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LCJC - Comité permanent

Affaires juridiques et constitutionnelles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 24 - Témoignages du 24 octobre 2012


OTTAWA, le mercredi 24 octobre 2012

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C- 290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs), se réunit aujourd'hui, à 16 h 15, pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles sur la chaîne CPAC.

Comme les membres du comité le savent, je suis le parrain du projet de loi dont le comité est saisi aujourd'hui. Par conséquent, je vais céder ma place. Étant donné son excellent travail dans ce rôle il y a plusieurs semaines, je demanderais au sénateur Boisvenu de présider la séance d'aujourd'hui. Je lui demande d'occuper le fauteuil.

[Français]

Le sénateur Pierre-Hugues Boisvenu (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant : Mesdames et messieurs, bonjour. Vous me permettrez, avant de commencer la séance, de faire un tour de table et d'inviter mes collègues à se présenter, en commençant par ma gauche.

[Traduction]

Le sénateur George Baker : George Baker, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur White : Vern White, de l'Ontario.

Le sénateur Patterson : Dennis Patterson, du Nunavut.

Le sénateur Runciman : Bob Runciman, de l'Ontario.

Le sénateur Ngo : Thanh Hai Ngo, de l'Ontario.

[Français]

Le président suppléant : Sénateur Pierre-Hugues Boisvenu, Québec. Bienvenue.

Chers collègues, nous allons maintenant poursuivre notre étude du projet de loi C- 290, Loi modifiant le Code criminel (paris sportifs). Ce projet de loi a été présenté à la Chambre des communes le 28 septembre 2011 dernier par M. Joe Comartin, député de Windsor—Tecumseh.

Le projet de loi C-290 légalise le pari sur une seule épreuve sportive, permettant ainsi aux exploitants de loteries autorisées, comme les provinces, de faire leur entrée sur un marché actuellement dominé par les preneurs aux livres clandestins et les gouvernements étrangers qui autorisent ce genre de paris.

Au Canada, on estime que la valeur économique des paris, sur une seule épreuve sportive, dépasse les 10 milliards de dollars par année. Il s'agit d'une somme d'argent très importante considérant que les paris placés dans les loteries sportives provinciales ne représentent que 450 millions de dollars par année.

Si le projet de loi C-290 est adopté, les provinces pourront, si elles le désirent, modifier leur loi sur les loteries pour permettre les paris pour une seule manifestation sportive. Le projet de loi C-290 a été adopté tel qu'amendé par la Chambre des communes pour ensuite être acheminé au Sénat. Le Sénat a renvoyé l'étude de ce projet de loi au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 16 mai 2012.

Nos audiences sont ouvertes au public et peuvent également être suivies sur notre site Internet www.parl.gc.ca; notre site contient davantage d'informations sur nos horaires, ainsi que la liste des témoins sous la rubrique « comités du Sénat ».

Nous accueillons d'abord un premier panel aujourd'hui. Je souhaite la bienvenue à M. Paul Beeston, président et directeur général des Blue Jays de Toronto. M. Beeston a aussi servi à titre de président de la ligue majeure entre 1997 et 2002.

Il est accompagné de M. Thomas Ostertag, vice-président principal et avocat, Ligue majeure de baseball, et de M. Matthew Shuber, vice-président et avocat, Toronto Blue Jays.

Vous avez la parole, M. Beeston.

[Traduction]

Paul Beeston, président et directeur général, Blue Jays de Toronto : Je suis le président actuel des Blue Jays de Toronto. J'ai également occupé le poste de président de la Ligue majeure de baseball. De plus, de 2006 à 2009, j'ai siégé comme président du conseil d'administration du Centre de toxicomanie et de santé mentale.

Je suis heureux d'avoir l'occasion de vous parler aujourd'hui, et je suis ici au nom de la Ligne majeure de baseball, du commissaire Allan H. Selig et des Blue Jays de Toronto. Je suis accompagné de M. Thomas Ostertag, vice-président principal et avocat de la Ligue majeure de baseball.

La Ligue majeure de baseball et les Blue Jays de Toronto s'opposent farouchement à l'adoption du projet de loi C- 290, qui aura pour effet de modifier le Code criminel du Canada et ainsi permettre les paris sur les épreuves sportives. Pour que vous compreniez mieux ma profonde désapprobation en ce qui concerne les paris sportifs dans la Ligue majeure de baseball, je me dois de vous rappeler que le Bureau du commissaire du baseball a été créé à la suite du scandale des Black Sox, en 1919. La Ligue majeure de baseball s'est alors opposée définitivement à la légalisation des paris sportifs, et il incombe au Bureau du commissaire de protéger l'intégrité du jeu.

Les paris sportifs parrainés par le gouvernement risquent de réellement ébranler la confiance du public relativement à ce qui se passe sur le terrain. Nous sommes conscients que ce peut être très attrayant pour le gouvernement de générer plus de revenus sans avoir besoin d'augmenter les taxes. Toutefois, aucun gouvernement ne devrait participer à la création d'un environnement qui laisse planer un doute sur l'intégrité du jeu. Nous savons que l'industrie du pari sportif est énorme, et qu'elle est en grande partie illégale. Nous savons également très bien jusqu'à quel point les citoyens peuvent s'impliquer dans les paris sportifs. Cependant, il y a une différence fondamentale entre les paris sportifs illégaux, que la Ligue majeure de baseball tente de surveiller et de contrôler, et les paris sportifs encadrés par le gouvernement, qui légitimerait un système intrinsèquement corrompu.

Sachez que lorsqu'il est permis de parier sur des équipes sportives, il peut devenir plus important de gagner sa mise que de gagner la partie; l'écart des points ou le nombre de points marqués risquent de faire ombrage à l'issue de la partie et aux subtilités du jeu. Si beaucoup de supporters viennent voir le baseball dans le but de parier, cela ne peut faire autrement que de corrompre et de détériorer la nature de notre sport. Nous voulons que les supporters encouragent leur équipe locale. Nous voulons aussi que nos athlètes sachent que les supporters les appuient.

Nous croyons que la légalisation des paris sportifs aura pour effet d'augmenter le volume global de paris. Ceux qui font appel à des preneurs de paris clandestins ou qui parient sur Internet continueront à le faire puisqu'ils profitent de certains avantages : des formules de paris différentes, des cotes plus avantageuses, le jeu à crédit et ont la possibilité de cacher leurs gains. Si nous redéfinissons le statut moral des paris sportifs comme étant légal, nous pouvons nous attendre à voir le nombre de parieurs augmenter, et certains d'entre eux miseront inévitablement plus souvent et sur des enjeux plus élevés, ce qui entraînera des conséquences plus graves. Les activités de jeu créent une grande dépendance, et on peut s'attendre à ce qu'il y ait une augmentation de joueurs à problèmes dans une société où le gouvernement avalise les paris sportifs.

De plus, nous ne voulons pas que les gouvernements, en faisant la promotion des paris sportifs, envoient le message néfaste aux jeunes que le jeu est une chose acceptable, qu'il s'agit d'une activité que les gouvernements encouragent et récompensent. Les gouvernements ne doivent pas pousser les jeunes à parier sur leurs héros.

De plus, la légalisation des paris sur des manifestations sportives par tout gouvernement aurait comme conséquence d'accroître les risques que les parieurs tentent d'influencer le résultat des matchs. Les gros parieurs ont beaucoup à gagner en incitant les joueurs à modifier leurs jeux ou à truquer les matchs. Les parieurs qui perdent leurs mises et les partisans en général peuvent en contrepartie remettre en doute chaque retrait ou chaque erreur lors d'un match, l'intégrité du jeu serait ainsi remise en question à chacun des matchs, jour après jour.

Pour sa part, la Ligue majeure de baseball applique des politiques extrêmement restrictives en ce qui a trait aux activités liées aux paris sportifs. Le règlement 21 de la ligue, adopté à l'origine en 1928, ordonne la suspension de tout joueur, arbitre ou employé du club ou de la ligue qui mise une somme d'argent sur un match de baseball. Ce règlement est clairement affiché dans chaque vestiaire. La Ligue majeure de baseball a engagé des agents dans chaque ville hébergeant une de ses franchises afin de surveiller les activités liées au jeu et les autres activités illégales.

Monsieur le président, j'ai un dernier point à soulever. C'est malheureux, mais on ne peut nier le lien entre le jeu et les activités liées aux drogues illicites. Les athlètes pourraient devenir des cibles intéressantes pour ces figures du milieu organisé; en échange de drogues, ils pourraient transmettre des renseignements ou modérer leurs efforts sur le terrain.

En conclusion, bien que la Ligue majeure de baseball et les Blue Jays de Toronto comprennent le besoin des gouvernements d'accroître leurs revenus, nous croyons que la solution n'est pas de légaliser les paris sur des manifestations sportives, puisque cela aurait pour effet de menacer l'intégrité du sport professionnel. Car après tout, le baseball n'est pas qu'un simple jeu. Dans tous les sports, l'identification des supporters à leurs héros et à leurs équipes sportives est tout à fait unique. Il serait tragique que l'appât du gain et la légalisation du jeu par le gouvernement ternissent ce sentiment.

Nous demandons donc à ce comité de recommander au Sénat qu'il vote contre le projet de loi C-290 et qu'il maintienne dans le Code criminel l'interdiction de parier sur les épreuves sportives.

M. Ostertag souhaite prendre la parole.

[Français]

Le président suppléant : Merci M. Beeston, la parole est à M. Ostertag.

[Traduction]

Thomas Ostertag, vice-président principal et avocat, Ligue majeure de baseball : Je suis le vice-président principal et l'avocat de la Ligue majeure de baseball. Je travaille directement pour le commissaire actuel au baseball, M. Allan H. Selig. Je travaille pour le bureau du commissaire depuis 1985.

La déclaration de M. Beeston représente fidèlement la position de la Ligue majeure de baseball en ce qui a trait à la légalisation possible des paris sportifs au Canada. C'est une question très importante pour nous. Comme vous le savez certainement, nos Séries mondiales commencent ce soir. Il s'agit du moment fort de notre saison, et si je n'étais pas ici, je serais à San Francisco. Ceci vous donne une idée de l'importance que la Ligue majeure de baseball accorde à cette question.

Je remercie le comité de me donner l'occasion de répondre à des questions et de fournir toute information qui pourrait être utile dans l'examen de cette question.

Le sénateur Baker : Je remercie les témoins de leur présence et de leurs exposés. Le projet de loi C-290 a été adopté à la Chambre des communes, à l'unanimité. Il convient de noter qu'il n'y a pas eu de vote à la Chambre des communes, mais le projet de loi est passé par toutes les étapes législatives nécessaires afin de devenir loi. Le Sénat en est maintenant saisi à la dernière étape.

Votre témoignage est surprenant parce que tout ce que nous avons entendu jusqu'à maintenant, ce sont des avis favorables à la loi proposée; on dit que les Canadiens devraient pouvoir parier sur une partie de baseball, une partie de hockey, un match de boxe ou une épreuve olympique. Les gens devraient pouvoir faire des paris sur n'importe quelle épreuve sportive.

Pouvez-vous vérifier pour les Canadiens que ce n'est pas permis aux États-Unis d'Amérique? Si cette loi entrait en vigueur aux États-Unis, quelles seraient les conséquences?

M. Beeston : M. Ostertag pourrait répondre à ce genre de questions, puisqu'il est notre représentant juridique en ce qui a trait aux questions qui touchent les États-Unis. Il est ici aujourd'hui pour répondre justement à ces questions. Lorsque vous poserez ce genre de questions, je vous renverrai à lui.

M. Ostertag : Je suis ravi de tenter une réponse.

Aux États-Unis, il existe une loi fédérale intitulée Professional and Amateur Sports Protection Act, 1992. Elle interdit aux États d'organiser et/ou d'autoriser des paris sportifs, mais il y a quelques exceptions. Par exemple, le Nevada et trois autres États profitent d'exceptions limitées. C'est tout. Autrement, les paris sportifs sont interdits.

Le sénateur Baker : Nous avions un tel système fédéral jusqu'à environ le milieu des années 1980, lorsqu'une entente a été conclue et que la responsabilité de ces mesures a été transférée aux provinces, mais l'article du Code criminel doit changer au niveau fédéral pour permettre ce changement.

Est-ce juste de présumer que toutes les personnes associées aux sports sur lesquels on pourrait parier, si la loi est adoptée, ne veulent pas que ce projet de loi soit adopté?

M. Beeston : Oui. Nos collègues professionnels vous diraient la même chose. Je ne peux que parler du baseball, sénateur Baker. Rien d'autre. Rien n'est plus loin de la réalité. Si, au baseball, le syndicat et les propriétaires ont des relations difficiles, ce n'est pas le cas pour ce qui des paris sportifs sur des parties individuelles. On pourrait faire comparaître le syndicat. Les joueurs en sont informés dès la signature de leur premier contrat professionnel.

J'ai écouté ce que vous venez de dire, et ce qui me préoccupe, et je ne m'étais pas concentré là-dessus auparavant, c'est que notre équipe des ligues mineures de baseball A à saison courte, soit l'équipe de baseball professionnel à Vancouver, pourrait faire l'objet de paris?

Le sénateur Baker : N'importe quelle partie.

M. Beeston : Je ne sais pas s'ils sont amateurs ou professionnels, mais d'après moi c'est encore plus inacceptable et je suis d'autant plus convaincu de me prononcer entièrement contre la mesure comme citoyen et comme membre du baseball professionnel. On ne peut pas permettre les paris sur les parties des ligues mineures lorsqu'elles peuvent mener au baseball professionnel.

Le sénateur Baker : Selon votre témoignage, si la loi est adoptée, ce serait contre la volonté des gens qui jouent à ce sport?

M. Beeston : Oui, à ce que je sache.

Le sénateur Runciman : Monsieur Beeston, vous avez parlé de certains aspects concernant l'obsession du jeu. Vous avez indiqué dans votre exposé que vous estimez que ce comportement encourage les gens à participer à ces activités et à devenir des joueurs compulsifs. Des experts ont comparu il y a quelques semaines, comme le professeur Derevensky, qui est un expert reconnu à l'échelle internationale en matière de jeu, le PDG du Conseil du jeu responsable, et l'Ontario Problem Gambling Research Centre. Ils n'ont pas le même point de vue. Je me demande comment vous en êtes arrivés à vos conclusions. Avez-vous des preuves empiriques à l'appui, ou s'agit-il simplement de suppositions de votre part?

M. Beeston : Non, je l'obtiens de façon anecdotique, si on peut dire, de nos agents et de nos responsables de la sécurité. Nous estimons que les gens qui parient actuellement par Internet et illégalement continueront de le faire. Nous ne ferons que créer de nouveaux adeptes.

Sénateur Runciman, je vous encourage à inviter les gens du Centre de toxicomanie et de santé mentale, qui offrent un programme sur la dépendance au jeu. Ils vont vous donner les statistiques, parce qu'ils ont les faits sur les gens qui attendent pour participer à ce programme. Il n'y a pas assez d'argent pour la lutte contre la santé mentale et la dépendance actuellement. Pour y avoir passé du temps, j'en sais quelque chose. Je sais qu'ils font leur possible. J'ai parlé au Dr Selby, et il serait ravi d'avoir l'occasion de comparaître pour vous expliquer les conséquences du point de vue de la dépendance et de la popularité du jeu.

Le fait de penser qu'il n'y aura pas de nouveaux adeptes n'est pas suffisant selon moi : je n'ai pas de preuve en ce sens, mais c'est ma conviction. Si je pariais par l'intermédiaire de preneurs de paris sur Internet ou à l'étranger, je continuerais probablement de le faire pour les raisons indiquées dans ma déclaration. Toutefois, je crois que les jeunes de 18 ans commenceront s'ils ont déjà une expérience de PRO-LINE. Ils diront : « Les Yankees de New York affrontent les Red Sox de Boston ce soir, et je vais faire un pari selon les lanceurs. » Ça n'a pas de sens à mon avis, parce que ça mène à autre chose. Je n'ai pas de preuves. Sénateur, je vérifierai s'il y a des preuves, et je vous reviendrai avec la confirmation. Toutefois, compte tenu de mes connaissances, je crois que c'est logique. Je vous prie de m'excuser de ne pas avoir de preuves solides.

Le sénateur Runciman : Nous vous en serions reconnaissants, parce que les experts qui nous ont parlé n'ont pas partagé ce point de vue.

Vous avez parlé d'activités de surveillance, et l'un des arguments en faveur de la progression du projet de loi est de la placer dans un cadre transparent et réglementé. Il sera plus facile de surveiller les activités inhabituelles et de soulever des doutes pour ce qui est d'irrégularités. Vous dites que vous faites de la surveillance maintenant. Comment?

M. Beeston : Chaque équipe a ce qu'on appelle un agent résident. Il y a 30 équipes et 30 agents résidents. Ils travaillent avec les forces policières. La plupart sont en fait des membres de corps policiers des villes où les équipes sont situées. Ces personnes parlent aux joueurs. Ils travaillent avec les gens du renseignement — il s'agit peut-être du service policier tout indiqué — pour savoir s'il y a quelque chose à signaler dans la communauté. On surveille les joueurs. On garde les yeux et les oreilles ouverts, qu'il s'agisse de drogue, d'alcool ou de jeu. C'est le but du programme d'agent résident.

Le sénateur Runciman : Avez-vous des ententes de partage de l'information avec des preneurs de paris sportifs étrangers?

M. Beeston : Je ne peux pas répondre à cette question, mais je vous ferai parvenir l'information plus tard.

M. Ostertag : Non. J'ai vérifié avant de venir et nous n'avons pas de programme de partage de l'information avec qui que ce soit, casinos ou organismes de pari.

Le sénateur Runciman : Y compris au Nevada?

M. Ostertag : C'est exact.

Le sénateur Runciman : Monsieur Beeston, vous n'avez pas parlé en particulier des paris sur un seul événement sportif. Vous avez dit, et je l'ai noté : « définitivement opposés aux paris sportifs ». Je vois sur votre site web que vous annoncez une loterie avec un lot de 1 million de dollars pour la première personne à prédire correctement tous les face- à-face d'un mardi et d'un vendredi de la même semaine. Comment pouvez-vous concilier cela et votre affirmation selon laquelle vous êtes contre les paris sportifs? La LMB a son propre site de pari.

M. Beeston : C'est une bonne question, mais je dirais qu'il s'agit plutôt d'un concours. Cela suppose une bonne dose de chance. Il faut pouvoir prédire toutes les parties. Ce n'est pas du tout la même chose qu'un pari sur une seule partie. Nous parlons de questions d'intégrité, c'est-à-dire de situation où on peut influencer les résultats d'une partie. La grande question, sénateur Runciman, c'est le pari sur un seul événement sportif. Je vous dirais, et vous ne serez peut- être pas d'accord avec moi, que nous considérons qu'il s'agit dans ce cas d'un concours.

M. Ostertag : Je crois qu'il est gratuit. Il y a également un jeu de fiction sur notre site Web, mais il est gratuit.

Le sénateur Runciman : Il est également gratuit? Je crois qu'il faut payer.

M. Ostertag : Il y a peut-être des frais d'administration. Je n'y ai jamais joué. Je sais que sur le site mlb.com le jeu de fiction est gratuit.

Le sénateur White : Certains nous ont dit que les paris en ligne ou les paris sur un seul événement sportif étaient plus ouverts et pouvaient même renforcer l'intégrité du jeu. Ma question s'adresse à vous, monsieur Ostertag, si vous le voulez bien. J'ai lu une lettre de 2007 que vous avez signée avec des représentants de toutes les grandes associations sportives y compris la NCAA qui contredit cela d'une certaine façon. J'aimerais confirmer si vous, en tant que représentant de la Ligue majeure de baseball, ainsi que d'autres équipes ou ligues sportives sont toujours du même avis. Cette lettre dit :

...nous avons entendu l'argument selon lequel les paris en ligne pourraient en fait protéger l'intégrité des sports en raison de la capacité qu'ils nous offriraient de surveiller les tendances plus étroitement dans un environnement légalisé.

Ensuite vous dites que cela était réfuté en 1992 et vous demandez que le Congrès américain n'en tienne pas compte non plus en 2007.

Nous voici cinq ans plus tard et nous avons entendu un certain nombre de témoins qui disent que c'est vrai, qu'en fait cela assurera davantage d'intégrité dans le sport ou au moins dans la surveillance. Je suis sûr que vous en avez discuté avec d'autres grandes ligues. Pouvez-vous nous confirmer que vous n'êtes toujours pas d'accord et que vous ne croyez toujours pas que cela permettra des paris plus propres et plus légitimes?

M. Ostertag : Oui, je peux le confirmer sans réserve. Je peux également vous dire que dans notre bureau nous avons un service d'enquête et aussi un service de sécurité. Nous avons les deux. Le Service d'enquête s'occupe surtout de la surveillance et nous essayons de surveiller et de contrôler les paris dans la mesure du possible et de garder nos joueurs et nos parties à l'écart des paris. Nous croyons fermement que la légalisation des paris sportifs encouragera davantage de personnes à parier et que certaines d'entre elles passeront tôt ou tard aux paris illégaux parce que les cotes sont meilleures et qu'on peut gagner plus d'argent avec les paris illégaux et aussi cacher ces revenus pour éviter de payer des impôts et pour d'autres raisons.

C'est ce que nous croyons fermement. Je peux toujours confirmer ce que nous disions dans cette lettre.

Le sénateur White : À la lecture de ces documents, je n'arrive pas à imaginer que la Ligue majeure de baseball, la Ligue nationale de hockey, la NBA ou la Ligue nationale de football, ou même votre équipe, monsieur Beeston, n'aient pas beaucoup à gagner financièrement en permettant des paris sur des épreuves unisport au Canada et ailleurs dans le monde. Pourtant, vous dites que cela ne prime pas sur l'importance de l'intégrité du jeu, c'est ça?

M. Beeston : Tout à fait. L'intégrité du jeu est primordiale. Il faut que les gens sachent que la partie qu'ils voient sur le terrain n'est pas truquée.

Le sénateur Joyal : Monsieur Beeston, mon père serait sans doute très content de vous rencontrer aujourd'hui. Il a 97 ans et c'est un ancien joueur des Royal de Montréal, à l'époque où le baseball était bien différent de ce que vous avez connu. Vous étiez peut-être trop jeune.

M. Beeston : Non, je n'étais pas trop jeune.

Le sénateur Joyal : Il suit encore les parties et il serait ce soir avec M. Ostertag, s'il pouvait se rendre à San Francisco. Mais rassurez-vous, il n'y a pas de conflit d'intérêts pour moi, puisqu'il ne joue plus depuis au moins 60 ans.

J'en ai discuté avec lui puisqu'il a l'expérience du terrain, si vous me passez l'expression. Ce qu'il craint, c'est que bientôt les gens soient tentés de parier sur les joueurs.

Prenons un autre exemple, les Canadiens de Montréal : on aurait pu parier que Maurice Richard compterait ce soir son 130e but. Il risque alors d'y avoir des pressions sur les joueurs, pour qu'ils essaient d'influer sur l'issue d'une partie, ou sur le comportement d'un joueur professionnel au sein de son équipe. Pourriez-vous confirmer, ou corroborer cette crainte? Pensez-vous que c'est une interprétation qui va trop loin?

M. Beeston : Je pense que c'est raisonnable. Je ne peux pas la confirmer. Nous voudrions croire que tous nos joueurs des ligues majeures ne seraient assujettis à aucune tentative de corruption et que les paris ne les toucheraient pas, mais je pense qu'il y aura des paris sur les joueurs. Je pense que déjà, dans les gradins, les gens parient sur la possibilité qu'un but soit compté pendant une manche. La légalisation aurait pour effet inévitable la corruption de tout cela. J'y crois vraiment. Quand on commence à parier sur les parties, on ouvre la porte à des gens qu'on ne veut pas intégrer au jeu.

Quand vous parlez de parier sur le but que pourrait compter Maurice Richard, je pense qu'il serait impossible de l'arrêter, dès qu'il traversait la ligne bleue, il ne voyait qu'une chose, les buts s'allumer. C'est tout ce qu'il voyait devant lui, impossible d'arrêter ça. Ça n'aurait rien changé dans ce cas-là, et je ne crois pas que beaucoup de joueurs soient faciles à corrompre, mais on n'aimerait pas l'idée que ce serait éventuellement le résultat. Plus on parie, plus on ouvre la porte aux problèmes.

Le sénateur Joyal : Avez-vous fait des démarches auprès des provinces? Comme vous le savez, si ce projet de loi est adopté, ce sera à chaque province de décider comment profiter de cette nouvelle possibilité, et aussi de la façon de réglementer les paris désormais possibles. Y avez-vous songé?

M. Beeston : Pas encore. C'est notre premier exposé. Quand PRO-LINE a été inaugurée, nous nous sommes battus becs et ongles pour que le baseball n'y figure pas. Si vous regardez bien ce qu'il en est maintenant, sur PRO-LINE, c'est par ville et non par nom d'équipe. Et c'est la même chose pour tous les sports.

Notre position n'a pas changé, depuis le début. Nous nous sommes battus pour déterminer si nous pouvions ou non être être intégrés à PRO-LINE. C'est notre première comparution et nous vous remercions de cette possibilité de comparaître.

Le sénateur Joyal : Avez-vous eu des contacts ou partagé votre point de vue avec d'autres organisations de sport, pour voir ce qu'elles pensaient et le fait que cela aurait sur elles?

M. Beeston : Je vais laisser M. Ostertag répondre à cette question puisqu'il a récemment eu quelques-uns de ces échanges.

M. Ostertag : C'est vrai, c'est quelque chose qui a été porté à notre attention il y a à peine quelques jours, soit à la fin de la semaine dernière. Nous nous sommes hâtés de préparer notre exposé pour vous le présenter ici.

Je ne peux pas parler au nom des autres sports, mais je peux dire qu'en général, ils s'y opposent aussi. Au-delà des généralités, je les laisserai parler en leur propre nom.

Le sénateur Joyal : Ont-ils les mêmes raisons que vous de s'y opposer ou ont-ils d'autres idées sur le résultat que cela pourrait donner?

M. Ostertag : Je pense que nous avons tous les mêmes craintes. Mais je le répète, c'est aux autres de parler en leur nom. Je sais que d'autres organisations comparaîtront ici plus tard, c'est du moins ce que j'ai compris.

Le sénateur Joyal : À la page 3 de votre mémoire, à l'avant-dernier paragraphe, vous dites :

Les gros parieurs sont très motivés à inciter les joueurs à tricher, à moins bien jouer. Les parieurs et les supporters perdants peuvent ensuite avoir des soupçons dès qu'il y a une erreur, un joueur éliminé, et l'intégrité du jeu sera remise en question tous les jours, pour chaque point.

Vous dites en avoir parlé à vos propres joueurs. Pourriez-vous nous faire part de leurs réactions?

M. Beeston : Je ne peux pas dire que c'est de cet aspect en particulier que je leur ai parlé. Au début de chaque saison, pendant la formation du printemps, nous leur parlons. Nous faisons venir un agent local, mais aussi un représentant de la DEA.

M. Ostertag : Oui, la DEA des États-Unis.

M. Beeston : Ces gens viennent parler aux joueurs. On leur parle dès qu'ils arrivent dans le baseball professionnel, vers l'âge de 18 ans. Les règles sont affichées au vestiaire. Les règles portent sur les paris, très précisément, les problèmes qui y sont associés et sur le fait que les joueurs ne doivent pas être en relation avec des parieurs.

C'est un message qui est martelé. Et pour le baseball en général, c'est un succès. Au Canada, nous avons été protégés, de bien des façons. Pour les paris qu'on peut faire ici, c'est illégal, quand le jeu est illégal, mais nous avons fait un assez bon travail. Je ne voudrais pas que notre sport se retrouve dans la même situation que le soccer ou le cricket. Je pense que cela répond à votre question.

Au baseball, à cause du scandale des Black Sox en 1919, le Bureau du commissaire et le commissaire lui-même ont été mis en place pour protéger l'intégrité du sport. Reconnaissons qu'en 1919, il s'agissait surtout de ne pas pouvoir influencer les joueurs. Ça été une réussite. Le sénateur Ostertag est un historien et il peut vous donner tous les faits, mais huit joueurs faisaient l'objet d'allégations de trucage pour changer les résultats de certaines parties. Il faut nous protéger contre cela, j'y crois très fermement.

Le sénateur Joyal : Vos propos m'amènent à une autre question, toujours délicate : le dopage dans le sport. Si ce projet de loi est adopté et qu'on peut parier sur tous les sports, tous les jeux, pensez-vous qu'il y aura des pressions exercées sur les joueurs pour qu'ils améliorent leur performance en recourant à des moyens illégaux, comme on l'a vu récemment dans le cas de Lance Armstrong, malheureusement? Pensez-vous que cela aura une incidence, que des pressions seront exercées?

M. Beeston : C'est possible. Je ne veux pas me hasarder avec la question du dopage. Si nous sommes déterminés à lutter contre les paris, nous sommes tout autant à éradiquer de notre sport tout type de dopage illégal visant à améliorer les performances. Je pense que nous avons fait du bon boulot. Nous continuons d'y travailler. Nous avons commencé en 2002. Nous avons travaillé en collaboration avec le syndicat, le commissaire Selig, de manière à nous assurer que le sport soit équitable et intègre. Je pense que nous sommes donc tous bien conscients de cela.

Cela revient toujours à ce mot : l'intégrité. S'il s'agit de dopage, nous sommes contre. S'il s'agit de pari, nous sommes certainement contre. Rappelez-vous ce que j'ai dit : pour le dopage, c'est passible d'une suspension de 60 jours. À la deuxième ou troisième infraction, je ne me souviens plus exactement, vous pouvez être suspendu pour un an, puis, à vie. Pour les paris, vous êtes immédiatement suspendu, pour toujours. Un point, c'est tout. Si vous êtes pris à parier sur un parti, vous disparaissez.

Le sénateur McIntyre : Comme le sénateur Baker nous l'a rappelé, ce projet de loi a déjà été adopté à la Chambre des communes. Le Sénat et notre comité en sommes maintenant saisis.

En présumant que le projet de loi C-290 devienne loi, faudrait-il des mesures de contrôle précises, comme des interdictions pour les joueurs, les officiels et les arbitres de parier? En présumant que le projet de loi a été adopté?

M. Ostertag : Je suis désolé, je n'ai pas compris la question.

Le sénateur McIntyre : Faudrait-il inclure des mesures de contrôle précises dans cette nouvelle loi, par exemple l'interdiction de parier pour les joueurs, les officiels et les arbitres?

M. Ostertag : Comme nous nous opposons carrément au projet de loi, nous n'avons pas songé à ce genre de détails. Nous ne penserons jamais que ce genre de changement rendra le projet de loi acceptable. Ce ne sera jamais acceptable pour la Ligue majeure de baseball. Nous nous opposons à tout pari au baseball. Nous voulons que les deux soient séparés, autant que possible.

M. Beeston : J'aimerais ajouter que ce serait superflu. Cela ne fera pas changer les règles du baseball. C'est comme ça que nous avons commencé en 1928, quand le règlement a été adopté et il ne changera pas.

Vous pouvez ajouter les règles que vous voudrez à ce projet de loi, mais les règles du baseball primeront et seront plus strictes que tout ce que vous pouvez mettre dans le Code criminel, à mon avis.

Le sénateur Frum : Monsieur Ostertag, nous vous sommes extrêmement reconnaissants d'être venu ici, pendant la semaine des Séries mondiales. Nous sommes ravis que vous soyez à Ottawa aujourd'hui.

Nous sommes au courant du procès lancé au New Jersey contre la Ligue majeure de baseball. Le New Jersey veut adopter une loi semblable à celle-ci et vous vous y opposez.

Nous savons que la province de l'Ontario est l'une des parties les plus intéressées à toute cette affaire. Si ce projet de loi est adopté, les Blue Jays deviendront une équipe dans une province où cette activité serait légale. Elle serait la seule équipe de la Ligue majeure de baseball à se trouver sur un territoire où c'est légal. Quelles seront les répercussions pour l'équipe? Quelles seront les répercussions du point de vue de la Ligue majeure de baseball? L'équipe sera en contravention de vos règlements administratifs, n'est-ce pas?

M. Ostertag : Nous disons que ce serait en contravention de nos règlements administratifs. Nous n'avons aucune règle qui dit qu'une équipe ne peut pas être située dans un État ou une province qui autorise les paris sportifs.

Nous n'avons pas vraiment réfléchi à ce qui arrivera si le projet de loi est adopté. Aujourd'hui, nous sommes simplement venus exprimer notre opposition et l'espoir que cela ne se produise pas. Nous n'avons pensé plus loin que cela pour chercher à déterminer ce qui se produirait ensuite. Je ne sais pas quoi vous dire.

M. Beeston : Permettez-moi d'essayer. Nous ne perdrons pas notre équipe, vous pouvez me croire. Cela n'arrivera pas, nous allons rester à Toronto. Nous devrons ériger davantage d'obstacles. Je soupçonne que nous surveillerons plus attentivement à partir de New York pour voir ce que nous devrons faire.

Si nous voulions créer une équipe de la Ligue mineure en Ontario, ce serait probablement un peu plus risqué ou plus difficile à faire. Ça n'aiderait certainement pas, mais je ne veux pas semer la peur en disant que les Blue Jays de Toronto vont cesser d'exister. Je ne pense pas que cela arrivera. Je pense que nous pouvons continuer en procédant comme nous le faisions auparavant. Nous allons fonctionner dans le respect des règles du baseball, des règles de notre pays tout en mettant au point, du moins je l'espère, quelque chose qui pourra être présenté comme un modèle.

Le sénateur Frum : Vous ne craignez pas non plus de poursuites en justice de la part de la Ligue majeure de baseball?

M. Beeston : Je vais demander à notre avocat de répondre. Nous avons la chance de l'avoir avec nous.

M. Ostertag : Je le répète, je ne sais pas ce qui arriverait par la suite. Je ne sais pas quel genre de poursuite pourrait être lancé. Je n'y ai pas réfléchi du tout. La meilleure réponse que je puisse vous donner, c'est que je ne le sais pas.

Le sénateur Frum : Pour répondre au sénateur Runciman, vous avez dit que vous ne surveillez pas les paris qui sont placés dans d'autres pays. Des témoins nous ont dit que l'un des avantages de la légalisation des paris sur une épreuve unisport, puisque cela se produit de toute manière, serait que des organismes comme le vôtre auraient au moins la possibilité de surveiller les paris et donc de détecter des activités potentiellement illégales. Que pensez-vous de cet argument?

M. Beeston : Je pense que cela ne ferait qu'augmenter le nombre de parieurs, le nombre de personnes qui vont jouer. Je ne pense pas que cela changera quoi que ce soit aux paris placés dans d'autres pays ou sur Internet. Je pense que nous allons créer un tout nouveau groupe de parieurs qui vont grandir et devenir riches. Plus ils vont parier, plus ils vont perdre et se retrouveront aculés à la faillite tôt ou tard. On ne peut pas gagner à ce jeu. On ne peut pas gagner lorsqu'on parie. Les initier à un jeune âge, je pense, créera de vrais problèmes.

Je vous dirai que les jeunes de quatre et cinq ans savent utiliser l'Internet de nos jours et ont leurs propres téléphones. Ces enfants pourraient donc parier. Je ne suis pas sûr que nous fassions quoi que ce soit. Cependant, je pense que l'adoption de cette mesure créerait beaucoup plus de problèmes. Ce n'est pas une question de surveillance. Qui sont les parieurs? Quel âge ont-ils? Je suppose qu'ils devront avoir plus de 18 ans, même si je n'ai pas vu de dispositions à cet effet. Nous allons nous créer un problème. Quel sera le résultat? Nous le verrons bien. À mon avis, cela va simplement aggraver ou exacerber le problème.

M. Ostertag : À ce sujet, j'aimerais ajouter que nous n'avons pas d'entente officielle de partage de l'information avec quelque organisme de paris que ce soit. Bien sûr, nos employés surveillent les paris qu'ils jugent importants de surveiller, peu importe où ils sont placés. S'ils ont un tuyau ou d'autres informations selon lesquelles ils devraient surveiller quelque chose, ils le font.

Cependant, même si d'une manière quelconque nous recevions plus d'information en raison de la légalisation des paris sportifs, ce ne serait pas très avantageux pour nous. Bien sûr, nous aurions plus d'information, mais par contre il y aurait plus de paris sportifs aussi. Cela est bien pire que l'aspect positif qui consiste à avoir plus d'information.

Le sénateur Frum : On vous crée un problème que vous aurez à surveiller.

M. Ostertag : C'est une bonne façon de le dire.

Le sénateur Frum : Certains disent que toutes ces personnes qui, à l'heure actuelle, parient illégalement dans d'autres pays, voudront maintenant parier légalement au Canada. Pensez-vous qu'ils ont raison? Si les cotes sont meilleures pour les paris illégaux à l'étranger, est-ce qu'un joueur va vouloir parier en toute légalité au Canada pour être inclus dans cette activité illégale? Pensez-vous que cet argument est logique?

M. Ostertag : Pas du tout.

M. Beeston : Je pense que vous avez répondu à la question.

Le sénateur Patterson : Vous avez reconnu qu'il y a déjà beaucoup de paris illégaux. Je me demande si vous croyez que cela nuit déjà au baseball, en compromettant son intégrité, comme vous dites.

M. Beeston : Je pense que ce n'est pas le cas, du moins pour ce que nous avons pu constater au moyen de notre surveillance. Nous n'avons aucune raison de croire, mis à part un ou deux incidents dont on a beaucoup parlé ces derniers temps, que nous ayons le moindre problème. Je pense que c'est en raison des mesures de sensibilisation et du fait que c'est illégal de parier sur les parties et sur le résultat d'une partie en particulier.

C'est ce qui nous préoccupe. Nous ne voulons pas nous retrouver dans une situation où quelqu'un sera tenté de prendre une décision en raison de circonstances que ni vous ni moi ni personne d'autre autour de cette table ne peut imaginer aujourd'hui. Pour ma part, je pense que les choses vont bien, mais on ne sait jamais. Je pense qu'avant les stéroïdes on pensait qu'il fallait que les joueurs soient en meilleure santé, qu'ils aient de meilleurs entraîneurs, que tout soit mieux, puis nous nous sommes rendus compte que nous nous étions trompés.

Pour ce qui est de la question qui nous intéresse aujourd'hui, nous nous assurons sans relâche de manière judicieuse de maintenir nos normes en ce qui concerne les paris.

Le sénateur Patterson : Je suis curieux. Il est très clair que vous vous opposez à ce projet de loi et à une libéralisation des paris. Pensez-vous que notre gouvernement devrait plutôt essayer de réglementer ou d'interdire l'activité illégale qui existe déjà?

M. Beeston : Eh bien, s'il le pouvait, je pense que ce serait formidable. Je pense que les forces policières du Canada font tout ce qu'elles peuvent. Ce ne sont pas des gens très recommandables qui dirigent ces activités. Je pense qu'il y en a probablement qui sont des hommes d'affaires acharnés mais il y en a d'autres qui ne le sont probablement pas. Nous préférerions que les gouvernements fassent tout ce qu'ils peuvent pour éliminer les paris illégaux. Cela éliminerait le risque de cet incident qui pourrait nuire non seulement au baseball professionnel mais à tous les sports. Il est évident que cela a des conséquences pour la Ligue majeure de baseball, mais cela rejaillirait sur tous les sports professionnels et sur tous les athlètes.

Le sénateur Patterson : J'ai été intrigué de vous entendre dire que vous aviez aussi été le président du conseil d'administration du Centre de toxicomanie et de santé mentale. Pourriez-vous nous dire si ce centre s'occupait également de la dépendance au jeu? Est-ce que cette expérience vous a amené à conclure que le jeu peut être pathologique et qu'il pourrait y avoir de plus en plus de gens dépendants au jeu?

M. Beeston : Absolument. J'ai effectivement été le président du Centre de toxicomanie et de santé mentale. On y travaille beaucoup sur les différentes dépendances, que ce soit à l'alcool, au tabac, aux drogues ou au jeu; le jeu pathologique prend de plus en plus d'ampleur et est encore considéré comme un grave problème.

Le centre a recueilli des données solides sur la question, et je vous remercie d'avoir posé la question. Il serait important que votre comité entende un professionnel qui témoignerait et pourrait vous donner l'information que vous souhaitez au sujet des coûts entraînés par la dépendance au jeu, qui fait de plus en plus de victimes. Il y a une liste d'attente pour obtenir un traitement même s'il ne s'agit pour l'instant que d'un programme de consultation externe. C'était auparavant un programme en cure fermée, mais cela coûtait trop cher. Mais le problème est toujours aussi répandu.

Vous entendriez peut-être un autre son de cloche si vous interrogiez un des médecins, psychiatres ou les travailleurs sociaux du centre, de même que les spécialistes du traitement de la dépendance.

[Français]

Le président suppléant : Le sport professionnel est composé d'un ensemble de filiales. C'est une structure très organisée. En ce qui concerne la pureté du sport, faites-vous le même constat dans les rangs mineurs que celui que vous faites pour le sport professionnel?

On sait que maintenant les salaires professionnels sont rendus très enviables. Y a-t-il un lien entre le niveau salarial des joueurs professionnels et la tentation de jouer, de gager pour améliorer ses revenus?

Je suppose que les joueurs, qui faisaient 30 $ ou 40 $ par semaine il y a 50 ans, devaient être plus tentés de gager pour avoir un meilleur revenu que celui qui en gagne un million aujourd'hui.

Dans la structure des Blue Jays de Toronto ou d'un autre sport professionnel, y a-t-il des problématiques de jeu à des niveaux inférieurs par rapport aux niveaux supérieurs? Peut-on considérer qu'il y aurait un lien entre le niveau salarial des joueurs et la présence du jeu?

[Traduction]

M. Beeston : Merci pour cette question. Non, je ne crois pas qu'il y a de tels problèmes dans la Ligue mineure de l'organisation des Blue Jays de Toronto. La sensibilisation est très importante et fait partie de la solution. À partir du jour où vous signez votre premier contrat et jusqu'à votre entrée dans les ligues majeures, le message est relatif au jeu et ne cesse d'être renforcé. Parvenus aux ligues majeures, les joueurs le connaissent bien puisqu'on n'a cessé de le marteler. Ils entendent parler presque tous les jours des effets des paris.

Votre question relative à l'écart salarial entre les joueurs les mieux rémunérés et les autres, c'est-à-dire 10 ou 20 millions de dollars, est intéressante. Le même joueur fait le même travail tous les jours. J'imagine qu'il peut être tenté, mais je ne crois pas que cela ce soit jamais produit dans une partie, que nous sachions. Nous sommes fiers de la surveillance que nous exerçons et de ce que nous faisons. Nous sommes rassurés puisque nous surveillons régulièrement la situation et n'avons pas détecté de tels cas; le système fonctionne même s'il peut avoir certains ratés. Voilà la différence; nous devons être prudents. Pourquoi? Parce que quelqu'un a parié sur l'issue de la partie, comme c'est arrivé dans le scandale des Black Sox. C'est le même scandale qu'on a vu dans le soccer et le criquet. Voilà ce qui arrive lorsqu'on permet aux gens de parier sur l'issue d'un match.

Malgré toutes les mesures de sensibilisation, il y aura toujours un joueur qui peut avoir un problème qui pourrait compromettre l'intégrité du jeu; voilà ce que nous voulons éviter. Nous devons sans relâche exercer cette vigilance. Il faut garder l'œil ouvert parce qu'un seul élément pourrait suffire pour nuire au jeu. Voilà ce que je répondrais à votre question.

[Français]

Le président suppléant : Depuis 1919, un événement a été très médiatisé et a même fait l'objet d'un film. L'épisode Pete Rose a marqué la Ligue majeure de baseball pour ce qui est de la crédibilité. Suite à un événement de cette nature, comment la Ligue majeure de baseball a-t-elle réagi en termes d'amélioration de ses contrôles? Je comprends qu'il y a un aspect culturel. Dans la Ligue nationale, on commence très tôt à éduquer les jeunes joueurs pour ce qui est du jeu. Il y a un genre de culture de non-intégration du jeu dans le sport professionnel. Comment la ligue a-t-elle réagi à cet épisode Pete Rose en termes d'amélioration des contrats?

[Traduction]

M. Beeston : Je vais céder la parole à M. Ostertag parce qu'il travaillait au Bureau du commissaire à l'époque et qu'il est bien au fait de la question.

M. Ostertag : En 1889, notre bureau a été informé que Pete Rose avait parié sur des parties de baseball. À l'époque, il était le gérant, peut-être à la fois joueur et gérant, mais nous pensons qu'il ne jouait pas dans les parties sur lesquelles il pariait. L'information que nous avions reçue s'est avérée exacte. Notre bureau a mené une enquête fouillée qui a abouti à cette conclusion.

Je pourrais vous décrire en détail le déroulement des poursuites, mais à la suite d'un règlement survenu en août 1989, M. Rose a perdu à jamais le droit de jouer au baseball. L'accord lui permettait de demander sa réintégration, mais il a perdu le droit de jouer au baseball et c'est encore la situation aujourd'hui.

[Français]

Le président suppléant : Donc, on peut conclure que la peine capitale pour un joueur professionnel, c'est l'exclusion à vie.

[Traduction]

M. Ostertag : L'article 21 de notre Règlement prévoit l'inadmissibilité permanente de parier sur sa propre équipe. Ce règlement est affiché dans tous les vestiaires et c'est probablement la règle la plus réitérée et renforcée dans le baseball. On ne peut pas parier sur le sport. Je ne sais pas comment je pourrais m'exprimer plus clairement. C'est la règle la plus rigoureuse et la plus importante qui soit pour ce qui est de protéger l'intégrité de notre sport.

Le sénateur Baker : Ce projet de loi permettra de parier légalement sur une course ou un combat ou sur une épreuve ou une manifestation sportive.

D'après ce que vous dites, c'est un changement majeur dans la loi mais il y a quelque chose que je ne comprends pas très bien. Vous avez été mis au courant de ce changement qu'on proposait d'apporter à la loi voilà quelques semaines. La LNH et la LNF viennent d'en être informées et souhaitent vivement comparaître devant notre comité pour s'opposer à ce projet de loi. À votre avis, monsieur Beeston, comment est-il possible qu'un projet de loi ait franchi toutes les étapes de son étude à la Chambre des communes sans avoir été mentionné dans la presse où que ce soit, comme si c'était un secret. Avez-vous été invités à comparaître devant le Comité de la Chambre des communes pendant que cela se passait?

M. Beeston : Pas du tout. J'en ai entendu parler pour la première fois il y a environ une semaine et j'en suis tout aussi renversé que vous. Nous serions venus devant le comité et nous aurions présenté nos arguments et notre position. Nous aurions très certainement écrit des lettres et mis tout en œuvre pour exprimer notre opinion avant que le comité n'adopte le projet de loi, comme nous le faisons devant vous. J'en ai entendu parler pour la première fois quand le projet de loi est arrivé ici.

Le sénateur Baker : Il semble que tous les héros sportifs du Canada s'opposent à ce projet de loi qui d'après vous risque de compromettre l'intégrité des sports dans notre pays.

M. Beeston : C'est un risque réel.

Le sénateur Baker : Les adversaires du projet de loi font valoir, essentiellement, que puisque les paris de ce genre sont illégaux aux États-Unis, les Américains se précipiteront au Canada pour parier sur les épreuves sportives si nous légalisons ces paris. Le casino de Windsor prétend qu'il devra recruter 200 nouveaux employés, et celui de Niagara, qu'il devra en recruter 200 seulement pour s'occuper de ces paris. Croyez-vous que ce sera effectivement l'effet de cette mesure? Est-ce que cela justifie qu'on apporte cette modification à la loi?

M. Beeston : Sénateur, vous venez d'exprimer exactement notre position. S'il faut recruter 200 nouveaux employés simplement parce qu'on autorise les paris sur une épreuve sportive, comme ils l'avancent, nous avons un réel problème. Nous allons créer beaucoup plus de parieurs et beaucoup plus de problèmes sociaux. Nous allons mettre en danger l'intégrité de tous les sports, pas seulement le baseball. Croyez-moi, si c'est le cas, si on parle vraiment d'embaucher 200 nouveaux employés, je suis estomaqué

Le sénateur Baker : Vous laissez entendre que dès qu'un arrêt-court n'arrivera pas à attraper la balle ou que le receveur ratera une prise ou ne relancera pas la balle au premier but, cela paraîtra suspect et on se demandera si la partie n'est pas arrangée. Est-ce bien ce que vous dites?

M. Beeston : C'est tout à fait possible. L'arbitre rendra une décision. Nous savons tous ce qu'on peut voir à la télévision maintenant et nos arbitres sont encore des êtres humains. On le voit dans tous les sports. Au bout du compte, les arbitres qui décident de ces parties sont tout comme vous et moi. Comme nous, ils respirent et comme nous, ils font des erreurs, mais si ce projet de loi est adopté ils feront toujours l'objet de soupçon.

Le sénateur Baker : Monsieur Ostertag, certains États des États-Unis ont essayé d'agir dans le même sens par le passé et les associations de sports professionnels se sont adressés aux tribunaux pour les en empêcher. Si ce projet de loi était adopté, n'y aurait-il pas là des motifs évidents de poursuites en justice au Canada?

M. Ostertag : Encore une fois, je peux difficilement commenter sur d'éventuelles poursuites de ce genre. Aux États- Unis, on a intenté des poursuites au New Jersey parce que cet État voulait légaliser les paris sportifs alors qu'une loi fédérale l'interdit. La situation au Canada est quelque peu différente, mais nous sommes tout aussi contre la légalisation ici que nous le sommes au New Jersey.

Le sénateur Runciman : Or, au cours des dernières années, on a beaucoup parlé de mauvaises décisions rendues par les autorités de la Ligue de baseball majeure, y compris un cas où un joueur a perdu un match sans point ni coup sûr à cause d'une mauvaise décision de l'arbitre. Il y a eu un cas très publicisé lors d'une partie éliminatoire récemment, où un joueur a été retiré alors que ce n'était pas justifié, comme toutes les reprises l'ont montré. Quand un incident de ce genre se produit, ça peut changer la nature de la partie et son issue, mais faites-vous une enquête pour voir s'il y a eu une inconduite quelconque? Comment procédez-vous?

Pour revenir à ce que disait le sénateur Frum, nous savons qu'on parie sur des sites illégaux et à l'étranger des milliards de dollars, par l'entremise du crime organisé. Dans le basketball professionnel, un arbitre a été incriminé pour de tels agissements. Puisqu'il existe de tels incidents, comment peut-on déterminer s'il y a eu ou non quelque chose d'illégal? Vous n'avez pas d'accord sur la divulgation de renseignements avec quiconque. Je suis un peu perplexe.

Vous parlez d'intégrité, et je comprends que vous vouliez assurer l'intégrité du sport, mais un des principaux arguments avancés par les promoteurs de ce projet de loi, c'est qu'en permettant de parier légalement, au lieu de le faire de façon clandestine, on assurera l'intégrité du sport parce qu'on pourra détecter rapidement tout incident inusité.

M. Beeston : Quand j'étais à New York, nous entretenions toujours des relations étroites avec nos arbitres et nous surveillons leur mode de vie et leurs décisions. Ils commettront toujours des erreurs, monsieur le sénateur. Je sais de quels cas vous parlez. Il s'agit de la partie à Détroit, avec Jimmy Joyce, et c'est tout simplement arrivé comme cela. L'autre partie, c'est la décision rendue par l'arbitre dans le match Atlanta contre Saint-Louis relativement à la chandelle au champ intérieur.

Le sénateur Runciman : Oui.

M. Beeston : Il y aura toujours des décisions de ce genre et les arbitres feront toujours des erreurs. J'ai une confiance inébranlable à l'égard de notre commissaire et de notre commissariat. Ils exercent une surveillance parce qu'ils se soucient de l'intégrité du jeu. Bien sûr qu'il peut y avoir des erreurs. La moindre perception ou suggestion qui pourrait y avoir quelque chose de louche me préoccupe.

Voici ce que je pense : vous pensez qu'en augmentant le nombre de parieurs vous pourrez surveiller ce qui se passe, mais moi je pense qu'on ne fera qu'aggraver le problème. Si à l'heure actuelle nous avons un parieur ou un ex-parieur et que dans l'avenir, il y en aura deux ou trois, le problème va empirer. Je crains que cela devienne répandu. Je comprends votre idée, car c'est un peu comme le projet de loi contre le blanchiment d'argent ou l'argent qui sort des banques. On peut surveiller ce genre de chose.

Le sénateur Runciman : Nous serions tous aussi inquiets que vous si ce projet de loi entraînait une hausse spectaculaire du nombre de parieurs et de joueurs pathologiques, mais il faut savoir que des milliards de dollars se retrouvent dans divers systèmes, par exemple les sites à l'étranger et le crime organisé. Vous dites pouvoir surveiller la situation, mais c'est impossible. Nous n'avons même pas idée des sommes pariées à l'heure actuelle. Si ces paris se font dans un cadre réglementé et transparent, il sera sans doute beaucoup plus facile de détecter les agissements malhonnêtes. Voilà l'argument qu'on nous a présenté et il m'a persuadé d'appuyer ce projet de loi pour mettre un terme à ces transactions illégales. Je ne crois pas non plus que les Américains vont se précipiter en masse vers les casinos du Canada. Je pense qu'il faut adopter ce projet de loi pour soustraire ces activités au crime organisé et les placer dans un système ouvert et transparent.

Pour terminer, quand allez-vous permettre les reprises instantanées?

M. Beeston : Nous avons commencé à le faire, sénateur. Comme vous le savez, nous l'avons déjà fait pour les bonnes ou fausses balles, puis sur les lignes de jeu. Nous avons également pris d'autres mesures et nous en discuterons avec le comité du commissaire sur le champ. Je vous tiendrai au courant. Je vous informerai avant que l'annonce soit faite.

Pour revenir à votre position, je crois que si on ajoute des gens et qu'on surveille les activités que vous évoquez, nous devrons nous y faire, mais nous combattrons cette mesure jusqu'au dernier moment pour préserver l'intégrité du sport. On nous donnera peut-être plus d'information, mais ce n'est pas l'information que nous voulons examiner. Nous ne voulons pas qu'il soit permis de parier sur les épreuves sportives. Nous combattons cette idée partout, depuis 100 ans et nous continuerons à la combattre encore 100 ans, même si le projet de loi est adopté. Nous croyons que c'est mauvais pour le sport et nous ne voulons pas que nos joueurs soient devant un tel choix. Cela dit, nous nous servirons de vos renseignements.

Le sénateur Runciman : Je sais que certains pays permettent les paris sur une épreuve sportive et cela n'a pas, que je sache, entraîné tous les problèmes que vous craignez. Si vous avez des études à l'appui du point de vue que vous venez de nous présenter, il nous serait utile de les avoir.

M. Beeston : Volontiers. Je ne peux pas le faire parce que je ne suis pas technocrate, mais si vous demandez sur Google le nom des ligues de soccer en Italie, je crois qu'il y a eu des situations touchant le cricket récemment, ça vous donnera une idée de pays qui permettent les paris sportifs et des problèmes que cela a causés. Nous vous ferons parvenir ces renseignements.

[Français]

Le président suppléant : J'aimerais poser une question complémentaire. Si le Canada adoptait cette mesure, la situation serait suivie avec intérêt par le New Jersey. Je pense que le New Jersey est en processus d'appel, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Ostertag : En janvier dernier, le New Jersey a adopté une loi autorisant les paris sportifs malgré le fait qu'une loi fédérale l'interdit. Le New Jersey a commencé à faire le nécessaire pour mettre en œuvre cette nouvelle loi, mais elle ne sera en vigueur qu'en janvier au plus tôt. Les quatre sports professionnels — baseball, football, basketball et hockey — de même que la National Collegiate Athletic Association ont tous intenté des poursuites contre le New Jersey, lesquelles sont devant les tribunaux en ce moment. L'État a présenté une motion de rejet de cette poursuite et a présenté son mémoire. Les plaidoiries orales auront lieu en décembre. Voilà où on en est.

Le sénateur Runciman : Si le New Jersey a gain de cause dans cette affaire, que se passera-t-il à votre avis? Est-ce que beaucoup d'autres États feront de même?

M. Ostertag : Si le New Jersey réussit par un moyen quelconque à obtenir un jugement favorable et instaure les paris sportifs, on peut penser que les autres sports emboîteront le pas, ce que nous ne souhaitons absolument pas. Les quatre sports professionnels ainsi que la NCAA se sont adressés aux tribunaux. Nous nous opposons catégoriquement à ce que fait le New Jersey et nous irons jusqu'au bout. Nous croyons que nous aurons gain de cause.

[Français]

Le président suppléant : Si le New Jersey gagnait sa poursuite et si le Canada adoptait une telle loi, cela aurait-il pour effet d'entraîner d'autres États dans le même sens?

[Traduction]

M. Ostertag : Je crois que oui. Il est très facile de le prédire. Les États, particulièrement ceux qui sont adjacents, se livrent concurrence les uns les autres. On peut facilement penser que les autres États feront de même.

Le sénateur White : J'aurais une question au sujet de la compensation des Red Sox, monsieur Beeston, mais ce serait injuste de vous la poser. Je vais donc vous poser deux questions sans lien avec cela, mais reliées entre elles.

Vous avez parlé de la situation au Canada, mais parlons du seul État chez nos voisins du Sud qui autorise les paris sur une épreuve sportive. Monsieur Ostertag, croyez-vous que la Ligue majeure de baseball va former une équipe au Nevada?

M. Ostertag : Non, je ne crois pas. Évidemment, la décision appartient au commissaire et je ne veux pas parler en son nom.

Le sénateur White : Non bien sûr, mais ça va. Le Canada a eu une deuxième équipe, et nous avons été nombreux à être attristés par le départ de l'équipe de Montréal et nous espérons qu'une équipe reviendra. La décision est importante pour nous.

On dit que cela nous permettra de contrer les paris sportifs illégaux faits sur des sites Internet d'autres pays, mais il y a aussi d'autres solutions. La loi américaine, la Unlawful Internet Gambling Enforcement Act, n'est pas parfaite, pas plus que toute autre loi. Toutefois, un jour de juillet 2012, ils ont reçu plus de 735 millions de dollars en provenance de sites illégaux de paris, et en plus ils ont fait des saisies, comme une de 34 millions de dollars en 2009. Il y a d'autres options que de baisser les bras, et je crois, monsieur Ostertag, qu'on pourrait par exemple faire respecter la loi en poursuivant ces entreprises situées dans d'autres pays. Aux États-Unis, on l'a fait par l'entremise du secteur bancaire, qui en était très mécontent. Mais on peut quand même parler de réussite, n'est-ce pas?

M. Ostertag : Oui, en effet. Nous étions très heureux qu'on ait adopté cette loi.

Le sénateur White : Même qu'un de ces sites de paris à l'étranger a perdu 60 p. 100 de sa valeur du jour au lendemain après l'adoption de cette loi. Je crois que c'était à Antigua. Il y a d'autres solutions qu'on peut envisager, n'est-ce pas?

M. Ostertag : Oui. Des poursuites criminelles ont été intentées contre les propriétaires de ces sites à l'étranger lorsqu'ils sont allés aux États-Unis; ils ont été arrêtés dans des aéroports américains. Vous avez raison de dire qu'il y a d'autres moyens. Nous sommes entièrement d'accord avec toutes les mesures de répression contre les paris illégaux.

Le sénateur White : Je vous suis reconnaissant d'avoir trouvé le temps de venir ici aujourd'hui. Mais vous auriez pu nous faire parvenir vos billets et l'un de nous aurait pu se faire remplacer au comité pour aller voir une partie.

Le sénateur Joyal : Monsieur Beeston, j'écoutais ce que vient de dire M. Ostertag. La meilleure chose à faire — et je parle en mon nom personnel — serait peut-être de réserver notre position sur ce projet de loi jusqu'à ce que les tribunaux du New Jersey aient statué dans cette affaire. Comme le président l'a indiqué, s'ils ont gain de cause, beaucoup d'autres États des États-Unis seront sans aucun doute tentés d'emboîter le pas au New Jersey. Bien entendu, si cette loi du New Jersey est jugée inconstitutionnelle, il serait beaucoup plus probable que le Canada maintienne le statu quo. Croyez-vous que nous devrions mettre de côté l'étude de ce projet de loi en attendant l'issue de la poursuite au New Jersey?

M. Beeston : Je ne peux pas parler au nom du comité. Ce serait préférable par rapport à ce qui se passe en ce moment, mais cela ne changerait en rien notre position, ni celle de la Ligue majeure de baseball . Cela pourrait changer l'opinion des gens ici, du gouvernement et les mesures qu'il prendrait. Mais nous continuerions à croire que les paris sur une épreuve sportive comportent des dangers, et nous ferions encore valoir notre point de vue, si bien que nous reviendrons vous faire part de notre position. Toutefois, ce que vous dites est logique, surtout à la lumière de ce qu'a dit M. Ostertag au sujet des États contigus.

Si ce qu'on veut c'est d'attirer les gens du Michigan ou de l'État de New York à Niagara Falls ou Windsor, alors c'est une affaire économique. Le fait demeure que cela comporte trop de danger et nous continuerions à nous y opposer.

Le sénateur Joyal : Comme vous le savez, il s'agit d'un projet de loi d'initiative parlementaire émanant d'un député. J'ai été étonné, tout comme mes collègues ici présents, d'apprendre que vous n'êtes au courant de l'existence de ce projet de loi que depuis une dizaine de jours.

Pourriez-vous communiquer avec le parrain du projet de loi à l'autre endroit? Le projet de loi ne figurait pas apparemment dans le programme de son parti. C'est du moins ce qu'on nous a dit, mais je n'ai pas vérifié. Bien sûr, si cela figure dans le programme de son parti, ils n'ont peut-être pas consulté les organisations sportives comme la vôtre et d'autres. S'ils entendaient vos arguments, ils seraient peut-être plus à même de réfléchir posément au projet de loi et à ses conséquences, surtout à la lumière de ce qui se passe aux États-Unis. Cela permettrait de tenir compte de tous les aspects qu'il faut considérer avant de rejeter et de retarder un projet de loi adopté sans débat et à l'unanimité par les députés. Je ne veux pas dire qu'on a fait cela en catimini, mais cela arrive parfois à l'autre endroit qu'on procède ainsi. C'est arrivé la semaine dernière et nous étudions en ce moment de façon plus approfondie les répercussions d'un autre projet de loi, dans un autre comité sénatorial. Toutefois, vous nous aideriez en prenant l'initiative de communiquer avec le parrain de ce projet de loi pour lui expliquer le motif de votre opposition comme vous l'avez fait devant nous. Ça nous aiderait à faire le tour de cette question.

M. Beeston : Tant que le protocole est le bon et que je ne fais rien d'illégal, ce serait un honneur pour moi de le faire. Je suis prêt à les rencontrer ce soir, demain ou lorsque ça leur convient, mais je ne voudrais d'aucune façon compromettre notre position. Si vous me dites que je peux faire cet appel, il est certain que je le ferai demain matin.

Le sénateur Joyal : Je suis surpris que quelqu'un veuille légiférer dans ce domaine étant donné les effets et la forte conviction que vous semblez nous exprimer aujourd'hui, choses qui n'ont pas été prises en considération lorsqu'ils ont proposé une telle mesure.

M. Beeston : Je serai ravi d'exprimer ces considérations. Je m'assurerai de faire cet appel. Si je peux le faire, je crois savoir comment me procurer le numéro.

[Français]

Le président suppléant : J'ai une question à vous poser. Vous savez que, même si cette loi est adoptée au niveau fédéral, ce sont les provinces qui la mettront en œuvre. Si ce projet de loi est adopté par le Sénat, est-ce que vous comptez faire des interventions auprès de chacune des provinces pour qu'elles ne mettent pas en application ce type de pari?

[Traduction]

M. Beeston : Oui; immédiatement. Il faudrait que je consulte l'avocat des Blue Jays et celui de la Ligue majeure de baseball. L'objectif serait d'écrire une lettre à chacun des premiers ministres et des ministres des Finances des provinces pour dire : « Voici notre position, donc avant d'adopter cette loi, nous vous demandons respectueusement de... ». Je crois que les autres ligues feraient de même en même temps, que nous aurions une occasion de vous parler. Nous espérons ne pas nous rendre à ce stade-là et qu'ils n'ont pas en fait le droit de le faire.

[Français]

Le président suppléant : Une province comme Terre-Neuve pourrait mettre en place ce type de pari, mais l'effet est plus sévère si c'est l'Ontario qui le fait, par exemple, où le club professionnel réside, n'est-ce pas?

[Traduction]

M. Beeston : Je crois que ce serait sérieux partout. Je reviens sur ce que M. Ostertag disait à propos du New Jersey. Si ça commence à Terre-Neuve, ça risque de se propager à toutes les autres provinces. Il est clair que l'Ontario et la Colombie-Britannique seraient de la partie. Je crois que nous nous retrouverions dans une situation où nous essayerions de nous exprimer à plusieurs niveaux.

Je sais pertinemment que nous agirions rapidement si cette mesure était adoptée. Nous croyons fermement que si Terre-Neuve allait de l'avant, nous aimerions avoir l'occasion de nous exprimer pour dire pourquoi nous ne croyons pas que ce soit une bonne idée.

Le sénateur McIntyre : Messieurs, depuis que nous avons amorcé notre étude du projet de loi C-290, certains témoins nous ont dit que la prise de paris lors d'une manifestation sportive est une activité populaire et que de la légaliser ne ferait que faire remonter à la surface une activité clandestine. Cette mesure rendrait l'activité plus sûre pour les joueurs et les opérateurs et assurerait l'intégrité des épreuves sportives. Il est clair que vous n'êtes pas d'accord avec cela.

Monsieur Ostertag, si le projet de loi C-290 était adopté, croyez-vous qu'il serait plus facile pour un procureur de la Couronne et pour le procureur général de faire appliquer la loi concernant le jeu illégal?

M. Ostertag : Je ne suis pas sûr de pouvoir vous dire si je crois que cela rendrait les choses plus faciles ou non. Nous voulons le répéter, nous croyons que la légalisation de ces paris augmenterait le nombre de joueurs, de nouveaux joueurs, c'est-à-dire ceux qui n'ont peut-être pas commencé avec un preneur aux livres. Cependant, si c'est légal à quelques pas de chez eux, surtout pour les jeunes, ils risquent d'être tentés de commencer et ensuite d'aller plus loin, jouant lorsque les chances sont meilleures, leur crédit est meilleur et que peut-être ils ont la capacité de mieux dissimuler leurs gains auprès des autorités fiscales. Le résultat serait que l'on aurait davantage de joueurs qui commenceraient peut-être de façon légale et qui pourraient se retrouver à participer à des activités illégales par la suite.

J'ai mentionné un peu plus tôt notre service des enquêtes. Voilà l'opinion tranchée des gens qui y travaillent. C'est exactement la sorte de chose qu'ils font à longueur de journée, chaque jour. C'est sur cela qu'ils se concentrent, l'intégrité du jeu et toute une série d'autres problèmes qu'ils étudient. L'intégrité du jeu est l'enjeu central qu'ils ont toujours à l'esprit dans toutes leurs activités. Ils croient cela fermement, et moi aussi.

Par rapport à l'application de la loi, je ne suis pas sûr si ça rendrait les choses plus faciles ou difficiles. Je crois tout simplement que ça augmenterait le nombre de joueurs et donc que ça risque de compliquer les choses.

Le sénateur McIntyre : La semaine passée, nous avons accueilli trois représentants de la police provinciale de l'Ontario qui semblaient dire qu'étant donné que cette activité est illégale, il est très difficile pour eux d'appliquer la loi quand il s'agit de jeu illégal. Par contre, si c'était légal, ils pourraient mieux gérer la situation.

M. Ostertag : Je dirais la même chose. Je crois cependant que ça augmenterait le nombre de joueurs.

Une chose que je n'ai pas mentionnée dans ma dernière réponse, c'est que le gouvernement ferait probablement de la publicité sur les paris légaux sur les épreuves sportives et essaierait de faire en sorte que les gens sachent qu'il existe maintenant des activités de pari légales, comment parier sur des épreuves sportives, où le faire, et peut-être d'autres aspects qui risquent d'être attrayants à des joueurs potentiels, surtout de jeunes joueurs.

Du point de vue de l'application de la loi ou de tout autre point de vue, nous ne croyons pas qu'il y ait quelque avantage que ce soit à la légalisation des paris sportifs. Lorsque le gouvernement autorise, lorsque le gouvernement donne officiellement le feu vert à quelque chose du genre, il est difficile d'imaginer quelque avantage que ce soit. Par contre, nous pouvons penser à beaucoup, beaucoup de désavantages.

Le président suppléant : Monsieur Beeston, monsieur Ostertag et monsieur Shuber, nous vous remercions de votre comparution devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Cela a été un privilège de vous accueillir. Nous vous souhaitons une très bonne fin de saison. Je sais que votre temps est très précieux à ce moment-ci de l'année, et je vous remercie beaucoup.

M. Beeston : En mon nom et au nom de mes collègues, je vous remercie de nous avoir accueillis ici aujourd'hui. Nous serons heureux de répondre à toute autre question au besoin. Nous ferons suivre au sénateur Runciman les réponses à ses questions. Je ne sais pas comment vous faites la distribution, mais nous vous reviendrons là-dessus pour que tout le monde ait l'information.

Je vais certainement faire cet appel demain et contacter l'honorable député de Windsor pour lui exprimer notre point de vue. Tout ce que je peux vous dire c'est que tout cela s'est fait très rapidement, et que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir été entendus ici aujourd'hui.

Le président suppléant : Bien entendu, si de votre côté, vous avez davantage de renseignements à faire parvenir au comité, nous en serons heureux.

M. Beeston : Merci.

[Français]

Mesdames et messieurs les sénateurs et sénatrices, cette séance d'étude du comité se termine. Je remercie encore nos témoins. La prochaine séance est prévue pour le 31 octobre prochain.

(La séance est levée.)


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