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ENEV - Comité permanent

Énergie, environnement et ressources naturelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 12 - Témoignages (séance de l'après-midi)


WINNIPEG, le mercredi 7 décembre 2011

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 13 h 28, pour étudier l'état actuel et futur du secteur de l'énergie du Canada (y compris les énergies de remplacement).

Le sénateur W. David Angus (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi à tous. Je déclare ouverte cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles.

Nous sommes réunis aujourd'hui dans la province du Manitoba, la ville de Winnipeg, et nous avons eu ce matin d'excellentes auditions de témoins. Hier, nous avons passé du temps avec Manitoba Hydro. Nous avons vu son merveilleux nouvel immeuble et rencontré l'équipe de la haute direction et avons pu nous familiariser avec la manière dont l'énergie est distribuée et produite dans cette province.

Nous avons entendu quelques points de vue intéressants ce matin. Nous avons la chance cet après-midi de recevoir trois représentants de la Manitoba Sustainable Energy Association : Carl Cunningham, président du conseil, et deux membres du conseil, Roger Haynes et Marie Haynes.

Carl Cunningham, président du conseil, Manitoba Sustainable Energy Association : Merci beaucoup de l'invitation à comparaître.

Avez-vous bien chacun entre les mains un dossier de 13 pages d'acétates imprimées? J'ai également fait circuler une brochure sur la Manitoba Sustainable Energy Association.

Personne ne fait signe que non, et je vais donc supposer que chacun a le document.

Je mentionne que je risque de me laisser aller à dire « ManSEA » de temps à autre. C'est le nom abrégé de la Manitoba Sustainable Energy Association.

La deuxième diapositive résume la raison d'être de ManSEA. L'association a été fondée par des particuliers et des organisations du Manitoba oeuvrant dans le domaine des énergies renouvelables qui percevaient la nécessité de faire entendre un même son de cloche aux décideurs politiques.

Sa mission est de promouvoir au Manitoba l'utilisation et la production d'énergies renouvelables, durables et écologiques. L'adhésion est ouverte aux particuliers, notamment les propriétaires fonciers, les agriculteurs et autres personnes intéressées, aux organisations sans but lucratif telles que les sociétés de développement, les municipalités grandes et petites, et des sociétés actives dans le domaine des énergies renouvelables.

ManSEA a été fondée en 2005, et je vous en situe un peu la genèse. Au cours de la période de 2000 à 2006 environ, un certain nombre d'activités ont été entreprises au Manitoba sur le plan de l'énergie renouvelable. L'une était la transformation de paille en éthanol. Iogen Corporation, qui a son siège à Ottawa, était désireuse de construire une usine dans l'ouest du Canada et examinait des sites au Manitoba, en Saskatchewan et en Alberta. Aucune usine n'a encore été construite, mais la société a envisagé d'utiliser un procédé enzymatique pour transformer la cellulose et l'hémicellulose de la paille en éthanol. Iogen est un fabricant d'enzymes basé à Ottawa.

Un autre projet a été le premier parc éolien du Manitoba construit près de la localité de St. Leon. Elle a une puissance de 99 mégawatts et compte quelque 66 turbines. Après sa construction, Manitoba Hydro a sollicité des déclarations d'intérêt en vue de la création d'une puissance éolienne de 1 000 mégawatts et en a reçu plusieurs.

Vous avez mentionné avoir rendu visite à Manitoba Hydro hier. Je ne sais pas si cela vous a été dit, mais il existe maintenant deux parcs éoliens au Manitoba, puisqu'un deuxième à St. Joseph est maintenant entré en service.

Un autre point que nous voulons faire ressortir est que notre organisation se nomme la Manitoba Sustainable Energy Association, et non Manitoba renewable energy association. La distinction à mes yeux est que ce sont les résultats de la recherche qui déterminent si des projets sont durables, au lieu de simplement considérer les projets d'énergie renouvelable comme importants en soi.

Passons à la troisième acétate, les activités de ManSEA : l'une consiste à disséminer de l'information au sujet des projets d'énergie renouvelable en divers lieux du Manitoba. Un certain nombre de séances d'information d'une demi- journée ou d'une journée complète ont été organisées dans diverses localités rurales de la province il y a deux, trois et quatre ans. Les ordres du jour étaient élaborés de concert avec des comités consultatifs locaux et les sujets abordés comprenaient l'énergie éolienne, les mini-installations de production d'éthanol, l'énergie géothermique et divers autres sujets relatifs à l'énergie renouvelable, et les réunions rassemblaient entre 15 et plus de 100 personnes. Des écoles ont envoyé des classes à certaines de ces réunions.

Une autre activité de ManSEA est le soutien et l'aide à l'organisation de conférences sur des sujets en rapport avec l'énergie renouvelable. Cela a été le cas, par exemple, de la conférence provinciale sur la biomasse. Nous avons apporté notre aide à d'autres conférences.

Le troisième point vignette : participation au comité de la Borderland School Division pour la mise au point de cours sur les énergies de remplacement dans les écoles secondaires. C'est un nouveau programme d'enseignement qui sera mis en place en septembre 2012. Il sera offert à toutes les écoles du Manitoba. L'invitation adressée à la ManSEA de déléguer quelqu'un pour siéger à ce comité consultatif est une manifestation de l'intérêt que porte le système éducatif provincial à l'énergie de remplacement

Le prochain acétate, le numéro 4, donne quelques exemples de technologies dans le domaine de l'énergie renouvelable au Manitoba. Je ne m'y attarderai pas.

Vous connaissez Manitoba Hydro. Vous avez rencontré ses responsables. Il existe quelques parcs éoliens. Nous avons une usine de transformation de grain en éthanol à Minnedosa, dans l'ouest du Manitoba, et il existe divers autres exemples.

Si le comité souhaite une liste de tous les projets en cours, nous nous ferons un plaisir de la fournir, mais vous connaissez sans doute déjà mieux que nous tous les divers projets.

Le président : C'est très aimable. Nous allons accepter votre offre.

M. Cunningham : D'une certaine façon, il est surprenant de voir que des serres sont chauffées avec des résidus de lin. Il y en a une à Carman.

Ai-je bien entendu que vous aimeriez une liste aussi à jour que possible de tous les projets?

Le président : Ce serait utile, monsieur.

M. Cunningham : Nous avons aussi des installations de chauffage géothermique. Les systèmes solaires sont lents à faire leur apparition au Manitoba. Y a-t-il ici des sénateurs de l'Ontario?

Le président : Nous avons reçu des représentants de l'industrie solaire de l'Ontario et ils disent que le soleil y brille plus souvent qu'ici au Manitoba. Nous ne savons pas qui croire.

M. Cunningham : Au Manitoba, il est difficile de justifier l'énergie solaire car nous avons la chance que Manitoba Hydro nous fournisse l'électricité au prix le plus bas, ou sinon pas loin du prix le plus bas.

Le président : On nous dit que partout où il y a beaucoup d'hydroélectricité, il y a une bonne complémentarité entre l'énergie hydroélectrique et éolienne. Peut-être n'est-ce qu'un hommage de pure forme que les gros producteurs d'hydroélectricité rendent à une autre forme d'énergie durable, mais il me semble qu'il y a des parcs éoliens au Québec, en Colombie-Britannique et au Manitoba.

M. Cunningham : L'existence d'un grand nombre de barrages est une autre caractéristique très importante au Manitoba. L'électricité est produite par une infrastructure mise en place il y a pas mal d'années. S'il fallait construire cette infrastructure aujourd'hui, le coût de l'électricité serait considérablement supérieur à ce que Manitoba Hydro peut nous offrir.

Le sénateur Neufeld : Néanmoins, même si les barrages étaient construits aujourd'hui, cette électricité coûterait quand même beaucoup moins cher que le solaire. Je crois que le tarif de rachat garanti de l'Ontario est de 0,85 $. Cela fait 850 $ le mégawatt. Si vous allez construire aujourd'hui de nouvelles grosses centrales hydroélectriques, cela coûtera environ 85 $ le mégawatt, ou 90 $ tout au plus. C'est un écart considérable.

M. Cunningham : Je suis d'accord avec vous. Même avec les progrès récents, puisque selon les statistiques le coût par unité de surface de panneau solaire a baissé de 40 p. 100 ces derniers temps, il y a encore beaucoup de chemin à faire. Il existe quelques autres exemples, et si effectivement une liste des projets existants vous serait utile, nous nous ferons un plaisir de vous communiquer tous ceux que nous connaissons.

Nous avons des résidus agricoles utilisés pour le chauffage et la production de combustibles comprimés de chauffage à partir de déchets municipaux et agricoles.

L'acétate suivant, page 5, donne des exemples de projets d'énergie renouvelable en cours au Manitoba. Sur la première vous avez les cinq projets que Manitoba Hydro a en train. Le premier consiste à remplacer le mazout lourd par de l'huile pyrolytique dans une usine de pâtes et papiers pour alimenter une chaudière et une turbine à vapeur dans une centrale mixte électrocalogène. C'est à l'usine de Tolko Industries à Le Pas, utilisant la technologie de Ensign Technologies de l'Ontario. Sur le site Internet de Manitoba Hydro, on dit que l'utilisation de l'huile pyrolytique a été démontrée chez Tolko.

Je crains de ne pouvoir vous donner une description à jour des quatre autres projets. Est-ce que Manitoba Hydro vous a parlé de ces projets lorsque vous y étiez?

Le président : Non, pas tous ceux-là. Ils ont mentionné le projet de Le Pas et quelques centrales hydroélectriques au fil de l'eau projetées. Je ne crois pas qu'ils soient entrés dans tous ces détails, aussi je vous prie de poursuivre.

M. Cunningham : Effectivement, je peux les mentionner, mais je crains de ne pouvoir vous en donner une description à jour exacte. En tant qu'administrateurs de la ManSEA, nous aimerions également une mise à jour les concernant, et lorsque nous la recevrons, nous nous ferons un plaisir de vous la répercuter, si cela peut vous être utile.

Nous savons qu'il y a un mini-gazogène dans une pépinière qui transforme des déchets de bois en chaleur et électricité. Est-ce Pineland? Il convertit les déchets ligneux en chaleur récupérée par un système électrocalogène Organic Rankine Cycle. Je suis désolé, je ne sais pas où cela se trouve.

J'aimerais parler de la conversion de déchets ligneux et agricoles en biocharbon pour la production de chaleur et d'électricité à l'échelle du quartier à Winnipeg. Le biocharbon résulte d'un procédé, intéressant en soi, de chauffage de la biomasse en l'absence d'oxygène de façon à en réduire le volume. L'un des gros problèmes de la combustion de biomasse est qu'elle est très volumineuse à transporter sur de longues distances, et ce procédé en réduit beaucoup plus le volume qu'il ne réduit la valeur calorifique. Il y a une perte de valeur calorifique, mais l'avantage ici se situe sur le plan de la transportabilité.

Le cinquième est la conversion de lisier en combustible par digestion anaérobique. Nous entendons beaucoup parler d'autres procédés très efficaces de captage du méthane, mais nous en avons encore peu d'exemples au Manitoba. Effectivement, là aussi, nous aimerions une mise à jour.

Passant à la diapositive suivante, la numéro six, vous voyez là quelques projets en cours de réalisation. Il y a celui de l'Elton Energy Cooperative. Elton est une municipalité rurale de l'ouest de la province, juste au nord de Brandon, et il s'agit d'un projet éolien communautaire et aussi d'un modèle d'investissement communautaire dans l'énergie. Il comportera deux turbines éoliennes, qui seront la propriété et sous le contrôle de Manitobains, et un modèle d'investissement communautaire pour assurer le financement et l'administration, les bénéfices étant reversés à la collectivité.

Si ce modèle d'investissement communautaire peut être réalisé, ce sera un moyen pour la population locale de participer, non seulement à la propriété, mais aussi à l'exploitation d'un projet. Si cela marche, on espère reproduire ce modèle dans d'autres localités.

Le président : Afin que je comprenne bien, est-ce que ce projet produirait assez d'énergie pour satisfaire les besoins d'Elton ou non? Ce sera juste un pourcentage de la consommation, et ces éoliennes seraient reliées au réseau.

M. Cunningham : Elles seraient reliées au réseau et il faudra un accord de rachat par Manitoba Hydro. Les promoteurs sont en train de réunir la documentation voulue pour négocier cet accord d'achat d'énergie avec Manitoba Hydro.

À mon avis, cela offre l'avantage d'un réseau de distribution, les éoliennes ne suffisant pas à satisfaire toute la demande d'énergie locale, mais si ce type de système existait en divers endroits, cela apporterait un complément.

Roger et Marie Haynes, à Franklin, ont un projet de recherche sur la culture et l'utilisation de saule pour produire de la chaleur par biomasse. Peut-être aurez-vous l'occasion de leur demander un complément d'information lors de la période de questions. Franklin est situé entre Minnedosa et Neepawa, dans la partie occidentale de la province.

Le Providence College, à Otterburne, au sud de Winnipeg, s'est équipé pour la combustion de granules de biomasse pour le chauffage. Les granules proviennent de déchets ligneux d'un fabricant de meubles de Winnipeg. Le collège envisage également d'autres solutions d'énergie renouvelable, avec notamment l'érection d'une éolienne.

Des serres utilisent le chauffage solaire passif avec une toile qui piège durant le jour la chaleur solaire et l'empêche de se dissiper à l'extérieur la nuit.

Il y a l'utilisation de massettes du lac Winnipeg comme biomasse, ce qui réduira la prolifération d'algues bleu-vert dans le lac. C'est un projet de recherche assez original, soit la production d'énergie tout en endiguant la prolifération d'algues.

Le président : Est-ce que les algues bleu-vert sont dues à la massette initialement?

M. Cunningham : Les algues exploitent les nutriments dans l'eau et la massette aussi, et donc si cette dernière peut être récoltée et retirée de cet écosystème, une partie de l'apport de phosphore disparaîtra aussi. Cela ne fait pas disparaître l'algue, mais la prive d'une partie de son alimentation.

Le président : Effectivement. Je pose uniquement la question parce que je suis propriétaire d'une maison sur un lac dans lequel prolifèrent des algues bleu-vert, et je me demandais comment l'énergie produite par la biomasse servira à endiguer les algues bleu-vert. C'est simplement qu'il y aura moins de nutriments.

M. Cunningham : C'est le retrait du nutriment.

Pour ce qui est des projets futurs, la production d'éthanol à partir de cellulose et d'hémicellulose de paille, cela fait longtemps que nous l'attendons. L'usine d'Iogen, à Ottawa, est un prototype de recherche qui produit de l'éthanol. J'ai oublié le procédé exact, si elle extrait uniquement la solution de sucre qui part ensuite à Montréal pour la fermentation, mais elle a un projet pilote de production d'éthanol à partir de paille. Cela contournerait le débat sur l'utilisation de maïs pour produire du carburant plutôt que de la nourriture qui fait rage aux États-Unis.

À mes yeux, un projet plutôt novateur consiste à produire de l'ammoniac par apport d'électricité. J'ignorais que c'est ainsi que l'ammoniac était produit à l'origine, par électrolyse de l'eau pour obtenir de l'hydrogène qui est ensuite combiné avec l'azote atmosphérique.

Le principal procédé actuel fait appel à l'hydrogène du gaz naturel. À Brandon, nous avons une grosse usine d'engrais qui prélève l'hydrogène du gaz naturel pour produire de l'ammoniac.

C'est une façon d'utiliser l'électricité pour fabriquer de l'ammoniac, et donc de l'engrais. L'Université du Minnesota a un campus à Morris, au Minnesota, qui a une installation pilote produisant de l'engrais pour la consommation locale.

On nous a demandé comment nous voyons le rôle que pourrait jouer le gouvernement fédéral. Les cinq diapositives suivantes esquissent une stratégie ou un cadre d'énergie durable.

La première intéresse la collecte et la dissémination de l'information. La deuxième concerne l'encouragement des particuliers, des organisations et sociétés à participer. La troisième traite des facteurs économiques et la quatrième de la formation des travailleurs et la cinquième de programmes éducatifs.

Pour les passer en revue de façon un peu plus détaillée, à l'acétate no 7, la promotion du partage de l'information, nous sommes toujours très intéressés par les pratiques exemplaires, des choses qui ont bien marché dans d'autres situations. En passant en revue tous ces éléments, nous allons certainement en indiquer certains que notre organisation devrait entreprendre également, mais dans ce contexte, nous disons que si le gouvernement fédéral pouvait faire quelque chose dans ces domaines, nous pensons qu'il y aurait complémentarité.

Je songe notamment à la documentation de projets existants, de la promotion de réseaux nationaux d'organisations et de particuliers actifs dans ce domaine et la dissémination aux parties intéressées des résultats des recherches sur l'énergie renouvelable.

Nous connaissons quelques exemples où il serait utile de disposer de ces pratiques exemplaires. J'en signale un moi- même dans les notes d'allocution que j'ai envoyées à votre personnel.

Les serres à chauffage solaire passif éprouvent quelques problèmes avec les couvertures qui viennent recouvrir les serres la nuit pour piéger la chaleur à l'intérieur. Ils sont dus au gel, à l'accumulation de glace. S'il existe d'autres matériaux qui pourraient servir à cet effet, cela réglerait ce problème. Il serait très utile de savoir ce qui se fait ailleurs.

À l'acétate no 8, le renforcement de la capacité des membres de la communauté, encourager les particuliers à s'organiser et à partager l'information sur les concepts et projets d'énergie renouvelable, permettre à des personnes de présenter et expliquer en détail les projets énergétiques. L'exemple que je voudrais mentionner à cet égard est la Southwest Fibre Co-op qui a été formée pour éventuellement approvisionner en paille une usine d'éthanol, et le problème à cet égard est qu'il faut trouver un moyen pour que la matière première utilisée rapporte quelque chose aux agriculteurs. L'achat au prix le plus bas est une bonne chose pour cette compagnie, mais ne peut pas garantir un approvisionnement à long terme. Donc si l'on peut aider les membres de la collectivité à se structurer de manière à obtenir les meilleurs résultats, ce serait avantageux pour tout le monde.

Acétate no 9 : soutenir la création d'entreprises dans le secteur de l'énergie renouvelable, fournir un soutien à la recherche-développement comparable à celui d'autres industries, simplifier les procédures de délivrance de permis, qu'il s'agisse d'études d'ingénierie ou d'évaluations environnementales nécessaires à la mise en oeuvre de projets d'énergie renouvelable. S'il y a une analyse de l'entreprise, un soutien comparable à celui offert à d'autres industries peut faciliter la création de nouvelles entreprises. Certains projets ne peuvent mettre à profit les concessions fiscales, et donc un crédit d'impôt pour recherche ou exploration similaire à celui offert aux sociétés forestières ou minières n'aide pas une industrie naissante. S'il y avait une analyse de l'appui gouvernemental aux entreprises, tel que chaque industrie soit traitée de manière similaire, cela pourrait aider ces nouvelles organisations à s'implanter. Sans cela, elles sont désavantagées car elles ne peuvent mettre à profit les crédits d'impôt ou les actions accréditives.

La diapositive no 10 intéresse la formation de la main-d'oeuvre, avec la détermination des normes de travail nécessaires afin que des travailleurs adéquatement formés soient disponibles pour occuper les divers emplois. Cette industrie pourrait employer une main-d'oeuvre assez abondante, et donc il serait bon de s'y préparer.

Diapositive no 11, le soutien aux programmes éducatifs sur l'énergie renouvelable. Je réalise que l'éducation est du ressort provincial, mais s'il y avait quelque soutien au niveau de l'enseignement élémentaire, secondaire et collégial, cela contribuerait à nous préparer tous pour l'avenir.

La vision de ManSEA pour le Manitoba figure à l'acétate no 12. Parmi les opportunités et défis du Manitoba, je ne mentionne ici que le Port de Churchill et le potentiel d'exportation de granules de biomasse vers l'Europe à partir de Churchill.

Nous savons que des granules de bois fabriquées en Colombie-Britannique sont acheminées en Europe par le canal de Panama, et on peut se demander s'il n'y a pas quelques possibilités pour le Manitoba ou même d'autres régions du Canada? Lorsqu'on y réfléchit, pourquoi ne pas utiliser les granules de biomasse fabriquées ici? Pourquoi ne pas les utiliser au Canada? Le Manitoba va interdire la combustion de charbon en 2014, et il y a donc des applications potentielles. Il existe d'autres formes de biomasse densifiée, les cubes de biomasse. Prairie Bio Energy, à La Broquerie, au sud-est de Winnipeg, fabrique des cubes. Leur densification requiert moins d'énergie.

Je mentionne enfin les préoccupations urbaines et rurales. Des excédents de résidus sont souvent brûlés à Winnipeg en automne, ce qui cause certains problèmes à la ville. On pourrait employer ces résidus pour produire de l'énergie à Winnipeg ou au Manitoba.

Selon l'optique de ManSEA concernant le Manitoba, l'acétate no 12, nous pensons que c'est par l'éducation à tous les niveaux que l'on peut promouvoir la protection et l'amélioration de l'environnement. Le potentiel d'emploi dans le domaine de l'énergie renouvelable est énorme. Il faut instruire les générations scolaires actuelles et futures afin que l'énergie de remplacement durable et propre devienne la solution de l'avenir, et cette solution fournira des emplois durables aux générations futures.

Si vous avez des questions, je suis sûr que Roger et Marie seront en mesure d'y répondre.

Le président : Avez-vous bien dit que le Manitoba interdira toute combustion de charbon à partir de 2014?

Roger Haynes, directeur, Manitoba Sustainable Energy Association : Il n'y aura que deux endroits au Manitoba où du charbon sera brûlé. L'un est la centrale électrique de Manitoba Hydro à Brandon, qui est essentiellement une centrale de secours, et l'autre est quelques fours à chaux au nord de Winnipeg. Je ne sais pas exactement quel est ce procédé, mais ces deux installations seront les deux seules autorisées à utiliser du charbon.

Une taxe sur le charbon va entrer en vigueur en janvier 2012. Selon le type de charbon, elle variera de 14 $ à 43 $ la tonne.

Le président : Comment va-t-on déterminer si c'est 14 ou 40? C'est comme une taxe sur le carbone, n'est-ce pas?

M. Haynes : C'est comme une taxe sur le carbone, mais elle sera fonction de la qualité du charbon employé.

Le président : De sa propreté.

Marie Haynes, directrice, Manitoba Sustainable Energy Association : La taxe la plus forte frappera l'anthracite.

Le sénateur Mitchell : Les sociétés produisant de l'énergie traditionnelle et d'autres dans ce secteur, les associations industrielles, nous ont souvent parlé d'un problème de chevauchement et de double emploi sur le plan de l'évaluation environnementale des projets et des retards qui en résultent.

Vous mentionnez à la acétate no 9 qu'il serait utile de simplifier les procédures de délivrance de permis aux projets d'énergie renouvelable. Mais vous en avez parlé pas tellement du point de vue des évaluations environnementales, mais plutôt de certains avantages, par exemple, qui sont conférés à l'industrie minière, mais dont ne profiteraient pas les entreprises naissantes dans le domaine de l'énergie renouvelable.

Existe-t-il un problème, un manque de connaissances, d'expérience, en ce qui concerne l'évaluation environnementale des projets d'énergie renouvelable?

M. Cunningham : Il a été question récemment dans les médias des parcs éoliens en Ontario. On parle des ondes sonores rythmiques qui causent un malaise ou inquiètent. S'il existe des données objectives, il serait très utile de les connaître lorsque d'autres projets sont proposés, et cela accélérerait probablement le processus. Mettez toute l'information à la disposition des autres projets, afin qu'ils puissent s'en servir sans devoir la reproduire.

Les passages d'oiseaux migrateurs sont un autre problème avec les éoliennes. Si l'on pouvait réunir tous les renseignements à ce sujet, ce serait utile à d'autres projets dans d'autres contextes.

Quelque chose vous vient-il à l'esprit concernant l'agrément de divers types de chaudières?

M. Haynes : Quelques projets d'emploi du saule pour le chauffage de serre marchent bien au Québec, dans la région de Montréal. Il est très difficile de mettre la main sur cette information. Nous passons beaucoup de temps à la chercher sur l'Internet, par tous les moyens possibles. Si cette information pouvait être disséminée par le biais des organisations, cela faciliterait beaucoup les choses.

Il y a des différences entre l'Est et l'Ouest, mais si vous disposez de l'information, cela facilite la vie.

Le sénateur Mitchell : Notre étude s'intéresse à beaucoup de choses, notamment les connaissances du public en matière d'énergie, et un sous-ensemble, ou corollaire, de cela est l'idée que, lorsqu'il existe des renseignements réellement utiles que d'autres pourraient mettre à profit, pas seulement le grand public mais quelqu'un comme vous qui veut réaliser un projet dans un domaine similaire, il serait bon que vous y ayez facilement accès.

Le problème réside en partie dans le fait que les compagnies ne veulent pas divulguer les renseignements commerciaux. Je sais qu'un des grands constructeurs automobiles européens accepte toujours de divulguer tout renseignement en sa possession qui contribue à la sécurité automobile, mais c'est avec son consentement. L'information détenue par le projet de chauffage de serre au Québec peut être de nature confidentielle et c'est pourquoi vous ne l'obtenez pas.

Comment résoudre ce genre de problème?

M. Haynes : Vous voyez de par mon accent et celui de mon épouse que nous sommes Européens. Je peux virtuellement appeler n'importe qui en Europe et me faire communiquer rapidement et facilement des renseignements. Les gens sont désireux de promouvoir leur idée et consentent à la communication.

J'ai pu appeler l'Université d'Uppsala et parler à un M. Stig Larsson, qui est pratiquement le grand-père des projets d'exploitation du saule. Et pourtant si je transmets cette information au Service canadien des forêts à Edmonton, j'ai beaucoup de mal à lui arracher des renseignements similaires. Ce bureau d'Edmonton devrait avoir des renseignements que nous pouvons utiliser parce qu'il est situé ici, au Canada. Or, Uppsala va me renseigner beaucoup plus facilement que si je m'adresse à Edmonton.

Le sénateur Mitchell : Vous avez mentionné la tarification du carbone dans un cas précis, je crois, celui du charbon. Pensez-vous plus généralement que les projets dont vous parlez seraient stimulés, en quelque sorte, si nous imposions un prix au carbone et, dans l'affirmative, quelle sorte de prix préconiseriez-vous?

M. Haynes : Suite à un article assez récent sur notre projet, quelqu'un de la Colombie-Britannique nous a contactés pour acheter des crédits carbone, parce que nous plantons des arbres. Je vais être totalement franc. C'est un sujet auquel nous n'avons encore jamais réfléchi.

Les problèmes que nous ont posés rien que les rudiments de la culture du saule dans l'ouest du Canada nous ont submergés. Nous n'y avions jamais songé au départ, mais le premier problème que nous avons rencontré a été l'entreposage. Personne ne savait comment entreposer les boutures ici. Ensuite la manière de les planter, de manière rentable, quel type de boutures utiliser. Ce sont des aspects qui nous ont littéralement submergés, et je suis sûr que ma femme confirmera.

Je pense qu'ultérieurement, oui, il faudra bien des crédits carbone. Mais comment cela s'inscrira dans tout le projet, je ne le sais vraiment pas.

Le sénateur Banks : Monsieur Cunningham, vous dites que vous avez besoin d'une voix unifiée. Pour vous donner un exemple, si l'Association des manufacturiers canadiens va aller frapper sur la table de quelqu'un à propos de quelque chose, elle aura consulté ses adhérents et pourra s'exprimer avec autorité car elle aura trouvé un certain consensus, mais c'est ainsi qu'elle mène la charge.

Vous-même livrez une bataille un peu similaire. Nous avons reçu ce matin la Manitoba Environmental Industries Association qui fait à peu près la même chose que vous. Pourquoi, partout dans le pays, avons-nous affaire à d'innombrables organisations relativement petites qui nous disent la même chose, au lieu que ce soit une seule grosse organisation qui nous le dise?

M. Cunningham : Votre remarque est judicieuse. Effectivement, nous devons nous mettre en quête des autres organisations et collaborer avec elles. Vous citez des organisations ayant des noms différents, mais il y a des recoupements.

Le sénateur Banks : Des organisations qui sont d'accord avec vous. Vous parliez il y a un instant, monsieur Haynes, de la disponibilité de l'information. Le fait est que cette pénurie de communication est sûrement l'un des problèmes causés par le fait qu'un certain nombre d'organisations relativement petites disent la même chose, au lieu de se rassembler et de collaborer entre elles et de parler d'une voix plus forte et avoir un plus grand poids.

M. Haynes : Est-ce que je peux vous en donner un exemple? Dans notre projet, nous avons été financés par une organisation fédérale appelée MRAC.

Le président : Comment s'appelle-t-elle?

M. Haynes : MRAC.

Mme Haynes : C'est le Manitoba Rural Adaptation Council, mais il est financé par le gouvernement fédéral.

M. Haynes : Ils pensaient que notre projet était très intéressant. D'ailleurs, ils nous ont invités à accepter une plus grande aide de leur part. Les connaissances que nous avons acquises, que nous avons pu leur transmettre, comment les disséminer plus loin? Elles sont affichées sur leur site Internet, mais elles ne vont pas plus loin. Nous pensons que ce que nous avons découvert aurait pu être utile à d'autres dans l'ouest du Canada.

Je ne tiens pas particulièrement à diffuser les problèmes et les solutions que nous avons trouvés. Mais je veux les partager avec autrui afin que tout le monde puisse s'en servir.

Le sénateur Banks : Je comprends cela. Avez-vous partagé cette information avec la Manitoba Environmental Industries Association?

M. Haynes : Non.

Mme Haynes : Permettez-moi d'ajouter que la Manitoba Environmental Industries Association était présente à certaines des conférences où nous avons fait une communication et nous nous sommes efforcés de présenter cette information dans toute la mesure du possible à toutes les conférences où nous avons été invités à prendre la parole.

Je suis certaine que ses représentants étaient là, et ils connaissent donc notre travail de recherche. L'ont-ils affiché sur leur site web, je ne sais pas.

Le sénateur Banks : Je ne vous demande pas une solution, mais fais remarquer simplement que lorsqu'un plus grand nombre de personnes représentant des intérêts plus larges disent toutes la même chose, le retentissement est plus grand que si 10 organisations différentes disent séparément la même chose.

Mme Haynes : Je saisis bien, mais le problème est que c'est là une association industrielle. Nous ne sommes pas considérés comme une industrie.

Le sénateur Banks : Vous pouvez prendre cela en considération. Vous avez dit que notre prospérité et notre qualité de vie à long terme passent par la réduction de notre dépendance des combustibles fossiles. Pourquoi pensez-vous cela?

M. Haynes : Je ne crois pas avoir dit cela.

Le sénateur Banks : C'est écrit dans votre brochure.

M. Cunningham : Et quelle est votre question?

Le sénateur Banks : Pourquoi pensez-vous cela?

M. Cunningham : Que les combustibles fossiles viendront à manquer?

Le sénateur Banks : Non. Vous avez dit que notre qualité de vie passe par la réduction de notre dépendance aux combustibles fossiles. Pourquoi croyez-vous cela?

M. Haynes : Puis-je répondre à ma façon? Je crois, et je peux garantir, que je suis la seule personne ici dont la santé s'est durement ressentie des effets des combustibles fossiles.

En effet, je suis né à Londres au début des années 1940. J'ai souffert du smog à la fin des années 1940 et au début des années 1950. Je me suis établi au Canada notamment parce que c'est un pays propre et vert. Je ne voudrais obliger aucun être humain à vivre dans le smog que nous avons subi. Ma mère et moi vivions à Londres et nous étions obligés de descendre du bus parce que les conducteurs ne voyaient pas les feux de circulation. Tous les bus s'arrêtaient. Nous devions rentrer à pied.

Si pour vous l'environnement n'est pas important, c'est que vous n'avez vraiment aucune idée de ce qu'est un mauvais environnement comme celui que j'ai subi.

Mme Haynes : Je peux confirmer. J'ai grandi dans une ville industrielle du nord de l'Angleterre où il y avait des mines de charbon et des usines textiles.

À l'âge de 12 ans, et nous devions prendre deux autobus différents pour nous rendre à l'école à neuf milles de distance. Un jour l'école nous a renvoyés à 13 heures et nous avons réussi à parcourir les cinq premiers milles jusqu'au centre de la ville où nous vivions. Ensuite nous devions faire une chaîne humaine pour avancer d'un réverbère à l'autre et la première personne ne devait pas lâcher le premier réverbère jusqu'à ce que la personne au début de la chaîne ne tienne le deuxième, car le smog était tellement épais qu'on ne pouvait pas les voir.

Dans la région du Lancashire où j'ai grandi, les bâtiments étaient noirs. Peu avant de partir pour le Canada avec nos enfants, nous les avons ramenés dans cette région pour leur montrer où j'avais grandi. Les mines de charbon avaient disparu. L'industrie textile avait disparu. Les façades des bâtiments avaient été ravalées et étaient toutes de couleur crème. Je n'avais jamais vu cela dans mon enfance.

Oui, comme mon mari l'a dit, nous nous sommes installés au Canada parce que votre air est pur. La plupart du temps nous avons de la bonne eau. Et il n'y a pas de pollution sonore. Au Manitoba en tout cas, il n'y a pas de pollution sonore. Il n'y a pas de pollution lumineuse.

Je dis aux gens que nous n'avions jamais connu deux choses avant d'émigrer. Nous n'avions jamais entendu le silence et nous n'avions jamais vu l'obscurité.

Oui, la réduction de la consommation de combustibles fossiles, à tout le moins la réduction des émissions, car le contrôle des émissions des combustibles fossiles n'est pas bon au Canada, cela importe. Parce que la population est si peu nombreuse et le territoire si grand, cela ne semble pas avoir les mêmes effets ici que dans les pays plus petits ayant une superficie plus réduite et une population beaucoup plus dense. Même si les effets ne sont pas visibles, ils pèsent quand même sur l'environnement, et c'est pourquoi cela est important.

Le sénateur Banks : Ma dernière question est apparentée à la première. Vous dites que votre organisation accepte l'adhésion de sociétés oeuvrant dans le domaine de l'énergie renouvelable. Ceux qui dépensent plus d'argent que quiconque pour l'énergie renouvelable sont des sociétés comme Shell, Exxon et Phillips. Sont-elles membres de votre association? Les avez-vous invitées? Se sont-elles montrées intéressées? Leur avez-vous demandé d'adhérer?

Mme Haynes : Nous ne leur avons pas demandé. Nous ne sommes pas de si grande envergure. Nous sommes toujours une très petite organisation, et pour parler franchement, étant des gens ordinaires, l'idée ne nous est même pas venue que nous pourrions faire cela. Notre association elle-même aurait bien besoin de conseils.

Le sénateur Banks : Nous en avons tous toujours besoin.

Le sénateur Neufeld : Votre explication des raisons qui vous ont amenés ici était assez frappante, et vous avez raison. Je n'ai jamais rien vécu de tel et je suis né à peu près dans la même période que vous.

Ce qui est curieux, c'est que des groupes viennent nous voir et nous disent que nous devrions émuler certaines des mesures prises en Europe parce que nous faisons mal les choses ici. Vous donnez là un son de cloche un peu différent de celui que je connaissais.

Je pense que chaque pays est différent et qu'il nous faut mettre en oeuvre des idées différentes en différents endroits pour réaliser ces objectifs dont vous parlez, une atmosphère et de l'eau pures. Vous dites que l'Elton Energy Cooperative cherche à conclure avec Manitoba Hydro un accord d'achat d'énergie. Pouvez-vous me dire quel tarif d'achat de cette électricité éolienne vous visez? Les négociations sont-elles assez avancées ou bien est-ce confidentiel? Si ce l'est, je n'insiste pas.

M. Cunningham : De la façon dont ce projet va fonctionner, nous partons du modèle d'investissement énergétique communautaire pour calculer les frais de manière transparente et établir ensuite le prix par kilowattheure nécessaire pour être rentable. Ce pourrait être comparable à ce qui se pratique en Ontario, par exemple, où le tarif est de 0,11 $ à 0,13 $ le kilowattheure d'électricité.

Peut-être la seule différence ici est-elle que le bénéfice est versé à la communauté. Une partie irait aux investisseurs. C'est une coopérative. Il n'y aura pas juste un ou deux propriétaires de l'installation. Ce sera une coopérative regroupant un certain nombre de personnes, et donc la collectivité en retirera un rendement sur l'investissement.

Le sénateur Neufeld : Je comprends ce que vous dites. Le chiffre de 0,11 $ à 0,13 $ me donne une idée du...

M. Cunningham : Ce n'est pas strictement la notion du tarif de rachat garanti de l'Ontario. C'est un mécanisme à rebours.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Haynes, pouvez-vous me parler de l'utilisation du saule pour le chauffage à la biomasse? Que faites-vous? Le brûlez-vous pour produire de la chaleur? Que faites-vous?

M. Haynes : Je vais vous expliquer comment le projet a vu le jour. Nous sommes venus au Canada pour cultiver la terre et la première année a été bonne. Nous sommes arrivés en 1997, et 1998 a été une bonne année. L'année suivante, 1999, a été un désastre. C'était l'une de ces années pluvieuses où pratiquement personne dans la région n'a rien semé. On peut surmonter une mauvaise année. Ensuite, 2000 a été une autre mauvaise année. Nous avons eu quatre pouces et demi de pluie la première semaine de septembre, lorsque toutes nos cultures étaient prêtes à être récoltées. Nous ne pouvions pas entrer dans les champs.

Nous avons décidé de revenir à ce que nous connaissions, c'est-à-dire l'élevage laitier. J'avais fait de l'élevage laitier toute ma vie, et puis, patatras, l'ESB. Nous venions juste de nous lancer dans l'élevage-naissage lorsque l'ESB a frappé. Que faire dans une telle situation? L'agriculture est toute ma vie.

Je suis allé voir des gens que je connaissais. Pourquoi ne pas faire pousser notre propre nourriture ici? Nous pouvons construire une serre adaptée, produire les aliments localement au lieu de les importer de Californie ou du Mexique ou d'ailleurs, sans savoir ce qu'ils contiennent. Produisons ici ce que nous savons cultiver et qui y pousse bien.

J'ai acheté une petite serre avec un nouveau type de couverture. Comment la chauffer? J'ai fait beaucoup de recherches sur l'Internet et par téléphone — parlant à des anglophones. Je ne parle malheureusement aucune autre langue.

J'ai constaté que le saule semblait avoir la faveur à l'étranger, particulièrement en Suède, en Irlande du Nord et même dans les universités d'État de New York. Ces dernières ont fait beaucoup de recherche dans ce domaine. C'est une culture que l'on peut récolter à peu près tous les trois ans. On peut réduire la matière en copeaux avec des machines agricoles. On peut s'en servir pour le chauffage et, souvent aujourd'hui, pour produire de l'électricité.

À mes yeux, c'est là une culture facilement praticable. Nous avons vu cette année au Manitoba de nombreuses terres très marginales qui ont été inondées, qui ont de l'eau très près de la surface. Le saule pousse bien dans cette situation.

Depuis que nous sommes au Canada, les pluies ont été un plus grand problème que la sécheresse. Je ne doute pas que la sécheresse deviendra un problème à l'avenir. Une fois que ces plants ont pris racine, ces arbres poussent dans virtuellement toutes les situations.

Un autre aspect que j'aime est qu'on peut utiliser le saule pour la phytoremédiation, l'épuration des étangs de traitement des eaux usées municipaux, pour épurer les eaux sales et les sites contenant des déchets industriels. On peut l'employer dans toutes les situations.

Le sénateur Neufeld : J'ai visité une usine ou deux en Suède qui cultivent du saule et produisent de l'électricité et utilisent la chaleur résiduelle pour le chauffage collectif, et je connais donc bien.

Le sénateur Brown : Je pense que vous avez formulé là quelques très bonnes idées dans ces 12 pages. Les avez-vous communiquées au gouvernement fédéral ou au ministre Kent et aux responsables de l'environnement?

M. Cunningham : Non. Nous sommes la Manitoba Sustainable Energy Association et, comme je l'ai mentionné, nous avons connu quelques années d'activité considérable, puis un relâchement. Nous essayons actuellement de rajeunir l'organisation. Nous serions certainement ravis de partager l'information avec quiconque veut écouter.

Le sénateur Brown : Je pense que vous devriez le faire, et puis envoyer cette information à toutes les autres provinces. C'est l'une des choses qui tend à nous isoler. Nous nous limitons sans cesse à notre propre province et nous ne sommes pas assez renseignés sur ce qui se fait ailleurs.

Le président : Vous faites un excellent travail et nous vous saluons. La manière dont vous avez organisé la présentation pour nous indiquer les domaines où le gouvernement fédéral pourrait apporter une aide nous est extrêmement utile.

À première vue, l'énergie, l'environnement, les ressources naturelles relèvent de la compétence provinciale dans notre pays. D'aucuns disent que le titre de notre comité est un non-sens. Vous avez fait ressortir qu'il y a un rôle prépondérant pour le gouvernement fédéral. Il est dans l'intérêt national d'assainir l'environnement et ne pas nous retrouver avec des bâtiments tout noirs comme dans le nord de l'Angleterre.

Nous avons le privilège de recevoir maintenant M. Jim Carr, président et chef de la direction du Business Council of Manitoba.

Jim est le président fondateur et directeur général de ce conseil d'entreprises, occupant cette fonction depuis 1998. Vous devez être masochiste, monsieur. Sa carrière témoigne d'une diversité d'intérêts, puisqu'il a commencé comme joueur de hautbois — que dites-vous de cela, sénateur Banks, un joueur de hautbois — au Winnipeg Symphony Orchestra.

Il est devenu directeur du développement du WSO, puis directeur exécutif du Conseil des arts du Manitoba. Il a ensuite acquis un double baccalauréat spécialisé en histoire et relations internationales de l'Université McGill, une excellente université, soit dit en passant, à Montréal, au Québec, dont le sénateur Massicotte et moi-même sommes diplômés. M. Carr a ouvert un cabinet de consultants et écrit pour le Globe and Mail et le Winnipeg Free Press avant d'être embauché comme directeur exécutif des relations externes à l'Université de Winnipeg.

M. Carr a été élu à l'assemblée législative du Manitoba en 1988, devenant leader adjoint du Parti libéral. Il a été membre des groupes de travail constitutionnels relatifs et à l'Accord du lac Meech et à l'accord de Charlottetown. De 1992 à 1997, M. Carr a siégé au comité de rédaction du Winnipeg Free Press. Il a participé à des missions à l'étranger, dont les missions d'Équipe Canada en Corée, en Thaïlande et aux Philippines, et a couvert la première élection palestinienne en Cisjordanie et à Gaza.

En 1996, il a obtenu une Bourse du Commonwealth pour étudier à Londres. Jim est actuellement membre du conseil de l'Administration aéroportuaire de Winnipeg et du Art V. Morrow Centre for Peace and Justice du collège St. Paul, Université du Manitoba, et membre émérite du conseil d'administration de la Canada West Foundation, laquelle a déjà comparu au comité dans le cadre de notre étude.

M. Carr a été reçu à l'Ordre du Manitoba le 12 juillet 2011, donc tout récemment. Félicitations, monsieur.

Il est venu nous faire part de ses réflexions concernant notre étude, qui tire inexorablement à sa fin puisque nous y travaillons depuis presque trois ans, qui nous a amenés à parler d'énergie avec les Canadiens et à rechercher une solution d'avenir pour une utilisation plus écologique, plus propre et plus durable et efficiente de l'énergie dans notre pays.

Jim Carr, président et chef de la direction, Business Council of Manitoba : Bienvenue au Manitoba. C'est pour nous une journée marquante. Si vous avez circulé en ville ce matin et cet après-midi, et si vous avez vu les gens avoir le pas alerte et un sourire sur le visage, c'est parce que nous avons battu les Bruins de Boston hier soir.

Le président : Alors qu'ils avaient gagné 11 de leurs 12 dernières parties.

M. Carr : Oui. Vous savez maintenant pourquoi nous sourions béatement. Nous sommes très fiers de jouer de nouveau dans la Ligue nationale de hockey.

Je suis particulièrement heureux de partager cette salle avec mon vieux copain, Bert Brown. Nous nous connaissons de longue date. Cela remonte aux guerres sur le lac Meech. Je pense que la première fois que nous nous sommes rencontrés était à Banff, probablement au printemps 1990. Nous adhérions tous deux avec ferveur, et cela n'a pas changé, à certaines conceptions du fédéralisme et de la Confédération canadienne. Je suis ravi que vous soyez ici avec vos collègues.

Sénateurs, je vais vous raconter une anecdote, et nous pourrons ensuite entrer dans les détails si vous le souhaitez.

C'était il y a un peu plus de deux ans, en septembre 2009, que le comité de l'énergie et de l'environnement du Business Council of Manitoba, un groupe de 75 premiers dirigeants des plus grandes sociétés du Manitoba, a débattu du rôle constructif que le Manitoba pourrait jouer dans la recherche de moyens d'intégrer toutes les ressources énergétiques du Canada selon une trame cohérente.

Nous pensions que les richesses dont nous jouissons et l'abondance naturelle qui est la nôtre ne suffisaient pas. D'autres provinces ont plus de richesses que nous, mais nous avions les moyens d'organiser une rencontre et nous avions une idée, qui était la suivante : que se passerait-il si nous invitions les présidents de tous les grands laboratoires de pensée canadiens à Winnipeg pour voir si nous pourrions construire un cadre pour une stratégie énergétique canadienne?

Je me suis donc rendu à l'étage supérieur de notre bâtiment et ai bavardé au téléphone avec Roger Gibbins et David Reynolds, qui, à l'époque, était président de l'International Institute for Sustainable Development et nous nous sommes répartis la liste. Nous avons pris trois ou quatre noms chacun et les avons appelés et les avons invités à une rencontre à Winnipeg, et ils sont tous venus.

Le président : Le Winnipeg Consensus Group.

M. Carr : C'est bien le Winnipeg Consensus Group. Je parle au nom de ce groupe.

C'était la première fois dans l'histoire du Canada que les présidents des grands laboratoires de pensée du pays se retrouvaient au même endroit en même temps pour parler de la même chose. En soi, cela n'est pas une garantie de consensus, mais nous avons enfermé tout le monde dans notre salle du conseil et avons passé 8 à 10 heures à débattre, et voilà, nous en sommes sortis avec un cadre pour une stratégie énergétique canadienne.

Il ne suffit pas que des penseurs se mettent d'accord entre eux, et nous avons donc invité quelque 60 PDG ou leurs délégués et des dirigeants d'ONG à une conférence à Banff le printemps suivant, du 8 au 10 avril 2010, et là, pour tenter d'élargir et d'approfondir le consensus, avons tendu la main à ces représentants d'intérêts très divers dans le vague espoir que peut-être nous pourrions garder en vie le consensus, et devinez quoi, nous avons réussi. Nous sommes repartis de Banff avec un consensus de Winnipeg plus.

Puisque nous étions si bien lancés, pourquoi nous arrêter, et nous avons donc organisé une autre réunion à Winnipeg le mois de mars suivant, en 2011. Cette fois-ci nous avons invité les sous-ministres de tout le pays, et nous avions donc le sous-ministre albertain, qui à l'époque présidait le conseil provincial des sous-ministres de l'Énergie, Peter Watson, qui d'ailleurs est aujourd'hui greffier du conseil exécutif en Alberta, et le sous-ministre fédéral et quelques autres.

Nous ne leur avons pas demandé de se joindre à une discussion sur les points du consensus, mais nous voulions faire entrer les pouvoirs publics dans la conversation que nous avions, et ils sont venus.

Eh bien, en raison de la solidité de notre travail — et, sénateur Banks, je suis très conscient de ce que vous avez fait ressortir avec le témoin précédent. Ne serait-il pas plus efficace si beaucoup d'intervenants parlaient d'une seule voix de la même chose? C'est exactement ce que nous faisons et c'est exactement ce que nous avons fait, à tel point que les ministres de l'Énergie nous ont invités à faire une présentation à Kananaskis lors de la réunion annuelle qu'ils ont tenue l'été dernier dans ce lieu magnifique. Remarquablement, tout l'ordre du jour de la réunion ce jour-là était consacré à une stratégie énergétique canadienne.

Eh bien, remontez deux années en arrière lorsque nous avons décidé d'inviter toutes ces personnes à une rencontre. Personne ne parlait alors de stratégie énergétique canadienne, pour toute une série de mauvaises raisons. Tout d'un coup, vous avez en tête l'image de Pierre Trudeau et du Programme énergétique national. C'est un assemblage de mots tabous qui ne peuvent être prononcés dans certaines régions du pays. Et pourtant, curieusement, c'est l'Alberta qui, à bien des égards, orchestre ce débat national, et ce pour plusieurs excellentes raisons.

Pour déplacer la chronologie vers les mois qui viennent, le groupe du Consensus de Winnipeg se réunira à Halifax fin février et esquissera un plan d'action que nous soumettrons au Conseil de la Fédération. Les premiers ministres se réuniront à Halifax en juillet 2012 et les ministres de l'Énergie à Charlottetown en septembre 2012. Notre ambition est d'inscrire fermement ce cadre dans le programme national d'action par le biais du Conseil de la Fédération et, deuxièmement, au niveau des ministres qui se sont montrés sérieusement intéressés par le sujet.

Il s'agit là réellement d'une étude de cas sur la manière de créer une influence suffisante pour placer les politiciens dans une zone de confort où ils pourront parler d'une série d'enjeux qu'ils ne pouvaient pas aborder aisément, du moins pas de manière approfondie, jusqu'à ce que des personnalités de l'extérieur ne créent cet espace. C'est ce que nous avons fait. C'est ce que nous allons faire.

Je vais vous faire part de quelques thèmes communs que nous avons esquissés dans plusieurs documents, et que vous trouverez sur le site Internet de la Canada West Foundation et celui du Business Council of Manitoba et probablement celui de tous les autres instituts de réflexion faisant partie du Consensus de Winnipeg.

Nous avons tiré la conclusion globale que le pays a besoin, de toute urgence, d'un débat national sur l'énergie. Nous sommes en retard à bien des égards sur beaucoup d'autres pays.

D'ailleurs, c'est intéressant parce que l'une des stimulations à agir a été la visite du président Obama à Ottawa, son premier voyage à l'étranger comme président des États-Unis, pour rencontrer le premier ministre Harper, lorsqu'à l'occasion de la conférence de presse finale il a invité le Canada à des pourparlers continentaux sur l'énergie.

Nous avons été plusieurs à nous demander comment nous allions bien pouvoir faire cela puisque nous n'avions pas de position canadienne. Eh bien, peut-être devrions-nous nous engager sur cette voie très ardue et complexe de la recherche d'un terrain commun.

Toutes les études entreprises ces dernières années ont conclu à une majorité écrasante que c'est indispensable. Nous avions l'inspiration du premier ministre lui-même qui a demandé si les Canadiens sont prêts à se mobiliser autour d'un projet national de protection de l'environnement pour la génération actuelle et les générations futures, et je crois que nous le sommes. Le Canada ne doit pas seulement être une superpuissance énergétique, mais une superpuissance de l'énergie propre.

Si nous avions besoin d'une volonté politique pour nous renforcer et nous motiver à poursuivre notre travail, le premier ministre l'a certainement manifestée. Puis-je dire, sénateur, que vous et votre comité en avez fait autant. Vous avez dit que le message est clair, qu'un débat national sur l'énergie est urgent. Le Canada a besoin sans tarder d'une stratégie énergétique canadienne complète et durable. Vous avez dit cela en 2011, et ce document est truffé d'excellentes citations de propos tenus par vous et votre comité, dont il y a lieu de vous féliciter car vous aussi êtes en avance sur le cours des choses.

Pour moi, qui estime profondément le rôle et l'importance du Sénat du Canada, c'est une contribution très précieuse et constructive à un débat qui ne s'est fait que trop longtemps attendre.

Il y a des thèmes communs. Si vous voulez les aborder plus en détail au cours de la période des questions, ce sera avec plaisir.

Nous devons veiller à ce que la diversité énergétique du Canada soit un atout. Quel merveilleux ensemble de richesses diverses est le nôtre. Nos réserves prouvées de pétrole sont au deuxième rang du monde, nos réserves d'uranium au troisième rang, nous arrivons au deuxième rang pour la production hydroélectrique, au quatrième rang pour la capacité hydroélectrique économiquement exploitable et au 12e rang pour les réserves de charbon prouvées.

Notre immensité et diversité géographiques nous offrent aussi un vaste potentiel sur le plan des énergies renouvelables, notamment l'hydroélectricité, la biomasse, l'énergie éolienne, géothermique, solaire et marémotrice. La diversité et l'abondance de nos ressources d'une côte à l'autre sont impressionnantes et nous placent vraiment à la pointe du monde sur le plan de la diversité énergétique.

Nous devons assurer une gestion robuste de l'environnement. Vous ne pouvez parler d'énergie sans parler de l'environnement. C'est un peu un problème, sénateurs, car les silos du gouvernement sont tels que si vous enjambez les portefeuilles et entamez une discussion à la fois sur l'énergie et l'environnement, les ministères se hérissent. Chacun donne l'impression que l'on vient envahir ses plates-bandes.

Eh bien, lorsqu'on tient un débat national, je pense qu'il est plus important de regarder le tableau d'ensemble plutôt que de se laisser obnubiler par les petits détails qui ne devraient réellement pas importer autant. Le Sénat du Canada est probablement l'un des meilleurs lieux pour faire cela. Tout le monde ou presque s'accorde à dire qu'une stratégie énergétique canadienne doit aller de pair avec une gestion robuste de l'environnement et faciliter cette dernière. C'est évident.

Un autre domaine où nous avons rencontré une assez grande communauté d'opinions est la fixation d'un prix du carbone. Peut-on trouver plus controversé que cela? Nous savons qu'il y a eu des dirigeants politiques au Canada qui ont perdu leur poste pour avoir inscrit dans leur plateforme une tarification du carbone, et c'est pourquoi c'est devenu un tel engin incendiaire dans le discours politique.

Savez-vous ce que nous avons fait? C'est intéressant. Vous vous souviendrez de ce que je vais vous dire, si vous oubliez tout le reste. Lorsque nous avons demandé à ces 65 ou 70 personnes à Banff si elles pensaient qu'un prix du carbone et une politique de tarification seraient une bonne chose pour le Canada, toutes les mains dans la salle se sont levées, sans aucune exception. C'était là des représentants de tous les secteurs de l'économie énergétique, hydroélectricité, pétrole et gaz, biomasse, éthanol, solaire, tous étaient là. Tous ont dit qu'il fallait un prix de base. Les entreprises veulent la certitude d'une formule plutôt que l'incertitude d'un débat interminable qui ne mène nulle part. Nous avons formé un sous-groupe du Consensus de Winnipeg pour réfléchir en profondeur à la stratégie de tarification du carbone.

L'autre thème, c'est qu'il nous faut transformer le terme demande de l'équation énergétique. Il est essentiel de gérer la demande. La conservation et la sensibilisation doivent s'inscrire dans le vocabulaire de tous les jours et dans une politique coordonnée.

Je crois savoir que vous avez rencontré Manitoba Hydro. Elle est un chef de file national, probablement international avec son programme Éconergique. Elle a compris que la gestion de la demande est la meilleure façon d'établir une politique énergétique cohérente et progressiste. L'énergie que l'on ne consomme pas est tellement plus précieuse et plus importante que l'énergie qu'il nous faut générer.

En outre, il faut renforcer la position du Canada dans le monde. Nous devrions être des chefs de file internationaux de la production, de la consommation et de la distribution intelligentes de l'énergie. Dans le même temps, il nous faut diversifier nos marchés. Il suffit d'avoir vu les événements des dernières semaines pour réaliser l'importance pour le Canada de diversifier ses marchés d'exportation de l'énergie. Le premier ministre l'a dit lui-même.

Les problèmes de plus en plus complexes auxquels nous nous heurtons aux États-Unis concernant les transmissions par pipeline nous rappellent et soulignent l'importance qu'il y a de regarder au-delà du continent et d'exporter notre énergie virtuellement dans le monde entier.

Le message ici est que, lorsque vous avez des gens partageant une optique et une cause commune qui parlent d'une même voix et poursuivent un objectif national qui transcende les intérêts étroits et les frontières de compétence, on ne sait jamais ce qui peut en sortir. Si le Consensus de Winnipeg devait plier sa tente aujourd'hui, si je pouvais rentrer et dire à mes collègues que nous avons inscrit ce point à l'ordre du jour national, alors ce que nous aurions fait suffirait à me convaincre que nous avons beaucoup accompli.

Je vous remercie de votre attention et du soin que vous accordez à ce débat, d'être venus à Winnipeg et d'avoir invité à faire part de nos réflexions ceux d'entre nous qui pensent que cette ville est le centre du monde pour des raisons qui ne se limitent pas au hockey, et je serais ravi d'engager une conversation avec vous.

Le président : Jim, non seulement ce que vous avez fait et la description que vous en avez donnée, mais aussi l'appréciation généreuse de notre travail que vous avez formulée, tout cela est de la musique à mes oreilles.

Je crois que vous savez que nous avons passé quelques heures hier après-midi avec Dan Gagnier avant de rencontrer les responsables de Manitoba Hydro et, la semaine dernière, nous étions à Vancouver, Edmonton et Calgary. Nous avons rencontré les responsables de l'ICPE et David Emerson. Nous avons rencontré beaucoup de gens qui sont sur la même longueur d'onde. Dan disait qu'il est le vice-président de l'ICPE.

M. Carr : Il est aussi le président de l'Institut international du développement durable.

Le président : Exactement, et nous l'avons vu dans ce bureau. Je le vois à Montréal portant 12 autres casquettes. Elles sont toutes écologiques et toutes vissées à son crâne.

Vous avez mentionné Charlottetown, ces différentes conférences qui vont se tenir au cours de l'été et de l'automne 2012. Bien sûr, nous prévoyons de déposer notre rapport en juin 2012. Dans le cas de Dan, il a dit que l'ICPE a pour mandat de produire un rapport, et c'est tout. Vous avez plus ou moins donné à entendre que le groupe du consensus va livrer son message ultime et, s'il est bien reçu, vous considérerez avoir fait beaucoup pour le Canada.

C'est à peu près ce que nous nous disons nous-mêmes. Nous arrivons au stade où nous nous demandons comment faire la synthèse de tout cela et comment présenter nos conclusions de manière à être entendus.

Je pense qu'il en va de même du groupe du consensus. Avec les Brenda Kenny ou les Emerson et les Gagnier de ce monde et tous ceux qui sont semblables à vous, il existe maintenant un grand nombre de personnes éloquentes, et qui n'ont pas toutes des intérêts propres clairs à défendre. Je ne pense pas que vous soyez particulièrement assimilés à un groupe d'intérêt économique spécial, ce qui vous donne plus de crédibilité.

Nous pensons en avoir au Sénat, où nous avons des libéraux et des conservateurs, mais nous sommes non partisans dans ce comité. Nous essayons de ne pas avoir l'esprit de parti.

En ce qui concerne la tarification du carbone, vous avez mentionné une réalité politique qui n'a pas lieu d'être. Comme un témoin nous l'a dit à Calgary, faites bien les choses. Ce n'était pas un rejet de la tarification du carbone. C'était un rejet de Stéphane Dion, l'homme.

Ce n'est pas un mauvais argument et je vais le transmettre au premier ministre dès lundi après-midi. Pourquoi avoir peur? Tous les témoins que nous avons entendus, comme tous les 65 ou 70 participants à votre réunion de Banff, sont du même avis.

Nous avons des points de vue divergents au comité sur les modalités. L'un de nos membres était un ministre en Colombie-Britannique lorsque la taxe sur le carbone a été introduite. L'Alberta a un mécanisme différent. Nous avons rencontré l'ancien parrain des sables bitumineux qui est maintenant responsable de la mise en oeuvre de la taxe sur le carbone et de l'attribution des recettes aux projets durables.

Nous avons vu tout cela et nous y applaudissons. Nous essayons simplement de voir comment nous pouvons mettre à profit ce que nous avons appris et les idées que nos avons formées pour produire un rapport utile, comme vous l'avez vous-même conclu. Avez-vous quelque chose à ajouter qui puisse nous aider à cet égard?

M. Carr : J'ai une idée. Vous avez tous des relations. Parlez à vos amis qui gouvernent les provinces et faites inscrire cette question à l'ordre du jour du Conseil de la Fédération. Ce serait une étape politique très importante. Nous avons eu une séquence défavorable de réunions l'été dernier parce que les ministres se sont rencontrés à Kananaskis et puis, trois ou quatre jours après, c'était déjà la conférence des premiers ministres, et il n'y a donc pas eu assez de temps pour organiser cela.

Lorsque le premier ministre Selinger a eu une conversation officieuse avec ses collègues lors de la réunion du Conseil de la Fédération à Winnipeg, le sujet a été abordé mais ce n'était pas un point à l'ordre du jour officiel. Si vous pouviez utiliser vos bureaux et vos contacts et votre influence, en collaboration avec nous et d'autres, pour demander aux premiers ministres de s'emparer de la question et d'en charger ensuite leurs ministres qui vont, cette année, se rencontrer après eux. C'est pourquoi je dis que c'est une meilleure séquence.

Les premiers ministres se voient en juillet et les ministres en septembre. Si le Conseil de la Fédération donne un mandat aussi précis que possible aux ministres, et nous soumettrons des recommandations précises aux premiers ministres, alors ce serait très utile.

Nous avons appris autre chose sur tout ce processus d'établissement d'un consensus. Il est assez facile d'obtenir un consensus au niveau supérieur. Cela semble une évidence, mais c'est lorsqu'on creuse plus profond dans la hiérarchie que le consensus commence à s'effriter.

Notre stratégie a été de rechercher le consensus jusqu'aux niveaux les plus bas possible où il puisse être préservé, puis à élargir et approfondir les groupes qui défendent les mêmes positions avec la même stratégie, puis à chercher des façons et des mécanismes par lesquels nous pourrons commencer à creuser un peu plus profond.

Le président : Je crois que c'est pour cette raison que votre premier principe est que la diversité fait la force. Ces divers intérêts qui se font jour lorsque vous creusez plus profond, comme lorsqu'on tombe sur un aquifère en fracturant la roche pour libérer du gaz de schiste, sont différents dans chaque région du pays.

Même là où l'hydroélectricité est abondante comme à Terre-Neuve-et-Labrador, les enjeux sont légèrement différents. La problématique autochtone est différente par rapport à Muskrat Falls. Nous avons constaté que l'unité de vues des quatre provinces de l'Atlantique est inhabituelle. Elles n'ont guère coutume de collaborer. Elles semblent avoir accepté de collaborer et de ne pas insister pour que la Nouvelle-Écosse, ou même le Nouveau-Brunswick, soit le terminus de la ligne de transmission d'une électricité abondante et de prix raisonnable.

Ce que vous avez dit au sujet de la gestion de la demande est intéressant. Nous allons déposer notre rapport avant toutes ces réunions qui vont se dérouler cet été, et c'est une excellente idée.

Nous allons recevoir dans quelques instants l'un des premiers ministres, et ce pourrait être un bon début.

M. Carr : Qui a beaucoup appuyé le Winnipeg Consensus Group.

Le président : C'est vrai?

M. Carr : Oui. De fait, j'ai eu un entretien avec lui dans les jours qui ont suivi sa prise de fonctions. Il a rencontré le groupe du Consensus de Winnipeg deux ou trois jours avant que nous ayons trouvé un accord. Il est venu saluer les présidents de tous les instituts de réflexion et nous a souhaité de réussir et il n'a cessé de nous appuyer depuis. D'ailleurs, son discours du Trône a fait mention du Consensus de Winnipeg. Il est donc un partisan depuis le premier jour.

Le président : Il est intéressant que vous ayez pu mettre à profit ce soutien, car même si vous vous appelez le Winnipeg Consensus Group, vous avez réussi parce que vous avez invité les puissants.

M. Carr : Winnipeg est son lieu de naissance.

Le président : C'est maintenant votre nom de marque. Nous espérons que ce sera la voie vers l'avenir du sénateur Richard Neufeld, ou alors oublions tous les salamalecs, prenons le bus de service public.

Le sénateur Mitchell : Votre message est très inspirant et très fort. J'allais vous demander quelle serait votre requête si vous aviez l'occasion d'en présenter une au premier ministre du Manitoba, mais je crois que vous venez de nous le dire.

M. Carr : Oui, l'inscrire à l'ordre du jour. Il en a déjà parlé en termes favorables avec ses collègues. Plusieurs premiers ministres sont clairement acquis à la cause. D'autres ne se sentent pas encore suffisamment bien informés, et nous allons veiller à ce qu'ils le soient.

Pour en revenir à ce que vous disiez, sénateur, si nous pouvons avoir plusieurs points d'accès, alors la combinaison et l'accumulation des messages peuvent faire grand effet.

Le sénateur Mitchell : Vous avez toujours un bon soutien auprès du premier ministre de l'Alberta, je n'en doute pas.

M. Carr : Oui, elle en parle partout où elle va.

Le sénateur Mitchell : Si vous deviez vous asseoir avec les premiers ministres, que préconiseriez-vous qu'ils mettent précisément à leur ordre du jour l'été prochain? Quels sont les quatre ou cinq points que vous leur demanderiez de traiter? Serait-ce la manière de coordonner avec les autorités fédérales, serait-ce une taxe sur le carbone? Serait-ce des réseaux orientés est-ouest?

M. Carr : Je dirais l'expansion des marchés d'exportation, la réglementation, la sensibilisation, la gestion de l'offre. Ils ne vont pas toucher à la tarification du carbone. Nous allons devoir le faire pour eux.

Le sénateur Mitchell : Une stratégie de la main-d'oeuvre?

M. Carr : Une stratégie de la main-d'oeuvre, et puis les mécanismes fédéraux-provinciaux seront très importants. Nous devrons faire très attention de ne pas ouvrir une discussion sur les sphères de compétence. Nul ne veut voir resurgir le « bogeyman », réveiller les vieux démons.

Comment les traducteurs vont-ils rendre « bogeyman »? Y arriverez-vous? J'aimerais savoir ce que vous dites.

Le sénateur Banks : Ils sont interprètes, pas traducteurs.

M. Carr : C'est encore pire. Vous pourriez utiliser le langage corporel.

Mais nous allons faire plus que cela, sénateur. Nous allons même formuler avant la réunion des premiers ministres une réponse à votre question qui sera cohérente, je l'espère, et digeste.

Le sénateur Mitchell : Lorsque vous dites que vous n'allez pas aborder la question d'une taxe sur le carbone, que vous allez le faire d'une autre façon, quelle est cette autre façon? Consiste-t-elle juste à préserver cette idée qu'elle fait l'objet d'un large consensus?

M. Carr : Nous avons un groupe de personnes très intelligentes qui vont creuser toute la problématique de la tarification du carbone. Nous ne disons pas aux premiers ministres de ne pas en parler. Nous connaissons les sensibilités politiques. Nous n'allons pas juste rentrer chez nous, sénateur Angus. Nous pouvons simplement entrevoir un jour où le travail du groupe sera suffisamment avancé pour que nous puissions déclarer la mission remplie. Tous ces instituts de réflexion sont pleins de gens intelligents disposant de ressources.

Croyez-moi, la Canada West Foundation a un rôle à jouer dans la poursuite de ce débat, de même que le Forum des politiques publiques et la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie. Il en va de même de l'Institut de recherche en politiques publiques, du Conference Board du Canada, de l'IIDD et du Pembina Institute. Tous faisaient partie de ce groupe de consensus.

Ce n'est pas comme si toutes les connaissances accumulées et le savoir-faire particulier pouvant être mis en oeuvre pour approfondir ce corpus de connaissances allaient disparaître. Qui sait, peut-être allons-nous décider que nous nous amusons tellement que nous n'allons pas tout de suite rentrer chez nous.

Le président : Avez-vous un secrétariat?

M. Carr : Des bouts de ficelle.

Le président : Avez-vous un bureau?

M. Carr : Non. C'est un réseau lâche de gens ayant des vues communes, et nous faisons appel à des amis qui sont la colle et nous avons un minuscule budget et nous contribuons simplement nos propres ressources, humaines et autres, pour faire en sorte que la colle continue d'adhérer.

Le sénateur Mitchell : C'est très intéressant. Vous nous avez dit comment faire inscrire cela à l'ordre du jour des premiers ministres, du Conseil de la Fédération, mais comment parvenons-nous à le mettre à l'ordre du jour du premier ministre?

Il ne faut pas mettre en question les sphères de compétences, je suis d'accord, mais il n'y a même pas eu de conférence des premiers ministres depuis six ans. Comment inscrire cela à l'ordre du jour?

M. Carr : Pas à pas et avec un bon tour de main. Joe Oliver était à Kananaskis, car le ministre fédéral participe aux réunions des ministres de l'Énergie. Il a signé le communiqué qui faisait état d'un plan d'action. Le communiqué ne mentionnait pas spécifiquement une stratégie énergétique canadienne, mais a mentionné expressément un cadre d'action, et il l'a approuvé. Si vous lisez ses discours, vous y verrez un penchant assez net pou les objectifs que nous cherchons collectivement à atteindre.

Mais je n'ai pas besoin d'apprendre à un groupe de sénateurs comment influencer le premier ministre. Il faut tout d'abord la force de conviction. Si vous n'avez pas la force de conviction, alors tout le reste est de la poudre aux yeux. Il faut être convaincant, et je pense que nous le sommes.

Ensuite il faut montrer quel est l'intérêt pour lui. Vous avez à répondre à une question portant sur l'intérêt national en vous plaçant dans l'optique du premier ministre, et je crois que c'est possible aussi. Il faut rester en contact étroit avec les hauts responsables de la fonction publique qui travaillent sur le dossier, et plus vous pouvez faire de réseautage aux niveaux supérieurs, tant de la fonction publique que du secteur privé, et transmettre un message cohérent, meilleure sera la probabilité que le premier ministre décide que le moment est venu pour lui de prendre la tête du défilé. Nous pouvons le conduire pendant un moment, mais nous espérons qu'un jour il prendra la tête du mouvement.

Le président : Le point à l'ordre du jour sera une seule ligne, n'est-ce pas, une stratégie énergétique nationale?

M. Carr : Nous pourrons probablement faire accepter trois ou quatre lignes. Il peut y avoir plusieurs éléments. Les éléments qu'il serait logique d'inscrire à l'ordre du jour des premiers ministres et qui suffiraient à les amener à donner un mandat aux ministres comprennent plusieurs de ceux dont nous avons parlé il y a une minute, c'est-à-dire ceux qui représentent les chemins les moins cahoteux, en ce sens qu'il faut viser quelques succès politiques.

Il faut pouvoir dire que, en s'engageant dans cette voie de la coopération, on aura réalisé quelque chose de mesurable et d'important pour le Canada. Une fois cela fait, la route devient un peu plus facile à suivre.

Le président : Quand aura lieu cette réunion?

M. Carr : La conférence des premiers ministres est en juillet à Halifax. Je crois que c'est vers la fin juillet.

Le sénateur Mitchell : Nous avons reçu David Emerson à Calgary et nous avons traité à peu près du même sujet. Ce qu'il a dit n'est pas du tout en contradiction avec ce que vous envisagez.

Je me souviens maintenant qu'il a dit que les premiers ministres provinciaux pourraient commencer à isoler quelques domaines et charger les sous-ministres et les fonctionnaires à travers le pays de travailler en équipe sur ces aspects, de manière à arriver à un certain seul critique auquel des mesures pourraient être prises, et que cela créerait la nécessité d'obtenir l'attention du premier ministre fédéral.

M. Carr : Ils ont déjà fait cela et le font en ce moment même. Un comité de sous-ministres est au travail à l'heure où nous parlons pour préparer la prochaine réunion des ministres de l'Énergie à Charlottetown en septembre au sujet du cadre d'action qui était mentionné dans leur communiqué.

Nous disons que s'ils ont l'impulsion politique supplémentaire d'un mandat des premiers ministres, ce sera d'autant mieux.

Le sénateur Banks : Je vais vous poser la question que j'ai déjà posée à d'autres et qui a déjà été effleurée ici. Vous êtes un vieux routier et avez survécu aux guerres intestines des orchestres, et si vous y êtes parvenu c'est que vous pouvez survivre à n'importe quoi.

M. Carr : Oui, vous avez raison.

Le sénateur Banks : Je veux poser les questions précédentes sous une forme différente.

Vous nous avez dit précédemment que M. Dion a été battu parce qu'il est M. Dion. Si c'est vrai, il est vrai aussi que lors de cette campagne, les Canadiens ont clairement exprimé une répulsion devant l'idée de devoir payer quoi que ce soit, renoncer à quoi que ce soit, nonobstant le fait que chaque Canadien affirme que l'environnement est ce qui compte le plus au monde pour lui. Ensuite, interviennent les syndromes NIMBY, « pas ce ça chez moi » et BANANA, qui signifie « build absolutely nothing anywhere near anybody » ne construisez absolument rien nulle part à proximité de quiconque).

Vous avez dit plus tôt que vous ne perdez pas de vue, et j'en suis sûr, la dimension politicienne de cette question. C'est ce que l'on nous répète depuis deux ans et demi, depuis le tout début de cette étude du comité, et nous avons entendu cela au Sénat tout au long des 11 années que j'y suis. On en parlait déjà au Sénat à mon arrivée.

Exactement comme dans votre description de ce qui s'est passé à Banff, lorsque nous demandions s'il fallait attribuer un prix au carbone, personne n'a jamais répondu non. Personne n'a jamais dit, non, nous n'avons pas besoin de tarifer le carbone. Tout le monde a dit vouloir une certitude. « Dites-nous simplement quelles sont les règles, et nous trouverons le moyen de nous y conformer. »

Quelques-uns ont cherché un peu à esquiver la question, mais presque tout le monde a dit que la façon la plus efficiente de le faire est une taxe, ou appelez cela comme vous voudrez. L'Alberta appelle cela un droit de performance ou une désincitation, peu importe, mais c'est une taxe. La province dit que c'est une meilleure méthode à tous égards qu'une réglementation ou un mécanisme de plafonnement-échange ou tout autre dispositif que l'on puisse inventer parce que c'est un prélèvement clair et transparent qui ne se prête pas aux tripotages. Il n'est pas sujet à des manipulations par Dieu sait qui.

Donc, tout le monde le dit. L'industrie le dit, les ONG le disent, les organisations de défense de l'environnement le disent. Les gens le disent si vous leur demandez, mais chacune de ces conversations se termine par la conclusion : « Mais évidemment, c'est impossible à faire. » Pourriez-vous nous parler des obstacles politiques?

M. Carr : Warren Buffett et le Business Council of Manitoba sont les deux seules institutions que je connaisse au monde qui préconisent une majoration d'impôt. Il y en a peut-être quelques autres.

Warren Buffett veut imposer les riches, les très riches. Le Business Council of Manitoba prône une augmentation de 1 p. 100 de la taxe de vente provinciale au Manitoba. Pourquoi? Parce que nous sommes confrontés à un déficit infrastructurel tellement grave que nous allons ruiner nos enfants et nos petits-enfants. À moins de commencer à payer maintenant, nous connaîtrons un réveil douloureux. L'infrastructure est déjà désastreuse et elle va en empirant.

Le sénateur Banks : Admettons la logique suprême de cela. Traduisez-la maintenant en action politique. Quel homme politique va se lancer dans une campagne électorale en disant qu'il veut augmenter la taxe de vente?

M. Carr : Aucun encore. C'est pourquoi nous le disons, ce qui leur donne une marge. Nous allons continuer à le dire et nous assemblons une coalition de groupes qui disent la même chose. À un certain moment, il devient moins téméraire pour un dirigeant politique de convenir qu'il faut agir sur le volet recettes du problème en même temps que sur le volet dépenses.

On pourrait dire la même chose du passage à une tarification du carbone, qu'elle prenne la forme d'une taxe ou d'un prélèvement. Les mots comptent, bien sûr, et je ne veux donc pas minimiser l'importance du qualificatif employé, mais si vous commencez à former tout un rassemblement de personnes qui expliquent rationnellement pourquoi elle est nécessaire, par comparaison au coût de l'inaction, je pense que la plupart des dirigeants politiques rationnels seront d'accord.

Une autre considération intervient. Vous pourrez penser que c'est une tangente, mais je ne le crois pas. Nous avons la politique d'immigration la plus généreuse du Canada, ici au Manitoba. On pourrait même dire que c'est la plus généreuse du monde. Lorsque nous avons commencé à plaider pour l'augmentation des taux d'immigration en 1999, nous recevions 3 000 immigrants. Aujourd'hui, c'est 16 000. C'est une politique transformationnelle.

Pourquoi a-t-elle été bien acceptée? Parce qu'elle était bipartisane. Le programme des candidats de la province a été signé initialement par le gouvernement conservateur de Filmon avec le gouvernement libéral de Chrétien. Il a été amplifié, élargi, rendu plus efficace par les néo-démocrates de Doer et les libéraux à Ottawa, puis les conservateurs de Harper, si bien que tout le monde peut revendiquer une part du crédit.

Dans quel autre grand domaine au Canada peut-il y avoir un accord bipartisan sur les objectifs? Lorsqu'ils admettent que c'est une bonne chose pour le Manitoba de recevoir 15 000 immigrants, ils peuvent se disputer toute la journée au sujet de la trop grande lenteur ou de l'insuffisance des services d'établissement destinés à faciliter l'intégration des nouveaux arrivants, mais si l'on peut s'accorder sur l'objectif, alors une bonne partie du chemin est franchi.

Je considère cela comme un modèle de création d'un consensus bipartisan sur un ensemble de mesures important pour le Canada, où les âpres rivalités partisanes s'effacent devant l'intérêt supérieur. Si vous pouvez préserver ce caractère bipartisan tout au long, en forgeant un consensus de tous les secteurs de l'économie et de la société, alors vous avez une chance de réussir. Je ne connais aucune autre façon d'y arriver et je ne renonce pas.

Le sénateur Banks : Je viens de me souvenir du nom de la taxe sur le carbone en Alberta. C'est un « droit de conformité ».

Vous dites que si vous creusez sous la surface de ce qui s'est passé à Banff et à Winnipeg, le consensus commence à s'effriter.

M. Carr : Pourrait.

Le sénateur Banks : Pourrait, mais ne le fait pas encore?

M. Carr : Non, parce que nous n'avons pas encore atteint la roche dure mais nous avons été assez avisés, je crois, pour savoir où elle pourrait se situer et nous nous sommes arrêtés avant, car la dernière chose que nous souhaitons c'est de nous diviser autour de deux ou trois enjeux sur lesquels le consensus ne peut être maintenu.

Le sénateur Banks : Avant la première étape.

M. Carr : Oui. Ensuite, il faut trouver le moyen d'avancer, suivre un processus, car la forme est toute aussi importante que le fond dans un pays comme le nôtre. Vous savez ce que je veux dire.

Le sénateur Banks : Oui, nous savons.

Le sénateur Brown : Monsieur Carr, j'aimerais juste vous demander si je pourrais avoir une copie de ce document.

M. Carr : Nous veillerons à vous remettre à tous une copie du document sur les points d'entente et tous les autres associés au Consensus de Winnipeg, avec plaisir.

Le sénateur Neufeld : Monsieur Carr, vous avez dit certaines choses très intéressantes. En Alberta, ils n'appellent pas cela une taxe sur le carbone. Ils l'ont appelée comment déjà? Une taxe de confort?

Le sénateur Banks : De conformité.

Le sénateur Neufeld : Une taxe de conformité. Elle frappe ceux qui dépassent 150 000 tonnes. En Colombie- Britannique, tout le monde doit la payer, en commençant par le propriétaire de son logement. En effet, ma facture de gaz comporte une taxe carbone et je la paye aussi à la pompe.

J'imagine que ce pas serait un peu plus facile à franchir pour ce premier ministre que pour d'autres. J'aimerais connaître votre sentiment sur l'opportunité d'appeler cela une taxe, pour que les choses soient bien claires. Nous l'appelons taxe sur le carbone en Colombie-Britannique, et nous avons remporté l'élection juste après son introduction.

Comment voyez-vous l'utilisation des recettes ainsi perçues? Vous n'êtes pas obligés de creuser très profond, mais avez-vous idée de ce que l'on en ferait? Si l'argent va à Ottawa pour être redistribué, je crois que vous aurez quelques problèmes. Du point de vue de la Colombie-Britannique, j'aurais des objections.

Comment va-t-on décider de l'utilisation faite des recettes? Va-t-on s'en remettre aux provinces? Notre taxe est fiscalement neutre. Les recettes sont redistribuées sous forme de réductions de l'impôt sur le revenu des particuliers et des sociétés et des taxes professionnelles.

À votre avis, que se passera-t-il une fois une tarification du carbone convenue?

M. Carr : Votre question perspicace, sénateur, m'amène à poursuivre ma description de notre proposition de majorer la taxe de vente provinciale pour financer l'infrastructure. Notre proposition prévoit que les recettes soient réservées à l'infrastructure.

Ce n'est pas un nouveau moyen pour le gouvernement de financer ces programmes ou tout ce qu'il finance déjà. Ce serait un prélèvement limité à 10 années qui ne pourrait servir que pour des projets infrastructurels agréés, et donc l'argent serait précisément canalisé. C'est une façon de procéder.

Je pense que les Canadiens seraient beaucoup plus réceptifs à l'idée d'une taxe carbone ou d'un prélèvement carbone s'ils savaient que l'argent ainsi levé servirait à atténuer l'impact des émissions de gaz à effet de serre et s'inscrivait dans une stratégie plus large de dépollution.

Mon instinct politique me dit que si vous pouvez canaliser les ressources de manière visible, pour que le public comprenne la relation entre le prélèvement et l'utilisation qui en est faite dans le contexte de ce dossier, vous aurez une meilleure chance de le faire accepter.

Le sénateur Neufeld : Tout cela est beau et bon. Je ne suis pas du tout en désaccord avec cela. Mais si l'argent est prélevé par le gouvernement central et redistribué, et il est garanti que l'Alberta serait le plus grosse payeuse, est-ce que l'Alberta sera ravie qu'il soit distribué à d'autres régions du Canada au lieu de rester en Alberta? Actuellement, l'argent perçu avec la taxe carbone reste en Alberta pour être utilisé aux fins que vous avez dites. Pensez-vous qu'il serait ravi que la moitié puisse aller à une autre province parce qu'elle met en route quelque projet d'énergie renouvelable que nous n'avons pas?

M. Carr : Vous êtes beaucoup mieux placé pour répondre à cette question que moi, mais il est implicite dans la manière...

Le sénateur Neufeld : Je demande votre avis. Permettez-moi de vous le dire, vous n'êtes pas le seul à tourner autour de ce pot.

M. Carr : Je ne tourne pas autour du pot. Je ne connais pas la réponse.

Cela me rappelle le débat sur la péréquation que nous avons au Canada depuis le rapport Rowell-Sirois et sur l'opportunité d'un mécanisme de redistribution de richesses appelé péréquation à titre de dogme du fédéralisme. Certains sont pour, d'autres non, c'est une question d'optique personnelle.

Je n'imagine pas un instant que le débat en Alberta sera aisé. Mais il faut croire dans une certaine mesure en la capacité des dirigeants nationaux de trouver un chemin dans ce labyrinthe, comme nous l'avons fait avec la formule de péréquation. Lorsqu'il le faut, on la renégocie. Nous allons renégocier en 2014 une redistribution massive du gouvernement du Canada aux provinces pour la santé. Nous en sommes capables.

Si vous me demandez quel régime j'imposerais si j'étais premier ministre, c'est une autre question, mais je n'ai pas l'intention d'être candidat aux élections. J'ai déjà donné.

Le président : Je tiens à vous remercier très sincèrement, au nom du comité, d'avoir comparu. Votre façon de présenter les choses tombe à pic. Nous avons clairement un terrain d'entente et nous cherchons à réaliser la même chose de toutes sortes de façons différentes.

Je pense que votre groupe a des atouts que nous ne possédons pas, mais je pense que nous avons peut-être une meilleure possibilité de porter le message aux oreilles voulues. Je ne sais pas. Cela dépendra de la clarté de notre message.

À cet égard, j'espère réellement que nous pourrons collaborer avec vous. Je demande votre aide pour la suite. Un trop grand nombre de cuisiniers, comme nous le savons tous, gâchent la soupe. Il y a beaucoup de cuisiniers travaillant sur la même chose. J'ai un sentiment non pas de malaise, ni non plus d'anticipation, mais de légère préoccupation.

M. Carr : Nous nous contenterions de rédiger la recette.

Le président : Très bien, chef.

Sénateurs, nous avons le privilège et l'honneur de recevoir cet après-midi le premier ministre récemment élu du Manitoba. Je ne sais pas s'il est convenable de dire qu'il a été réélu, mais je sais qu'il était premier ministre lorsque la campagne s'est ouverte.

Nous accueillons Greg Selinger, qui est devenu le 21e premier ministre du Manitoba le 19 octobre. Il a été élu pour la première fois comme député de St. Boniface en 1999. Il a été réélu en 2003 et en 2007, et c'est donc son troisième mandat à l'assemblée législative.

Greg a été nommé au portefeuille des Finances par le premier ministre Gary Doer le 5 octobre 1990 et, comme vous le savez, Gary est maintenant notre très distingué ambassadeur aux États-Unis.

À cette époque, Greg a été nommé ministre responsable des services en langue française et de la Loi sur l'examen public des activités des corporations de la Couronne et l'obligation redditionnelle de celles-ci. En 2001, il a été chargé de la Commission de la fonction publique et, en 2006, il est devenu ministre responsable de Manitoba Hydro. Mieux encore, la Société des alcools et la Manitoba Lotteries ont été ajoutées à ses attributions en 2007.

Greg est titulaire d'un doctorat de la London School of Economics, d'une maîtrise en administration publique de Queen's et d'un baccalauréat de travail social de l'Université du Manitoba.

Monsieur le premier ministre, notre séjour a été merveilleux jusqu'à présent. C'est une heureuse conclusion de nos délibérations que vous ayez consenti à partager votre temps précieux avec nous.

Notre visite chez Manitoba Hydro hier a été excellente. Ils nous ont donné beaucoup de leur temps. Ils nous ont fait très bon accueil et nous ont beaucoup appris sur le sujet qui nous occupe. L'architecte qui a conçu et gère l'édifice nous l'a fait visiter dans tous ses recoins et c'est réellement un bâtiment remarquable, unique au monde. C'était une réalisation marquante que nul ne peut vous enlever. Ensuite, sept membres de l'équipe de la haute direction se sont entretenus avec nous dans une salle de conférence et ont abordé tous les enjeux. Ensuite ils nous ont reçus à dîner et d'autres membres encore de leur équipe étaient là. C'était très agréable. Vous pouvez appeler cela un dîner de travail, mais rassemblant tous les meilleurs ingrédients.

Aujourd'hui, nous avons siégé sans interruption avec plusieurs témoins successifs et nous approchons de la fin de notre étude du secteur énergétique canadien par laquelle nous cherchons à entrevoir la voix de l'avenir. Comme nous venons de le voir avec Jim Carr, bien sûr, beaucoup d'autres groupes effectuent des études similaires et nous espérons qu'il n'y a pas trop de chevauchements.

Nous allons déposer notre rapport en juin et il représentera peut-être, sinon un point de départ, du moins un cadre pour l'été et l'automne lorsque les premiers ministres tiendront leur conférence, puis les ministres leur réunion, et nous espérons que ce sujet fera l'objet d'un point très spécifique à l'ordre du jour des premiers ministres.

L'honorable Gregory Selinger, premier ministre du Manitoba : Merci, monsieur le président, de venir à Winnipeg et de passer du temps avec nous. Il semble que vous ayez apprécié l'hospitalité du Manitoba. Je suis heureux de voir que vous êtes en ville pour d'autres raisons que d'assister à une partie de hockey. Il nous reste quantité de sujets de conversation en dehors des Jets, qui sont la grande attraction ces jours-ci.

Je vais parler un peu de l'hydroélectricité au Manitoba, même si vous avez déjà rencontré les responsables de la société d'État, ainsi que du rôle qu'elle peut jouer comme source de développement économique, particulièrement pour les Premières nations.

Je veux parler en particulier d'un réseau électrique pancanadien privilégiant un axe est-ouest, puis du rôle de l'hydroélectricité du point de vue de la fiabilité et de la sécurité énergétique et de la lutte contre le changement climatique. Quoi qu'il advienne de Kyoto, le changement climatique reste un enjeu et un domaine dans lequel nous pouvons être un chef de file. Je parlerai ensuite brièvement de la simplification du processus réglementaire et pourquoi il est important de faciliter la réalisation de projets comme ceux intéressant l'énergie propre dans notre pays.

L'hydroélectricité est le pétrole du Manitoba, disons-nous souvent, mais plus propre et plus écologique, faisons- nous valoir. Ce n'est pas du tout pour dénigrer ce que d'autres mettent en valeur, mais c'est ainsi que nous nous positionnons. Nous pensons qu'elle offre un énorme potentiel en aval, pas seulement pour notre province et les États au sud de nous, mais qu'elle peut aussi largement contribuer à l'approvisionnement énergétique de nos voisins, tant à l'est qu'à l'ouest.

Nous nous targuons d'avoir au Manitoba le prix de l'électricité le plus bas d'Amérique du Nord et du fait que 98 p. 100 de l'énergie fournie aux Manitobains est sous forme d'hydroélectricité. Nous complétons depuis peu la puissance hydroélectrique par d'autres sources, principalement l'énergie éolienne et géothermique.

Nous entreprendrons au cours des 15 prochaines années un plan d'investissement de quelque 18 milliards de dollars dans l'hydroélectricité, prévoyant de construire quelques grands barrages et de nouvelles lignes de transmission pour accroître encore notre fiabilité, et nous pensons que les exportations pourraient dépasser 21 milliards de dollars au cours des 20 prochaines années, et vous voyez donc que nous la considérons comme un moteur majeur de l'activité économique de la province.

Une chose que nous avons apprise au fil du temps, si l'on regarde ce qui se passe ailleurs, c'est que les Manitobains exigent une énergie fiable. Ils la veulent à prix abordable, mais ils veulent aussi une énergie ayant bonne réputation, c'est-à-dire une forme d'énergie propre et écologique.

L'une des décisions que nous avons prises déjà avant l'élection de 2007 a été de construire une capacité de transmission supplémentaire dans la partie ouest de la province, plutôt que dans la partie est. Cela a été le thème maintenant de deux campagnes électorales. Nous aimons croire que cela nous a donné le mandat de construire une ligne dans la partie ouest de la province à proximité de la Saskatchewan plutôt que dans la partie est où nous visons la désignation site du patrimoine mondial de l'UNESCO pour environ 45 000 kilomètres carrés de forêt boréale méridionale que nous considérons être vierge et une ressource énorme pour le stockage de dioxyde de carbone, une ressource énorme pour l'écotourisme et une grande possibilité pour les Premières nations de cette région de se doter d'une économie durable fondée sur la valeur de la protection de vastes paysages boréaux.

Partout dans le monde, les grands paysages, je le dis en passant, deviennent un vaste enjeu, comme vous le savez. Vus du haut d'un satellite, quantité de grands espaces verts, l'Amazone, les Everglades de Floride ou les forêts boréales, sont découpés et morcelés par diverses intrusions de l'homme. Il devient impératif de réfléchir globalement à la protection de certaines régions de notre planète qui ont la capacité écologique de continuer à fournir l'air pur et l'eau propre à l'humanité, au bénéfice de tous.

L'on ne s'inquiète de ces choses que lorsque l'on constate leur absence dans nos villes et nos cités. Nous n'avons pas encore heurté ce mur au Canada, mais nous pensons pouvoir contribuer à un environnement durable et une planète viable en protégeant les forêts boréales, entre autres.

Nous prenons, pour le long terme, la décision d'allonger le tracé de la ligne de transmission, et nous avons un vif débat à ce sujet, tant dans les coulisses des producteurs d'énergie manitobains que dans le public au moment des élections.

L'hydroélectricité représente une énorme opportunité pour les Premières nations car nos barrages ont été construits sur le territoire traditionnel de nos peuples autochtones du Nord, Métis et Premières nations, et nous avons décidé d'employer maintenant un modèle de développement différent de celui des années 1970.

Lorsque nous décidons de réaliser un barrage hydroélectrique, nous passons beaucoup de temps avec nos partenaires des Premières nations, qui sont citoyens de cette province, pour conclure un accord qui fait d'eux les bénéficiaires du développement économique qui accompagne cette réalisation, des bénéficiaires non seulement sur le plan de l'emploi et de la formation — deux conditions essentielles à leur faculté de participer à l'économie — mais aussi en tant que partenaires commerciaux qui possèdent une part des installations de génération.

C'est une approche nouvelle et tous les enjeux environnementaux que nous pouvons isoler sont pris en compte avant la construction ou même avant un vote d'approbation du projet. Nous concluons avec les partenaires autochtones ce que nous appelons des accords relatifs aux effets négatifs, qui peuvent porter sur une durée de 70 ans, couvrant les aspects tels que l'intégrité culturelle, les conséquences environnementales, la faculté d'utiliser durablement les terres pour la subsistance et le logement et d'autres opportunités économiques.

C'est l'approche que nous avons retenue. Nous sommes sur le point d'achever un barrage appelé Wasquatum et nous adoptons la même approche pour notre prochain barrage, un projet de quelque 5,6 milliards de dollars portant le nom de Keeyask.

Nous avons négocié pendant plusieurs années avec les Premières nations de la région pour prendre en compte leurs préoccupations, respecter toutes nos obligations constitutionnelles en vertu de l'article 35 relatives à la consultation et à l'accommodement, et établissons ainsi réellement une relation qui leur permettra de bénéficier des barrages hydroélectriques que nous construisons, à titre de partenaires à part entière.

Comme vous le savez, ces enjeux sont importants pour le pays car lorsqu'on ignore ces réalités — et je vois dans la salle un ancien ministre de l'énergie qui a eu à en traiter dans une autre province, alors elles deviennent une source de conflit qui peut entraîner quantité de contentieux paralysants et nuire à l'image de la source d'énergie elle-même et de la province.

Nous pensons instaurer ainsi le genre de relations saines qui va autoriser le développement économique au bénéfice de toute la population de la région.

L'un de nos soucis primordiaux lorsque nous construisons des installations hydroélectriques ou des barrages est de minimiser l'espace inondé. Nous construisons principalement des barrages à basse chute et à zone inondée restreinte. Le barrage de Wasquatum qui vient d'être achevé n'a réellement rien inondé. Le prochain va inonder environ trois kilomètres carrés, soit moins qu'une exploitation agricole ces jours-ci, et qui produisent donc une empreinte beaucoup plus restreinte qu'aux origines.

Il faut donc renoncer à quelques kilowatts de puissance pour avoir un modèle de développement plus viable et nous avons modifié notre optique de façon à ne plus percevoir la terre comme vaste et inoccupée, mais plutôt comme la terre habitée par nos citoyens autochtones qui tiennent à ce que l'espace qu'ils occupent reste utilisable et ne leur cause pas de problèmes d'inondation.

Dans les années 1970, à la suite de la mise en valeur des ressources hydroélectriques à l'époque, nous avons dû conclure ce que nous appelons une convention sur l'inondation des terres du Nord ,sous l'égide d'un arbitre, et nous avons versé près de 900 millions de dollars d'indemnités après la construction des barrages. Notre démarche actuelle cherche à régler tous ces problèmes avant le début des travaux, de façon à faire les choses correctement.

Il reste quatre collectivités au Manitoba qui ne sont pas reliées au réseau et dépendent de génératrices au gazole, et nous collaborons donc de très près avec elles pour passer à l'énergie éolienne et aux biocarburants afin de leur donner également une source d'énergie plus écologique. C'est un problème qui continue à se poser dans de nombreuses collectivités du Nord du Canada, qui sont toujours tributaires du gazole. Nous pensons également pouvoir alimenter en énergie certains de nos partenaires du Nord, comme le Nunavut.

Pour ce qui est du réseau est-ouest, l'une des nouveautés les plus intéressantes est que nous avons tenu notre première réunion de cabinet conjointe avec le gouvernement de la Saskatchewan, il y a deux ans. C'est un peu surprenant, lorsqu'on songe que nous sommes deux provinces voisines, qu'il n'y ait pas eu plus tôt de mécanismes formels de concertation.

Nous avons tenu deux réunions de cabinet conjointes, l'un des principaux points abordés étant les modalités de partage de l'énergie entre nous. Comme vous le savez, la Saskatchewan à ce stade est largement tributaire du charbon, et elle recherche les moyens de continuer à développer son économie avec de l'énergie durable. Nous pensons pouvoir être un partenaire à cet effet.

Nous pensons moderniser nos lignes de transmission existantes et puis regarder en aval. Lorsque vous construisez un barrage hydroélectrique dans ce pays, il faut avoir une vision qui ne se limite pas à un horizon de 10 ou même 15 ans. Il faut avoir une vision de ce potentiel à l'horizon de 25 ou 30 ans car, comme on vous l'aura probablement dit chez Manitoba Hydro, c'est un investissement très lourd. Tous les capitaux doivent être investis au départ et vous devez emprunter pour construire ces installations et dépenser des milliards de dollars avant même de produire le premier kilowatt d'électricité.

Cela amène beaucoup de gens à s'inquiéter du coût en termes absolus, mais une fois le barrage construit, s'il est bien entretenu, il va durer 70, 80, 90 ans. En revanche, le coût marginal de l'exploitation de nouveaux barrages est relativement faible. Il se limite pratiquement au coût de la location de la ressource hydraulique, ce que l'on appelle un loyer de concession de force motrice.

L'investissement initial est très lourd, puis les frais d'exploitation une fois le barrage construit sont relativement minces. Les coûts marginaux sont réellement ceux de la masse salariale et le reste se limite aux coûts d'immobilisation et d'entretien.

Le réseau est-ouest nous ouvre la possibilité de former une vision d'un réseau couvrant tout le pays en vue d'assurer la sécurité énergétique. On en parle depuis longtemps, mais les débouchés ont toujours été plus accessibles et plus lucratifs de l'autre côté de la frontière.

Si l'on examine le réseau à travers le pays, à peu près toutes nos lignes de transmission traversent la frontière américaine pour servir de gros marchés où les prix de l'énergie sont élevés et qui aiment considérer notre électricité comme une forme de puissance de base.

Le Manitoba n'est pas différent. Nos principaux clients sont le Minnesota et bientôt le Wisconsin et nous envisageons de leur livrer davantage d'énergie. Nous avons déjà signé pour quelque 7 milliards de dollars de contrats qui seront exécutés lorsque Keeyask entrera en service.

Nous pensons que la vision d'un réseau est-ouest couvrant tout le pays serait positive et à envisager sérieusement. Nous savons que l'Ontario a besoin de construire davantage de centrales et a besoin de remplacer une grande partie des anciennes. Il va mettre hors service ses centrales au charbon. Nous savons que la Saskatchewan a besoin de nouvelles sources d'énergie. Nous savons que même l'Alberta, en dépit de toutes ces abondantes ressources et du projet de pipeline XL veut continuer à réduire l'empreinte carbone de toute nouvelle source d'énergie, et nous pensons que l'hydroélectricité peut être un élément de solution, qui contribuera à la bonne réputation de tout le pays dans le cadre d'une stratégie d'énergie propre.

Nous voulons vous laisser sur cette réflexion quant au rôle de l'hydroélectricité dans l'amélioration de la réputation énergétique du Canada et de sa réputation comme source d'énergie propre aux yeux du monde, mais la création d'un réseau est-ouest couvrant tout le pays serait une source énorme d'emploi et d'innovation et d'investissement au cours des prochaines années.

La construction du chemin de fer — et quantité d'ouvrages ont été écrits à ce sujet — a toujours été entourée de controverses et a donné naissance aux mythes fondateurs de notre pays, mais elle a aussi cimenté l'unité du pays. Quels sont aujourd'hui nos projets nationaux qui peuvent nous rapprocher?

Au cours des années 1950, nous avons créé l'État providence, avec des programmes comme l'assurance-maladie et les allocations familiales qui sont devenus d'autres sources d'identité nationale. Dans les années 1980, nous avons promulgué la Charte des droits, et elle est devenue une nouvelle source d'identité commune pour les Canadiens.

Quelles sont les caractéristiques identitaires que nous pouvons créer aujourd'hui? Je vous demande de considérer l'idée d'un réseau électrique national ou pancanadien, la sécurité énergétique comme une autre source de sécurité autour de laquelle nous pouvons construire une identité commune et comme un moyen commun de nous soutenir les uns les autres pour développer nos économies à l'avenir.

Nous pensons qu'il y a là une bonne vision dont nous pouvons nous inspirer lorsque nous nous demandons comment mettre en valeur nos ressources énergétiques.

Nous pensons également que le développement de l'hydroélectricité et de l'énergie propre peut être une source d'innovation économique pour le pays. Nous venons justement de nous apercevoir que nous allons avoir de vraies difficultés à atteindre nos objectifs de Kyoto.

Nous nous sommes même imposé l'obligation d'atteindre nos objectifs de Kyoto d'ici 2012, une oeuvre de taille. Nous allons les remplir pour 2010, mais il sera plus difficile d'atteindre ceux de 2012, mais en regardant rétrospectivement notre réaction à cet égard, nous voyons que nous avons fait beaucoup de choses qui ont apporté une différence positive.

Nous avons imposé l'emploi de méthanol pour les carburants automobiles au Manitoba. Nous avons imposé l'emploi du biogazole pour le matériel agricole et les camions. Quarante pour cent des installations géothermiques du Canada sont situées au Manitoba, qui ne compte que 4 p. 100 de la population du pays.

Nous avons porté nos programmes d'efficience énergétique, qui étaient les pires du pays ou au 10e rang, au premier rang ces dernières années, et Manitoba Hydro vous l'a probablement dit si l'on vous y a parlé de son programme Éconergique.

Donc, des objectifs ambitieux dans des domaines comme le changement climatique ou l'innovation économique dans le secteur énergétique nous permettent d'avancer avec de nouvelles façons de faire qui ouvrent des opportunités non seulement pour l'économie locale, mais aussi pour l'exportation de ces technologies dans le monde entier.

Nous avons eu au Manitoba une Commission royale, il y a quelque 30 ou 40 ans, qui pensait que le développement hydroélectrique dans le Nord était totalement impraticable parce qu'elle ne voyait pas comment transmettre cette électricité jusque dans le Sud. Aujourd'hui, Manitoba Hydro est un chef de file mondial de la transmission à haute tension de courant continu, parce que nous avons résolu ce problème par l'innovation technologique et nous travaillons maintenant avec d'autres pays du monde sur le transport de l'électricité sur longues distances.

Si nous nous fixons ces défis, cela nous permettra d'avancer grâce à notre ingéniosité humaine pour résoudre ces problèmes et créer de nouveaux savoir-faire et services que nous pourrons exporter ailleurs dans le monde. Je pense qu'il ne faut jamais sous-estimer notre capacité à relever ces défis et à collaborer ensuite avec d'autres juridictions pour faire de même.

Je pense que la sécurité énergétique est un autre facteur auquel notre pays doit réfléchir, et pas seulement la sécurité énergétique nord-américaine, qui est évidemment un gros souci pour les États-Unis à l'heure où ils cherchent à se sevrer de certaines sources de pétrole, mais la sécurité énergétique du Canada lui-même. Nous voulons la sécurité énergétique et un réseau est-ouest, et l'engagement de collaborer les uns avec les autres dans le domaine de l'énergie électrique propre ouvrirait une nouvelle source de sécurité énergétique au pays.

Cela nous permettrait également d'avancer dans le domaine du changement climatique. Qu'il y ait ou non un nouveau traité de Kyoto, le changement climatique, excepté aux yeux d'une petite minorité, est un fait admis, un problème auquel il faut s'attaquer à l'échelle mondiale.

À cet égard, le Canada est très bien placé pour se doter de sources d'énergie ne dégageant pas de dioxyde de carbone et d'émissions modifiant le climat. Nous pouvons trouver des solutions très novatrices à la poursuite de ces objectifs, en développant nos ressources énergétiques qui peuvent aussi être une contribution au monde.

Nous savons que le Canada n'est pas l'un des gros émetteurs du monde. Au Manitoba, nous émettons 3 p. 100 du dioxyde de carbone du pays, alors que notre population est de 4 p. 100, si bien que nous remplissons une norme très exigeante grâce à notre hydroélectricité qui produit moins d'émissions que d'autres sources, mais ce n'est pas la question.

La question est que les problèmes de la planète et du changement climatique transcendent les frontières. S'il y a un problème ailleurs, cela finira par devenir notre problème à nous, et nous avons une solution ici qui pourra contribuer à la réduction des émissions de gaz à effet de serre ailleurs.

Rien que nos exportations vers les États-Unis, si elles comptaient sous le régime de Kyoto, feraient plus que nous amener immédiatement la norme. La quantité d'électricité que nous exportons aux États-Unis nous aurait permis d'atteindre la norme de Kyoto il y a belle lurette.

S'il y avait la possibilité de comptabiliser la protection de choses comme les forêts boréales et toute la tourbe qu'elle renferme sous le régime d'un traité international relatif au changement climatique, là encore nous ferions plus qu'atteindre très vite nos objectifs en matière de changement climatique.

Ces facteurs ne sont pas actuellement pris en compte dans la formule de calcul de nos progrès dans ce domaine, mais ils font une énorme différence dans le monde en réduisant les émissions de gaz à effet de serre.

La sécurité énergétique nationale pourrait être considérée comme l'une de nos priorités infrastructurelles dorénavant. Nous savons qu'il y a beaucoup d'autres priorités infrastructurelles, les routes, les égouts et l'eau, mais l'énergie est aussi un grand impératif pour le pays.

Dernière remarque que je ferai à ce sujet : nous réalisons que le climat économique est fragile, nous savons que l'économie américaine a du mal à repartir, nous savons qu'il y a beaucoup de fragilité en Europe en ce moment vu toutes les crises auxquelles elle fait face, et si nous pouvions rationaliser les mécanismes réglementaires auxquels ces grands projets de mise en valeur d'une énergie propre sont assujettis dans notre pays, ils pourraient devenir une source de croissance économique au cours des 10 prochaines années.

Nous, les responsables politiques, parlons beaucoup d'une simplification des procédures administratives, mais nous n'y sommes pas encore parvenus et je pense que toute recommandation que le comité sénatorial pourrait faire à cet égard serait utile, pour aller dans le sens d'une rationalisation des mécanismes d'agrément des projets, sans pour autant compromettre les critères environnementaux qu'il nous faut respecter, sans compromettre notre obligation de faire les choses correctement, afin que ces projets puissent avancer sans délai. Il faudra peut-être pour cela plus de ressources, des échéances plus serrées et la capacité de boucler ces dossiers plus vite.

Dans le cadre de notre projet de barrage Wasquatum, qui était l'un de nos projets de faible envergure, il a fallu quatre ans pour effectuer les évaluations environnementales. Je dis bien quatre ans. C'est un long délai avant même que l'on puisse démarrer le chantier. Il faut ainsi compter une décennie avant qu'un barrage soit terminé.

Je veux bien essayer de me faire réélire pour 10 ans encore, mais habituellement un gouvernement qui lance un projet comme celui-ci n'en verra pas la fin.

Si nous voulons produire des résultats, je pense qu'il nous faut un mécanisme réglementaire qui, sans prendre de raccourcis ni compromettre toutes les exigences relatives à l'environnement, permette d'aboutir plus rapidement et plus efficacement à une décision, positive ou négative.

Je vais m'arrêter là afin de répondre aux questions que vous pourriez avoir.

Le sénateur Massicotte : Nous avons parcouru tout le Canada et terminons notre tournée des provinces des Prairies à la fin de la semaine.

La plupart des témoins admettent que l'activité humaine est un facteur du changement climatique. Presque tous conviennent également qu'il faudrait un plan d'action transcanadien à cet égard. Je n'emploierai pas les termes « politique énergétique nationale » ou « stratégie », mais il faut un effort coordonné. Tous conviennent également qu'il faut attribuer un prix au carbone et presque tous admettent que ce devrait être sous la forme d'une taxe. Êtes-vous d'accord également sur ces quatre points et contribueriez-vous à cette solution?

M. Selinger : Je pense que plusieurs approches de la tarification du carbone sont possibles, dont un mécanisme de plafonnement-échange et une taxe carbone. Les taxes en général rencontrent beaucoup de résistance. Nous avons réfléchi, de concert avec les provinces à l'ouest de nous et certains des États américains, à un système de plafonnement- échange et avons beaucoup travaillé sur les rouages concrets d'un tel système. Ce travail n'a pas encore abouti. Nous participons déjà volontairement à la bourse climatique de Chicago. Manitoba Hydro y échange depuis plusieurs années des crédits carbone pour les projets d'énergie propre qu'elle réalise.

Oui, si vous voulez tenir compte des externalités du dioxyde de carbone, il faut pouvoir comptabiliser le coût. Je pense qu'il faut garder l'esprit ouvert quant à la façon de le faire, mais le modèle que nous visons et envisageons est celui du plafonnement-échange.

Le sénateur Massicotte : La théorie économique exige une tarification intégrale, externalités comprises.

J'en viens maintenant au réseau électrique est-ouest. S'il existait une tarification du carbone, pensez-vous qu'il serait économiquement viable? La transmission nord-sud semblait être jusqu'à présent la façon la plus économique de partager ses avantages. Il y a aussi le besoin d'une énergie de complément à certains moments de l'année et à certaines heures du jour. Cependant, vient-il un moment où le bon sens purement économique justifierait un réseau est-ouest s'il y avait la tarification du carbone?

M. Selinger : Cela changerait certainement le calcul économique car l'électricité deviendrait une source d'énergie plus compétitive si d'autres sources d'énergie devaient payer un prix pour leurs émissions de carbone. Vous avez donc raison. Cela changerait les facteurs économiques.

Le sénateur Massicotte : Suffisamment pour justifier l'investissement?

M. Selinger : Je n'ai pas fait les calculs, mais ce serait certainement un changement dans la bonne direction. Même le plafonnement-échange le ferait. Les facteurs économiques seraient transformés.

Même en l'absence aujourd'hui de ces mécanismes de prix, la seule notion d'une énergie fiable, sûre et propre devient plus attrayante car les formes d'énergie traditionnelles voient leurs prix augmenter. C'est vrai même des sources d'énergie les plus anciennes et les plus sales.

Même les sources plus récentes comme le nucléaire ont beaucoup de mal à contenir les prix et à contrôler les coûts.

Nous pensons que même dans les conditions économiques actuelles, il se pose un problème en ce moment en Amérique du Nord du fait de l'arrivée du gaz de schiste et du marasme économique. Cela pèse sur les prix des ventes ponctuels, mais la plupart des juridictions cherchent aujourd'hui une énergie fiable et propre et sont prêtes à payer un bon prix si on leur propose un contrat d'approvisionnement de longue durée.

Vous avez raison. La prise en compte sous forme de prix des effets sur le changement climatique change le calcul économique. Tout le monde le dit, mais il s'avère très difficile en Amérique du Nord de concrétiser cela dans les faits. L'Europe a fait davantage sur ce plan.

Le sénateur Massicotte : Avec une grille est-ouest, vous devez vous tourner vers vos voisins immédiats et leurs voisins immédiats parce que les coûts de transmission augmentent.

Avez-vous approché la Saskatchewan et l'Alberta, et peut-être l'Ontario, pour leur proposer de relier les réseaux en partageant les frais d'investissement? Quel a été le résultat de ces pourparlers?

M. Selinger : Les provinces à l'est et à l'ouest de nous, surtout actuellement celles à l'ouest, se montrent activement intéressées par l'hydroélectricité.

Par exemple, Jim Prentice, lorsqu'il était ministre de l'Environnement, a introduit une réglementation obligeant à fermer les centrales au charbon arrivées à la fin de leur vie utile et leur a imposé des normes d'émissions plus strictes. Rien que cela change les facteurs économiques. C'est là un encouragement utile à remplacer l'énergie fortement émettrice de dioxyde de carbone par une énergie qui en produit beaucoup moins, et donc ce type de mécanisme nous fait déjà avancer dans la direction d'une stratégie d'énergie propre pour tout le pays.

Par ailleurs, il ne faut pas sous-estimer la valeur d'une bonne réputation de notre énergie. J'en ai déjà parlé brièvement, mais comme vous le savez aussi bien que moi, si votre énergie a bonne réputation elle vous rapporte également un meilleur prix.

Le sénateur Massicotte : Parlant du nucléaire, EACL avait une installation nucléaire dans votre province. Elle a été fermée il y a quelques années. C'est de l'énergie très propre. Pourquoi avoir fermé ce centre? Le referiez-vous encore aujourd'hui?

M. Selinger : Le Manitoba ne s'intéresse pas à l'énergie nucléaire. Nous n'avons pas d'uranium dans la province et des sources abondantes d'hydroélectricité, une technologie qui a beaucoup plus fait ses preuves.

Ces scientifiques ont beaucoup contribué à leur collectivité dans la région de Pinawa. Ils ont mis leur savoir-faire au service de la recherche, par exemple, sur l'utilisation des isotopes à des fins médicales. Certains d'entre eux sont allés dans le secteur minier, et d'autres sont devenus des dirigeants locaux et ont adopté d'autres professions.

Le centre de recherche nucléaire de Pinawa a engendré un capital humain. Ces scientifiques se spécialisent maintenant dans l'élimination des déchets nucléaires. Ils acquièrent un grand savoir-faire dans ce domaine, les déchets étant le plus grand frein à l'expansion du nucléaire.

Il y a le risque, comme on l'a constaté au Japon, et puis il y a la question des déchets. Ces problèmes empêchent le nucléaire d'être pleinement accepté dans le pays et engendrent beaucoup de réticence dans la population, presque universellement de nos jours, surtout depuis la catastrophe au Japon. Après cette dernière, l'Allemagne a décidé de fermer toutes ses centrales nucléaires. Oui, il se construit encore des centrales nucléaires mais ce n'est pas une source d'énergie préférentielle pour nous étant donné notre abondance d'hydroélectricité propre, mais je dois dire que les scientifiques de la région de Pinawa qui continuent à travailler sur le stockage des déchets nucléaires apportent une contribution très considérable à la recherche-développement dans ce domaine, qui est un problème partout dans le monde. Mais nous ne considérons pas le nucléaire comme une source d'énergie pour nous.

Le président : Vous avez fortement mis l'accent sur un réseau électrique est-ouest et le sénateur Massicotte l'a mentionné également. Dans votre explication, vous avez parlé d'une ligne partant du Manitoba et traversant la Saskatchewan, ce que je comprends, et se prolongerait même au-delà.

L'on nous dit que s'il allait y avoir un réseau est-ouest au Canada, il devrait aller vers l'ouest jusqu'au lac Supérieur, à peu près, et puis il y en aurait un autre partant d'ici en direction ouest. Lorsque vous parlez d'un réseau est-ouest, vous n'entendez tout de même pas un réseau intégré couvrant tout le pays, n'est-ce pas?

M. Selinger : Je pense qu'un réseau s'étendant sur tout le pays sera l'idéal. Il faudrait avoir une discussion technique à ce sujet.

Nous avons eu des pourparlers avec l'Ontario. Comme vous le savez, la politique énergétique de l'Ontario a été fluide ces dernières années.

Le président : C'est le moins que l'on puisse dire.

M. Selinger : La province était plombée d'une lourde dette à la fin des années 1990, et, de plus, s'est engagée à réduire l'emploi de charbon. Comme vous le savez, elle poursuit une stratégie d'énergie propre favorisant les énergies renouvelables, notamment les mini-centrales hydroélectriques. Je crois qu'elle n'a plus beaucoup de potentiel inexploité, mais la province promeut l'énergie solaire et éolienne et a rencontré toutes sortes de problèmes du fait du coût du tarif de rachat garanti et de rapports du vérificateur général les concernant.

L'Ontario est à la poursuite d'une stratégie d'énergie propre et si j'ai bien saisi, et sans vouloir parler en son nom, le nucléaire reste l'une de ses options pour assurer la charge minimale. L'hydroélectricité est également une option pour lui. Nous sommes tout à fait prêts à discuter avec lui.

Le gros morceau, c'est la construction d'une ligne de transmission vers l'est, car la distance jusqu'aux Grands Lacs est longue. C'est parfaitement faisable techniquement. La question est de savoir qui paye et selon quelles modalités, quel est le rôle des divers niveaux de gouvernement et du secteur privé dans la création de cette capacité de transmission. Cela a toujours été le plus gros obstacle psychologique, et peut-être financier, à une ligne vers l'est.

Il y a plusieurs parcours possibles. L'un est direct. Une autre possibilité est de passer par les États-Unis, où nous alimentons déjà le Minnesota et le Wisconsin, plus à l'est. Nous sommes tous participants d'un réseau électrique reliant les Prairies canadiennes et le Midwest américain et nous nous fournissons réciproquement de l'électricité d'appoint.

Dans cette recherche de moyens de nous soutenir les uns les autres sur le plan de l'approvisionnement énergétique dans toute l'Amérique du Nord, il est possible de servir nos voisins de l'est par l'intermédiaire de ces partenariats à l'échelle de l'Amérique du Nord.

La transmission vers les États-Unis n'est pas non plus exempte de difficultés. Le système juridique là-bas est différent, le pouvoir d'expropriation et le rôle de l'autorité de réglementation fédérale diffèrent, mais tout le monde cherche les moyens d'accroître la capacité de transmission. Nous savons que cette dernière soulève toujours des controverses.

L'un des plus gros facteurs est le syndrome de rejet local. Tout le monde admet qu'il faut plus de capacité de transmission et un réseau plus intelligent aussi. Nous devons faire appel à la technologie pour rendre le réseau plus efficient et en faire meilleur usage, de façon à utiliser moins d'énergie pour satisfaire de manière plus efficiente les besoins de l'économie nord-américaine.

Beaucoup de progrès sont réalisés, mais il est devenu très apparent que la construction d'un réseau plus efficient et plus intégré à l'échelle de l'Amérique du Nord exige de gros investissements. Il faut donc à cet effet une stratégie pancanadienne et la volonté des pouvoirs publics d'agir dans ce domaine.

Le président : Ce n'est donc pas à rejeter d'emblée?

M. Selinger : Pas du tout.

Le président : C'est ce que je voulais faire ressortir.

Le sénateur Mitchell : Votre exposé très percutant est une source d'inspiration et représente une avancée par rapport à cette idée d'un réseau est-ouest qui a été plutôt absente de nos discussions. Vous êtes le premier à vraiment offrir une vision et à ouvrir les possibilités.

Il est apparu au fil de nos audiences au cours de ces 30 mois qu'il existe des points de consensus. Il reste à voir quelle est la largeur de ce consensus. Mais la question de la tarification du carbone a été toute une révélation pour nous et nous sommes ravis de voir que les entreprises, les ONG, les gouvernements s'accordent pour dire qu'il faut attribuer un prix au carbone.

On ressent également le besoin d'une stratégie nationale de la main-d'œuvre, et vous avez fait état de la main- d'œuvre autochtone qui sera cruciale si nous voulons développer l'Alberta — je suis de l'Alberta — étant donné comment l'avenir semble se dessiner.

En dépit de l'existence de ce consensus, un leadership reste clairement nécessaire et il semble émaner largement du Manitoba. Vos programmes d'efficience se reflètent dans ce bâtiment remarquable qui est à la fine pointe de ce qui se fait dans le monde. Le Consensus de Winnipeg a été forgé ici, l'impulsion venait d'ici. M. Carr nous a fait un exposé extrêmement intéressant.

Néanmoins, il faut un leadership national. Un premier pas en ce sens a été fait par les premiers ministres provinciaux, dont beaucoup tiennent le même discours que vous, et certainement la rencontre de Kananaskis a mis en évidence un certain consensus. Quelles sont les chances d'avoir une stratégie énergétique nationale comprenant certains des éléments que vous avez abordés ici et que d'autres ont placés à l'ordre du jour de la prochaine conférence des premiers ministres l'été prochain?

M. Selinger : Je dirais que les chances sont bonnes. On en parle de plus en plus en coulisse et le dialogue entre nous s'intensifie. Je pense que le problème du pipeline XL a stimulé l'intérêt pour une stratégie canadienne d'énergie propre. Je pense que les provinces sont toutes prêtes à s'engager dans cette discussion.

Le gouvernement fédéral a clairement un rôle à jouer aussi, mais je pense que nous sommes engagés dans la bonne direction. Vous avez mentionné le Consensus de Winnipeg et le rôle des milieux d'affaires et Jim Carr, qui est là, cherche à dessiner une stratégie canadienne dans le domaine de l'énergie. C'est extrêmement utile.

J'ai introduit le sujet lors de la réunion du Conseil de la Fédération tenue ici, à Winnipeg. Nous avons distribué le document et amené les gens à commencer à y réfléchir.

Il faut du temps pour que ces idées fassent leur chemin dans les esprits et que les gens commencent à réfléchir au rôle actif qu'ils pourraient jouer. C'est pourquoi je suis ici aujourd'hui. Il s'agit de créer une masse critique de sensibilisation et d'opinion parmi les décideurs et la population et les médias et de commencer à voir les possibilités en grand.

Ensuite on pourrait commencer à réfléchir à la réalisation et voir comment nous pouvons collaborer en ce sens. Je pense que c'est un élément du processus qui est en marche ici même.

Le sénateur Mitchell : Pour ma part, et je crois que les autres membres du comité sont de cet avis, j'encourage tout à fait cette initiative.

Vous avez mentionné deux choses au niveau fédéral, l'observation générale que le gouvernement fédéral doit aussi faire preuve d'initiative à cet égard, et vous avez dit une autre chose que je trouve très parlante : il nous faut faire accepter nos produits par le public international et asseoir notre réputation à l'étranger. Sinon, cela va nous coûter à tous, et pas seulement en Alberta vu la décision sur Keystone et tout ce qui se passe en Europe sur le plan des normes de qualité des carburants.

Par ailleurs, d'aucuns aux États-Unis aimeraient que l'hydroélectricité canadienne soit désignée comme non véritablement renouvelable, et c'est pourquoi nous devons pousser le gouvernement fédéral à agir. Comment le faire?

Y a-t-il là un rôle pour une conférence des premiers ministres provinciaux et fédéral prochaine? Envisagez-vous que la conférence des premiers ministres provinciaux l'été prochain puisse être un premier pas en ce sens?

M. Selinger : Je pense que toutes ces possibilités sont à saisir pourvu que les parties y soient disposées. Je suis allé aux États-Unis l'année dernière et ai rencontré le sénateur Bingaman, qui s'intéresse beaucoup à la problématique énergétique et préside un comité qui se penche sur elle. Il envisage une stratégie d'énergie propre pour les États-Unis. J'ai parlé avec lui du rôle que l'hydroélectricité pourrait jouer à cet égard, et cet entretien a été très utile.

Nous avons besoin d'un flux constant de communications à tous les niveaux, régional aussi bien que fédéral, entre les partenaires potentiels, afin de poursuivre cette sensibilisation.

À un moment donné, l'hydroélectricité y a connu les mêmes épreuves qu'ici au Canada. Les barrages ont causé beaucoup de dégâts dans les zones riveraines inondées. Il en a résulté des affrontements historiques et un débat public sur sa valeur comme source d'énergie propre.

Les choses sont faites différemment aujourd'hui. Les attitudes changent et le public en perçoit la valeur, mais il faut continuer à marteler le message pour que le public l'apprécie pleinement.

Le sénateur Mitchell : Un ministre de l'Alberta, que le sénateur Banks et moi-même avons rencontré, a dit qu'il ne suffit pas que l'Alberta fasse campagne à l'échelle internationale car ces pays ne considèrent pas qu'une province puisse être une source d'information sur le Canada. Ce rôle incombe au gouvernement fédéral.

L'un des thèmes qui sont souvent revenus sur le tapis et que vous avez mentionnés aussi est celui de la lenteur des évaluations environnementales. Il y a certainement place à des améliorations au niveau fédéral et je crois que l'on s'y efforce d'arriver à une meilleure coordination des trois ou quatre agences dont les compétences se chevauchent, et peut- être y a-t-il également des chevauchements entre les agences provinciales au Manitoba. Je ne sais pas, mais le problème le plus ardu à résoudre est celui des chevauchements et redondances entre les deux niveaux.

Avez-vous réfléchi à des solutions possibles? Est-ce qu'une province devrait accepter de déléguer vers le haut ou bien que l'administration fédérale devrait-elle accepter de déléguer vers le bas?

M. Selinger : Nous avons préféré faire examiner nos projets par notre Commission de protection de l'environnement et l'hydroélectricité est réglementée par une autorité publique, la Régie des services publics. La dernière fois, pour le barrage Wasquatum, notre premier grand projet depuis 10 ans, nous avons établi un comité mixte pour rationaliser l'évaluation à notre niveau.

Je pense qu'un comité d'examen mixte fédéral-provincial présenterait des écueils, même si un tel dispositif semble approprié. En effet, les mandats législatifs diffèrent et peuvent être difficiles à concilier, ce qui pourrait engendrer quelques problèmes.

Notre préférence à l'heure actuelle est d'effectuer l'évaluation au niveau provincial lorsqu'il s'agit de nos propres sources d'énergie manitobaine, et de la rendre aussi efficiente que possible. Nous aimons avoir notre propre autorité de réglementation pour ce travail, car elle va tenir les audiences, financer les intervenants, exécuter toutes les obligations de diligence raisonnable afin de couvrir les enjeux.

Le sénateur Banks : Le président et moi, et nous tous ici, je crois, savons que dans certaines provinces, lorsque nous demandons aux premiers ministres et aux ministres provinciaux de s'entretenir avec nous, ils refusent. Nous sommes ravis que vous ayez accepté. C'est l'une des choses qui vous distingue de vos collègues.

Il y en a deux autres dont j'aimerais vous parler. Vous en avez déjà fait mention, mais je vais vous demander de préciser un peu votre position car vous êtes clairement un chef de file. Vous marchez au son d'un tambour qui n'est pas entendu dans tout le pays.

Voici ces deux choses : au cours de ces 30 mois d'étude, pratiquement tout le monde nous a dit qu'une taxe est la façon préférentielle, la plus efficiente, qui se prête le moins aux manipulations, d'attribuer un prix au carbone. Vous venez d'exprimer votre préférence pour le plafonnement-échange. J'aimerais que vous nous en disiez un peu plus.

Le deuxième élément sur lequel j'aimerais en entendre plus, si vous le voulez bien, est le réseau est-ouest. D'autres que moi vous ont déjà dit que l'opinion universellement émise par tous ceux qui ont abordé la question est qu'un réseau est-ouest n'est tout simplement pas faisable pour diverses raisons économiques et techniques, dont la moindre n'est pas que les marchés à l'ouest sont trop restreints et que l'Alberta et la Colombie-Britannique utilisent un courant de phase différente.

Tout le monde, universellement, nous a dit qu'un réseau est-ouest est une impossibilité pratique, une impossibilité virtuelle, et l'on nous a dit universellement, ou presque, qu'une taxe est la meilleure façon d'attribuer un prix au carbone. S'il vous plaît, parlez-nous de ces deux aspects.

M. Selinger : Notre préférence va au plafonnement-échange car nous échappons ainsi au débat sur une taxe ou l'absence de taxe, qui parfois nous fait dévier du problème fondamental du changement climatique et ouvre toute la question de la fiscalité. Le plafonnement-échange permet de désigner plus précisément qui doit réduire ces émissions. Il vous permet de cibler les gros émetteurs.

Le sénateur Banks : Est-ce que nous ne devons pas tous réduire les émissions?

M. Selinger : Certes, mais certains produisent plus d'émissions que d'autres. Par exemple, notre programme Éconergique au Manitoba ne taxe pas les abonnés mais les incite à réduire leurs rejets de dioxyde de carbone. Il est très populaire chez nous.

Peut-être est-ce dans la mentalité manitobaine, mais nous aimons mettre en état nos maisons et nous aimons le faire d'une manière socialement et écologiquement responsable, et en plus cela nous fait économiser des sous. Ce n'est pas une mauvaise chose. C'est un bon investissement à tous égards.

Il n'est que rationnel d'encourager les Canadiens à faire ce genre de choix, à contribuer à une amélioration tout en réalisant des économies.

Par exemple, nous avons créé un programme pour l'achat de fournaises au gaz à haut rendement à l'intention des ménages à faible revenu du Manitoba et l'avons structuré de telle façon que dès l'installation faite, le coût du financement soit inférieur aux économies réalisées chaque mois grâce à cette fournaise à haut rendement énergétique, et donc dès le premier jour de votre participation à la réduction des émissions de gaz à effet de serre vous en retirez un avantage financier.

C'est un programme à double gagnant, car les ménages réalisent une économie chaque mois et l'environnement y gagne aussi, et c'est donc tout bon. Le coût pour Manitoba Hydro est qu'il maintien le prix de la fournaise au plus bas niveau possible et contribue aux frais d'installation. Elle fait beaucoup de choses pour faciliter aux gens l'exercice de cette option.

Nous avons actuellement une écosubvention au Canada, mais elle ne sera pas nécessairement maintenue après le printemps prochain — c'est une décision budgétaire — mais elle a été très utile. Le Manitoba y ajoute un complément, que nous allons maintenir. Des milliers de Manitobains isolent leur sous-sol et font des aménagements qui réduisent la consommation d'énergie.

L'efficience énergétique et la réduction de la demande d'énergie restent encore les moyens les plus rentables de réduire notre empreinte carbone et d'aider les gens à économiser. Les gens aiment les solutions pratiques, en tout cas au Manitoba. Ils aiment les solutions pratiques qui leur permettent de contribuer à la solution du problème et de réaliser en même temps des économies.

Pour ce qui est du réseau est-ouest, oui, les fréquences des réseaux ne sont pas les mêmes à l'est et à l'ouest de nous, et il faut habituellement les harmoniser au moyen de transformateurs. Il faut la volonté d'investir dans les technologies autorisant la transmission de l'énergie vers l'est et l'ouest. Il n'y a rien de particulièrement nouveau à cet égard. C'est un coût d'immobilisation. Il faut le faire, mais lorsque nous envoyons du courant direct haute tension sur de longues distances, il nous faut déjà le transformer en énergie consommable à l'arrivée sur le lieu de consommation.

Cela comporte un coût, qui n'est pas négligeable, mais cela fait partie de l'engagement de construire cette capacité. Ensuite, au fil du temps, si nous construisons un système est-ouest, il existera la possibilité d'harmoniser.

Il faut remplacer les équipements tous les 10 ou 20 ans pour suivre les progrès technologiques. On pourra harmoniser les réseaux peu à peu afin de les rendre plus compatibles.

Le sénateur Banks : Le sénateur Brown, le sénateur Mitchell et moi-même sommes tous Albertains. Nous adorerions acheter de l'électricité à 0,09 $. Pourquoi n'est-ce pas encore fait?

M. Selinger : Parce que je ne crois pas que nous nous considérions jusqu'à présent comme des fournisseurs et des clients les uns des autres. Je pense que nous avons été obnubilés par les marchés plus lucratifs au sud de la frontière. Notre orientation a tendu à être nord-sud. Il est plus facile actuellement de transmettre de l'électricité au Minnesota qu'à l'Alberta. Cependant, où est la croissance économique aujourd'hui? Dans l'Ouest du Canada. Il y a là une opportunité, si l'on réfléchit prospectivement.

L'Ouest du Canada connaît actuellement une croissance économique très forte et exporte ses produits de base dans le monde, la demande pour nombre des denrées que nous produisons étant très forte. L'énergie propre s'inscrit dans cette croissance, à notre avantage réciproque.

Le sénateur Neufeld : Monsieur le premier ministre, il est bon de vous revoir. Nous avons participé à quelques rencontres fédérales-provinciales au fil des ans, en nos capacités respectives, et je vous félicite de votre élection récente comme premier ministre du Manitoba. Nous sommes ravis d'être au Manitoba et nous recueillons quelques excellents renseignements.

Je pense que le réseau est-ouest, s'il avait été pratique et économique, aurait déjà été construit il y a belle lurette. Sa réalisation comporte des difficultés.

Je suis heureux d'entendre que la Saskatchewan et le Manitoba ont engagé des pourparlers à ce sujet, car je pense que c'est à votre niveau, celui des premiers ministres, qu'il faut commencer. Peut-être certains des freins pourront-ils être éliminés.

Je veux aborder quelques autres sujets. Au Canada, presque 70 p. 100 de la production électrique est propre. La plupart des pays adoreraient jouir de la même ressource. Évidemment, certains n'ont guère eu de choix et ont construit il y a des années des centrales au charbon parce qu'elles n'étaient pas chères et pouvaient fournir une énergie à bon marché à ces populations.

Je pense que nous avons un très bon système. Pourrait-il être meilleur? Oui, bien sûr. Que faire au sujet des autres sources de gaz à effet de serre au Manitoba, comme le transport par exemple? Je sais qu'en Colombie-Britannique, 35 p. 100 des émissions proviennent des véhicules. J'imagine que ce n'est guère différent au Manitoba.

Vous avez une abondance d'électricité propre, tout comme nous, mais il y a ces autres émissions auxquelles nous devons réellement nous attaquer. Que faire à cet égard et qu'envisagez-vous?

M. Selinger : Je pense que nous avons déjà pris quelques mesures, en imposant l'éthanol et le biodiesel dans la composition des carburants, ce qui nous aide à réduire les émissions. Les normes d'efficience des moteurs sont surtout le fait de l'étranger, car nous ne sommes pas le plus gros marché en Amérique du Nord, mais même le gouvernement Obama, en dépit de tous les obstacles qui se dressent sur sa route en matière de changement climatique, prend des mesures.

La semaine dernière encore nous avons appris que les États-Unis vont imposer aux véhicules des normes de rendement énergétiques plus rigoureuses à compter de 2017, les années 2012 à 2016 étant une phase préparatoire au cours de laquelle les véhicules devront être rendus plus économes en carburant.

Nous pouvons faire nôtres ces mesures. Nous devrons probablement le faire, pas seulement à l'échelle provinciale mais aussi à l'échelle de toute l'Amérique du Nord. Je pense que l'on peut faire beaucoup dans ce domaine avec le biocarburant et en trouvant les bons mélanges.

Comme vous le savez, les biocarburants sont plus difficiles d'emploi dans les climats froids. Notre réglementation autorise quelques variations. On peut utiliser un mélange plus faible en hiver et un mélange plus fort en été pour atteindre un objectif global.

Il faut être ouvert à toutes ces choses, mais continuer aussi d'investir dans les technologies qui permettent à nos moteurs de fonctionner avec ces carburants et de les rendre beaucoup plus économes.

On peut faire beaucoup à cet égard. Vous avez raison : le secteur du transport est un gros émetteur. Comme vous le savez, les chemins de fer ont un regain de faveur. Ce n'est pas par hasard que Warren Buffett a acheté Burlington Northern Santa Fe. La quantité de carburant consommé par tonne de fret est extrêmement faible.

La première chose que nous avons réalisée pour édifier le pays, le chemin de fer, revient en vogue pour le transport des marchandises en raison de son efficience énergétique et de son empreinte environnementale réduite. Nous possédons une infrastructure et des technologies préexistantes qui peuvent nous aider et réduire l'empreinte du secteur du transport.

Le sénateur Neufeld : Je suis d'accord. Le rail revient dans toute l'Amérique du Nord pour quelques autres raisons encore.

Que pensez-vous du passage au gaz naturel liquéfié, au GNL, comme carburant? Nous savons que sur la côte Est, la compagnie Robert Trucking est en train d'acheter 200 ou 300 camions alimentés au gaz naturel. L'Alberta et la Colombie- Britannique poursuivent la même politique de ce côté-ci du continent. Il existe même une nouvelle technologie permettant d'employer le GNL pour alimenter les locomotives et les moteurs à très haute puissance.

Qu'en pensez-vous au Manitoba?

M. Selinger : Nous n'avons pas beaucoup exploré cette possibilité à ce stade. Mais nous avons effectivement quelques petites compagnies qui mettent au point cette technologie et l'exportent dans le monde, notamment en Chine, mais vu le bas prix du gaz naturel en ce moment, cela semble être une occasion évidente de l'utiliser comme carburant de transport.

Je pense qu'il y a là de grandes promesses, et au Manitoba nous avons également entrepris l'électrification de notre système de transport. Comme vous le savez, nous avons chez nous la plus grosse capacité de fabrication d'autobus d'Amérique du Nord, avec New Flyer et Motor Coach et nous avons signé des accords avec Nissan et Mitsubishi, et maintenant aussi Toyota et General Motors, en vue de l'électrification des autobus, par exemple.

Nous comptons avoir le premier prototype d'autobus entièrement électrique en 2012, et nous pouvons donc commencer à envisager la modernisation de notre parc et à transporter les voyageurs au moyen de véhicules électriques.

Une chose qui s'est faite toute seule indépendamment de cela, c'est que le gouvernement fédéral a offert un encouragement à l'achat de véhicules hybrides. Ainsi, au cours des 10 dernières années, tout notre parc de taxis, ou presque, est maintenant constitué de Toyotas à la place des grosses voitures d'antan.

Les gens vont saisir l'occasion s'ils voient que c'est financièrement avantageux. Je pense que le GNL peut lui aussi engendrer des économies pour les utilisateurs et je pense que l'électrification de nos véhicules, surtout des véhicules à usage intensif, peut également rapporter quelques dividendes réels.

Le sénateur Neufeld : Je pense que les deux sont très bons si on les utilise dans les situations qui s'y prêtent le mieux.

J'ai été heureux de vous entendre au sujet de la réglementation et du processus conjoint avec le gouvernement fédéral. J'ai failli réussir à faire adopter par le gouvernement fédéral une modification de la loi qui permettrait au gouvernement fédéral de déléguer ses pouvoirs à un gouvernement provincial s'il considère que ses procédures sont assez bonnes pour évaluer ces projets.

Je sais que l'ex-premier ministre de la Colombie-Britannique, M. Campbell, s'est beaucoup démené auprès du gouvernement fédéral pour rendre ces évaluations interchangeables. Je suis heureux de voir que vous êtes du même avis. Je suis sûr que c'est vrai aussi en Alberta et probablement en Saskatchewan. Je ne sais pas si c'est vrai aussi dans les provinces de l'Est.

Je suis heureux d'entendre que vous allez préconiser cela. Je suis heureux de voir que vous pensez la même chose, qu'il est nécessaire d'accélérer ces évaluations même s'il faut manoeuvrer un peu pour y arriver.

Par exemple, nous pensons qu'il faudra quatre ou cinq ans pour obtenir l'agrément du site C, et c'est beaucoup trop long.

Le sénateur Sibbeston : Ma question concerne les Premières nations. Il semble que, jusqu'à présent, les Premières nations ont utilisé l'évaluation environnementale comme moyen de ralentir les projets et certes d'exprimer leurs préoccupations concernant l'environnement, mais aussi pour aborder la question de leurs droits territoriaux. Lorsqu'on parle de rationaliser le processus réglementaire, cela m'inquiète, car je me demande si cela ne va pas désavantager les Premières nations.

D'autres ont dit que nous avons énormément progressé dans notre pays, en ce sens que les projets et les gouvernements et les compagnies ne peuvent plus ignorer les Premières nations et empiéter à leur guise sur leurs terres. Pourrais-je avoir votre avis à ce sujet, je vous prie?

M. Selinger : Vous soulevez là une question intéressante, sénateur. Avant même d'entamer le processus d'évaluation environnementale, nous faisons tout le travail préparatoire avec les citoyens des Premières nations pour arriver à une entente et demander conjointement l'agrément environnemental.

Vous avez raison. En l'absence d'une réelle volonté de collaborer avec les Premières nations, elles ont utilisé le processus d'évaluation environnementale pour faire valoir leurs revendications. Lorsque nous pouvons démontrer que nos Premières nations et le gouvernement sont d'accord pour demander une procédure d'agrément accélérée et que tout le monde est satisfait du travail préparatoire accompli pour répondre aux préoccupations environnementales et reconnaître leur utilisation de la terre et leur donner l'occasion de participer au projet, alors nous pouvons avoir un processus d'agrément beaucoup plus efficient.

Je crois que vous avez raison, mais je ne pense pas qu'il s'agisse de profiter d'une procédure accélérée pour ignorer les doléances. Il s'agit de voir quelle relation a été nouée avant même le stade de l'évaluation environnementale pour déterminer si une procédure accélérée est justifiée.

Le président : « Consultation et coopération » ne sont-ils pas des mots à la mode?

Le sénateur Massicotte : Les témoins précédents ont parlé d'énergie renouvelable. Nous connaissons tous la théorie des prix ou la théorie économique qui veulent que l'on comptabilise les coûts externes. Ils sont un signal pour le consommateur d'avoir à faire les bons choix.

Avec les très faibles coûts de l'hydroélectricité dans cette province — et deux autres sont dans le même cas que vous — vous découragez concrètement toutes les autres énergies vertes, non pas qu'elles soient nécessairement plus propres car l'hydroélectricité est très propre. Par conséquent, leurs partisans réclament une augmentation des tarifs d'électricité pour établir des conditions de concurrence plus équitables et plus égales, et je peux prédire votre réponse.

On peut arguer également que votre argumentaire en faveur d'un réseau est-ouest est tellement solide et convaincant qu'une solution serait de faire payer à vos propres abonnés un tarif de l'électricité plus équitable, en le portant de peut-être de 0,06 $ à 0,09 $, et à utiliser ces rentrées supplémentaires pour financer les investissements. Quelqu'un doit bien payer. Ayant prédit votre réponse, que pouvez-vous nous dire sur ces enjeux?

M. Selinger : Vous ne me verrez pas ici préconiser une majoration des tarifs pour les consommateurs du Manitoba car ils sont une source de compétitivité pour la province.

La théorie est une chose. Qu'en est-il de la pratique? Les Manitobains participent massivement aux programmes d'efficience énergétique dès lors qu'ils en ont l'occasion, par exemple, juste avec une offre de prêt dans le cadre du programme Éconergique ou d'autres programmes d'efficience énergétique qui réduisent leur facture d'électricité. Les installations géothermiques ont été un très grand outil de facilitation de la participation aux technologies énergétiques propres.

J'ai visité un gîte touristique dans une autre province. Le propriétaire voulait le convertir à la géothermie. Le financement a été pour lui un cauchemar parce que son service public n'avait rien à lui offrir, alors qu'au Manitoba le service public vous offre un prêt à un taux très raisonnable de 5 ou 6 p. 100 et prend toutes les dispositions pour vous.

Je pense que nous pouvons prendre des mesures pour stimuler le recours aux technologies vertes et nous savons qu'elles donnent de bons résultats dans la province. Lorsque vous avez 40 p. 100 des installations géothermiques du pays et seulement 4 p. 100 de la population, on voit bien qu'il y a un énorme intérêt du public car il y voit une source d'économie. L'investissement initial est plus lourd et quelques incitations pour réduire ce coût initial et les facilités de crédit ont rendu cette option beaucoup plus réalisable et intéressante aux yeux du public.

Un autre aspect que les gens aiment, c'est la prévisibilité des prix qu'ils payent pour leur énergie. Là aussi c'est une incitation à utiliser l'énergie propre, car le gaz naturel connaît toujours des fluctuations de prix sur le marché et beaucoup aiment la prévisibilité de la géothermie ou des programmes d'efficience énergétique parce qu'ils savent alors combien ils vont payer. Surtout à l'approche de la retraite, ils aiment des coûts d'énergie prévisibles pour continuer à demeurer dans leur maison.

Je pense qu'il y a la théorie économique, mais qu'il ne faut pas perdre de vue le comportement humain, et les humains aiment des choses qui leur font faire des économies tout en apportant une contribution positive et ils aiment aussi la prévisibilité des prix. Ils n'aiment pas se faire taper sur la tête avec une grosse majoration de prix à titre d'incitation. Ils considèrent cela comme de l'exploitation.

Le sénateur Massicotte : Vous avez indiqué plus tôt que vos nouveaux barrages ne vont pas créer de zones inondées. Nous n'avons jamais entendu parler de cela, mais je ne suis pas un expert. D'autres provinces annoncent de nouveaux projets qui vont inonder de grandes étendues. On pourrait dire que la raison pour laquelle vous agissez ainsi est que vous choisissez une solution plus facile pour éviter les conflits et les négociations ardues.

J'imagine que la perte de puissance, la perte de kilowatts, est considérable, peut-être par rapport aux coûts. Que répondez-vous à cet argument?

M. Selinger : Je ne dirais pas que cela est la solution facile pour dégager un consensus tel que tout le monde retire des avantages d'un projet. Je dirais que cela exige plus de temps et de patience et plus de respect pour l'opinion des populations touchées. Lorsque nous développons notre économie, nous visons une économie qui profite à tout le monde, et non pas une qui crée des gagnants et des perdants.

Pour ce qui est de l'inondation de vastes zones, permettez-moi de vous donner un exemple. Lorsque nous sommes arrivés au pouvoir, les tarifs de l'électricité étaient plus élevés dans le nord et les régions rurales que dans les villes parce que dans ces dernières on peut distribuer l'énergie à un nombre plus important d'abonnés dans un espace restreint. Les gens du Nord demandaient pourquoi ils payaient l'énergie plus cher, que c'était leur énergie que le Sud consommait. C'était l'argument de l'équité ou de la justice sociale opposé à l'argument commercial dictant des tarifs différents. Il en coûte plus cher de desservir une population clairsemée dans un territoire éloigné.

Nous avons décidé d'appliquer un taux unique à toute la province. Cela a été très populaire. Les gens ne s'en souviennent plus aujourd'hui, car cela remonte à plusieurs années, mais un tarif unique pour toute la province était une façon de créer un sentiment d'appartenance à la société, fondé sur la croyance que tout un chacun devrait bénéficier de l'énergie propre qui est la nôtre, concrètement sur sa facture d'électricité.

Ensuite nous avons aidé toutes ces collectivités à instaurer des programmes d'efficience énergétique afin qu'elles puissent réduire encore plus leurs factures, car chaque kilowatt d'électricité économisé au Manitoba est un kilowatt que nous pouvons exporter, ce qui accroît notre revenu et nous permet de maintenir le prix à un niveau raisonnable dans la province.

Je dirais que l'idée de stimuler nos exportations d'énergie, tant vers l'est et l'ouest que vers le sud, nous permet de contenir le coût de la vie dans la province, ce que les Manitobains apprécient.

Le sénateur Massicotte : La dernière fois que nous avons rencontré les responsables de Manitoba Hydro, ils ont présenté trois nouveaux projets prévus dans les 20 prochaines années. Prenez n'importe quel d'entre eux. Si vous inondiez, cela vous donnerait-il un gain de puissance considérable? Si vous augmentiez la superficie inondée et offriez aux Autochtones un pourcentage du surcroît de revenu, peut-être seraient-ils d'accord.

M. Selinger : Ils ne le sont pas, tout est là. Nous avons une relation telle que nous tenons compte des avis respectifs et ils ne voulaient pas de l'inondation. Donc, nous n'avons pas inondé.

Ils ont accepté les trois kilomètres carrés après plusieurs années de négociation, mais ils ne voulaient pas de terres inondées parce que c'est là où ils vivent, chassent et piègent. C'est leur territoire traditionnel.

Nous payons encore aujourd'hui des indemnités pour les inondations des années 1970 qui atteignent déjà 1 milliard de dollars. Je ne suis pas sûr qu'il soit rentable de faire les choses d'une manière qui engendre beaucoup de divisions sociales et de dommages environnementaux. Je pense que l'on sous-estime souvent les coûts à long terme associés à ces problèmes.

Le président : Informerez-vous le premier ministre lorsque vous rentrerez au Manitoba? Je crois qu'il a bien réussi à vous convaincre.

M. Selinger : Le sénateur Massicotte nous aide déjà avec certaines de nos institutions culturelles à St. Boniface. Il a apporté son concours au Cercle Molière, et il sera donc le bienvenu dès qu'il choisira de rentrer.

Le sénateur Banks : Tous ceux que nous avons entendus, à l'unanimité, ont réclamé la rationalisation des procédures réglementaires. Lorsqu'un premier ministre le dit, cela a un tout autre effet.

Supposons que je sois un écolo acharné. Vous avez mentionné qu'il y a différentes sphères de compétences et donc des lois différentes à respecter. Essayez donc de me convaincre que les dispositions, par exemple, de la Loi sur les pêches et de la Loi sur les espèces en péril pourront être respectées et que la rationalisation et l'efficience ne vont pas signifier moins de rigueur.

M. Selinger : C'est le rôle de l'aide financière aux intervenants. Souvent, les groupes disent ne pas avoir de ressources suffisantes pour préparer leurs dossiers et demandent à reporter les délais. Si nous leur offrons une aide financière suffisante pour qu'ils puissent bien se préparer, ils seront prêts plus vite. Il s'agit donc de savoir aussi quelles ressources on veut attribuer à ces procédures.

Souvent, les gens sont amenés à résister parce qu'ils ont l'impression de ne pas avoir pu vraiment s'exprimer. Ils pensent ne pas avoir de ressources suffisantes pour cela et même si vous les aidez, certains vont demander plus. Je pense que si vous avez un mécanisme convenable d'aide financière aux intervenants, des échéances raisonnables, des possibilités de critiquer les recherches et d'en mener soi-même, les évaluations peuvent quand même être faites efficacement et sans que l'environnement n'en souffre.

Le sénateur Banks : Est-ce que vos commissions provinciales vont aborder les sujets couverts par la Loi sur les espèces en péril et la Loi sur les pêches?

M. Selinger : Elles vont appliquer leurs critères propres, mais sans suivre précisément le régime législatif du gouvernement fédéral. Elles vont appliquer le régime provincial, et il y a quelques divergences d'approche. Elles évaluent l'impact environnemental total, mais sans nécessairement déterminer les effets sur des espèces particulières dans toutes les situations. Ce sont là certains des aspects à prendre en considération. Faut-il prendre un processus dans son entier et analyser chaque effet néfaste particulier ou bien considérer tous les effets dans leur ensemble et viser le juste équilibre entre la protection de l'environnement et les avantages d'un projet d'énergie propre?

Il s'agit donc de mettre en balance une préoccupation environnementale par rapport à une autre, sous l'angle du changement climatique et cetera, et déterminer où se situe l'intérêt de la société.

Le sénateur Brown : J'ai une très courte question. J'ai été heureux de vous entendre utiliser le mot « accéléré » car c'est exactement le point que je veux faire ressortir.

Je pense que des délais de 10 ans, ou même de quatre ans, pour des évaluations environnementales provinciales et fédérales sont beaucoup trop longs, qu'il faudrait pouvoir réaliser chacune en l'espace d'un ou deux ans. Les retards dans ce genre de projet, qu'il s'agisse d'énergie électrique ou d'une autre, coûtent des sommes faramineuses.

J'ai travaillé pour TransAlta pendant quatre ans et je sais qu'il leur faut 14 ans pour construire une centrale électrique. Il me semble que quelqu'un ne travaille pas assez fort.

M. Selinger : Lorsque je dis que nous devons prendre des décisions, je ne veux pas donner à entendre qu'il faut faire l'impasse sur les enjeux environnementaux. C'est pourquoi je mentionne l'aide financière aux intervenants. Tout le monde sait qu'un projet se réalise plus vite si vous lui consacrez des ressources suffisantes. Cela peut englober les évaluations environnementales. Si les groupes estiment qu'ils reçoivent une aide adéquate et qu'ils auront l'occasion de s'exprimer au cours de ce processus, ils peuvent faire valoir les arguments, lesquels pourront être soigneusement pesés, ensuite de quoi les décisions seront prises.

Il s'agit donc de trouver la bonne façon d'avancer, de préserver un bon environnement et de protéger les espèces en péril, tout en nous donnant l'énergie propre qui peut être un substitut à d'autres formes d'énergie ayant des effets plus négatifs.

Le sénateur Brown : Il n'est pas nécessaire d'étudier des animaux pendant 10 ans pour connaître leur habitat.

M. Selinger : Si les scientifiques disposent de fonds suffisants pour mener leurs études, je pense qu'ils pourront nous donner de meilleurs renseignements dans des délais plus courts.

Le sénateur Brown : On pourrait à tout le moins leur imposer une date buttoir.

Le président : Monsieur le premier ministre, cette séance d'une heure avec vous a été excellente. Vous avez été patient avec nous, disposé à répondre à nos questions et parlé avec franchise. Comme vous l'avez dit, vous voulez faire entendre le message. Il a été reçu cinq sur cinq. Vous êtes tout à fait sur la même longueur d'onde que nous. Ce fut un merveilleux après-midi.

(La séance est levée.)


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