Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 18 - Témoignages du 10 mai 2012
OTTAWA, le jeudi 10 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui à 10 h 35 pour étudier le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés).
La sénatrice Joan Fraser (vice-présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La vice-présidente : Bienvenue au Comité permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous poursuivons aujourd'hui notre étude du projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés).
[Traduction]
Nous sommes heureux d'accueillir ce matin, comme premiers témoins, M. Tom Wright, directeur des opérations au Canada de l'Ultimate Fighting Championship, et M. Rory MacDonald, combattant de poids mi-moyen de l'UFC, qui pourront nous donner une idée de la façon dont les choses se déroulent vraiment.
Tom Wright, directeur des opérations au Canada, Ultimate Fighting Championship : Merci beaucoup, madame la présidente et mesdames et messieurs les sénateurs, de nous donner l'occasion de discuter avec vous aujourd'hui.
[Français]
Au nom de l'UFC, nos athlètes et les partisans des arts martiaux mixtes du Canada, merci de votre invitation aujourd'hui à vous parler de notre sport.
[Traduction]
J'aimerais remercier tous les témoins précédents. Vous avez entendu des médecins et des commissaires et des ministres aux sports. Il y a eu beaucoup de discussions au sujet de ce nouveau sport, que certains qualifient d'arts martiaux mixtes. Il s'agit du sport qui connaît la plus grande croissance partout dans le monde. C'est un sport très énergique, rapide et excitant. C'est un sport pratiqué par des athlètes incroyables, comme Rory MacDonald. Pour ceux qui ne connaissent pas M. MacDonald, je peux vous dire qu'il vient de la Colombie-Britannique, plus précisément de Quesnel. Il a grandi à Kelowna et Langley, et il vit maintenant à Montréal, où il s'entraîne, au gym Tristar avec un autre combattant canadien de poids mi-moyen, Georges St-Pierre.
M. MacDonald a 22 ans et il arrive au quatrième rang des athlètes les plus jeunes de l'UFC. Son record est de 13 victoires et 1 défaite. C'est un Canadien exceptionnel qui représente ce nouveau sport et en est l'ambassadeur. Il a tout récemment combattu dans le cadre d'un des deux combats principaux de l'événement UFC 145, qu'il a remporté. Je suis fier de compter sur ce Canadien parmi les athlètes qui représentent notre sport.
Les membres de votre comité ne sont peut-être pas conscients de la mesure dans laquelle les arts martiaux mixtes canadiens se distinguent, plus particulièrement l'UFC. Comme je l'ai dit, c'est le sport qui connaît la croissance la plus rapide au monde, mais le Canada est le pays dont le marché pour ce sport est le plus développé par habitant. Notre premier événement tenu en Ontario, l'UFC 129, le 30 avril 2011, a établi un record mondial. Au total, 55 000 Canadiens y ont assisté pour encourager nos athlètes et venir voir de nombreux Canadiens participer aux combats.
Si les arts martiaux mixtes sont un sport nouveau et excitant dans lequel le Canada se distingue, il s'agit aussi d'un sport qui divise la population. Une chose est sûre, c'est bel et bien un sport.
Comme il s'agit d'un sport, il faut absolument prévoir des règles uniformes, de même qu'une arène uniforme de façon à ce que les athlètes comme M. MacDonald puissent combattre selon des règles du jeu équitables. Ces dernières s'imposent parce que nous voulons être certains que les arbitres ont reçu une formation adéquate, que certaines règles sont en place, et que le résultat du combat est juste. Mais, d'abord et avant tout, ce que nous voulons, c'est un contexte de réglementation uniforme, administré de façon rigoureuse par des professionnels pour la surveillance des compétitions.
Tous ces besoins visent fondamentalement à protéger la santé et la sécurité de nos athlètes. Je peux vous dire que quand Zuffa, l'entreprise pour laquelle je travaille, a acheté la propriété intellectuelle de l'Ultimate Fighting Championship au début de 2001, la première chose que nous avons faite, à titre d'organisation, a été d'aller chercher une réglementation, parce que, à l'époque, notre sport n'était pas sanctionné. Il n'était pas réglementé dans l'ensemble des provinces et des territoires du Canada, et il ne l'était que dans deux États américains : le Nevada et le New Jersey.
Nous sommes maintenant réglementés sur le plan provincial ou municipal dans 7 des 10 provinces et dans les 3 territoires. Nous sommes réglementés dans 46 des 48 États américains où il y a des commissions. Encore une fois, tout cela nous permet d'être certains que le sport se déroule dans un contexte de réglementation uniforme et que la santé et la sécurité de nos athlètes passent avant tout.
Je suis fier d'être Canadien. Dans l'avenir, nous visons à ce que les 10 provinces et les 3 territoires disposent tous d'un cadre de réglementation uniforme. Le problème est lié au fait qu'il y a une ambiguïté — un manque de clarté — au paragraphe 83(2) du Code criminel au sujet de la définition d'un combat concerté. Il n'y est pas question des arts martiaux mixtes. On y mentionne la boxe, mais, quand ce paragraphe a été rédigé dans les années 1930, le sport des arts martiaux mixtes n'existait pas. Ces changements tout simples apportés au Code criminel auront une très grande incidence sur les arts martiaux mixtes au Canada, sur notre sport, à mesure qu'il continuera de croître, ce qui permettra à M. MacDonald de continuer de représenter notre pays et notre sport aussi bien qu'il le fait présentement.
Ces simples changements élimineraient l'ambiguïté et rendraient plus clair le paragraphe 83(2), ce qui donnerait à notre sport un contexte réglementaire uniforme à l'échelle du pays et éliminerait toute cette incertitude juridique pour les provinces, qui doivent, essentiellement, fermer les yeux sur le Code criminel.
Je vous remercie donc de me donner l'occasion de discuter avec vous. M. MacDonald et moi appuyons pleinement l'amendement, le projet de loi S-209 à l'étude au Sénat. Nous sommes maintenant prêts à répondre à toutes vos questions. Si nous avons amené M. MacDonald aujourd'hui, c'est pour vous permettre d'avoir un autre point de vue que celui de la gestion de ce sport ici, au Canada. Il est très important que vous compreniez l'un de nos athlètes et puissiez voir les choses de son point de vue.
La dernière chose que je pourrais dire, pour situer un peu en contexte le rôle de M. MacDonald, c'est que notre sport est encore tout jeune. D'un point de vue relatif, il n'est même pas encore adolescent. La Coupe Grey célébrera bientôt son 100e anniversaire à Toronto. Le hockey, le basketball et le baseball sont des sports qui ont fêté leur centenaire depuis longtemps. Notre sport à nous est encore tout jeune, et, il y a seulement 5 ou 10 ans, les athlètes qui pratiquaient les arts martiaux mixtes avaient auparavant pratiqué un sport en particulier, comme le karaté, le judo, le tae kwon do, la lutte gréco-romaine et, dans certains cas, la boxe. M. MacDonald représente une nouvelle lignée d'athlètes qui se sont entraînés pour devenir des spécialistes des arts martiaux mixtes. Il possède des techniques provenant de toutes les disciplines qui ont donné naissance aux arts martiaux mixtes. C'est aussi un bon ambassadeur pour le Canada, et c'est notamment pour cette raison que je suis fier de le compter comme athlète et de le présenter à votre comité sénatorial. Merci beaucoup.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Wright.
Le sénateur Runciman : Je vous souhaite la bienvenue à tous les deux. Monsieur Wright, vous avez mentionné la question de la sécurité. Bien des gens ne savent peut-être pas que vous avez aussi déjà été commissaire de la Ligue canadienne de football. On nous a parlé de certaines préoccupations concernant les blessures. Nous avons discuté hier avec un certain nombre de témoins des blessures dans le sport que vous représentez par rapport aux blessures au hockey ou au football. Vous avez peut-être une expérience unique puisque vous connaissez de près le football professionnel. Vous pourriez peut-être nous en parler. En ce qui concerne le point de vue de M. MacDonald à titre d'athlète qui prend part à des compétitions, je me demande en quoi les dispositions de sécurité qui s'appliquent à lui et aux autres combattants se comparent avec celles, disons, de la boxe.
M. Wright : Merci, monsieur le sénateur. Je vais commencer, puis M. MacDonald pourra conclure.
Je pense que j'ai ce point de vue particulier puisque j'ai déjà été commissaire de la Ligue canadienne de football. Dans le cadre d'emplois précédents, j'ai travaillé auprès de joueurs professionnels de basketball, de hockey et de baseball. Il est très important de comprendre que nous avons pris des mesures vraiment distinctes pour garantir d'abord et avant tout la santé et la sécurité de nos athlètes. Ce qui distingue notre sport de ces autres sports, c'est, en réalité, le contexte de réglementation. Il revient aux commissions sportives des tiers d'établir une réglementation et des règles uniformes en ce qui concerne les examens médicaux que tous nos athlètes doivent subir avant et après un combat, et concernant la formation uniforme des arbitres de façon à ce qu'ils puissent, si un combattant n'est plus en mesure de décider pour lui-même, mettre fin au combat.
La situation n'est pas la même dans les autres sports, puisque ce n'est pas un tiers qui administre la réglementation. Je peux vous donner quelques détails. Chacun de nos athlètes fait l'objet d'une série d'examens médicaux rigoureux, d'une tomodensitométrie et de tests sanguins avant un combat. Nous faisons aussi des tests de dépistage de drogue chez tous nos athlètes.
À la suite d'un événement, la commission sportive de la province ou de la municipalité, dans le cas du Canada, ou de l'État, dans certains secteurs des États-Unis, procède à une analyse post-combat de nos athlètes. S'il y a quoi que ce soit, la commission, qui est régie par un tiers, peut suspendre un athlète pendant 30, 60 ou 90 jours. L'athlète n'a pas le droit de s'entraîner avec contact tant qu'il ne fait pas l'objet d'un examen de la part de la commission médicale et que celle-ci ne lui donne pas le feu vert.
C'est un enjeu très important pour nous parce que nos athlètes sont au coeur de notre sport, tout comme des conditions de pratique équitables. C'est pourquoi nous prenons de grandes précautions. Nous ne prenons pas les choses à la légère. Nous savons que les commotions et les blessures à la tête sont une part importante du sport. Nous le voyons aussi au hockey et au football. Toutefois, nous essayons de nous assurer qu'il ne nous revient pas, à nous, de réglementer à ce sujet, mais que cela revient plutôt à des professionnels au sein de tierces parties.
Je terminerai en expliquant pourquoi il est si important d'avoir un contexte de réglementation uniforme à l'échelle du pays. Nous voulons savoir avec certitude que chaque organisation qui présente des événements professionnels d'arts martiaux mixtes doit faire preuve de la même rigueur que nous et respecter les mêmes normes. Nous savons que nous allons protéger nos athlètes, mais nous voulons être certains que chaque organisation est tenue d'en faire autant, de respecter une norme de rigueur et d'uniformité qui viendra garantir la santé et la sécurité de nos athlètes.
Rory MacDonald, combattant, poids mi-moyen, UFC, Ultimate Fighting Championship : Je peux seulement parler de mon expérience personnelle à ce sujet. Je me sens tout à fait en sécurité quand j'entre dans l'octogone en raison des étapes que je dois franchir pour me rendre à un combat et après celui-ci.
Certains tests doivent être effectués par des médecins désignés, comme des tomographies axiales, des analyses sanguines, et tous ces examens médicaux que M. Wright a déjà mentionnés. Je n'ai jamais eu l'impression de me retrouver dans une situation où ma santé était à risque. Je sens toujours que je suis à mon meilleur quand j'entre dans l'arène. J'ai l'impression que les responsables de l'UFC et des arts martiaux ont toujours protégé ma santé à titre d'athlète.
Le sénateur White : Merci d'être ici aujourd'hui. J'ai remarqué la croissance des arts martiaux mixtes au Canada. Ma question vise à savoir si nous faisons quoi que ce soit, au Canada, pour que les arts martiaux mixtes deviennent un sport olympique.
C'est un sport dans lequel nous pourrions exceller, d'abord et avant tout, et c'est aussi un sport qui a beaucoup évolué depuis 10 ans, passant de ce qu'on appelait à l'origine des combats de cage, par exemple, à la vision qu'un grand nombre de personnes ont maintenant de votre sport, un sport de combat ordinaire, un peu comme l'est la boxe, tout en étant bien différent. Je pense que la plupart d'entre nous comprennent maintenant mieux le sport, qu'il soit question ou non d'en faire ensuite un sport olympique, surtout si l'on pense à des gens comme M. MacDonald, qui ont grandi avec ce sport plutôt que d'y arriver à 23 ou 24 ans après avoir, peut-être, compétitionné à l'échelle internationale comme lutteur ou autre et qui se retrouvent à constater qu'il s'agit maintenant presque d'un sport à part entière.
M. Wright : Je vais laisser M. MacDonald vous dire à quel point il serait enthousiaste à l'idée de représenter le Canada aux Jeux olympiques. Je peux toutefois vous dire que j'ai tenu, il y a de cela tout juste 8 ou 10 mois, des discussions préliminaires avec des représentants de Sport Canada pour envisager ce type de démarche visant, au bout du compte, à faire des arts martiaux mixtes un sport olympique. La Fédération internationale des arts martiaux mixtes a été fondée il y a tout juste un mois, en Suède. Il s'agit d'un organisme mondial de surveillance de la réglementation qui a notamment comme but, je crois, de faire des arts martiaux mixtes un sport olympique.
Je trouve intéressant que vous souleviez cette question puisque, dans l'une de mes vies antérieures, j'ai été PDG de Salomon Amérique du Nord, l'entreprise de skis. Quand j'ai commencé dans cet emploi, j'avais une équipe de vente et une division responsables de la planche à neige. Si on m'avait demandé : « Pensez-vous que, dans 15 ou 20 ans, l'une des compétitions les plus regardées des Jeux olympiques de Calgary en 2010 sera la compétition de cross ou de demi- lune en planche à neige? », certaines personnes m'auraient peut-être traité de fou, mais c'est ce qui s'est passé avec ces nouveaux sports qui ont attiré de nouveaux athlètes et ont permis à des pays comme le Canada d'occuper les positions de tête. C'est comme ça que les choses se passent. C'est ce que j'aimerais le plus, à part, peut-être, aller à Québec. Je ne sais pas si cela arrivera aussi rapidement, mais ce que j'aimerais le plus, ce serait d'assister à des Jeux olympiques où il y aurait des arts martiaux mixtes, et de pouvoir rendre hommage à des athlètes comme M. MacDonald.
M. MacDonald : J'ai commencé à m'entraîner à la pratique des arts martiaux mixtes quand j'avais 14 ans, au tout début de l'adolescence. L'un de mes rêves était de participer aux Jeux olympiques dans un sport comme le hockey ou le soccer, quand j'étais petit, puis de passer aux arts martiaux. Évidemment, ce n'était pas possible que les arts martiaux mixtes deviennent un sport olympique, mais j'aimerais que cela se produise un jour. Ce ne sera peut-être pas pendant ma carrière, même si je l'espère, mais je rêve tout de même que les arts martiaux mixtes deviennent un sport olympique.
Le sénateur Baker : J'aimerais simplement souligner que le sénateur White est un ancien boxeur.
Le sénateur White : Je n'étais pas très bon.
Le sénateur Baker : Le sénateur Boisvenu, assis à sa droite, est ceinture noire de karaté. Vous êtes ici en compagnie de bons amis, monsieur Wright. J'aimerais féliciter Tom Wright pour le travail exceptionnel de promotion de ce sport qu'il a fait au fil des ans. Il a vraiment joué un très grand rôle pour ce sport.
Mes questions s'adressent toutefois à Rory MacDonald, qui est un héros à l'échelle du Canada. Rory MacDonald est un héros, et bien des gens le connaissent plutôt bien.
Monsieur MacDonald, la plupart d'entre nous connaissons la boxe et ses règles. Nous regardons surtout de la boxe américaine, et un peu de boxe montréalaise. La règle des trois envois au tapis s'applique dans certains cas, puis il y a le compte jusqu'à 10. Si le boxeur se relève, le combat reprend. Y a-t-il aussi cette règle des trois envois au tapis dans votre sport. Est-ce que cela se passe comme à la boxe?
M. MacDonald : Il n'y a pas de règle des trois envois au tapis, et il n'y a pas de compte. C'est ce qui entraîne bon nombre de blessures à la tête dans la boxe; votre opposant peut être envoyé au tapis, mais il a la possibilité de récupérer et, s'il en est capable, de poursuivre le combat, ce qui fait qu'il reçoit encore d'autres coups à la tête, pendant des rounds qui durent plus longtemps — 12 rounds, habituellement, je pense, à la boxe. Nos rounds sont plus courts. Présentement, nous procédons de la façon suivante : l'arbitre saute dans l'arène et met immédiatement fin au combat s'il pense que le combattant risque d'être gravement blessé, ou quoi que ce soit, puis le combat est terminé. C'est une méthode beaucoup plus sûre pour ce qui est des blessures à la tête et des commotions, entre autres. Les combattants ne se retrouvent pas tout étourdis et désorientés comme c'est parfois le cas d'anciens boxeurs à la fin de leur carrière.
Le sénateur Baker : Donc, si je comprends bien, le boxeur est blessé. Le boxeur ou la boxeuse, puisqu'il y a maintenant de la boxe féminine. On peut en voir à la télévision. Le boxeur se retrouve donc au tapis, inconscient pendant un certain temps, puis il reprend ses esprits, se lève et peut continuer; le combat reprend, la même scène peut se produire trois fois pendant le même round, et le combat se poursuit toujours.
Dans votre sport, donc, l'arbitre peut exercer son jugement. Mais vous avez également la possibilité d'abandonner. Décrivez-nous comment cela se passe.
M. MacDonald : On peut abandonner en tapant.
Le sénateur Baker : Comment faites-vous cela? Pouvez-nous décrire comment cela se passe.
M. MacDonald : Comme cela, tout simplement. C'est très facile. Vous pouvez aussi le faire de vive voix, en disant « tap ». Même simplement crier. Vous pouvez taper ou dire le mot « tap », ou, s'il y a un cri, l'arbitre peut intervenir et se servir de son jugement pour déterminer si la personne a crié parce qu'elle voulait abandonner.
M. Wright : Je pourrais ajouter une chose qui me semble très intéressante. Dans le domaine de la boxe, il n'y a pas vraiment de façon honorable de perdre ou d'abandonner. Il y a l'idée de lancer la serviette, mais ceux qui connaissent un peu l'histoire de la boxe se souviendront de Roberto Durán qui disait « No más, no más », et il a presque été vilipendé pour cela. Dans le sport de M. MacDonald, vous pouvez perdre de façon honorable. Vous pouvez abandonner. Je pense que tout cela vient en partie du fondement même des arts martiaux mixtes ou des arts martiaux individuels, comme le karaté, le judo, le tae kwon do, la boxe et la lutte gréco-romaine. Les personnes qui ont la chance d'apprendre l'un de ces arts martiaux individuels doivent se rendre à un dojo. Ce peut être un jeune, garçon ou fille. Quelles sont certaines des choses qu'elles apprendront et que M. MacDonald a aussi apprises dans le cadre de son entraînement? Elles apprendront l'honneur, la discipline, l'esprit sportif et le respect, autant de règles de conduite qui permettent aux athlètes qui pratiquent notre sport de perdre en tout honneur, parce qu'il est correct de perdre de façon honorable. C'est l'un des aspects qui distinguent notre sport et qui le rendent si intéressant.
Le sénateur Baker : Monsieur MacDonald, vous êtes là en dessous, et l'autre personne vous a immobilisé grâce à une prise de karaté, comme les connaît si bien le sénateur Boisvenu, et vous êtes coincé. Cela commence à vous faire mal. Que faites-vous? Vous pouvez tout simplement taper dans le dos de cette personne?
M. MacDonald : Ou sur le tapis. N'importe où.
Le sénateur Baker : Ou vous pouvez dire « tap ». Quel est le pourcentage des combats qui se terminent, d'après vous, de façon volontaire? La moitié d'entre eux? Est-ce que la moitié des combats se terminent par un abandon?
M. MacDonald : Je ne sais pas.
M. Wright : Je connais les chiffres. Il s'agit d'environ 30 p. 100 des combats.
Le sénateur Baker : Un tiers, donc. C'est un geste volontaire de la part d'un des athlètes qui met fin au combat. C'est incroyable.
La vice-présidente : Sénateur Baker, je vais revenir à vous pendant la deuxième série de questions.
Le sénateur Baker : D'accord, j'abandonne.
Le sénateur Joyal : Ma première question s'adresse à M. MacDonald. Vous avez mentionné que vous pratiquez ce sport depuis l'âge de 14 ans, et je crois que M. Wright a mentionné que vous aviez maintenant 22 ou 23 ans.
M. MacDonald : Oui.
Le sénateur Joyal : Comment subvenez-vous à vos besoins sur le plan financier?
M. MacDonald : Je suis chanceux, je travaille pour une organisation extraordinaire, l'UFC. Cette organisation a été en mesure de me soutenir financièrement à titre d'athlète professionnel.
Je suis heureux et chanceux que notre sport soit reconnu et qu'il y ait tant de partisans qui nous soutiennent. J'ai maintenant de très nombreux partisans, et ma passion est devenue mon activité professionnelle. Je le ferais même si je n'étais pas payé parce que j'adore ce sport. C'est ce que je suis; c'est ce qui me définit. L'Ultimate Fighting Championship me soutient donc financièrement, et je suis à l'aise de gagner ma vie de cette façon.
Le sénateur Joyal : Combien de temps pensez-vous être en mesure de continuer de pratiquer ce sport?
M. MacDonald : Ma vision du sport et de la vie en général, c'est de continuer tant que la passion est là.
M. Wright : Randy Couture avait 47 ans au moment de son dernier combat.
M. MacDonald : Oui, il a eu une très longue carrière. C'est un sport que l'on peut pratiquer très longtemps. C'est un sport très sain.
M. Wright : Pour M. MacDonald, c'est un mode de vie. Racontez aux membres du comité comment se déroule votre programme d'entraînement.
Le sénateur Joyal : Racontez-nous l'une de vos journées ordinaires.
M. MacDonald : Je m'entraîne au gym pendant au moins deux ou trois heures tous les jours, sauf le dimanche. Je garde le dimanche pour récupérer. Qu'il y ait un combat qui s'en vient ou non, je m'entraîne pour perfectionner ma technique. Mon travail consiste à devenir le meilleur combattant possible et à me présenter sous mon meilleur jour chaque fois que j'entre dans l'octogone.
Le sénateur Joyal : Vous pratiquez ce sport depuis huit ou neuf ans. Avez-vous déjà subi des blessures, comme des commotions? Avez-vous déjà subi une commotion?
M. MacDonald : Je n'ai eu aucune blessure à la tête. J'ai subi une chirurgie au genou l'an dernier à cause de tout mon entraînement. À part cela, je suis en parfaite santé.
Le sénateur Joyal : Quels types de mesures prenez-vous pour protéger votre santé afin d'avoir une longue carrière? Comme vous l'avez mentionné, vous pouvez continuer à pratiquer ce sport jusqu'à la fin de la quarantaine, ce qui signifie que la majeure partie de votre carrière est encore à venir. Vous devez être certain d'investir dans votre santé pour pouvoir poursuivre votre carrière. Comment vous y prenez-vous pour gérer cette priorité dans votre vie?
M. MacDonald : C'est très important pour moi. Comme vous l'avez dit, je veux avoir une longue carrière, et, même quand elle sera terminée, je veux être une personne en santé et avoir un mode de vie sain. D'abord et avant tout, il faut avoir un régime alimentaire très sain, ce que je prends très au sérieux. Il est aussi très important de récupérer entre les séances d'entraînement pour pouvoir participer à la séance d'entraînement suivante sans se faire mal, s'épuiser ou se blesser. Si j'ai une petite blessure, je commence par la guérir, et je n'essaie pas de placer mon ego au premier plan et de faire comme si je n'étais pas blessé. Je m'en occupe. Je vois un ostéopathe ou un physiothérapeute chaque semaine, je reçois des massages, et je fais un traitement dans des saunas et des bains froids. Il y a aussi les traitements par la glace, et ce genre de choses.
Le sénateur Joyal : Nous devrions tous adopter un tel mode de vie.
Monsieur Wright, vous avez parlé d'une réunion qui a eu lieu en Suède pour créer un organisme international. Combien de pays européens font partie du groupe dont vous avez parlé plus tôt? Vous avez mentionné les États-Unis.
M. Wright : C'est une excellente question. Je ne connais pas le nombre exact, mais je peux trouver la réponse. Nous avons organisé des événements en Allemagne, au Royaume-Uni et en Suède. Nous prévoyons aller en Finlande dans l'avenir. Notre but, c'est que notre sport soit pratiqué dans tous les pays du monde.
Les combats de l'UFC peuvent être regardés par environ un milliard de ménages partout dans le monde et sont diffusés dans 149 pays en 25 langues. Cette année, nous avons organisé des combats au Brésil, en Australie, au Japon, au Royaume-Uni et, évidemment, aux États-Unis. Trois événements auront lieu au Canada. Il y aura l'UFC 149 à Calgary, en juillet, puis nous serons de retour à Toronto pour l'UFC 152 en septembre, et enfin, à Montréal, pour la cinquième fois, en novembre, pour l'UFC 154.
Le sénateur Joyal : Quelle est votre perception de M. St-Pierre en tant qu'athlète?
M. MacDonald : Georges — M. St-Pierre — est pour moi un mentor et un modèle fantastique dans ma vie quotidienne. C'est une bénédiction pour moi de l'avoir rencontré. Je me suis installé à Montréal il y a bientôt deux ans, et il a joué un rôle très important dans ma vie; il m'a servi de modèle et m'a beaucoup appris sur notre sport. Il fait preuve d'un grand professionnalisme. Il prend soin de sa santé et de ses finances. J'ai appris de nombreuses choses grâce à lui.
Le sénateur White : Vous avez parlé de votre blessure; j'ai vérifié votre fiche pendant que vous parliez. Je vois que vous avez manqué un combat à cause de cette blessure. Seriez-vous d'accord avec moi pour dire que, dans les arts martiaux mixtes, les blessures surviennent plus souvent pendant l'entraînement que pendant un combat?
M. MacDonald : Oui, sans hésitation.
Le sénateur White : C'est le contraire de ce qui se passe dans bien d'autres sports, où les blessures surviennent pendant une compétition plutôt que pendant l'entraînement qui la précède.
M. MacDonald : Oui. C'est en raison des mesures prises par l'UFC et les diverses commissions athlétiques pour protéger les athlètes pendant les compétitions. Notre entraînement est exigeant et nous devons prendre les mesures voulues.
Comme je le disais plus tôt, il est très important de bien manger et de se reposer entre les séances d'entraînement. Maintenant que la pratique de ce sport est en croissance, il importe de faire passer le message aux jeunes et de leur expliquer comment se protéger pendant l'entraînement.
Le sénateur Di Nino : Je ne crois pas que cette loi visant à modifier le Code criminel va soulever quelque problème que ce soit. Elle ne devrait pas susciter beaucoup d'opposition. Je crois que le projet de loi du sénateur Runciman est tout à fait judicieux. Il est important d'assurer l'uniformité dans ce type d'initiative.
Nous nous renseignons, ici, au sujet de votre sport, et c'est bien, car, pendant que nous apprenons, le public apprend aussi. Cela semble brutal. Je n'ai pas vu beaucoup de combats, mais, lorsque j'en ai vus, je me suis demandé pourquoi ces gens faisaient cela. À la lumière de ce que j'ai appris hier et aujourd'hui, il n'est probablement pas si brutal qu'il en a l'air, et il est peut-être même moins brutal que d'autres sports. Vous avez réussi, avec les autres témoins, à bien faire comprendre cela.
M. MacDonald a dit qu'il travaillait pour une entreprise extraordinaire. Est-ce que les athlètes sont salariés ou doivent-ils livrer des combats régulièrement pour gagner des bourses?
M. Wright : Tous nos athlètes sont indépendants. Ils signent un contrat avec l'UFC, font des combats au sein de notre organisation et sont récompensés en fonction de leur performance. Nous déployons beaucoup d'efforts pour assurer leur protection. Nous sommes la seule organisation professionnelle d'arts martiaux mixtes du monde à être dotée d'un régime d'assurance qui protège les athlètes pendant l'entraînement. Les commissions exigent que le promoteur — c'est-à-dire l'UFC — souscrive une assurance couvrant chaque événement professionnel de manière à protéger les athlètes en cas de blessure.
Nous avons mis longtemps à trouver un assureur qui serait prêt à faire cela, mais nous estimions qu'il était d'une importance fondamentale de protéger les athlètes pendant l'entraînement.
L'autre aspect important lié au fait d'être autonome, c'est que M. MacDonald est libre de bâtir sa propre image de marque, de trouver ses propres commanditaires, de travailler avec d'autres organisations au Canada et de par le monde et de mettre en valeur son image de marque afin de pouvoir nouer ce type de relations. Il serait opportun qu'il vous parle de certains de ses partenaires avec lesquels notre organisation n'a aucun lien, s'il le veut bien. M. MacDonald peut faire ce choix. Certaines organisations fascinantes croient en lui autant que nous croyons en lui.
Le sénateur Di Nino : Comment gagnez-vous votre argent?
M. MacDonald : Je gagne de l'argent grâce à mes combats. Nous combattons pour un prix.
Le sénateur Di Nino : N'avez-vous pas des commanditaires qui vous donnent une certaine somme afin de pouvoir utiliser votre nom?
M. MacDonald : J'ai des commanditaires qui fabriquent des vêtements et de l'équipement, d'autres qui vendent des suppléments — des choses comme ça.
M. Wright : Je n'ai peut-être pas été assez clair. Tous nos combattants sont payés. C'est une pratique qui avait cours dans le monde de la boxe, le sénateur White s'en souviendra peut-être. Il y a une rémunération pour la présence et un prix pour la victoire. Un combattant est payé pour se présenter, ce qui veut dire, essentiellement, qu'il doit être sur place et avoir le bon poids au moment de la pesée. S'il ne fait pas le poids, il n'aura pas le droit de combattre, car nous ne voulons pas avantager un combattant. Nous faisons donc ce qu'il faut à cette fin. Si M. MacDonald, dans la catégorie des mi-moyens, pèse 170 lb et que son adversaire fait 180 lb, ce ne sera pas juste. Dans les endroits où il n'y a pas de règlement, on pourrait dire : « Il n'a pas l'air de peser 10 lb de plus; laissons-le combattre. » Un combattant est payé pour sa prestation. M. MacDonald reçoit également une récompense quand il gagne.
En outre, l'UFC se démène vraiment pour inciter les athlètes à se dépasser. Une foule de possibilités s'offrent à un combattant comme M. MacDonald; à l'occasion de l'UFC 129, par exemple, nous offrons des récompenses pour le knock- out de la soirée et pour la victoire par soumission de la soirée. Quant au combat de la soirée, le gagnant et le perdant reçoivent tous deux une récompense. Ces récompenses sont importantes pour des combattants professionnels comme M. MacDonald. À l'UFC 129, chacune de ces récompenses était de 129 000 $.
M. MacDonald est un athlète professionnel qui se donne corps et âme à son sport. On entend souvent parler d'athlètes professionnels qui font des millions de dollars. Nous avons quelques athlètes dans cette catégorie, mais, évidemment, ils n'en font pas tous partie. Il est certes possible de très bien vivre grâce à ce sport, mais il faut se préparer, se dépasser et gagner. Pour réaliser tout cela, M. MacDonald s'entraîne.
Le sénateur Di Nino : J'ai une petite question qui concerne les tests de dépistage de drogue. Par qui les normes sont- elles établies? Est-ce qu'elles sont comparables à des normes que nous connaissons, par exemple, celles qui s'appliquent aux athlètes olympiques?
M. Wright : Je peux répondre à cette question. Nous avons élaboré nos propres politiques, mais nous ne nous occupons pas des tests de dépistage. Cela relève des commissions athlétiques des provinces et des États. Nous soumettons nos athlètes à des tests conformes aux lignes directrices de l'Agence mondiale antidopage. Tout cela vise à garantir que les règles du jeu sont les mêmes pour tout le monde.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci beaucoup, messieurs. Ma question s'adresse à vous deux. On apprenait dernièrement qu'un gardien de but de la Ligue nationale de hockey avait dû jouer quatre matchs malgré une commotion cérébrale. Vous est-il déjà arrivé de lutter malgré une blessure?
[Traduction]
M. MacDonald : Non, je ne me suis jamais senti contraint à combattre malgré une blessure. L'UFC comprend que nous devons toujours être au mieux de notre forme pour réussir dans ce sport. Je n'ai jamais eu l'impression qu'on m'imposait quoi que ce soit. Je suis fier, par exemple, de ce qu'on a fait dans le cas de Thiago Alves : on avait annoncé, peu avant son combat, qu'il avait subi une blessure quelconque à la tête et devait se retirer de son combat. L'UFC l'a aidé à prendre les mesures nécessaires afin qu'il recouvre la santé. J'ai été heureux d'apprendre cela. Je suis impressionné de voir que l'UFC nous appuie fermement et veut s'assurer que nous sommes toujours au sommet de notre forme quand nous combattons.
Le sénateur Chaput : Monsieur Wright, dans votre témoignage, vous avez dit croire à un bon entraînement des athlètes, à des règles équitables, à un environnement bien réglementé et à la santé et sécurité de nos athlètes.
Ma question est la suivante : diriez-vous que le projet de loi S-209 reflète vos convictions et qu'il permettra de réglementer ce qui a déjà lieu? Voyez-vous cela sous cet angle?
M. Wright : Tout à fait. Le projet de loi prévoit un environnement réglementaire équitable partout au pays. Quand les choses ne sont pas claires, certaines administrations peuvent dire qu'elles ne veulent pas réglementer ce sport parce qu'il est — si on s'en tient à la lettre de la loi — illégal. Toutefois, c'est un sport qui a connu une croissance très rapide, et il n'a pas fini de croître. Or, s'il poursuit son développement dans un environnement non réglementé, il finira par tomber dans la clandestinité, et c'est dans une telle situation que les gens se blessent, car les athlètes ne sont pas nécessairement soumis à des tests de dépistage avant un combat; les arbitres n'ont pas nécessairement une formation adéquate; les promoteurs n'ont peut-être pas prévu de services médicaux d'urgence ou de médecins pendant un événement. Ces gens ne feront pas preuve de la rigueur nécessaire pour s'assurer que des athlètes comme M. MacDonald sont bien protégés et que les règles du jeu sont équitables; c'est dans ces cas-là que les gens se blessent.
Le sénateur Unger : J'aimerais revenir sur la question des tests de dépistage de drogue. À quelle fréquence procède-t-on à des tests aléatoires? Il existe différents types de drogues qui améliorent la performance. Je me demandais quelles drogues sont visées par le dépistage et à quelle fréquence les athlètes sont soumis à des tests.
M. Wright : C'est une excellente question, je vous remercie. Cela varie, car c'est la commission de l'État ou de la province qui établit ces exigences. Elles ne sont pas pareilles dans toutes les provinces.
Pour le moment, nous n'avons pas adopté de politique sur le contrôle antidopage aléatoire selon laquelle, par exemple, nous tenterions de trouver M. MacDonald un mardi à 15 heures pour lui faire subir un test. Nous avons conclu des contrats avec quelque 350 athlètes du monde entier. Avant de pouvoir combattre, un athlète est soumis à des tests. Dans le cadre de chaque événement, nous choisissons au hasard les athlètes qui seront testés.
Les athlètes qui participent au combat principal feront toujours l'objet d'un contrôle antidopage. Chacun de nos événements compte un combat principal; il s'agit en général d'un championnat, c'est-à-dire d'un combat en cinq rounds, alors que les combats ordinaires comptent trois rounds. Les athlètes qui s'affrontent dans le combat principal seront toujours soumis à des tests visant à dépister la présence des drogues couramment utilisées pour améliorer la performance. Comme je l'ai dit en réponse à une autre question, nos tests respectent les normes de l'AMA. Quand nous tenons des événements à Montréal, tous nos tests sont effectués par un laboratoire approuvé par l'AMA; nous essayons de rester à l'avant-garde du progrès du sport à ce chapitre. C'est une nécessité.
Nous continuons à perfectionner notre programme de dépistage. Nous croyons fermement à cela. Nous entraînons nos athlètes. Nous organisons chaque année une conférence des athlètes où nous aidons ces derniers à voir clair dans tout cela; nous leur parlons aussi de l'entraînement et des bonnes façons de gérer leurs finances. Nous faisons de notre mieux pour être un partenaire d'affaires responsable, et cela suppose entre autres d'adopter un mécanisme approprié de dépistage des drogues.
Le sénateur Unger : Est-ce que c'est la province qui détermine quels tests seront faits?
M. Wright : Nous avons établi nos propres normes, mais nous ne pouvons pas dire à une commission athlétique ce qu'elle doit faire. Il s'agit d'un tiers. Je réponds donc par l'affirmative à votre question. En Ontario, par exemple, il n'y a pas de test de dépistage des drogues améliorant la performance, car la province a un point de vue différent sur la protection de la vie privée et une foule d'autres choses. Il faudrait que vous posiez la question à un représentant de l'Ontario. Si la province n'exige pas de tests, nous le faisons nous-mêmes. Nous demandons à la commission d'une autre province de faire ces tests pour nous.
Le sénateur Unger : Combien d'athlètes canadiens participent à cela?
M. Wright : Nous en comptons environ 25 dans l'UFC. Nous présentons un programme à Calgary le 21 juillet. Pour le moment, il y a six Canadiens au programme.
Le sénateur Mitchell : Monsieur Wright, vous avez dit dans votre témoignage, plus tôt — pas en passant, mais brièvement —, que vous protégez vos athlètes quand il est question du revenu et des finances. J'ai été impressionné lorsque vous avez mentionné, il y a un moment, que vous réunissiez les athlètes pour leur parler de finances, car c'est un type de sport où il est possible que l'athlète soit exploité.
Prenez-vous d'autres types de mesures? Par exemple, les gérants de combattants comme M. MacDonald doivent-ils être autorisés ou accrédités par votre organisation? Prenez-vous d'autres mesures pour protéger les finances de ces athlètes?
M. Wright : C'est une excellente question. Je ne sais pas s'ils doivent être autorisés. Mais quelqu'un ici pourrait vous donner la réponse.
La vice-présidente : Veuillez s'il vous plaît venir à la table et vous présenter.
Lex McMahon, agent, Alchemist Management : Je m'appelle Lex McMahon, et je suis le gérant de M. MacDonald. À l'heure actuelle, dans le monde des arts martiaux mixtes, il n'y a pas d'organisme de normalisation ou d'accréditation comme c'est le cas pour la LNF, la NBA ou la LNH. L'industrie a la responsabilité de s'autosurveiller, pour le moment. Si l'UFC était en faveur de cela, il serait fantastique d'avoir un organisme d'accréditation ou des exigences; dans le cas de la LNF, par exemple, on exige une maîtrise — c'est quelque chose qui nous aiderait à fournir une certaine protection aux athlètes, car, à titre de gérants, nous assumons d'énormes responsabilités. Dans notre sport, qui est en croissance, il faudrait insister davantage — et je crois que vous pouvez le constater — pour que les gens qui font mon travail possèdent un solide sens des affaires et beaucoup de discernement afin d'aider M. MacDonald à mener sa carrière. L'UFC fait du bon travail en ce qui concerne la surveillance, également. Si quelqu'un fait mal son travail ou si des problèmes d'éthique se posent, l'UFC va mener la vie dure à l'intéressé, car elle essaie de protéger l'intérêt supérieur de ses athlètes.
M. Wright : Je suis ravi que vous ayez posé cette question. Je vous dirai franchement que c'est l'un des points sur lesquels j'insisterais. J'ai évolué dans d'autres sports professionnels où une telle chose était obligatoire. C'est vraiment une norme très sévère. Nous nous imposons des règles et des normes rigoureuses, alors nous devons en exiger autant des gens qui représentent nos athlètes.
Le sénateur Mitchell : De manière générale, dans un sport comme celui-là, il y a deux façons de prévenir les blessures. La première, c'est de se tenir en forme et d'être vraiment bien entraîné; la seconde, c'est de posséder une bonne technique. On peut s'entraîner par soi-même pour garder la forme, dans une certaine mesure, en allant dans un centre sportif. C'est bien d'avoir un entraîneur, mais ce n'est pas absolument nécessaire.
Pour ce qui est de la technique, par contre, il faut absolument avoir un entraîneur. M. MacDonald en est arrivé, sur le plan de la maîtrise et des finances, à un niveau où il peut probablement retenir les services d'un excellent entraîneur.
Quand vous commencez à l'âge de 14, 15 ou 16 ans, comment peut-on acquérir la technique dont on a besoin pour s'assurer de ne pas se blesser une fois dans le ring?
M. MacDonald : J'ai eu la chance de rencontrer un homme fantastique, un de mes meilleurs amis et mentors, David Lee, qui vient de Kelowna, en Colombie-Britannique. Il a été pour moi un grand modèle. On pourrait même dire qu'il m'a sauvé la vie. Il m'a montré les ficelles du métier; quand je l'ai rencontré, je n'étais qu'un enfant qui ne connaissait rien aux arts martiaux mixtes, et il a fait de moi un athlète professionnel et un homme fort. Je remercie le Bon Dieu de me l'avoir envoyé. J'espère que cela répond à votre question.
Le sénateur Angus : Vous pourriez peut-être m'aider, pour que cela figure au compte rendu. Même si je suis très fervent de sports, je ne connais pas très bien les arts martiaux mixtes. Je connais le terme et même le spectacle qu'on appelle par euphémisme « les combats extrêmes » et certains types de lutte professionnelle. Je considère, dans les deux cas, qu'il s'agit d'un spectacle plutôt que d'un sport. C'est pourquoi j'aimerais que vous m'expliquiez ce que fait M. MacDonald, et peu importe qui répond, vous êtes les personnes compétentes. Je présume qu'il s'agit purement d'un sport et qu'il n'y a ni jeu ni artifice. Cependant, des explications seraient utiles aux gens qui suivent notre séance — et pour ma propre édification —, de façon que nous puissions vous aider à faire reconnaître ce sport par le Comité international olympique.
M. Wright : On fait souvent cette comparaison. L'un des défis qu'on doit relever pour tout nouveau sport, c'est l'éducation. Bien des gens sont au courant de l'existence des arts martiaux mixtes, mais ils ne sont pas nombreux à savoir de quoi il s'agit. À parler franchement, la lutte professionnelle est aux antipodes des arts martiaux mixtes professionnels. Dans la lutte professionnelle, si j'affrontais M. MacDonald, nous saurions tous les deux qui sera le vainqueur, car le match est arrangé. C'est un spectacle, un divertissement. Dans les arts martiaux mixtes, c'est le meilleur concurrent, le meilleur athlète, l'athlète le plus compétent qui gagne; voilà pourquoi il s'agit d'un sport.
La lutte professionnelle, comme vous le savez, est un spectacle. La lutte amateur est un sport olympique. Pour la lutte gréco-romaine, nous allons envoyer des hommes et des femmes à Londres dans quelques mois. C'est un vrai sport, car c'est l'athlète le plus habile qui gagne.
Le sénateur Angus : Ce que j'associais dans mon esprit à la boxe extrême, c'est peut-être cela que vous faites; je l'ignore. J'ai toujours pensé que cela ressemblait davantage à la lutte professionnelle.
M. Wright : Ce n'est pas le cas.
M. MacDonald : Non, c'est complètement différent. Il y a deux concurrents, et l'issue n'est pas prédéterminée. Il y a deux concurrents qui s'affrontent. La lutte est un spectacle, et le vainqueur est connu d'avance. Elle exige des compétences, mais les arts martiaux sont tout à fait autre chose qu'un spectacle ou une mise en scène. Il s'agit de deux concurrents qui cherchent à remporter la victoire.
Le sénateur Angus : Outre les matchs qui se terminent par un abandon, ce qui arrive dans plus ou moins 30 p. 100 des cas, j'imagine qu'il y a des arbitres qui déclarent le vainqueur ou le perdant selon leur performance. Est-ce que cela fonctionne comme ça?
M. Wright : Comme dans la boxe, on peut gagner par knock-out ou par knock-out technique. On peut gagner par décision, par soumission ou par abandon.
La vice-présidente : J'ai une question à propos de ce projet de loi. De la façon dont il est présenté, il propose comme changement d'insérer les mots « les pieds » dans la définition de « combat concerté ». Il s'agirait désormais d'« un match ou combat, avec les poings, les mains ou les pieds ».
Un certain nombre d'exceptions sont prévues : trois concernant les athlètes amateurs, et une concernant les matchs de boxe ou d'arts martiaux mixtes. Hier, nous avons entendu le commissaire d'Edmonton, M. Reid, nous dire que ce serait peut-être trop restrictif, car, comme vous l'avez fait remarquer, monsieur Wright, on ne cesse de créer de nouveaux sports. M. Reid a laissé entendre qu'il serait mieux de parler tout simplement de « sports de combat » plutôt que d'arts martiaux mixtes seulement, car, selon lui, il est tout à fait réaliste de s'attendre à ce que, au-delà du sport véritable dont vous faites la promotion, d'autres sports fassent leur apparition et, s'ils ne sont pas couverts par cette définition, ils ne seront couverts par aucune définition et vont donc se développer en marge de toute réglementation. Que pensez-vous de cela?
M. Wright : C'est une question intéressante. Tout ce que je sais, c'est que notre sport, dans le monde des sports de combat, porte actuellement le nom d'« arts martiaux mixtes ». C'est de toute évidence le sport en croissance à l'échelle mondiale. C'est au Canada un sport en croissance et un sport reconnu. Mon impression, en ce qui concerne ce projet de loi, c'est que plus la définition sera simple et concise, mieux ce sera. Je vais évidemment m'en remettre à la sagesse des membres du comité, mais le projet de loi a été rédigé dans le but d'inclure les arts martiaux mixtes, et, à mon avis, il ne faudrait pas y toucher.
La vice-présidente : Vous seriez les seuls à en tirer avantage, dans le fond.
M. Wright : Il importe que vous compreniez que je suis ici à titre de représentant d'un sport, les arts martiaux mixtes. Chaque fois que je viens à Ottawa, chaque fois que je me rends dans une autre région du pays, j'essaie de faire la promotion des arts martiaux mixtes en tant que sport. Est-ce que j'agis de manière intéressée? Évidemment. Toutefois, j'aimerais ajouter qu'il existe des centaines d'autres organisations qui tiennent des galas d'arts martiaux mixtes qui tireraient avantage de ce projet de loi et de l'environnement qu'il créerait.
La vice-présidente : Je ne voulais pas avoir l'air de vous critiquer, monsieur Wright. Le peu que je connais sur le sujet me permet de dire que ce que vous avez accompli est assez remarquable. Je n'avais aucunement l'intention de dénigrer vos réalisations. Seulement, j'étudie le projet de loi, et je me demande tout simplement quelle serait la meilleure forme à lui donner.
M. Wright : Entendu.
La vice-présidente : Chers collègues, j'aimerais bien que nous ayons le temps de faire un second tour, mais ce n'est pas le cas. En votre nom, je vais remercier M. Wright et M. MacDonald d'avoir livré un témoignage des plus intéressants.
Nous sommes heureux maintenant d'accueillir le prochain témoin, le Dr Sam Gutman, président et médecin-hygiéniste en chef de Rockdoc Consulting Inc. Merci d'être venu. La plupart des membres du comité découvrent le domaine au fil des témoignages, et vous allez nous mener encore plus loin. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire; vous avez la parole.
Dr Samuel Gutman, président et médecin-hygiéniste en chef, Rockdoc Consulting Inc. : Merci de m'avoir invité. Les médecins du Canada ne sont pas nombreux à avoir l'occasion d'avoir la possibilité de participer au débat sur les politiques publiques, et c'est une tâche que je prends très au sérieux. C'est pour moi un honneur de pouvoir m'adresser à vous ici aujourd'hui. Encore une fois, merci.
Je suis urgentiste depuis 21 ans. Je suis professeur clinicien agrégé à l'UBC, et j'ai participé à la conception d'un programme de recherche touchant les grands événements sportifs et les rassemblements de masse. Ce qui était au départ une activité secondaire est devenu une activité principale : je fournis des soins médicaux dans le cadre d'événements d'envergure. Les compétitions d'élite sont devenues ma passion. J'ai eu l'occasion, à la fois en tant que directeur et sur le terrain, de participer en qualité de médecin à la conception d'une politique, mais aussi à la prestation de soins médicaux à des sportifs professionnels et amateurs et à des athlètes d'élite dans une foule de sports, dont le triathlon, le marathon, la boxe, les arts martiaux mixtes, la boxe thaïlandaise, la boxe orientale, le taekwondo, le karaté. J'ai également été médecin de la Commission athlétique de Vancouver, organisme qui a réglementé l'UFC 115, auquel M. MacDonald a participé, en juin 2010. À l'époque, j'ai eu l'occasion de travailler avec les représentants de la commission afin de les aider à acquérir une connaissance approfondie du domaine et de leur fournir des conseils détaillés sur la façon de réglementer un gala d'arts martiaux mixtes professionnels. La commission n'avait encore que très peu d'expérience dans ce domaine, et j'ai donc eu la possibilité encore une fois de faire la promotion de la sécurité des athlètes.
Dans le cadre de mon expérience comme urgentiste, j'ai eu l'occasion de voir les traumatismes qui résultent de la pratique d'un sport. C'est une chose courante dans les salles d'urgence. En passant, selon mon expérience, la majorité des traumatismes ne surviennent pas dans le cadre de sports de combat. Il est beaucoup plus fréquent qu'ils résultent d'activités comme le hockey, le football, le ski ou le vélo de montagne. Mais je dirais que, surtout au Canada, personne ne voudrait que des sports comme le hockey deviennent illégaux sous le régime du Code criminel. Au plus haut niveau, celui de la LNH, les blessures sont fréquentes.
Les arts martiaux mixtes sont un sport d'élite où le niveau de forme physique exigé est peut-être supérieur à tous les autres sports où j'ai évolué, et des blessures surviennent dans ce sport. Des blessures surviennent dans bien des sports. Au bout du compte, à mon avis, nous devrions non pas chercher à savoir si c'est un sport illégal, mais plutôt supprimer cette contrainte de façon que les arts martiaux mixtes professionnels puissent servir de modèle aux sports amateurs. Ils devraient être autorisés et réglementés, et il sera possible ainsi de réglementer la pratique de ce sport en croissance au sein de notre population et de protéger par le fait même la santé de ses nombreux adeptes à des niveaux inférieurs à ceux des sports d'élite et des sports professionnels.
Ce projet de loi, en soustrayant ce sport à l'interdit prévu dans le Code criminel, est très bien conçu et approprié. Merci.
Le sénateur Runciman : Merci d'être venu. Nous avons entendu hier des témoins comparer la boxe et les AMM. Selon certains témoins, les boxeurs sont deux fois plus susceptibles de souffrir d'une commotion cérébrale que les combattants adeptes des AAM. Est-ce que cela vous semble exact?
Dr Gutman : Oui, et les témoins ont expliqué ce matin qu'il existait d'autres moyens de remporter la victoire que d'infliger des coups à la tête.
Le sénateur Runciman : Je crois avoir vu dans votre biographie que vous êtes également médecin officiel de combats?
Dr Gutman : Oui.
Le sénateur Runciman : Dans combien de régions ou municipalités de la province avez-vous fait office de médecin officiel de combats?
Dr Gutman : En Colombie-Britannique, il s'agit d'une réglementation municipale; je dirais donc six ou sept.
Le sénateur Runciman : Je parle de la province.
Dr Gutman : Dans la province, six administrations différentes, probablement.
Le sénateur Runciman : En Colombie-Britannique seulement, pas à l'extérieur de la province?
Dr Gutman : C'est exact.
Le sénateur Runciman : Je me pose des questions sur le contexte réglementaire de la Colombie-Britannique. À quoi ressemble-t-il? Il ne s'agit pas toujours d'événements organisés par l'UFC.
Dr Gutman : Non, et l'un des problèmes tient au fait qu'il y a une multitude d'organismes de réglementation et qu'ils ont peu d'expérience. Il n'existe aucun organisme officiel de réglementation des AMM. Vous connaissez probablement Boxe Canada et Boxing BC, et vous savez que leur fonction consiste en réalité à assurer la sécurité de tout ce qui concerne l'organisation des matchs, les catégories de poids, les règlements, la formation des arbitres et la présence de personnel médical compétent à proximité du ring. Il n'y a rien de cela dans les arts martiaux mixtes. Il existe un comité spécial, formé de bénévoles, que l'on appelle MMA B.C. Il n'a aucun statut; il s'agit uniquement d'un comité spécial qui milite en faveur de l'adoption de règles et de normes appropriées. Le problème, c'est qu'il n'y en a pas, et c'est pourquoi, à l'heure actuelle, au niveau amateur, il y a, par exemple, des gens qui vont participer à un combat dans une région le vendredi soir et dans une autre le samedi soir. C'est tout à fait inapproprié et risqué. À l'heure actuelle, il n'y a aucune gouvernance. Le gouvernement de la Colombie-Britannique envisage actuellement la possibilité de mettre sur pied une commission de réglementation de ce type, et c'est, à mon avis, un grand pas dans la bonne direction.
Le sénateur Runciman : Est-ce qu'on pourrait dire que de nombreux combats se déroulent de manière illicite ou clandestine?
Dr Gutman : Oui.
Le sénateur Runciman : Un représentant de la Commission athlétique de l'Ontario est venu témoigner hier, et il a suggéré un amendement ayant trait à l'imposition de sanctions générales qui s'appliqueraient à la tenue d'événements non autorisés ou non approuvés; il a ajouté qu'il pourrait s'agir d'infractions punissables par voie de mise en accusation — il s'agit pour le moment d'infractions punissables par procédure sommaire —, ce qui ferait qu'il en coûterait beaucoup plus cher de mettre sur pied ce type d'activités. Avez-vous une opinion sur cela?
Dr Gutman : Je crois que cela encouragerait davantage la clandestinité, puisque, pour le moment, il n'y a aucune façon d'autoriser ces activités de manière appropriée. Tant qu'il n'y a pas de cadre, le fait de les criminaliser encouragerait encore plus la clandestinité, et, pour les athlètes, cela présenterait un risque encore plus grand.
Le sénateur Runciman : Dans les provinces où il y a une commission athlétique, pensez-vous que cela pourrait être avantageux?
Dr Gutman : Oui. Il n'y aurait pas de raison de ne pas autoriser un événement donné, alors la personne qui déciderait de se soustraire au règlement devrait, à mon avis, se voir infliger des sanctions.
Le sénateur Angus : Docteur, votre entreprise, Rockdoc Consulting Inc., m'intrigue. Quelles sont ses activités?
Dr Gutman : Il y a 20 ans, j'ai eu la chance d'être le médecin de coulisse d'un groupe rock bien connu; j'ai adoré l'expérience, et j'ai offert mes services à plusieurs reprises. C'est devenu une entreprise, et quand on recourrait à mes services et à ceux de mon équipe, on parlait familièrement du « rock doc ». En conséquence, quand mon entreprise a été constituée en personne morale, je l'ai appelée Rockdoc Consulting. Au départ, l'entreprise offrait des services médicaux aux chanteurs et aux artistes, puis elle est passée dans le monde du sport et des rassemblements de masse.
Le sénateur Angus : Vous êtes seul ou vous comptez sur une équipe de médecins?
Dr Gutman : J'ai constitué une équipe d'environ 700 professionnels de la santé qui viennent de diverses régions. La fin de semaine dernière, nous avons travaillé pour le marathon de Vancouver, le plus important du Canada. J'étais le directeur médical, et 200 personnes ont prodigué des soins aux athlètes. Notre travail nous passionne, et nous disons toujours que notre objectif et notre devise est d'aider les gens à atteindre leur but.
Dans ce contexte, si un combattant s'entraîne depuis des mois en vue d'une compétition, notre travail, ou notre objectif, est de nous assurer qu'il relève le défi en toute sécurité.
Le sénateur Angus : Vous êtes directeur médical et assurez la coordination de 700 soignants. Y a-t-il d'autres médecins?
Dr Gutman : Oui.
Le sénateur Angus : D'autres intervenants du domaine médical font-ils partie de l'association? Y en a-t-il beaucoup?
Dr Gutman : Il s'agit d'une association au sens large du terme. Les gens se rassemblent dans le cadre d'événements, mais oui, il y a un certain nombre de médecins qui travaillent avec nous aussi.
Le sénateur Angus : Êtes-vous membre de l'Association médicale canadienne?
Dr Gutman : Oui.
Le sénateur Angus : J'imagine que vous me voyez venir. Nous croyons savoir que l'AMC est contre la législation et contre la légalisation des AMM et des autres sports de combat, y compris la boxe. Quel est votre point de vue, en tant que membre? Et avez-vous déjà été consulté? J'ai posé la même question au médecin qui a témoigné hier.
Dr Gutman : En fait, l'interdiction a commencé en Colombie-Britannique, à la suite d'une décision de l'Association médicale de la Colombie-Britannique. Je n'ai jamais été consulté directement, et je crois que très peu de personnes l'ont été, et encore moins des personnes qui connaissaient le sport. C'est un neurologue qui a sonné l'alarme. Je suis sûr qu'il est très compétent lorsqu'il traite des commotions cérébrales. Vous savez, pour le pompier, tout est source d'incendie. Il pensait bien faire. Il voulait réduire le nombre de commotions cérébrales d'origine sportive. D'après mon expérience, il y a beaucoup plus de commotions cérébrales parmi les planchistes que les athlètes des arts martiaux mixtes. Faut-il interdire la planche à neige? Bien sûr que non.
Je n'ai pas appuyé l'interdiction. En fait, vous avez probablement entendu parler de moi parce que j'ai été mis sur la sellette en raison de ma dissension. Je me suis prononcé publiquement contre l'interdiction, parce que, selon moi, lorsqu'on interdit quelque chose, on favorise la clandestinité, alors qu'il faut plutôt promouvoir la santé et la sécurité des athlètes.
Le sénateur Angus : Merci beaucoup.
Le sénateur White : Je vais essayer de résumer trois questions en une seule afin de ne pas me faire taper sur les doigts. Si on regarde la progression normale d'un sport au Canada, ça commence habituellement au niveau amateur, puis le sport devient un sport professionnel. En cours de route, on évalue s'il est susceptible de devenir un sport olympique. Dans le cas des arts martiaux mixtes, la discipline est devenue un sport professionnel mondial — on peut remonter à M. Gracie, il y a 30 ans —, puis elle a régressé. Il y a des événements d'AMM amateurs au Canada. On voit des enfants s'adonner à ce sport. Nous avons rencontré un athlète aujourd'hui qui a commencé à 14 ans. Comment peut-on, du point de vue sportif, faire marche arrière... éliminer la pratique amateur et en faire un sport olympique? Selon moi, c'est un sport dans le sens le plus pur du terme. Les gens disent que c'est un amalgame de plusieurs sports, mais je ne suis pas d'accord. C'est un sport en soi.
Deuxièmement — je vous pose cette question parce que vous êtes médecin —, certaines commissions de boxe du Canada nous suggèrent d'éliminer le port du casque de protection dans les rangs amateurs. J'aimerais aussi connaître votre avis au sujet du port du casque de protection, particulièrement pour la boxe, en raison des coups répétés qu'essuient ces athlètes et du fait que certains athlètes amateurs commencent très jeunes. Avez-vous quelque chose à dire à ce sujet? J'essaierai d'obtenir du temps supplémentaire pour poser ma troisième question parce que je commence à me sentir un peu mal.
Dr Gutman : Quant au casque de protection, de nouvelles données probantes donnent à penser que les enfants et les adolescents sont particulièrement vulnérables aux commotions cérébrales, plus qu'on le croyait avant. Il est évident qu'il y a un risque de commotion cérébrale liée à la boxe. Cela va de soi. Il est aussi évident que le port du casque de protection réduit ce risque. Je serais tout à fait contre toute décision qui aurait pour effet de limiter le port du casque de protection, surtout dans les rangs amateurs, où les points et la technique priment. Le fait de mettre hors combat son adversaire n'est vraiment pas une priorité. Honnêtement, je préfère fournir des soins dans le cadre de soirées de boxe amateur plutôt que dans le cadre d'événements professionnels, parce que je préfère l'aspect technique du sport amateur à la possibilité de mise hors combat. Je serais tout à fait contre cela.
En ce qui a trait à la régression du sport du niveau professionnel au niveau amateur, encore une fois, c'est surtout une question de sensibilisation. M. Wright a parlé plus tôt d'éducation et de sensibilisation relatives au sport. On a l'impression que les athlètes qui pratiquent ce sport ne sont pas civilisés, alors que c'est tout le contraire. D'après mon expérience, les athlètes des arts martiaux mixtes sont des gens extrêmement respectueux, dévoués et passionnés, contrairement à d'autres athlètes professionnels et d'élite, qui n'affichent pas toujours de telles qualités. Les athlètes des arts martiaux mixtes sont des gens très professionnels et de qualité, c'est dans la culture même du sport.
Il faut dire aux gens que ce sont des athlètes d'élite et que c'est un sport en bonne et due forme. C'est parfois choquant de voir couler le sang à la télévision. C'est difficile d'en faire abstraction. En réalité, ce sont souvent les blessures les plus petites et les moins importantes qui causent les saignements. Mais la perception étant ce qu'elle est, certaines personnes trouvent que c'est abject. La sensibilisation est la clé ici, c'est aussi nécessaire pour comprendre que c'est un vrai sport. Certains affirment même que c'est le sport dans sa forme la plus pure.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Depuis quelques mois, on fait état de l'augmentation du nombre de commotions cérébrales au hockey, ce qui peut devenir inquiétant pour les athlètes. En règle générale, on conclut que c'est accidentel.
D'après vous, y a-t-il une différence entre une commotion cérébrale qu'un athlète peut subir au hockey et une commotion cérébrale qui peut survenir dans la pratique du sport dont on parle ce matin? On sait que cela peut arriver, ce sont des combats, mais peut-on prétendre que ce serait accidentel?
[Traduction]
Dr Gutman : Je ne dirais pas que les commotions cérébrales sont accidentelles. En effet, la mise hors combat est un moyen de gagner une compétition et d'être victorieux. Par définition, un knock-out est une perturbation de la fonction cérébrale. On n'est pas loin d'une commotion cérébrale. En fait, c'est une façon de gagner.
Je suis étonné du fait que, au hockey, où les bagarres sont permises, souvent, des joueurs souffrent d'une commotion cérébrale après un combat. On ne semble pas en faire un plat, comparativement aux commotions cérébrales subies dans le feu de l'action, à la suite de contacts, de coups de coude ou de je ne sais quoi d'autre. Les commotions cérébrales à la suite de bagarres au hockey devraient-elles être considérées comme accidentelles? Les objectifs sont différents, mais, au bout du compte, pour répondre à votre question, les commotions cérébrales ne sont pas accidentelles.
Le sénateur Mitchell : Docteur Gutman, je m'intéresse à la question des commotions cérébrales. Y a-t-il une limite au nombre de combats d'affilée où un athlète peut être mis K.O. ou encore un nombre maximal de combats qu'il peut perdre par mise hors combat? Par exemple, après trois ou quatre K.O., un athlète ne pourrait plus se battre. Y a-t-il une évaluation au cas par cas des facultés des athlètes avant qu'ils puissent effectuer un retour?
Dr Gutman : À ce que je sache, il n'y a pas de règle de ce genre établie par les organismes de réglementation. On sait bien que les répercussions des commotions cérébrales sont cumulatives. À chaque commotion cérébrale, les symptômes ont tendance à empirer et le rétablissement est plus long. De plus, la commotion suivante semble plus facile à subir; la probabilité d'en être victime augmente à chaque commotion.
Le processus consiste en partie, dans le monde de la boxe — et idéalement dans les rangs professionnels des AMM —, à acquérir une connaissance et une vue longitudinale des compétiteurs. On les examine et on fait un suivi de leurs combats. Il y a un organisme qui doit appliquer une interdiction de compétition durant un certain temps. Cet organisme doit faire un suivi pour s'assurer que les combattants ne peuvent pas se battre à nouveau. Il est évident que cette structure n'est pas fiable dans le milieu des arts martiaux mixtes amateurs. Elle existe bel et bien dans le milieu professionnel des AMM, mais elle n'est pas aussi établie que dans le milieu de la boxe.
Le sénateur Mitchell : Je crois savoir que, au hockey mineur, maintenant, et certainement dans le milieu du football professionnel, ici et aux États-Unis, il y a des examens très spécialisés. Il y a même une application pour iPad qui permet, croyez-le ou non, d'évaluer l'état d'une victime de commotion cérébrale ou sa condition physique. Vous pouvez avoir subi une commotion cérébrale sans même le savoir. Est-ce que des professionnels évaluent de façon rigoureuse ces combattants avant qu'ils montent sur le ring? Que peut-on faire de plus au niveau amateur pour que ça se fasse?
Dr Gutman : On les examine annuellement ou plus fréquemment. La technologie et la science continuent à évoluer rapidement. En vérité, les fédérations sportives ne sont pas à la fine pointe de la technologie. Je connais de nouvelles technologies qui permettent de brosser une représentation fonctionnelle des fonctions cérébrales. Les tomodensitogrammes et l'IRM fournissent une image structurelle du cerveau, mais ne fournissent pas de renseignements sur les fonctions cérébrales. Il existe une technologie qui permet d'analyser les fonctions. Selon moi, il faudrait s'en servir avant toutes les compétitions, ce serait le minimum pour quiconque s'adonne à des sports de combat. Ce serait bon aussi pour tous les jeunes qui jouent au hockey. Je consacre beaucoup de temps au hockey mineur. Je recommanderais cette technologie à tout le monde, même si elle n'est pas encore accessible à grande échelle. C'est une technologie de pointe, mais dans trois à cinq ans, elle sera considérée comme une pratique courante et s'appliquera à tous.
Le sénateur Joyal : Bienvenue, docteur Gutman. En ce qui a trait à la santé des compétiteurs, diriez-vous que les règlements liés à la pratique de ce sport sont conformes aux pratiques exemplaires que vous, en tant que médecin, recommanderiez? Puisque les arts martiaux mixtes sont un sport assez jeune, croyez-vous que les règlements liés à sa pratique sont le plus à même de protéger la santé des athlètes?
Dr Gutman : En ce moment, je répondrais que oui, ils respectent la norme de diligence. Cette norme évolue rapidement. Il revient aux fédérations ou aux organismes de réglementation de suivre la technologie et la science. Le problème est qu'ils ont les mains liées, dans une certaine mesure. Ils exigent un certain nombre d'examens et demandent qu'un médecin habilité examine le dossier. Les connaissances des différents médecins et leur niveau d'exposition à des pratiques comme les arts martiaux mixtes varient beaucoup.
Ce à quoi un médecin de famille moyen s'attarderait dans le cadre d'une évaluation physique avant une compétition est différent de ce qu'évaluerait un intervenant expérimenté. C'est une tâche difficile.
Le sénateur Joyal : Qui comblera l'écart entre votre bagage en tant que professionnel du domaine et celui d'un médecin de famille? Un médecin de famille ne connaît peut-être pas toutes les ramifications de ce que les connaissances scientifiques d'aujourd'hui permettent de réaliser en fait de résultats qui seraient davantage harmonisés aux pratiques exemplaires visant à protéger la santé de ces athlètes.
Dr Gutman : Il y a deux éléments. Premièrement, comme je l'ai déjà dit, les rangs professionnels sont un modèle pour les amateurs et le grand public. Les normes appliquées au niveau de l'UFC, de la LNH et du football professionnel sont reprises dans les rangs amateurs. Ce sont les normes appliquées par les professionnels. Par conséquent, les amateurs et l'élite parmi les amateurs devraient adopter des normes semblables.
Deuxièmement, il revient probablement aux organismes de réglementation de produire des lignes directrices éducatives que l'on pourrait distribuer aux médecins de famille et aux compétiteurs qui vont passer leurs examens physiques. Il pourrait y avoir un formulaire standard et un document de sensibilisation qui l'accompagne indiquant aux médecins ce qu'ils doivent vérifier et les recommandations à formuler. Il faut créer des groupes d'experts pour formuler de telles recommandations.
Le sénateur Joyal : Il y a un projet expérimental réalisé à l'Université McGill dans le cadre duquel des étudiants membres de l'équipe de football de McGill participent volontairement à un projet de recherche pour évaluer les risques pour la santé liés au football. Je ne sais pas où ils en sont, parce que je ne suis pas directement le dossier. Une telle étude me semble importante. Pour faire évoluer un sport comme les AMM, nous avons la capacité de réagir en prodiguant les meilleurs conseils possible aux intervenants sur les risques et la façon de les gérer à la lumière des dernières percées scientifiques. C'est ainsi que l'on pourra obtenir les meilleurs résultats possible et protéger la santé des athlètes.
D'après votre expérience, que doit-il arriver? Qui doit créer l'expertise qui serait utile à la fédération, à tous ceux qui ont des responsabilités en matière de gestion et aux athlètes?
Dr Gutman : J'en reviens à mon expérience lorsqu'on m'a demandé d'être présent en qualité de médecin dans le cadre d'une soirée de boxe. J'ai dit oui, et j'ai passé les deux ou trois semaines suivantes à m'informer sur ce que je devais faire parce qu'il n'y avait pas de lignes directrices, pas d'encadrement.
Le sénateur Joyal : Il n'y a pas de chaire universitaire. Au Canada, il y a des centres d'excellence sur différents sujets, mais aucune université n'a fait de ce problème une priorité.
Dr Gutman : Il y a beaucoup de recherches, comme vous l'avez mentionné, sur les commotions cérébrales et leur prévention. Ce qui manque, c'est de rassembler tout ça et de réunir nos connaissances scientifiques et notre compréhension du sport. Comme je l'ai dit, je prends cette question très au sérieux et suis prêt à en parler et à participer à l'élaboration des politiques nécessaires. C'est quelque chose qui m'intéresserait personnellement.
Le sénateur Di Nino : Est-ce que la norme de diligence dont vous parlez est appliquée de façon uniforme à l'échelle nationale et, d'après ce que vous savez, à l'échelle internationale?
Dr Gutman : On peut dire qu'elle est à peu près uniforme. Il n'y a pas une seule norme qui fait consensus. Cela étant dit, beaucoup se tournent vers les commissions qui ont le plus d'expérience en matière de réglementation des sports de combat, soit le New Jersey et le Nevada. Les normes adoptées dans ces endroits sont habituellement reprises ailleurs. Il y a eu une adoption approximative, mais il n'y a pas d'entente officielle générale sur ce que devraient être ces normes dans toutes les administrations.
Le sénateur Joyal : Y a-t-il une façon de concilier votre position, qui, si j'ai bien compris, n'est pas celle de l'Association médicale canadienne, et la discussion précédente que nous avons eue? La médecine est une science exacte, contrairement à la sociologie, qui fait intervenir les préjugés, les idées ou les points de vue de chacun. Je vais voir un médecin parce que c'est un scientifique.
Je suis étonné de voir dans quelle mesure, à la lumière de ce que vous dites et de votre témoignage, nous pouvons rapprocher la position de l'Association médicale canadienne et les connaissances scientifiques qu'il faut recueillir, comprendre et intégrer aux règlements dans le but de réduire le nombre de blessures, qui est élevé dans ce genre de sport.
Dr Gutman : Je dirais plutôt que la médecine est un art et non une science, mais je m'en remets à vous.
L'Association médicale canadienne parle d'une seule voix. Ce n'est certainement pas la seule voix au Canada. Peu importe l'opinion de l'association médicale, il y a beaucoup de médecins et d'experts qui s'intéressent au sport et à la sécurité des athlètes. Je crois qu'il y a beaucoup de personnes et de médecins qui seraient intéressés à travailler avec les organismes gouvernementaux, les commissions de compétence provinciale et les groupes professionnels comme l'UFC pour assurer la sécurité des athlètes et définir des lignes directrices qui font consensus.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai pratiqué le karaté durant 20 ans et je sais qu'il y a des blessures inhérentes à la compétition dans ce sport.
Des études ont-elles été menées auprès d'amateurs de ce sport concernant ses effets à long terme? Certains sports comme la boxe et le karaté ont des effets très négatifs sur les articulations, entre autres à cause de l'effet de l'élongation des articulations comme les coudes et les genoux.
Des études à long terme ont-elles été menées auprès de ces athlètes et concernant les coûts que cela peut entraîner pour le système de santé?
Il s'agit tout de même de séquelles qui deviennent permanentes.
[Traduction]
Dr Gutman : Je ne crois pas qu'il y ait beaucoup d'ouvrages qui portent précisément sur les blessures liées aux sports de combat. Nous savons que la popularité des AMM a été très rapide et est récente. En ce qui a trait aux connaissances applicables, on peut seulement remonter à environ 1993, parce que la réglementation a changé depuis l'application de ce qu'on a appelé les règles unifiées des arts martiaux mixtes. Il y a eu d'importants changements, et certaines manoeuvres risquées ont été interdites. Le nombre d'ouvrages sur le sujet augmente, mais il n'y en a pas encore beaucoup.
Quant aux coûts, je n'ai aucune information à ce sujet. D'après mon expérience d'urgentologue en milieu urbain et en banlieue au cours des 20 dernières années, j'ai traité très peu de blessures découlant de sports de combat en général, y compris le karaté, le taekwondo et d'autres sports, comparativement au rugby, au football, au soccer, au ski, au vélo de montagne et au hockey, qui sont les principales sources de blessures sportives traumatiques que nous rencontrons toutes proportions gardées. Je dirais que les coûts sont assez bas.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Ça m'inquiète, parce qu'on dit que c'est un des sports dont la pratique augmente de plus en plus, et surtout chez les jeunes. Lorsque le même phénomène s'est produit pour le hockey et le soccer, un suivi à long terme a été effectué auprès de ces gens pour adopter des mesures sécuritaires et éviter qu'à 30 ou 40 ans ces gens deviennent un fardeau pour notre système de santé.
N'y aurait-il pas lieu, pour ce sport en particulier, d'effectuer un suivi à long terme concernant les séquelles de la pratique de ce sport sur le corps humain et chez les athlètes?
Ceci pour nous assurer d'avoir des équipements ou une réglementation qui permettraient d'éviter ces séquelles à long terme.
[Traduction]
Dr Gutman : Il serait certainement avisé d'assurer une surveillance à long terme. Malheureusement, c'est difficile à faire sans organisme de réglementation qui a la capacité de joindre tous les participants. Par exemple, chaque enfant qui joue au hockey au Canada est enregistré auprès d'un organisme provincial qui relève de Hockey Canada. Nous n'avons pas encore une telle structure dans le domaine des arts martiaux mixtes. Ce serait bénéfique. Bien sûr, il faudrait ensuite déterminer de combien d'argent on aurait besoin pour réaliser l'étude, d'où viendraient les fonds et qui les fournirait. En principe, ça fait tout à fait sens. Ceux d'entre nous qui s'intéressent à la sécurité des sports demandent de meilleures règles et une meilleure supervision. L'élément le plus important lié à la sécurité d'un combat d'arts martiaux mixtes est l'arbitre. Si l'arbitre est bien choisi et bien formé, on maximise la sécurité des participants, ce qui doit être sa responsabilité et sa préoccupation principales.
L'aspect crucial pour mieux protéger les athlètes est de sensibiliser les arbitres, ce qui, encore une fois, revient à un organisme de réglementation.
Le sénateur White : J'apprécie que vous ayez mentionné à quelques reprises les sports d'équipe et les arbitres. Dans le cadre des discussions d'hier, et encore aujourd'hui, nous avons parlé de l'importance de l'arbitre — la personne qui prend les décisions sur le terrain ou sur la patinoire quand quelqu'un se blesse. Cependant, au Canada, au hockey et au football, c'est l'entraîneur ou l'instructeur de l'équipe qui examine l'athlète qui s'est blessé pour déterminer s'il peut continuer à jouer.
Compte tenu du problème des commotions cérébrales au hockey, pourquoi ne formons-nous pas les arbitres de façon à ce qu'ils puissent prendre certaines décisions et dire à un athlète qu'il doit sortir de la patinoire ou du terrain, pour ne pas laisser la décision à ceux qui ont quelque chose à gagner, comme les entraîneurs?
Dr Gutman : C'est là où les sports de combat ont une longueur d'avance, parce que le médecin sur place n'a aucune affiliation, ni avec le promoteur ni avec l'arbitre. Sur cet aspect, les arts martiaux mixtes ont une longueur d'avance.
Il y a des défis liés à la sensibilisation et la formation des arbitres, mais certaines organisations du milieu du hockey essaient au moins de fournir des lignes directrices objectives que l'on peut utiliser pour évaluer les athlètes. La LNH s'est dotée d'un protocole sur les commotions cérébrales. Il y a une salle de repos où on amène les joueurs qui se blessent sur la patinoire pour les évaluer. Le bon vieux temps, c'est fini, on n'assoit plus les athlètes sur le banc pour leur demander combien ils voient de doigts avant de les renvoyer sur la patinoire.
Le sénateur White : On voit encore des enfants âgés de 14 ans qui ont une commotion cérébrale et qui continuent de jouer parce que la victoire est plus importante, parfois, que leur santé. Dans d'autres sports, il n'y a pas eu de progrès en ce qui a trait aux responsabilités des arbitres sur la patinoire ou le terrain, qui doivent prendre des décisions parfois difficiles.
Dr Gutman : Je suis d'accord avec vous. Souvent, dans le hockey mineur, les défis sont liés au fait que les arbitres ont 14 ou 15 ans, et les joueurs, de 8 à 10. Je ne crois pas que ces jeunes puissent prendre de telles décisions, même dans une situation idéale.
La vice-présidente : Merci beaucoup, docteur Gutman. Votre témoignage a été très utile. Il y a tant de choses auxquelles il faut réfléchir. Nous apprécions beaucoup votre présence aujourd'hui.
Accueillons maintenant le témoin suivant, M. Ryan Leef. M. Leef est député au Yukon, mais, dans le cadre de la présente étude, nous nous intéresserons surtout à son expérience des arts martiaux mixtes. Monsieur Leef, je crois que vous avez une déclaration à faire, la parole est à vous.
Ryan Leef, député, Yukon : Merci, madame la présidente, et merci aux honorables sénateurs qui m'accueillent aujourd'hui. J'ai pu écouter une partie du témoignage précédent, alors j'essaierai de ne pas revenir sur les mêmes choses. Après ma déclaration, je pourrai répondre à vos questions.
Je suis évidemment honoré de venir témoigner devant vous aujourd'hui sur le projet de loi S-209, Loi modifiant le Code criminel (combats concertés). J'ai beaucoup d'expérience, comme athlète et comme entraîneur, y compris dans le domaine des arts martiaux mixtes, m'étant livré à deux combats professionnels dans le cadre des Armageddon Fighting Championships en Colombie-Britannique.
Les modifications apportées au Code criminel permettront de reconnaître le sport qui affiche la plus forte croissance en Amérique du Nord en fait d'adeptes, tant dans les milieux amateur que professionnel, et en fait de nombre d'amateurs et de téléspectateurs. C'est aussi le système de mise en forme et le régime d'entraînement dont la croissance est la plus rapide.
Cette reconnaissance permettra de poursuivre la progression d'un sport qui est déjà à l'avant-garde et qui est déjà réglementé; on pourra ainsi continuer à assurer la sécurité des participants en améliorant l'équipement, les examens médicaux, les normes en matière de santé et d'autres éléments semblables, offrir une plus grande certitude aux promoteurs, aux municipalités et aux provinces, et fournir un appui et une orientation aux commissions, aux conseils et aux comités de réglementation.
On a beaucoup parlé de la sécurité des arts martiaux mixtes. Actuellement, madame la présidente et membres du comité, je peux dire, ayant participé à un certain nombre de sports au niveau compétitif, y compris en tant que coureur de fond représentant le Canada, que je n'ai jamais dû respecter des normes de qualification, de compétence, de santé et de condition physique comme j'ai dû le faire en tant qu'athlète des arts martiaux mixtes. Avant de pouvoir me battre, je devais faire l'objet d'examens médicaux complets, d'analyses de sang, de tests de dépistage du VIH, de l'hépatite B, de l'hépatite C et d'une IRM. Je devais aussi fournir un document décrivant mon expérience et des références à l'appui. Vingt- quatre heures avant la compétition, on me pesait et, si je respectais les critères très stricts sur les catégories de poids, je devais subir un autre examen médical. Ensuite, le personnel médical nommé par la commission provinciale de réglementation du sport examinait les renseignements figurant dans le rapport médical que j'avais présenté préalablement. Ce n'est qu'après tout cela qu'on m'octroyait un permis pour combattre, permis qui était seulement valide jusqu'à la fin du combat. La plupart des administrations suspendent les permis des combattants pendant 35 jours après un événement. Il s'agit d'une précaution supplémentaire pour assurer leur sécurité.
Les normes en place sont gages des capacités athlétiques des combattants, parce qu'il faut déjà afficher un état de santé et une condition physique exemplaires pour réaliser les seules procédures d'accréditation. De plus, personne ne prend ces normes à la légère.
Les promoteurs associent des athlètes non seulement des mêmes catégories de poids, mais aussi de niveau semblable. Dans chaque combat, il y a plusieurs façons dont chaque combat peut se terminer. Je suis sûr que le comité en a déjà parlé. J'ai entendu M. MacDonald et M. Wright parler de certaines des façons de mettre fin à un combat.
D'entrée de jeu, permettez-moi de dire que les progrès réalisés dans le monde du sport reposent sur une amélioration des attitudes. Le projet de loi S-209 est un pas en avant à ce chapitre et reflète la plus grande acceptation et la meilleure perception du public et du milieu des athlètes à l'égard des arts martiaux mixtes d'aujourd'hui.
Je me rappelle l'époque où les entraîneurs et les enseignants nous encourageaient à faire des étirements en sautant sur place avant que nous nous soyons échauffés. On croyait alors qu'il s'agissait d'une routine quotidienne acceptable pour se préparer à faire de l'exercice. Quand je suis devenu entraîneur d'athlétisme de niveau 1, à la fin des années 1980, on nous enseignait des stratégies de préparation, d'entraînement et de course qui sont aujourd'hui totalement dépassées, mais c'est grâce à la légitimité du sport, et aux efforts des athlètes, des entraîneurs, des médecins de médecine sportive, des organismes de réglementation, des commissions, des arbitres, des juges et même des amateurs que nous avons pu continuellement parfaire nos connaissances, trouver de meilleures façons de nous entraîner et de compétitionner et, de façon générale, assurer notre sécurité.
Quant aux AMM, le projet de loi S-209 est la prochaine étape, celle qui permettra de veiller à ce que les différents intervenants du milieu, les partisans, les athlètes et les promoteurs, puissent continuer à améliorer un sport qui ne date pas d'hier et à contribuer à sa riche histoire de compétition et de célébration du potentiel humain.
Merci, membres du comité et madame la présidente. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.
La vice-présidente : Merci beaucoup, monsieur Leef.
Le sénateur Runciman : Je n'ai pas beaucoup de questions, monsieur Leef. Vous et moi avons parlé de ce sujet à quelques occasions.
Combien de combats professionnels avez-vous faits?
M. Leef : J'ai pris part à deux combats professionnels.
Le sénateur Runciman : Et combien dans les rangs amateurs?
M. Leef : Trois combats. Je dois dire que j'ai commencé ma carrière professionnelle, aussi limitée soit-elle, au jeune âge de 36 ans.
Le sénateur Runciman : Trois combats amateurs et deux professionnels?
M. Leef : C'est exact.
Le sénateur Runciman : Aucun de ces combats n'a eu lieu après que vous avez été élu député?
M. Leef : Non, j'ai bien peur que cette époque soit révolue. De nos jours, je mène un combat très différent.
Le sénateur Runciman : Je suis sûr que bon nombre d'entre nous auraient préféré que ce soit vous qui représentiez le Parti conservateur dans l'arène dans le cadre de l'événement caritatif avec M. Trudeau, mais, bon, c'est de l'histoire ancienne.
Vous avez commencé sur le tard. Qu'est-ce qui vous attirait dans ce sport?
M. Leef : En fait, c'est assez intéressant; je vais essayer d'être bref. J'ai donné pendant plusieurs années des cours d'autodéfense pour le ministère de la Justice du Yukon. En raison de l'évolution du sport et de sa croissance rapide, les gens ont commencé à se poser des questions sur la sécurité des agents et même celle des femmes.
J'ai offert un certain nombre de cours d'autodéfense pour femmes au Yukon. Comme l'a souligné M. Wright, il y avait de l'incertitude en raison de l'émergence de ce sport. Les AMM suscitaient l'attention, mais on savait peu de choses à leur sujet et on n'y était pas sensibilisé. En tant qu'instructeur des représentants de la loi du ministère de la Justice et intervenant qui veillait à la sécurité des femmes dans notre collectivité, je me devais de parler de l'émergence des arts martiaux mixtes, de ce que les gens considéraient comme une nouvelle façon de se battre intelligemment. C'était, selon moi, la meilleure façon de m'intéresser aux arts martiaux mixtes et à la croissance du sport, aux types d'athlètes qui y participent et à tout ce qui touche la réglementation et les structures de sécurité en place et d'en parler à mes élèves de l'époque. Qu'il s'agisse d'un agent de conservation, d'un employé des services correctionnels, de shérifs, d'agents des parcs ou de femmes suivant des cours d'autodéfense, il s'agissait, selon moi, de la meilleure façon d'en faire l'expérience concrète. J'ai toujours été compétitif de nature, et je ne rajeunissais pas. Je devais donc m'y lancer à fond ou pas du tout.
Le sénateur Runciman : Vous avez mentionné que vous enseigniez des techniques d'autodéfense à diverses organisations. Avez-vous suivi des cours de judo ou de karaté? Vous deviez avoir un bagage?
M. Leef : J'avais de l'expérience en aikijutsu et j'avais fait de la lutte au secondaire. Comme M. Wright l'a dit, ce sport rassemble beaucoup de choses. J'avais appris un certain nombre de systèmes différents, des tactiques de maîtrise par points de compression à des techniques plus modernes comme le Krav Maga et le système de Jim Wagner. Il s'agit de l'intégration de diverses techniques, ce qui convenait à ma formation, à ce moment-là... d'y participer. Avant de pouvoir faire un combat dans le cadre des Armageddon Fighting Championships, j'ai dû prouver que j'avais les compétences, la condition physique, les aptitudes, les capacités et la santé nécessaires.
Le sénateur Runciman : Où est situé Armageddon?
M. Leef : À Victoria, en Colombie-Britannique — Colwood —, mais en Colombie-Britannique.
Le sénateur Runciman : Est-ce une organisation comparable à l'UFC, mais à plus petite échelle?
M. Leef : À beaucoup plus petite échelle, et je crois que M. Wright y a fait allusion en réponse à une question de la présidente. Ces gens faisaient la promotion des arts martiaux mixtes, mais ils représentaient une organisation. Il y a des dizaines de petits promoteurs au Canada qui organisent des événements de petite envergure pouvant attirer 200 personnes dans un gymnase local ou un centre sportif. À l'autre bout du spectre, il y a l'UFC, qui attire 55 000 enthousiastes. Armageddon Fighting Championships est ce que l'on pourrait considérer comme un promoteur de taille moyenne au pays qui attirait habituellement environ 45 000 enthousiastes sur place, en aréna, et environ de 9 à 10 millions de personnes, chez elles, grâce à la télé à la carte. C'était une organisation importante, mais pas aussi grosse que l'UFC, que l'on peut sans se tromper décrire comme la LNH des arts martiaux mixtes. C'est comparable à cet égard; pour ce qui est de la promotion, l'analogie avec le hockey au Canada tient. Il y a la LNH, puis le Junior A, Junior B, puis tous les clubs-écoles.
Je crois que l'élément central et l'importance du projet de loi S-209 est que, en raison du fait que des nouvelles entreprises arrivent et veulent faire leur place dans ce marché lucratif et en forte croissance, il n'a jamais été aussi essentiel d'établir des règlements et de les faire appliquer. Nous ne voulons pas que des gens profitent de la croissance du sport et de son incroyable popularité simplement pour faire de l'argent en mettant en danger la sécurité des athlètes, ou qu'ils violent les lois actuelles et les règlements sur la sécurité tout simplement pour court-circuiter le système et faire rapidement fortune. Peu importe où vous organisez ces événements, les gens viendront pour y assister, et il faut s'assurer que ces événements sont réglementés, contrôlés et sûrs et qu'ils aident le sport plutôt qu'y nuire.
Le sénateur Runciman : Durant votre courte carrière, avez-vous subi de graves blessures?
M. Leef : J'ai eu deux ou trois yeux au beurre noir, un durant mon dernier combat en fait, et je crois que j'ai eu trois points de suture, alors non. Je dois dire que, en tant que coureur de fond, j'ai dû me reposer plus longtemps et j'ai subi des blessures plus graves lorsque j'ai été victime d'un claquage, ce qui a pris sept ou huit mois à guérir.
Le sénateur Angus : Bienvenue au Sénat. Si j'ai bien compris, vous êtes fortement en faveur du projet de loi. Avez- vous l'impression que beaucoup de vos collègues l'appuient à la Chambre des communes?
M. Leef : Oui, c'est ce que je crois. Et quand quelqu'un hésite, c'est plus parce qu'il ne le comprend pas bien. Je crois que, actuellement, les préoccupations les plus légitimes liées à cette question concernent la promotion d'une activité qui pourrait être mal interprétée, disons-le, par les jeunes au sein de la société. Ils peuvent y être exposés, s'y intéresser, devenir de fervents amateurs, mais ensuite mettre en pratique ce qu'ils ont appris dans les cours d'école. J'ai toujours dit que ce n'était pas une raison pour refuser de définir des règlements et de promouvoir le sport. C'est à nous, les législateurs et les parents, de communiquer les bons messages à nos enfants et de les sensibiliser par rapport à ce qu'ils en feront.
Je dis à mes collègues qui sont préoccupés que nous ne saurions tenir la Xbox responsable de l'obésité des enfants. Il faut assumer nos responsabilités en tant que parent, parler aux jeunes des périodes adéquates qu'ils peuvent passer devant cette machine et promouvoir un régime alimentaire et un mode de vie sains auprès de nos enfants. Il faut s'assurer de réglementer ce sport et de sensibiliser adéquatement les gens à son sujet.
Pour ma part, en tant qu'athlète des arts martiaux mixtes et parlementaire, j'ai décidé d'aller dans les écoles pour offrir un programme contre l'intimidation avec des athlètes du milieu. C'est une excellente façon pour les parents et les élèves de comprendre ce qui se passe et d'être initiés à la maîtrise de soi, à la discipline et à toutes les notions liées aux arts martiaux traditionnels et aux arts martiaux mixtes. C'est très bien reçu. Je crois que c'est bien reçu parce que les jeunes sont intéressés. On ne peut pas freiner l'engouement pour les AMM, alors il faut assurer un contrôle et mettre en place des règlements appropriés de façon à pouvoir sensibiliser les jeunes comme il se doit.
Le sénateur Angus : Vous avez décrit toutes les étapes ardues que vous avez dû franchir pour obtenir votre permis et combattre. Qu'est-ce qui a été le plus difficile, obtenir un permis ou vous faire élire à la Chambre des communes?
M. Leef : Laissez-moi vous dire qu'on fait toujours des comparaisons dans la vie, et c'est important de souligner que le sport joue un rôle très important dans la vie des gens. À coup sûr, le sport a dicté le cours de ma vie, que ce soit la course ou les arts martiaux mixtes — j'ai une attitude compétitive, mais respectueuse. Le sport nous enseigne le dévouement, l'engagement. Il est nécessaire à quiconque veut un mode de vie sain. En outre, j'ai toujours dit : « un esprit sain dans un corps sain ». Ma formation et mon engagement à l'égard du sport m'ont préparé pour une longue et difficile campagne, par exemple, le nombre d'heures de sommeil limité. Vous comprenez ce que je veux dire.
Je suis toujours un ardent défenseur du sport, peu importe le sport, en ce qui a trait aux comportements prosociaux et aux choix d'un mode de vie positif pour les gens. Je crois que, dans une certaine mesure, les deux étaient comparables. L'un m'a préparé pour l'autre.
Le sénateur Angus : La question que je me pose est la suivante : vous êtes un homme qui a pu se présenter devant le peuple canadien, qui le représente ici. Un homme qui a travaillé très activement avec différents organismes d'application de la loi comme conseiller, c'est ce que vous avez décrit. Comment avez-vous pu vous adonner à quelque chose qui était, en fait, une activité illégale?
M. Leef : Je crois qu'il y a confusion...
Le sénateur Angus : Ma seule réserve... Je comprends que c'est devenu un sport extrêmement populaire. Jusqu'à présent, j'ai beaucoup appris, et je suis très intéressé par la question. La société change, ainsi va la vie. Nous avons besoin de ce projet de loi pour rendre tout ça légal, mais entre-temps, vous avez participé à cinq combats. J'imagine que ça se passait dans des milieux clandestins?
M. Leef : Comme je l'ai dit, pour ce qui est de mes combats professionnels, mon dernier combat dans le cadre des Armageddon Fighting Championships a été vu par quelque 8,5 millions de téléspectateurs, et il y avait 4 500 personnes au stade. La Gendarmerie royale du Canada assurait la sécurité directement sur place. Il ne s'agissait pas d'une activité clandestine. L'événement a été annoncé des mois à l'avance.
Essentiellement, l'organisation tire profit des failles qui existent, elle travaille avec les commissions sportives et obtient les autorisations nécessaires, et ce, pas par des moyens détournés ou par tromperie, mais de façon à être légitime, d'une façon qui ne reflétait pas pleinement la nature et la qualité du sport lui-même. Il est évident que ce qu'elle demande est tout à fait raisonnable : elle veut tout simplement être traitée comme les autres, être reconnue et être sur un pied d'égalité avec les autres sports. Le fait est que le Code criminel n'a pas été mis à jour depuis les années 1930, et qu'il n'est pas adapté à l'émergence du nouveau sport. Ce n'était certainement pas fait de façon clandestine.
Soit dit en passant, j'étais surintendant adjoint des opérations au centre correctionnel de Whitehorse lorsque j'ai livré mon dernier combat professionnel. Le fait de participer aux AFC et de faire des combats professionnels était une excellente façon pour moi de tisser des liens et de créer des relations avec les détenus du centre correctionnel. Je m'entendais très bien avec eux. Ils respectaient le sport et l'attitude que cela suppose. Ils étaient intéressés et intrigués par cela. Cela a donné lieu à beaucoup de conversations sur les rôles et la responsabilité, le sport, l'engagement, les comportements prosociaux et les modes de vie positifs. J'ai pu utiliser un sport qui les intéressait beaucoup, que ce soit en tant que divertissement ou d'événement auquel ils aimaient assister et auxquels ils voulaient participer, et j'ai pu sensibiliser notre population carcérale au Yukon. Ça a été un réel succès.
Compte tenu des aspects positifs du sport, je ne vois pas beaucoup de points négatifs, surtout lorsque des gens éloquents, qui s'expriment bien, qui savent se tenir et qui sont jeunes, comme Rory McDonald, y participent.
Le sénateur Joyal : Bonjour, monsieur Leef. Dans votre déclaration préliminaire, vous avez indiqué avoir pratiqué ce sport dans les milieux amateur et professionnel. Pouvez-vous nous dire quelle était la différence entre les examens de santé dont vous faisiez l'objet dans le milieu amateur et ceux auxquels vous deviez vous soumettre en tant que professionnel? Étaient-ils équivalents?
M. Leef : Oui, ils l'étaient. La vraie différence est que les organisations amateurs qui régissent le sport aujourd'hui — et je parle seulement de celles que je connais, et non de l'ensemble des organisations — doivent encore respecter certaines exigences en matière d'assurance ainsi que les règlements des organismes provinciaux qui régissent le sport. Les normes sont les mêmes. Il y a peut-être une volonté à adopter des normes plus élevées dans le monde professionnel, mais ce n'est pas ce que j'ai constaté. Au bout du compte, le plus important pour ces organisations, c'est la sécurité des athlètes.
Les procédures auxquelles j'ai dû me soumettre pour participer à des combats amateurs sont exactement les mêmes que pour les événements professionnels.
Le sénateur Joyal : Vous avez passé des analyses sanguines et fait l'objet d'une évaluation médicale et, après le combat, vous avez dû faire l'objet d'une évaluation et d'autres procédures du genre?
M. Leef : L'organisation pour laquelle je combattais n'exigeait pas d'évaluation médicale après le combat sauf si on le demandait. Si on avait besoin de points de suture ou de quelque chose du genre, il fallait passer une évaluation médicale. Ce n'était pas obligatoire, mais l'organisation avec laquelle je combattais suspendait automatiquement notre permis pour 35 jours, victoire ou défaite. Qu'on soit dans l'arène pendant 2 secondes ou 15 minutes, le permis était suspendu pour 35 jours et il fallait interjeter appel pour faire lever la suspension. Par exemple, si vous vouliez vous battre 25 jours plus tard, vous deviez interjeter appel de la suspension et subir de nombreux examens médicaux pour prouver que vous étiez en mesure de combattre.
L'UFC procède à des examens médicaux après le combat, mais il ne suspend pas nécessairement les combattants pour 35 jours, sauf si le médecin qui a procédé à l'examen l'exige. Pour sa part, l'organisation pour laquelle je combattais ne prenait pas la peine de procéder ainsi, elle suspendait automatiquement le permis de tous les combattants pour 35 jours.
Le sénateur Joyal : Diriez-vous qu'il y a une différence de professionnalisme entre les arbitres du milieu amateur et celui du milieu professionnel?
M. Leef : Je crois qu'il y a une légère différence, probablement comme dans tous les autres sports; entre le hockey amateur et le hockey professionnel, par exemple. Je crois que, à mesure qu'on s'approche du niveau professionnel, il y a de meilleurs arbitres, de meilleurs juges, de meilleures activités de promotion. Les athlètes sont de plus haute qualité, ils affichent une condition physique supérieure et sont encore plus passionnés.
Je peux dire sans me tromper et sans réserve que M. MacDonald est vraiment en meilleure condition physique que moi. C'est en grande partie parce que les AMM, c'est son travail et sa profession maintenant. Évidemment, dans le milieu amateur, on s'entraîne après notre journée de travail, et il y a d'autres facteurs qui nous empêchent d'atteindre un aussi haut niveau.
Bien sûr, je crois qu'on peut dire sans se tromper qu'il y a une différence de qualité à tous les niveaux dans le milieu amateur. Le niveau d'intensité est moins élevé aussi dans les sports amateurs. Dans certains sports amateurs, les gants sont plus lourds, il y a plus de protection. Certaines organisations exigent le port de protège-pieds et d'autres, de protections pour la tête. D'autres encore adoptent différents règlements concernant le protecteur buccal. Dans les ligues amateurs, compte tenu du fait que l'intensité est un peu moins élevée, les organisations haussent certaines des exigences en matière de sécurité.
Le sénateur Joyal : Qui atteste la compétence des arbitres? De mon point de vue, et je me trompe peut-être, vous me corrigerez, les arbitres dans les milieux amateurs sont importants parce que les combattants sont des amateurs. Les arbitres ont une responsabilité. Selon moi, c'est crucial pour ceux qui pratiquent ce sport à ce niveau. Qui atteste la compétence des arbitres?
M. Leef : Cela varie d'une province à l'autre, selon la commission sportive et le conseil et aussi selon les normes des promoteurs. L'organisation peut se doter de normes plus élevées que celles établies par le commissaire au sport, le conseil ou la province. Habituellement, c'est le conseil ou la commission de la province qui va sanctionner l'événement qui doit établir les normes.
Vous avez tout à fait raison, les normes relatives aux arbitres et la qualité de ces derniers sont des éléments très importants. Tout comme les combattants, ils doivent avoir un dossier et prouver leur compétence. Il n'est pas suffisant d'être intéressé par le métier d'arbitre. Il y a des normes de qualification. Je ne connais pas la teneur de ces normes et je ne sais pas en quoi elles diffèrent sur le plan professionnel d'une province à l'autre, mais vous soulevez un bon point.
Le sénateur Joyal : Selon vous, qu'est-ce qui rend ce sport si populaire auprès des jeunes du Canada? Est-ce la nouveauté? Ne s'agit-il pas d'un sport qui existe depuis longtemps? Depuis des siècles, comme l'ont affirmé certains des témoins ce matin. Ou est-ce parce que c'est un sport où s'affrontent directement deux combattants? Vous comprenez ce que je veux dire? C'est plus un combat un contre un que dans un sport d'équipe. Dans un sport d'équipe, il y a un rôle précis qui nous revient, tandis que dans les AMM, on est laissé seul devant l'autre. Pour moi, la psychologie du sport doit être très différente. Vous êtes mieux placé que moi pour en parler. Qu'est-ce qui attire les jeunes?
M. Leef : Je crois que, dans une certaine mesure, vous avez bien décrit ce qui se passe. C'est l'aspect un contre un du sport. Je crois aussi que l'arène où se déroule le combat est intéressante pour les gens sur le plan psychologique parce que l'UFC utilise un octogone. C'est, en fait, une clôture ou une cage en plastique. Il y a des organisations qui organisent des combats en cage et ce genre de choses.
Je crois que, déjà, la cage frappe l'imaginaire différemment que dans la boxe — avec les câbles et le ring. C'est quelque chose qui est différent et qui attire les gens. C'est plus court aussi. Les rounds sont plus courts.
Habituellement, un combat régulier compte seulement trois rounds. Il y en a cinq lorsque c'est un combat de championnat. Je crois que, psychologiquement, c'est un peu la même chose que lorsque les gens se massent dans les stades durant les Jeux olympiques pour regarder la finale du 100 mètres chez les hommes, alors qu'il y a toujours des places libres pour le marathon. C'est long, et les gens ne veulent pas rester assis pour regarder tout le marathon, mais ils sont très intéressés par le combat qui oppose deux personnes. Ça commence et ça finit rapidement. On peut connaître rapidement le résultat — le gagnant et le perdant. Le niveau d'intensité est exaltant. Je crois que c'est un des principaux attraits des AMM. On sait qui gagne et qui perd dans un maximum de 15 minutes.
Le sénateur Joyal : Exactement, c'est très intense. Comme vous l'avez dit, c'est plus intense de courir un marathon, le mot le dit. Ça se passe à deux niveaux différents.
L'enseigne-t-on dans les écoles, par exemple? À l'école secondaire, dans votre secteur, est-ce une activité à laquelle on peut s'inscrire pour en apprendre les rudiments? Comment cela est-il présenté aux jeunes?
M. Leef : C'est l'affaire d'organisations privées actuellement.
Le sénateur Joyal : Ce sont donc essentiellement des organisations privées qui s'en occupent?
M. Leef : Oui. On hésite à l'offrir dans les écoles publiques. On tente d'éliminer de plus en plus les contacts physiques entre les étudiants. Je peux vous dire qu'il n'y a probablement pas beaucoup de promotion des arts martiaux mixtes en tant que système fondé sur le sport dans les écoles publiques. Et je ne crois pas que ce soit pour demain.
Bien sûr, il y a la lutte, mais on commence à remettre même ça en question dans certains endroits en raison du changement d'idéologie, changement que je n'approuve pas nécessairement. Je ne crois pas qu'on verra l'émergence de l'enseignement des arts martiaux mixtes dans le système scolaire public. Les jeunes doivent se rendre dans des gyms ou des clubs. C'est une autre raison pour laquelle la légitimisation dans le Code criminel est aussi importante. Ce sera un début en ce qui a trait à la réglementation, au contrôle, à la structure et aux lignes directrices sur l'équipement. C'est nécessaire. Les associations ne pourront pas tout simplement ouvrir leurs portes et enseigner n'importe quelle technique de leur invention comme bon leur semble.
Ils devront respecter les règlements en vigueur, et le regroupement et l'uniformité des différentes organisations feront en sorte que les écoles devront se conformer. Quand je dis les écoles, je veux parler des clubs. La situation exigera d'eux qu'ils respectent les spécifications, ce qui, selon moi, est une bonne nouvelle parce que, actuellement, il y a très peu de contrôle sur les techniques enseignées par ces clubs. On espère, en tant que parent ou citoyen responsable, que des jeunes se joindront à ces clubs. Il faut aller voir et s'assurer qu'on y enseigne une bonne philosophie, qu'on prône une bonne discipline et qu'on respecte toutes les lignes directrices en matière de sécurité. C'est à nous, en tant que parents, de le faire. Cependant, on peut espérer que, grâce à la légitimisation des AMM dans le Code criminel, les conseils, les organismes et les commissions s'en occuperont, et que cela ne relèvera plus uniquement de la responsabilité des parents.
Le sénateur White : Merci d'être parmi nous aujourd'hui. Ma question concerne les athlètes d'AMM d'aujourd'hui, et nous avons appris que vous faites partie du lot. Nous avons aussi entendu dire que certains agents de police du pays pratiquent des AMM. Je crois savoir qu'il y a un agent de la GRC de Yellowknife qui représente un club en Alberta et qui se bat à titre professionnel.
M. Leef : Oui.
Le sénateur White : On a dit qu'il s'agissait de quelque chose d'illégal et on s'est demandé si les gens réussissaient à trouver des failles dans le système. En réalité, il s'organise actuellement de tels événements. Il faut qu'il y ait un certain niveau d'acceptation pour que le service de police national du Canada ait accepté que certains de ses représentants combattent au niveau professionnel. Le fait est que c'est illégal sur papier, mais pas en réalité. C'est bien cela?
M. Leef : C'est exact. C'est légal quand l'événement est sanctionné par une commission. Au Yukon, il n'y a pas de commission de réglementation du sport, alors on ne peut pas organiser d'événements, et c'est pourquoi j'ai dû quitter le territoire pour pouvoir participer à des compétitions amateurs et professionnelles. Ce qui est certain, c'est qu'il n'y a pas de règles en matière d'entraînement là-bas. Je me suis entraîné et j'ai utilisé beaucoup de techniques que j'avais apprises dans les arts martiaux mixtes professionnels dans le cadre des cours de formation et des cours sur les tactiques de défense que j'ai donnés à des agents correctionnels, des agents des parcs et des shérifs. Qui sont les participants? Il y a des jeunes, comme M. MacDonald. Il y a des policiers et des militaires et il y a aussi de plus en plus de femmes combattantes. Il y a des championnats féminins dans la série Strikeforce, le Championnat du monde d'endurance et les Armageddon Fighting Championships.
Les participants viennent aussi de tous les segments de la société — des représentants des deux sexes, des professionnels, des jeunes et des moins jeunes —, du jeune Rory MacDonald, qui a 22 ans, à Randy Couture, qui a 47 ans, des hommes, des femmes, des policiers, des militaires, des enseignants. M. Wright pourrait fournir une meilleure description des origines des athlètes, mais il y a un certain nombre de combattants de l'UFC qui ont des maîtrises universitaires. Beaucoup d'entre eux s'expriment bien et sont des gens sensés. Ils ont derrière eux de longues carrières professionnelles, et je peux vous dire, d'après mon expérience dans le cadre du programme contre l'intimidation — nous offrons le programme Leaders for Life —, les jeunes savent que ce sont des athlètes d'arts martiaux mixtes qui viennent leur parler dans leur collectivité.
La dernière rencontre a eu lieu à Carmacks. Trente-cinq étudiants sont venus. Il y avait 15 filles dans le lot; c'est donc dire que près de 50 p. 100 des participants étaient des femmes âgées de 12 à 18 ans. Elles étaient très intéressées par le sport et voulaient en entendre parler. Beaucoup d'entre elles s'en servent comme un régime de conditionnement physique. Pour elles, c'est une excellente façon de garder la forme. C'est le tout dernier programme d'entraînement cardiovasculaire actuellement, et c'est très encourageant. C'est intéressant de voir le sport repousser les limites. Quant à la participation, il y avait 10 p. 100 de toute la collectivité. Si on avait obtenu la même participation à Toronto, il y aurait eu 250 000 jeunes. Le SkyDome n'aurait pas été assez grand.
Le sénateur Unger : Merci. J'ai une question au sujet de l'intimidation dans les écoles. Constatez-vous que des jeunes qui ont suivi ces cours dans le privé utilisent les techniques qu'ils ont apprises dans les cours d'école, sur leurs camarades?
M. Leef : Quant à l'utilisation des techniques pour se défendre, non. Les clubs n'enseignent pas ça, et je n'enseigne pas ça non plus dans le cadre de mon programme de lutte contre l'intimidation.
Permettez-moi de dire que cela s'applique à tous les sports, pas juste les arts martiaux mixtes. Quand vous donnez à des jeunes l'occasion de participer à une activité dans le cadre de laquelle ils sont encadrés et dirigés et qu'ils travaillent en équipe, c'est parfois la première occasion qu'ils ont d'être acceptés dans un groupe ou qu'ils font partie d'une équipe. Parfois, c'est l'encadrement le plus important qu'ils auront durant leur vie.
Cela s'applique aux victimes, aux intimidateurs et à ceux qui sont témoins de l'intimidation. Lorsqu'ils participent à ce programme — qu'ils soient victimes, témoins ou intimidateurs —, ils trouvent la confiance en eux dont ils ont besoin et acquièrent la capacité d'utiliser la communication. Ils se rendent compte qu'ils ont des capacités de maîtrise de soi insoupçonnées. Ils se font des amis et travaillent en équipe. Ils comprennent un fait important : que les différences entre les gens ne sont pas des raisons pour qu'on les rejette ou qu'on s'en prenne à eux. Il faut se réjouir de la différence.
Ils se rendent compte rapidement que les différences de taille et de poids, lorsqu'on travaille en équipe, peuvent être très avantageuses. Une des activités consiste à organiser une course dans le cadre de laquelle un athlète doit en porter un autre sur son dos. On prend deux jeunes de 6 pieds, 6 pouces, 300 livres et on les fait contourner des cônes. Puis on met un jeune de 4 pieds, 120 livres sur le dos du jeune qui mesure 6 pieds. Je vous laisse deviner qui gagne. Les jeunes comprennent que les différences sont nécessaires dans une équipe.
Nous disons très clairement aux jeunes qu'ils ne doivent pas utiliser les compétences qu'ils ont acquises sur le terrain de jeu. Nous leur disons pourquoi et leur précisons où et comment la pratique du sport est sécuritaire. Les étudiants et les représentants des clubs respectent les règles parce qu'ils apprécient le temps passé avec les autres membres de leur équipe et leurs amis, l'entraînement et, sans doute, le temps passé avec les gens qu'ils considèrent presque comme leur famille. Ils apprécient tellement cela qu'ils ne veulent pas risquer de tout perdre. Je crois que ça s'applique à tout type de sport.
Le sénateur Unger : Je sais que des jeunes à l'école — et je veux parler de l'école secondaire — organisent des combats entre étudiants. Ils commencent en poussant deux protagonistes à se battre. Je me demande si vous avez entendu parler de tels incidents.
M. Leef : Oui, ça s'est produit. En fait, j'ai présenté un exposé à ce sujet, l'année dernière, tout juste après les élections, dans l'une de nos écoles du Yukon. Ils arrivaient à l'école avec des gants de boxe, poussaient les gens à se battre et organisaient des combats.
Selon moi, ça n'a rien à voir avec la popularité de l'UFC ou des arts martiaux mixtes en tant que sport. Il y a deux choses qui entrent en ligne de compte : il est évident que l'avènement de YouTube n'a pas facilité la tâche des parents. Maintenant, tout d'un coup, tout le monde peut avoir ses 15 secondes de gloire. Nous n'avions pas ça lorsque nous étions jeunes. Maintenant, il y a presque incitation à filmer ces activités. Les BlackBerry et les caméras vidéo offrent des possibilités technologiques auxquelles vous et moi n'avons jamais eu accès dans notre jeunesse. Aujourd'hui, on peut filmer les combats. Les jeunes peuvent ensuite les télécharger sur YouTube.
Je ne veux pas blâmer YouTube parce que je ne crois pas que c'est là que le bât blesse. Je crois que c'est nous, en tant qu'éducateurs, législateurs et parents, qui devons assumer la responsabilité des gestes posés par nos enfants. Nous devons leur parler et les sensibiliser. Nous ne devons pas nous cacher la tête dans le sable et refuser de voir ce qui se passe. C'est un bon point que vous soulevez.
Je crois que la légitimisation du sport grâce au projet de loi S-209 aidera à jeter la lumière sur la situation et permettra de définir des normes qui seront acceptables au pays et de bien tracer une ligne de démarcation entre ce qui est acceptable et ce qui ne l'est pas pour nos jeunes. Il faudra ensuite organiser une campagne de sensibilisation afin que les parents, les éducateurs et les leaders des collectivités en parlent aux enfants. Il faut que des leaders comme Rory MacDonald prennent la parole et disent que ce n'est pas acceptable ni cool et que ce n'est pas l'endroit pour faire ça. C'est ce que les jeunes retiendront le plus, ce n'est pas ce que dit leur député, mais ce que disent les gens auxquels ils s'identifient.
Je crois que nous pouvons nous tourner vers eux pour mettre fin à tout cela. C'était une bonne question.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Monsieur Leef, tout d'abord, je vous félicite pour votre implication dans le sport. On a beaucoup parlé de l'importance des arbitres, mais je vais vous emmener sur un autre terrain : l'importance des instructeurs. On a connu une augmentation fulgurante de la pratique des arts martiaux, et il y a eu beaucoup d'improvisation dans la mise en place d'écoles d'arts martiaux.
On sait aussi que plus vous pratiquez, par exemple le karaté, plus vous développez les techniques, moins il y a de blessures. J'ai enseigné le karaté pendant 20 ans et je me suis aperçu que les blessures arrivent souvent au début de la pratique du karaté parce que vous ne maîtrisez pas toutes les techniques de blocage. Plus vous progressez dans le karaté, moins les blessures sont fréquentes.
Par rapport aux instructeurs, je sais qu'au Québec, les écoles sont sanctionnées, elles sont regroupées en fédérations. Est-ce que c'est la même chose dans votre région? Est-ce qu'il y a un contrôle sur la qualité des enseignants ou des maîtres qui enseignent ces sports, dont la lutte extrême?
[Traduction]
M. Leef : Je peux répondre au volet de la question portant sur les arts martiaux mixtes. Il n'y a pas d'organisme de gouvernance qui contrôle ou sanctionne les clubs qui ouvrent leurs portes et ce qui est enseigné dans ces clubs. Selon toute vraisemblance, on y enseignerait uniquement ce qui est légal dans le cadre d'un combat sanctionné, parce que personne ne veut enseigner aux élèves des choses qu'ils ne pourront pas utiliser efficacement ou légalement durant un combat, que ce soit dans les rangs amateurs ou professionnels. Ce serait contreproductif, dans une certaine mesure, de montrer autre chose que ce qui est admis.
J'essaie de dire qu'il n'y a pas le genre de contrôle de la qualité dont vous parlez dans la structure des clubs.
C'est peut-être une exigence qui doit venir d'en haut. On peut exiger des organisations, des promoteurs et des athlètes qu'ils s'unissent pour coordonner, rationaliser et normaliser les règles, les exigences relatives à l'équipement de sécurité, les règlements et les examens de santé, puis faire appliquer tout cela dans les clubs afin de commencer à uniformiser réellement les enseignements et veiller à l'intégration des règles et des règlements dans les différents clubs.
On peut se poser une question : faut-il légiférer là-dessus ou non? Si on le fait, on assure un contrôle de la qualité. Si on ne le fait pas, je pense qu'ils courront à leur perte parce qu'ils ne pourront pas montrer la voie aux organisations qui ont coordonné leurs règlements.
Encore une fois, on revient au projet de loi. C'est la première étape pour que tous les promoteurs, tous ces groupes et tous les conseils et les commissions se réunissent pour entreprendre un dialogue sur l'uniformisation. Ensuite, la question sera de savoir le niveau de participation. Faut-il aller plus loin que les promoteurs? Faut-il aller au-delà des événements et viser aussi les clubs et les groupes pour réglementer ce qui est enseigné d'entrée de jeu?
[Français]
Le sénateur Boisvenu : On contrôle très bien l'enseignement du hockey, du soccer, du football, on l'a même intégré dans des cursus scolaires. L'enseignement des arts martiaux, c'est aussi mettre une arme dans les mains de gens qui peuvent être irresponsables. Le karaté peut être une discipline merveilleuse, mais mal encadrée, cela peut devenir une arme. Dans ces cas, est-ce qu'il ne devrait pas y avoir un encadrement plus sévère de ces écoles qui forment des jeunes?
On leur met dans les mains des techniques de combat qui peuvent être dangereuses. Le soccer, le baseball, c'est plus ou moins dangereux, à moins que vous preniez votre bâton et que vous frappiez. Ces types de combat peuvent être néfastes si on les utilise mal.
[Traduction]
M. Leef : Je suis d'accord. On s'éloigne un peu du contenu du projet de loi pour parler des prochaines étapes de façon un peu hypothétique.
Je comprends ce que vous essayez de dire. Dans toutes les provinces et dans tous les territoires que je connais, il y a une association des arts martiaux, et je crois que les membres de ces associations discutent de ce dont vous parlez, c'est- à-dire ce qu'ils doivent enseigner. Je crois que vous savez d'après votre expérience que beaucoup de clubs et d'organisations qui ne font pas les choses de façon appropriée acquièrent rapidement une mauvaise réputation. Le milieu est petit. Les choses se savent rapidement grâce au bouche à oreille. Je ne parle pas de la collectivité du Yukon, qui est un petit territoire. Je parle de l'Amérique du Nord en général; le milieu des arts martiaux est petit.
Il s'agit d'une tradition ancestrale, alors les gens veulent protéger ces traditions, la qualité des traditions et la discipline. Je crois que, quand les gens perdent la confiance du public, surtout dans le milieu traditionnel des arts martiaux, les membres du public sont très offensés. Les coupables disparaissent rapidement du décor. Par conséquent, je ne crois pas qu'une législation à cet égard soit nécessaire, parce que c'est un sport vraiment respectable. Je crois que, de façon générale, les commentaires négatifs seront suffisants.
Vous ne serez peut-être pas d'accord avec moi, mais je crois que l'autodiscipline enseignée dans les clubs responsables est la chose la plus importante que les élèves peuvent apprendre. J'ai vu des gens sans compétence qui étaient beaucoup plus dangereux. Je crois que les compétences renforcent la maîtrise de soi et la discipline, pas les armes meurtrières. Elles permettent d'acquérir le contrôle absolu dont on a besoin. Les gens désespérés qui errent ici et là et qui n'ont aucune compétence ni maîtrise de soi me préoccupent beaucoup plus que ceux qui ont pris le temps de fréquenter un club.
La vice-présidente : Quand le sénateur Boisvenu a parlé du karaté, ça m'a rappelé quelque chose. Nous avons entendu hier le commissaire aux sports d'Edmonton dire qu'il serait approprié, selon lui, de modifier le projet de loi afin qu'il ne s'applique pas uniquement aux arts martiaux mixtes, mais aussi aux sports de combat en général. Il y a un certain nombre de sports qui ne seraient pas visés par les dispositions générales du projet de loi, notamment, le karaté. Qu'en pensez-vous? Est-ce un amendement possible?
M. Leef : Comme je l'ai déjà dit, je fais la promotion du sport, alors s'il y a une façon d'améliorer la réglementation et de veiller à ce que le sport soit protégé et à ce qu'on utilise les bons processus afin de pouvoir s'y adonner en toute sécurité et de façon appropriée au pays, et si ces rajustements sont nécessaires, je les appuie.
J'avais remarqué qu'à l'alinéa 83(2)c) du projet de loi, on mentionne directement les sports de combat, puis, à l'alinéa 83(2)d), on parle directement des arts martiaux mixtes.
La vice-présidente : Exactement. C'est l'alinéa 83(2)d) qui mentionne directement les AMM, mais seulement les AMM et la boxe.
Son argument était que ce n'était pas mal, mais que, idéalement, ce n'était pas suffisant.
M. Leef : Je ne suis pas avocat, et j'imagine que vous voulez savoir ce que j'en pense personnellement. L'alinéa 83(2) c) en fait état, alors j'imagine que ça peut s'appliquer.
Je me suis toujours intéressé à la sémantique. L'expression « sport de combat » peut à l'occasion être interprétée comme quelque chose d'extrêmement négatif. Je serais curieux — et encore ici je pense tout haut —, mais on pourrait définir les sports de combat de façon à inclure le football, puisqu'il pourrait l'être, tout comme le hockey si l'intention est, par exemple, de mettre en échec un adversaire.
La vice-présidente : C'est une définition qu'il faudrait peut-être rajuster. On pourrait par exemple préciser que cela exclut les sports d'équipe.
M. Leef : Personnellement, j'aimerais bien que ça reflète les désirs, les besoins et les attentes du Canada par rapport au sport et à sa croissance ou sa croissance prévue. Si on tient compte de l'évolution du sport, on pourrait, dans un premier temps, assurer la santé et la sécurité des athlètes, puis répondre aux besoins des Canadiens compte tenu de leur intérêt pour la croissance de tous les sports — que ce soit les arts martiaux mixtes ou de combat —, alors je suis assurément pour.
La vice-présidente : Merci beaucoup, vraiment. Quand les cloches commencent à sonner, la tension commence à monter, mais vous y êtes habitué, puisque vous siégez à la Chambre.
Chers collègues, j'ai quelque chose à dire avant que vous partiez. Nous avons reçu plusieurs courriels des responsables de la sécurité. Apparemment, il y a une importante manifestation qui rassemble beaucoup de personnes, et on nous avise qu'il serait préférable d'utiliser le tunnel pour aller à l'édifice du Centre.
(La séance est levée.)