rien à craindre, sauf peut-être la peur elle- même, à moins qu'ils n'aient quelque chose à cacher.

Douglas J. Forer, associé, McLennan Ross LLP, à titre personnel : Mesdames et messieurs du comité, c'est effectivement un honneur et un privilège de comparaître devant vous. Je vous remercie de l'invitation que vous m'avez faite pour venir exprimer mon opinion sur le projet de loi C-377.

J'aborde cela peut-être sous un angle quelque peu différent de celui des autres membres de ce panel, par le fait même que je suis partenaire au sein d'un cabinet d'avocats et que je me limite à mon domaine qui est la fiscalité. Notre cabinet d'avocats, McLennan Ross, est un cabinet basé dans l'Ouest, avec des bureaux à Edmonton, à Calgary et à Yellowknife. En disant que je me limite, c'est peut-être un peu trompeur. Je pratique le droit des particuliers, des sociétés, des fiducies, du secteur sans but lucratif et le droit régissant les organismes de bienfaisance. Je pratique également à l'échelle internationale. Je pratique dans le domaine du Régime de pensions du Canada, de l'assurance- emploi, jusqu'à la taxe sur le carburant. Essentiellement, si vous avez lu ma biographie, vous verrez que si un dossier mentionne le mot taxe, je vais l'accepter. Et donc j'aborde ce projet de loi différemment de mes collègues du panel.

Quand je regarde le projet de loi C-377, je me rends immédiatement à la section sur les définitions et m'arrête à l'expression « organisation ouvrière ». Curieusement dans ce projet de loi, tout comme dans la Loi de l'impôt sur le revenu, on ne définit pas ce qu'une organisation ouvrière. Ainsi, en tant que fiscalistes, si nous devions comparaître devant un tribunal, nous devrions examiner les lignes directrices régissant l'interprétation standard des tribunaux. Il n'en existe que très peu. Ainsi, au paragraphe (1) proposé du projet de loi est une définition d'une organisation ouvrière qui inclut un certain nombre d'organisations qui n'ont peut-être pas besoin de présenter une déclaration à l'Agence du revenu du Canada pour réclamer cette chose très précieuse que l'on appelle l'exonération d'impôt, en vertu de l'alinéa 149(1)k) de la loi.

Ainsi, je me reporte à ce que je considère être comme la définition d'organisations ouvrières dans la jurisprudence, ce qui est la réglementation des relations entre employeurs et employés. Toutefois, je ne suis pas au courant — et il aurait été intéressant de poser la question aux membres de l'Agence du revenu du Canada — de quelque mesure qui ait été prise contre une organisation ouvrière qui ne se serait pas conformée à la jurisprudence et à la définition.

Au paragraphe 149.09(1), les définitions sont données du point de vue d'une organisation ouvrière. En tant que fiscaliste, je participe souvent à des exercices de planification fiscale des entreprises ou autres types de plans fiscaux. La toute première chose que je ferais si je devais simplement vérifier une organisation ouvrière serait de créer une fiducie de syndicats, car ce n'est pas une organisation ouvrière. Ainsi, je crois que l'inclusion de « fiducie de syndicats » est, en effet, une possibilité ou bien cela indique que les députés et les sénateurs pourraient tenir compte du fait que nous essayons de couvrir la production de rapports pour une organisation qui, par le passé, a été visée que par un très petit nombre d'exigences en matière de production de rapports et qui, à ma connaissance, n'a jamais été contesté par l'Agence du revenu du Canada pour ce qui est de la nature, de l'étendue et de la portée de ses activités pour pouvoir être exonérée d'impôt. Ainsi, la toute première page de ce projet de loi est très instructive et intéressante pour un fiscaliste comme moi qui examine cette question et qui estime qu'ils ont couvert toutes les éventualités possibles pour veiller à ce que toutes ces entités et organisations soient visées par ce processus d'établissement de rapports, non seulement envers l'Agence du revenu du Canada, mais envers le public.

Je crois qu'il s'agit également d'un projet de loi remarquable et innovateur, car il tient compte du genre de scénario où on se dirait : Eh bien, voici une organisation ouvrière et que doit-elle donc déclarer? Le paragraphe 149.01(2) qui est proposé traite de déclarations électroniques et l'alinéa 149.01(3)a) traite du contenu de la déclaration, un ensemble d'états financiers. Il est certain que dans l'environnement d'aujourd'hui, où les états financiers peuvent couvrir tout un éventail de questions, on risque de ne pas être capable de déterminer l'importance relative de ces états financiers. Ce projet de loi est innovateur; il établit un seuil d'importance dans les états financiers. Il dit qu'il s'agit des choses que l'on aimerait savoir. On ne peut pas simplement créer des états financiers d'une ou deux pages, recto verso, et c'est terminé. Le projet de loi dit qu'il y a certains seuils quantifiables et que nous voulons que vous identifiiez ce qu'ils sont pour que les membres du public et de l'Agence du revenu du Canada puissent examiner cette information et décider si l'organisation ouvrière s'est conformée ou non à ce que j'appellerais une définition très vague d'une organisation ouvrière.

Ainsi, quand on examine ces déclarations, on essaie d'en distinguer les différents types. Les déclarations contiennent des définitions qui reflètent un certain type d'information et d'importance. Il est très intéressant de voir comment ce projet de loi essaie de préciser ces niveaux d'importance relative non seulement d'un point de vue numérique, mais aussi en excluant certains types d'information, comme le fait de fournir uniquement les noms, pas les adresses, les numéros d'assurance sociale.

Je constate dans le projet de loi une approche mesurée par rapport aux exigences en matière de déclarations, ce qui le rend plus précis et judicieux pour l'institution et qu'il offre des renseignements précieux. L'Agence du revenu du Canada et le public peuvent examiner ces types de déclaration et voir comment l'organisation fonctionne.

La dernière chose que je désire préciser, c'est que cela fait partie de ce que je considère être la jurisprudence moderne ou les décisions provenant de la Cour canadienne de l'impôt. Dans une déclaration très intéressante du juge Patrick Boyle, de la Cour canadienne de l'impôt, au sujet d'une affaire que l'on appelle BBM, il semble que certains pensent que si vous avez une entité sans but lucratif, vous ne devez pas être soumis à des règles ou des règlements, ce qui bien entendu va à l'encontre de la définition d'organisme sans but lucratif. Cet organisme doit fonctionner exclusivement à des fins comme le bien-être social. Toutefois, le juge Boyle a renversé cette croyance en disant que non seulement les entités sans but lucratif doivent se conformer à la Loi de l'impôt sur le revenu, mais elles doivent aussi fonctionner à la manière des entreprises. Fonctionner à la manière des entreprises ne signifie pas que vous êtes à but lucratif; cela veut dire que vous pouvez être une entité sans but lucratif très lucrative en adhérant aux mêmes principes de comportement des entreprises.

Certains de ces renseignements permettent d'atteindre ce but. J'estime que ce projet de loi couvre, de manière équilibrée, ce qu'est une vraie organisation ouvrière, ses objectifs, ce qu'elle doit faire en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu. Ensuite, il permet au public, comme à l'Agence du revenu du Canada, d'examiner ces renseignements.

Le président : Monsieur Forer, je vais vous demander de conclure.

M. Forer : Enfin, j'aimerais parler des amendes et pénalités. Il semble également que pour ces organisations le maximum soit établi à 25 000 $, ce qui, comparé à l'information requise, semble être une réponse très mesurée.

[Français]

Alain Barré, professeur, Université Laval, à titre personnel : Monsieur le président, je suis professeur au département des relations industrielles à l'Université Laval où j'enseigne le droit du travail. Vous comprendrez que depuis 35 ans, j'enseigne le droit du travail. Lorsqu'on est un spécialiste du droit du travail, forcément nous devons nous intéresser à la question de la compétence législative en matière de relations du travail, répondre à la question, quels sont les travailleurs régis par le Code canadien du travail et quels sont les autres travailleurs régis par les lois provinciales en matière de travail?

Je constate que plus de 80 p. 100 de la jurisprudence portant sur la notion d'entreprise fédérale vient essentiellement des tribunaux spécialisés dans le domaine du travail. C'est une question à laquelle je m'intéresse depuis très longtemps. J'aimerais remercier ceux qui ont rendu possible mon intervention devant le Comité sénatorial des banques et du commerce.

Le 29 octobre dernier à la demande d'un syndicat, je suis moi-même membre d'un syndicat, mais c'est un syndicat qui m'a demandé mon avis sur le projet de loi C-377. On m'a tout simplement demandé ce que j'en pensais. Grâce à une intervention d'un journaliste du journal Le Devoir à propos de l'ancêtre du projet de loi C-377, le projet de loi C- 317, j'avais déjà commencé à réfléchir à cette question. J'ai pu donner rapidement une réponse au syndicat. La réponse tenait en quelques mots.

La question est de savoir à qui cela va pouvoir s'appliquer ce projet de loi? Le projet de loi ne sera applicable à aucune organisation syndicale au Canada. Une semaine ou deux plus tard, le syndicat m'a demandé de mettre par écrit mon opinion sur le sujet. Le 29 octobre dernier, j'ai produit cet avis juridique. La demande ne portait que sur la validité constitutionnelle du projet de loi C-377.

Il y a un certain nombre de questions que je n'aborde pas dans mon avis juridique, entre autres, la question de la pertinence de la réglementation envisagée, la question des coûts que devra supporter l'État et les organisations syndicales, les difficultés d'interprétation et d'application de la législation projetée. Ce sont là toutes des questions importantes qui, dans le cadre d'une société libre et démocratique comme la nôtre, méritent d'être débattues.

Compte tenu que je ne me suis intéressé qu'à la question du partage des compétences législatives, je vais limiter mes observations à la question constitutionnelle.

Mon opinion a été signée le 29 octobre. Depuis lors, j'ai pris connaissance de deux autres avis juridiques, celle produite par le professeur Henri Brun le 22 janvier 2013 et la semaine dernière, un avis juridique daté du 28 avril — j'en ai pris connaissance seulement la semaine dernière — du professeur Robin Elliot, de l'Université de la Colombie- Britannique.

Pour l'essentiel, je suis conforté par ces deux avis juridiques et aussi par les propos tenus par le professeur Ryder, il y a quelques minutes, puisque tous ces avis juridiques vont exactement dans le même sens. Le projet de loi C-377, s'il devait entrer en vigueur, est totalement inconstitutionnel.

Pour décider de la validité constitutionnelle d'une loi, il faut procéder essentiellement en deux étapes : s'intéresser à la question du caractère véritable de la loi, ce sur quoi porte la loi, l'essence de la loi et ensuite, une fois déterminée la matière du projet de loi, il faut identifier dans quelle catégorie de sujets aux articles 91 et 92 dans lesquels la matière pourrait s'insérer.

Quel est donc le caractère véritable du projet de loi C-377? À quoi s'intéresse-t-il? Dans mon avis, j'ai clairement dit qu'il s'intéressait aux organisations syndicales, pas à la question de la fiscalité. Et tout concourt à retenir cette conclusion.

Je ne vois donc pas dans le contenu du projet de loi de lien véritable avec différentes prescriptions prévues à la loi, notamment l'exemption fiscale dont bénéficient les syndicats, non plus avec les déductions auxquelles ont droit les contribuables canadiens qui paient des cotisations syndicales lorsque vient le temps de calculer leur revenu imposable.

Le sommaire de la loi ne dit pas le contraire. Le professeur Brun se réfère même au titre de la loi, où on vise les organisations syndicales. Le professeur Brun nous dit que lorsque vient le temps d'analyser le caractère véritable de la loi, il faut comprendre, il faut chercher à voir, constater la singularité de l'objet du projet de loi. Toutefois, ici la singularité du projet de loi, c'est clair, son seul objet, ce sont les organisations syndicales, le titre, le sommaire, le contenu et le contexte actuel et même les déclarations faites. J'ajouterais même les propos que M. McCauley a tenus tantôt. Tout contribue à nous dire que le seul objet du projet de loi, ce sont les organisations syndicales et que ça n'a pas de lien avec une quelconque prescription fiscale.

J'en suis venu à la conclusion qu'il s'agissait d'une législation déguisée. Le législateur cherche à utiliser un vêtement juridique approprié afin de faire augmenter ses chances d'obtenir un jugement favorable en cas de contestation constitutionnelle.

Le professeur Elliot, dans son avis juridique, aux pages cinq et six, je crois que vous n'en avez pas pris encore connaissance, souligne la question de forme, le fait qu'on cherche à modifier la Loi de l'impôt sur le revenu. Les tribunaux, très clairement, n'attachent aucune importance à la forme du projet de loi de la réglementation. On va s'intéresser à son objet réel.

Il s'intéresse aussi à la définition. C'est certain que dans la loi, on ajoute une définition des mots « organisation ouvrière » qui n'existait pas antérieurement. Dans mon avis, je souligne que la jurisprudence interne au ministère du Revenu, finalement n'avait pas mis en relief l'absence de définition; les mots « organisation ouvrière », n'avaient pas soulevé de problème. Pour l'essentiel, la définition ici proposée est conforme à la jurisprudence du ministère du Revenu.

Le professeur Elliot souligne aussi qu'il n'y a aucun lien entre le contenu du projet et l'exemption fiscale dont bénéficient le syndicat et aussi les déductions des contribuables canadiens. Il précise que le projet de loi ne cherche même pas à établir un lien quelconque entre ces divers éléments.

Il nous reste, la matière du projet de loi étant les organisations ouvrières, les syndicats, à classer cette matière dans une catégorie de sujets. Comme le professeur Ryder, comme le professeur Brun et comme le professeur Elliot, j'ai écrit que cela relevait clairement de l'article 92.13 de la Loi constitutionnelle de 1867, et la mise sur pied d'organisation ouvrière est quelque chose qui relève du droit privé, des relations interindividuelles. Le professeur Elliot se réfère de manière précise à la définition qu'entretient le professeur Hogue à propos de l'article 92.13.

[Traduction]

Le président : Monsieur Barré, permettez-moi de vous interrompre pour vous demander de conclure, car je sais que nous tenons à passer aux questions.

[Français]

M. Barré : Donc on établit clairement que ça relève de l'article 92.13, eu égard que cet article se réfère essentiellement à la question du droit privé. L'ensemble du droit privé relève de la compétence provinciale, sauf ce qui est prévu à l'article 91 de la Loi constitutionnelle de 1867. Et en répondant aux questions, je pourrai peut-être préciser ma pensée, à savoir si c'est applicable aux syndicats accrédités selon la loi fédérale, la réponse est clairement non.

Le sénateur Maltais : Professeur Barré, bienvenue. Pouvez-vous expliquer pourquoi ça ne s'applique pas aux relations de travail ouvrières de juridiction fédérale?

M. Barré : Le projet de loi ne s'intéresse pas aux relations du travail. Il s'intéresse aux organisations syndicales. Si vous lisez attentivement l'opinion du professeur Brun et celle du professeur Elliot, le professeur Brun explique très clairement que les relations ouvrières, c'est quelque chose qui est en aval de la création du syndicat. Donc, il y a des relations industrielles, des relations du travail dans le cadre de certains secteurs d'activité qui relèvent de la compétence législative fédérale, mais le problème c'est que le projet de loi ne s'intéresse pas aux relations du travail, il ne s'intéresse qu'à l'organisation syndicale. Là-dessus, il n'y a peut-être pas beaucoup de jurisprudence.

Le professeur Elliot le mentionne dans son avis juridique, mais il cite à un arrêt de la Cour d'appel du Québec où on a décidé que la relation juridique entre un syndicat et ses propres employés relevait de la compétence législative provinciale. Pourquoi? Parce qu'un syndicat accrédité en vertu du droit fédéral n'exploite pas une entreprise fédérale, n'est pas une entreprise fédérale. Or la compétence du Parlement en matière de relation du travail est essentiellement limitée aux entreprises qui relèvent de la compétence législative fédérale en plus, bien entendu, de la fonction publique fédérale.

Il y a une distinction importante qu'il faut faire entre le syndicat en tant qu'institution, le syndicat lui-même et en tant qu'agent de relation de travail. Le syndicat en tant qu'agent de relation du travail est effectivement déjà réglementé par le Parlement, dans le Code canadien du travail.

Dans mon avis, je donne plusieurs exemples où le Parlement est intervenu pour réglementer les activités du syndicat, mais ce en sa qualité d'agent de relation du travail.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte : Monsieur Lee, j'aimerais pousser un petit peu plus loin votre argument voulant que la transparence soit bonne pour la société et ne puisse avoir que des conséquences positives. Êtes-vous d'accord pour dire qu'il y a une limite et que les organisations ont le droit de garder confidentiels certains types de renseignements privés ou pensez-vous que plus il y en a, mieux c'est, qu'il n'y a pas de limite et qu'il faut tout rendre public? Je fais allusion notamment aux individus, aux sociétés privées, aux sociétés publiques et aux syndicats. Y a-t-il un cadre qui, selon vous, est plus juste et respectable?

M. Lee : Séparons les particuliers des compagnies, qu'il s'agisse de syndicats ou d'organismes sans but lucratif. J'essaie de séparer les particuliers des compagnies.

Les documents que je connais le mieux, car je m'en sers dans mon cours, chaque printemps et chaque automne, sont ce que l'on appelle des divulgations de renseignements par les entreprises. Mes étudiants doivent lire les rapports 10-K qui sont des documents très volumineux. On y retrouve une énorme quantité de renseignements et pas seulement sur les salaires; les entreprises doivent déclarer de grandes gammes de produits et indiquer dans quels pays elles font affaire. Elles doivent déclarer leurs plans d'expansion pour l'avenir.

En me servant de cela comme modèle de divulgation, je ne traite pas de constitutionnalité, car je ne suis pas professeur de droit. Je m'attarde là-dessus uniquement pour répondre à votre question.

À mon avis, je crois que la divulgation idéale est celle prévue par le cadre élaboré par la SEC aux États-Unis et par la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario au Canada. Ce cadre est imposé aux sociétés cotées en bourse. Il n'y a rien de « secret » là-dedans. Des renseignements qui devraient bel et bien être connus au sujet d'une entité sont révélés.

Le sénateur Massicotte : En d'autres mots, vous dites que le cadre de référence qu'ils devraient utiliser dans le projet de loi actuel est le cadre qui s'applique aux sociétés publiques américaines?

M. Lee : Je vous donne un exemple. Je m'en sers de modèle.

Le sénateur Massicotte : Les témoins de l'Agence de revenu du Canada ont dit qu'ils interpréteraient le mot « déclaration » comme étant « une liste ». Les sociétés publiques américaines ne fournissent pas ces données, car on cherche une liste de créances et de dettes. Étant donné leur interprétation, ce que vous décrivez ne correspond pas à la divulgation de renseignements par les sociétés publiques. D'après vous, est-ce que cela va trop loin, s'agit-il de trop de divulgation?

M. Lee : Je vais vous répondre sur le plan personnel. Je suis membre d'un syndicat de professeurs et j'ai eu des différends avec mon syndicat. Il s'agit d'un différend très public qui ne fait l'objet d'aucun secret. Il s'agissait d'une question entourant l'une de vos anciennes collègues, la sénatrice Landon Pearson. Elle était une sénatrice tout à fait distinguée et le président de mon université lui a demandé de préparer un rapport sur les façons d'améliorer nos interactions avec les minorités présentes à l'Université Carleton.

Elle a rédigé un excellent rapport, puis le comité exécutif du syndicat s'est servi de ressources syndicales pour tenter de l'écraser, de le passer sous silence ou de l'éliminer. J'ai exigé des renseignements de la part du comité exécutif du syndicat, mais sans succès. Je paie mes cotisations syndicales depuis 25 ans. Si vous me permettez l'expression, en tant que propriétaire de ce syndicat, je trouvais étrange de ne pas pouvoir obtenir de renseignements sur l'agissement du syndicat. Bien sûr, je ne suis pas vraiment un propriétaire puisqu'il s'agit d'un organisme sans but lucratif donc il n'y a aucune action à détenir. Mais je cotise et je n'obtenais pas d'information sur les agissements du syndicat. Je croyais que ces gens étaient allés trop loin. Il nous faut plus de divulgation réglementaire concernant ce genre d'activités.

Le sénateur Massicotte : Et qu'en est-il pour la liste des comptes créditeurs? Doivent-ils faire partie de la divulgation de renseignements au public par les syndicats? Ce ne serait certainement pas exigé d'une société publique, mais croyez- vous que ce serait aller trop loin?

M. Lee : Personnellement, non. D'abord, je crois savoir qu'il ne s'agit que de sommes de 5 000 $ et plus.

Le sénateur Massicotte : Non, en fait les 5 000 $ sont séparés. Il s'agit d'une liste de chaque divulgation de 5 000 $ et plus. En outre, ils veulent une liste d'états financiers pour les comptes créditeurs et débiteurs, ainsi qu'une liste d'emprunts, et l'Agence de revenu du Canada estime que c'est une liste détaillée.

M. Lee : D'abord, tout ceci ne fait l'objet d'aucun secret commercial puisqu'il s'agit d'un syndicat. C'est-à-dire qu'il n'est pas en concurrence dans un marché avec d'autres clients en ce qui a trait aux renseignements de nature exclusive. Un syndicat doit être entièrement transparent, non seulement auprès de ses membres, mais auprès des Canadiens en général.

Comme je l'ai dit dans mon article d'opinion, les syndicats sont en position privilégiée dans la société, car mon droit à l'autoreprésentation m'est retiré par la loi. Je ne remets pas en question la législation se rapportant aux négociations collectives. Je n'appuie pas le droit au travail. Je dis simplement que mon droit de me défendre moi-même m'est enlevé et je devrais avoir quelque chose en contrepartie : on devrait exiger qu'ils divulguent bien plus d'information.

Le sénateur Massicotte : Dans ces circonstances, convenez-vous qu'une telle liste va au-delà de l'exigence de divulgation publique imposée aux grandes sociétés publiques américaines?

M. Lee : Je ne me suis pas penché sur les règles régissant la divulgation; c'est possible. Je n'ai pas regardé. Je me sers des rapports 10-K, mais je n'étudie pas les derniers changements apportés au règlement en vertu de la SEC qui exige la divulgation, donc je ne peux ni répondre oui ni me prononcer là-dessus.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Ma question s'adresse au professeur Ryder et au professeur Barré. On nous a dit que, dans plusieurs pays, il y avait des législations semblables, notamment aux États-Unis et en France. Lorsqu'on se penche sur ces législations, on constate aussi que ce sont des législations qui embrassent également la partie de l'employeur. Les associations patronales sont donc souvent couvertes et les employeurs aussi, autant aux États-Unis qu'en France.

Si on avait, dans le projet de loi C-377, essayé ou tenté de couvrir aussi l'autre côté, pas seulement les syndicats, mais aussi la partie de l'entreprise au niveau des relations de travail, cela aurait-il rendu davantage acceptable le projet de loi sur le plan constitutionnel, notamment par le biais des pouvoirs auxiliaires? Un projet de loi plus global pourrait-il prétendre être constitutionnel selon vos avis?

M. Barré : Je ne le crois pas. Je ne m'étais pas trop prononcé sur la question des pouvoirs accessoires dans mon mémoire. Cependant, après avoir lu l'avis juridique du professeur Elliot la semaine dernière, j'ai écrit quelques notes et je suis assez satisfait de constater qu'elles rejoignent exactement ce que le professeur Ryder nous a dit tantôt en ce qui concerne la question de savoir si le contenu du projet de loi C-377 participe d'une manière active à la réalisation des objectifs de la loi fiscale.

La réponse est clairement non; et ma conclusion était de dire que le projet de loi C-377 ne peut être sauvegardé par l'application de la doctrine des pouvoirs accessoires. Si on modifiait le contenu pour y viser aussi les employeurs, je pense que cela ne changerait fondamentalement pas cette conclusion.

J'aimerais peut-être souligner un point; dans mon avis juridique, j'avais quand même souligné qu'aux États-Unis cette obligation de divulgation relève des lois du travail.

[Traduction]

M. Ryder : À mon avis, il n'y aurait aucune différence. Le problème fondamental, madame la sénatrice, est le non- respect de la division des compétences en matière de relations de travail et d'organisation ouvrière. Si on élargissait la portée de la loi pour qu'elle soit appliquée à tous les organismes de gestion et à toutes les organisations ouvrières, les difficultés ne feraient qu'augmenter.

Par ailleurs, on pourrait prétendre qu'un lien à un objectif d'imposition légitime est plus clair lorsqu'il s'agit d'une loi à portée plus vaste. La raison fiscale qui sous-tendrait l'exigence de divulgation de la part des syndicats s'appliquerait aussi à plusieurs autres organisations, notamment les organismes de gestion.

Je crois que l'un des problèmes est de tenter de justifier ces mesures comme loi fiscale, car je n'ai pas encore entendu la raison pour laquelle le projet de loi cible les organisations ouvrières, particulièrement au niveau d'un problème d'impôt sur le revenu. Je comprends les arguments en faveur d'une plus grande divulgation et je crois qu'ils sont convaincants. La question qui se pose est la suivante : Quelle est la méthode appropriée au titre de la Constitution pour réglementer la divulgation? Le projet de loi comporte une lacune fondamentale à cet égard.

La sénatrice Ringuette : Hier, le parrain du projet de loi, le député Russ Hiebert, a comparu. À plusieurs reprises, je lui ai demandé qui avait-il consulté au sujet de la compétence dans ce projet de loi. Malheureusement, il semble qu'il s'agissait d'un comité de parlementaires. Je ne crois pas que des avocats de droit constitutionnel en faisaient partie, donc je suis heureuse de vous voir aujourd'hui.

Monsieur Ryder, je ne sais pas si vous avez eu l'occasion d'entendre les fonctionnaires de l'Agence de revenu du Canada un peu plus tôt. Ils ont dit que le projet de loi traite uniquement de divulgation et non d'impôt, c'est consigné au procès-verbal. Je crois que cela en dit long.

J'ai entendu la question de la sénatrice Bellemare. Pourrait-on modifier le projet de loi actuel pour qu'il survive à une éventuelle contestation constitutionnelle qui, encore une fois, coûtera probablement des millions de dollars aux contribuables?

M. Ryder : Madame la sénatrice Ringuette, comme je l'ai proposé, je crois que la solution à ce problème de division des pouvoirs est d'enchâsser toute modification aux obligations de divulgation des syndicats dans le Code canadien du travail. Qui plus est, il faudrait que ces mesures soient appliquées uniquement aux syndicats des secteurs économiques réglementés par le fédéral ou qu'on fasse la même chose pour les lois fédérales portant sur les syndicats du secteur public. Ce serait la méthode parfaitement orthodoxe de diviser les compétences en matière de relations de travail au pays.

Cela réglerait le problème de division des pouvoirs, mais il pourrait y avoir d'autres problèmes liés à la Charte en raison du degré sans précédent ou de la nature et de la portée pénibles des obligations de divulgation. On pourrait avoir recours à l'argument suivant en vertu de la Charte. Si les obligations de divulgation nuisent aux activités des syndicats et à leur capacité de s'acquitter de leur mandat, alors elles nuisent à leur liberté d'association. Les obligations de divulgation en matière d'activités politiques pourraient aussi avoir un effet négatif sur d'autres libertés fondamentales en vertu de la Charte, notamment la liberté d'expression.

Je crois donc qu'il y aura aussi des contestations en vertu de la Charte. Selon moi, ces arguments sont plus difficiles et le résultat est plus incertain. Cependant, pour régler ce que je juge être un problème très grave et évident de division des pouvoirs, il faudrait suivre les recommandations que j'ai formulées.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Barré?

[Français]

M. Barré : Lorsqu'on m'a confié le mandat, on m'avait suggéré d'aborder la question de l'atteinte à certains droits définis dans la Charte canadienne des droits et libertés, et j'ai répondu que je préférais ne pas toucher à ça. Parce que s'attaquer à la question de l'application de la Charte canadienne des droits et libertés nous amène irrémédiablement à la question de savoir si les atteintes ou les restrictions apportées à certains droits jouissent d'un caractère raisonnable dans le cadre d'une société libre et démocratique. Sous l'appréciation du caractère raisonnable des limitations apportées au droit, je pense que deux personnes raisonnables, sur bien des sujets, peuvent diverger d'opinion. Même les juges de la Cour suprême, entre eux, divergent d'opinion sur de telles questions.

J'ai donc préféré limiter mon propos à la question du partage de la compétence, parce qu'en matière du partage des compétences, les règles existent de manière très objective. Ouvrez n'importe quel manuel de droit constitutionnel, vous y trouverez les règles concernant l'établissement du caractère véritable de la loi et le fait d'attribuer à un type de compétence une matière donnée.

[Traduction]

Le sénateur Campbell : Monsieur Lee, je suis certainement d'accord avec vos propos sur la transparence. Cependant, est-ce que la transparence a préséance sur la Constitution?

M. Lee : Je ne peux pas vous répondre, car je ne suis pas qualifié pour parler de la Constitution, notamment au sens de la division des pouvoirs.

Le sénateur Campbell : Non, je ne vous demande pas de parler de la Constitution. Je suis dans la même situation que vous. Je dis simplement : Croyez-vous que la transparence devrait avoir préséance sur la Constitution? On nous a déjà dit que c'est inconstitutionnel — que ça le sera. Est-ce que cela prime sur la Constitution?

M. Lee : Nous avons tous à peu près le même âge. Selon mon expérience des 30 ou 40 dernières années, nous passons irrévocablement d'un monde beaucoup moins transparent à un monde beaucoup plus transparent. La transparence a de plus en plus souvent préséance sur d'autres enjeux. Je le constate à l'université, lorsque les étudiants font des demandes d'information.

Le sénateur Campbell : Mais nous avons une Constitution. Il s'agit d'un élément bien plus important qu'un syndicat étudiant ou que tout autre syndicat. Il s'agit de la Constitution du Canada, et tout ce que j'aimerais savoir c'est si la transparence doit primer sur la Constitution.

M. Lee : Si vous me demandez comment le tribunal tranchera s'il y a une contestation, je ne pourrais pas vous dire, car c'est une cour supérieure qui prendra cette décision. Le droit évolue et nous avons vu certaines lois être renversées beaucoup plus tard.

Le sénateur Campbell : Pour une fois, on nous a dit carrément que ce serait inconstitutionnel. La personne qui nous l'a dit était éminemment compétente. Je ne pense tout simplement pas que cela passera.

M. Lee : Ce rôle revient aux tribunaux et non aux professeurs de droit.

Le sénateur Campbell : Il est de notre devoir d'éviter d'adopter des lois qui sont inconstitutionnelles. C'est la difficulté à laquelle nous nous heurtons maintenant.

Je crois que nous avons un problème. Je suis d'accord avec vous au niveau de la transparence. Dieu sait que le Sénat pourrait en avoir davantage; je ne m'oppose pas à ce point de vue...

M. Lee : Je ne voulais pas être mesquin. J'appuie tout à fait le Sénat.

Le sénateur Campbell : Non, non. Nous ne considérons plus rien comme étant des coups bas au Sénat; nous les acceptons.

Le sénateur Segal : J'ai une question pour M. Lee puis une question rapide pour les témoins juristes. Je tiens à vous rappeler que si le comité a été créé en 1867, ce n'est pas le cas des membres. Nous sommes d'un millésime un peu plus récent.

Le président : Parlez pour vous!

Le sénateur Segal : J'espère que mes collègues d'autres affiliations politiques me permettront d'ajouter que je trouve que votre candidature au Parti progressiste conservateur en 1993 était un geste empreint de courage et de loyauté. Je tiens à vous en remercier.

M. Lee : On me dit que c'était un acte stupide de ma part.

Le sénateur Campbell : Suicidaire.

Le sénateur Segal : Je le décrirai toujours de façon constructive.

[Français]

Si je comprends bien le rapport de nos experts constitutionnels, les deux choses qu'il faut faire pour conserver la capacité de cette loi d'être constitutionnelle c'est, premièrement, changer la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada conformément au Code canadien du travail et de limiter les syndicats impliqués à ceux qui sont maintenant régis par le fédéral, et, deuxièmement, peut-être utiliser la clause nonobstant.

[Traduction]

C'est-à-dire que l'on va de l'avant avec cette loi, nonobstant la Charte des droits et libertés. Si l'on apportait ces deux ajustements, il y aurait une chance que le projet de loi puisse être constitutionnel.

[Français]

Est-ce que je comprends bien vos propos?

M. Barré : Oui, mais je pense qu'on ne serait pas totalement à l'abri d'une contestation constitutionnelle même si la réglementation est inscrite dans le Code canadien du travail. Mais si, dans le Code canadien du travail, vous cherchez à réglementer le syndicat en tant que syndicat et non en tant qu'agent de relations du travail, vous n'êtes pas à l'abri d'une contestation constitutionnelle. Il va de soi que la clause nonobstant ne touche pas la question du partage de la compétence législative.

[Traduction]

Le sénateur Segal : Vous souhaitez ajouter quelque chose, monsieur Ryder?

M. Ryder : Je suis d'accord, mais j'espère que vous ne proposez pas le recours à la clause nonobstant, sénateur Segal.

Le sénateur Segal : Non, c'est simplement que je m'oppose à ce projet de loi et que j'essaie de comprendre ce qu'il faudrait faire pour qu'il devienne acceptable.

M. Ryder : Il va de soi que si l'on avait recours à cette clause, on éliminerait toute possibilité de contestation de la loi au titre des libertés fondamentales prévues à l'article 2, y compris la liberté d'association et la liberté d'expression.

Vous proposez également de transférer l'obligation de divulgation au Code canadien du travail en limitant son application aux syndicats présents dans les milieux de travail sous réglementation fédérale, ce qui répondrait d'après moi à l'objection concernant la répartition des pouvoirs.

Le sénateur Segal : Ma question à M. Lee portait sur la transparence et ce que j'appellerais l'équité dans le contexte de la transparence.

Je connais ces formulaires que les entreprises doivent remplir pour divulguer des renseignements, et je trouve très intéressant que vous les fassiez lire à vos étudiants dans le cadre de leur formation. Le sénateur Massicotte a déjà abordé la question, mais je ne crois pas que la divulgation des dépenses de l'ordre de 5 000 $, ce qu'exige ce projet de loi, soit requise par la Cour suprême du Canada ou la Cour suprême de l'Ontario. On se sert plutôt d'une catégorie pour les cadres supérieurs désignés. Qu'on le veuille ou non, les chiffres en cause dans ce contexte dépassent plutôt désormais le million de dollars.

Dans une optique d'équilibre, d'équité et de transparence, des valeurs que nous partageons tous à n'en pas douter, que diriez-vous d'une situation où un syndicat participant à une négociation importante avec une grande société automobile ou minière serait assujetti à un seuil de divulgation à l'égard de ses activités et de ses dépenses, alors qu'aucune loi n'impose d'exigences semblables aux fabricants automobiles et aux sociétés minières qui font de leur mieux pour protéger leurs actionnaires en négociant une convention collective équitable? Ne trouveriez-vous pas un peu déconcertant ce déséquilibre entre ce que l'on demande à l'une des parties à la table des négociations par rapport à ce qui est exigé de l'autre?

M. Lee : Merci pour votre question. Je vois où vous voulez en venir, mais nous avons ici affaire à des entités qui n'ont pas la même ampleur. Aucun syndicat canadien ne pourrait faire partie du Fortune 100. Les grandes sociétés figurant au palmarès Fortune 100 ou Fortune 500 ont des actifs se chiffrant en centaines de milliards de dollars, ce qui fait qu'il n'y a aucune comparaison possible. On compare des pommes et des oranges en mettant en parallèle une entreprise cotée en bourse valant des milliards de dollars et un syndicat dont les revenus atteignent à peine quelques millions. Si l'on cumulait les revenus annuels des syndicats canadiens, on obtiendrait environ 4 milliards de dollars. Je parle ici de tous les syndicats au Canada. On est vraiment loin du compte.

Ce n'est pas une affaire de quantité. Je peux vous parler de mes propres expériences avec les syndicats. Je me heurte à de l'obstruction systématique toutes les fois que j'essaie d'obtenir de l'information, ce qui ne manque pas d'être très frustrant. On me dit de prendre rendez-vous, que la chance me sourira peut-être si je me présente au moment approprié trois semaines plus tard et différents trucs de la sorte. On nous met vraiment des bâtons dans les roues.

Je sais bien qu'il n'est pas question de contestations constitutionnelles — je ne suis pas professeur de droit —, mais je parle de problèmes d'ordre pratique. Malheureusement, les provinces ne s'en préoccupent pas, ou ne réagissent pas à ces abus, et à mon avis, ils sont graves. Je parle des tentatives d'opprimer et d'attaquer des Juifs, au Canada. Je parle du SCFP et de la campagne contre Israël. J'ai participé à la campagne « anti-anti », à Carleton, c'est-à-dire que je m'oppose à la campagne contre Israël. Il est très frustrant d'assister à une prise de contrôle — je dis bien une prise de contrôle — de syndicat par des gens qui abusent de leur pouvoir. Je l'ai dit publiquement, et je le redirai encore. Je cherche des leviers qui permettront de faire qu'il y a plus de justice et de transparence au sein des syndicats.

Le président : Nous avons maintenant terminé notre première série de questions puisque le temps réservé à ce segment est écoulé. J'ai le nom de deux personnes qui souhaitent poser une question durant la deuxième série de questions.

Puisque nous n'avons plus de temps, pouvez-vous rapidement poser vos questions, et peut-être les réponses pourront-elles être brèves?

La sénatrice Ringuette : J'ai fait des demandes d'accès à l'information auprès du bureau du premier ministre, du bureau du Conseil privé et du ministre de la Justice au sujet de l'avis juridique qui a été émis sur la constitutionnalité de ce projet de loi, et je n'ai reçu aucune réponse.

Le Sénat, en sa qualité de chambre de second examen objectif, doit tenir compte de la constitutionnalité du projet de loi. Nous n'avons pas les moyens de saisir la Cour suprême du Canada de ce projet de loi pour qu'elle en détermine la constitutionnalité, mais le gouvernement du Canada peut le faire pour éviter toute erreur. Comment proposez-vous de procéder?

M. Ryder : Certaines possibilités me viennent à l'esprit. La première serait d'inciter le gouvernement à envisager un renvoi à la Cour suprême s'il tient à ce projet de loi sous sa forme actuelle. Il doit s'écouler, je crois, six mois après l'obtention de la sanction royale avant l'entrée en vigueur de ses obligations. Cependant, cette période ne suffit pas pour la tenue d'une procédure judiciaire qui aboutirait à la délivrance d'un avis constitutionnel définitif, il y a donc beaucoup à dire sur la sagesse et la sincérité du déclenchement d'un renvoi si le gouvernement tient à ce projet de loi.

[Français]

M. Barré : Sur la même question, je suis d'accord avec le professeur Ryder. Il est plus que probable que, si le projet de loi est adopté, des discussions judiciaires seront engagées et il faudra donc attendre l'expiration du délai de six mois prévu à l'article 3. Le processus judiciaire est relativement long en première instance, en Cour d'appel et en Cour suprême. Un renvoi à la Cour suprême par le gouvernement du Canada est sûrement quelque chose à envisager sérieusement si le projet de loi est adopté tel quel.

[Traduction]

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Lee, je perçois votre frustration. Vous avez dit tout à l'heure que la législation du travail ou les groupes ne font pas assez, par conséquent vous appuieriez ce projet de loi. Si les organisations syndicales provinciales faisaient assez, est-ce que vous retireriez votre appui?

M. Lee : Vous avez probablement raison. Je dois dire qu'après la publication de mes deux articles d'opinion, j'ai écrit à la ministre du Travail de l'Ontario. Dans mes articles, je l'avais critiquée pour les commentaires qu'elle avait faits au Sénat, et environ deux semaines plus tard, j'ai reçu une longue lettre où on m'attaquait, en fait, personnellement pour la position que j'avais prise, et j'ai dit « Vous, du gouvernement de l'Ontario, vous ne faites pas assez pour réglementer les syndicats ». Je ne dis pas qu'ils sont hors de contrôle. Je dis seulement que les membres minoritaires d'un syndicat n'ont pas le droit de s'opposer à la cabale qui a le dessus ni d'en obtenir des renseignements, et c'est un problème très fréquent que pose ce qu'on appelle la politique syndicale.

La sénatrice Nancy Ruth : Pourrait-on leur dire que d'une certaine façon ce projet de loi vous donne de l'espoir?

M. Lee : Oui, beaucoup d'espoir, parce que je pense que le juge Brandeis a visé juste quand il a dit que les rayons du soleil sont le meilleur désinfectant qui soit. Il n'aurait pas pu mieux dire. Je suis un fervent partisan de la divulgation de l'information.

Le président : Au nom de tous les sénateurs, je tiens à exprimer notre reconnaissance à chacun des témoins pour leur présence aujourd'hui. Vos commentaires ont été très utiles et intéressants, comme vous avez certainement pu en juger d'après nos questions.

Nous en sommes à la troisième heure de notre réunion aujourd'hui; nous avons le plaisir d'accueillir Pierre Brun, qui représente l'Association canadienne des avocats du mouvement syndical et Tom Stamatakis, président de l'Association canadienne des policiers. En vidéoconférence, nous entendrons Don Todd, qui est actuellement directeur de la recherche auprès de Americans for Limited Government. Dans le cadre de vos déclarations préliminaires, messieurs, je vous invite à nous donner un aperçu de vos antécédents.

Pierre Brun, représentant, Association canadienne des avocats du mouvement syndical : Bonjour. Je vous remercie de nous accueillir. Je parlerai de diverses choses et très brièvement de diverses questions comme celle de la constitutionnalité en ce qui concerne la division des pouvoirs. Je répondrai volontiers aux questions par la suite.

[Français]

Mon nom est Pierre Brun. Je suis avocat en relation de travail depuis près de 25 ans, spécialisé essentiellement dans les questions constitutionnelles et la protection des libertés fondamentales. Je suis membre de l'Association canadienne du mouvement syndical depuis presque 15 ans. Je suis accompagné par mon collègue James Harnum du bureau de Koskie Minsky, à Toronto, qui est lui-même spécialisé dans le domaine des régimes de retraite et des avantages sociaux.

Comme son nom l'indique, notre organisation regroupe à peu près 300 avocats et avocates au Canada et se concentre sur des professionnels qui œuvrent du côté du mouvement syndical, des gens dans le privé comme James et moi-même ou qui sont directement des avocats et avocates employés par ces syndicats.

Je tiens à souligner que la CAM n'est pas un groupe de lobby. Nous sommes là pour donner de l'information et de l'éducation à nos membres et promouvoir la condense de certains droits et intérêts. J'aimerais également souligner que nous travaillons tous de façon bénévole au sein de cette organisation. Nous n'avons pas d'agenda. Nous ne sommes pas payés par des clients particuliers outre le fait de représenter cette organisation.

Concernant notre position, nous avons fourni au Sénat un bref résumé des questions soulevées par le projet de loi C- 377, et je le résume rapidement.

La première question, la plus fondamentale, est évidemment celle du but et de l'objectif de cette loi qu'il faut évidemment bien caractériser pour la question constitutionnelle du partage des compétences. Suivra également une discussion avec vous de la question d'une atteinte aux privilèges du secret professionnel pour l'avocat.

Nous sommes d'avis que malgré certains amendements apportés dernièrement avant son adoption, ce projet de loi pose encore de sérieux problèmes à cet égard. Nous allons également soulever quelques questions concernant la liberté d'association, la liberté d'expression et la protection de la vie privée.

Je commence avec la question de la protection du secret professionnel : on sait que cette loi demande désormais la divulgation d'un nombre impressionnant de données et d'informations qui sont décrites à la fois de façon précise et imprécise. Ce qui est précis, c'est que tout doit être divulgué dès qu'on a dépassé le seuil de 5 000 $ et dans les sous- paragraphe 1, 2 et 3 qui suivent, on énumère les créances, les dettes, et cetera, et on va nécessairement retrouver interconnecté avec tous ces éléments du travail qui sera fait par des avocats, de sorte que si on retrouve à la toute fin de cette liste, de façon plus spécifique, une demande de produire des états qui vont faire une démonstration des dépenses légales, mais sous réserve et protection du secret professionnel, cela cause une ambiguïté irréductible dans la loi, pour la raison suivante.

Après analyse, nous en sommes venus à la conclusion que ce projet de loi fait une chose et son contraire. D'une part, elle nous demande dans des dispositions spécifiques la divulgation de tout montant. Il n'y a pas de réserve, il n'y a pas d'exception. Ce n'est que vers la toute fin qu'on demande en plus des dépenses de nature juridique. Donc il faudra produire quelque chose. Nous avons entendu des gens de l'Agence du revenu du Canada ce matin nous dire que ce sera plus qu'une simple ligne. Il faut des détails et c'est ce qu'on pense également.

À partir du moment où c'est plus que des détails, on ne fait qu'ajouter à la toute fin une petite exception; sauf si c'est couvert par le secret professionnel. Le problème que nous avons est que cette exception ne couvre que les dernières sous- sections de la loi qui se retrouvent précisément, si je veux être plus clair avec vous ou sous-alinéa 3(b)(19) et (19.1). Ce n'est qu'à 19 et 19.1 qu'on a cette exception. Il n'y a pas d'exception pour tout le reste. Or, dans tout le reste, par exemple, lorsqu'on doit, de façon générale au sous-paragraphe (b), produire des états pour toutes dépenses de plus de 5 000 $, est-ce que l'exception s'applique? On pourrait dire que non. Même chose à (i) lorsque on fait l'état des comptes débiteurs, il n'y a pas d'exception et la liste continue, que ce soit pour le travail lors des conventions collectives, et cetera.

Notre recommandation à ce sujet est que vers la fin du projet de loi, aux paragraphes 6 et 7, il y ait des exceptions générales qui couvrent l'entièreté des demandes. On devrait retrouver dans ces derniers paragraphes une exception protégeant le secret professionnel. Je n'ai pas besoin de vous dire que ces questions de secret professionnel, en droit canadien, dans notre société est suffisamment importante pour qu'elle mérite d'être respectée.

Concernant également la question des bénéficiaires, on a tendance à oublier que le secret professionnel, ce ne sont pas seulement les syndicats qui en profitent. Ce sont les membres.

C'est-à-dire que lorsqu'un dossier de défense est pris, ce n'est pas uniquement le syndicat qui est défendu mais des particuliers, des individus. Il y a de l'information qui circule, il y a des données médicales ou de toute autre nature. Si on doit commencer à détailler pour chacun de ces individus combien leur dossier a coûté, ce n'est pas simplement de l'information divulguée à propos d'un syndicat mais de travailleurs et de travailleuses en particulier.

Concernant l'impact sur la liberté d'association, je partage le point de vue exprimé par le professeur Ryder et le professeur Barré, un peu plus tôt, selon lequel ce n'est pas nécessairement aussi évident que ce projet de loi soit inconstitutionnel parce qu'il porterait atteinte à la liberté d'association. Il soulève quand même des questions très importantes qui ont été abordées de différentes façons, particulièrement dans le fait qu'il crée un débalancement dans les forces en présence et que l'objet de la loi, on en a discuté beaucoup, ne semble effectivement viser qu'une partie. À ce moment, lorsqu'on aura, si cette loi est adoptée, à la contester constitutionnellement, ce que de bons procureurs pourraient faire. Je ne dis pas que j'irais jusque-là. Ils pourraient simplement dire que l'objet de la loi est d'affaiblir la capacité associative puisque, en termes de taxation, on n'arrive pas à déterminer l'objectif réel de ce que cela vaut.

Puisqu'on n'est pas capable de déterminer en quoi cela va aider la taxation, il y a un problème de liberté d'association. C'est la même chose quant à la liberté d'expression. Je vous réfère à la définition « d'activité syndicale » qu'on retrouve dans la loi. Ces activités sont décrites de façon extrêmement limitative comme étant limitées à ce qui entoure la convention collective.

Autrement dit, on veut une divulgation d'informations pour en arriver à limiter la capacité de ces organisations de s'exprimer sur un plan plus politique. Donc, il y aurait encore autre chose qui pourrait être dit à ce sujet.

Finalement quant à la question de la vie privée, je vous réfère à l'article 8 de la Charte canadienne des droits et libertés contre les fouilles, perquisitions et saisies. On sait que lorsque l'État vient piger et forcer la divulgation très forcée de documents, cela a déjà été devant la Cour suprême dans Thompson Newspapers et d'autres, il peut y avoir un problème et vous pouvez être sûr que cela sera évoqué, particulièrement ici parce que cela ne sert pas d'autres fins et qu'en plus, cette information sera rendue publique.

[Traduction]

Don Todd, à titre personnel : Je m'appelle Don Todd. Entre 2001 et 2009, j'ai été secrétaire adjoint du Travail chargé des Services des relations patronales-syndicales au département du Travail. Le bureau appliquait la Labor- Management Reporting and Disclosure Act de 1959. Cette loi avait été adoptée après 270 jours d'audience lors desquels 1 500 témoins avaient été entendus. Ces séances ont été largement diffusées. Bien entendu, la télévision était quelque chose de nouveau à l'époque, et tout le monde a suivi ces audiences.

Cette loi fait, en gros, trois choses : elle exige la transparence fiscale — autrement dit, les membres d'un syndicat ont le droit de savoir comment leur argent est dépensé; elle assure l'intégrité fiscale; et elle permet au Bureau des normes syndicales-patronales de faire la vérification des livres afin de déterminer si les rapports que déposent les syndicats sont exacts. Pendant la période que j'ai passée au département du Travail, nous avons accusé et condamné près de 1 000 employés et agents de syndicats qui volaient l'argent de leurs confrères et consoeurs du syndicat et l'utilisaient à leurs propres fins.

De plus, la loi visait à garantir la démocratie syndicale. Si quelqu'un qui présentait sa candidature à un poste de syndicat estimait que les élections avaient été inéquitables après avoir vérifié les règlements du syndicat en ce qui concerne la façon de contester une élection, cette personne pouvait interjeter appel auprès de nous. Si notre enquête concluait à la validité de la plainte formulée, nous supervisions une reprise des élections.

Pendant la période que j'ai passée à ce poste, nous avons révisé les règles de présentation des rapports pour la première fois en 50 ans. Aussi les exigences sont-elles devenues beaucoup plus rigoureuses et à ce que j'ai compris un peu comme celles qui sont proposées dans ce projet de loi. En vertu de notre loi, seuls les syndicats dont le revenu brut était d'au moins 250 000 $ devaient présenter des rapports détaillés; il fallait déclarer tout salaire supérieur à 10 000 $ par année; et toute dépense de plus de 5 000 $ à un fournisseur particulier devait être déclarée.

L'un des problèmes que nous avons connus, c'est que bien que le défaut de présentation d'un rapport constitue une infraction, il nous fallait démontrer que cette infraction avait été délibérée pour obtenir une condamnation, ce qui était difficile à faire. Aucune pénalité n'était prévue, donc bon nombre de nos rapports étaient déposés en retard, et nous perdions beaucoup de temps.

Avant de diffuser le règlement qui modifiait les normes de présentation de rapports, nous avons reçu plus de 36 000 commentaires, émanant pour la plupart de syndicats. Bien qu'il soit difficile de s'opposer en public à la divulgation des renseignements, ils ont énoncé toutes sortes d'autres raisons pour expliquer que c'était injuste et que ce serait extrêmement coûteux.

L'association des pilotes de ligne a déclaré que si ce règlement était en vigueur, leur rapport compterait 15 863 pages. Au bout du compte, le règlement est entré en vigueur et leur rapport faisait 239 pages. L'American Federation of Labor and Congress of Industrial Organizations, la plus grande fédération syndicale de l'Amérique, a affirmé qu'il en coûterait en moyenne, à l'échelle internationale, quelque 1,2 million de dollars pour présenter ces rapports. Il s'est avéré que l'AFLCIO, la plus importante organisation syndicale du pays, avait dû se tromper dans ses chiffres, puisque son rapport a coûté environ 50 000 $.

Je vois que mon temps est écoulé, alors je répondrai volontiers à vos questions.

Tom Stamatakis, président, Association canadienne des policiers : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant vous cet après-midi au sujet du projet de loi C-377 dont vous poursuivez l'étude. Comme c'est la première fois que je comparais devant votre comité, j'aimerais tout d'abord expliquer exactement ce qu'est l'Association canadienne des policiers afin de mettre un peu en contexte les observations qui suivront.

Notre association est le porte-parole national de plus de 52 000 membres du personnel policier du Canada. Ce sont des membres assermentés et civils du personnel répartis dans 160 services policiers au Canada, des plus petits villages aux plus importants services policiers municipaux et provinciaux, dont certains membres de la GRC, de la police des chemins de fer et des services policiers des Premières nations.

Je suis moi-même policier à Vancouver. Je suis détaché par le service de police au syndicat des policiers de Vancouver, dont je suis le président. Je suis aussi président de la British Columbia Police Association, qui réunit tous les syndicats de policiers des municipalités de la Colombie-Britannique. Je suis président de l'Association canadienne des policiers. Je suis détaché à ce poste depuis que j'ai été élu président. Quand je n'assumerai plus ces fonctions, je reprendrai ma carrière de policier à Vancouver.

À l'exception de nos collègues de la GRC, tous les membres assermentés civils que je représente sont aussi membres d'un syndicat, et c'est pourquoi le projet de loi C-377 suscite de si grandes préoccupations chez nos membres et le personnel policier de première ligne du pays.

Avant de parler en détail de mes préoccupations, je tiens à souligner que bien que les associations de policiers servent d'unités de négociation, représentent des membres dans des procédures de règlement des griefs et offrent des protections juridiques additionnelles à leurs membres au besoin, les nombreux rôles que nous tenons font que nous sommes très différents de la plupart de nos collègues syndiqués. Nous ne souscrivons officiellement à aucun parti politique national. Nous sommes fiers de collaborer avec tous les parlementaires quand il s'agit de poursuivre notre objectif ultime, qui est la sûreté des collectivités pour les Canadiens et nos membres.

En ce qui concerne le projet de loi C-377, je ne peux m'empêcher de faire remarquer qu'il semble être une solution à la recherche d'un problème non existant, et une solution coûteuse, par-dessus le marché. Je ne doute aucunement que les partisans de ce projet de loi puissent trouver des exemples de représentants syndicaux qui font un usage inapproprié des fonds de leurs propres confrères, mais le fait est que le Code criminel prévoit déjà ce genre de situations dans diverses dispositions. Fort heureusement, ces situations sont des plus rares dans un contexte général.

Bien qu'il me déplaise de soulever la question, je suppose que je pourrais faire un parallèle entre ce projet de loi et le registre des armes à feu dont on a tant parlé, c'est pourquoi je suis souvent très étonné que les députés conservateurs veuillent tellement ce projet de loi C-377.

En tant que policiers, vous avez dit que l'établissement du registre des armes à feu était coûteux, qu'il était coûteux à entretenir et qu'il représentait peu d'intérêt puisque ce ne serait pas les criminels qui enregistreraient leurs armes à feu. Le projet de loi C-377 créera un registre à grands frais. D'après l'Agence du revenu du Canada, il pourrait coûter de nombreux millions de dollars, être coûteux à entretenir et représenterait bien peu d'intérêt puisqu'il est peu probable que les fraudeurs soient portés à signaler leur propre comportement criminel.

J'ai consacré de nombreuses années de travail avec mon association locale, le syndicat des policiers de Vancouver; avec mon association provinciale, la British Columbia Police Association et avec notre organisation nationale, l'Association canadienne des policiers. Je puis vous assurer que l'écrasante majorité des cadres syndicaux sont des gens honnêtes et travailleurs qui mettent leur propre carrière de policier en suspens pour se mettre au service de leurs collègues, et souvent, remplissent à la fois leurs fonctions de policier et leurs obligations d'agents syndicaux élus. Je trouve presque ridicule qu'on veuille adopter une loi coûteuse pour dissuader une minorité infime de commettre des actes criminels.

J'aimerais saisir cette occasion pour parler un peu des membres de nos associations, puisque les parrains de ce projet de loi aiment à laisser entendre qu'ils proposent ces mesures au nom de nos membres. J'ai assisté à des centaines d'assemblées générales annuelles de syndicats policiers partout au pays. Les états financiers de tous ces syndicats sont ouverts aux membres et des explications détaillées sont offertes. Souvent, les résultats de vérification par des tierces parties sont communiqués afin de démontrer que l'argent des syndiqués est dépensé équitablement et dans l'intérêt des syndiqués. Les membres de mon propre syndicat m'ont posé des questions pointues, et je sais que d'autres présidents et comités financiers ont été dans le même cas.

Nos livres sont toujours ouverts pour nos membres. L'idée qu'ils aient besoin de registres inefficients pour les protéger contre leur propre association est absurde, surtout quand on pense que la très grande majorité des gens que je représente sont des policiers enquêteurs qui sont tout à fait capables de poser les questions appropriées et même de fouiller plus loin sur les sujets qui les intéressent.

Autre point d'achoppement pour notre association, au sujet de ce projet de loi, c'est la protection des renseignements personnels et les infractions à ce chapitre que permettrait ce projet de loi, s'il est adopté. Je dois souligner, à ce sujet que le parrain du projet de loi à la Chambre des communes, M. Hiebert, a consulté notre organisation pour essayer d'apaiser certaines de nos préoccupations les plus urgentes. Les amendements qu'a adoptés la Chambre ont pu apaiser ces préoccupations dans une certaine mesure. Le projet de loi, néanmoins, dans sa version actuelle, permettrait de graves violations des renseignements personnels de nos membres et des compagnies qui entretiennent des relations d'affaires avec nos associations.

Les policiers qui participent activement aux activités de nos associations locales ne cessent pas d'être des policiers d'un seul coup. L'exigence voulant que leur nom et d'autres détails personnels et d'identification soient recueillis et versés dans une base de données en ligne accessible à l'échelle nationale pourrait présenter des risques à long terme pour la sécurité de nos membres et peut-être même celle de leurs familles.

Il est impossible de prédire ce qu'un policier pourrait être appelé à faire au cours de sa carrière avant de choisir de s'engager auprès de son association ou après, quand il reprend sa carrière de policier. On pourrait en dire autant des compagnies qui travaillent avec nos associations. Bien que beaucoup d'entre elles tirent orgueil, à juste titre, du soutien qu'elle offre au personnel local d'application de la Loi, d'autres ne souhaitent pas forcément que cette information soit publique. Il nous serait impossible de savoir quels criminels pourraient faire des recherches sur cette base de données qui est proposée et l'utilisation qu'ils pourraient faire des renseignements qu'ils seraient en mesure d'obtenir dans la base de données que propose le projet de loi.

Mesdames et messieurs les sénateurs, il m'est difficile de vous exposer toutes nos préoccupations en cinq minutes. J'aimerais réserver autant de temps que possible aux questions, alors je vais faire un bref résumé.

Le projet de loi C-377 peut partir des meilleures intentions, et je n'ai aucune raison d'en douter. Cependant, comme je l'ai dit, c'est une solution en quête d'un problème, un gaspillage inutile des données des contribuables et des ressources humaines, en plus de constituer une grave infraction à la vie privée des membres syndiqués, y compris les membres assermentés et civils que je représente.

J'espère que votre comité et vos collègues du Sénat refuseront d'adopter ce projet de loi parce qu'autrement, à mon avis, il est très probable qu'il sera suivi d'années de poursuites coûteuses qui aboutiront très probablement à l'annulation de la plupart des éléments fondamentaux de ce projet de loi.

Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de faire cet exposé et je répondrai volontiers à vos questions.

La sénatrice Bellemare : Monsieur Todd, je m'intéresse aux aspects constitutionnels du projet de loi C-377. À cet égard, j'aimerais avoir votre avis. Quand la loi américaine a été adoptée en 1959, y a-t-il eu un débat visant à savoir s'il s'agissait de droit du travail ou de droit fiscal? Semblait-il évident qu'il s'agissait de relations de travail ou d'un problème d'impôt sur le revenu? J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

M. Todd : Évidemment, il en était question comme d'une loi portant sur le droit du travail. C'était la loi de 1959 intitulée Labor-Management Reporting and Disclosure Act. Je dois préciser qu'après la révision des règlements portant sur la présentation de rapports, plusieurs poursuites ont été intentées. Les membres de l'association policière ont soulevé certaines questions, et le département du Travail a eu gain de cause dans tous les cas. Bien entendu, nos lois sont différentes alors je ne sais pas si cela pourrait s'appliquer au Canada.

La sénatrice Bellemare : Il en a été discuté au département du Travail des États-Unis.

M. Todd : C'est exact.

La sénatrice Ringuette : Selon toute logique, c'est une question de travail. Au Canada, près de 90 p. 100 de nos mouvements syndicaux et de nos relations syndicales relèvent des provinces. Les provinces ont adopté des dispositions en matière de divulgation qui concernent les employeurs et les employés. Avez-vous, aux États-Unis, le même genre d'approche équilibrée exigeant des employeurs et des employés qu'ils divulguent des renseignements en vertu de votre législation sur le travail?

M. Todd : En vertu de la loi fédérale, aucun syndicat qui n'emploie que des employés de l'État ou d'une subdivision d'un État n'est tenu de présenter de rapport en vertu de cette loi. Seuls les syndicats qui ont des employés du secteur privé — des gens qui travaillent dans le secteur privé — doivent présenter des rapports. Par exemple, ma femme est agente syndicale d'un syndicat local d'enseignants. Il n'y avait pas de conflits parce que ce syndicat n'a pas d'employés du secteur privé. Cependant, si le syndicat décidait de représenter des chauffeurs d'autobus employés par une compagnie privée, il suffirait qu'il y ait un seul membre du secteur privé pour qu'il doive présenter des rapports en vertu de la loi fédérale.

La sénatrice Ringuette : En ce qui concerne le département américain du Travail et la législation sur le travail, avez- vous une approche équilibrée sur le plan des exigences faites aux organisations syndicales et aux organisations d'employeurs qui fait en sorte que le principal objectif est la réglementation des relations de travail?

M. Todd : Cela relèverait de la loi National Labour Relations Act, qui est une espèce de système judiciaire des syndicats eux-mêmes qui arbitre les pratiques syndicales inéquitables. Ça ne relèverait pas de l'Office of Labour- Management Standards.

La sénatrice Ringuette : On me dit que les mêmes exigences sont faites en matière de divulgation par l'employeur s'il participe à des négociations collectives.

M. Todd : Je crois que vous parlez de la règle de persuasion du département du Travail.

La sénatrice Ringuette : Une exigence est faite aux deux entités en ce qui concerne les relations de travail.

M. Todd : Selon l'interprétation que j'en fais, si un syndicat ou un employeur embauche quelqu'un pour persuader quelqu'un d'autre d'adhérer ou non à un syndicat, cette dépense doit être déclarée et la personne embauchée doit présenter des rapports à l'Office of Labour-Management Standards.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Stamatakis, je suppose que parmi vos membres, les employés de petites municipalités seraient représentés par un syndicat local. Ce syndicat serait composé de deux, trois ou quatre personnes. Est-ce possible?

M. Stamatakis : Je vous dirai que la grande majorité des 160 associations membres de l'Association canadienne des policiers sont assez modestes. Nous avons des membres qui représentent aussi peu que 24 policiers d'une municipalité locale. Ces policiers qui sont élus représentants syndicaux continueraient de remplir leurs fonctions policières tout en s'acquittant de leurs responsabilités syndicales. C'est très courant. Aucun employé ne prend ces obligations syndicales à la légère.

La sénatrice Ringuette : Elles sont très petites.

M. Stamatakis : Oui.

La sénatrice Ringuette : Sur les 52 000 policiers que vous représentez, combien y a-t-il de sections locales distinctes?

M. Stamatakis : Il y a 160 associations membres.

La sénatrice Ringuette : Pour l'Agence du revenu du Canada, cela signifierait 160 fois 2 000 $ pour faire le traitement des données.

Je vous remercie d'avoir soulevé le problème de la protection des renseignements personnels, ainsi que de votre souci pour la sécurité.

M. Stamatakis : Je peux vous donner un bon exemple. Un membre de mon conseil exécutif, à Vancouver, est sergent au sein de l'Unité mixte d'enquête sur le crime organisé de la Colombie-Britannique. L'unique fonction de cette unité est de cibler les groupes criminels organisés, les gangs de motards criminels, et d'identifier les gangs qui participent à des activités criminelles graves. Leur principale fonction est de surveiller les membres des gangs et leurs activités en vue d'engager des poursuites contre eux. Le projet de loi C-377 mettrait cette personne dans une situation où, à tout le moins, son nom serait publié. Avec la technologie, de nos jours, il ne faudrait pas grand-chose pour que quelqu'un fasse quelque chose.

Il y a partout au pays des cas très bien documentés d'institutions criminelles qui ont infiltré des institutions publiques et autres dans le but d'en exploiter les bases de données et de recueillir des renseignements. Il serait très dangereux pour nos membres que leurs noms soient publiés parce qu'il ne serait pas très difficile alors d'obtenir une photo, et cetera. C'est un gros risque.

Le sénateur Massicotte : Monsieur Todd, vous êtes expert en matière de divulgation en ce qui concerne les pratiques américaines, et c'est ce sur quoi j'aimerais me concentrer, parce que je ne suis pas sûr que nous vous comprenions tout à fait.

Le parrain du projet de loi a parlé de la pratique américaine comme d'un bon exemple à suivre. J'aimerais donc m'attarder là-dessus. Vous êtes favorable à la divulgation, et plus il y a de transparence, mieux cela vaut. Je pense que nous serions, pour la plupart, d'accord avec vous, mais beaucoup penseraient aussi qu'il y a probablement une limite à la mesure dans laquelle certains renseignements devraient être divulgués.

Le débat, dans votre pays, à l'époque où a été proposée cette loi du travail, était entre Kennedy et Goldwater. Il a beaucoup été question, dans votre pays, quand ces lois sont entrées en vigueur, de la création d'un équilibre entre la divulgation par les syndicats et la divulgation par les sociétés publiques aux États-Unis. Est-ce encore nécessaire? Est-il pertinent de discuter de ce que doivent divulguer les sociétés en regard de ce que doivent divulguer les syndicats?

M. Todd : Une société publique doit divulguer ces renseignements. Le Centre Mercatus, ici, à l'Université George Mason, a fait une étude qui a conclu que les sociétés doivent divulguer environ 23 fois plus de renseignements que les syndicats. Évidemment, les sociétés privées ne sont pas prises en compte.

Quand vous parlez du coût, le rapport d'un syndicat de 24 membres serait très mince. Il n'y aurait pas beaucoup de dépenses de 5 000 $ ou plus, ni beaucoup d'employés qui gagneraient plus de 10 000 $ par année, donc le rapport serait assez succinct.

De plus, quand on parle de dépenses, on espère bien que ces syndicats tiennent des registres, ce qui fait qu'il est très simple de dresser des rapports. Dans notre discussion, nous avons comparé cela à l'utilisation de Quicken et Turbo Tax. Cela revient plus ou moins à ça. Si le syndicat tient ses livres toute l'année, les chiffres seraient transférés dans le rapport par voie électronique et cela représenterait peu de frais et bien peu de problèmes.

Le sénateur Massicotte : Ce ne sont pas tant les dépenses qui m'inquiètent. Je m'inquiète de la divulgation et de ses conséquences. Est-ce que vous avez lu le projet de loi dont nous discutons?

M. Todd : Cela fait un certain temps, mais oui, je l'ai lu.

Le sénateur Massicotte : Vous ne le savez probablement pas, mais ce matin, nous avons entendu un témoin de Revenu Canada qui a présenté son interprétation de certains termes du projet de loi. Par exemple, le projet de loi parle de « l'état des comptes créditeurs » et « des comptes débiteurs ». On a discuté de ce que voulait dire « l'état »? C'est un mot très général. Le parrain du projet de loi dit qu'il faut faire référence aux principes comptables généralement acceptés, mais cela n'est pas utile puisqu'on n'y définit pas le terme « état ». L'Agence du revenu du Canada interpréterait « état » comme voulant dire « liste ». D'après le projet de loi, cela serait exigé de tous les syndicats.

Dans votre pays, vous avez deux catégories, mais nous les rassemblerions. Les syndicats devraient fournir une liste par poste de tous les comptes créditeurs et débiteurs. Aux États-Unis, ils ne doivent que fournir les totaux. Par exemple, vous ne fournissez pas de liste, par créancier, de vos fournisseurs. Êtes-vous d'accord avec ma compréhension de votre loi?

M. Todd : Non, je ne le suis pas. Il y a un seuil de 5 000 $.

Le sénateur Massicotte : Je le comprends.

M. Todd : Non seulement vous devez présenter la liste des comptes, mais aussi indiquer s'ils sont à jour, en retard de 60 jours ou de plus de 90 jours.

Le sénateur Massicotte : Vous faites référence à la liste des déboursés de plus de 5 000 $.

M. Todd : C'est exact.

Le sénateur Massicotte : Dans ce projet de loi, il y a cette disposition. De plus, il y a une liste importante d'autres renseignements qui doivent être fournis, y compris une liste des comptes créditeurs et débiteurs bien en deçà du seuil de 5 000 $ — que ce soit 100 $ ou 200 $. Je crois que ce n'est pas exigé dans votre pays. Il faut surtout déclarer les dépenses de plus de 5 000 $. Est-ce exact?

M. Todd : Oui, mais il faut déclarer un regroupement des comptes de moins de 5 000 $.

Le sénateur Massicotte : Je suis d'accord. Votre loi fait toujours référence au regroupement. Là où je veux en venir, c'est qu'avec ce projet de loi, ce n'est pas le cas. On demande une liste, point à la ligne. Dans votre cas, il s'agit toujours de regroupement. Est-ce exact?

M. Todd : À moins que le montant soit de 5 000 $ ou plus, car alors il faut présenter les détails.

Le sénateur Massicotte : Cela répond à ma question.

Le sénateur Segal : Monsieur Todd, merci d'être avec nous. Je veux rendre hommage à votre longue carrière au sein du gouvernement américain dans un domaine, j'en suis certain, qui était parfois difficile.

Je comprends que ma question est un peu hypothétique, mais puisque vous ne faites plus partie de la fonction publique, vous pouvez peut-être nous aider à ce sujet. Selon votre longue expérience, qu'auriez-vous pensé si on vous avait demandé de gérer la même loi, mais qu'il s'agissait d'une loi du département du Trésor et de l'Internal Revenue Service? Est-ce que cela vous aurait paru comme étant le bon endroit pour cette loi aux États-Unis, et non pas où elle était, sous votre éminente gestion et direction? Si pour une quelconque raison, les législateurs en 1959 avaient décidé de faire gérer la loi par l'IRS, croyez-vous que cela aurait été utile pour arriver à faire ce que vous deviez faire? Aurait-ce été une approche constructive? Croyez-vous que cela aurait pu être un peu une erreur législative?

M. Todd : Lorsque la loi a été adoptée, il y a eu toute une controverse sur l'endroit où elle devait aller. Il n'y a eu que trois votes contre au Sénat. Il s'agissait tous de votes conservateurs, parce qu'ils croyaient qu'il s'agissait d'une fausse réforme et qu'elle devait être administrée par le département de la Justice plutôt que de celui du Travail. Quant à son emplacement actuel, je travaille pour une organisation à but non lucratif, et nous avons des exigences en matière de déclarations à l'IRS. Dans le cadre de notre système fiscal, à titre d'organisme à but non lucratif, nous rendons des comptes à l'IRS.

Le sénateur Segal : Vous avez eu la gentillesse dans votre témoignage de faire référence aux poursuites menées à bonne fin de plus de 1 000 personnes, je crois, pour détournement de fonds syndicaux qui auraient dû être utilisés de façon plus appropriée pour leurs collègues. Pourriez-vous m'aider à comprendre comment le système de déclarations, que vous gériez, a pu être utile pour ces poursuites?

M. Todd : Nous avions le pouvoir, et le bureau l'a toujours, d'aller au-delà du rapport pour voir s'il était juste. Ainsi, nous avons constaté des vols. On déclarait que l'argent était dépensé pour une chose alors qu'il se retrouvait dans les poches d'un employé du syndicat. Certains montants étaient assez importants. Il est difficile aux États-Unis de convaincre un procureur d'entamer des poursuites sous un certain seuil.

Il y en a eu plus de 900, pas plus de 1 000; je ne veux pas exagérer.

Pour certains plus petits détournements, le procureur peut refuser, mais en matière de détournements internationaux plus importants, il y a déjà eu un président de syndicat international qui dépassait plus de 100 000 $ en alcool et en prostituées, et il indiquait qu'il s'agissait d'activités éducatives de la part du syndicat.

Le sénateur Segal : Merci de votre franchise; cependant, je ne veux pas m'aventurer sur ce terrain.

Monsieur Todd, j'ai une dernière question. Est-ce que ça veut dire que vous aviez un deuxième processus de vérification qui vous permettait d'examiner le rapport d'un syndicat international ou local, pour voir s'il y a quelque chose qui vous frappait, vous et vos collègues, comme étant bizarre ou qui ne concordait pas et qu'ensuite vous pouviez envoyer, en vertu de vos pouvoirs législatifs, un vérificateur pour examiner si ce qui avait été déclaré correspondait vraiment à la réalité?

M. Todd : C'est exact. Je dirais que nous avions une façon de trier les rapports pour voir où se trouvaient les problèmes potentiels, bien que plus de la moitié des poursuites ont eu lieu parce qu'un membre du syndicat nous informait qu'il y avait des problèmes au syndicat.

La sénatrice Ringuette : Monsieur Todd, j'aimerais poursuivre au sujet de ce que vous venez de nous expliquer, à savoir que la plupart des poursuites que vous avez menées, entre 900 et 1 000, ont eu lieu suite à des dénonciations de membres du syndicat. Est-ce exact? Vous ai-je bien compris?

M. Todd : C'est exact. Il s'agissait bien sûr de renseignements confidentiels qui indiquaient que l'on devait faire enquête, car des fonds étaient détournés.

La sénatrice Ringuette : Nous avons le même système au Canada si quelqu'un croit qu'il y a des écarts de conduite. On n'a pas besoin de cette loi pour qu'un syndiqué, s'il constate qu'il y a des écarts de conduite, dépose une plainte anonyme. De plus, les codes du travail provinciaux et fédéral contiennent des dispositions pour que tout membre d'un syndicat puisse se plaindre directement au ministre responsable de la loi concernant la divulgation. Au Canada, nous avons tous ces mécanismes qui diffèrent probablement de ceux que vous avez aux États-Unis. Je n'oublierai pas que vous nous avez dit que la plupart des poursuites que vous avez intentées en vertu de votre loi faisaient suite à des divulgations anonymes de la part de syndiqués, et pas nécessairement des rapports de déclaration exigés par la loi.

M. Todd : Je ne dirais pas « la plupart », mais une grande partie. Ce n'était pas la majorité, mais une grande partie est arrivée à cause de ça.

La sénatrice Nancy Ruth : Monsieur Todd, j'aimerais savoir si, selon votre expérience, les inquiétudes dont a parlé M. Stamatakis au sujet des policiers se sont déjà concrétisées concernant les rapports des syndicats de policiers?

M. Todd : Non. Je ne peux pas imaginer qu'un agent d'infiltration fasse partie d'un syndicat de policiers, où on pourrait voir son nom.

M. Stamatakis : Je ne faisais que donner un exemple.

La sénatrice Ringuette : C'est le cas au Canada.

Le président : Merci beaucoup.

Je voudrais dire à nos témoins que ces discussions ont été très utiles pour nos délibérations. Au nom de tous les membres du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, j'aimerais vous exprimer notre gratitude. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


Haut de page