Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 10 - Témoignages du 14 mai 2012
OTTAWA, le lundi 14 mai 2012
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures, pour étudier les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion ainsi que l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens.
Le sénateur Maria Chaput (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente : Honorables sénateurs, je vois que nous avons le quorum et je déclare la séance ouverte. Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Je me présente, je suis la sénatrice Maria Chaput, du Manitoba, présidente du comité. Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter.
Je commencerais à mon extrême gauche.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Je suis le sénateur Suzanne Fortin-Duplessis, du Québec. Je suis enchantée de vous voir et j'ai hâte d'entendre votre mémoire.
Le sénateur Poirier : Je suis le sénateur Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick. Bienvenue.
Le sénateur Losier-Cool : Rose-Marie Losier-Cool, du Nouveau-Brunswick.
[Traduction]
La présidente : Le comité poursuit son étude sur l'utilisation de l'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens, ainsi que les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et certaines dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. Le comité aimerait entendre le point de vue des organismes anglophones du secteur des arts et de la culture dans le contexte de ces deux études, et il aimerait souhaiter la bienvenue à M. Guy Rodgers, directeur général, et M. Geoff Agombar, gestionnaire de bureau, du English-Language Arts Network; ainsi que M. Kirwan Cox, recherchiste pour le Quebec English-language Production Council.
Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'être venus témoigner aujourd'hui. Vous avez maintenant la parole, et une période de questions des sénateurs suivra.
Guy Rodgers, directeur général, English-Language Arts Network : Bonjour. Nous sommes heureux de témoigner cet après-midi. Au nom de tous les membres du conseil d'administration du ELAN, nous vous félicitons de votre étude sur les obligations du Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et certaines dispositions de la Loi sur la radiodiffusion. Nous avons comparu devant vous le 23 avril avec le Quebec Community Groups Network, et nous vous avons décrit une étude que nous avons effectuée sur la chaîne de radio et de télévision de la SRC, donc nous ne vous la présenterons pas de nouveau. Aujourd'hui, nous aimerions vous parler de la SCR dans le contexte de l'Internet. Mon court exposé sera suivi d'un exposé de Geoff Agombar, le gestionnaire de bureau pour ELAN.
La minorité anglophone du Québec a créé un groupe de travail sur la radiodiffusion et les médias qui ont recensé deux priorités. La priorité à long terme est celle de stimuler la création de contenu nouveau qui reflète l'identité et la réalité des anglophones du Québec. Il y a de nombreux partenaires potentiels, notamment les médias universitaires et communautaires et les radiodiffuseurs commerciaux et, bien sûr, notre radiodiffuseur national, la SRC. Ce travail nécessitera des ressources importantes et de nouvelles formes de collaboration.
La priorité à court terme est celle de recenser et de regrouper le contenu qui existe déjà. En théorie, ce travail est relativement simple. Mises à part les nouvelles locales, ELAN a recensé de nombreuses sources de contenu mettant à contribution les artistes de la dynamique communauté artistique anglophone au Québec. Une bonne partie de ce contenu est utilisé seulement par des auditoires très précis qui écoutent peut-être la SRC ou la radio commerciale ou universitaire, qui assurent toutes une bonne couverture des arts. La même chose est vraie de la télévision et des médias imprimés. La plupart des gens connaissent seulement quelques-unes des sources médiatiques et ne sont donc pas au courant de toutes les sortes de contenu qui pourraient les intéresser et qu'ils n'utilisent donc pas.
Notre projet de regroupement mettrait tout ce matériel ensemble dans un seul portail Internet qui pourrait être utilisé en fonction du type de contenu artistique, par exemple la musique ou le théâtre ou le nom d'un artiste. Un portail centralisé serait avantageux pour ces utilisateurs, car il les mettrait en lien avec des entrevues, des critiques et des concerts. Cela serait avantageux pour les producteurs de contenu aussi, car il y aurait une augmentation de leur auditoire. On y gagnerait sur tous les fronts.
Malheureusement, l'Internet est encore un territoire inconnu et il reste toujours des questions à résoudre en ce qui a trait aux droits, aux redevances, et aux cotes. La radio de la SCR est en train d'essayer quelque chose de nouveau avec son service de musique en ligne qui a été lancé il y a quelques mois. Une entreprise privée a déposé une plainte auprès du CRTC alléguant que ce nouveau service en ligne a un effet négatif sur le marché compétitif à cause de ce qu'elle appelle une structure de paiement préférentiel lié au fait que la SRC reçoit des fonds publics qui sont en partie utilisés pour financer ce service.
Je ne vais pas prendre position sur la déclaration de la SRC voulant qu'elle ne jouisse pas d'un traitement préférentiel lorsqu'elle négocie des ententes sur les droits, et je ne prendrais pas position non plus sur la question de savoir si un radiodiffuseur public jouit d'un avantage concurrentiel par rapport à un radiodiffuseur privé.
J'aimerais vous parler un peu du rôle que la SCR joue par rapport aux radiodiffuseurs privés. La SCR a le mandat de parler aux Canadiens des intérêts canadiens, ce qui inclut certainement la culture canadienne et la musique canadienne. On entend rarement, sinon jamais, l'auteure-compositrice Jill Barber, par exemple, à la radio commerciale parce que sa musique n'est pas jugée comme étant commercialement viable. Par contre, on entend souvent sa musique à la radio de la SRC et sur son nouveau service en ligne parce qu'on juge que sa musique a une valeur artistique. Il s'agit d'une distinction importante qui décrit bien la différence entre la radio de la SCR et la radio commerciale. La première a une vision de la valeur artistique tandis que l'autre est axée plutôt sur la viabilité commerciale. Le rôle principal de la radio de la SCR n'est pas de faire concurrence, mais plutôt de servir, et elle fait un bon travail dans ce domaine. Le nouveau service en ligne est un des meilleurs endroits pour découvrir la musique et les musiciens canadiens.
Le site web du ELAN fournirait des liens à des sources comme la SRC. La musique est actuellement divisée en genres, tels que musique classique, jazz, auteur-compositeur, rock indépendant, et cetera. Nous aimerions pouvoir fournir un lien direct au contenu québécois afin de promouvoir nos artistes locaux. Le fait que le service de la SCR existe signifie qu'une autre façon d'avoir accès à un contenu qui existe déjà ne ferait qu'ajouter de la valeur pour la radio de la SCR et son auditoire.
ELAN a soumis une demande à la direction générale sur la dualité linguistique du ministère du Patrimoine canadien afin de rendre le contenu, qui existe surtout en anglais, disponible en français. Ce contenu, encore une fois, pourrait inclure des entrevues, des critiques ou des concerts qui existent dans un format radio, télévision ou écrit.
Comme nous l'avons dit la dernière fois que nous avons comparu, Radio-Canada ne s'intéresse pas particulièrement à ce qui se passe au sein de la minorité anglophone du Québec, de la même façon qu'elle ne s'intéresse pas vraiment à ce qui se passe au sein de la minorité francophone à l'extérieur du Québec. La SRC crée beaucoup de contenu intéressant qui porte sur la communauté anglophone au Québec et elle pourrait ainsi être un partenaire important dans un projet sur la dualité linguistique. En regroupant le contenu actuel, en le traduisant en partie et en le préparant pour un auditoire francophone, nous pouvons nous servir du pouvoir et de la polyvalence de l'Internet pour avoir une conversation intéressante avec la majorité francophone.
Mon collègue, Geoff Agombar, vous parlera brièvement maintenant des médias sociaux. Merci, et nous serons heureux de répondre à vos questions à la fin de son exposé.
Geoff Agombar, gestionnaire de bureau, English-Language Arts Network : Bonjour et merci de nous avoir invités ici aujourd'hui. On m'a demandé de vous parler de l'utilisation des médias sociaux dans le milieu québécois anglophone des arts et de la culture. Nous ne connaissons pas d'études objectives dans ce domaine, mais nous pouvons certainement vous communiquer nos propres observations sur les tendances et les effets au sein de la communauté.
En ce qui a trait à la situation au sein de la communauté, les défis principaux auxquels les artistes anglophones québécois font face ressemblent aux défis auxquels tous les artistes font face partout : comment ferais-je pour financer mon travail? Comment puis-je communiquer avec ceux qui appuient mon travail? Comment puis-je maintenir une relation avec les gens qui appuient mon travail?
En même temps, il y a des problèmes particuliers auxquels font face les artistes qui travaillent dans des situations linguistiques minoritaires. Dans les régions du Québec, les thèmes qui se dégagent sont faciles à comprendre par quiconque connaît la situation des communautés francophones à l'extérieur du Québec : les pressions démographiques, la dispersion géographique, l'isolation économique et, thème qui est étroitement lié au sujet à l'étude aujourd'hui, l'accès aux services et à l'infrastructure. Si on habite dans une région rurale, et qu'on a accès à l'Internet seulement par ligne commutée, on ne participe pas pleinement au Web social.
Dans la région de Montréal, malgré la concentration urbaine dense des anglophones, les artistes font quand même face à des défis qui ont leurs corollaires dans toutes les communautés linguistiques minoritaires au Canada. Par exemple, « comment vais-je réussir à être visible dans un milieu avec si peu de médias? » À Montréal, nous avons actuellement seulement un quotidien anglophone, un hebdomadaire anglophone, quelques radiodiffuseurs communautaires avec de très petits auditoires, et des radiodiffuseurs publics et privés qui offrent une couverture assez limitée des arts, et qui portent surtout sur la culture de la célébrité produite ailleurs.
L'autre question porte sur la façon de construire des ponts et de gagner le respect de la majorité; dans notre cas, la majorité francophone. Comment pouvons-nous réussir à obtenir des dons et des parrainages dans une culture d'entreprise qui naturellement voit la culture anglophone comme étant moins profitable et plus risquée.
Dans le contexte des médias sociaux, il faut se demander comment les anglophones se servent des médias sociaux pour faire face à ces défis. Il s'agit d'un sujet vaste qu'on ne fait que commencer à étudier.
J'ai parlé à plusieurs artistes la semaine dernière afin de voir comment eux se servent des médias sociaux dans leur travail. Quelques thèmes communs qui se sont dégagés de ces conversations portaient sur l'accessibilité, la connexion, le contrôle et le financement. L'accessibilité veut dire des outils qui sont peu chers et accessibles à tous; la connexion veut dire que ces outils permettent un contact direct et dans les deux sens avec les partisans; le contrôle signifie que le message peut être partagé sans être filtré par des intermédiaires; le financement peut, indirectement, signifier qu'il y a des outils en ligne qui existent déjà et qui pourraient permettre aux artistes et aux organisateurs de bénéficier de l'accessibilité, de la connectivité et de la culture pour obtenir de nouvelles sources de soutien financier.
Nous pourrons sans doute examiner ces thèmes plus à fond pendant la période de questions, mais j'aimerais vous donner un exemple de la façon dont l'émergence des médias sociaux a permis aux artistes et aux organismes anglophones de composer avec un défi stratégique très pertinent dans leur contexte local.
L'écosystème des médias anglophones au Québec est très mince, même dans le contexte relativement concentré de Montréal, où il y a de moins en moins de médias et de moins en moins d'employés au sein de ces médias, qui sont souvent la propriété d'entreprises qui ne sont pas au Québec — par exemple, la Gazette est dirigée à partir de Toronto et de Calgary maintenant — ou qui ne sont pas connectés aux communautés anglophones, comme le sont les journaux communautaires qui sont la propriété de Transcontinental ou de Québecor.
Les nouvelles plates-formes de communication et de marketing, telles que Facebook et Twitter, et les plates-formes de blogage telles que Pinterest, permettent aux artistes et aux organismes d'éliminer l'intermédiaire et de développer leurs propres canaux de distribution pour envoyer leurs nouvelles directement à leurs réseaux de partisans. Ceci a mené récemment à une naissance de nouveaux talents au fur et à mesure que les groupes peuvent garder suffisamment de soutien pour fournir leurs produits régulièrement.
Il faut noter par contre que les nouveaux médias n'ont pas remplacé les médias traditionnels, et nous ne devrions pas nous attendre à ce que cela se passe bientôt. Une revue positive dans la Gazette ou La Presse est encore la meilleure façon de stimuler un intérêt général dans un événement ou un artiste. Par contre, les médias sociaux ont permis aux communautés anglophones d'avoir accès à des outils puissants et peu chers pour surmonter cette faiblesse qui existe depuis longtemps à cause de leur statut minoritaire.
L'ELAN croit que les médias sociaux ont déjà créé une pression importante sur les médias traditionnels et toute initiative dans ce secteur ne devrait pas miner la santé des médias communautaires qui sont particulièrement vulnérables à cause de leur auditoire limité et de leurs fonds limités. Ces médias offrent un service important et vital pour la communauté et méritent une attention particulière.
J'aimerais également souligner qu'ELAN considère que les médias sociaux offrent un énorme potentiel pour ce qui est des initiatives de prévention de la dualité linguistique. De par leur nature, les médias traditionnels ciblent un auditoire anglophone ou francophone. Les frontières entre les auditoires linguistiques sont moins bien définies en ligne où les auditoires tendent à être liés par un intérêt commun plutôt que par la langue de prestation. ELAN a élaboré une proposition dans cette veine dans le but de présenter la contribution positive des artistes de langue anglaise à la société québécoise et d'aider la couverture anglophone à joindre la majorité francophone et vice versa.
En résumé, les défis auxquels font face les artistes anglophones du Québec ne sont pas différents de ceux auxquels font face les artistes n'importe où ailleurs. Comme les francophones hors Québec, ils doivent affronter des difficultés additionnelles en raison de l'infrastructure, de la visibilité et de l'accès aux auditoires, ce qui ajoute un niveau de complexité à la situation. Les médias sociaux commencent à fournir de puissants nouveaux outils pour relever ces défis de manière productive, mais ces outils n'ont pas encore atteint un niveau de maturité tel qu'ils puissent égaler la puissance des médias traditionnels.
Cela dit, une collectivité minoritaire est, par définition, un auditoire restreint et Internet s'est construit par la consolidation de ces auditoires et en répondant à leurs besoins particuliers. Ainsi, la collectivité artistique anglophone du Québec a rapidement adopté ces nouvelles technologies et les considère comme un élément essentiel de son développement.
Merci.
Kirwan Cox, recherchiste, Quebec English-language Production Council : Merci d'avoir invité le Quebec English- language Production Council à s'adresser à vous par vidéoconférence à partir de Montréal. Je m'appelle Kirwan Cox et je suis le coordonnateur du QEPC. Malheureusement, nos coprésidents Janis Lundman et Gary Saxe avaient d'autres obligations et ne peuvent être des nôtres aujourd'hui. Mme Lundman est chef de production de séries dramatiques que vous avez peut-être vues à la télévision, comme Bomb Girls et Durham County. M. Saxe est organisateur national de l'ACTRA, la Alliance of Canadian Cinema Television and Radio Artists.
Le Quebec English-language Production Council représente le secteur provincial de la production de langue anglaise. Malheureusement, les productions de langue anglaise au Québec connaissent un déclin depuis 10 ans environ, les budgets totaux étant passés d'environ 300 millions de dollars à près de la moitié de ce montant. Travailler en anglais au Québec comporte de nombreux défis particuliers. Par exemple, les productions de langue anglaise sont plus difficiles à financer puisque le crédit d'impôt provincial est de 10 p. 100 inférieur à celui qui est accordé pour les productions de langue française. En outre, la SODEC impose un plafond aux investissements dans les productions en anglais.
En outre, notre représentation régionale à la télévision est totalement inadéquate. Il n'y a pas de diffuseurs de langue anglaise dans les régions, aucun diffuseur local où nos collectivités pourraient se reconnaître, aucune chaîne éducative comme TFO en Ontario, même pas une station de télévision communautaire.
Bien que nous continuions à produire et à coproduire des émissions de télévision populaires diffusées dans le monde entier, nous ne nous voyons pas sur nos propres écrans de télévision. Il n'y a aucun reflet régional de l'anglais au Québec, à part les bulletins de météo locale et les sports. D'après la Gazette de Montréal, la dernière grande série télé qui se déroulait à Montréal a été Urban Angel, diffusée il y a 20 ans.
Ainsi, notre communauté souffre à la fois sur le plan culturel et économique à mesure que notre industrie locale se rétrécit. Nous croyons que les solutions à bon nombre de nos problèmes se trouvent dans la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Or, certains ont du mal à comprendre que notre communauté puisse être invisible puisqu'on entend notre langue à la télévision.
Commençons par le CRTC. Au groupe de discussion sur les langues officielles du CRTC, nous avons souvent soulevé les problèmes des productions de la minorité de langue officielle au Québec et le fait que nous croyons que les décisions du CRTC devraient être assujetties à la Loi sur les langues officielles. Le CRTC a répondu que la Loi sur la radiodiffusion l'emporte sur la LLO et qu'il n'a aucune obligation envers les minorités de langue officielle lorsqu'il rend des décisions, sauf celles qui sont prévues dans la Loi sur la radiodiffusion.
En outre, le CRTC disait, dans son rapport de 2009 sur les services de radiodiffusion dans la langue des minorités, qu'il n'avait pas l'intention d'adopter de politiques générales pour les collectivités de langue officielle en situation minoritaire, mais plutôt d'examiner chaque cas dans le cadre de la réglementation sur le renouvellement des licences. Malheureusement, cela n'a pas fonctionné. Lors du renouvellement des licences du principal réseau de langue anglaise depuis la publication de ce rapport, le CRTC n'a tenu aucun compte de la minorité de langue officielle au Québec dans ses décisions à l'égard des grands groupes de diffuseurs privés.
Le CRTC a depuis longtemps une politique selon laquelle les réseaux doivent investir dans des productions régionales en fonction de leur présence sur le marché de cette région. Nous sommes intervenus pendant l'audience sur le renouvellement du groupe de diffuseurs, en faisant valoir que les plus grands diffuseurs privés de langue anglaise devraient dépenser davantage en fonction de leur présence sur le marché de Montréal. Au cours des trois dernières années, la SRC a dépensé environ 12 p. 100 de son budget national pour les productions indépendantes pour la programmation en anglais au Québec. Cela représente environ la moitié de sa part de l'auditoire anglophone du Québec qui est d'environ 25 p. 100. Global a dépensé environ 6 p. 100 de son budget pour les productions indépendantes au Québec, soit environ la moitié de sa part de 12 p. 100 de l'auditoire anglophone du Québec. Par contre, CTV a la part dominante de l'auditoire anglophone du Québec, soit 64 p. 100, or il dépense à peu près 2 p. 100 de son budget pour les productions indépendantes au Québec. Cela ne représente que 3 p. 100 de sa part du marché comparativement à environ 50 p. 100 de leur part de marché investi par Global et la SRC. Le CRTC n'a absolument pas tenu compte de la question des productions en langue officielle minoritaire lors du renouvellement des licences de ces deux groupes de diffuseurs, y compris CTV. Il n'a rien dit.
Le Fonds pour l'amélioration de la programmation locale (FAPL) est un autre exemple des problèmes que nous posent les décisions du CRTC. Le FAPL a été créé il y a trois ans et constitue une source incroyablement importante de fonds pour la programmation locale. Le CRTC a défini les marchés admissibles comme étant ceux qui comptent moins d'un million de personnes. Winnipeg et le Montréal anglophone sont de la même taille, soit moins d'un million de personnes, et les deux devraient être admissibles au FAPL. Winnipeg est admissible, mais Montréal, avec 800 000 anglophones, ne l'est pas. La raison en est que le CRTC définit un anglophone comme quelqu'un qui connaît l'anglais. Il y a plus de deux millions de personnes qui connaissent l'anglais à Montréal. À cause de cette définition, le CRTC a exclu toute la population anglophone du Québec du FAPL.
Lorsque nous examinons de plus près les subventions accordées par le FAPL, nous constatons que les réseaux privés de langue anglaise n'ont apparemment pas dépensé cet argent pour la programmation locale mais pour subventionner de manière indirecte leurs activités et les coûts des émissions étrangères. Cela n'était pas contraire aux règles souples mises en place par le CRTC pour le FAPL. Par contre, la SRC a dépensé son argent pour la programmation locale dans les marchés admissibles. C'est l'objectif du FAPL. Malheureusement pour nous, comme je viens de le dire, la minorité de langue officielle de Montréal n'est pas un marché admissible.
En ce moment même, le CRTC est en train d'examiner le FAPL. Nous espérons qu'il conservera ce fonds et décidera que Montréal, avec moins d'un million d'anglophones, devrait être admissible.
Terminons par la SRC/CBC. Le diffuseur public est important pour l'ensemble du pays, mais l'est d'autant plus pour les deux minorités de langue officielle. Nous appuyons ardemment la SRC/CBC.
Comme vous le savez, la SRC/CBC a comme mandat spécial de refléter les besoins et les circonstances des deux collectivités de langue officielle en situation minoritaire dans la Loi sur la radiodiffusion. Malheureusement pour nous, la seule obligation à l'égard des minorités de langue officielle prévue dans la loi ne concerne que la SRC/CBC. L'un de nos souhaits les plus chers serait que la même obligation s'applique aux diffuseurs privés en échange pour l'utilisation des ondes publiques. Comme nous l'avons dit, la SRC dépense un plus fort pourcentage de son budget pour la production indépendante au Québec que les diffuseurs privés, notre Communauté ne se retrouve pas non plus sur les écrans de la SRC/CBC.
En outre, la programmation régionale de tous les diffuseurs se limite en grande partie aux nouvelles, à la météo et aux sports. Nous souhaiterions une plus grande diversité dans la programmation de toutes les stations montréalaises, y compris un contenu régional dans les dramatiques, les émissions pour enfants et les documentaires. Bien sûr, nous voulons davantage de productions dans la langue minoritaire au Québec. L'absence de reflet régional à la SRC/CBC est un problème très grave pour nous.
Étant donné notre expérience lors du renouvellement des licences des réseaux privés, nous ne sommes pas sûrs que le CRTC nous entendra lorsque nous interviendrons dans le processus de renouvellement de la licence de la SRC/CBC, qui aura lieu cette année.
Enfin, nous craignons que l'absence de financement de la SRC/CBC nuira grandement à sa capacité de remplir ses différents mandats, surtout à l'égard des collectivités de langue officielle en situation minoritaire. Malheureusement, à défaut de nouvelles mesures législatives et réglementaires, rien n'indique que les réseaux commerciaux combleront les lacunes. C'est pourquoi nous demandons au gouvernement d'augmenter le financement de la SRC/CBC.
Nous serons heureux de répondre à vos questions. Merci.
La présidente : Merci beaucoup.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : J'aimerais savoir si Internet influence la culture des artistes anglophones au Québec, et si Internet a engendré une nouvelle génération de créateurs anglophones au Québec?
[Traduction]
M. Rodgers : M. Agombar est notre expert en matière d'Internet. Il appartient à la génération Internet alors nous allons le laisser répondre à cette question.
M. Agombar : Influence dans la création d'une nouvelle génération? Sous influence, sans aucun doute. Comme nous le savons tous, Internet est très anglophone et nous sommes donc évidemment exposés au contenu anglais. Il n'y a pas d'absence de contenu anglais. Cela nous ramène au thème soulevé par M. Cox pendant son exposé. Dans notre collectivité, ce qui manque ce n'est pas du contenu dans notre langue; ce qui nous manque c'est un contenu qui reflète notre réalité. Il y a énormément de contenu provenant de l'extérieur.
Je dirais certainement que nous sommes exposés à une abondance de contenu et lorsqu'il y a exposition, il y a évidemment influence. Je pense que c'est certainement le cas d'Internet, qui est un forum international sans frontières géographiques. Nous sommes influencés par ce qui se fait dans le monde anglophone. Est-ce que cela a créé une nouvelle génération? Je ne le sais pas.
M. Rodgers : Certains pensent qu'Internet est en fait le monde des jeunes. Nous avons constaté que les artistes utilisent Internet et qu'un grand nombre de quinquagénaires et de sexagénaires utilisent Internet et Facebook pour lancer des invitations et pour établir des liens, de sorte que dans le monde des arts il y a peut-être un léger biais en ce qui concerne l'âge des utilisateurs.
M. Agombar : Quelque chose s'est produit au cours des quatre ou cinq dernières années. Par exemple, j'ai travaillé dans un festival de théâtre local pendant de nombreuses années avant de travailler pour ELAN, et je sais qu'au cours des cinq ou sept dernières années il y a eu une formidable explosion dans le nombre de petites entreprises qui produisent pour un auditoire qu'elles ont été capables de retenir surtout grâce à leur capacité de rester en contact avec lui grâce aux outils que leur offre Internet, à tel point qu'il y a à l'heure actuelle énormément de production, pratiquement plus qu'il n'y a d'auditoire pour assurer leur fiabilité. Nous avons la preuve que les outils fournis sur Internet influencent une nouvelle génération de créateurs qui réussissent à obtenir suffisamment d'appui pour travailler régulièrement. Il faudra voir où cela nous mènera avec la génération de créateurs qui sont actuellement actifs.
M. Cox : J'ajouterais la rémunération car Internet fournit un système de distribution qui est très démocratique et qui évolue de façon surprenante, mais en même temps de nombreux jeunes me disent qu'ils ont beaucoup de difficulté à gagner leur vie. Bon nombre des endroits où on pouvait monter les échelons dans une compagnie de production, par exemple, et où on pouvait avoir un emploi qui nous permettait de gagner de l'argent deviennent de plus en plus rares. Il faut faire du bénévolat pour avancer. Il y a des inconvénients en plus des avantages.
[Français]
Le sénateur Fortin-Duplessis : Avez-vous remarqué si Internet a changé les rapports et les échanges culturels entre les Anglo-Québécois un peu plus âgés?
[Traduction]
M. Rogers : Comme vous le savez, de nombreux Québécois plus âgés ont des enfants qui vivent loin du Québec. C'est un problème important. Oui, il est vrai que beaucoup communiquent avec leurs enfants et leurs petits-enfants par Facebook, Skype et d'autres méthodes en ligne. C'est vrai que cela a été utile à cet égard.
M. Agombar : J'ai eu une conversation avec quelqu'un qui travaille dans le théâtre dans les Cantons-de-l'Est. Elle m'a dit que l'arrivée des outils d'Internet a complètement changé la façon dont ils communiquent leurs messages dans un contexte rural. Nous pensons souvent qu'Internet est un phénomène urbain. Elle me disait qu'elle est rendue au point où elle communique avec certaines parties de la population en achetant des annonces publicitaires dans le journal, mais si elle ne fait de la publicité que dans le journal local, elle n'atteint pas suffisamment de gens qui peuvent l'appuyer dans ses activités. Même dans le contexte des petites villes, elle doit se servir d'Internet pour communiquer avec son auditoire. Elle me dit qu'il s'agit d'un auditoire plus âgé, alors oui, dans ce contexte, dans cette situation précise, voilà un exemple de quelqu'un qui doit se servir des outils d'Internet afin de pouvoir communiquer avec un auditoire peu importe l'âge, alors oui.
[Français]
Le sénateur Losier-Cool : Merci pour votre exposé. Vous voyez que l'ordre du jour de cette réunion aujourd'hui, c'est une étude sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux, toujours en respectant les droits linguistiques du Canada.
Est-il possible pour tous les anglophones du Québec, où qu'ils demeurent, d'avoir accès à l'Internet et aux médias sociaux? Sinon, pouvez vous nous indiquer où on ne peut pas avoir accès à l'Internet ou encore à des téléphones numériques?
[Traduction]
M. Rodgers : On pourrait obtenir des renseignements précis et vous les envoyer dans un jour ou deux. Il y a des régions très précises du Québec, notamment à l'extérieur de Québec ou de Montréal, où la réception en ligne est limitée, surtout à haute vitesse. Par exemple, les gens peuvent peut-être lire leurs courriels mais ne peuvent pas communiquer sur Skype. Cette recherche a été effectuée et nous pouvons vous envoyer ce rapport d'ici un jour ou deux, bien sûr.
Le sénateur Losier-Cool : Est-ce que vous recommanderiez au comité qu'il s'assure qu'Internet soit accessible pour tous les anglophones partout au Québec, quelle que soit la région où ils habitent?
M. Rodgers : Absolument. C'est d'une importance inestimable, c'est essentiel, et actuellement ce n'est pas offert de la même façon partout.
Le sénateur Losier-Cool : Ma question principale est la suivante, et je crois que M. Cox a parlé beaucoup de financement, alors pourriez-vous nous dire quelle sorte de financement fédéral vous recevez, que ce soit du Conseil des Arts du Canada ou de Téléfilm, ou est-ce que vous recevez des fonds fédéraux pour les arts et la culture pour la minorité anglophone au Québec?
M. Cox : Oui, il y a un financement fédéral important, mais bien sûr il y en a deux types. Un est destiné à la production commerciale et l'autre, à la production artistique; ainsi, le Conseil canadien donne des fonds à des artistes individuels tandis que Téléfilm travaille avec des producteurs commerciaux qui produisent un produit commercial. De notre point de vue, bien sûr, la priorité du gouvernement du Québec est d'appuyer la production francophone et donc, les règles du gouvernement provincial ne sont pas les mêmes pour la production anglophone que pour la production francophone. Nous ne nous en plaignons pas, mais cela veut dire que les institutions fédérales de financement sont essentielles pour la minorité linguistique officielle au Québec, et dans la mesure que ces institutions ne comprennent pas ce rôle, nous en souffrons.
Je vous ai donné quelques exemples. La société d'État a une entité de langue officielle minoritaire, mais elle est située entièrement à l'intérieur de Radio-Canada parce que, selon la société, tous les problèmes concernant les collectivités de langue officielle en milieu minoritaire concernent les collectivités francophones hors Québec. Il n'y a personne à la CBC, c'est-à-dire le côté anglophone de la société d'État, qui s'occupe de la collectivité anglophone de Montréal. C'est un exemple d'un problème à la société d'État, à notre avis.
Je soulève la question du CRTC parce que, d'une part, il a dit à toutes les minorités de langue officielle qu'il fera de la règlementation au cas par cas lorsque viendra le temps de renouveler les licences, parfois d'ici sept à 10 ans. Se servir du renouvellement des licences pour changer les politiques pour toute la minorité de langue anglaise est un processus extrêmement laborieux.
Nous avons découvert cette année que même quand il fait face à une situation flagrante, et je parle des renouvellements des licences des groupes de diffuseurs, notamment avec CTV, il n'a pas dit qu'on avait tort. Il n'a pas dit qu'il était en désaccord avec nous. Il n'a pas répondu du tout à toute la question de la diffusion au Québec pour la minorité de langue officielle. Il en a fait une abstraction totale. D'une part, il a publié son rapport en 2009 en disant que c'était très important et qu'il traiterait la question au cas par cas, mais quand le premier cas majeur s'est pointé le nez, il était absent. Notre question est la suivante : si nous croyons que le CRTC n'a pas réussi au niveau de ses politiques, à qui peut-on se plaindre? Il s'agit d'un organisme quasi judiciaire, et c'est impossible de porter plainte.
Le sénateur Losier-Cool : Vous me dites que la minorité anglophone au Québec ne se considère pas bien représentée à la SRC. Savez-vous s'il y a déjà eu une étude visant à voir combien de minutes la SRC donnera à la minorité anglophone? Avez-vous une étude, un chiffre à ce sujet? Les francophones hors Québec ont fait faire une telle étude. Savez-vous si le réseau anglophone a fait une telle étude?
M. Cox : Il y a plusieurs réponses à cette question. D'une part, beaucoup des statistiques au sujet du Québec anglophone sont confidentielles, donc nous n'y avons pas accès. C'est parce que, parfois, le niveau de production en anglais au Québec est tellement faible que le FMC ou Téléfilm ou d'autres personnes penseraient que cela remettrait en question la confidentialité. Nous ne pouvons pas obtenir du CRTC certaines statistiques au sujet de la télédiffusion en anglais au Québec parce que cela remettrait en question la confidentialité commerciale. Par conséquent, nos statistiques sont combinées avec les productions françaises et la diffusion en français au Québec. Nous ne pouvons pas obtenir une ventilation par langue. C'est un exemple du genre de problème que nous avons.
L'année dernière, nous avons expliqué au CRTC que la SRC ne déposait pas de rapport de production indépendant auprès du CRTC parce que le CRTC a insisté depuis plusieurs années pour que les diffuseurs privés en présentent un. Le CRTC a dit : Oh mon Dieu, nous ne nous étions pas rendu compte que nous n'avions pas demandé cette information essentielle. Donc, nous allons reporter le renouvellement des licences de la SRC au complet d'au moins un an et c'est votre faute à vous le Quebec English-language Production Council. Nous sommes responsables du retard de la SRC parce que les données dont vous nous demandez si nous les recevons, nous les avons demandées. Nous les avons reçues et nous venons de vous les donner : 12 p. 100.
Le sénateur Poirier : Dans les exposés, vous avez dit que le journal était le meilleur moyen, par rapport aux médias sociaux, pour faire passer votre message. Je suis curieuse de savoir, pensez-vous que c'est vrai seulement pour la population anglophone au Québec ou est-ce que c'est vrai également pour les francophones?
M. Agombar : C'est moi qui ai dit cela, en fonction de mon expérience. J'ai longtemps joué le rôle de publiciste. Lorsqu'une histoire apparaît sur un canal en particulier, on peut voir l'effet que cela a sur les cotes d'écoute. Au fond, on commence par essayer d'avoir une couverture dans les journaux, ensuite à la radio, et si l'on a de la chance, peut- être une certaine couverture à la télévision. Cela traduit très bien l'espace qui existe pour les arts et la culture dans chacun de ces médias.
Pour ce qui est de médias traditionnels, comme la presse écrite, le fait est qu'elle rejoint toujours un auditoire plus vaste et plus diversifié que ne le font les canaux Internet. Les canaux Internet ont tendance à rejoindre les auditoires qui ont un intérêt en commun.
Comme l'a dit une cinéaste à qui j'ai parlé de la question, « l'ancien modèle consistait à se trouver un vaste auditoire ». Aujourd'hui, tous les documentaristes produisent et distribuent leurs films à leur public cible. Le type de public que l'on peut rejoindre par le biais de ces chaînes médiatiques plus vastes a changé.
Et ce n'est pas uniquement dans le contexte anglophone. Plutôt, cela a à voir avec la nature des divers médias et à la taille et au type des publics ciblés. C'est attribuable au fait qu'un journal rejoindra un auditoire plus vaste et plus diversifié pour ce qui est des générations, du revenu, et cetera.
Le sénateur Poirier : Il est important de transmettre l'information, donc vous croyez que les gens la reçoivent. Vous êtes axé sur les journaux, la radio et la télévision. Est-ce que cela veut dire que pour vous les médias sociaux se retrouvent en quatrième position?
M. Agombar : Non. La stratégie serait d'utiliser les outils et ressources à votre disposition pour atteindre votre objectif. Il ne s'agit jamais de choisir un outil plutôt qu'un autre. Il faut réaliser le plus possible dans chaque domaine et savoir le type de résultats auxquels on peut s'attendre. Il reste que les médias traditionnels sont encore la meilleure façon de rejoindre un nouvel auditoire et l'agrandir au fil du temps, rejoindre quelqu'un qui n'a jamais entendu parler de vous mais qui s'intéresse à votre produit.
Les nouveaux médias ne sont pas encore rendus au point où un bon blogue peut rejoindre en moyenne, autant de personnes, un auditoire aussi diversifié qu'un article dans la Gazette.
Le sénateur Poirier : Diriez-vous qu'en fin de compte l'un des problèmes qui existe toujours, c'est qu'il est impossible pour bien des gens d'avoir un accès rapide aux services disponibles via les médias sociaux, ou diriez-vous plutôt qu'il y a encore une grande proportion de la population qui n'a toujours pas les connaissances et les outils requis pour utiliser les médias sociaux pour trouver ce qu'ils recherchent?
M. Agombar : Dans le contexte rural, l'accessibilité à la large bande pose parfois problème. Dans le contexte urbain, Internet est très disponible, donc le problème ne se pose pas autant. Cela peut être un problème dans le contexte rural. J'essaie de me souvenir du reste de votre question.
Le sénateur Poirier : Croyez-vous qu'une grande portion de la population n'a pas les connaissances ou le savoir requis pour utiliser les médias sociaux, ou que les gens n'ont pas accès aux médias sociaux? Devrait-on étudier cette question? Faut-il davantage d'éducation dans ce domaine? Est-ce pour cela que tant de gens n'utilisent pas les médias sociaux et qu'il vaut mieux poursuivre avec les journaux, la radio et la télévision traditionnels? Est-ce que le problème tient au fait que dans certaines régions les gens n'ont toujours pas accès aux médias sociaux ou bien est-ce que les gens ne savent pas comment utiliser les médias sociaux, n'ont pas les compétences voulues pour le faire?
En partie le problème tient au fait que sur Internet il y a des millions de sources d'information. Par exemple, avec ELAN, nous faisons la promotion de nos événements. Nous avons un public de base de 2 000 à 3 000 personnes. C'est disponible à des millions de personnes, mais en ce qui a trait à faire la promotion et à rejoindre ces gens, le problème est que nous n'avons pas la visibilité. Ce n'est pas qu'ils manquent de capacités techniques; c'est d'établir le lien. La Gazette a une structure en place pour rejoindre 500 000 personnes, mais le lectorat ne lira peut-être pas chaque page du journal. Quand il s'agit des médias sociaux, les gens se retrouvent un peu partout, passent d'un blogue à un site web. Il est difficile d'attirer un grand nombre de personnes vers une source d'information précise, et cela prend du temps.
Le sénateur Poirier : Quand vous faites des demandes de financement du fédéral, créez-vous des émissions pour le marché de langue anglaise au Québec ou exportez-vous aussi votre programmation vers le reste du Canada?
M. Rodgers : Cela dépend de l'émission et du projet. Nous pouvons faire des demandes de financement par le biais d'une série de directions générales au ministère du Patrimoine canadien. Si c'est la Direction générale des langues officielles, alors nous sommes axés sur notre auditoire de langue anglaise et nous voulons lui fournir des services. Si nous faisons une demande en vertu du projet de dualité linguistique, alors nous voulons rejoindre nos voisins francophones. Si c'est par le biais du Conseil des Arts du Canada, il se peut que ce soit une émission destinée à l'ensemble du Canada ou au monde entier. Tout dépend de la source de financement et de la nature de l'émission.
M. Cox : Posiez-vous une question sur les médias artistiques ou les médias commerciaux et culturels?
Le sénateur Poirier : Si vous faites des demandes de financement pour créer certaines émissions, précisément pour le marché anglophone, une fois que vous avez élaboré l'émission, la gardez-vous uniquement comme outil pour vous- même ou pouvez-vous la partager avec d'autres groupes au Canada qui en ont besoin?
M. Rodgers : Une fois que c'est élaboré, nous voulons certainement la partager. Notre objectif primordial au sein de la communauté de langue anglaise est de rejoindre notre auditoire de langue anglaise. Ensuite, nous voulons rejoindre nos voisins francophones. Après, nous voulons rayonner vers le reste du Canada et du monde. Quand nous travaillons à un projet de visibilité, voilà les étapes précises que nous suivons. Nous n'imposons pas de limite.
Le sénateur Poirier : Pour ce qui est de la minorité anglophone au Québec, recevez-vous des renseignements du Canada anglais qui peuvent vous aider? Recevez-vous des émissions?
M. Cox : Je vis dans un petit village à 60 kilomètres de Montréal. Pendant bien des années, ma famille a été la seule famille anglophone dans ce village. Les gens nous pointaient du doigt et disaient « Les voilà ». Nous sommes abonnés à la Gazette et nous avons une boîte à journaux de la Gazette. Chaque jour, je marche un kilomètre pour me rendre au seul endroit dans le village qui vend le Globe and Mail, que j'achète. En ligne, j'ai un abonnement au New York Times, où je lis les articles de Paul Krugman sur l'effondrement de l'économie mondiale. En ce qui concerne les questions culturelles anglophones au Canada, le Globe and Mail prime. Pour savoir quel film joue au centre-ville ou s'il y a quelque chose qui se passe au Centre Bell, c'est la Gazette qui prime. Chaque journal fournit des ressources différentes et présente un domaine d'intérêt différent. Les ressources sont très différentes. On ne peut pas dépendre uniquement d'une source d'information. Il faut avoir diverses sources d'information. Je suis un peu vieux jeu en m'intéressant uniquement aux journaux.
Le sénateur Tardif : Je vous remercie de votre excellent exposé. J'aimerais revenir sur certaines choses que vous avez dites. Vous avez dit que vous relevez beaucoup de défis uniques d'ordre financier et culturel. Vous avez dit qu'une partie de la solution se trouverait dans l'application de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Qu'est-ce que cela signifie pour vous? Pouvez-vous nous en dire davantage, s'il vous plaît?
M. Cox : Jai pensé à l'article 42. J'espère que j'ai le bon, entre le 41 et le 42.
Le sénateur Tardif : Il s'agit à mon avis du 41.
M. Cox : On y parle de favoriser l'épanouissement des minorités anglophones et francophones. Souvent quand nous parlons à des gens au sein de l'administration fédérale, que ce soit Téléfilm Canada ou d'autres, de la Loi sur les langues officielles, ils nous disent qu'ils ont des processus en place qui sont bilingues, qu'ils sont ouverts à discuter avec les gens soit en anglais ou en français, et cetera. C'est ainsi qu'ils voient les choses. De la perspective du Québec anglophone, ils disent « vous représentez 3 p. 100 de la population anglophone, donc nous avons mis de côté 3 p. 100 de nos fonds pour vous. Vous avez de la chance, n'est-ce pas? Il ne faut pas en demander plus, vous ne le méritez pas. »
Une fonctionnaire francophone à Téléfilm m'a dit le plus sérieusement que sa tâche était de comprendre ce que les anglophones du Québec voulaient, et qu'elle n'y arrivait pas parce que nous roulions tous en Mercedes et habitions tous à Westmount. Elle se demandait ce qu'on avait comme problème. C'était difficile de lui expliquer que nous voulions que notre culture survive comme elle le souhaiterait pour la sienne, et comme le souhaitent les francophones à l'extérieur du Québec.
Il y a une grande ignorance, et un sentiment que la minorité anglophone au Québec n'est pas vraiment légitime, qu'elle fait accidentellement partie de la Loi sur les langues officielles, qui devrait viser un vrai problème pour les francophones hors du Québec, ce que tout le monde comprend. Les gens se demandent quel problème un anglophone au Québec pourrait avoir, même s'ils vivent sur la Basse-Côte-Nord ou même s'ils sont les seuls anglophones dans leur ville.
Nous composons avec ce genre de questions. Nous voudrions que les institutions du gouvernement fédéral comprennent qu'il faut qu'elles examinent le contenu de leurs décisions et non pas le processus afin d'appuyer la minorité de langue officielle au Québec. Cela signifie que le CRTC ne doit pas simplement organiser un groupe de discussion afin qu'on puisse parler, ainsi que les minorités francophones, et que cela suffit jusqu'à la fin de l'année. Les articles 41 et 42 doivent plutôt faire partie intégrante de leurs décisions et je vous en ai donné un exemple tantôt.
Téléfilm doit demander ce dont nous avons besoin, et non pas dire que nous n'avons besoin de rien puisque nous habitons tous à Westmount et nous conduisons tous des Mercedes. Pour ce qui est de la société d'État, pourquoi est-ce qu'elle n'a pas de processus de consultation pour les minorités de langue officielle, puisque la CBC a la station CBMT à Montréal? Elle a plutôt un processus régional qui comprend Montréal, Regina, Halifax et tous les autres. Ils se réunissent une fois par année avec les dirigeants communautaires et ça finit là. Ils ne posent pas de questions sur le genre d'émissions qu'ils devraient être en train de créer, sur ce qu'ils pourraient faire pour encourager l'industrie cinématographique à Montréal qui reflèterait la communauté anglophone non seulement au Québec mais dans le reste du pays également. Nous n'entendons pas ce genre de choses.
Le sénateur Tardif : Le Comité sénatorial permanent des langues officielles a mené une étude sur la communauté anglophone minoritaire au Québec et a souligné certains des stéréotypes malheureux que vous avez mentionnés.
Pour revenir à la partie VII de la loi, l'article 41 énonce que le gouvernement doit s'engager à favoriser l'épanouissement des minorités francophones et anglophones du Canada. D'après ce que j'ai compris, une partie du processus des mesures positives à entreprendre inclurait la consultation et un engagement actif. Si je comprends bien, c'est cela qui semble manquer au processus. Vous êtes peut-être informés des décisions, mais vous n'êtes pas forcément consultés ni engagés activement dans le processus. Est-ce bien le cas?
M. Rodgers : ELAN n'a pas la même position que les producteurs de télévision et de films. Nous travaillons avec des artistes de toutes les disciplines ainsi qu'avec la communauté. M. Cox travaille avec des personnes qui produisent des films et des émissions de télévision, donc ils ont d'autres intérêts.
Un groupe de travail fédéral sur les arts, la culture et le patrimoine a été mis sur pied il y a deux ans, précisément avec des groupes tels que le Conseil des Arts, Téléfilm et Patrimoine canadien afin de définir ce que l'on entend par « participation active » et pour déterminer comment mettre en œuvre l'article 41 de la partie VII. Ce groupe ne s'est réuni que deux fois, mais cela représente les débuts d'une discussion productive et une exploration des façons dont cela pourrait évoluer.
À notre deuxième réunion, il y avait des représentants d'Industrie Canada pour la première fois. Ils investissent déjà dans une étude pour savoir comment susciter l'essor de l'économie créative, et voir de quelle façon cela s'applique aux arts et à la culture, à l'emploi et à l'esprit d'entreprise.
Il y a des choses qui se passent dans la plus grande catégorie des arts et de la culture dans un dialogue entre les ministères fédéraux. Il faut garder les commentaires de M. Cox sur le film et la télévision dans ce contexte et non pas les appliquer aux relations à tous les niveaux entre les artistes et les ministères fédéraux.
Le sénateur Tardif : Merci de cette précision.
Le sénateur De Bané : Monsieur Cox, Richard Stursberg, qui était le vice-président de la SRC dans les six dernières années a récemment publié un récit de son expérience en tant que responsable du réseau anglais. Il dit à plusieurs reprises que la tension, la méfiance, la jalousie, et cetera, entre les anglophones canadiens et les francophones canadiens sont encore plus intenses au sein des deux réseaux de la société d'État. Il l'a vraiment souligné. Il a également souligné qu'il n'y a aucune coopération entre les deux réseaux, la chaîne anglaise CBC et le volet francophone, la Société Radio- Canada.
Le mandat donné aux radiodiffuseurs publics dans la Loi sur la radiodiffusion m'intéresse, et c'est de renforcer les valeurs communes de notre pays et de rassembler les gens.
De quelle façon est-ce que la CBC et la Société Radio-Canada ont manqué à leur engagement quant à vous, des Québécois anglophones qui habitent au Québec depuis plusieurs siècles?
M. Rodgers : Il faut faire la différence entre la radio et la télévision, parce que ce sont deux secteurs qui sont assez différents. La radio de la SRC a fait des pas de géant pendant les 5 à 10 dernières années pour ce qui est des reportages sur le monde culturel francophone en particulier ainsi que sur le monde des affaires. La radio de la SRC a tenté de jouer un rôle de chef de file en informant son auditoire de ce qui se passe dans le milieu francophone et en créant un dialogue. Quand le service anglais a commencé à élaborer cette politique, les avis étaient partagés entre les artistes puisque le temps est limité pour ce qui est de couvrir les arts et les spectacles, et si la grande majorité de ce temps était vouée à des discussions parlant de productions francophones, cela voulait dire qu'il restait moins de temps pour parler des productions anglophones.
Néanmoins, je crois que la plupart des personnes conviendront que la sensibilisation dans ce dialogue a été une bonne chose. Plusieurs émissions de la CBC ont fait plus que le nécessaire pour accroître ce dialogue. Nous n'avons pas vu le même genre de programmation avec Radio-Canada. Nous n'avons pas vu le même intérêt à comprendre ce qui se passe dans le milieu anglophone.
Nous avons eu une conférence d'envergure à l'autonome et nous avons été interviewés à Radio-Canada, et cette émission en particulier a démontré un certain intérêt, mais c'était plutôt un incident isolé.
Le sénateur De Bané : Je suis d'accord avec vous.
M. Rodgers : Je crois que, dans l'ensemble, la radio tente de jouer ce rôle. C'est certainement le cas pour le service anglais. Ce n'est pas tellement le cas pour la télévision, alors peut-être qu'on devrait permettre à M. Cox de commencer sa diatribe — sa présentation.
M. Cox : Je n'ai vraiment pas de diatribe à entamer parce que nous avons un problème avec le service anglais de la SRC à Montréal, la station CBMT, et c'est probablement en partie à cause des ressources et d'autres problèmes. Toutefois, la solution ne se trouve pas chez Radio-Canada, c'est plutôt au siège de la CBC à Toronto ou à Ottawa, donc nous croyons que c'est là qu'il faut aborder la question.
Nous avons un problème avec la télévision éducative parce que cela n'existe pas pour les anglophones au Québec, et le gouvernement québécois n'est pas à la veille d'en mettre sur pied. Donc, il faudra trouver une autre façon d'avoir ce genre de programmation. Nous avons un problème avec la télévision communautaire parce que depuis 1997, quand CF Câble de l'ouest de l'île a été acheté par Quebecor, la télévision communautaire en langue anglaise a complètement disparu de la province de Québec.
Nous avons plusieurs problèmes à plusieurs niveaux, y compris avec la SRC. Il nous semble qu'à certains niveaux, il y a une meilleure volonté d'agir davantage à la recherche de solutions, mais les difficultés sont parfois accablantes.
Le sénateur De Bané : Le 26 mars, nous avons eu comme témoin à notre comité la directrice générale des services régionaux, Mme Patricia Pleszczynska, et vous pouvez facilement consulter Internet pour voir la discussion que nous avons eue. Il s'agit du fascicule no 8 du 26 mars. Elle a abordé longuement ce que fait le service anglais de la SRC dans la province de Québec. Vous voudrez peut-être le lire et la consulter parce qu'elle est responsable d'une manière générale de la programmation et elle est aussi directrice générale.
Maintenant, voilà ce qui m'intéresse en tant que sénateur du Parlement canadien. Je prends les trois principaux objectifs édictés par la Loi sur la radiodiffusion pour la SRC et pour lesquels les citoyens canadiens payent par leurs impôts. Il s'agit, premièrement, de refléter le Canada et de rendre compte de sa diversité régionale tout en servant les besoins de ces régions, qu'il soit anglophone ou francophone, reflétant les besoins particuliers de chaque communauté de langue officielle, surtout pour les minorités linguistiques, et chercher à être de qualité équivalente. S'ils ne le font pas, il faut alors nous poser la question à savoir s'ils reflètent vraiment le mandat qu'on leur a donné et la logique d'avoir un radiodiffuseur public.
Vous me dites, comme c'est le cas avec les autres communautés de langue officielle en situation minoritaire, qu'ils ne sont pas aussi bien servis qu'ils devraient l'être. Pour ce qui est du français, ils ont un vaste réseau dans toutes les provinces sauf à Terre-Neuve. C'est surtout pour leur auditoire régional, et non pas pour le réseau, particulièrement les émissions d'information et d'affaires publiques.
Au Québec, ce que je trouve très triste, c'est qu'on n'entend jamais parler de la communauté anglophone à la Société Radio-Canada.
Récemment, Michel David, du Devoir, a dit que M. Mulcair, le chef du NPD, n'était pas trop populaire au Québec quand il était le président de l'organisme anglophone Alliance Québec. Je demandais pourquoi il ne pourrait pas servir dans ce poste, comme il l'a fait. Il a dit : « Heureusement, ils m'ont oublié. » Avez-vous des commentaires que vous voudriez partager avec nous?
M. Rodgers : En réponse à cette question, Kirwan et moi participons à un groupe consultatif auprès du CRTC. Nous avons fait de nombreuses présentations au CRTC au sujet précisément du contenu télévisé, et quand il définit le reflet régional ou le contenu régional, c'est seulement par rapport à la production et non au contenu. Si la SRC produit une émission d'une heure en anglais au Québec, peu importe le sujet, elle est considérée comme le reflet régional.
Quand la SRC monte des productions en anglais au Québec, nous aimerions que le contenu soit pertinent à la collectivité anglophone. Cela semble être un problème que le CRTC refuse de traiter. Il ne dira pas aux producteurs ce qu'ils devraient produire. Il leur dira combien dépenser et où en faire la production parce qu'il s'agit de quelque chose qui est quantifiable et mesurable.
Même quand on a réussi à les convaincre d'assurer le reflet régional, la plupart du temps il s'agit d'une émission qui n'a aucun lien avec notre communauté. C'est extrêmement frustrant.
[Français]
La présidente : Le sénateur Fortin-Duplessis aimerait poser une dernière question.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Ma question sera très brève. Avez-vous l'intention de déposer un autre mémoire au CRTC dans le cadre du processus de renouvellement des licences de CBC/Radio-Canada? Si oui, avez-vous davantage de revendications ou si ce sont toujours les mêmes?
[Traduction]
M. Rodgers : M. Cox et moi avons déterminé que nous ne possédons pas tous les renseignements nécessaires. La SRC ne semble pas publier des rapports aussi détaillés que les diffuseurs publics, alors nous n'avons pas les statistiques qui nous permettront de faire des analyses approfondies de ce qu'elle fait, comment elle le fait et pourquoi elle le fait. Nous avons demandé que la SRC nous fournisse cette information à temps afin qu'elle puisse faire partie de nos mémoires lors des renouvellements des licences, et nous espérons que ce sera le cas.
M. Cox : Bien sûr, nous allons intervenir dans le processus de renouvellement des licences de la Société Radio- Canada quand viendra le temps. Notre intervention sera plus détaillée que celle que nous avons faite ce soir. C'est une lutte constante d'obtenir du CRTC de l'information que nous pouvons utiliser, qu'il s'agisse des diffuseurs privés ou de la SRC. Étant donné le point auquel l'intégration verticale limite le nombre de diffuseurs au pays, il devient encore plus important que le système de diffusion soit ouvert et transparent. Nous demandons à des intervenants comme vous d'assurer ou de recommander au CRTC, au gouverneur en conseil, à quiconque, que l'intégration verticale signifie une plus grande transparence au niveau de la reddition de comptes. Quand on a 25 ou 50 diffuseurs, la confidentialité est essentielle, mais quand on en a deux ou trois, c'est une tout autre question. Nous avons besoin de meilleurs renseignements, et nous espérons que vous allez pouvoir nous aider à en avoir.
La présidente : Au nom des membres du comité, je vous remercie encore une fois d'être venus aujourd'hui. Je vous remercie de vos exposés, et des très bonnes réponses que vous avez données aux membres du comité.
Si jamais vous avez d'autres renseignements qui, selon vous, devraient être communiqués au comité, n'hésitez pas, envoyez cette information à la greffière du comité; nous vous en serions reconnaissants. Comme vous savez, nous terminons notre étude, et il ne reste environ qu'un mois et demi avant de terminer cette étude.
M. Cox : Avant que vous ne quittiez, puis-je remercier Mme Danielle Labonté, votre greffière? Elle a fait un excellent travail.
La présidente : Nous sommes d'accord. Merci beaucoup.
[Français]
La présidente : Nous allons suspendre la séance pour quelques minutes.
Honorables sénateurs, le comité poursuit son étude sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, le respect des droits linguistiques des Canadiens et sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.
Le comité s'intéresse maintenant au point de vue des organismes francophones du milieu de l'éducation dans le cadre de ces deux études. C'est avec plaisir que nous accueillons M. Yves St-Maurice, président, et M. Richard Lacombe, directeur général de l'Association canadienne d'éducation de langue française. Nous accueillons également M. Roger Paul, directeur général de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones.
Merci, messieurs, d'avoir accepté l'invitation de comparaître devant le comité.
J'invite l'Association canadienne d'éducation de langue française à débuter avec sa présentation. La Fédération nationale des conseils scolaires francophones suivra, puis les sénateurs poseront des questions.
Yves St-Maurice, président, Association canadienne d'éducation de langue française : Mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, tout d'abord j'aimerais vous remercier de cette invitation. C'est un privilège pour nous de l'Association canadienne d'éducation de langue française, l'ACELF, de présenter notre point de vue aux membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles.
Depuis 65 ans maintenant, l'ACELF contribue au développement de l'éducation de langue française pour soutenir la vitalité des communautés francophones au Canada. Toujours au diapason de la société, notre association a rapidement compris le potentiel d'Internet et s'en est servi pour diffuser de la réflexion sur l'éducation francophone et du matériel pédagogique d'avant-garde dans les domaines touchant l'identité francophone et le sens de l'appartenance à une francophonie contemporaine et inclusive.
Je vous donne rapidement deux exemples des succès rencontrés. Dès 1996, soit il y a 16 ans, notre revue Éducation et Francophonie est devenue l'une des premières publications scientifiques canadiennes à prendre le virage technologique, ce qui a permis d'augmenter considérablement l'accessibilité de la revue et son rayonnement. La revue compte plus de 9 700 lecteurs au Canada et dans le monde.
Depuis 14 ans maintenant, nous avons mis à la disposition du personnel enseignant des écoles de langue française une banque d'activités pédagogiques (BAP) spécialisée en éducation de langue française. L'enseignant a accès gratuitement à plus de 550 activités. C'est un outil très consulté et très populaire. Plus de 270 000 activités de la BAP sont téléchargées chaque année.
Notre association met beaucoup d'énergie à tirer davantage des possibilités que nous offrent l'Internet et les réseaux sociaux. Par exemple, nous avons organisé un concours pancanadien d'écriture où une classe d'élèves est invitée à compléter une histoire commencée par une autre classe située dans une autre province ou territoire. Nos partenaires en éducation ont aussi de très belles réalisations dans ce domaine.
Nous constatons donc que la disponibilité des ressources en éducation francophone est là et que le mouvement est en pleine croissance. Toutefois, ce que nous aimerions faire valoir aujourd'hui, c'est la nécessité d'investir pour créer des espaces francophones dans le cyberespace; des espaces où les jeunes pourront se retrouver, vivre leur identité francophone et rencontrer d'autres jeunes francophones.
Comme on le sait aujourd'hui, la socialisation des jeunes est largement influencée par l'utilisation des nouvelles technologies. On peut évoquer ici le clavardage, le réseautage social, les jeux sur ordinateur, que ce soit des jeux de rôle ou des jeux d'action, la téléphonie mobile, et cetera. Or, dans les communautés francophones situées en milieu minoritaire et, dans une certaine mesure, aussi au Québec, cette socialisation se passe en grande partie en anglais. En fait, de manière générale, beaucoup de jeunes pensent que tout ce qui est vraiment intéressant pour eux se passe en anglais : le sport, les chansons, les films, les réseaux sociaux, et cetera.
Il existe de nombreuses idées qui pourraient être mises en œuvre pour favoriser chez nos jeunes l'émergence d'une identité numérique francophone. Comme le temps est restreint, nous n'allons en évoquer que deux qui touchent plus particulièrement notre champ d'action qu'est l'éducation.
Premièrement, il faudrait créer sur le Web 2.0 une variété d'espaces francophones où les jeunes pourraient s'exprimer, communiquer, interagir, se découvrir et grandir. Cette piste nous semble être une stratégie prioritaire à mettre en place pour assurer le développement et la vitalité de nos communautés francophones et de notre francophonie canadienne. Force est de constater que de nombreux milieux scolaires, ne sachant pas comment ces nouvelles plateformes peuvent être utilisées de manière pédagogique pour favoriser la construction identitaire francophone des jeunes, interdisent tout simplement leur utilisation en classe.
Bref, d'un côté les jeunes francophones vivent dans un univers virtuel passablement anglophone, et de l'autre, l'école interdit — pas partout, mais à plusieurs endroits — la plupart de ces plateformes. Heureusement, il existe de nombreuses initiatives intégrant de manière créative l'utilisation de ces nouvelles plateformes dans un but pédagogique. Par exemple, l'utilisation de textos pour des œuvres de poésie collective, la création par les jeunes de mini, sites Web et de blogues où ils peuvent s'exprimer et s'affirmer sur les thèmes qui les intéressent comme le sport, le cinéma, la mode, et cetera. De nouvelles plateformes variées en évolution constante et rapide pourraient permettre aux jeunes de découvrir, vivre et grandir en français.
Entendons-nous bien, il n'est pas question ici de créer des espaces francophones pour ne discuter que d'enjeux touchant la francophonie. Sans exclure cette thématique fort importante, l'idée est que les jeunes puissent discuter sur Internet et dans les réseaux sociaux de tous les sujets et de pouvoir le faire naturellement, en français, avec leurs amis, leur famille et leur réseau social. Par exemple, il serait intéressant de donner aux jeunes la possibilité de mettre en ligne des productions personnelles où ils expriment leurs opinions sur différents enjeux touchant leurs intérêts personnels, leur vie, et bien sûr, leur place dans la francophonie. On pourrait y retrouver des productions vidéos, audios, multimédias, et cetera. Ce serait l'occasion d'en discuter avec d'autres jeunes francophones vivant partout au Canada; une occasion de développer leur identité francophone numérique.
Deuxièmement, pour ne pas être rapidement déphasé par rapport aux jeunes et pouvoir assumer auprès d'eux notre rôle d'éducateur tout au long de leur cheminement culturel, la famille et l'école doivent développer les compétences technologiques et relationnelles qui sont devenues nécessaires dans le monde d'aujourd'hui. La connaissance des pratiques médiatiques des jeunes, des apprentissages qu'elles impliquent et du rôle des techniques informatiques jouent dans leur socialisation. Toutes ces techniques constituent un pas vers la compréhension des jeunes. Par exemple, il faudrait offrir aux parents des ressources en ligne leur fournissant des trucs, des idées pour développer l'identité francophone de leurs jeunes dans leur usage des nouvelles technologies. Il faudrait aussi offrir au personnel enseignant des ressources en français sur l'utilisation des nouvelles technologies en salle de classe, à l'école, et cetera.
Bref, il faut créer des cyberespaces francophones où les jeunes pourront vivre leur francophonie, des espaces de liberté, de création de contenu, d'échange d'idées, de découverte des autres, des cultures et du monde. Des espaces où les jeunes pourront se faire connaître et reconnaître comme francophones, fiers d'eux, désirant interagir comme membres d'une communauté francophone et d'une société canadienne bilingue ouverte sur l'avenir.
Roger Paul, directeur général, Fédération nationale des conseils scolaires francophones : Membres du Comité sénatorial permanent des langues officielles, mesdames les sénatrices, monsieur le sénateur, bonjour.
Au nom de la Fédération nationale des conseils scolaires francophones et à titre de directeur général, je tiens à vous remercier pour l'invitation que vous avez lancée à notre organisme à comparaître devant votre comité dans le cadre de son étude sur l'utilisation d'Internet, des nouveaux médias, des médias sociaux et le respect des droits linguistiques des Canadiens. La présentation que nous ferons nous permettra de vous faire connaître davantage la FNCSF, tout en partageant le point de vue de l'organisme sur les grandes questions que soulève votre étude, en particulier en ce qui a trait au domaine de l'éducation.
Tout d'abord, permettez-moi de vous parler brièvement de la Fédération des conseils scolaires francophones. Il s'agit d'un organisme à but non lucratif qui représente, au plan canadien, 31 conseils scolaires et commissions scolaires francophones et acadiens. Ces conseils et commissions scolaires offrent des services éducatifs en français à plus de 150 000 élèves rassemblés dans plus de 630 établissements scolaires répartis dans les provinces et les territoires canadiens où le français est la langue parlée par une minorité de citoyens.
La mission de la fédération se résume à assurer la vitalité et la pérennité des écoles de langue française au Canada et, ainsi, à contribuer à l'épanouissement et à la vitalité des communautés francophones et acadiennes. La fédération, soucieuse d'atteindre ses objectifs stratégiques, collabore avec plusieurs partenaires dont l'ACELF, évidemment, qui a un intérêt pour l'éducation en langue française. Entre autres activités, notons une contribution majeure de la fédération pour rassembler de nombreux partenaires dans un dossier de grande envergure, soit le Plan d'action pour la mise en œuvre de l'article 23.
Lors du Sommet des intervenants en éducation de juin 2005, les quelque 200 participantes et participants représentant diverses instances ayant un intérêt pour l'éducation, en provenance des communautés francophones et acadiennes du Canada, ont confié à la fédération la responsabilité de coordonner la mise en œuvre du Plan d'action — article 23. Il fut décidé de former un comité tripartite constitué des représentants des trois parties prenantes de l'éducation en français en milieu minoritaire, soit la communauté, incluant les conseils scolaires, les gouvernements des provinces et des territoires et le gouvernement du Canada. Ce comité tripartite, sous la coordination de la Fédération des conseils scolaires, a pour mandat d'assurer la mise en œuvre et la réalisation des objectifs du Plan d'action — article 23.
La FNCSF a déposé, en novembre 2011, un bilan très positif des démarches et des réalisations du Plan d'action — article 23. Vous pouvez trouver ce bilan sur notre site web et si cela vous intéresse, vous allez voir que la francophonie dans le domaine de l'éducation se porte bien.
Afin de donner suite aux réalisations de l'éducation, la fédération a organisé un deuxième sommet qui a eu lieu, il y a quelques semaines à peine, à Edmonton.
Nous avons produit un document d'orientation qui a fait l'objet d'une concertation lors de ce sommet. Ce document et ses orientations serviront de base au prochain plan d'action. Vous pouvez le lire, il est sur notre site web.
Plus de 200 participants y étaient et l'ensemble des organismes francophones ont traité d'éducation, de petite enfance, de pédagogie, de diversité culturelle et immigration, ainsi que de construction identitaire.
L'école de langue française dans le contexte minoritaire et les langues officielles : il est reconnu que la spécificité de l'école de langue française réside dans sa mission qui est à la fois d'éduquer les élèves qui la fréquentent et de protéger, de valoriser et de transmettre la langue et la culture de la communauté qu'elle dessert.
En appui à la réalisation de ce mandat qui est à la fois éducatif, culturel et communautaire, la FNCSF soutient la vision d'une école minoritaire citoyenne. Lors de la période des questions, si j'en ai la chance, je pourrai peut-être vous en parler un peu.
Cette vision a été élaborée grâce à la collaboration des membres de la Table nationale sur l'éducation, qui regroupe 12 organismes pancanadiens ayant un intérêt pour l'éducation, qui voulaient, d'un commun accord, se donner un projet rassembleur. Selon cette vision, l'école communautaire citoyenne de langue française est un lieu d'apprentissage, de socialisation et de construction identitaire, en osmose avec la communauté qu'elle dessert. Elle contribue à la réussite des élèves, à l'épanouissement de leur communauté et à l'éclosion d'une conscience solidaire globale. À ces fins, elle suscite l'engagement, mobilise ses élèves, le personnel scolaire, les parents et les partenaires du milieu.
Selon cette perspective de l'éducation, les apprentissages sur lesquels repose la réussite globale des élèves se font dans des contextes réels correspondant aux réalités et aux particularités des communautés. Or, pour actualiser cette vision, l'apprentissage des deux langues officielles est essentiel et s'inscrit dans l'ensemble des démarches pédagogiques. Ainsi, les élèves qui fréquentent l'école de langue française évoluent dans des conditions qui permettent le développement d'un bilinguisme additif durable.
Internet, les nouveaux médias et les médias sociaux au service des apprentissages : l'accessibilité croissante aux technologies de l'information et des communications et la facilité qu'ont les jeunes à utiliser cette technologie viennent transformer de façon importante les pratiques pédagogiques. C'est tout le rapport au savoir qui est remis en question. L'école n'est plus le seul lieu d'accès aux connaissances. Face à cette nouvelle réalité, le monde de l'éducation n'a pas le choix d'adapter ses pratiques afin de mettre à profit l'utilisation des technologies à l'acquisition des connaissances et au développement des compétences essentielles au XXIe siècle. Toutefois, ce passage vers l'utilisation complète de l'Internet, des nouveaux médias et des médias sociaux au service de l'éducation ne peut se faire à la légère. L'activité virtuelle déployée sur la toile est à l'image des sociétés qui y ont accès. Le caractère universel du Web rend accessible toute la richesse de la créativité humaine, mais elle expose aussi les vices et les travers de l'humanité.
L'utilisation intelligente des technologies exige de nouvelles compétences de discernement et d'analyse critique. Face au contenu qu'on y trouve et à celui que l'on crée et qu'on y dépose, le développement de ces nouvelles compétences doit faire partie des curricula de toutes les écoles.
L'espace francophone sur Internet, dans les nouveaux médias et les médias sociaux : Fidèle à son mandat culturel, l'école de langue française doit contribuer à l'élargissement et à la promotion de l'espace francophone. Ceci est également valable lorsqu'il s'agit de l'espace virtuel qui fait partie de l'environnement quotidien dans lequel les jeunes communiquent régulièrement, développent des réseaux sociaux, partagent leurs créations, font des apprentissages de tout ordre et construisent leur identité. La présence du français sur l'Internet, dans les nouveaux médias et dans les médias sociaux est essentielle pour que les francophones puissent développer leur sentiment d'autonomie et d'appartenance, en contribuant activement à la vitalité des communautés francophone et acadiennes et au développement même du Canada. Ces sentiments sont à la base de la construction identitaire des jeunes Canadiennes et Canadiens.
Afin que l'école puisse maximiser l'exploitation des technologies de l'information et de communication dans ces approches pédagogiques, il est essentiel qu'elles soient soutenues dans ses efforts d'élargir l'espace francophone par tous les partenaires qui ont un intérêt pour l'éducation. Ainsi, le gouvernement fédéral et la société civile doivent se soucier de la dimension linguistique et culturelle du contenu qu'ils déposent sur le Web ainsi que sur la nature des services qu'ils offrent aux francophones. Ils doivent être conscients que ces contenus, en plus de servir à informer les Canadiens et les Canadiennes, sont utilisés comme ressources pédagogiques et sont exploités par les enseignantes et les enseignants. Ces contenus doivent véhiculer les valeurs culturelles et linguistiques du pays.
L'école de langue française doit retrouver l'appui inconditionnel des différents paliers de gouvernement et de l'ensemble de la société civile. L'école, c'est un lieu qui finalement utilise davantage maintenant les médias sociaux que les manuels de classe, de là l'importance d'avoir le plus de français possible dans les médias sociaux.
En guise de conclusion, j'allais vous dire qu'à la question sur le rôle que peut jouer le secteur de l'éducation pour le respect des droits linguistiques, en ce qui a trait à l'Internet, aux nouveaux médias et médias sociaux, nous répondons qu'il est majeur et s'inscrit au cœur même de la mission des écoles de langue française en milieu minoritaire. C'est pourquoi les différents paliers de gouvernements et les différents secteurs de la société civile doivent se mobiliser pour appuyer l'école et offrir des espaces réels et virtuels d'apprentissage riche qui tiennent compte de la diversité et des besoins de toutes les citoyennes et de tous les citoyens.
Le sénateur Tardif : Merci, madame la présidente. Je vous souhaite la bienvenue et je vous remercie de votre présentation. Je tiens aussi à vous féliciter pour tout le travail que vous faites pour assurer une bonne éducation en français pour nos enfants. En plus, je voudrais féliciter la Fédération nationale des conseils scolaires francophones, qui a tenu son sommet sur l'éducation à Edmonton. Justement, je crois qu'un des thèmes importants était toute la question des nouvelles technologies et la communication. J'ai rencontré plusieurs enseignants et enseignantes qui sont ressortis ravis de leur expérience. Bravo!
Je demeure préoccupée par le fait que le français n'est pas très utilisé par nos enfants dans leur contexte social. Dans quelle mesure nos enfants peuvent-ils avoir accès à du contenu en français sur les nouvelles plateformes, les nouveaux médias sociaux? Dans quelle mesure sont-ils capables d'avoir accès à ces contenus en français?
M. Paul : Effectivement, avait lieu, de façon simultanée, le sommet sur l'éducation et le Grand Rassemblement de l'éducation francophone, qu'on appelle le GREF, et cette fois-ci, le thème du Grand Rassemblement de l'éducation francophone était justement la génération « apps » — la générale applications. Tous les enseignants et enseignantes présents discutaient justement des médias sociaux, de la présence du français et de son accessibilité. On doit vous dire que ce n'est pas évident. C'est loin d'être facile d'accéder à du contenu francophone et il y a du travail à faire à ce niveau.
M. St. Maurice : Le phénomène des médias sociaux tel qu'on le connaît aujourd'hui, les adultes formateurs de 25 à 60 ans que nous sommes n'ont pas été formés dans cette plateforme et, à certains égards, sont même en retard sur les élèves qui apprennent, l'un des ajustements sur lesquels on est en train de travailler. Il faut comprendre aussi que la fédération et l'ACELF, on a les doigts pas mal entremêlés, on travaille beaucoup en partenariat. D'autres fédérations travaillent aussi en partenariat avec nous. On n'est pas seuls, mais on touche à l'éducation francophone, on touche aux jeunes. On parle même de la petite enfance maintenant, on veut les prendre le plus tôt possible, mais le travail doit se faire en parallèle, je dirais. Pendant qu'on fait de la formation, de l'éducation et du développement avec nos jeunes, il faut aussi le faire avec ceux qui donnent et qui développent les apprentissages. C'est tout un défi.
La semaine dernière, j'étais à la Commission sectorielle de l'UNESCO en éducation, ici même à Ottawa, et on a relevé un défi pour l'éducation permanente, pour l'éducation des adultes et pour l'alphabétisation.
Dans un contexte où tout va tellement vite, le grand défi c'est de bien préparer nos formateurs et ce, peu importe le niveau auquel ils doivent travailler. Il faut développer l'intérêt mais il faut aussi être capable de guider. Toute la plateforme francophone va se faire avec le développement des formateurs. Il faut savoir rendre les choses intéressantes. Dans les classes du Québec, il y a maintenant des tableaux qu'on appelle des Smart Boards et c'est un conférencier d'Edmonton qui a fait la remarque que d'ici trois ans au Québec, toutes les classes auront un Smart Board. C'est pourquoi il ne faut pas oublier les professeurs, il faut les former. Et même si on les forme techniquement, il faut former leur esprit. C'est un grand défi.
Richard Lacombe, directeur général, Association canadienne d'éducation de langue française : Pour ce qui est de l'accessibilité au contenu internet, on sait qu'il en existe beaucoup. On réalise que les jeunes et les enseignants ne le connaissent pas nécessairement. Il y a un gros effort de conscientisation à faire. On travaille avec la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes qui a produit l'étude avec laquelle on travaille tous.
On va leur laisser l'occasion de vous parler de ce document — Technologies et construction identitaire — lorsqu'ils viendront témoigner. Avec la Fédération canadienne des enseignants et enseignantes et l'ACELF, on est en train de développer un outil qui s'appuie sur les résultats de cette étude qui conclut qu'il faut conscientiser les jeunes. On s'est aperçu qu'une proportion importante de jeunes ne connaissaient pas Wikipedia et ignoraient ce qu'était un wiki.
Il y a beaucoup de choses très intéressantes à découvrir. Sur les réseaux sociaux, comme on pouvait s'y attendre, il y a plus de filles que de gars. Par contre, ce sont plus les gars qui créent le plus de blogues. Et quand on creuse un peu la question, on s'aperçoit que c'est parce qu'ils peuvent créer des blogues sur le sport ou sur d'autres choses qui les intéressent. Il y a beaucoup de potentiel là-dedans et c'est pourquoi il faut conscientiser les jeunes à utiliser une identité numérique francophone.
On leur demande : « Si quelqu'un va voir ton profil Facebook, est-ce qu'il va s'apercevoir que tu es francophone? » Ils nous répondent : « Non, il ne s'en apercevra pas. » Par contre ce qui est positif, c'est que lorsque des jeunes de la même école discutent sur les réseaux sociaux, 50 p. 100 le font en français.
Il faut dire que 50 p. 100 le font en anglais, il y a donc du potentiel. Il s'agirait de l'exploiter et c'est ce qu'on veut faire dans le cadre de milieux éducatifs et par le biais de l'accessibilité, la conscientisation et le développement d'un esprit critique. Peu importe la langue, ce sont des choses qui vont accompagner le jeune dans toutes ces sources d'informations qui ne sont pas nécessairement crédibles.
Le sénateur Tardif : J'ai beaucoup apprécié les réponses que vous nous avez données. Je crois que vous avez touché des éléments très importants. Dans cet esprit de sensibilisation, est-ce que des initiatives de réseautage entre les responsables de la technologie et les conseils scolaires francophones ont été mises en place?
M. Paul : Tout à fait. Il y a le Réseau national de leadership en apprentissage, qu'on appelle aussi le RNLA, qui met justement l'accent sur l'apprentissage et les compétences que les jeunes ont besoin pour faire face au XXIe siècle.
Les directions générales des 31 conseils scolaires — et bientôt les directions générales adjointes, les enseignants et les chefs de section — auront accès à un réseau virtuel via Adobe Connect. Il ne faut pas tenir pour acquis que les enseignants maîtrisent tout ce qu'il faut maîtriser sur le plan des nouvelles technologies. On ne vous apprend rien si on vous dit que les jeunes ont de l'avance sur nous.
Il y a aussi les leaders des conseils scolaires, qui ont en moyenne l'âge de M. St-Maurice, pour ne pas dire l'âge de M. Paul. Notre génération n'est pas venue au monde avec un ordinateur dans les mains. Il faut trouver des façons de se former. Sans nécessairement assister à des conférences, il faut être dans notre bureau, comme le jeune est derrière son ordinateur, et pouvoir se parler ordinateur à ordinateur au sujet des ressources nécessaires par rapport à l'apprentissage au XXIe siècle. Il faut aussi parler de ce quoi aura l'air l'école en 2024 lorsque nos jeunes qui commencent l'école vont terminer en 2024.
Tout ce discours n'est pas très vieux, on commence tout juste à en discuter. En même temps, je crois que c'est encourageant de pouvoir dire que cela se fait et on va étendre le concept un peu partout dans les écoles. Mieux on va comprendre ce qui se passe, plus on va comprendre l'utilité des nouvelles technologique et plus on sera en mesure de répondre aux besoins des jeunes.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Tout comme ma collègue, j'ai beaucoup apprécié vos présentations. On a entendu une jeune femme qui venait d'une des provinces maritimes, je ne me souviens pas laquelle. On lui a posé toutes sortes de questions, elle a présenté son mémoire et je crois qu'elle était dans le domaine de l'enseignement.
À la fin des travaux du comité, son mari lui a dit : « Pourquoi tu ne leur as pas dit que les élèves passent leur temps à naviguer sur Internet en anglais? » Est-ce qu'il y a un danger que les jeunes francophones en situation minoritaire perdent leur langue à force de naviguer sur Internet en anglais?
M. St-Maurice : Personnellement, je vous dirais qu'il y a un danger oui, mais ce danger n'est pas plus grand que le danger de leur environnement immédiat. Dans beaucoup de communautés, on parle peut-être français à la maison, mais ce n'est pas toujours le cas. On impose au moins la culture du français dans l'école et quand on se sert des médias électroniques à l'école, c'est en français.
Il restera toujours l'environnement externe. Au Québec, on est confrontés à cela mais d'une autre façon. Entre eux les jeunes s'échangent des textos en langage texto. Le langage texto est indéchiffrable et compréhensible entre individus de la même race. En vieillissant, ils peuvent le changer pour l'alphabet ordinaire. Je vous dirais tout de même qu'il y a un danger et c'est pourquoi il faut travailler sur les plateformes en français.
On fait aussi beaucoup de liens. Lorsqu'on fait la BAP, elle est accessible partout au Canada. Ce sont déjà des liens Internet qui permettent des activités d'apprentissage en français, mais c'est pour les formateurs. Pour les enfants, on a de plus en plus d'échanges qui se font. On parlait d'un concours tout à l'heure qui a été instauré cette année. On commence une histoire collective dans une classe, on la fait continuer en Alberta, on la ramène au Nouveau- Brunswick; on peut vivre avec ça. Quand on fait des échanges francophones entre les jeunes, ce sont des échanges physiques, mais on fait aussi des échanges multiples par le biais de Twitter ou autres et ils vont correspondre entre eux en français. Finalement, pour répondre à votre question, je dirais qu'il faut créer des espaces francophones à travers l'espace francophone. On est au début. Il faut donc travailler, il faut en être conscient, c'est ce que vous dites.
Le sénateur Fortin-Duplessis : Vous avez dit, dans les exemples que vous avez donnés lors de votre présentation, que le personnel enseignant avait parfois des réticences au sujet des nouveaux médias. Est-ce que j'ai bien compris?
M. St-Maurice : Vous avez bien compris. Ceux qui ont 35 ans et plus sont en train d'apprendre. Ils doivent apprendre avant de se servir et de servir les autres. Des réticences oui, il y en a. J'ai vu dans beaucoup de classes des gens qui ne savent pas utiliser le tableau intelligent qui est dans leur classe. Il faut prendre le temps de les former. Ils vont pouvoir les utiliser, mais ce n'est pas dans leurs habitudes, dans leur formation de base. De la réticence peut-être, mais de la peur, de la crainte, de la paresse aussi. Il peut y avoir toute sorte de choses. Cela dépend des individus.
Le sénateur Losier-Cool : Pour avoir enseigné pendant 33 ans, je peux confirmer tout ce que vous dites. Je pense que les gens en général se sentent anxieux face à la nouveauté. C'est pour cette raison qu'il est très important de responsabiliser les maisons de formation, les universités, afin de former des technopédagogues.
Je vais vous poser la question qui tue. Le commissaire aux langues officielles annonçait cette semaine, dans les médias, qu'il veut entreprendre une étude afin de savoir comment sont distribués les montants négociés lors des ententes entre Patrimoine canadien et les ministères d'éducation pour les programmes de langues officielles.
Est-ce que vos deux associations, que ce soit au niveau des conseils scolaires ou de l'éducation, sont consultées lors de la négociation de ces ententes? Sinon est-ce que vous pensez que ce serait bon qu'elles le soient?
M. Paul : Je peux dire que le mot « consultation » est très large. Est-ce qu'on nous demande parfois notre opinion? Oui. Est-ce qu'on écrit certains mémoires? Oui.
Quand vous parlez des ententes fédérales-provinciales, car c'est de cela dont on parle, on peut dire qu'il y a quand même une faille au niveau de ces consultations. C'est que tout se passe entre le fédéral et le ministère de l'Éducation. Mais les premiers concernés sont les conseils scolaires, il me semble, parce qu'on parle de montants que l'on remettra aux conseils scolaires.
Dans un premier temps, pour moi, c'est inacceptable. On l'a mentionné aux responsables à Patrimoine canadien. Par contre, on nous dit que la loi est ainsi faite, que cela se passe entre le fédéral et le provincial, et le conseil scolaire, qui est l'intermédiaire, est invité à la table seulement si la province l'invite.
Tout dernièrement, nos conseils scolaires ont envoyé une lettre à leur ministère de l'Éducation pour leur demander d'être présents à la table lors des discussions sur l'éducation et les fonds qui y sont dédiés. Cela a fonctionné seulement dans certains cas, mais pas dans la majorité. Deuxièmement, c'est le suivi qu'on assure une fois qu'on a remis l'argent. C'est inacceptable également.
Le sénateur Losier-Cool : C'est là que le bât blesse.
M. Paul : On l'a démontré il n'y a pas tellement longtemps lorsque nous sommes allés en cour, au Territoires du Nord-Ouest et au Yukon. Par exemple, au Yukon, c'est public. Le gouvernement du Yukon a pris les montants qui devaient être alloués à l'éducation en langue française et les a réinjectés dans l'immersion. Mais l'immersion ce n'est pas l'éducation en langue française. Est-ce qu'on est préoccupé par cela? Oui. Est-ce qu'il y a des choses qui devraient être faites en ce sens? Absolument.
Le sénateur Poirier : Avec l'arrivé des médias sociaux dans les écoles, il est certain qu'on vient d'ouvrir le monde à nos étudiants et aux enseignants. C'est sûr qu'il y a beaucoup de côtés positifs avec, par exemple, les bibliothèques en ligne pour faire des recherches. Mais cela a aussi apporté des problèmes.
J'aimerais avoir vos commentaires sur la cyberintimidation parmi les élèves. Est-ce que l'arrivée des médias sociaux a apporté une nouvelle façon de faire de l'intimidation à travers la cyberintimidation? Et dans l'affirmative, quelles pourraient être les solutions?
M. St-Maurice : Je crois que la cyberintimidation vient remplacer autre chose. Auparavant, c'était plus physique, cela se voyait plutôt dans la cour de récréation, dans la rue, avec les petites gangs à gauche et à droite.
Avec la venue des médias sociaux, l'intimidation se fait beaucoup plus facilement. On s'en préoccupe, oui, mais c'est une préoccupation qui appartient à la société, au gouvernement, aux corps policiers, et cetera. Avec la cyberintimidation, il y a une cyberpolice qui est en train de se développer. Je ne sais pas où elle est. Elle doit être occupée avec les manifestations présentement au Québec, mais elle aura du temps pour autre chose à un moment donné.
Cette expertise ne nous appartient pas, ce sont les accès qui sont les problèmes. On parle de pornographie, de tout ce qui se passe dans le cyberespace. Il y en avait avant, mais aujourd'hui, il y en a qui en font une mauvaise utilisation. C'est la même chose pour l'intimidation et la violence. On ne peut pas tout contrer. Sauf que dans les écoles à travers le Canada, les écoles anglophones comme francophones, il y a une vigilance accrue, et je dois vous dire que les responsables que je connais sont des gens qui s'en préoccupent et qui doivent contrer cette nouvelle violence. Il faut donc reconnaître cette violence et savoir comment la contrer. Il ne faut pas la négliger, parce qu'il n'y a pas d'espace qui ne se remplit pas.
M. Lacombe : Je parlais plus tôt d'esprit critique par rapport à toute l'information qui existe sur Internet. Avant on faisait une recherche, on allait à la bibliothèque de l'école ou de la ville. Il y avait déjà une sélection d'information qui était faite. Maintenant que la bibliothèque, c'est le monde, la sélection, le jeune doit l'apprendre. Donc si, à l'école, les enseignants n'abordent pas toute la question des réseaux sociaux parce qu'ils ne savent pas trop comment faire et quoi dire, ils manquent une occasion d'amorcer une réflexion avec les jeunes. Et on parle de cette situation ou d'autres qui pourraient arriver.
On parlait de la « nétiquette », l'étiquette qu'on doit avoir sur Internet, la responsabilisation que ce n'est pas parce que tu écris sous un pseudonyme que tu peux écrire n'importe quoi, ce n'est pas parce que c'est écrit que cela ne fait pas de mal. Je pense même que cela fait encore plus de dommages qu'un coup de poing. Il faut que les enseignants aillent plus loin et utilisent les réseaux sociaux afin d'apporter des nouvelles technologies et faire valoir le potentiel. Parce que là, on peut voir les problèmes, mais il faut voir aussi tout ce que cela peut apporter. Et on a vu que parfois, c'est par les réseaux sociaux que les gens se rassemblent pour marcher et défendre des gens.
Il faut que l'éducateur soit proche et qu'il accompagne aussi le jeune dans les réseaux sociaux. Si à l'école on n'accompagne pas le jeune, celui-ci se trouve laissé à lui-même. Et en plus, tout se passe en anglais dans nos communautés.
M. Paul : Le thème de notre dernier congrès, pour répondre à votre question, était celui-ci : Vers l'école communautaire citoyenne.
L'école ne peut pas tout faire. La différence entre une communauté francophone en milieu minoritaire et une communauté anglophone fait en sorte qu'il faut faire les choses différemment. On n'a pas le choix. On est trop petit en nombre. On a besoin l'un de l'autre. L'école communautaire citoyenne vise à faire en sorte qu'il y ait davantage d'entraide, de dialogue et de prise en charge entre l'école et la communauté.
J'aimerais répondre à votre question sur la cyberintimidation. L'intention est de faire en sorte que la communauté et l'école travaillent ensemble.
Le code de conduite ne s'applique pas qu'à une école. Pourquoi ne s'agirait-il pas d'un code de conduite pour une communauté de l'école? Ainsi, on informerait les parents et tous ceux qui ont un intérêt envers l'école, et on élaborerait ensemble un code de conduite. Il suffirait alors de sensibiliser les gens et les informer des différents recours.
Le problème ne se limite pas à l'école. Il est beaucoup plus large que l'école. Le problème se situe parfois entre les élèves de l'école. Toutefois, on parle de société.
Le sénateur Poirier : Les écoles de nos petites communautés francophones offrent-elles les mêmes services, en termes de médias sociaux, que les écoles des grandes villes francophones?
M. St-Maurice : Vous incluez le Québec?
Le sénateur Poirier : Oui.
M. St-Maurice : Vous voulez comparer les villes et les campagnes au Québec?
Le sénateur Poirier : Je parle du Québec, du Nouveau-Brunswick et de n'importe où. Il y a une petite école francophone dans la petite municipalité de Saint-Louis-de-Kent. Les services à cet endroit sont-ils équivalents à ceux offerts, par exemple, dans une école francophone à Dieppe ou à Moncton?
M. Paul : Les petites écoles et celles qui offrent plus de services doivent avoir des approches légèrement différentes. Sur cette question des médias sociaux, des cours à distance et des moyens électroniques, c'est à ce niveau que nous avons besoin d'aide, nous, francophones, par rapport à la majorité. On a plus de petites écoles, en proportion, que de grandes écoles. Pour répondre aux besoins, dans les petites écoles, il est important d'avoir de l'aide financière. Je parle en particulier des petites écoles. Cette aide fera en sorte que les jeunes puissent suivre leurs cours via Internet.
Au XXIe siècle, il n'existe aucune raison pourquoi on ne pourrait pas offrir une plus grande gamme de cours dans les petites écoles. Les cours existent déjà. Il suffit de les mettre en ligne. À plusieurs endroits, c'est ce qu'on fait. Toutefois, pour ce faire, il faut plus d'argent. De là l'importance des ententes avec les provinces. Dans ce sens, les médias sociaux, Internet et les cours en ligne peuvent aider énormément les petites écoles de langue française.
La présidente : Ma question fait suite à celle du sénateur Poirier. Ces petites écoles francophones situées en milieu rural et plus éloigné ont-elles accès à Internet? Bien souvent, elles n'ont pas accès à Internet haute vitesse. Cela diminue la qualité de ce qui est reçu. D'après vous, existe-t-il plusieurs de ces petites écoles qui n'y ont pas accès? Il ne suffit pas de développer. Si elles n'y ont pas accès, que peut-on faire?
M. Paul : Effectivement, plusieurs écoles n'ont pas accès à des bandes passantes suffisamment large pour offrir des cours en ligne. Nous devons alors compenser ces petites écoles pour faire en sorte que l'infrastructure se développe. Toutefois, les choses progressent sur ce plan. Il y a à peine cinq ans, beaucoup moins d'écoles avaient accès à cette bande. Les coûts sont fort élevés. Un jour, on devrait peut-être élaborer un plan de priorisation en termes de besoins des francophones dans certains milieux plus isolés pour essayer d'aider en ce sens.
M. St-Maurice : Il s'agit de rejoindre également toute la partie communautaire. Au Québec, certaines régions pas si éloignées sont touchées. Il y a dix ans, une région éloignée, au niveau technologique, pouvait être située près de la ville.
Dans les régions plus dépourvues aux niveaux approvisionnement, Internet et des bandes passantes, les communautés, les villages et la municipalité, conjointement avec la MRC au Québec ou d'autres, se sont dotés d'un accès au réseau. Forcément, l'école est entrée au cœur de cette communication. Ce fut le moyen, et probablement qu'il en va de même partout.
En Saskatchewan, il n'y a pas si longtemps, les écoles éloignées de certains centres — et on compte plus d'écoles éloignées que d'écoles dans les centres — étaient bien pourvues en ce qui concerne les réseaux virtuels. On regroupait les élèves, surtout de niveau secondaire, où le nombre n'était pas suffisant pour offrir un cours de mathématique, en une classe virtuelle de cinq classes, avec un professeur et des caméras. Ainsi, l'accessibilité à l'apprentissage, en Saskatchewan, et ailleurs sans aucun doute, est beaucoup plus grande.
Le taux de fréquentation de nos écoles francophones augmente, on voit une fidélisation accrue. On n'a pas plus de francophones au pays qu'avant, mais on n'a plus d'élèves francophones au pays, à part au Québec. On a des écoles qui sont plus remplis d'étudiants parce qu'elles fidélisent davantage et ils reviennent. Ils se servent de l'article 23 et font valoir leurs droits en plus grande proportion.
M. Paul : En ce sens, j'assistais, au mois de septembre, à une conférence sur les nouvelles technologies qui s'est tenue à Banff. Nous avons rencontré des personnes responsables de réserves amérindiennes qui font face à des défis similaires aux nôtre. On parle de nombres restreints dans des endroits moins développés. Or, on compense ces gens. On leur donne de l'argent pour améliorer l'accès à Internet haute vitesse.
Le sénateur De Bané : Le gouvernement canadien apporte-t-il un soutien pour développer en langue française la production dans le domaine du cyberespace en ligne?
M. Lacombe : Oui, au niveau du programme des langues officielles, au cours des dernières années, on a déposé beaucoup au niveau d'activités pédagogiques.
Le sénateur De Bané : Je vous demande si le gouvernement fédéral apporte un soutien pour permettre le développement de contenu en français dans le cyberespace.
M. Lacombe : Oui. L'ACELF développe en ce sens un guide, que nous voulons lancer prochainement. Ce sont ces genres de choses qui sont financées par le gouvernement fédéral.
Le sénateur De Bané : Le gouvernement fédéral apporte-t-il de l'aide pour d'autre contenu que les vôtres afin d'assurer une présence française en ligne?
M. St-Maurice : J'étais à Edmonton, il y a deux semaines, et j'ai vu des représentants de maisons d'édition qui travaillent avec les minorités en régions dans toutes les provinces du Canada. Ils sont très avancés à certains égards sur les apprentissages en ligne, donc dans le monde virtuel. La tendance est suffisamment forte pour dire qu'il y a une bonne proportion maintenant des ressources pédagogiques des maisons d'édition qui vont être dans le cyberespace.
Le sénateur De Bané : Je me reprends. Est-ce que le gouvernement canadien met des ressources financières pour augmenter la production en langue française pour le domaine informatique?
M. St-Maurice : Si je vous disais oui, je mentirais parce que je ne le sais pas.
Le sénateur De Bané : Nous sommes maintenant dans cette ère où, depuis quelques années, être analphabète c'est ne pas maîtriser ces différentes techniques. Nous sommes en Amérique du Nord. Nous sommes deux et demi p. 100 de la population. Alors, il est évident qu'en vertu de la loi du grand nombre, la majorité de la production est en langue anglaise.
Le gouvernement canadien devrait étudier à travers les différents organismes, comme les deux ici aujourd'hui, dans quelle mesure il peut aider financièrement pour augmenter le volume.
Les entreprises commerciales comme Google sont dans le monde entier, dans toutes les langues, parce qu'ils savent que plus ils ont de langues, plus ils vont vendre de la publicité et plus ils vont augmenter leur profit. L'intérêt commercial les amène à être disponibles dans toutes les langues du monde. Mais pour d'autres, je me demande dans quelle mesure vos organismes ne devraient pas réfléchir à cela et faire des recommandations.
Allez-vous présenter, tant la Fédération des écoles que l'ACELF, un mémoire lors des auditions du CRTC à l'occasion du renouvellement des permis de Société Radio-Canada et CBC qui aura lieu sans doute au début de 2013? Cela vaudrait la peine que vous y réfléchissiez parce que la Société Radio-Canada, particulièrement, devrait refléter nos minorités non seulement dans les programmes régionaux, mais sur leur réseau.
M. Paul : Je vous invite à lire ce qui est déjà sur le site web de la Fédération nationale, mais au nom de l'ensemble des organismes pancanadiens. Quand on disait tantôt qu'il y a une table nationale sur l'éducation, l'ACELF, la Fédération canadienne des enseignants, l'Association des universités, l'Association des collèges, l'Analphabétisation en font partie. Bref, 12 organismes pancanadiens ont donné leur accord à quatre grandes orientations sur lesquelles on va travailler pour les cinq prochaines années. Les quatre grandes orientations peuvent être reliées directement au sujet dont on discute aujourd'hui, mais de façon un peu plus particulière la pédagogie et la construction identitaire.
À votre première question : est-ce que le gouvernement appuie les conseils scolaires, les organismes en matière de production de matériel? Je répondrais oui, sauf que c'est projet par projet. C'est presque à la pièce alors qu'un sujet qui est aussi important que celui dont on discute aujourd'hui devrait faire l'objet d'une stratégie nationale francophone. C'est bien beau qu'un organisme comme l'ACELF ou que la Fédération nationale des conseils scolaires demande des sommes d'argent pour un projet relié directement, mais comme je le disais, il n'y a pas de stratégie globale. C'est tellement important pour l'avenir de nos jeunes et de nos communautés qu'il y en ait une. Il faudrait un forum pour pouvoir en discuter.
M. St-Maurice : Pour la deuxième question qui a pour sujet d'intervenir au CRTC. On a déjà écrit une lettre, il y a quelques mois, concernant notre préoccupation sur la présence de Radio-Canada dans les régions et dans nos communautés. On le répète ici à voix haute : s'il le faut, on fera des démarches, l'avenir de nos communautés francophones passe dans un réseau d'information local extrêmement important.
Dans certains endroits, il n'y en a pas. Ce sont les radios communautaires qui font le travail à bout de bras et à bout de bénévoles de bonne volonté, mais lorsqu'un bénévole-clé disparaît, la radio communautaire risque de disparaître faute de financement.
J'ai eu des témoignages en Nouvelle-Écosse il n'y a pas longtemps. Une dame va prendre une année sabbatique de son emploi professionnel pour travailler à la radio parce qu'elle aime faire de la radio. Cela a été la planche de salut pour la radio communautaire dans son milieu qui va pouvoir survivre une autre année.
À Radio-Canada, on a vu toutes sortes de choses qui se sont passées au Québec et ailleurs. Lorsque les entreprises régionales disparaissent, il y a de moins en moins d'espace pour le local. Donc la culture, la communauté, tout le monde en souffre et on a un mot à dire là-dessus et on le dira. On le dira parce que nos communautés d'éducation de langue française vont passer par la francisation ou la disparition et il ne faut pas.
La présidente : Sur ce, il n'y a plus de questions. Messieurs, au nom des membres du comité, je vous remercie sincèrement de vos présentations et de vos réponses à nos questions.
Si vous avez des recommandations à faire au comité, vous n'avez qu'à les faires parvenir à notre greffière et nous en discuterons au sein de notre comité.
(La séance est levée.)