Délibérations du Comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles
Fascicule 37 - Témoignages du 14 février 2013
OTTAWA, le jeudi 14 février 2013
Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 8 h 2, pour étudier l'état actuel de la sécurité du transport en vrac des hydrocarbures au Canada.
Le sénateur Richard Neufeld (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Je m'appelle Richard Neufeld. Je représente la Colombie-Britannique au Sénat et je suis président de ce comité. Bienvenue aux honorables sénateurs, aux gens dans la salle et aux téléspectateurs partout au pays. Le sénateur Grant Mitchell est vice-président du comité. Je demanderais aux sénateurs de se présenter.
[Français]
La sénatrice Ringuette : Je suis Pierrette Ringuette, du Nouveau-Brunswick.
Le sénateur Massicotte : Je suis Paul Massicotte, de Montréal, Québec.
[Traduction]
Le sénateur Brown : Bert Brown, de l'Alberta.
Le sénateur Lang : Dan Lang, du Yukon.
Le sénateur Wallace : John Wallace, du Nouveau-Brunswick.
La sénatrice Seidman : Judith Seidman, de Montréal, au Québec.
Le président : Merci. Le personnel est composé de la greffière Lynn Gordon et des analystes de la Bibliothèque du Parlement Marc Leblanc et Sam Banks.
Le 28 novembre 2012, le Sénat a autorisé notre comité à entamer une étude sur le transport sécuritaire des hydrocarbures au Canada. L'étude examine et compare les régimes réglementaires au pays et à l'étranger, les normes et les meilleures pratiques liées au transport sécuritaire des hydrocarbures par pipeline, par pétrolier et par train. Nous avons tenu cinq séances jusqu'ici pour cette étude.
Pour la première partie de la séance d'aujourd'hui, nous accueillons par vidéoconférence Kent Campbell, sous- ministre; Ed Dancsok, sous-ministre adjoint; Todd Han, directeur, Exploitation pétrolière, ministère de l'Économie, gouvernement de la Saskatchewan.
Je crois qu'un témoin va nous présenter un exposé, dont nous avons reçu copie. Nous allons ensuite passer aux questions et réponses.
Kent Campbell, sous-ministre, ministère de l'Économie, gouvernement de la Saskatchewan : Merci, monsieur le sénateur Neufeld.
Au nom du gouvernement de la Saskatchewan, nous sommes heureux d'accepter votre invitation à comparaître devant votre comité permanent pour donner notre point de vue sur la sécurité du transport des hydrocarbures au Canada.
Je suis sous-ministre au ministère de l'Économie de la Saskatchewan. Comme vous l'avez indiqué, je suis accompagné d'Ed Dancsok et de Todd Han.
Le ministère de l'Économie réglemente tous les oléoducs et gazoducs en Saskatchewan. On dénombre plus de 1 800 pipelines autorisés, qui couvrent 23 800 kilomètres. Nous sommes aussi responsables de plus de 68 000 conduites d'amenée qui se raccordent aux pipelines. Les conduites de distribution du gaz naturel sont réglementées par SaskEnergy, une société d'État provinciale offrant des services publics. L'Office national de l'énergie régit les pipelines interprovinciaux et internationaux qui traversent la Saskatchewan, ainsi que les conduites sur les terres des Premières nations, dans les parcs nationaux et sur d'autres terres fédérales.
La Saskatchewan dispose d'un cadre de réglementation bien établi et efficace qui constitue le berceau de la gestion du cycle de vie complet de l'infrastructure des pipelines. Ce cadre est appuyé par des agents sur place, des systèmes de gestion et une infrastructure de service d'intervention en cas d'urgence et d'incident.
La Saskatchewan applique également un rigoureux processus d'examen des évaluations environnementales. Notre loi sur l'évaluation environnementale et les procédures connexes régies par le ministère de l'Environnement favorisent un examen coordonné des questions environnementales liées aux projets d'exploitation des pipelines.
L'évaluation environnementale garantit que le développement économique se fait seulement lorsque les protections environnementales adéquates sont en place et favorise la consultation et la participation du public.
Les lois et règlements de la Saskatchewan exigent que tous les pipelines soient autorisés par une licence. Ainsi, tous les pipelines sont conçus, construits, exploités, entretenus et mis hors service conformément au plus récent code de l'Association canadienne de normalisation, CSA Z662.
Pour maintenir le système de gestion de l'intégrité, le titulaire de la licence doit exécuter des inspections fréquentes de ses emprises. Il peut le faire par reconnaissance aérienne ou vérification au sol, en marchant le long du pipeline ou en prélevant des échantillons de sol pour détecter les fuites ou tout problème éventuel. Les exploitants de pipelines doivent aussi surveiller de près les chutes de pression à l'aide de systèmes de mesure de la pression à distance pour détecter instantanément les fuites et procéder à une interruption automatique.
En outre, les exploitants de pipelines doivent effectuer des inspections internes périodiques avec des outils de haute résolution pour détecter la corrosion, les fissures et les bosses et déterminer l'emplacement à l'intérieur du tuyau.
Le ministère de l'Économie dispose également de ses propres inspecteurs sur le terrain répartis dans quatre bureaux régionaux en Saskatchewan. Ces inspecteurs mènent des inspections et des vérifications et appliquent la loi concernant les exploitants et l'infrastructure. Nos lois et règlements bien établis prévoient la planification et la gestion efficaces des mesures d'intervention en cas d'urgence, la prévention des déversements, l'intervention en cas de déversement et d'incident, la déclaration des déversements et la réhabilitation du site après un déversement. En outre, le gouvernement de la Saskatchewan a conclu un partenariat avec le secteur pétrolier et gazier pour mettre sur pied six coopératives sans but lucratif. Ces dernières ont créé des associations d'intervention en cas de déversement, qui sont composées de bénévoles très bien formés qui sont les premiers intervenants en cas de déversement.
Leur intervention est intégrée à celle des autres partenaires, comme les services d'incendie, la GRC et les services ambulanciers, ainsi que les ministères de l'Économie et de l'Environnement. La combinaison d'un examen approfondi des licences et un système d'approbation, appuyé par des inspections et l'application de la loi sur place, offre un niveau de confiance très élevé pour garantir l'exploitation sécuritaire de l'infrastructure des pipelines.
Si l'on compare la réglementation du Canada et celle des États-Unis en matière de pipelines, nous sommes conscients que les pipelines qui traversent la frontière avec les États-Unis sont visés par des régimes distincts, qui reposent sur des exigences et des approches différentes. Les écarts au chapitre de la réglementation des pipelines comprennent des différences matérielles, notamment sur le plan des intervalles d'espacement des soupapes, des profondeurs d'enfouissement et des procédures de soudage. Par exemple, les États-Unis exigent une limite élastique minimale de 72 p. 100 pour les pipelines, tandis que le Canada établit cette limite à 80 p. 100. Autrement dit, l'épaisseur des parois des pipelines internationaux augmente à l'entrée aux États-Unis. Certains peuvent estimer que ces différences sont négligeables; d'autres peuvent y voir des différences importantes. Toutefois, ces différences influent sur la microgestion de la construction et de l'exploitation des pipelines.
Nous aimerions que les États-Unis et le Canada harmonisent les normes réglementaires sur les pipelines, tout en maintenant les procédures liées à l'environnement et à la sécurité et en respectant nos besoins communs sur le plan de l'économie et de l'énergie. Pour devenir un des principaux producteurs mondiaux de pétrole, l'Ouest du Canada doit améliorer sa capacité de transport pour atteindre trois marchés essentiels, l'Asie, la côte du golfe du Mexique aux États-Unis, l'Est du Canada et la côte Est des États-Unis. Toutefois, ce potentiel ne sera exploité que si le fédéral et les provinces appliquent une stratégie harmonisée pour faire progresser l'exploitation des pipelines et garantir que les hydrocarbures sont livrés aux marchés essentiels de manière sûre, efficace et respectueuse de l'environnement.
Le gouvernement de la Saskatchewan est convaincu que les pipelines représentent un mode sûr et rentable de transporter des hydrocarbures vers les marchés. Les pipelines sont conçus pour livrer de grandes quantités de produits de manière écoénergétique, par rapport aux autres modes de transport.
Monsieur le président, c'était un survol de notre réglementation sur les pipelines en Saskatchewan. Nous sommes prêts à répondre à vos questions.
Le président : Merci beaucoup, monsieur Campbell. Nous allons amorcer les séries de questions.
Le sénateur Mitchell : Merci beaucoup, messieurs. Les normes différentes aux États-Unis et au Canada m'intéressent beaucoup. Pouvez-vous nous dire pourquoi les pipelines aux États-Unis ont des parois plus épaisses qu'ici? Les pipelines sont-ils plus sécuritaires si leurs parois sont plus épaisses?
Je vais sans doute poser des questions complémentaires, monsieur Campbell.
Todd Han, directeur, Exploitation du pétrole, ministère de l'Économie, gouvernement de la Saskatchewan : Je ne peux pas expliquer ces deux épaisseurs différentes autrement que par nos approches réglementaires distinctes.
La sécurité est ce qui compte avant tout. Nous ne croyons pas qu'une paroi plus épaisse présente un avantage. Dans la plupart des cas, l'entretien des pipelines pour leur exploitation sécuritaire concerne un certain nombre d'aspects autres que l'épaisseur de la paroi. Les pipelines doivent avoir les mastics ou les revêtements adéquats, et les protections par courant imposé doivent être en place. Il faut effectuer des inspections rigoureuses et très fréquentes pour prévenir la corrosion. Il n'y a pas qu'un seul facteur à prendre en considération.
Le niveau de sécurité de l'exploitation des pipelines au Canada équivaut à celui aux États-Unis.
Le sénateur Mitchell : Les études ou les données présentent-elles des différences entre les deux pays quant au nombre de déversements?
M. Han : Des études ont été menées au Canada. En Saskatchewan, nous avons des données assez exhaustives sur les déversements. Mais je n'ai pas de statistiques sur les bris de pipelines aux États-Unis.
Le sénateur Mitchell : Concernant la norme CSA Z662, comment faites-vous pour présenter des idées, parler des nouvelles technologies et soumettre des conclusions? Existe-t-il une structure ou un réseau de comités mixtes? Comment vous y prenez-vous?
Ed Dancsok, sous-ministre adjoint, ministère de l'Économie, gouvernement de la Saskatchewan : Oui, nous siégeons au comité interprovincial établi par l'Association canadienne de normalisation. Le comité se réunit deux fois par année pour discuter des questions d'intérêt commun, examiner les technologies changeantes et les caractéristiques des pipelines et s'entendre sur l'approche uniformisée à adopter dans la réglementation.
Le sénateur Mitchell : Merci. Je poserai d'autres questions durant la deuxième série.
Le président : Merci. Je n'ai qu'une question. Quelle est la différence entre l'épaisseur des parois des pipelines? Votre mémoire indique 72 p. 100 par rapport à 80 p. 100. À quoi renvoient ces pourcentages?
M. Han : C'est un exemple pour montrer la différence, pas une comparaison technique. C'est seulement un des exemples comparatifs que nous avons fournis. Mais pour ce qui est des différences exactes, sauf la limite élastique minimale, voulez-vous connaître un pourcentage précis? Quelle différence voulez-vous connaître au juste?
Le président : Je pense que c'est ce que nous voulons savoir. Quelle est la différence exacte? Un ingénieur comprend peut-être ces chiffres de 72 et de 80 p. 100, mais nous voulons savoir s'il est seulement question de la solidité du pipeline. S'agit-il de l'épaisseur des parois? Vous voyez ce qui se produit tout de suite; on s'imagine que c'est l'épaisseur. Mais ce n'est peut-être même pas ça; c'est peut-être la résistance à la rupture.
Je vous serais reconnaissant de nous fournir cette information. Veuillez l'envoyer à la greffière, s'il vous plaît.
M. Han : D'accord.
Le sénateur Lang : Je veux poursuivre dans la même veine, car vous devez respecter les normes qui s'appliquent au Canada. L'épaisseur de paroi est-elle la même partout au Canada, en Colombie-Britannique, en Alberta ou en Saskatchewan, concernant la différence entre les épaisseurs de 72 et de 80 p. 100?
M. Han : Les pipelines sont régis par l'ONE partout au Canada. Un pipeline situé seulement en Saskatchewan devrait aussi répondre aux exigences liées à la norme CSA Z662.
Le sénateur Lang : Vous avez dit que vous voulez travailler avec les États-Unis afin d'harmoniser les exigences réglementaires générales pour les pipelines. Avez-vous demandé à l'Office national de l'énergie de travailler à cette fin, ou voulez-vous que ce soit la CSA qui travaille avec les Américains afin d'établir un processus réglementaire commun et rationalisé pour les deux pays?
M. Han : Oui, nous demandons à l'ONE d'entreprendre ce travail. Cependant, nous sommes aussi conscients que la CSA collabore avec les associations de normalisation à l'étranger et aux États-Unis pour harmoniser les normes. Même si les règlements contiennent de petites différences techniques, les grands objectifs de rendement sont les mêmes. Nous cherchons tous à atteindre des normes élevées en matière de sécurité et de gestion durable de l'environnement pour les pipelines.
Le sénateur Lang : Je vais parler d'un autre aspect, monsieur le président, le transport du pétrole par pipeline ou par train. On discute de plus en plus sur la place publique de l'utilisation du train et peut-être même de son utilisation accrue pour le transport du pétrole, au lieu des pipelines.
Quel est le moyen de transport privilégié par le gouvernement de la Saskatchewan, le train ou les pipelines? Quelle est selon vous la méthode la plus sécuritaire et la plus efficiente si vous deviez faire un choix?
M. Han : Nous croyons que ce sont deux options valables. Sans faire de comparaison sur la sécurité, je dirais que le train nous permet d'utiliser du pétrole qui n'est pas facilement accessible par pipeline jusqu'à maintenant. Le train est un moyen de transport valable pour expédier le pétrole en dehors de la Saskatchewan. Les pipelines sont notre méthode la plus efficiente d'acheminer de grands volumes de pétrole et de gaz à l'extérieur de la province.
M. Campbell : Tout bien considéré, nous estimons que les pipelines constituent la méthode la plus efficace, la plus efficiente et la plus sécuritaire de transporter le pétrole.
La sénatrice Ringuette : Vous avez dit que votre législation et votre réglementation prévoient la mise hors service des pipelines. Des sections de pipeline ont-elles été mises hors service dans votre province? Le cas échéant, quel est le processus? Est-il question du démontage des pipelines, et cetera.? Nous devons aussi comprendre le processus.
M. Han : Nous avons un processus normalisé de mise hors service. Avant la désaffectation et la mise hors service, les pipelines sont nettoyés pour qu'il ne reste aucun résidu ou contaminant. Les gens parlent du raclage. Nous nettoyons le pipeline de nouveau et nous effectuons un test hydrostatique pour être certains qu'il n'y a pas de piqûres ou d'autres marques d'abrasion qui auraient entraîné de petites fuites dans le sol. Si nous constatons une petite fuite ou un autre problème, l'entreprise doit excaver la zone pour garantir qu'il n'y a pas de contamination. S'il y en a, elle doit extraire les contaminants du sol.
Plusieurs méthodes permettent de terminer la mise hors service. On peut remplir le pipeline d'un liquide inoffensif pour l'environnement afin d'empêcher la corrosion. Nous scellons ensuite les deux extrémités du pipeline, que nous laissons en place pour le réutiliser plus tard au besoin. Si nécessaire, le pipeline sera retiré, mais c'est plus rare. La plupart du temps, nous injectons un inhibiteur de corrosion inoffensif et nous scellons les deux extrémités.
La sénatrice Ringuette : Vous dites que vous avez de l'expérience avec le processus d'abandon. Est-ce durant les cinq dernières années?
M. Han : Oui.
M. Dancsok : Oh oui.
M. Han : Vous devez comprendre que nous avons aussi de très petites canalisations qui sont reliées aux puits et des petits parcs de réservoirs; nous abandonnons donc un grand nombre de canalisations, mais leur diamètre est très petit. Il ne s'agit pas des gros pipelines dont s'occupe l'ONE.
La sénatrice Ringuette : Je présume que vous exercez la surveillance de ce processus, et que le gouvernement de la Saskatchewan n'assume pas le coût du processus d'abandon que vous venez juste de décrire.
M. Han : C'est exact. Un grand nombre de canalisations abandonnées en Saskatchewan sont reliées à des emplacements de puits. Habituellement, la canalisation est abandonnée lorsque le puits est bouché. Vous avez raison de dire que nous exerçons la surveillance pour le gouvernement. Toutefois, il nous arrive d'intervenir. Nous avons un programme complet de gestion des obligations pour les puits, les parcs de réservoirs et les conduites d'écoulement qui les relient, ou des pipelines de petit diamètre. Si la société fait faillite ou ne peut pas s'occuper du problème, nous intervenons par l'entremise de ce programme d'obligations envers les puits abandonnés, qui impose un prélèvement aux sociétés. Nous utilisons cet argent pour abandonner et décontaminer les sites. Les coûts associés au nettoyage ne sont jamais payés avec les deniers publics.
La sénatrice Ringuette : J'aimerais obtenir des éclaircissements : le prélèvement dont vous parlez est-il perçu pendant les activités d'exploitation et l'argent sert-il de réserve?
M. Han : Le programme a deux volets. Tout d'abord, nous évaluons la société — et lorsque je dis « société », il ne s'agit pas de la société propriétaire du pipeline. Il s'agit du producteur de pétrole et de gaz, qui n'est pas la société propriétaire du pipeline. Les producteurs ont leurs canalisations, et on les appelle des conduites d'écoulement.
Chaque mois, nous mesurons les actifs et les obligations du producteur selon la quantité de pétrole ou de gaz qu'il produit. Le calcul des obligations se fonde sur le coût de l'assainissement environnemental de l'emplacement du puits, de la conduite d'écoulement ou du parc de réservoirs, ou sur le coût d'abandon de ces installations. Lorsque l'actif est moins élevé que le coût des obligations, nous exigeons un dépôt auprès de la société pour combler l'écart, afin que leurs obligations soient toujours garanties. Elles le seront par le dépôt.
Nous reconnaissons que parfois, des sociétés font soudainement faillite et le montant du dépôt est insuffisant. La société peut également avoir fait faillite avant que ce programme soit lancé en 2007. C'est pourquoi nous avons aussi le pouvoir d'imposer un prélèvement à toutes les sociétés de la province, qu'elles lui appartiennent ou non. Le prélèvement est imposé également à toutes les sociétés selon l'ensemble de leurs obligations. Si nous recensons un certain nombre d'emplacements abandonnés qui doivent être assainis, nous imposons un prélèvement sur cette somme et les sociétés paient selon l'ensemble de leurs obligations.
La sénatrice Seidman : J'aimerais poser une question plus systémique. Monsieur Campbell, dans votre exposé, vous avez dit que le gouvernement de la Saskatchewan avait établi un partenariat avec l'industrie pétrolière et gazière en vue de fonder six coopératives à but non lucratif. Vous avez laissé entendre qu'elles étaient importantes pour la gestion de la sécurité et des interventions. Pouvez-vous nous décrire le fonctionnement et le rôle de ces coopératives?
M. Han : Les coopératives d'intervention en cas de déversement sont mandatées par notre mécanisme d'octroi de permis. Elles perçoivent des droits auprès de toutes les sociétés pétrolières et gazières qui présentent un risque de déversement si elles sont propriétaires d'un pipeline, d'un puits ou d'un parc de réservoirs. Avec cet argent, les coopératives achètent l'équipement nécessaire et le centralisent dans une unité mobile qui sera mise à la disposition de tous les producteurs. Étant donné qu'il y a plus de 500 producteurs, et qu'à tout moment il peut y avoir jusqu'à 60 000 puits en activité, il ne serait pas logique d'exiger que chaque producteur individuel possède assez d'équipement pour intervenir en cas de déversement partout dans la province. Il est préférable d'avoir un système centralisé par l'entremise de ces coopératives et de rendre disponible tout l'équipement que les petits producteurs ne peuvent pas acheter. Les coopératives fournissent l'équipement en cas de déversement.
Les coopératives d'intervention en cas de déversement offrent aussi une formation annuelle à tous les producteurs dans leur région géographique. Il y a des exercices en classe et des exercices pratiques. Sur les sites près de rivières ou d'autres cours d'eau, on pratique d'autres exercices d'hiver en cas de déversement dans l'eau.
Tous les producteurs doivent être membres des coopératives d'intervention en cas de déversement et sont tenus de participer à tous les exercices de déversement, car nous croyons que la formation en cas de déversement est une partie très importante de l'utilisation sécuritaire des pipelines.
Les coopératives d'intervention en cas de déversement ont un autre volet. En effet, il arrive qu'un producteur ne puisse pas se rendre sur le site d'un seul puits d'une région isolée. Dans ce cas, des bénévoles des coopératives agiront en leur nom. Ces bénévoles facturent ensuite ces sociétés pour qu'elles remboursent les coûts associés aux mesures prises pour résoudre le problème.
La sénatrice Seidman : Je comprends l'importance de la formation en intervention en cas de déversement. Dans votre exposé, vous avez parlé de membres bénévoles très bien formés qui sont les premiers intervenants lors d'un déversement. Sont-ils vraiment des bénévoles?
M. Han : Les premiers intervenants ne sont pas des bénévoles. Les bénévoles sont des gens qui font partie de la coopérative d'intervention en cas de déversement et qui sont seulement bénévoles si l'autre membre n'est pas disponible ou qu'il n'a pas assez d'employés pour régler le problème. C'est ce que nous voulons dire par bénévole. Chaque société est responsable de ses propres déversements et de sa propre formation par l'entremise de notre coopérative d'intervention en cas de déversement, mais si ces gens ne sont pas en mesure d'intervenir, comme c'est parfois le cas, la coopérative enverra un bénévole qui s'occupera du déversement.
Nous ne laisserons pas un déversement se produire sans intervenir, car les heures qui suivent le début du déversement sont cruciales lorsqu'il s'agit de l'endiguer et de ramasser le matériel.
La sénatrice Seidman : La coopérative possède-t-elle l'équipement?
M. Han : Oui, la coopérative d'intervention en cas de déversement possède l'équipement nécessaire. C'est un organisme à but non lucratif. Le conseil dirige l'association et les membres paient les frais.
La sénatrice Seidman : Vous avez aussi mentionné que l'intervention est intégrée à celle d'autres partenaires, par exemple les services d'incendie, la GRC et les services ambulanciers. Comment l'intégration fonctionne-t-elle?
M. Han : Il y a deux façons. Les OGU — les services ambulanciers, les services d'incendie et la GRC — sont intégrés à nos exercices de formation, mais aussi au manuel de formation, qui contient les exigences logistiques, c'est-à-dire des détails comme les points de mise à l'eau des bateaux et la distance sécuritaire à laquelle les intervenants des services d'incendie devraient se tenir d'un feu, car tout cela est écrit en conjonction avec les organismes d'intervention en cas d'urgence. Les organismes d'intervention en cas d'urgence font partie du conseil de la coopérative au même titre que nos employés pour veiller à établir des communications fréquentes et pour veiller à l'intégration des procédures.
Le sénateur Wallace : Monsieur Campbell, d'après ce que je comprends, en 2012, la vérificatrice provinciale de la Saskatchewan a procédé à une vérification du réseau de pipelines de la province, et en particulier, a examiné la capacité du gouvernement provincial de surveiller et de réglementer le réseau. Que pouvez-vous nous dire au sujet des conclusions auxquelles est parvenue la vérificatrice?
M. Dancsok : La vérificatrice a formulé plusieurs recommandations au sujet des améliorations qui pourraient être apportées à notre surveillance de la réglementation. Plusieurs de ces règlements concernaient une meilleure documentation du processus d'approbation, des inspections initiales des canalisations et de l'examen de ces canalisations avant qu'elles soient mises en service. Il y avait aussi d'autres recommandations.
Actuellement, en Saskatchewan, le processus d'octroi de permis vise les canalisations de transport majeures qui traversent la province. Toutefois, les conduites d'écoulement de plus petit diamètre, qui se comptent par milliers, mais qui sont très courtes et qui ne transportent pas une grande quantité de produits, ne sont pas visées par le processus. Cela dit, les normes de la CSA s'appliquent à ces conduites d'écoulement. Toutefois, la vérificatrice a recommandé que la loi exige que ces petites conduites d'écoulement soient aussi visées par un permis. Ce sont les grandes lignes de ces recommandations.
Le sénateur Wallace : La vérificatrice a-t-elle parlé de l'efficacité des interventions en cas de déversement et des taux de récupération des hydrocarbures? A-t-elle mentionné cela dans le rapport?
M. Dancsok : Je me souviens que la vérificatrice tenait à ce qu'un processus approprié d'intervention en cas de déversement soit en place. Je ne me souviens pas d'avoir lu quelque chose au sujet du volume des déversements.
M. Han : Selon nos statistiques, les pipelines de gros diamètre ne produisent pas souvent de gros déversements. Toutefois, le volume des déversements qui se produisent pourrait certainement être considérable, car ce sont des canalisations de gros diamètre sous haute pression. Toutefois, je ne peux pas dire que la fréquence des déversements est peu élevée en ce qui concerne les canalisations de petit diamètre, mais le volume de produit déversé est assez restreint.
En général, le taux de récupération d'un déversement est mesuré très précisément chaque année et ensuite affiché sur notre site web. Le taux de récupération des hydrocarbures et des fluides est assez élevé en Saskatchewan. Il est habituellement d'environ 70 p. 100 ou plus élevé.
M. Dancsok : Ce que la vérificatrice cherchait à savoir, c'est si nos lois nous obligeaient à vérifier que les exploitants de pipelines avaient nettoyé les sites contaminés à un niveau acceptable.
Le sénateur Wallace : Monsieur Campbell, votre commentaire m'a intéressé, et je pense que nous savons tous que si nous voulons que le Canada atteigne son plein potentiel de producteur pétrolier à l'échelle mondiale, il reste des étapes à franchir pour mettre le produit sur le marché; il faudra d'autres pipelines et peut-être d'autres moyens pour y arriver. Vous avez parlé de trois régions essentielles du marché : l'Asie, la partie américaine de la côte du golfe du Mexique, et l'est du Canada et le littoral Est. Je viens du Nouveau-Brunswick, et je sais qu'il est important de transporter le pétrole brut de l'Alberta, de l'Ouest et de la Saskatchewan jusqu'à la côte Est. Comme vous le savez probablement déjà, la plus grande raffinerie du pays est située à Saint John; elle a accès aux marchés de l'exportation le long de la côte américaine, et de là, aux marchés étrangers.
Quel est le point de vue de la Saskatchewan sur l'importance d'étendre le réseau de pipelines existant et, en particulier, que pensez-vous du projet d'étendre une canalisation jusqu'à la côte Est du Canada?
M. Campbell : Nous pensons certainement qu'il faut une infrastructure jusqu'à ces trois endroits. La canalisation jusqu'à la côte Est offre quelques avantages. En ce moment, le prix de notre pétrole est beaucoup plus bas que le prix du WTI. Les prix du WTI sont moins élevés que ceux payés par les raffineries de l'Est; il y a donc un avantage commun. Nous appuyons les initiatives comme celles de TransCanada qui visent à utiliser ce pipeline pour le transport du pétrole au lieu du gaz.
Une grande partie du pétrole viendra de l'Ouest du Canada, surtout des sables bitumineux de l'Alberta; nous pensons donc qu'il faut mettre en place l'infrastructure nécessaire jusqu'à la côte du golfe du Mexique. C'est important, car il y a un grand nombre de raffineries de pétrole excédentaires qui ont la capacité nécessaire là-bas. Elles existent déjà et il s'agit donc d'un important projet. Une fois qu'on se rend sur la côte du golfe du Mexique, on a accès aux marchés mondiaux.
Il est également très important d'avoir accès à la côte Ouest, car la croissance des marchés du pétrole sera dominée par l'Asie. En effet, la demande nord-américaine est à la baisse. De plus, on prévoit que les États-Unis deviendront un jour autosuffisants en ce qui concerne le pétrole, ou le seront presque — je ne sais pas s'ils le deviendront vraiment, mais leur production augmentera certainement beaucoup. C'est pourquoi l'accès aux marchés internationaux est très important et que l'accès au marché asiatique est essentiel. Je pense donc que nous devons avoir accès aux trois endroits.
Le sénateur Wallace : Il est intéressant que vous ayez souligné l'importance de la partie américaine de la côte du golfe du Mexique, car nous en sommes bien conscients. Il y a également différentes façons d'avoir accès à ce marché. Par exemple, une canalisation pourrait se rendre à la côte Est du Canada et ensuite, le pétrole brut pourrait être transporté par pétrolier jusqu'à la partie américaine de la côte du golfe du Mexique et aux marchés d'exportation. Il y a différentes solutions, mais c'est ce qui est dans l'intérêt du Canada, et je suis donc heureux d'entendre vos commentaires.
M. Campbell : Absolument; je suis tout à fait d'accord avec vous.
Le sénateur Brown : Ce qui m'intéresse, ce sont les 68 000 canalisations que vous possédez. J'imagine que ce sont celles dont le chevalet de pompage amène le pétrole aux réservoirs. Est-ce exact?
M. Dancsok : C'est exact.
Le sénateur Brown : Les appareils de forage américains avaient de 50 à 60 ans. Presque tous les appareils de forage qui ont servi à forer vos puits étaient des appareils américains, n'est-ce pas?
M. Han : Peut-être dans les années 1950 et 1960, mais de nos jours, on se sert certainement d'appareils de forage canadiens pour forer la plupart de nos puits.
M. Dancsok : Le Canada a actuellement un parc de 800 appareils de forage en activité, surtout dans l'Ouest du Canada.
Le sénateur Brown : J'essayais seulement d'en arriver au fait que les gens discutent des différentes épaisseurs de pipelines, et cetera. Les Américains, évidemment, ont travaillé avec les pouces et les fractions de pouces en ce qui concerne tous les chevalets de pompage de puits dont vous avez parlé. À mon avis, la différence, c'est que la plupart des Canadiens sont passés aux millimètres. Cela pourrait être la réponse à la question concernant la différence entre les débits dans les canalisations et l'épaisseur.
M. Han : Je crois que c'est extrêmement plausible, car nous avons eu quelques exemples concrets en Saskatchewan et en Alberta; en Alberta, la distance précise du puits au réservoir est de 50 mètres et en Saskatchewan, cette distance est de 45 mètres depuis des décennies. Lorsque j'ai demandé aux ingénieurs responsables de m'expliquer la raison de cette différence, ils m'ont répondu que la Saskatchewan avait obtenu son calculateur quelques années avant l'Alberta, et que la province avait donc été en mesure de faire des calculs plus précis que l'Alberta. C'est pourquoi la distance est 45 mètres là-bas.
Je crois donc que votre réponse pourrait être très plausible.
Le sénateur Brown : Oui. Merci.
Le président : Merci. Nous allons vérifier cela.
Le sénateur Massicotte : Merci d'être ici aujourd'hui.
Nous disons tous que nous sommes surpris que l'épaisseur soit différente, et vous avez dit que nous devrions coordonner nos efforts avec les Américains. Les Américains, étant ce qu'ils sont, se concentrent plutôt sur leurs propres besoins. Pourquoi n'ajustons-nous pas simplement nos besoins aux leurs? Quelle en serait la conséquence? Les coûts seront-ils plus élevés? Pourquoi y a-t-il un débat? Pourquoi ne pas seulement nous conformer à eux?
M. Han : Je crois que l'industrie canadienne a des caractéristiques qui sont éminemment récupérables, et il ne s'agit pas seulement des éléments techniques. À notre avis, il y a aussi le processus de formation et les coopératives d'intervention en cas de déversement, qui n'existent pas seulement en Saskatchewan. En effet, l'Alberta, la Colombie- Britannique et le Manitoba ont aussi des processus complets de coopérative d'intervention en cas de déversement.
Nous voulons veiller à ce que ces institutions et ces processus bien établis soient récupérés, car nous croyons que l'exploitation de pipelines n'est pas seulement une question d'écrous et de vis. Il y a un facteur humain important. Le Canada a réussi à faire en sorte que ce facteur humain soit ajusté dans cette partie des activités.
M. Campbell : Nous nous attendons certainement à ce que les citoyens canadiens et américains aient des attentes similaires au sujet de la performance environnementale et de la sécurité. Je crois que vous avez un bon point, c'est-à- dire qu'il ne devrait pas être difficile d'établir une norme adéquate, que ce soit la nôtre ou la leur, et que nous devrions tout simplement la mettre en œuvre. Je crois que nous devrions déployer des efforts en ce sens.
Le sénateur Patterson : Je voudrais revenir au rapport de 2012 du vérificateur général provincial. Je suis peut-être naïf, mais dans son rapport de mai 2012, le vérificateur provincial a examiné la capacité du ministère de l'Énergie et des Ressources d'évaluer le respect des lois et règlements régissant la sécurité des pipelines. Vous travaillez au ministère de l'Économie. Pouvez-vous me fournir une explication?
M. Campbell : Certainement. Le gouvernement de la Saskatchewan a procédé à une restructuration en mai 2012. Il y a notamment un nouveau ministère, celui de l'Économie. Pour créer ce nouveau superministère, on a amalgamé l'ancien ministère de l'Énergie et des Ressources, Enterprise Saskatchewan, l'organisme économique du gouvernement, et les parties du ministère de l'Éducation supérieure responsable du marché du travail. On faisait valoir que le secteur des ressources semblait favoriser la croissance en Saskatchewan. Dans toute la mesure du possible, il fallait donc adapter nos programmes de développement économique en fonction de cette croissance. De plus, quel que soit le secteur d'activité, le manque de main-d'œuvre, qualifiée notamment, constitue le principal obstacle à la croissance et au développement en Saskatchewan. Combiner ces trois aspects contribuera vraiment à alimenter la croissance.
Le ministère de l'Énergie et des Ressources compte deux principales directions générales : celle du pétrole et du gaz naturel ainsi que celle des politiques en matière d'extraction minière, d'aménagement des terres et de ressources. Sans subir aucune modification, ces deux directions générales sont passées du ministère de l'Énergie et des Ressources à celui de l'Économie.
Le sénateur Patterson : Tout s'explique. Merci.
Plusieurs recommandations figurent dans le rapport du vérificateur provincial, sur lequel mon collègue, le sénateur Wallace, vous a posé des questions. Je me demande si le gouvernement a donné suite par écrit, je suppose, à ces recommandations. Pouvez-vous nous en faire part?
M. Campbell : Certainement.
Nous avons fourni une réponse initiale. Nous avons pris plusieurs mesures pour donner suite aux recommandations. Certaines font encore l'objet d'une évaluation, notamment celle sur l'octroi de licence pour les conduites d'amenée. Les conduites d'amenée relèvent des lois et des règlements de la Saskatchewan. Nous nous demandons comment accorder correctement ces licences tout en exerçant une surveillance pertinente.
Nous nous penchons encore sur certaines des recommandations les plus complexes pour déterminer les mesures à prendre. Cependant, nous avons donné suite à plusieurs d'entre elles.
Nous pourrons vous faire parvenir ces renseignements.
Le sénateur Patterson : Voici une question d'ordre un peu technique. Je crois comprendre que, en vertu du Règlement sur les pipelines de 2000, il faut élaborer un manuel d'intervention d'urgence. Cependant, ni ce règlement ni la Loi sur les pipelines de 1998 ne semblent exiger que les exploitants élaborent des plans d'intervention d'urgence ou des plans d'intervention en cas de déversement.
Pourriez-vous nous dire aujourd'hui ou ultérieurement s'il existe une distinction entre un manuel d'intervention d'urgence et un plan d'intervention d'urgence. De plus, comment vérifiez-vous le respect de ces exigences?
M. Han : Il n'y a aucune distinction entre un plan et un manuel d'intervention d'urgence. Deux termes différents ont été utilisés parce que la Loi sur les pipelines a été rédigée beaucoup plus tôt. Depuis, on utilise couramment « plan d'intervention d'urgence ». Cependant, les deux termes ont le même sens.
Nous exigeons que chaque entreprise nous fournisse le plan d'intervention d'urgence pour l'ensemble de leurs activités. Le plan est subdivisé en fonction des différents secteurs d'activités de l'entreprise. Il faut préciser les mesures détaillées qui seront prises notamment en cas de déversement de pipeline, de déversement de puits ou d'éruption. Nous versons les formulaires imprimés remplis dans un dossier. Certaines entreprises se servent de moyens électroniques et nous font parvenir un CD.
Ces formulaires sont enregistrés à deux endroits : à l'administration centrale et à l'administration régionale. C'est cette dernière qui habituellement intervient en cas d'urgence. Elle doit donc être en possession du plan.
Le président : Je me demande si je peux poser quelques questions avant de passer à la deuxième série.
Quelle est la quantité de pétrole produit en Saskatchewan qui est transportée par rail et quelle est celle qui est acheminée par pipeline?
M. Dancsok : Ça augmente. Nous vérifions tous les mois. La dernière fois, ce fut en décembre 2012. Environ 12 p. 100 du pétrole de la Saskatchewan étaient transportés par rail, soit approximativement 53 000 barils par jour sur un total d'environ 470 000 barils.
Le président : Ce pétrole est-il extrait du Sud-Est ou du Sud-Ouest de la Saskatchewan? Est-il acheminé vers les marchés américains?
M. Dancsok : Chose étonnante, le transport du pétrole par rail ne se fait pas que dans le Sud-Est. Certaines régions produisant du pétrole lourd sont maintenant dotées d'installations de chargement ferroviaire. C'est notamment le cas dans le Centre-Ouest de la province. Je pense qu'on compte neuf ou dix installations de ce genre dans le Sud-Est ainsi que dans le Centre-Ouest, où l'on extrait le pétrole lourd. Tout ce pétrole est transporté aux États-Unis, cependant.
Le président : Que vous transportiez le pétrole par rail ou par pipeline, les États-Unis constituent-ils votre principal débouché ou est-ce une raffinerie au Canada?
M. Dancsok : De 65 à 70 p. 100 de notre pétrole sont exportés aux États-Unis, et le reste demeure en Saskatchewan.
Le président : Lorsqu'ils ont comparu, les représentants de l'Office national de l'énergie ont indiqué avoir un dossier sur les ruptures ou les fuites de pipeline notamment. La Saskatchewan fait-elle la même chose?
M. Han : Oui. Nous affichons également tous ces incidents sur le site web afin que le public en soit au courant et sache quelles en sont les causes.
Le président : Notre personnel peut consulter le site web et nous obtenir les renseignements nécessaires, ce qui répondra peut-être à certaines de mes questions. Merci.
Sur ce, je demanderai au sénateur Mitchell d'entamer la deuxième série de questions.
Le sénateur Micthell : Monsieur Campbell, vous avez tenu des propos qui me surprennent beaucoup. Vous avez signalé que les États-Unis pourraient parvenir à l'autosuffisance pétrolière. Nous avons fini par comprendre qu'ils le seraient en matière de gaz naturel, et voilà qu'on commence à nous dire qu'ils le seront en matière de pétrole également. Cette autosuffisance pourrait se révéler problématique pour les économies de l'Ouest du Canada et, par conséquent, pour l'ensemble de l'économie canadienne. Ce pourrait être extrêmement problématique.
En ce qui concerne les exportations aux États-Unis, de quoi aurons-nous besoin pour transporter le pétrole aux États-Unis par pipeline ou autrement?
En outre, le problème d'écart des prix que nous avons en Alberta, d'où je viens, est toujours omniprésent en raison du pétrole exploité en mer. Quelles sont vos attentes à l'égard d'un pipeline vers l'Ouest ou vers l'Est pour votre pétrole? Dans quelle mesure tenez-vous compte de ce facteur par rapport à vos capacités nécessaires?
M. Campbell : L'une des études que j'ai évoquées sur l'autosuffisance des États-Unis en matière de pétrole, c'est l'étude de l'AIE. Nos voisins devraient y parvenir en 2050, ce qui est loin d'être une certitude. Il est fort plus probable que l'Amérique du Nord y parviendra. L'accès à la côte du golfe du Mexique nous ouvrira vraiment la porte aux marchés internationaux. Il y a beaucoup d'installations de raffinage sur la côte du golfe du Mexique. Si nous pouvons y acheminer notre produit, nous n'aurons pas accès nécessairement qu'au marché américain. Nous pourrons l'exporter ailleurs à partir de là. Dans le même ordre d'idées, on a fait valoir un peu plus tôt que, si nous pouvions acheminer notre pétrole vers la côte Est canadienne, nous pourrions le transporter alors vers la côte du golfe du Mexique par navire pétrolier.
Le plus important pour nous, c'est d'avoir accès aux trois côtes, étant donné le volume de notre production qui proviendra des sables bitumineux albertains. Les deux pipelines proposés en direction de la côte Ouest, Northern Gateway et Trans Mountain, sont très importants, tout comme le sont le pipeline Keystone XL et l'accès à la côte Est. Compte tenu de la production prévue, nous avons besoin, je pense, de l'accès aux trois côtes pour résoudre le problème d'écart, ce qui nécessitera un certain temps car il faut obtenir l'approbation pour ces pipelines, ce qui n'est pas garanti.
M. Dancsok : Il y aura toujours un écart de prix en raison de la qualité du brut, bien sûr. Même avant ces problèmes d'accès aux marchés, il y a toujours eu cet écart de prix en raison notamment de la qualité du brut et de la teneur en soufre. Cet écart ne disparaîtra jamais.
M. Campbell : L'écart s'est simplement creusé. C'est un problème important.
Le sénateur Mitchell : J'ai toujours pensé que le brut canadien était le meilleur au monde, ce qui, de toute évidence, ne plaît probablement pas aux autres pays.
Un peu plus tôt, on a fait valoir que vous disposiez d'un fonds d'assurance — certains détails m'ont échappé et je voudrais donc creuser un peu la question —, de sorte que l'actif sera réduit pour être inférieur à la limite de responsabilité projetée. Pourriez-vous nous donner des précisions sur ce fonds et ceux des autres provinces? Quelles sont les limites de responsabilité? Je sais que les États-Unis ont des limites de responsabilité supérieures à celles du Canada. Du moins, je pense que c'est le cas à ce chapitre. Quelle est la comparaison avec le fonds de la Saskatchewan?
M. Han : Le fonds de la Saskatchewan est identique à celui de l'Alberta et ressemble à celui de la Colombie- Britannique. Nous avons presque repris mot pour mot les modalités du programme albertain. Notre limite de responsabilité s'établit à un pour un. C'est donc dire que les actifs doivent être égaux à la responsabilité maximale. Si ce n'est pas le cas, nous demandons systématiquement un dépôt de garantie.
Le sénateur Lang : Je souhaiterais approfondir un peu plus la question des ressources en Saskatchewan et de leur avenir. Étant donné la découverte du gisement de Bakken en Saskatchewan, quelles sont vos projections concernant l'avenir de ce gisement, sa taille et le volume que vous envisagez de transporter d'une façon ou d'une autre pour tirer profit de cette découverte?
M. Dancsok : Le gisement de Bakken a été découvert il y a longtemps. On sait qu'il s'agit d'un gisement pétrolifère très important. Il faut donc établir la quantité qu'on peut en extraire. Ce sont des réservoirs étanches. Il faut donc procéder à du forage horizontal et à la fracturation hydraulique. Quoi qu'il en soit, le taux de récupération sera probablement de 5 à 10 p. 100. Nous avons constaté que nous sommes passés, en Saskatchewan, de 1 000 barils par jour pour le gisement de Bakken en 2004 à plus de 70 000 barils en 2012. La croissance a été assez rapide. Cependant, elle a ralenti au cours des dernières années pour afficher un rythme plus modéré.
Le taux de croissance que nous prévoyons pour les cinq prochaines années — et je ne crois pas que nous puissions aller au-delà de cette période — est de 5 à 10 p. 100 par année, croissance qui compensera la diminution de la production des autres puits dans la province. Nous constatons que la production a augmenté à un rythme modéré dans l'ensemble de la province. L'année 2012 a été la plus productive à ce chapitre en Saskatchewan. Nous nous attendons à ce que cette croissance se poursuive, mais elle se fera à un rythme modéré.
Le sénateur Wallace : Monsieur Campbell, je voudrais formuler un commentaire sur les propos que vient de tenir le sénateur Mitchell. Je pense qu'il a voulu quelque peu plaisanter, mais je n'en suis pas certain. Il a fait allusion à l'écart de qualité entre le WTI et le brut de l'ouest, ajoutant que cet écart de qualité entraînera toujours un écart dans les prix. Je pense qu'il a dit en plaisantant que le brut canadien était le meilleur au monde, mais ce n'est peut-être pas en raison de l'écart de qualité. Je précise ma pensée, et je suis sûr que vous pouvez me donner une explication à ce sujet : l'écart de qualité découle du fait que chaque gisement de brut est évalué en fonction de la possibilité de le convertir en produits pétroliers raffinés, ce qui rapporte aux producteurs, et c'est pourquoi, à des degrés différents, les gisements de brut donneront des quantités distinctes de produits raffinés, notamment de l'essence. C'est là où l'écart entre en ligne de compte. C'est tout ce dont il s'agit.
Pourriez-vous expliquer à nos téléspectateurs et aux membres du comité les causes de cet écart de qualité?
M. Dancsok : Je vais essayer. La majeure partie du pétrole produit dans l'Ouest du Canada est du brut ou du bitume naturel. Par conséquent, les raffineries ne peuvent pas le transformer. On parle de brut parce qu'on n'y retrouve pas d'hydrocarbures légers. Les raffineries ne peuvent donc pas transformer ce brut en produits plus rentables. C'est pourquoi ils paient un prix moindre pour ce type de pétrole.
Le brut léger, par contre, contient ces hydrocarbures légers, y compris les charges pétrochimiques susceptibles d'être plus rentables pour les raffineries, qui sont alors disposées à payer davantage pour ce brut léger.
Le sénateur Wallace : Vous conviendrez cependant que, lorsque vous avez évoqué le brut de l'ouest, vous avez donné l'impression qu'il ne pouvait pas être transformé en essence ou en produits raffinés plus rentables. Je ne suis pas de cet avis. J'estime que les raffineries auraient tout simplement besoin d'installations plus perfectionnées, ce qui entraînerait davantage de coûts, et les raffineries souhaiteraient en tenir compte dans le prix qu'elles seraient disposées à payer. Ce n'est pas que le brut canadien ne peut pas être transformé en produits plus rentables. C'est certainement possible.
M. Dancsok : Vous avez raison.
Le sénateur Wallace : Je tenais simplement à ce que tout cela soit clair.
Le président : Merci beaucoup de toutes ces questions. Je remercie également nos témoins de leurs déclarations et de leurs réponses. J'estime que nous avons obtenu des renseignements fort utiles.
Je vous souhaite une joyeuse Saint-Valentin en Saskatchewan. N'oubliez pas de téléphoner à votre femme ou de faire ce qui s'impose dans les circonstances. Je vous souhaite une agréable journée. Merci.
Je suis ravi de vous présenter nos prochains témoins de l'Energy Resources Conservation Board. Accueillons Cal Hill, chef intérimaire de l'exploitation; Tom Pesta, conseiller supérieur à Opérations techniques; Mark Miller, chef intérimaire à Opérations sur le terrain.
Après votre déclaration, nous vous poserons des questions.
Cal Hill, chef intérimaire de l'exploitation, Energy Resources Conservation Board : Je vous remercie d'avoir invité l'Energy Resources Conservation Board que je désignerai par le sigle ERCB. Nous sommes heureux de comparaître devant le comité sénatorial et de participer à cet important examen.
L'Alberta produit environ 816 millions de barils de brut et 4 billions de mètres cubes de gaz naturel par année, soit près de 80 p. 100 de la production totale du Canada.
Ce qui n'est pas consommé en Alberta est acheminé dans l'ensemble de l'Amérique du Nord par le truchement d'un vaste réseau de pipelines. Comme vous le savez, le réseau canadien de pipelines couvre une superficie supérieure à 700 000 kilomètres. Ces pipelines, comme celui de Keystone XL ou de Northern Gateway qui sont proposés, traversent des frontières provinciales ou internationales et sont réglementés par l'Office national de l'énergie. Cependant, plus de la moitié de ce réseau, soit un peu plus de 400 000 kilomètres, se trouve à l'intérieur de l'Alberta. Ces pipelines transportent presque tout le pétrole et le gaz naturel produits par l'Alberta jusqu'aux marchés et sont réglementés par l'ERCB. Les pipelines albertains ont un diamètre extérieur de 168 millimètres, soit 6 pouces. Ils transportent du brut du puits à une installation centrale, puis à un point de livraison. C'est ce qu'on appelle communément le réseau de collecte.
L'ERCB est le principal organisme de réglementation de l'Alberta. Pendant 75 ans, nous avons mené à bien notre mission en nous assurant que l'exploration, l'extraction et le transport des ressources énergétiques de l'Alberta se font d'une façon équitable et responsable, et qu'on tient compte de la sécurité du public, de la protection de l'environnement et de la conservation des ressources.
Nous nous penchons sur le transport sécuritaire des hydrocarbures au Canada et plus précisément de la réglementation des pipelines provinciaux de l'Alberta. Je vous donnerai donc un aperçu de la façon dont l'ERCB réglemente les pipelines albertains pour s'assurer qu'ils fonctionnent d'une façon sûre et que les exploitants satisfont à toutes les exigences réglementaires.
De la présentation de la demande et de son approbation jusqu'aux normes de sécurité et environnementales, de l'inspection et de la surveillance jusqu'aux interventions d'urgence, l'ERCB a élaboré des méthodes efficaces et des règles rigoureuses pour s'assurer que les pipelines constituent un mode de transport sûr du pétrole et du gaz naturel albertains vers les marchés.
L'ERCB travaille de concert avec l'industrie des oléoducs et des gazoducs pour améliorer sans cesse la sécurité et la fiabilité des réseaux. Le taux de rupture des pipelines albertains s'établit à 1,5 par 1 000 kilomètres de conduites en 2010 et en 2011, soit une diminution puisque ce taux était de 1,7 en 2009. Cette diminution s'est produite malgré l'ajout de conduites sur 20 000 kilomètres.
Les exploitants de pipeline doivent absolument signaler à l'ERCB tous les incidents touchant leurs conduites, y compris les ruptures, les échecs au test de toxicité et les contacts extérieurs avec une conduite, même si cela n'a pas entraîné une fuite. Les exploitants sont tenus de contacter immédiatement l'ERCB par téléphone en cas d'incident. Ne pas le faire les exposerait à des mesures de la part de l'ERCB.
Pour toute nouvelle construction, l'ERCB doit examiner et approuver la demande de licence présentée par l'exploitant. Pour obtenir une licence permettant de construire et d'exploiter un pipeline en Alberta, il faut satisfaire aux exigences techniques figurant dans la Loi sur les pipelines et dans son règlement d'application. Il incombe à l'ERCB d'évaluer si l'exploitant satisfait à ses exigences avant et après le début de l'exploitation du pipeline.
En outre, notre règlement d'application a intégré les normes de l'Association canadienne de normalisation, la CSA. La norme CSA Z662 sur les réseaux de canalisations de pétrole et de gaz établit les normes techniques régissant la conception, la construction, l'exploitation et la maintenance de la plupart des gazoducs et des oléoducs canadiens. Cette norme s'applique aux pipelines albertains. Les normes de la CSA sont réputées. Celles régissant le revêtement du pipeline sont notamment considérées comme les meilleures au monde. On s'en est inspiré dans l'élaboration de normes internationales. L'ERCB participe activement à la rédaction des normes de la CSA. C'est Tom Pesta qui a représenté l'ERCB à ce chapitre depuis de nombreuses années.
Dans le cadre du processus de demande de l'ERCB, il est important que les sociétés consultent et mettent à contribution les propriétaires fonciers et les autres parties intéressées avant d'envoyer une demande officielle. Cette étape obligatoire donne l'occasion aux intervenants de véritablement participer à la demande de pipeline et permet de prendre en compte toute préoccupation qui subsiste.
Le processus de consultation est rigoureux, et les sociétés doivent démontrer à l'ERCB qu'elles ont tout fait pour répondre aux préoccupations non réglées des intervenants. En présence de problèmes non résolus, l'ERCB assure la médiation dans le cadre de son programme de résolution de conflits. Si aucune solution n'est trouvée, l'ERCB peut organiser des audiences publiques officielles.
Les demandes de pipeline font l'objet d'un examen approfondi et rigoureux. Les demandes courantes, qui portent habituellement sur des segments relativement courts de pipeline, peuvent prendre des jours à évaluer s'il n'y a aucune objection, tandis qu'il faut des mois et même plus lorsque les demandes de pipeline soulèvent des problèmes techniques ou publics, que les sociétés doivent régler avant de recevoir l'approbation. Il incombe toujours à la société de démontrer que le projet répondra aux normes techniques, sécuritaires et environnementales rigoureuses de l'ERCB avant de pouvoir entreprendre la construction.
Lorsque les pipelines traversent des secteurs névralgiques, les opérateurs doivent satisfaire à des exigences supplémentaires, comme diminuer la pression pendant l'exploitation, construire des parois plus épaisses, enfouir le pipeline plus profondément dans le sol et se soumettre à une surveillance accrue de l'ERCB.
Pendant l'exploitation du pipeline, l'ERCB exige que les sociétés continuent à se conformer à divers règlements visant à protéger la sécurité publique et l'environnement. Nos inspecteurs sillonnent régulièrement toute la province pour vérifier les aménagements énergétiques, y compris les pipelines, afin de veiller à ce que les sociétés respectent l'ensemble de la réglementation.
L'ERCB mène des inspections aléatoires de manière proactive et utilise une méthode proactive d'inspections basée sur le système d'établissement des priorités OSI. En fait, le système OSI tient compte de divers facteurs qui nous aident à déterminer la fréquence d'inspection d'une installation donnée.
Dans ce système, la lettre « O » désigne « operator history », c'est-à-dire les antécédents de la société quant au respect de la réglementation de l'ERCB. Ainsi, nous inspecterons plus souvent les installations d'un exploitant n'ayant pas un bon dossier. La lettre « S » signifie « site sensitivity », ou encore la vulnérabilité du site. C'est ici que nous tenons compte de l'emplacement des installations. Par exemple, une société établie près d'une zone densément peuplée ou de terres humides sera inspectée en priorité. Enfin, la lettre « I » représente « inherent risk », c'est-à-dire les risques inhérents à la nature de la ressource exploitée ou transportée. Par exemple, il convient d'inspecter plus fréquemment les installations des liquides dont la pression de vapeur est élevée, comme le propane ou l'éthane.
Même si le système OSI permet d'établir efficacement les priorités en matière d'inspection, nos inspecteurs mènent régulièrement des inspections aléatoires de manière proactive pour être certains de surveiller une diversité d'installations. Si une société enfreint la réglementation de l'ERCB, nous veillons résolument à ce qu'elle remédie immédiatement à tout manquement. Si l'on juge que l'infraction présente un risque en matière de sécurité publique ou d'environnement, l'ERCB est autorisé par la loi à suspendre immédiatement l'exploitation du pipeline jusqu'à ce que le problème soit résolu.
Au besoin, il peut avoir recours à un protocole de mise à exécution pouvant se traduire par des restrictions en matière d'exploitation et de développement futur. Dans une telle situation, l'ERCB peut interdire l'exploitation du pipeline jusqu'à ce que tous les problèmes soient résolus.
En 2011, l'ERCB a mené plus de 1 450 inspections de pipeline.
L'ERCB demande aux sociétés de mettre en place des programmes de gestion de l'intégrité visant à identifier, à gérer, à surveiller et à éliminer tout risque potentiel lié à chaque pipeline. Les sociétés doivent se doter de systèmes de gestion pour la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien des pipelines. L'ERCB conçoit actuellement un programme de certitude visant à évaluer les divers systèmes de gestion.
Les sociétés doivent envisager toutes les questions de sécurité et d'opération concernant l'exploitation du pipeline, qu'il s'agisse de la nature du produit transporté ou du tracé du pipeline. Elles doivent aussi tenir compte de la situation météorologique et du relief. Les sociétés de pipeline doivent se doter de programmes élaborés concernant l'entretien et la réparation, ainsi que de systèmes de détection des fuites permettant de surveiller l'intégrité du pipeline.
Nous exigeons que tout pipeline soit conçu en fonction de la nature du produit qu'il transportera. Nous demandons aussi aux sociétés de surveiller leurs pipelines de près en réalisant des essais et des inspections pour en assurer l'intégrité.
J'aimerais maintenant aborder la question du transport de bitume dilué, communément appelé du dilbit. D'après notre vaste expérience d'exploitation en Alberta, rien ne semble indiquer que le bitume dilué soit plus corrosif que le pétrole brut, une matière non corrosive.
L'ERCB veille à ce que les sociétés soient prêtes à intervenir en cas de bris. D'ailleurs, celles-ci doivent adopter des plans d'intervention d'urgence exhaustifs conformément à la directive 71 de l'ERCB.
De plus, la réglementation de l'ERCB exige que toute société de pipeline soit membre de l'association contre les déversements d'hydrocarbures de chaque zone géographique traversée par leur pipeline. Ces associations offrent un moyen d'intervention d'urgence immédiat dans toutes les régions de l'Alberta et fournissent matériel spécialisé, infrastructure et personnel en cas de déversement. Leur financement provient entièrement de l'industrie et est géré par les Western Canadian Spill Services.
L'intervention d'urgence joue un rôle prépondérant dans la planification du pipeline, car la coordination rapide des intervenants d'urgence et des ressources est indispensable pour limiter les dommages matériels et environnementaux. Le plan d'intervention d'urgence prévoit ce que la société doit faire en cas de déversement. Il comprend notamment les rôles et responsabilités détaillés de tous les intervenants d'urgence et le mode de collaboration entre la société et les organismes gouvernementaux correspondants à l'échelle locale et provinciale.
L'ERCB demande aux exploitants de former un personnel d'intervention d'urgence et de régulièrement mettre à l'essai leur plan d'intervention d'urgence au moyen d'exercices réels d'envergure et de simulations sur table. Le fait d'être au courant des exercices et d'y participer permet à l'ERCB d'évaluer les connaissances d'un exploitant et sa capacité d'intervention en cas de déversement.
Si un exploitant n'est pas capable de prendre les mesures nécessaires en présence d'un déversement ou qu'il n'est pas prêt à le faire, l'ERCB est autorisé à intervenir et possède l'expertise nécessaire. Si une société est incapable de mettre en œuvre son plan d'intervention d'urgence, l'ERCB peut lui refuser une demande de permis, fermer ses installations ou suspendre ses permis jusqu'à ce qu'elle fasse la preuve du contraire.
Il convient de noter que malgré nos exigences réglementaires rigoureuses concernant les pipelines, des circonstances inhabituelles peuvent occasionnellement entraîner un déversement particulièrement important. Ces rares incidents font l'objet d'une enquête approfondie, comme tout autre déversement de pipeline, qui vise à tirer des leçons et, au besoin, à renforcer la réglementation.
Si du pétrole ou des fluides sont déversés lors d'un incident, l'ERCB demande à la société de s'occuper convenablement des pertes. Les sociétés tentent souvent de récupérer la plus grande quantité de produit possible afin de le remettre sur le marché, après quoi elles doivent acheminer la partie ne pouvant être récupérée à un site d'enfouissement approuvé. Il incombe au ministère de l'Environnement et du Développement durable des ressources de l'Alberta de veiller au nettoyage des déversements et de prendre des mesures correctives.
Nous croyons que le régime de réglementation de l'Alberta permet de développer le pétrole et le gaz en toute sécurité et dans l'intérêt du public, ce qui s'applique aussi aux pipelines. Cela dit, l'honorable Ken Hughes, ministre de l'Énergie, a annoncé l'été dernier que l'ERCB ferait réaliser une étude indépendante pour évaluer certains éléments du système de pipeline en Alberta. Dans le cadre de l'étude, le système réglementaire de l'Alberta a été comparé à celui d'autres provinces canadiennes et d'autres pays. L'étude est terminée, et nous veillerons à ce que le comité reçoive le rapport final dès qu'il sera rendu public par le ministre.
Pour conclure, les pipelines jouent un rôle important pour transporter les ressources en hydrocarbures de l'Alberta entre le puits et les marchés d'un bout à l'autre du Canada, et plus loin encore. En tant que principal organisme de réglementation de l'énergie dans la province, l'ERCB continue à faire valoir ses 75 ans d'histoire en matière de réglementation en veillant à ce que le vaste réseau de pipelines de l'Alberta fonctionne de façon sécuritaire et dans l'intérêt du public, selon un cadre réglementaire rigoureux qui comprend un processus d'application complet, des exigences strictes concernant la conception, la construction, l'exploitation et l'entretien des pipelines, des procédures d'inspections rigoureuses accordant la priorité aux installations plus risquées et, enfin, des exigences rigoureuses veillant à ce que les exploitants de pipeline soient prêts à intervenir efficacement en situation d'urgence.
Tout cela est accompli grâce au travail de nos techniciens. Leurs efforts garantissent le maintien de la sécurité publique et de la gérance environnementale dans tous les secteurs du développement liés à l'énergie, y compris les pipelines.
Je vous remercie de votre attention. Nous nous réjouissons à la perspective de répondre à toutes vos questions. Heureusement, je suis accompagné de gens très compétents sur le plan technique qui peuvent m'aider à répondre aux questions, et je m'en remettrai souvent à eux.
Le président : Je vous remercie beaucoup, monsieur Hill, de votre excellent exposé. Nous allons amorcer nos séries de questions.
Le sénateur Mitchell : Merci, messieurs. Ma première question concerne la surveillance du processus de planification de la sécurité et des interventions en cas de déversement. Vous avez très bien décrit cette surveillance dans votre exposé, mais je me demandais simplement si vous pourriez approfondir légèrement cet aspect. Combien de fois procédez-vous à la vérification des plans d'une entreprise, ou la consultez-vous à leur sujet? Je sais que vous organisez des exercices réels. Combien de fois vous livrez-vous à de tels exercices en collaboration avec les entreprises? Le faites-vous avec chaque entreprise, ou prélevez-vous un échantillon au hasard? Comment procédez-vous?
Mark Miller, gestionnaire intérimaire des opérations sur le terrain, Energy Resources Conservation Board : La plupart des exercices auxquels l'ERCB assiste ou qu'il vérifie — ou observe, en fait — sont le résultat d'un contrôle aléatoire. Ils sont probablement davantage fondés sur l'expérience du personnel qui travaille à l'intérieur des limites du centre de direction locale où l'exercice se déroule. Les exploitants ou les détenteurs de permis doivent aviser l'ERCB au moins 30 jours avant le début de tout exercice d'intervention d'urgence, et nous utilisons cette information pour planifier nos activités en conséquence.
Le sénateur Mitchell : Sont-ils forcés d'exécuter un certain nombre d'interventions d'urgence? Par exemple, si vous n'avez pas entendu parler d'une certaine entreprise pendant plusieurs années, cela commencera-t-il à vous préoccuper?
M. Miller : Assurément. Tous les détenteurs de permis sont tenus de mettre à l'essai chacun de leurs plans d'intervention d'urgence annuellement, en se livrant à des exercices. Par conséquent si l'entreprise a mis au point un certain nombre de plans d'intervention d'urgence pour différentes zones d'activité dans la province, son personnel doit mettre à l'essai chacun de ses plans au moyen d'un exercice réel, d'un exercice majeur tous les trois ans et d'un exercice sur papier pendant les deux autres années.
Le sénateur Mitchell : Merci. Ma présente question ne relève pas directement de votre compétence, mais elle a certainement une incidence sur le pétrole de l'Alberta puisqu'il s'agit de comparer l'oléoduc Northern Gateway au projet de construction d'un pipeline à destination de Prince Rupert, qui semble relativement improbable. Pourquoi la ville de Prince Rupert semble-t-elle être une destination moins acceptable pour un pipeline que celle de l'oléoduc? Le parcours est plus long, je présume. Y a-t-il un plus grand nombre de rivières à traverser, ou celles-ci sont-elles plus larges? Quelle est la différence entre les deux projets?
M. Hill : Nous pourrions émettre des hypothèses, mais ce qui diffère légèrement en Alberta, comparativement à ce que vous ont dit les gens de la Saskatchewan et d'autres personnes, c'est le fait que l'ERCB est un organisme de réglementation indépendant, qui n'a aucun lien de dépendance avec le gouvernement. En ce qui concerne les questions stratégiques d'accès aux marchés et aux différentes ressources extracôtières, elles relèvent vraiment de notre gouvernement. Quant à nous, notre rôle consiste plutôt à nous assurer que les décisions politiques prises — concernant les pipelines qui seront autorisés à se rendre jusqu'à telle ou telle côte — protègent la sécurité publique et l'environnement. Il vaut mieux confier à notre gouvernement la tâche de débattre de ces questions stratégiques.
Le sénateur Mitchell : D'accord, merci.
M. Hill : Je laisse à quelqu'un d'autre le soin de répondre à cette question.
Le sénateur Mitchell : Oui, je l'ai compris, merci.
La sénatrice Johnson : Merci, bonjour. Depuis avril 2011, un certain nombre d'incidents ont soulevé la question de la sécurité des pipelines. Dans votre rapport, vous avez mentionné brièvement qu'un examen indépendant des exigences en matière de réglementation liées à la sécurité des pipelines avait été entrepris et qu'on s'attendait à ce que l'ERCB émette une recommandation sous peu, à la fin du mois de mars, je pense.
Pourriez-vous me dire si ces incidents et l'examen de la sécurité des pipelines qui en a découlé semblent indiquer que la culture de sécurité des entreprises canadiennes de pipelines est problématique?
M. Hill : Je vais tenter de répondre à votre question en premier, puis je céderai la parole à quelqu'un d'autre. Nous avons constaté que les déversements majeurs n'avaient rien de systémique et que leur cause profonde différait considérablement. Par conséquent, à notre avis, ces incidents n'indiquent pas la présence d'une défaillance systémique. Chaque incident était un cas distinct qu'il nous a fallu évaluer selon ses mérites respectifs.
Tom Pesta, conseiller supérieur, Opérations techniques, Energy Resources Conservation Board : Monsieur Hill, je pense que vous avez cerné la question. Selon nous, les incidents ne laissent pas entrevoir que la culture de sécurité des membres de l'industrie a tendance à être déficiente. Chaque incident est géré séparément, et ceux auxquels vous avez fait allusion font l'objet d'une enquête en ce moment. Les rapports d'enquête ne sont pas encore terminés, mais, lorsqu'ils le seront, leur contenu sera mis à la disposition des gens.
M. Hill : J'allais juste mentionner que tous les rapports relatifs aux incidents majeurs sont rendus publics.
La sénatrice Johnson : Sur combien d'incidents enquêtez-vous en ce moment? Le savez-vous? Combien d'incidents font l'objet d'une enquête?
M. Hill : Nous enquêtons en ce moment sur trois importants incidents, et les trois rapports d'enquête devraient être achevés dans un délai raisonnable.
M. Miller : J'aimerais ajouter que, chaque fois qu'un pipeline albertain a des ratés, il fait l'objet d'une enquête, et que l'ERCB publie des rapports sur les incidents majeurs, lesquels sont offerts au public. Toutefois, les statistiques concernant les déversements et les défaillances sont saisies par l'ERCB et sont également rendues publiques, grâce à divers rapports publiés tout au long de l'année.
La sénatrice Johnson : Excellent. Nous nous procurerons alors une copie de ses rapports. Merci.
La sénatrice Ringuette : Pour donner suite aux propos de la sénatrice Johnson, vous avez indiqué qu'un tiers indépendant avait examiné les éléments particuliers du système de pipelines albertain. Je crois comprendre que le rapport qu'il a rédigé se trouve sur le bureau du ministre. Toutefois, ma question est la suivante : quels sont les éléments particuliers qui ont été examinés?
M. Pesta : Le ministre nous a demandé d'embaucher un entrepreneur qui examinerait les pipelines en service en Alberta, en particulier pour analyser les exigences en matière d'intégrité des pipelines, la sécurité des pipelines situés près de cours d'eau et les interventions en cas d'incident.
La sénatrice Ringuette : D'accord. Merci.
M. Hill : Trois aspects clés.
La sénatrice Ringuette : Trois sujets d'inquiétude précis.
M. Hill : Exact.
La sénatrice Ringuette : Vous avez indiqué que l'Alberta possédait 50 p. 100 de tous les pipelines canadiens, soit 400 000 kilomètres de pipelines. Cela représente de nombreux pipelines. Étant donné que l'Alberta réglemente ce secteur depuis 75 ans, je suppose qu'au cours de ces années, certains pipelines ont été abandonnés.
Plus tôt, j'ai posé la même question aux représentants du gouvernement de la Saskatchewan. Comment gère-t-on cette situation? Combien de kilomètres de pipelines ont été abandonnés? J'estime qu'étant donné que nous envisageons de construire de nombreux autres kilomètres de pipelines, nous devons nous préoccuper du cycle de vie complet de ceux-ci, afin de nous assurer qu'un processus d'abandon adéquat existe et qu'une réglementation appropriée est prévue pour assurer la sécurité du processus. Les gens ont raison de s'inquiéter de la façon dont nous gérerons ces pipelines, lorsque nous n'en aurons plus besoin.
M. Pesta : Permettez-moi de commencer par mettre la longueur des pipelines en perspective. En Alberta, nous nous occupons des conduites de collecte en amont. Environ 85 p. 100 des 400 000 kilomètres de pipelines sont composés de tuyaux de six pouces de diamètre au moins. Ces pipelines sont plutôt petits, et leur abandon est géré d'une manière différente de celui des pipelines de 20 pouces de diamètre ou plus. À peu près 17 p. 100 des 400 000 kilomètres de pipelines ont été abandonnés ou leur service a été interrompu.
Une interruption de service représente un arrêt temporaire des activités, alors qu'un abandon représente un arrêt permanent des activités. Nous devons satisfaire à des exigences semblables à celles énoncées par les gens de la Saskatchewan. Essentiellement, les pipelines doivent être nettoyés, leurs extrémités doivent être bouchées, et ils doivent être laissés dans un état sécuritaire. Ensuite, nous devons nous assurer que l'exploitant assume indéfiniment la responsabilité de ces pipelines. Même s'il a abandonné les pipelines, cela ne veut pas dire que sa responsabilité a pris fin. Notre règlement indique précisément que, si d'autres mesures doivent être prises pour gérer ces pipelines, l'exploitant devra se rendre sur place et prendre les mesures en question.
La plupart des pipelines sont abandonnés sur place. On ne les retire pas. Encore une fois, cela est imputable au fait que leur diamètre est très petit et que leur retrait causerait plus de dommages que leur maintien en place. Toutefois, nous nous assurons que leur état est sécuritaire et qu'ils ne présentent pas un danger pour l'environnement.
La sénatrice Ringuette : La plupart des pipelines abandonnés se trouvent-ils à proximité de pipelines en usage?
M. Pesta : Cela varie. Habituellement, les pipelines sont abandonnés lorsque le puits n'est plus requis. Il pourrait y avoir d'autres pipelines dans les environs, mais, dans bien des cas, il pourrait ne pas y en avoir. Les pipelines sont requis lorsque le puits est exploité et que des produits doivent être acheminés vers des installations.
Le sénateur Lang : J'aimerais revenir sur un autre sujet. Vous avez indiqué que vous étiez un organisme indépendant qui supervise les pipelines et leur installation. Je crois comprendre que la construction de ces pipelines remonte à 50 ans ou plus, et pourtant, les méthodes de construction ont changé de manière spectaculaire au cours des 50 dernières années, tout comme la technologie. En tant qu'organisme indépendant, constatez-vous que l'âge des pipelines joue un rôle dans les ruptures ou les bris observés? L'âge est-il un facteur?
M. Pesta : Notre examen des incidents et de l'intégrité des pipelines ne semble pas indiquer que l'âge des pipelines est un facteur contributif. Nous contrôlons les incidents, et nous constatons que l'intégrité des pipelines est le principal problème auquel nous devons faire face. Les travaux de réparation, d'entretien et d'exploitation des pipelines doivent être liés à un programme continu de gestion, de réparation et d'entretien de ceux-ci. Si les pipelines sont réparés et surveillés efficacement, rien ne nous porte à croire que leur âge aura des répercussions sur leur intégrité.
Le sénateur Lang : En ce qui concerne les exigences en matière de spécifications, nous avons appris ce matin que les États-Unis exigent une limite élastique minimale de 72 p. 100 pour les pipelines, tandis que le Canada établit cette limite à 80 p. 100. Par conséquent, nous avons appris ce matin que l'épaisseur des parois des pipelines internationaux augmente à l'entrée aux États-Unis. Voilà les normes qui s'appliquent en Saskatchewan. En est-il de même en Alberta?
M. Pesta : Les exigences que vous citez sont fondées sur les normes canadiennes. Par conséquent, la limite élastique minimale de 80 p. 100 est un critère établi par la norme relative aux pipelines de l'Association canadienne de normalisation. La norme canadienne prend sa source dans les normes américaines et, auparavant, les deux pays devaient satisfaire à la limite de 72 p. 100. Grâce à l'expérience que nous avons acquise au Canada, nous avons déterminé qu'il était acceptable de soumettre les pipelines à un niveau de stress plus élevé, au cours de leur exploitation. Depuis un certain temps, la norme canadienne nous permet d'exposer les pipelines à un niveau de stress de 80 p. 100 durant leur exploitation.
Comme vous l'avez mentionné, c'est la norme qui s'applique aux pipelines de transmission dont le diamètre est élevé. Habituellement, les conduites de collecte ne sont pas conçues pour résister à une telle limite. Leur limite élastique minimale est moins élevée.
Le sénateur Lang : Je vais maintenant passer à la question du transport ferroviaire. En Alberta, expédiez-vous du pétrole par voie ferrée? Dans l'affirmative, votre organisme est-il chargé de superviser ce transport?
M. Miller : Bien qu'en Alberta, nous réglementions l'industrie pétrolière et gazière en amont, nous ne sommes pas nécessairement chargés de réglementer le transport du pétrole par voie ferrée. Je crois que cela relève du Bureau de la sécurité des transports. Toutefois, nous savons que des installations destinées au chargement des trains existent partout dans la province. Cette pratique devient de plus en plus courante, comme c'est le cas dans les autres provinces de l'Ouest canadien.
Le sénateur Wallace : Monsieur Hill, vous avez parlé des coopératives de lutte contre le déversement de pétrole qui existent en Alberta, et vous avez déclaré que les entreprises étaient tenues de faire partie de ces coopératives. Leur rôle consiste à intervenir en cas de déversement.
Pourriez-vous nous fournir des renseignements supplémentaires sur celles-ci et nous expliquer comment elles fonctionnent? Sont-elles les seules à posséder du matériel d'intervention en cas de déversement, ou s'attend-on à ce que les entreprises soient dotées de certaines de ces ressources? Si un déversement se produit, qui dirige les activités de récupération? Est-ce la coopérative ou l'entreprise de pipelines qui est à l'origine du déversement et dont les biens sont en péril? Comment les activités sont-elles coordonnées? Qui en assume la responsabilité?
M. Miller : Votre intervention comportait de nombreuses questions, mais je vais commencer à y répondre. Si j'oublie quelque chose, veuillez poser la question de nouveau.
En Alberta, il y a un régime de coopératives de lutte contre les déversements de pétrole appelé Western Canadian Spill Services. Ce n'est pas un organisme sans but lucratif semblable à celui qui existe en Saskatchewan. En Alberta, il y a 26 coopératives établies partout dans la province qui sont gérées par l'organisation globale, c'est-à-dire Western Canadian Spill Services. Les coûts d'une partie du matériel dont dispose la coopérative ont été assumés par les membres de l'industrie et diverses associations. Bien que le matériel ait été réparti dans l'ensemble des 26 coopératives, il est à la disposition des entreprises membres. En Alberta, toutes les entreprises détentrices d'un permis, y compris les entreprises de pipelines, sont tenues d'adhérer à une coopérative de lutte contre les déversements de pétrole.
Lorsqu'un déversement se produit, le détenteur de permis est chargé de gérer le confinement et le nettoyage du déversement. Cependant, les premiers intervenants, qui travaillent pour les entreprises membres de la coopérative et qui peuvent être qualifiés de bénévoles, peuvent participer aux premières activités d'intervention en cas de déversement jusqu'à ce que l'exploitant responsable arrive sur place avec toutes ses ressources. À ce moment-là, les bénévoles ou les premiers intervenants se retireront et laisseront le détenteur de permis prendre le contrôle des activités de confinement et de nettoyage du déversement.
Le sénateur Wallace : Ce sont les détenteurs de permis qui dirigent l'intervention. Il doit y avoir des normes en Alberta qui définissent la façon dont ils sont censés intervenir et les qualifications que doivent posséder les personnes qui sont tenues de diriger ce genre d'intervention. Je pense aussi à la quantité de matériel que la coopérative doit pouvoir offrir. Est-ce que tous ces éléments sont précisés dans le règlement, ou laisse-t-on l'industrie en décider comme bon lui semble?
M. Miller : Certains de ces aspects sont mentionnés dans le règlement. Celui-ci ne stipule pas la quantité de matériel d'intervention qui doit être disponible. Toutefois, en Alberta, les coopératives établies partout dans la province disposent de plus de sept millions de dollars de matériel d'intervention en cas de déversement.
Le règlement oblige les entreprises à tenir à jour leurs propres plans d'intervention en cas d'urgence. J'en ai parlé plus tôt. En étant membre de l'organisation Western Canadian Spill Services, les entreprises ont également accès à des plans précis d'intervention en cas de déversement, établis pour les diverses régions géographiques. Dans ses plans d'intervention d'urgence ainsi que dans les plans des coopératives, l'entreprise décrit les divers postes que ses intervenants occuperont au sein du système d'intervention. En Alberta, nous employons la norme du Système de commandement des interventions. Par conséquent, toutes les coopératives sont structurées de la même manière.
Le sénateur Wallace : Votre organisme a-t-il déjà évalué la conversion des lignes de pétrole brut pour l'utilisation du gaz naturel, ou vice-versa?
M. Pesta : Nous permettons la conversion des pipelines pour diverses substances. Actuellement, les pipelines ont normalement une autorisation pour une substance précise, et les compagnies présentent une demande pour effectuer des changements. Encore une fois, c'est en général pour des pipelines de petit diamètre, et non pour les canalisations de transport qui font l'objet d'un examen actuellement. Notre expérience avec des pipelines de six pouces n'est sans doute pas directement liée à la nécessité des pipelines de grand diamètre.
Le sénateur Patterson : J'ai trois questions précises à vous poser. D'abord, avez-vous des normes, un rendement en matière de réglementation et des exigences de sécurité différentes pour les pipelines de transport et les canalisations de collecte?
M. Pesta : Comme je l'ai déjà mentionné, nos exigences sont fondées sur les normes de l'Association canadienne de normalisation (CSA). Ces normes ne font aucune distinction entre les canalisations de transport et les canalisations de collecte. Ce sont les mêmes pour les deux. Généralement, il n'y a pas de différence entre ces types de systèmes. Toutefois, en ce qui concerne l'examen des emprises des pipelines et l'inspection de l'activité à proximité, nous avons des exigences additionnelles, dans notre réglementation sur les pipelines, qui prévoient une plus grande surveillance des pipelines, selon qu'il s'agit de canalisations de transport à grand volume ou de canalisations de collecte, et selon leur emplacement également.
Le sénateur Patterson : À propos des normes de la CSA, l'ERCB participe-t-il à la mise à jour et à la révision de ces normes?
M. Pesta : Tout à fait. Les normes de la CSA sont très importantes pour nous. Elles nous simplifient beaucoup la vie en nous permettant d'adopter les normes canadiennes. Nous nous assurons de participer à l'élaboration de ces normes afin de transmettre notre expérience en matière d'exploitation de pipelines ainsi que pour profiter de l'expérience des autres exploitants.
Les normes canadiennes sont essentielles à la réglementation des pipelines en Alberta. Nous participons activement aux principaux comités techniques et aux divers sous-comités. En fait, au cours des quatre dernières années, j'ai présidé le comité technique sur les normes relatives aux pipelines.
Le sénateur Patterson : Je vois que j'ai posé cette question à la bonne personne. Merci.
J'ai une dernière question. Étant donné la quantité de bitume dilué qui circule en Alberta, vous êtes sans doute au courant de l'étude que mène actuellement la National Academy of Sciences des États-Unis sur le bitume dilué, pour déterminer s'il présente un risque accru de déversement comparativement au transport d'autres pétroles bruts par pipeline. J'aimerais savoir si l'ERCB est au courant de cette étude et, surtout, s'il y participe de quelque façon que ce soit, compte tenu de son expérience dans ce domaine.
M. Pesta : L'ERCB ne participe pas à cette étude. Le ministre de l'Énergie et le groupe du ministère ont contribué à l'examen. Toutefois, l'information et l'étude étaient fondées sur les pipelines de transport, et puisque l'ERCB réglemente les pipelines en Alberta, nous avons choisi de ne pas participer à cette étude.
Le sénateur Patterson : J'imagine que vous vous intéressez cependant aux résultats de cette étude, n'est-ce pas?
M. Pesta : Certainement. Nous surveillons les progrès, les études et les divers examens qui sont effectués, ainsi que leur incidence future sur la réglementation relative aux pipelines en Alberta.
La sénatrice Seidman : La tendance récente consiste à proposer et à approuver la réinversion et l'inversion de pipelines, et même la conversion d'oléoducs en gazoducs. J'aimerais savoir si cela va changer quoi que ce soit dans la façon dont l'ERCB, en tant qu'organisme de réglementation, recueille, interprète ou évalue l'information relative à l'entretien de ces pipelines.
M. Pesta : Les discussions au sujet de l'inversion ou de la conversion des pipelines concernent habituellement les pipelines qui traversent le Canada et qui sont réglementés par l'Office national de l'énergie; nous n'avons donc aucun rôle à jouer dans la réglementation de ces pipelines. Nous réglementons les pipelines qui ne dépassent pas les frontières de l'Alberta. Même ceux qui commencent en Alberta et franchissent la frontière seront réglementés par l'Office national de l'énergie.
Cela dit, nous surveillons toujours ce qui se passe dans l'examen de ce type de pipelines de même que l'expérience acquise. Le cas échéant, nous examinerons comment cela influence la réglementation relative aux pipelines en Alberta.
Nous ne réglementons donc pas les pipelines sur lesquels portait votre question.
La sénatrice Seidman : En tant qu'organisme de réglementation, croyez-vous que ces conversions ou inversions feront augmenter le niveau de risque? Selon vous, vont-elles l'accroître?
M. Pesta : Du point de vue albertain, quand nous nous penchons sur la question de la conversion des pipelines, nous déterminons si le pipeline conviendrait au nouveau produit et nous veillons à ce qu'il y soit adapté.
L'entreprise est tenue d'effectuer une évaluation technique axée sur les différences entre les deux produits et sur l'état actuel du pipeline. Dans le cadre de cet examen, l'entreprise proposera les changements qu'elle doit apporter au pipeline pour qu'il convienne au nouveau produit. Nous examinerons cela avec elle pour nous assurer que le pipeline pourra être utilisé de façon sécuritaire.
Le sénateur Brown : Dans le document que vous nous avez remis, il est écrit ici que vous avez effectué 1 450 inspections de pipelines en 2011. Les avez-vous faites seulement pour vous assurer qu'il n'y avait aucun problème? Il n'y a certainement pas eu 1 450 fuites, n'est-ce pas? En faites-vous autant chaque année? Combien d'inspections avez- vous effectuées en 2012?
M. Miller : Je peux répondre. Les chiffres n'ont pas encore été publiés pour 2012; c'est pourquoi nous avons fourni ceux de 2011. À mon avis, ils resteront à peu près les mêmes.
Pour ce qui est du nombre d'inspections de pipelines, certaines de ces inspections résultent de la défaillance des pipelines. Nous faisons des inspections et des enquêtes pour toutes les défaillances; nous inscrivons dans notre système de suivi s'il s'agit d'une inspection ou d'une enquête.
Les autres inspections ne découlant pas de défaillances reposent sur nos diverses stratégies d'inspection. M. Hill en a parlé dans son exposé, au début de la séance. Ce sont les inspections fondées sur notre système OSI. Nous effectuons un certain nombre d'inspections de base et aléatoires, déterminées par notre personnel d'inspection sur le terrain. Nous effectuons également, je le répète, des inspections de type réactif, fondées sur des plaintes, des incidents et des défaillances, par exemple.
Le nombre total est une combinaison de toutes ces stratégies d'inspection.
Le sénateur Brown : Les chiffres pour 2012 différeront-ils de façon importante? Y aura-t-il moins ou plus d'inspections?
M. Miller : Non. Le nombre moyen d'inspections reste à peu près le même d'une année à l'autre.
Le sénateur Brown : En fait, ces inspections visent principalement à éviter que des problèmes surviennent au lieu d'attendre que quelque chose arrive, n'est-ce pas?
M. Miller : Oui, c'est juste.
Le président : J'ai une petite question à poser, après quoi nous passerons au deuxième tour.
Dans votre déclaration, vous dites qu'il y a 400 000 kilomètres de pipelines qui relèvent uniquement de vous en Alberta. Pouvez-vous me dire combien de kilomètres l'ONE réglemente à l'intérieur des frontières de l'Alberta?
M. Pesta : Je vais vous donner un chiffre approximatif. C'est environ 30 000 kilomètres, et il s'agit principalement de gazoducs.
La sénatrice Johnson : J'aimerais savoir une chose. La National Academy of Sciences des États-Unis a entrepris une étude intitulée Pipeline Transportation of Diluted Bitumen, dans laquelle elle cherche à déterminer si le transport par pipeline du bitume dilué, ou dilbit, augmente les risques de déversement comparativement au transport par pipeline d'autres pétroles bruts.
Participez-vous à cette étude? La connaissez-vous?
M. Pesta : Nous connaissons cette étude, mais nous n'y participons pas.
La sénatrice Johnson : Qu'en pensez-vous? Selon vous, est-ce une bonne idée?
M. Pesta : De notre point de vue, rien ne prouve qu'il y a un risque accru de défaillances pour les pipelines transportant du bitume dilué. Nous travaillons dans le domaine des pipelines en Alberta depuis près de 30 ans, et selon notre expérience, rien n'indique qu'il y a une plus grande probabilité de défaillance pour ce type de pipelines.
La sénatrice Johnson : Les Américains doivent estimer qu'il y en a une pour les leurs. Est-ce la raison pour laquelle ils mènent cette étude? Ils doivent voir des risques dans leur pays. Savez-vous si c'est le cas? Est-ce la raison d'être de l'étude?
M. Pesta : Je pense qu'ils en étudient la possibilité. On a laissé entendre que ce pouvait être le cas. Il y a toutefois deux études qui indiquent clairement que rien ne distingue les pipelines transportant du pétrole brut de ceux transportant du bitume dilué sur le plan des probabilités de défaillances dues à la corrosion. Par conséquent, il a été prouvé et démontré que ce n'était pas exact, et je crois que le comité a entendu ces témoignages.
Le président : J'irai un peu plus loin en disant que l'ONE a effectué ces études — je crois que c'est l'ONE ou l'Association canadienne de normalisation — et que ses conclusions concordent avec vos propos. On a déjà effectué ce type d'études au Canada et on dit qu'il n'y a pas plus de risques pour le dilbit que pour le pétrole brut classique. Est-ce exact?
M. Pesta : Il y a eu deux études. Je ne crois pas que l'Office national de l'énergie y ait participé; c'est plutôt Ressources naturelles Canada, un organisme de recherche indépendant. L'une des études a été faite par Alberta Innovates, qui est aussi un organisme indépendant.
Le sénateur Lang : J'aimerais vous poser une question au sujet de votre mandat en tant qu'organisme indépendant. L'une des raisons pour lesquelles nous faisons cette étude, c'est que, de toute évidence, l'enjeu de la sécurité des pipelines est maintenant du domaine public. Dans le cadre de la discussion sur le projet Northern Gateway, Kinder Morgan et d'autres exploitants de pipelines ainsi que diverses organisations se sont demandé si les pipelines sont sécuritaires et s'il s'agit d'une question d'intérêt public.
Parallèlement, nous entendons et lisons les déclarations de certains de ces organismes et porte-parole au sujet de la sécurité des pipelines. Lorsqu'une déclaration est faite, personne ne semble rectifier les faits s'ils sont inexacts. Est-il de votre mandat, quand vous voyez le débat public qui s'ensuit et que vous entendez des déclarations au sujet de votre organisme ou des sociétés de pipeline, de rectifier les faits afin que les gens connaissent bien les exigences s'appliquant à l'installation de pipelines et les normes de sécurité qui sont mises en place pour que le public soit au fait des deux aspects de la question?
M. Hill : Je vais essayer de répondre à cette question. L'une des choses que nous essayons d'éviter, c'est d'intervenir dans le débat public, qu'il soit bon ou non. Cependant, nous publions des statistiques sur le taux d'incidents et la cause de ces incidents. Le principe est que si nous pouvons présenter au public de bons renseignements fondés sur la science et les statistiques, il pourra alors déterminer lui-même s'il s'agit d'un moyen sécuritaire de transporter le pétrole et le gaz, que ce soit à l'intérieur ou à l'extérieur de l'Alberta. Notre rôle est de nous assurer de faire preuve de la plus grande transparence dans nos rapports sur la nature des incidents qui surviennent et de fournir de bonnes statistiques afin que les gens puissent se forger leur propre opinion.
Le sénateur Lang : J'aimerais aller un peu plus loin, car c'est un sujet de préoccupation. C'est bien d'avoir de l'information sur un site web, mais il faut aussi informer le grand public de ce qui se trouve sur ce site, de sorte que l'ensemble de la population soit aussi informée. Si votre organisme ne joue pas un rôle plus proactif en ce qui concerne les normes et ce à quoi vous vous attendez, en tant qu'organisme indépendant, de l'industrie pétrolière et gazière, alors ma question serait la suivante : Qui le fait en ce qui concerne l'Alberta, pour s'assurer que l'information est diffusée?
M. Hill : L'Association canadienne de pipelines d'énergie joue certainement une partie de ce rôle, et d'autres jouent un rôle proactif en veillant à ce que le public obtienne de bons renseignements.
Encore une fois, je pense que notre rôle n'est pas tant de promouvoir que de nous assurer qu'une bonne réglementation est en place dans la province et que les pipelines sont sécuritaires. Notre gouvernement peut jouer un rôle plus important en faisant de la promotion et en veillant à ce que le message passe. C'est certainement une position qui lui tient à coeur pour ce qui est de l'accès à d'autres marchés. Des renseignements fiables doivent être communiqués relativement à la sécurité des pipelines. D'autres assument cette responsabilité, mais encore une fois, notre rôle ne vise pas tant la promotion ni même la politique stratégique que la mise en place d'une bonne réglementation permettant d'exploiter les pipelines de façon sécuritaire. À cette fin, nous fournissons des statistiques à notre gouvernement et à d'autres pour leur montrer à quel point les choses vont bien à ce chapitre.
M. Pesta : Je voudrais apporter une précision. Vous avez posé une question au sujet de l'exactitude des renseignements fournis au public. Nous suivons de près l'information dans les médias; lorsqu'on présente des renseignements erronés qui mettent en cause l'ERCB, nous intervenons et rectifions les faits afin que le public ait accès à des renseignements exacts.
Le sénateur Lang : Si divers groupes d'intérêts diffusent de faux renseignements, je crois fermement que tous les organismes concernés et avertis, comme le vôtre, devraient rectifier les faits afin que le public soit pleinement informé. À l'heure actuelle, le débat semble être fondé, dans bien des cas, sur des demi-vérités.
Le président : Je vous remercie de votre exposé et de vos réponses à d'excellentes questions. Nous vous sommes reconnaissants du temps que vous nous avez consacré; nous savons qu'il est précieux. Nous vous souhaitons une joyeuse Saint-Valentin.
(La séance est levée.)