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NFFN - Comité permanent

Finances nationales

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Finances nationales

Fascicule 22 - Témoignages du 12 juin 2012 (séance du matin)


OTTAWA, le mardi 12 juin 2012

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, pour étudier la teneur complète du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures, présenté à la Chambre des communes le 26 avril 2012.

Le sénateur Joseph A. Day (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président : Honorables sénateurs, ce matin, nous continuons notre étude de la teneur du projet de loi C-38, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 29 mars 2012 et mettant en œuvre d'autres mesures.

[Traduction]

Honorables sénateurs, nous entamons la 14e séance qui porte sur le projet de loi C-38. Ce matin, nous allons examiner la section 23 de la partie 4, à la page 305. Cet article peut passer inaperçu si on lit les 425 pages du projet de loi, parce qu'il ne fait qu'une ligne. Mais comme c'est le genre d'article qui peut présenter des problèmes, nous pensons qu'il vaut mieux savoir de quoi il en retourne.

Voici l'article 441 de la section 23 :

La Loi sur les justes salaires et les heures de travail est abrogée.

C'est tout.

Nous sommes heureux d'accueillir ce matin M. Erin Weir, économiste, USW — Métallos.

Monsieur Weir, je pense que vous allez présenter un court exposé. Vous pourrez peut-être nous dire ce que signifie cet article, puis nous vous poserons des questions.

Erin Weir, économiste, USW — Métallos : Merci de me recevoir. Avant de passer à l'essentiel de mon exposé, je tiens à vous montrer ma carte de membre du Nouveau Parti démocratique. Étant donné que les conservateurs au Comité des finances de la Chambre des communes ont laissé entendre que je n'étais pas assez transparent quant à mon affiliation politique, je veux être clair à ce sujet.

Le président : C'est un de nos grands regrets de ne pas avoir de représentant du NPD au Sénat. Vous avez donc une belle occasion qui se présente ici.

M. Weir : Nous allons essayer de corriger cette lacune sous peu.

On m'a demandé de parler de l'abrogation de la Loi sur les justes salaires et les heures de travail proposée dans le projet de loi omnibus sur le budget. Je pense qu'il est sensé de commencer par expliquer un peu en quoi consiste la Loi sur les salaires justes. C'est une loi qui exige des entrepreneurs qui participent aux projets de construction fédéraux de verser au moins les salaires courants et de payer des heures supplémentaires à ceux qui travaillent plus de 48 heures par semaine.

Je crois que c'est une loi importante, parce qu'elle permet aux entrepreneurs de se concurrencer pour les projets fédéraux en fonction des compétences, de l'expérience, de l'innovation et d'autres facteurs pertinents. Toutefois, la loi évite que les entrepreneurs nivellent par le bas et offrent moins que les salaires courants pour remporter les contrats.

Je dirais que la Loi sur les justes salaires est bonne, parce qu'elle favorise la concurrence pour les projets de construction fédéraux sans faire baisser les salaires sous un certain seuil.

Il convient d'ajouter que, si les dispositions sur les heures supplémentaires étaient inappropriées, la Loi sur les justes salaires permet déjà au ministre du Travail de prévoir des exceptions.

Le récent budget fédéral ne contient aucune mention de la Loi sur les justes salaires. Comme vous l'avez laissé entendre, monsieur le président, le projet de loi sur la mise en œuvre du budget abroge la loi en une dizaine de mots, sans donner de raison. Puisque le gouvernement n'explique pas pourquoi il abroge la Loi sur les justes salaires et les heures de travail, je dois spéculer sur le bien-fondé.

Je vois un lien entre l'abrogation de la Loi sur les justes salaires et d'autres éléments du projet de loi omnibus sur le budget afin de diminuer les salaires. Le projet de loi omnibus apporte aussi des changements à l'assurance-emploi pour forcer les chômeurs à accepter le premier emploi disponible, même si le salaire est bien inférieur au précédent. L'admissibilité repoussée à la Sécurité de la vieillesse va obliger bien des aînés à continuer de travailler deux ans de plus. Le gouvernement a aussi assoupli le Programme des travailleurs étrangers temporaires, que les employeurs pourront faire venir plus facilement en offrant des salaires moindres. L'an dernier, le gouvernement a retiré le droit de grève à six grands groupes de travailleurs régis par le fédéral.

Si on examine tous ces éléments du projet de loi, il me semble que le fil conducteur, c'est des efforts en vue de baisser les salaires.

L'abrogation de la loi s'inscrit dans cette stratégie, qui avantage selon moi l'entreprise au détriment des travailleurs canadiens. Je crains que cette stratégie ne soit pas profitable, parce qu'en fin de compte, la suppression des justes salaires va empêcher les consommateurs de dépenser. C'est dommageable pour le milieu des affaires et l'économie canadienne en général.

Mon exposé est maintenant terminé, et je serai heureux de répondre à vos questions.

Le président : Merci beaucoup de votre analyse.

Le sénateur Eaton : Monsieur Weir, la Loi sur les justes salaires n'ajoute-t-elle pas simplement un autre palier administratif à ceux des provinces et des territoires concernant les salaires des travailleurs, les heures de travail et les avantages? Ne s'agit-il pas simplement d'un fardeau supplémentaire?

M. Weir : Je pense que non. Peu de provinces établissent les salaires qu'il faut verser aux travailleurs de la construction. D'ailleurs, les gouvernements provinciaux ne vont pas imposer des salaires pour les projets de construction fédéraux.

Le sénateur Eaton : Compte tenu de la pénurie de compétences actuelle dont on nous a parlé, n'y a-t-il pas assez de concurrence pour que les employeurs versent aux excellents travailleurs qualifiés des salaires qui correspondent à la demande sur le marché, afin de conserver leurs services?

M. Weir : C'est sans doute vrai présentement, parce que le marché de l'habitation au Canada est très robuste et qu'il y a un boom de la construction lié aux sables bitumineux. Honnêtement, ces facteurs font augmenter les salaires au-dessus des niveaux exigés par la Loi sur les justes salaires. Mais je pense que nous devons également voir à plus long terme. Ce genre de loi est en place depuis des dizaines d'années. Elle peut être très importante durant le cycle économique, surtout s'il y a une baisse d'activité dans la construction et que la demande de travailleurs n'est pas aussi forte que ce que vous décrivez.

Le sénateur Eaton : Tellement de provinces ont été dirigées par des gouvernements du NPD, comme l'Ontario, le Québec, le Manitoba, la Saskatchewan, la Colombie-Britannique, et cetera. J'imagine que l'Alberta est la seule qui n'a pas eu de gouvernement du NPD depuis un certain temps. Ces provinces n'ont-elles pas imposé des conditions qui favorisent les travailleurs compétents ou les travailleurs? Ont-elles éliminé les mesures mises en œuvre par les anciens gouvernements du NPD?

M. Weir : Bien des provinces ont éliminé ces conditions. En Saskatchewan, le gouvernement réduit les mesures législatives qui aident la main-d'œuvre. En Ontario, le gouvernement Harris a supprimé bon nombre de normes du travail. Pour répondre à votre question, je pense que oui.

Le sénateur Buth : C'est clair que nos idéologies sont différentes, et ça va sans doute paraître dans notre discussion. Pourquoi pensez-vous qu'il faut contrôler les salaires dans un petit secteur de l'industrie?

M. Weir : Au fond, cette loi existe parce que le gouvernement fédéral a beaucoup de latitude pour établir des normes. Elle s'applique seulement aux projets de construction fédéraux, ce sur quoi le fédéral a le contrôle le plus direct. Je pense qu'il est sensé pour le gouvernement fédéral de garantir des salaires courants et le paiement des heures supplémentaires appropriées pour ses projets.

Le sénateur Buth : Je trouve simplement étrange que la loi concerne un petit secteur de l'industrie. Le fédéral dépense beaucoup pour les services et l'approvisionnement. En gros, les exigences salariales seraient maintenues dans un petit secteur.

M. Weir : Si vous sous-entendez que la Loi sur les justes salaires doit couvrir tout le secteur de la construction, je suis sans doute d'accord.

Le sénateur Buth : J'en suis sûre, mais ce n'est pas ce à quoi je veux en venir.

Que pensez-vous de la concurrence dans l'industrie?

M. Weir : L'objectif, c'est que la concurrence se fonde sur les secteurs de compétences et la productivité, plutôt que sur la simple baisse des salaires. Comme la loi s'applique équitablement partout au pays, aucune entreprise n'est désavantagée par rapport aux autres. Puisque c'est impossible d'importer des bâtiments déjà construits, il n'y a pas de menace réelle de concurrence internationale.

Le sénateur Buth : Néanmoins, il semble que de grands projets de construction se réalisent partout au pays sans qu'il y ait d'exigences salariales. On dirait que la concurrence permet de régir l'industrie. Tout le monde semble y trouver son compte.

M. Weir : C'est peut-être vrai compte tenu du boom actuel dans la construction, mais je répète que la loi existe depuis plusieurs dizaines d'années. J'espère qu'elle restera en vigueur encore plus longtemps. Si le marché de l'habitation s'affaiblit un peu, que le secteur des ressources naturelles connaît un ralentissement ou que les grands projets sont terminés, la loi pourrait devenir très importante pour maintenir un certain plancher dans la construction.

Le sénateur Buth : Connaissez-vous la taille du programme de contrats fédéraux pour toute l'industrie?

M. Weir : Je ne suis pas sûr, mais mes collègues des syndicats de métiers de la construction m'ont laissé entendre que ce programme représentait sans doute moins d'un pour cent du travail de leurs membres. Mais je précise qu'il y a un boom de la construction dans le secteur privé à l'heure actuelle.

Le sénateur Buth : C'est même sans doute moins que cela?

M. Weir : J'ai dit que c'était moins de 1 p. 100, en effet.

Le sénateur Buth : D'accord. Merci beaucoup.

Le président : Monsieur Weir, pouvez-vous nous aider à comprendre la relation entre les gouvernements fédéral et provinciaux en ce qui a trait aux contrats de construction? On dirait que certaines de vos réponses éludaient la question. Les contrats fédéraux prévoient-ils un salaire minimum? Nous connaissons très bien les salaires minimums dans les provinces.

M. Weir : Je suppose que, dans un sens, la loi s'en remet aux provinces, car le fédéral doit payer les salaires courants dans la région concernée. Je ne pense pas que la loi empiète sur les compétences provinciales d'une manière ou d'une autre. Le gouvernement fédéral doit satisfaire aux normes provinciales dans ses projets.

La loi fait bel et bien référence au salaire minimum, mais au fond, le salaire minimum dans les projets fédéraux égale celui imposé par la province en question. Ça va dans le même sens que la première partie de ma réponse.

Le président : La disposition élimine tout simplement la loi et ne prévoit pas de transition et d'adaptation. Qu'en est-il des contrats en vigueur? Quelle est la protection offerte aux entrepreneurs qui ont déjà signé des contrats et aux travailleurs qui participent aux projets comme ceux réalisés dans les environs? La réfection des divers bâtiments fédéraux va se poursuivre durant les 20 prochaines années.

M. Weir : Je présume que votre hypothèse est aussi bonne que la mienne. Au fond, nous devons interpréter la dizaine de mots que le projet de loi contient à ce sujet. Je ne sais pas quel effet la mesure aura dans la pratique.

Le sénateur Peterson : Monsieur Weir, vous avez dit qu'avant tout, les travailleurs étrangers faisaient baisser les salaires. Compte tenu de la grande pénurie de main-d'œuvre, il me semble que les travailleurs étrangers ne sont pas un facteur, surtout dans ma région. Les employeurs ont besoin de travailleurs et n'ont pas le gros bout du bâton. Qu'est-ce qui vous fait penser que les salaires vont baisser? Pourquoi faites-vous une telle affirmation?

M. Weir : Je signale que, même en Saskatchewan et en Alberta où il y aurait des pénuries de main-d'œuvre, il y a bien plus de travailleurs sans emploi que de postes vacants selon Statistique Canada. Je ne dirais pas forcément que le marché du travail est si restreint.

Les employeurs emploient des travailleurs étrangers temporaires pour maintenir des salaires bas. Le Programme des travailleurs étrangers temporaires a été modifié récemment pour permettre aux employeurs de verser 15 p. 100 de moins que les salaires courants. Pourquoi le gouvernement a-t-il apporté ce changement si les employeurs n'ont pas l'intention de payer moins?

Le sénateur Peterson : Je vous garantis que, peu importe ce que dit Statistique Canada, la Saskatchewan connaît une grave pénurie de main-d'œuvre. Il faut prendre des mesures, si les travailleurs n'acceptent pas les emplois pour une raison ou une autre. Je pense que la pénurie de main-d'œuvre dans ma région va se poursuivre dans un avenir prévisible. Cet article tente de régler la question.

M. Weir : En général, les hausses de prix éliminent les pénuries dans une économie de marché. Une façon de mettre fin à la pénurie de main-d'œuvre, c'est d'augmenter les salaires pour attirer davantage de travailleurs.

Je comprends pourquoi les employeurs ne veulent pas d'une telle solution. On dirait donc que les employeurs demandent au gouvernement d'apporter tous ces changements pour qu'il soit plus facile de faire travailler les aînés plus longtemps, pour faire venir des travailleurs étrangers temporaires et miner la Loi sur les justes salaires. Il me semble que c'est la stratégie mise à profit dans le projet de loi omnibus sur le budget.

Le sénateur Callbeck : Monsieur Weir, je crois que vous représentez le syndicat le plus divers au Canada. Dans quels grands secteurs travaillez-vous?

M. Weir : Nous représentons les travailleurs de presque toutes les industries, dont bon nombre sont dans les pièces automobiles, mais pas le montage des voitures. Environ 55 p. 100 de nos membres travaillent dans la fabrication, environ 15 p. 100 dans l'industrie minière et le reste dans le secteur des services. Notre principal syndicat local au Canada, c'est le personnel de soutien de l'Université de Toronto.

Le sénateur Callbeck : Vous ne représentez pas des travailleurs de la construction?

M. Weir : Non, très peu. Il importe de distinguer l'USW, un syndicat industriel qui a commencé par représenter les métallurgistes, du syndicat des ferronniers qui travaillent dans la construction.

Le sénateur Callbeck : La Loi sur les justes salaires et les heures de travail qui sera abrogée fait état des justes salaires définis par la loi. Par ailleurs, j'ai lu que les justes salaires se situaient souvent en deçà des salaires offerts sur le marché. Qui établit les justes salaires?

M. Weir : Je crois qu'ils sont établis par la réglementation. Vous avez raison de dire que les justes salaires tendent souvent à se situer sous les salaires offerts sur le marché. Par les temps qui courent, le secteur de la construction est robuste. Je ne pense pas que c'est un fardeau très lourd pour les employeurs. Grosso modo, la loi établit un seuil minimum qu'ils ne peuvent pas franchir.

Le sénateur Callbeck : En général, y a-t-il une grosse différence entre les justes salaires et ceux du marché, ou sont-ils à peu près les mêmes?

M. Weir : Selon les renseignements que j'ai obtenus auprès de collègues qui font partie des syndicats des métiers de la construction, j'ai l'impression qu'en ce moment, les salaires qu'ils sont en mesure de négocier sont peut-être environ 20 p. 100 plus élevés que les salaires minimums exigés par la loi sur les justes salaires. Encore une fois, ce sont des travailleurs de la construction syndiqués; ils sont donc mieux payés que la moyenne.

Le président : J'examine la définition de « justes salaires » dans la loi qui est sur le point d'être abrogée, et on fait référence à la partie III du Code canadien du travail, et on ajoute que « ces salaires ‰...Š ne peuvent en aucune circonstance être inférieurs au... ». En fait, on parle du salaire minimum de la province.

M. Weir : C'est exact.

Le sénateur Runciman : Monsieur Weir, j'aimerais avoir votre avis. Lorsque la Commission sur la réduction de la paperasse a mené son étude, quelques petites entreprises de construction non syndiquées ont comparu devant elle et ont indiqué que cette loi était injustifiée et qu'elle pénalisait les petites entreprises non syndiquées. Qu'en pensez-vous?

M. Weir : Je ne pense pas que la loi pénalise les entreprises non syndiquées. Tout ce qu'elle dit, c'est que les entreprises non syndiquées doivent offrir le salaire minimum. Elle ne dit pas que tout le monde doit être syndiqué.

Le sénateur Runciman : Selon ces entreprises, l'accès aux appels d'offres est donc limité à un plus petit groupe d'entreprises, c'est-à-dire celles dont les employés ont plus d'expérience. Elles jugent aussi que ces règlements, qui à leur avis sont très restrictifs, les empêchent de livrer concurrence pour obtenir des contrats et que les règles du jeu ne sont pas équitables. Plus tôt, vous avez parlé de faire pencher la balance, et elles disent que cette loi fait pencher la balance du côté des plus grandes entreprises, dont les employés sont syndiqués.

M. Weir : À mon avis, cela pourrait se produire seulement si les plus grandes entreprises syndiquées avaient plus d'employés compétents ou si ces derniers avaient plus d'expérience ou qu'ils étaient plus qualifiés.

Le sénateur Runciman : Il s'agit de donner aux gens — et surtout aux jeunes — la chance de travailler et cela restreint ces occasions aussi pour les plus petites entreprises et les occasions pour les jeunes.

Vous avez parlé de vos préoccupations au sujet du chômage chez les jeunes. Que pense votre organisme du ratio une personne de métier pour un apprenti qui est en vigueur en Ontario en ce moment, et qui est le plus restrictif au pays pour ce qui est de fournir des occasions d'emploi aux jeunes?

M. Weir : J'aimerais qu'on investisse beaucoup plus dans le système d'apprenti, mais il est important que les jeunes qui choisissent les métiers de la construction aient l'occasion de travailler avec des compagnons d'apprentissage qualifiés, afin de pouvoir apprendre leur métier. Je ne pense pas qu'il soit logique d'imposer un ratio. Je ne vais pas passer en revue tous les métiers de l'Ontario, car ce serait gaspiller le temps du comité. Toutefois, je pense que le système d'apprenti est, en quelque sorte, bâti sur l'idée que vous n'avez pas seulement un groupe de jeunes travailleurs inexpérimentés, mais une combinaison de jeunes employés et de compagnons d'apprentissage qualifiés.

Le sénateur Runciman : Vous avez aussi dit qu'à votre avis, la vraie raison pour laquelle l'Ontario a établi ce ratio est pour remédier à la pénurie de main-d'œuvre et payer des salaires plus élevés. Nous sommes évidemment en désaccord avec vous. Je suis sûr que vous conviendrez que sur les chantiers de construction du gouvernement fédéral, on veut bâtir les meilleurs édifices au moindre coût pour les contribuables canadiens. Je pense que vous voyez essentiellement les contrats assujettis à ces règlements comme étant une sorte de programme social.

M. Weir : Non, ce n'est pas le cas, mais je pense que c'est un équilibre approprié. À mon avis, il est souhaitable que les appels d'offres concernant les contrats de construction du gouvernement fédéral soient mis en concurrence, et la Loi sur les justes salaires le permet certainement. Elle permet à différents entrepreneurs d'innover et d'avoir recours aux meilleures compétences disponibles pour accomplir un travail de qualité le plus rapidement possible. Elle veille seulement à imposer un salaire minimum, afin que la concurrence n'entraîne pas une sorte d'effet destructeur qui diminuerait les salaires des travailleurs canadiens; c'est aussi un objectif important.

Le sénateur Runciman : Comme je l'ai dit, les entreprises plus petites considèrent que cette loi est un obstacle à la concurrence. Ce sont souvent les mêmes entreprises qui obtiennent systématiquement ces contrats depuis des décennies. Les petites entreprises n'ont tout simplement pas été en mesure de profiter de conditions équitables pour faire face à la concurrence, comme vous le voudriez, apparemment, de votre point de vue. À part les travailleurs syndiqués qui veulent peut-être protéger leur acquis, les gens qui sont sur le marché du travail considèrent aussi que cela nuit à la concurrence et aux intérêts des contribuables canadiens.

M. Weir : Je répéterai seulement que les petites entreprises peuvent entrer en concurrence selon les mêmes conditions que les autres. Elles doivent payer le salaire minimum exigé par la Loi sur les justes salaires qui, dans un grand nombre de cas, est moins élevé que les salaires négociés au sein des entreprises syndiquées.

Le sénateur Runciman : Il faudra convenir que nous ne sommes pas d'accord sur cette question.

M. Weir : D'accord.

Le président : Je ne comprends toujours pas comment cela fonctionnerait. Les justes salaires, s'ils sont considérés comme étant un salaire minimum, ne seraient pas moins élevés que ce dernier. Comment peuvent-ils être plus élevés? On se réfère à « juste salaire » conformément à sa définition, c'est-à-dire un salaire généralement réputé courant par les ouvriers qualifiés.

Quelqu'un détermine-t-il le salaire chaque mois? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Weir : Je ne suis pas sûr qu'on le fait chaque mois, mais cela se fait conformément aux règlements, en examinant le marché du travail et en examinant les salaires en vigueur. Cette exigence est en quelque sorte distincte de l'exigence de la loi que vous avez aussi soulignée, c'est-à-dire que les entrepreneurs doivent payer au moins le salaire minimum provincial.

Le président : Je comprends cela. Il s'agit d'une norme objective. Comment obtenez-vous un salaire plus élevé, qui ferait en sorte que le petit employeur dont a parlé le sénateur Runciman, comment savez-vous quel est le salaire? Ce ne sont que des mots. On ne dit rien d'objectif.

M. Weir : C'est quelque chose qui, au bout du compte, est mis en œuvre par un règlement. Il faut examiner combien gagnent les travailleurs de la construction dans une région et examiner les divers contrats de construction qui sont attribués pour réussir à établir une norme.

Le président : Vous seriez en mesure d'avoir accès à ces renseignements n'importe quand, et tous les entrepreneurs aussi?

M. Weir : Je crois que la loi oblige le gouvernement à afficher les salaires, alors ils sont très accessibles et transparents.

Le président : Il serait intéressant de savoir combien de personnes étaient nécessaires pour déterminer le salaire équitable sur une base régulière.

M. Weir : En ce moment, je ne le sais pas.

Le sénateur Ringuette : La moyenne des salaires de n'importe quel type de travail au Canada est établie par des renseignements recueillis par Statistique Canada, le secteur de l'industrie et RHDCC. Ils utilisent le même type de stratégie pour établir pour quels types d'emplois il y aura pénurie au Canada au cours des cinq à 10 prochaines années en ce qui concerne une planification différente.

Monsieur Weir, la Loi sur les justes salaires et les heures de travail en vigueur ne s'applique pas seulement aux rénovations effectuées sur la Colline du Parlement. Si j'ai bien compris la loi, elle vise également tous les travaux qui pourraient être effectués sur le pont Champlain. Elle pourrait aussi viser le travail effectué sur un oléoduc interprovincial. Tous les impôts fédéraux sont visés par la Loi sur les justes salaires et les heures de travail, même s'il s'agit de la rénovation d'un laboratoire de campus qui a seulement reçu 2 $ du fédéral. En effet, si le projet bénéficie d'argent provenant de l'impôt fédéral, il est visé par la loi.

J'examine cela. J'examine aussi les changements au processus concernant les visas des travailleurs étrangers, car un employeur peut maintenant afficher une offre d'emploi pendant 10 jours seulement, au lieu de 12 semaines. Par exemple, l'employeur qui a obtenu un contrat pour un projet dans lequel on a investi 1 ou 2 $ de l'impôt fédéral peut offrir un poste de soudeur à 9 $ l'heure et afficher cet emploi pendant 10 jours. Aucun Canadien ne va vouloir travailler comme soudeur sur le pont Champlain à 10 $ l'heure, ce qui occasionnera l'arrivée de travailleurs étrangers après 10 jours.

J'entends le sénateur Runciman dire que c'est ce qui profitera le plus aux contribuables canadiens. Je ne suis pas d'accord. Ces travailleurs étrangers envoient leur salaire dans leur pays, ce qui fait en sorte que cet argent n'est pas dépensé au Canada. Comment cela aide-t-il l'économie canadienne et les contribuables canadiens, à l'exception de la communauté des affaires, qui semble avoir une capacité démesurée d'exercer des pressions sur le gouvernement actuel?

Nous parlons de salaires et d'heures justes. Vous avez ajouté à cela la question de l'équité et de l'emploi, alors vous enlevez la possibilité à nos collectivités autochtones, ainsi qu'à n'importe quelle communauté minoritaire du Canada, de travailler dans ces chantiers. De mon point de vue, il s'agit seulement d'un aspect, mais cela fait partie de tout ce qui est visé par le projet de loi C-38.

Monsieur Weir, vous avez indiqué cela, mais j'aimerais que vous le confirmiez — sénateur Runciman, avez-vous quelque chose à dire?

Le président : Il se demandait quelle était votre question. Nous l'avons presque entendue.

Le sénateur Ringuette : L'une des questions concerne certainement le fait qu'il ne s'agit pas d'un programme social; c'est plutôt une porte ouverte payée par les contribuables canadiens pour laisser entrer au Canada des travailleurs étrangers qui dépenseront leur salaire dans leur propre pays, et non au Canada. C'est la fin de la classe ouvrière.

Monsieur Weir, que peut faire le comité pour éliminer ce projet de loi qui est, à mon avis, destructeur?

M. Weir : Vous connaissez sûrement mieux que moi les pouvoirs et les prérogatives du Sénat, mais je présume que tout ce que votre comité et cet organisme peuvent faire pour ralentir ou pour arrêter le projet de loi omnibus sur le budget serait dans l'intérêt des travailleurs canadiens.

Vous avez soulevé un point important, c'est-à-dire que les justes salaires garantis par la loi représentent des dollars qui sont réinjectés dans l'économie canadienne, qui sont payés en taxes, qui sont dépensés dans les entreprises locales et qui sont, au bout du compte, une bonne chose pour les employeurs aussi. Il est important d'apporter une perspective macroéconomique élargie à ce débat. Je crains que cette série de mesures conçues pour diminuer les salaires se retourne contre nous, car elle aura des effets négatifs sur le pouvoir de dépenser des consommateurs et sur l'économie en général.

Vous avez aussi raison de faire le lien entre la Loi sur les justes salaires et les heures de travail, qui représente peut-être seulement une petite pièce du casse-tête, et d'autres mesures, par exemple, l'assouplissement des règles du Programme des travailleurs étrangers temporaires, les compressions dans l'assurance-emploi et le fait de reporter la Sécurité de la vieillesse, qui obligent toutes un nombre croissant de Canadiens et de travailleurs étrangers à accepter des salaires moins élevés.

Le sénateur Ringuette : Monsieur le président, je suis tout à fait d'accord avec notre témoin. Vous serez heureux d'apprendre que je n'ai pas d'autres questions.

Le président : Je dois dire que vous avez soulevé un bon point. Dans les articles 4 et 5, toutes les subventions, contributions ou sommes prêtées venant du gouvernement fédéral et utilisées par n'importe qui sont visées par cette loi. Ainsi, toutes les réparations payées par un prêt, c'est-à-dire n'importe lequel d'entre nous qui a profité d'un prêt du gouvernement fédéral pour réparer sa maison, seraient visées par cette loi, dans sa forme actuelle, avant qu'elle soit abrogée. Ce n'est pas une chose à laquelle nous avons pensé lorsque vous avez parlé du 1 p. 100 des contrats partout au Canada.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette : Qui sont les bénéficiaires de cette mesure? Qui, en fin de compte, aurait intérêt à abroger cette loi?

Dans une autre section, on nous dit que la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante a été consultée. Elle représente à peu près 100 000 entreprises sur plusieurs millions d'entreprises.

J'ai de la difficulté à réconcilier que, dans ce cas-ci, on puisse aller jusqu'à 20 p. 100 de moins du salaire minimum provincial. Est-ce que lorsqu'on parle de cette loi, automatiquement on a plus ou moins 20 p. 100 de moins de salaire horaire? Ils pourront payer huit dollars de l'heure en vertu de cette loi alors que le salaire minimum d'une province est à 10 $?

M. Weir : Premièrement, je dois vous dire que les bénéficiaires de la loi existante sont les travailleurs du secteur de la construction, mais les bénéficiaires du changement sont clairement les employeurs.

En ce qui a trait au 20 p. 100 dont j'ai parlé, il s'agit de la différence entre les salaires syndiqués dans la construction à l'heure actuelle et le salaire minimum prévu par la loi. Ce n'est pas 20 p. 100 de moins que le salaire minimum.

Le sénateur Hervieux-Payette : Ça va. Évidemment, celui qui va bénéficier le plus de cette mesure sera le gouvernement. C'est lui qui est le « donneur d'ouvrage ». Si les entrepreneurs et les petites entreprises qui embauchent ces employés ne sont pas visés par la mesure, le grand gagnant sera quand même le gouvernement fédéral puisqu'il en coûtera moins pour faire les travaux.

M. Weir : Le gouvernement fédéral va gagner d'un côté, mais de l'autre côté, il récoltera moins d'impôts des travailleurs du secteur de la construction. Si les salaires sont plus bas, les impôts seront aussi plus bas.

Le sénateur Hervieux-Payette : Comment réconcilie-t-on la question de la qualification professionnelle des travailleurs de la construction? À ma connaissance, seuls les journaliers n'ont pas d'exigences au point de vue compétences.

Tout à l'heure vous avez mentionné les soudeurs : les soudeurs doivent passer des examens et il y a plusieurs catégories de soudeurs. Qui va déterminer la qualité de la qualification? Est-ce que les travailleurs visés par cette mesure aujourd'hui n'ont aucune exigence sur les qualifications professionnelles? Habituellement, dépendamment des provinces, elles sont octroyées soit par les quarts de métier, soit par le gouvernement provincial?

M. Weir : Les qualifications sont décidées par les gouvernements provinciaux. La plupart des provinces font partie du programme de certification de qualification interprovinciale Sceau rouge. Il y a des qualifications communes entre les provinces. Au Québec il y a une exception, mais je crois que les qualifications sont assez élevées également.

Le sénateur Hervieux-Payette : À ce compte, une fois qu'on abolit la Loi sur les justes salaires, le juste salaire est toujours relié à l'emploi. C'est-à-dire que si la personne est un soudeur ou un travailleur qualifié, on suppose que ces personnes ont des salaires intéressants.

J'aimerais savoir ce qui va se passer lorsqu'il s'agira de faire venir de la main-d'œuvre étrangère. Si un entrepreneur décide qu'il n'est plus couvert, qu'il peut faire une soumission à moindre prix, comment va-t-on réconcilier, en termes de qualifications professionnelles, les travailleurs? En particulier, dans l'Ouest, je sais que plusieurs travailleurs viennent de la Chine.

M. Weir : C'est une bonne question. Il s'agit d'un vrai problème si l'employeur dit qu'il a un emploi, mais que le salaire est très bas. Les Canadiens ne seront pas intéressés et l'employeur peut dire qu'il n'y a pas de travailleurs canadiens et il peut chercher un travailleur à l'étranger. Quelquefois les travailleurs étrangers n'ont pas suffisamment de qualifications. Il s'agit d'un vrai risque et ce n'est pas bon pour les Canadiens qui doivent utiliser l'infrastructure issue de ce processus.

Le sénateur Hervieux-Payette : Demain matin, il y a un vide juridique. Que fait-on lorsqu'il n'y a plus de Loi sur les justes salaires? Je veux voir la perspective. Cela veut dire que c'est le chaos. Si on décide que c'est quatre dollars l'heure plutôt que 15 dollars l'heure, il n'y aura pas de limite aux salaires qui devront être payés dans le cas des travailleurs agricoles pour lequel on ne trouve personne au Canada qui veut travailler ni à ce salaire, ni au nombre d'heures alors que les travailleurs étrangers sont prêts à travailler 12 heures par jour.

Il faut savoir que les lois qui parlent de salaire généralement parlent aussi des heures de travail. Ici on en parle. Est-ce qu'on va pouvoir avoir des journées de 12 heures, de 14 heures comme dans certains pays et les salaires n'auront aucune importance si on trouve des travailleurs n'importe où sur la planète qui sont prêts à faire le travail pour la moitié du prix? Pourra-t-on le faire parce qu'on aura fait une soumission, parce qu'on aura déjà les travailleurs et qu'aucun Canadien ne voudra occuper ces emplois et il sera devenu légitime de faire appel à des travailleurs étrangers?

M. Weir : J'espère qu'on va continuer à respecter les salaires minimum. Alors, cela ne sera pas quatre dollars l'heure. C'est certain que ça peut diminuer. Je crois que vous avez raison. Le plus grand problème c'est qu'il est possible qu'on ait des travailleurs qui vont travailler plus de huit heures par jour et qui ne seront pas proprement payés pour cela. Je crois que c'est un vrai risque aussi.

[Traduction]

Le président : Il y a trois sénateurs qui désirent participer à la deuxième série de questions, pendant laquelle les questions seront plus brèves et rapides.

M. Weir : Je pense qu'il reste un participant à la première série de questions.

Le sénateur Gerstein : Vous avez raison; c'est moi.

Monsieur Weir, d'après ce que je comprends, vous êtes économiste et vous travaillez pour les Métallos. En tant qu'économiste, êtes-vous d'accord avec plusieurs de vos éminents collègues internationaux et les agences de notation qui soutiennent que le Canada s'en est tiré à meilleur compte que les autres pays du G8?

M. Weir : Oui, je pense que c'est vrai.

Le sénateur Gerstein : Reconnaissez-vous que le taux d'emploi est plus élevé aujourd'hui qu'il l'était au début du ralentissement économique mondial?

M. Weir : Je pense qu'il s'agit d'un fait empirique, oui.

Le sénateur Gerstein : Reconnaissez-vous que le Plan d'action économique du gouvernement fonctionne pour les Canadiens?

M. Weir : Le Plan d'action économique englobe un grand nombre de choses.

Le sénateur Gerstein : Oui, en effet.

M. Weir : J'ai certainement participé à la promotion d'un programme de relance auquel le gouvernement s'est d'abord opposé, mais qu'il a ensuite mis en œuvre dans le cadre du Plan d'action économique. À mon avis, c'était une très bonne chose.

Le sénateur Gerstein : Vous avez participé à la création du Plan d'action économique et vous l'appuyez?

M. Weir : Certains éléments; il y a d'autres éléments pour lesquels je suis très critique.

Le sénateur Gerstein : Vous pouvez les critiquer, mais en tant qu'économiste, sur quels critères vous fondez-vous pour laisser entendre qu'il ne fonctionne pas pour les Canadiens — étant donné qu'il a été une réussite au sein de l'économie mondiale?

M. Weir : Tout d'abord, je ne dis pas qu'il ne fonctionne pas dans son ensemble. Je pense qu'il s'agit d'un plan ambitieux et que certains de ses éléments fonctionnent et d'autres pas.

Le sénateur Gerstein : Pourquoi suggéreriez-vous que nous ralentissions l'approbation du projet de loi C-38 et que nous l'étalions sur quelques années?

M. Weir : Il y a des éléments du projet de loi, par exemple, l'abrogation de la Loi sur les justes salaires et les heures de travail, qui, à mon avis, nuiront aux Canadiens.

Le sénateur Gerstein : En retour, vous proposez que nous ralentissions le processus? Vous n'aimez pas que nous fassions des choses pour les Canadiens, afin de préserver notre avenir économique?

M. Weir : Je présume que je remets le processus en question. Je ne vois pas pourquoi cette mesure doit être liée à l'exécution du budget. Beaucoup de choses, dans le projet de loi C-38, ne sont pas nécessaires à l'exécution du budget. Je présume que ce qu'il faudrait savoir, c'est pourquoi le gouvernement les a toutes réunies et tente maintenant de les faire adopter en bloc.

Le sénateur Gerstein : Avez-vous un exemple de processus européen ou américain qui, selon vous, fonctionnerait mieux? À votre avis, que devrait-on faire?

M. Weir : Vous voulez parler d'un processus pour approuver une loi budgétaire? Quelle est votre question?

Le sénateur Gerstein : Vous dites que vous n'aimez pas le processus actuel. Y a-t-il un processus européen ou américain qui fonctionnerait mieux?

M. Weir : Je crois que l'on devrait suivre le processus habituel, soit adopter un projet de loi budgétaire qui propose vraiment des mesures d'exécution du budget plutôt que d'utiliser une telle mesure législative au profit du programme du gouvernement.

Le sénateur Gerstein : Comment pouvez-vous proposer que l'on adopte une approche-type pour approuver le budget alors que nous sommes exposés aux pressions de la crise économique mondiale?

M. Weir : Vous venez de dire que le Canada avait résisté à ces pressions et qu'il n'y avait pas de raison de paniquer.

Le sénateur Gerstein : Vous avez raison, et c'est grâce à ce genre d'approche que nous avons réussi jusqu'à présent à résister à ces pressions. Merci.

Le président : C'était l'ancien vice-président du comité. Il a sa propre technique de contre-interrogation. Je vais vous laisser la chance de terminer, monsieur Weir, puisque vous avez été interrompu.

M. Weir : Je crois avoir réussi à faire valoir mon point de vue. Je ne m'oppose pas à tous les éléments de ce projet de loi omnibus, simplement à l'abrogation de la Loi sur les justes salaires. À mon avis, cette loi devrait faire l'objet d'un débat distinct. Il ne suffit pas de dire, par exemple : « Adoptons tout, puisque le Canada a mieux fait que la Grèce. »

Le président : Avez-vous quelque chose à ajouter, sénateur Gerstein?

Le sénateur Gerstein : Non, rien. C'est un problème sans fin.

Le sénateur Eaton : Je voudrais simplement rejeter l'hypothèse de M. Weir selon laquelle les salaires vont baisser. Ils pourraient aussi augmenter.

Le président : Êtes-vous satisfaite que le compte rendu en fera état?

Le sénateur Eaton : Maintenant, oui.

Le sénateur Buth : J'aimerais confirmer une chose. Selon vous, l'abrogation de la Loi sur les justes salaires et les heures de travail rejettera sur les provinces et les territoires la responsabilité de fixer les salaires et les conditions de travail — ce qu'elles font déjà —, ainsi que le salaire minimum. C'est bien cela?

M. Weir : Les provinces régissent et fixent déjà le salaire minimum. Je ne vois donc pas comment cette loi modifie les lois provinciales à ce chapitre.

Le sénateur Buth : Oui, mais en ce qui concerne les contrats de construction, en abrogeant cette loi, on délègue aux provinces la responsabilité — qu'elles ont déjà — de fixer le salaire minimum et les conditions de travail. Elles ont toutes des règlements en ce sens. L'abrogation de cette loi signifie que les conditions de travail et le salaire des travailleurs de la construction ainsi que les contrats fédéraux de construction devront être conformes aux règlements provinciaux, c'est bien cela?

M. Weir : Les contrats fédéraux de construction devront, en effet, être conformes aux règlements provinciaux. La différence, c'est que les entrepreneurs ne seront plus tenus de payer le salaire courant qui est habituellement plus élevé que le salaire minimum fixé par les provinces.

Le sénateur Buth : Sauf que, pour le moment, ce n'est pas le cas. Nous venons de convenir que le salaire minimum était un salaire juste.

M. Weir : Je crois que ce qu'il faut retenir de cette phrase, c'est l'expression « pour le moment. » Pour le moment, le secteur de la construction est florissant, mais nous avons connu des périodes où les travaux du secteur public contribuaient énormément à l'essor de l'économie canadienne. Le taux de chômage est élevé, et la demande pour les travailleurs de la construction est faible. Le salaire minium fixé par la Loi sur les justes salaires est donc très important et pourrait l'être à l'avenir.

Le sénateur Buth : J'aimerais juste confirmer une autre chose. Combien de travailleurs de la construction représentez-vous?

M. Weir : Très peu. Je ne prétends pas parler en leur nom aujourd'hui. J'ai clairement indiqué que l'information que je fournis à ce sujet me provient de collègues qui, eux, travaillent pour des syndicats de la construction. Je vous donne un point de vue plus large de l'économie canadienne en ce qui a trait à la main-d'œuvre.

Le sénateur Runciman : J'aimerais revenir à un point soulevé par le sénateur Ringuette sur la façon d'en arriver à ce salaire minimum. Si l'on prend, par exemple, la région d'Ottawa, le salaire moyen risque d'être plus élevé en raison du salaire que touchent les travailleurs syndiqués de la construction, puisque celui-ci a tendance à être plus élevé. Cela fausse les données. Ça revient à ce que je disais plus tôt : c'est un obstacle à la concurrence. Les données vont être faussées, parce que les travailleurs non syndiqués ne touchent pas un salaire comparable à leurs collègues syndiqués.

Comme on le disait plus tôt, il sera plus difficile pour les petits entrepreneurs d'être retenus dans le cadre d'appels d'offres, puisque ce salaire prétendu juste sera faussé par les salaires des travailleurs syndiqués.

M. Weir : Je ne suis pas d'accord que cela fausse les données. Pour trouver une moyenne, il faut tenir compte de tous les salaires.

Je le répète : les petits entrepreneurs ne sont pas désavantagés. Ils doivent simplement respecter le même salaire minimum que les autres. Ils ne peuvent simplement pas offrir un salaire inférieur au salaire courant, ce qui leur procure un avantage injuste par rapport aux autres soumissionnaires.

Le sénateur Runciman : À mon avis, c'est également injuste envers les contribuables canadiens, car on limite le salaire des travailleurs dans le cadre de contrats de construction fédéraux.

Vous êtes d'accord avec moi que la Loi sur les justes salaires a été adoptée au plus fort de la Crise de 1929. À l'époque, le taux de chômage était élevé, mais il n'y avait pas de lois provinciales du travail pour protéger les employés. Êtes-vous d'accord avec moi pour dire que cette loi n'a plus le même impact et la même pertinence qu'à cette époque?

M. Weir : J'aimerais souligner que, même si cette loi trouve son origine dans la Crise de 1929, elle a été considérablement modifiée en 1985, alors que le pays était gouverné par Brian Mulroney, un premier ministre socialiste radical. La loi était encore pertinente à cette époque.

Le sénateur Runciman : Aviez-vous appuyé M. Mulroney?

M. Weir : J'étais trop jeune pour voter.

Le sénateur Runciman : Nous continuons d'être en désaccord. Merci.

Le président : Merci. En effet, vous continuez d'être en désaccord.

J'aimerais préciser une chose, monsieur Weir. Pour revenir un peu sur ce que disait le sénateur Buth, le Code canadien du travail n'est pas abrogé, et si j'ai bien compris, ce code s'applique aux contrats fédéraux de construction.

M. Weir : Pas nécessairement. Il s'applique aux secteurs réglementés par le gouvernement fédéral. Le secteur de la construction ne fait pas partie de ce groupe. Comme certains sénateurs se sont empressés de le signaler, le secteur de la construction est assujetti à des lois provinciales du travail, mais pas au Code canadien du travail.

Le président : En abrogeant cette loi, le gouvernement fédéral délègue-t-il toute la responsabilité en la matière aux provinces? J'essaie de comprendre quel sera le niveau de participation du gouvernement dans ce secteur. La Loi sur les justes salaires que l'on propose de faire disparaître s'applique aussi aux contrats non fédéraux pour lesquels des fonds fédéraux ont été accordés. Est-ce donc un retrait total? Avec l'abrogation de cette loi, le gouvernement fédéral se retire-t-il complètement?

M. Weir : Absolument. Le gouvernement fédéral retire un salaire minimum qu'il a mis en place. À mon avis, c'est une très mauvaise décision. En effet, le gouvernement fédéral s'en lave les mains.

Le président : Donc, comme l'a souligné le sénateur Buth, il délègue la responsabilité aux provinces.

M. Weir : C'est exact. J'ajouterais que, pour la plupart, les provinces régissent déjà ce secteur, mais le gouvernement fédéral a décidé — et avec justesse, selon moi — que, lorsque des fonds fédéraux sont investis, les entrepreneurs doivent respecter des normes un peu plus sévères.

Le président : Ce sont des informations utiles.

Merci beaucoup, monsieur Weir. Nous vous sommes reconnaissants d'être venus nous transmettre vos connaissances.

M. Weir : Merci de m'avoir accordé votre temps et de m'avoir invité. Je vous en suis reconnaissant.

Le président : Je vais laisser à M. Weir le temps de récupérer ces documents et je ferai ensuite le point sur les travaux du comité pour le reste de la semaine.

(La séance est levée.)


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