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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 15 - Procès-verbal du 11 février 2013


OTTAWA, le lundi 11 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 heures pour poursuivre l'étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

La sénatrice Andrée Champagne (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La vice-présidente : Je vous souhaite la bienvenue à cette réunion du Comité sénatorial permanent des langues officielles. Je suis Andrée Champagne, sénatrice du Québec et vice-présidente du comité.

J'en profite pour offrir nos meilleurs souhaits de prompt rétablissement à notre présidente, Mme Maria Chaput, sénatrice du Manitoba qui, je l'espère, sera de retour très bientôt.

Avant de présenter les témoins qui comparaissent aujourd'hui, j'invite les membres du comité à se présenter.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Suzanne Fortin-Duplessis, du Québec.

Le sénateur Mockler : Percy Mockler, du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Robichaud : Fernand Robichaud, de Saint-Louis-de-Kent au Nouveau-Brunswick.

La vice-présidente : Le comité poursuit son étude sur les obligations de CBC/Radio-Canada en vertu de la Loi sur les langues officielles et de certains aspects particuliers de la Loi sur la radiodiffusion.

Nous accueillons aujourd'hui, Mme Suzanne Campagne, directrice générale du Conseil culturel fransaskois et Mme France-Emmanuelle Joly, directrice générale de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique.

Au nom des membres du comité, je remercie les témoins de prendre le temps de nous présenter le point de vue de leur organisme dans le cadre de notre étude et, ensuite, de répondre à nos questions.

Le comité a demandé à nos témoins de faire une présentation d'environ sept minutes et les sénateurs suivront avec des questions par la suite. J'invite Mme Joly à prendre la parole et Mme Campagne suivra.

France-Emmanuelle Joly, directrice générale, Fédération des francophones de la Colombie-Britannique : Merci beaucoup de cette invitation. Je prends la place de notre président, M. Réal Roy, qui est retenu pour des raisons professionnelles.

Je vous parlerai brièvement de la Fédération des francophones de la Colombie-Britannique qui est l'organisme porte-parole pour l'ensemble de la population francophone de la Colombie-Britannique. Nous regroupons environ 40 organismes membres à l'échelle du territoire de la Colombie-Britannique. Ces associations œuvrent dans plusieurs domaines, dont ceux du développement communautaire, de l'éducation, de la culture, de la santé, de l'économie, de la justice, des services sociaux et des communications.

La communauté francophone de la Colombie-Britannique représente près de 70 000 personnes de langue maternelle française et, si on l'élargit aux personnes pouvant s'exprimer en français, nous comptons environ 300 000 personnes. Il s'agit d'une augmentation de près de 11,8 p. 100 entre 2006 et 2011. Il est important d'ajouter que si l'on compte les 300 000 personnes, cela représente environ 7 p. 100 de la population de la Colombie-Britannique et que, selon le dernier recensement et le différent découpage des langues, le français serait alors la langue la plus parlée en Colombie- Britannique après l'anglais.

Pour les francophones vivant en milieu minoritaire, la Société Radio-Canada est l'un des rares médias qui nous permettent d'avoir accès à de l'information en français sur ce qui se passe à l'échelle du pays.

La dimension provinciale de la SRC est d'ailleurs essentielle au développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire comme la nôtre. C'est non seulement une source d'information, de divertissement, de culture générale, mais aussi un important outil de transmission d'épanouissement et de développement.

Pour ces raisons, et malgré certaines lacunes et insatisfactions quant au réseau national et à des stations régionales, notre communauté considère la SRC comme un outil essentiel et qui reste à protéger.

Nous avons donc recommandé, il y a quelques mois, le renouvellement de la licence de la Société Radio-Canada au CRTC, tout en soulevant un certain nombre d'attentes précises. Une de ces attentes concerne le fait que Radio-Canada offre une programmation incertaine, étant donné les réductions du financement et l'élimination du Fonds d'amélioration de la programmation locale. Nous ne disposons pas encore de données à ce sujet car la Société Radio-Canada n'a pas été en mesure de nous en fournir, mais il est vraiment important pour nous de conserver l'émission Le Téléjournal qui est la seule émission de production locale. Nous avons un téléjournal d'une durée d'une heure et c'est une des choses que nous voudrions vraiment conserver et que nous avons un peu peur de perdre.

Par rapport au fonctionnement de la Société Radio-Canada, nous aimerions que soit mis en place un mécanisme de consultation et d'échange. La Société Radio-Canada nous parle, communique avec nous et nous rend visite, mais elle ne nous consulte pas forcément sur les différentes initiatives, les projets ou les changements qui pourraient avoir lieu.

Nous souhaiterions avoir recours à un mécanisme de consultation ou de concertation plus formel entre la Société Radio-Canada et les représentants de la communauté francophone britanno-colombienne. Nous pensons également que des communications bidirectionnelles pourraient générer des idées originales et une offre de services plus pertinente.

La création d'une table de concertation, par exemple, ou de tout autre mécanisme de consultation et d'échange permettant à la Société Radio-Canada, en conformité avec son plan stratégique, d'être enraciné davantage dans les régions et d'optimiser sa présence hors Québec, serait un exemple d'un tel mécanisme de concertation.

Concernant la modification de la programmation au réseau national afin que les régions soient plus présentes, c'est un peu comme nos collègues de la Nouvelle-Écosse; les Franco-Colombiens ne se voient pas et ne s'entendent pas ou ne se lisent pas dans la programmation du réseau national qui reste très axée sur le Québec, voire sur l'île de Montréal.

Nous croyons donc essentiel d'augmenter, pour les émissions du réseau national, le contenu provenant des régions, ceci afin de refléter la réalité des francophones partout au pays. On parle de plus qu'une simple couverture d'événements qui se passent tout au long de l'année; nous voudrions, par exemple, jouir d'une présence plus continue dans les bulletins et émissions, et ainsi bénéficier de la participation de la communauté franco-colombienne.

Dernièrement, c'est-à-dire l'été dernier, l'émission La petite séduction s'est rendue à Maillardville et à Victoria. Il a pu être alors démontré qu'un contenu hors Québec peut intéresser les gens, mais malheureusement, cela a été très lourd en termes d'investissements de temps et en dollars pour nos communautés. C'est un peu dommage que quelque chose qui pourrait donner autant de visibilité revienne quand même à la charge des communautés.

Nous souhaiterions à ce sujet que le mandat de la Société Radio-Canada demeure celui d'un diffuseur national chargé de refléter la globalité du pays dans sa diversité et de contribuer au partage d'une conscience et d'une identité nationales, plutôt que de devenir une chaîne privée qui voudra davantage se concentrer sur de l'audimat et donc se plier à des arguments de marketing.

Nous souhaiterions également que la SRC ne considère pas les francophones hors Québec comme une cause perdue. Nous tenons beaucoup à la vitalité de nos communautés francophones et voudrions justement pouvoir la partager avec un plus grand nombre de gens.

La Société Radio-Canada pourrait donc définitivement être un outil incontournable de renforcement de l'identité nationale en valorisant la contribution francophone d'un océan à l'autre.

Un rapprochement CBC/Radio-Canada permettrait de couvrir des événements communautaires de chaque côté et de bâtir des ponts pour valoriser la dualité linguistique. C'est en effet quelque chose qui se fait peu et qui pourrait être amélioré.

L'ajout d'un contenu éditorial à la programmation régionale serait un point positif. Le réseau national n'a couvert que quelques événements culturels et communautaires marquants. Cela se voit très bien à travers la rétrospective faite en 2012 où il y a seulement quelques événements régionaux qui ont été couverts et le reste faisait référence à des événements nationaux.

Il ne s'agit pas d'un manque d'intérêt de la part de journalistes. Leur désir de couvrir les événements en région est souvent entravé par des ressources financières qui, étant limitées, ne permettent pas de se déplacer à l'échelle de la province.

Peut-on donc affirmer que les francophones d'ici ont accès à une radio ou une télévision qui reflète leur réalité à l'échelle locale? La SRC pourrait agir comme un meilleur vecteur pour faire connaître les implications et les répercussions des événements nationaux et provinciaux qui affectent les francophones de la province.

La programmation locale devrait davantage présenter une analyse éditoriale. C'est une question de contenu. Au plan des nouveaux médias, la page Web de la Société Radio-Canada, incluant celle spécifiquement vouée à la Colombie-Britannique et au Yukon, est à l'image de la radio et de la télévision. Elle couvre essentiellement des sujets que l'on peut retrouver dans n'importe quelle autre station.

Certains des événements marquants font l'objet d'une attention particulière, mais les nouvelles communautaires sont couvertes de manière épisodique.

L'avenir étant dans les nouveaux médias sociaux, Radio-Canada pourrait et devrait y consacrer plus d'espaces pour les communautés francophones hors Québec. Cela aurait aussi le mérite de mettre notre jeunesse francophone et francophile en contact avec la SRC afin de maintenir son identité, surtout dans nos provinces éloignées.

En ce qui concerne le point des exigences de la partie IV de la Loi sur les langues officielles, la Société Radio-Canada satisfait globalement aux exigences de la partie IV de la loi en offrant un service gratuit dans les deux langues officielles à travers le pays. Cependant, pour s'inscrire dans l'esprit de la loi plutôt que dans son interprétation stricte, il serait recommandable de donner un caractère plus national à son caractère francophone.

Par rapport aux exigences de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, la Société Radio-Canada offre aux différents festivals organisés par la communauté une contribution financière et une visibilité médiatique qui sont très appréciées. Néanmoins, pour les raisons citées précédemment, il est évident que la Société Radio-Canada devrait prendre des mesures positives plus ambitieuses pour contribuer à l'épanouissement de notre communauté en situation minoritaire.

En conclusion, nous aimerions vous remercier de nous avoir donné cette occasion de vous présenter brièvement nos réflexions sur la Société Radio-Canada et les actes qu'elle pose pour se conformer à la Loi sur les langues officielles et à la Loi sur la radiodiffusion.

Compte tenu des capacités financières qui ont été attribuées à Radio-Canada, nous estimons que celle-ci s'acquitte généralement bien de ses obligations de services auprès de la population canadienne en français comme en anglais. Pour encourager la Société Radio-Canada à mieux refléter la population canadienne d'un océan à l'autre, notamment en approfondissant sa couverture des régions, nous invitons le gouvernement à bonifier son appui financier à ce service public qui est essentiel au renforcement de notre identité.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Joly. Avant de céder la parole à Mme Campagne, j'aimerais vous présenter deux de nos collègues qui sont arrivés alors que Mme Joly nous faisait part de son mémoire. Il s'agit de la sénatrice Tardif, de l'Alberta, et du sénateur Pierre De Bané, du Québec.

Suzanne Campagne, directrice générale, Conseil culturel fransaskois : Je vous remercie de votre accueil et de l'occasion que vous m'offrez de représenter le Conseil culturel fransaskois qui a pour mandat de voir au développement des secteurs artistiques et culturels de notre province, la Saskatchewan.

Je m'appelle Suzanne Campagne. Je suis la directrice générale de cette organisation. Ce soir, je ne vous parlerai par nécessairement de l'historique que nous avons eu avec la Société Radio-Canada. Je ne vous parlerai pas non plus de l'outil essentiel qu'est la Société Radio-Canada pour nous, car vous l'avez assez entendu. Je sais que Mme Sigur- Cloutier, qui représente l'Assemblée communautaire fransaskoise vous en a parlé.

Je veux plutôt vous parler de l'impact sur les artistes fransaskois par rapport à la diminution des services de Radio- Canada en termes de captation de spectacles et d'événements importants dans la communauté.

Je vais vous parler du désengagement de Radio-Canada, qui semble être inévitable et, selon eux, nécessaire pour survivre aux coupures incessantes depuis quelque temps. Je veux vous parler du seul futur qui reste pour un artiste fransaskois si rien ne change dans l'attitude et le fonctionnement de Radio-Canada.

J'ai chanté avec le groupe Hart Rouge pendant 25 ans. J'ai réussi à faire carrière en musique partout dans le monde. J'ai représenté le Canada en France, en Angleterre, en Italie, aux États-Unis, en Espagne et toujours en tant que Fransaskoise, toujours à glisser un mot qu'il n'y a pas que les Québécois qui chantent en français.

J'ai représenté le Canada en Russie, en Estonie. J'ai chanté au Sommet de la Francophonie au Vietnam, bref j'ai eu une carrière et mon rêve s'est réalisé, et ce, j'en suis convaincue, grâce à l'appui de ma communauté en Saskatchewan et au Manitoba. Je suis désolée que la sénatrice Chaput ne soit pas là aujourd'hui, parce qu'elle pourrait le dire aussi que grâce à ces émissions spéciales des captations de nos spectacles et grâces aux 1 000 entrevues en profondeur faites avec Radio-Canada, je crois que c'est pour cette raison que j'ai eu l'occasion d'avoir la carrière que j'ai eue.

Avant de partir pour le Québec, entre 1978 et 1982, j'ai participé à 16 phonogrammes de 30 minutes produites par Radio-Canada, huit émissions spéciales avec soit Folle avoine, Hart Rouge ou Émile Campagne en collaboration avec CBC. J'ai fait six émissions diffusées à l'échelle nationale de spectacles en captation lors d'événements importants dans ma communauté.

Je me suis fait connaître dans ma communauté par ces émissions et ces entrevues.

Folle avoine s'était fait connaître au Manitoba et on a œuvré pendant six ans là-bas, par des captations régionales que Radio-Canada offrait. Je me suis fait connaître aussi au Québec par des captations d'émissions spéciales diffusées là-bas et, comme mes collègues tels que Daniel Lavoie, Robert Paquette Marie-Jo Thério, on a donné une voix à chacune de nos communautés respectives en se faisant découvrir. En découvrant l'artiste, on découvre aussi la communauté.

Je suis revenue dans ma communauté pour redonner aux artistes, et ce, après 25 ans de carrière, ce que j'ai reçu, pour les inspirer et les encourager à poursuivre leurs rêves, mais il ne reste plus rien de ces émissions à Radio-Canada.

Il y a des années qu'il n'y a pas eu de phonogramme pour un artiste fransaskois en Saskatchewan.

Radio-Canada s'oriente vers l'information et l'informatique, les salles de nouvelles, et recule quant à la programmation dite de divertissement.

C'est comme si toutes ces captations, ces émissions et ces entrevues ne représentaient qu'un divertissement pour notre communauté. Monsieur Lacroix, lors de sa dernière visite, en septembre, nous a dit que ce temps est révolu, que l'on ne peut pas revenir sur le passé. On a vendu tout l'équipement d'enregistrement, le camion mobile, le piano à queue dans un établissement de studio de Régina. Le studio d'enregistrement était pourtant à la fine pointe il y a 20 ans. Tout cela sans consulter ni la communauté artistique ni la communauté fransaskoise et ce pendant l'Année des Fransaskois.

Je suis ici pour vous dire que nos artistes sont déjà défavorisés par rapport aux artistes québécois anglophones. Là- bas, si CBC ne s'intéresse pas à eux ou n'a pas le budget ou la volonté de faire passer leurs chansons et de leur accorder des entrevues, ils ont une moyenne de quatre à six autres radios en anglais au Québec.

Nous n'en avons qu'une. Et lorsqu'on nous dit qu'il n'y a plus de place pour nous, l'impact c'est que de plus en plus nos artistes sont forcés de développer une carrière connexe en anglais, ce qui n'est pas mauvais. Une carrière bilingue est quand même une carrière importante, mais cela enlève à l'artiste le luxe de maîtriser sa carrière en français, dans sa langue maternelle. Des Sam Roberts, des Susie Arioli qui développent une carrière uniquement en anglais au Québec, il n'y en a pas en Saskatchewan et c'est une inégalité.

En conclusion, je demande votre appui pour rétablir le financement d'une programmation locale radiodiffusée et télédiffusée accordée aux artistes et aux communautés fransaskois, soit à travers Radio-Canada, soit à travers des organismes qui ont la volonté de le faire. Il faut intervenir auprès de Radio-Canada et dire que le désengagement envers nos communautés francophones canadiennes, vu notre historique, vu les promesses qu'on nous a faites au début, n'est tout simplement pas correct.

Il faut aussi dire que l'impact de vendre sans consulter, tout comme ils l'ont fait à Regina au cours de la dernière année, pour rendre des captations de nos activités culturelles et artistiques presque impossibles, que la diminution année après année des occasions de faire connaître les artistes auront des retombées beaucoup plus néfastes que de freiner quelques carrières de quelques artistes promoteurs.

Les retombées néfastes nous prouvent qu'elle renonce à refléter une globalité canadienne et qu'elle renonce à capter la diversité de ce pays. L'identité nationale est mal véhiculée si on arrête d'appuyer les artistes francophones canadiens qui y mettent leurs couleurs régionales et leur âme. L'artiste est une richesse pour sa communauté qui doit être cultivée et traitée avec respect. Les artistes qui font rayonner la « fransaskoisie » et la francophonie dans et hors Québec peuvent être cités par dizaines.

Connaissez-vous un autre corps de métier qui puisse en dire autant? Je vous remercie de votre écoute et merci de me donner l'occasion de vous livrer ces commentaires.

La vice-présidente : Merci beaucoup, madame Campagne. Je sais que plusieurs de mes collègues sont prêts à vous poser des questions.

La sénatrice Fortin-Duplessis : En tout premier lieu, laissez-moi vous dire que vous avez livré un excellent mémoire, très intéressant et qui a dépeint votre réalité. Ma question est la suivante. Dans sa stratégie de 2015, Partout pour tous, CBC/Radio-Canada s'engage à maintenir et à accroître les genres d'émissions régionales au-delà de l'information pour refléter les communautés locales.

Considérant les orientations et les objectifs fixés dans sa stratégie, est-ce que vous diriez que les efforts de Radio- Canada portent fruits?

Mme Campagne : Je crois que les efforts que Radio-Canada a faits dans le passé ont vraiment reflété la communauté et ce, au-delà de l'information et de l'informatique. Cela a fonctionné parce qu'on a eu des Hart Rouge, des Daniel Lavoie, des Marie-Jo Thério et des Robert Paquette qui ont une renommée assez importante au Québec. Je crois qu'on peut dire que dans le passé cela a fonctionné.

Je crois que la diminution de ces services est évidente. Il n'y a plus de production. Si je me réfère particulièrement aux secteurs artistique et culturel qui, en général, touchent souvent nos communautés car c'est là qu'on est visibles pendant nos activités culturelles. Je suis surprise de vous entendre dire que leur mandat de 2015 c'est de continuer à vraiment nous offrir cela. Parce que c'est un peu le contraire de ce que M. Lacroix nous a dit lorsqu'il est venu nous visiter en septembre.

Il nous a plus ou moins dit que ces temps étaient révolus d'être capable de faire des captations. Il faudra trouver des moyens moins dispendieux pour faire ces choses, mais c'est presque impossible pour eux de nous offrir ces choses.

En ce qui concerne la programmation des deux dernières années, je crois qu'on est sur une route qui ne mènera à rien si on ne change pas les choses rapidement.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Cette information est tirée de la Stratégie 2015 de Radio-Canada. C'est pourquoi je vous ai questionnée à ce sujet. Ma deuxième question sera la suivante. J'aimerais savoir si Radio-Canada connaît vos attentes et si elle vous a consultés.

Mme Joly : Régulièrement, au moment de l'assemblée générale de la Fédération des francophones ou de notre deuxième rendez-vous annuel qui se tiens plus vers l'automne, Radio-Canada est invitée et vient faire des présentations. Bien évidemment, des représentants d'organismes communautaires qui sont là se lèvent pour poser des questions. Il y a souvent des questions qui reviennent par rapport à la production locale, au fait qu'il y a des endroits en Colombie- Britannique où on ne reçoit toujours pas Radio-Canada, ou, en tout cas, la télévision en particulier, où on a des problèmes de réception.

Je crois qu'il y a eu, pour nous en tout cas, plusieurs occasions de discuter avec des dirigeants ou des dirigeantes de Radio-Canada. Nous avons l'occasion d'exprimer ce qu'on voudrait, mais ce n'est pas vraiment une consultation. C'est un peu comme si c'était : « Oui on vous entend, mais on ne peut pas vraiment faire autrement ou on fait déjà le mieux possible. » Alors, peut-être qu'il est vrai qu'en Colombie-Britannique Radio-Canada fait du mieux possible par rapport au budget alloué.

Je ne suis pas là pour en juger car je n'ai pas la connaissance profonde de tous leurs chiffres. En revanche, ce que nous disons, c'est qu'on en voudrait un peu plus ou peut-être qu'il y aurait un moyen de fonctionner différemment.

Le sénateur De Bané : Madame la vice-présidente, puis-je poser une question supplémentaire?

La vice-présidente : Une question supplémentaire du sénateur De Bané.

Le sénateur De Bané : Madame Joly, dans votre mémoire, au paragraphe 2 qui s'intitule « Mise en place de mécanismes de consultation et d'échange », vous dites :

Oui, la SRC nous informe des changements. Oui elle nous visite. Mais elle e nous consulte pas pour obtenir les opinions de la communauté [...]

C'est ce que Mme Campagne a dit et c'est ce que vous dites dans votre mémoire. Et malheureusement, c'est la marque de commerce de Radio-Canada qui consiste à se rendre dans les différentes régions du Canada et à nous informer de sa décision.

Elle ne nous consulte jamais pour nous demander ce que nous voulons. Et cette critique, c'est le CRTC qui l'a faite très fortement. Selon les représentants du CRTC, la Société Radio-Canada n'écoute pas assez. De son côté, le CRTC croit qu'en organisant des assemblées annuelles dans toutes les provinces et qu'en faisant part de sont point de vue, cela tient lieu de consultation. Est-ce que j'ai raison de dire cela?

Mme Campagne : Oui, j'allais vous dire que, à mon avis je l'étais encore plus que Mme Joly. Nous sommes toujours placés devant le fait accompli.

Le sénateur De Bané : Ils vendent le piano à queue.

Mme Campagne : C'est ça. Je suis certaine que M. Lacroix, lorsqu'il a effectué une visite dans tout l'Ouest au mois de septembre dernier, considérait cela comme une consultation en quelque sorte. Mais une consultation, c'est un échange, comme vous dites, sur nos idées et nos points de vue. Et le plus souvent, nous sommes devant des faits accomplis et il n'y a rien à faire ou rien qu'on puisse faire. C'est ce que je crois.

Le sénateur McIntyre : Merci aux témoins pour leurs présentations. J'aimerais aborder avec vous tout l'enjeu entourant le signal du radiodiffuseur CBC/Radio-Canada.

En novembre dernier, une série de témoins provenant des communautés francophones en milieu minoritaire nous ont raconté qu'ils ne reçoivent tout simplement pas de signal du radiodiffuseur. Je comprends que des stations régionales du radiodiffuseur existent en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, ainsi qu'au Yukon. Je comprends également que plusieurs communautés francophones, provenant tant de la Saskatchewan que de la Colombie- Britannique, n'ont pas accès elles non plus aux signaux du radiodiffuseur.

Dans le cas de la Colombie-Britannique, je remarque que dans la région de Nelson et dans le nord de l'île de Vancouver, le signal de la société d'État n'est tout simplement pas offert. Je comprends également qu'il existe un bassin important de francophones, en Saskatchewan et en Colombie-Britannique, qui s'intéressent à la langue française et qui la comprennent.

Cela dit, à quel pourcentage estimez-vous le nombre de francophones qui n'ont pas accès aux signaux de la station régionale de Radio-Canada? Et où ces francophones sont-ils situés, par exemple?

Mme Joly : Pour la Colombie-Britannique, comme vous l'avez mentionné, il y a la région de Nelson qui se trouve dans une région assez montagneuse et c'est l'explication que Radio-Canada nous donne concernant les difficultés de diffusion. Il y a également la région du nord de l'île de Vancouver, donc autour de Campbell River, Comox; dans la région de Comox et de Campbell River, il y a une très forte communauté francophone. Il y a aussi une base militaire à Comox et une autre à Victoria. Il s'agit donc d'une importante population francophone à cet endroit. Nelson est aussi un très fort centre francophone dans la région de Kootenay en Colombie-Britannique.

Je ne connais pas le pourcentage exact, mais je sais qu'en termes de population, si on parle strictement des personnes ayant le français comme langue maternelle, dans la région de Kootenay, par exemple, il y a une population d'environ 2 000 personnes. Pour la région du nord de la Colombie-Britannique, il s'agit d'une population un peu plus importante que ça.

Pour moi, il ne s'agit pas seulement d'une question de pourcentage; nous voulons être en mesure de joindre l'ensemble de la population francophone. Même si ces populations ont accès à Radio-Canada par le câble, par exemple, elles auront accès au réseau de Radio-Canada Montréal, et non pas au réseau local. Nous nous retrouvons donc devant ce dilemme, à savoir que soit nous n'avons rien du tout ou alors, que ce que nous avons est vraiment le reflet de ce qui se passe à l'autre bout du pays.

Le sénateur McIntyre : Quel type de relations entretenez-vous avec le réseau anglais de CBC/Radio-Canada?

Mme Joly : Pour la Colombie-Britannique, je peux vous raconter une petite anecdote. En 2004, je travaillais à l'époque pour l'Alliance française de Vancouver qui fêtait son 100e anniversaire. La directrice générale de l'Alliance française avait contacté CBC pour savoir s'il était possible d'établir un partenariat médiatique concernant la couverture de cet événement d'importance. La réponse de CBC avait été de nous référer au service des communications de Radio-Canada, ce qui, bien entendu, était l'inverse de ce qu'on voulait puisque ce que nous voulions était de faire parler de la communauté francophone auprès de la population anglophone. Il y a donc très peu d'échanges entre la communauté francophone et CBC.

Je peux vous dire que, dernièrement, les locaux dans lesquels travaille l'équipe de journalistes à Radio-Canada et CBC à Vancouver ont été entièrement rénovés et transformés en une plate-forme intégrée où les journalistes travaillent dans une même plate-forme et où il y a des échanges de journalistes qui peuvent faire des reportages dans les deux langues. La plupart du temps, ce sont des journalistes de Radio-Canada qui seront en mesure d'effectuer des reportages en anglais pour CBC. L'inverse est moins fréquent. L'implication de CBC par rapport à la communauté francophone est donc minime.

La sénatrice Poirier : Merci pour vos présentations. C'était très intéressant. Notre comité vient tout juste de publier une étude sur les médias sociaux. Croyez-vous que les nouveaux médias sociaux permettraient à Radio-Canada de mieux respecter son mandat?

Mme Campagne : Lorsque M. Lacroix est venu nous visiter, nous avons beaucoup apprécié sa visite, parce que ce n'est pas tout le monde qui va comme ça venir nous livrer un message qu'on ne veut pas nécessairement entendre; il a pris le temps de le faire et j'aimerais souligner ce fait. Mais la discussion tournait principalement autour de ça, à savoir que nous devons entrer dans le XXIe siècle, que nous devons composer avec les médias sociaux et que l'avenir se trouve vraiment dans la participation à des plate-formes comme La boussole. C'était un peu ça, son message.

Malheureusement, ce qu'on a fait dans le passé pour la communauté fransaskoise ne cadre pas vraiment avec ces idées. Ils vont nous offrir certainement les mêmes services et nous allons être capables d'avoir des services qu'ils offrent, par exemple, à la population québécoise, mais le message que j'ai entendu était que si ça ne coûte pas cher, ils vont le faire et qu'ils pourraient sûrement nous offrir beaucoup plus d'activités via le Web et les médias sociaux. Mais tout cela viendrait en quelque sorte remplacer ce que nous avions auparavant et ce que je considérais, moi, vraiment une contribution au développement de la communauté. Et je vois mal comment ça pourrait remplacer cela.

La sénatrice Poirier : Selon vous, ce ne serait donc pas aussi efficace.

J'ai une autre question : dans votre province, comment évalueriez-vous l'efficacité des nouveaux médias auprès de la population francophone de la Colombie-Britannique?

Mme Campagne : Je ne peux pas répondre, car je ne sais pas comment ils vont évaluer cela.

La sénatrice Poirier : Non, mais comment est-ce que vous l'évaluez, vous? Est-ce que vous pensez que les populations francophones de la Colombie-Britannique ont accès aux nouveaux médias, tant francophones qu'anglophones?

Mme Campagne : Je ne pense pas que pour le moment nous disposions des mêmes services.

Mme Joly : Je ne sais pas si je comprends bien votre question, mais je pense qu'en termes d'utilisation des médias sociaux, les francophones de la Colombie-Britannique les utilisent aussi. Je pense en particulier aux jeunes, bien entendu, qui sont très branchés sur les médias sociaux. Je ne suis pas certaine que de changer de plateforme de communication va vraiment résoudre un problème qui a l'air de plus se situer au niveau d'un choix d'intérêt, de centres d'intérêt. On peut avoir des médias sociaux, mais si les orientations, c'est toujours de favoriser plus amplement ce qui vient du Québec, cela ne va pas plus refléter la francophonie canadienne, même si on utilise un vecteur différent.

La sénatrice Poirier : Quand vous dites, par exemple, que M. Lacroix a fait la tournée cet automne et qu'il est venu vous parler, avez-vous senti une ouverture de leur part pour connaître les solutions que vous préconisez?

Mme Joly : Comme je disais tout à l'heure, je pense qu'il y a une ouverture à écouter ce qu'on a à dire, mais que la réponse reste plus du domaine de nous, par rapport à ce qu'on a ici, le contrôle qu'on a en Colombie-Britannique, il n'y a pas grand-chose qu'on puisse faire. Et je ne pense pas que cela se rend vraiment au plus haut niveau décisionnel. Ou si c'est le cas, cela n'a pas l'air d'avoir un effet extrême.

La sénatrice Poirier : Étant donné que la population francophone a augmenté de presque 12 p. 100 entre 2006 et 2011, pensez-vous être capable d'aller chercher de l'appui à d'autres niveaux de la province pour faire pression ou pour vous aider à faire comprendre à Radio-Canada l'importance de pouvoir desservir les francophones en situation minoritaire?

Mme Joly : Je n'avais jamais envisagé la chose sous cet angle. Je ne sais pas si c'est vraiment au gouvernement provincial de faire pression sur Radio-Canada, une société d'État. Je pense que c'est déjà dans le mandat de la Société Radio-Canada de refléter la francophonie canadienne, et donc, de refléter ce qui se passe à l'étendue du pays. Pour moi, c'est plus une révision de comment les choses sont faites plutôt que de faire pression par des biais extérieurs.

La sénatrice Poirier : Je pensais plutôt dans le sens d'appui. Comme le pourcentage des francophones augmente, vous pourriez utiliser cette situation pour faire pression ou pour aller chercher de l'appui supplémentaire. C'est connu, plus un groupe de pression est fort meilleures sont les chances de réussir. C'était ce que ma question visait.

Mme Joly : L'union fait la force.

Mme Campagne : En Saskatchewan, le nombre d'inscriptions dans les programmes en français chez les jeunes a augmenté de 6 à 7 p. 100. Il y a plus de gens qui apprennent le français en Saskatchewan que jamais auparavant. C'est important. L'une des choses que M. Lacroix a dites qui est vraiment intéressante et importante, c'est qu'il faut offrir des services à ces jeunes. Je pense que c'est ce que visait son idée des médias sociaux et tout cela. Ce n'est pas encore créé, mais je pense que c'est dans leur pensée d'offrir ces services à ces gens. Est-ce que c'est déjà créé? Non, pas encore. Est-ce qu'il y a une ouverture de la part de Radio-Canada? Oui, mais je suis d'accord avec Mme Joly que c'est toujours dans un contexte « voici nos limitations, alors parlez-nous ». C'est toujours dans un contexte qui est très limité.

La sénatrice Tardif : Je vous remercie de vos présentations. Sur une note personnelle, je peux vous dire, madame Campagne, que le groupe Hart Rouge a joué un rôle très important pour renforcer le fait français auprès de mes enfants lorsqu'ils étaient adolescents. Votre groupe était venu à Edmonton donner un spectacle et mes enfants avaient adoré la musique. C'est important pour nous, en situation minoritaire, de trouver toutes les occasions pour renforcer le fait français et encourager nos adolescents et adolescentes à écouter davantage de musique en français.

Vous avez beaucoup parlé du désengagement de Radio-Canada auprès de vos communautés. À quoi attribuez-vous ce désengagement?

Mme Campagne : On nous dit toujours que c'est une question de budget et qu'ils ont des choix difficiles à faire. Personnellement, je suis toujours le genre de personne qui regarde ici avant d'aller vers l'autre. C'est un peu facile de se désengager des communautés canadiennes quand on sait que, année après année, les budgets n'augmenteront pas — ou vont même diminuer. La première réaction serait de trouver un moyen d'éviter d'aller à Zenon Park ou d'offrir un service à Zenon Park à partir du fauteuil à Regina. C'est plus facile. C'est coûteux d'aller dans les régions, c'est plus de travail. Je comprends que Radio-Canada ait cette réaction immédiate quand le budget est coupé. Ils coupent dans les régions, là où cela coûte le plus cher. Ils ont encore un certain montant d'argent, mais ils vont aller là où les efforts sont moindres. Et puis je crois que, de plus en plus, la Société Radio-Canada voit la diffusion et l'appui des communautés canadiennes comme un fardeau, comme quelque chose qu'ils doivent justifier auprès de leurs citoyens québécois et montréalais. Je crois que, tout simplement, au bout du compte, ils sont essoufflés, ils sont un peu résignés. Ils doivent administrer des budgets très serrés et c'est plus facile de couper dans les régions les plus vulnérables et les plus éloignées.

Mme Joly : Je suis tout à fait d'accord. J'aimerais conforter ce que dit Suzanne. La situation est la même en Colombie-Britannique. Les mêmes arguments nous sont présentés, par exemple que l'essentiel de l'auditoire se trouve au Québec. C'est le débat de la poule et de l'œuf. Si on ne parle pas de la francophonie canadienne hors Québec qui est en train de se développer énormément, c'est certain que le reste du monde, forcément, ne va pas s'y intéresser.

C'est cette d'idée d'aller au plus facile : ce n'est pas ce qui intéresse l'essentiel de notre auditoire, donc cela ne fera pas grand mal si on arrête d'en parler. Pour l'extérieur du Québec, cela fait beaucoup de mal de ne pas en parler.

La sénatrice Tardif : On sait fort bien que la Société Radio-Canada va subir des coupures de 115 millions de dollars dans les trois prochaines années. Ces coupures semblent avoir un effet néfaste sur les communautés, en particulier les communautés en milieu minoritaire. Que suggéreriez-vous à Radio-Canada? Comment pourrait-elle maintenir sa présence dans vos régions malgré ces coupures budgétaires?

Mme Joly : Je ne connais pas en profondeur la situation de Radio-Canada, mais j'aimerais suggérer des pistes telles créer les liens entre le côté français et le côté anglais. Ce serait un moyen de faire du développement en ayant du personnel bilingue, ce qui permettrait de passer d'un côté à l'autre, mais aussi d'avoir une ouverture par rapport à l'autre communauté. En milieu minoritaire, ce serait un énorme apport pour la communauté francophone de faire parler d'elle par CBC.

Je vais lancer une idée. Il est vrai qu'un fort pourcentage du personnel et des ressources humaines de Radio-Canada est concentré au Québec. Peut-être qu'une des manières d'avoir une meilleure influence dans le reste du Canada serait aussi de déplacer éventuellement du personnel de manière à avoir un meilleur potentiel pour pouvoir faire parler des communautés francophones hors Québec.

Mme Campagne : Je suis d'accord bien que, en Saskatchewan, CBC/Radio-Canada, et je parle des aspects culturel et artistique, ait toujours eu des bons liens avec la communauté. On a toujours partagé des captations. CBC vient toujours volontiers faire une captation d'un événement fransaskois ou d'un artiste fransaskois. Dans le passé, ils ont toujours été très ouverts par rapport à cela.

Je parlais tout à l'heure de Zenon Park, une petite communauté située dans le fin fond de la province, loin de chez nous. Quand j'ai accepté de représenter cette communauté, je savais où cet endroit se trouvait. À l'intérieur des coupures constantes de budget doit subsister une volonté et une philosophie. Ce n'est pas une question de vouloir absolument garder une chose ou l'autre. On sait que forcément ils devront couper dans leur programmation de fonctionnement en quelque part, mais ils doivent se rappeler leur mandat. Je ne suis pas certaine que quelqu'un soit là en train de le leur rappeler : vous aviez dit que vous alliez le faire et vous devez continuer de le faire avec ce que vous avez.

Un grand accès ne veut pas nécessairement dire de se lancer dans la jungle de l'Internet parce que tout le monde fait cela. Tout le monde est dans l'information et dans l'informatique. Pourquoi ne fait-on pas quelque chose que l'on connaît, qui serait différent de ce que font les autres, mais qui maintiendrait cette relation qu'ils ont toujours eu avec les communautés francophones canadiennes? Ce serait vraiment montrer la communauté auprès des autres.

Quand je représentais le Canada à Barcelone, je ne disais pas que je rêvais d'un Québec libre. Au contraire, je disais que je faisais partie d'un pays qui marche. La Société Radio-Canada a un devoir de véhiculer cette identité nationale. Il faut qu'elle ait d'abord la volonté, mais je crois que cette volonté n'y est plus.

La Société Radio-Canada dit souvent que son rôle est de diffuser et d'informer. Monsieur Lacroix est revenu souvent avec ces questions : est-ce vraiment à nous de favoriser le développement des artistes fransaskois? Est-ce vraiment à nous de montrer la communauté fransaskoise à travers le pays? Est-ce vraiment à nous? La question est revenue au moins 10 fois ce soir-là.

Le sénateur De Bané : C'est dans la loi.

Mme Campagne : Mais quand on répondait : oui, mais moi je n'écoute pas l'Internet; moi, je suis un avocat qui écoute mon émission locale le soir. Je n'ai pas le temps d'écouter ces choses. Il a répondu : « Écoutez, vous êtes 3 p. 100 de la population maintenant. Maintenant les jeunes pitonnent partout. Il faut arriver en ville. »

Le sénateur De Bané : La Loi sur la radiodiffusion dit que la mission de Radio-Canada est, entre autres, de promouvoir les échanges culturels entre les deux communautés — qu'il les fasse connaître. Alors même s'il n'aime pas cela, qu'il trouve son plaisir à lire les états financiers, la loi lui dit de s'occuper des artistes.

Le sénateur Robichaud : Madame Campagne, j'ai trouvé très intéressant ce que vous avez dit à propos de votre carrière, que vous étiez chanteuse et que vous êtes allée un peu partout dans le monde, et du rôle que Radio-Canada a joué pour vous aider à faire votre carrière.

Dois-je comprendre qu'un jeune artiste qui en est à ses débuts, comme ce fut le cas pour vous, ne pourrait pas compter sur Radio-Canada pour l'aider à percer sur la scène nationale ou internationale, même avec l'aide des nouveaux médias?

Mme Campagne : Non, parce qu'il ne s'agit pas seulement de payer l'artiste. C'est la diffusion qu'on faisait au Québec avec ces émissions nationales. C'est de la diffusion que nous avons besoin. C'est d'avoir un forum où on peut se faire valoir auprès des Québécois. Je crois qu'une fois que les Québécois sont conscientisés sur la situation des Fransaskois et des Franco-Manitobains, il se fait une ouverture automatiquement. Cela fait longtemps qu'on ne parle plus de ces communautés au Québec.

Il y a de moins en moins cette vision nationale. Quand je vous dis que c'est important d'avoir cela, c'est parce que quand Marie-Jo Thério monte sur la scène, forcément on va découvrir les Acadiens, par son accent, par ce qu'elle est. Ils découvriront forcément la communauté. C'est ce qu'on faisait quand on représentait le Canada dans ces sommets. On représentait un autre point de vue. C'est important et, comme vous dites, ils sont censés le faire. Mais il y a une résignation, une lassitude sur comment on peut arriver à satisfaire ces communautés sans l'argent qu'on a toujours eu.

On doit commencer à penser autrement et dire, au départ : « Non, c'est mon mandat d'aller à Zenon Park. Je vais y aller et je vais desservir cette communauté. », point final.

Mme Joly : J'aimerais ajouter un point essentiel. Par exemple, en Colombie-Britannique Radio-Canada va faire des captations de Pacifique en Chanson qui est un concours de chanson pour les jeunes talents. Ce sera diffusé en Colombie-Britannique. Ce ne sera pas diffusé à l'échelle nationale — ce qui pourrait être envisagé. Aussi, je crois que du point de vue purement culturel en termes artistiques, le mandat de parler de la culture de la Francophonie, c'est aussi parler de la situation économique ou politique ou les impacts qu'un certain nombre de décisions auront sur une communauté francophone qui vit en situation minoritaire.

C'est aussi une chose qui ressort très peu en termes de contenu dans les rares fois où la Francophonie hors Québec apparaît dans les émissions de Radio-Canada. Donc il y a aussi cette partie de la culture qui n'est pas seulement artistique.

Mme Campagne : J'aimerais ajouter quelque chose qui va dans le même sens. Lorsqu'il a témoigné, M. Lacroix a beaucoup parlé du fait qu'on n'avait pas de superstar francophone. À CBC il ont Jian Ghomeshi qui est un genre de superstar. Beaucoup de jeunes l'écoutent souvent.

Monsieur Lacroix disait qu'il n'y avait pas de superstar en français. J'ai dit à M. Lacroix que Jian Ghomeshi a fait 15 ans de tournée avec Moxy Früvous. Il a voyagé dans toutes les régions au Canada, il connaît intimement les régions et sait comment les gens de Halifax réagissent à une nouvelle dans l'actualité.

Si M. Lacroix veut avoir cette superstar francophone, il doit aller explorer les communautés francophones hors Québec. La personne recherchée doit avoir une connaissance innée des gens qu'on veut joindre. Et actuellement, ce n'est pas quelque chose qui se fait.

Le sénateur Robichaud : C'est l'œuf ou la poule ici. C'est de savoir où on commence et de quelle façon on se fait connaître. D'après ce que je comprends, le fait qu'on va offrir des bulletins de nouvelles régionales et locales ne semble pas remplir le mandat de Radio-Canada, qui est de faire connaître plus que des petites nouvelles qui se passent dans les communautés francophones. Cela ne suffira pas.

Mme Campagne : Non, cela ne suffira vraiment pas. Moi je me suis fait connaître dans ma propre communauté par le biais d'entrevues et d'émissions spéciales. Ce n'est pas à travers des nouvelles que je me suis fait connaître. Bien sûr, c'est important de pouvoir avoir nos nouvelles en français, je suis d'accord. Mais ce n'est pas cela qui va faire en sorte qu'on sait ce qui se passe dans d'autres parties de notre province. Ce n'est pas ce qui va solidifier le fait fransaskois.

Le sénateur Robichaud : Lorsqu'on a liquidé les effectifs de Radio-Canada à Regina, je suis certain que vous avez questionné cette action. Qu'est-ce qu'on vous a répondu?

Mme Campagne : On nous a répondu qu'on s'orientait vers les nouvelles, vers l'information et l'informatique et que c'était devenu de moins en moins évident de faire des captations quand même. Alors pourquoi conserver cet équipement? En passant, je peux vous dire qu'ils ont vendu cet équipement pour une chanson. Ils ont vendu le piano à queue pour pratiquement rien. C'est un non-sens total. En tout cas, je suis très passionnée à propos de ces choses.

Le sénateur Robichaud : Je vous remercie, madame Campagne.

La vice-présidente : Sénateur De Bané, étant donné que vous avez pris la parole à deux occasions, j'apprécierais que cette intervention soit brève afin de donner la chance aux autres sénateurs de s'exprimer aussi.

Le sénateur de Bané : Madame Joly, vous nous dites que la population chez vous a augmenté de près de 12 p. 100 et que si on ajoute aux gens qui sont de langue maternelle française tous ceux qui parlent français, qui ont étudié le français et qui peuvent échanger en français, — comme le ministre du Patrimoine canadien qui vient de Vancouver — tout cela fait un total de 300 000 personnes qui parlent français dans votre province.

Madame Campagne, qu'en est-il de la Saskatchewan? Avez-vous une idée du nombre de personnes, mis à part celles de langue maternelle française qui, avec les cours d'immersion, parlent le français?

Mme Campagne : On parle d'environ 54 000 personnes. Je sais qu'il n'y a pas longtemps on parlait d'environ 17 000 personnes dont la langue maternelle était le français. On a constaté que le nombre était très bas et que beaucoup de nouveaux arrivants sont venus s'installer en Saskatchewan au cours des six dernières années, ce qui fait que la Saskatchewan compte maintenant environ 60 000 personnes qui parlent le français.

Le sénateur De Bané : Une chose qui me semble unanime chez vous mesdames, c'est que vous dites que vous aimeriez voir des liens plus étroits se créer entre la Société Radio-Canada et les communautés. Vous pensez que des communications bidirectionnelles pourraient générer des idées originales. Je crois que toutes les deux vous êtes d'accord avec cela.

Ensuite vous nous dites, et je cite :

[...] la Nouvelle-Écosse, et les Franco-Colombiens « ne se voient pas, ne s'entendent pas et ne se lisent pas dans la programmation du réseau national. »

Mme Campagne dit ceci :

Les artistes non plus on ne peut pas les voir. Nous pensons qu'il est essentiel d'augmenter dans les émissions de réseau national le contenu provenant des régions.

Beaucoup ont fait part des mêmes doléances lors des auditions devant le CRTC pour le renouvellement des licences. Et espérons que le CRTC qui, je crois, a été très impressionné par le nombre de porte-parole des différentes régions du Canada qui ont dit que ce mandat dans la loi, qui est de refléter ce qui ce fait dans les régions, vous l'avez manqué.

Je voudrais vous dire mon admiration et si vous me le permettez, je voudrais également vous demander si d'après vous on pourrait également songer à ce que les ressources financières des deux réseaux puissent servir dans les différentes régions pour essayer d'atteindre les mêmes résultats tout en optimisant l'utilisation des atouts ou des actifs des deux réseaux. Actuellement, chacun a une administration, des véhicules, des caméras. Si on pouvait les employer dans certaines régions pour pouvoir produire davantage d'émissions, est-ce que c'est une solution qui mérite d'être envisagée?

Mme Campagne : Je ne pourrais pas répondre à cette question avec exactitude, mais je crois qu'à Regina il se fait déjà beaucoup d'échanges. À cet édifice, il y a déjà beaucoup de ces échanges, peut-être pas encore suffisamment. Je ne peux pas répondre avec exactitude à cette question sénateur.

Le sénateur De Bané : Je comprends fort bien. Vous savez qu'il y a deux demandes auprès du CRTC pour deux réseaux pancanadiens en français. Il faut en choisir un des deux. Il y en a un de TV5 qui va produire des émissions en Acadie et d'autres dans l'Ouest canadien, et cetera, et il y a également un autre projet, celui d'Accents.

D'après vous, le fait d'avoir un concurrent, de par ces projets, est-ce que cela peut avoir des impacts sur les politiques de Radio-Canada en région?

Mme Campagne : J'allais dire justement parce qu'il va y avoir un peu de concurrence peut-être que cela va éveiller quelque chose.

Cela dit, Mme Gouin est venue nous parler de TV5. Elle est venue nous offrir sa programmation. C'est bien, mais on a l'impression de recommencer à zéro.

Le sénateur De Bané : Non.

Mme Campagne : Ce qui est dommage avec ce qui se passe avec Radio-Canada, c'est que l'infrastructure est déjà là. On a une histoire avec Radio-Canada qui est importante. Peut-être que la concurrence va améliorer les choses. Peut- être qu'il y aura un certain éveil, mais avoir à choisir entre l'un ou l'autre, m'inquiète un peu.

Il est certain que TVA a un certain budget, mais ont-ils les connaissances? Il faudrait tout recommencer à zéro à savoir qui sont les communautés, qui sont les organisations.

Avec Accents, c'est une autre chose. Ils ont peut-être la volonté et la connaissance des communautés francophones canadiennes, mais ils n'ont pas la stature, l'histoire et cette prestance de Radio-Canada, déjà en place.

Si on mettait ce qui a fonctionné, je crois que cela pourrait encore fonctionner. Le fait qu'il y ait cette diffusion immédiate au Québec, moi j'ai intérêt à dire de garder l'importante infrastructure en place et faites-la marcher plutôt que de dire, on va changer avec quelqu'un d'autre. Peut-être que la concurrence va faire une différence et peut-être aussi que pour les petites communautés qui n'ont pas de cotes d'écoute très lourdes, cela va éventuellement leur être néfaste.

Mme Joly : Je verrais d'un bon œil une autre chaîne francophone que Radio-Canada. Pourquoi se limiter? On ne limite pas le nombre de chaînes captées dans les autres langues. Il serait intéressant d'avoir une diversité de ce point de vue. Je ne regarde pas la question d'Accents au TV5 en termes de là, aujourd'hui, qui il faut soutenir. Quant à nous, on aimerait bien avoir trois télévisions.

Par rapport à la question de comparer avec Radio-Canada, oui, si cela pouvait être une concurrence qui ramenait un peu de feu à l'intérêt de Radio-Canada pour les communautés hors Québec, pourquoi pas? Mais qu'en même temps, cela ne change pas le mandat de Radio-Canada. Le mandat, tel qu'il est, reste un mandat national et de télévision publique. Cela n'empêcherait pas qu'il pourrait y avoir, à un moment donné, des échanges entre ces diverses chaînes de télévision, mais que Radio-Canada aura toujours un mandat de diffuser au Québec et hors Québec et de refléter le Québec et l'extérieur du Québec. Ce sont deux choses qui restent quand même séparées.

Pour en revenir à votre question précédente, une chose doit être prise en considération par rapport à est-ce qu'on peut cumuler ou joindre les forces et faire quelque chose de mieux? La Colombie-Britannique est un grand territoire. Même si une certaine partie est inoccupée dans le nord, on a quand même une association francophone qui se trouve à Prince George, une se trouve à Prince Rupert, ce qui couvre un territoire très étendu. Même si on avait une amélioration de l'intégration des plateformes entre CBC et Radio-Canada, on se demanderait quand même comment couvrir ces régions. Il faut envoyer des gens là-bas. On ne peut pas maintenir un équipement dans toutes les régions, mais il faut quand même envoyer des gens et prévoir un budget parce que ces gens font aussi partie de la communauté francophone.

Si on veut couvrir ce qui se passe et éventuellement, avoir le pouls de ce qui se passe dans ces régions, il faut y aller. Il faut se déplacer.

Le sénateur Mockler : Je vous remercie de vos témoignages exceptionnels. Il ne faut pas se gêner, c'est par les artistes qu'on va connaître nos communautés aussi, que ce soit Natasha St-Pier, Marie-Jo Thério ou Roch Voisine, ils viennent du Nouveau-Brunswick.

Ma question est reliée au constat que vous avez fait, madame Joly. J'avais l'impression que la deuxième langue parlée en Colombie-Britannique était la langue asiatique et vous dites que c'est le français.

Mme Joly : Selon les statistiques sorties récemment, je vais vous dire que le petit billet qui est là-dedans, c'est que oui, il y a une très forte population d'origine asiatique, mais si on regarde les langues en tant que tel, donc on fait une différence entre le cantonais et le mandarin, le français vient à une place plus haute de ce point de vue. Si vous prenez juste la communauté asiatique en termes de proportion, elle est plus représentative, mais en termes de langue parlée stricto sensu, cela revient au français.

Le sénateur Mockler : Je demeure juste à côté des États-Unis, l'État du Maine, vendredi soir, j'écoutais une émission où on parlait des médias sociaux. Croyez-vous que les médias sociaux mettent Radio-Canada en danger?

Mme Joly : Probablement pas dans le sens où les médias sociaux sont un outil de communication. Je ne sais pas si, de ce point de vue, cela met plus Radio-Canada en danger qu'une autre chaîne de télévision. Il y a moyen aussi d'utiliser les médias sociaux.

Autre chose, on parle beaucoup des médias sociaux pour les jeunes. C'est aussi vrai pour les moins jeunes, mais c'est vrai que les jeunes sont beaucoup branchés sur les médias sociaux. Je me le suis fait rappeler la semaine dernière par un plus jeune que moi qui me disait : « on est seul dans notre chambre et on parle avec nos amis sur les médias sociaux. On est quand même en train de socialiser. »

C'est visiblement un vecteur important qui peut prendre beaucoup plus d'importance. La façon et l'objectif avec l'utilisation feront une différence fondamentale.

Mme Campagne : La question est intéressante, mais les médias sociaux sont un fait de la vie. Toutes les organisations doivent composer avec les médias sociaux. Tout le monde doit le faire. Monsieur Lacroix nous disait qu'il fallait vraiment arriver au XXIe siècle. Oui, tout le monde compose avec ces choses. Ce sont des outils. Là où est le danger, c'est qu'on se concentre trop à faire du rattrapage par rapport aux médias sociaux, au détriment de ce qui était la marque de Radio-Canada.

C'est ce côté personnalisé et la profondeur avec laquelle on faisait des entrevues. Il s'agit d'approfondir. Or, les médias sociaux se concentrent davantage sur des trucs de cinq ou dix secondes. Je trouve que cela va à l'encontre de ce qu'on aime de Radio-Canada et de la CBC, soit la profondeur.

Alors dans un sens, oui, c'est préjudiciable. D'un autre côté, c'est comme poser la question à savoir si la télévision peut mettre en danger Radio-Canada. Il s'agit d'un outil ou d'un médium que l'on doit maîtriser.

Le sénateur Mockler : Le sénateur Fortin-Duplessis a fait un constat. Dans le contexte de la stratégie de 2015, on nous dit certaines choses. Il suffira de voir s'il y a lieu de faire un suivi, pour vous et pour nous — pour ma part, je ferai sans doute un petit suivi. On nous dit que dans Partout, pour tous, CBC/Radio-Canada s'engage à maintenir et accroître le genre d'émissions régionales au-delà de l'information, pour refléter les communautés locales. Il semble donc y avoir un engagement. Or, selon les discussions que vous avez eues avec eux, ils ne vont pas dans cette voie.

Mme Campagne : Du moins, je ne le vois pas. On remarque une diminution des émissions et des services dans les communautés, surtout suite à l'élimination du fonds du CRTC. On dirait que, depuis ce temps, plus rien ne peut se faire au niveau local. Cet argent est parti et on n'y peut plus rien.

La sénatrice Fortin-Duplessis : J'ai un commentaire qui s'adresse à Mme Campagne. Je vais vous donner mon opinion au sujet de Radio-Canada. Je suis de la province de Québec, plus particulièrement de la ville de Québec. Il est évident qu'il est toujours question de Montréal. La Société Radio-Canada à Montréal est très occupée à faire indirectement la promotion de la séparation du Québec. Surtout lorsqu'on voit un correspondant de Radio-Canada à l'Assemblée nationale de Québec, qui a démissionné et s'est présenté pour le Parti québécois. Dans ses commentaires, il n'a pas toujours été équitable pour les autres partis à Québec. À mon avis, la société ne respecte pas son mandat.

Mme Campagne : J'allais le dire. Je craignais toutefois que mes propos aillent trop loin, alors je me suis abstenue.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Du moins, c'est mon opinion.

Si vous trouvez que ma prochaine question trop longue, vous pourrez nous fournir votre réponse par écrit. Pour ce qui est de la promotion de la langue française au Québec, selon vous, qui devrait avoir la responsabilité principale? Est- ce le secteur public, le secteur privé ou encore le secteur communautaire?

Mon commentaire plus tôt n'avait aucun rapport avec ma question, je tenais seulement à vous le dire.

Mme Campagne : Vu le contexte des communautés francophones canadiennes en situation minoritaire, je crois que cette responsabilité revient au secteur public. Lorsqu'on parle du secteur privé, on est dans les cotes d'écoute et dans les nombres. Or nous y sommes pour très peu. Les nombres s'améliorent toujours, mais c'est tout. À mon avis, cette question doit relever du secteur public.

Mme Joly : Parlez-vous uniquement au niveau des médias ou en règle générale?

La sénatrice Fortin-Duplessis : En général.

Mme Joly : Il devrait là aussi y avoir un effort de groupe. Comme le disait Suzanne, je ne sais pas si le secteur privé est très intéressé. Le milieu communautaire n'a pas suffisamment de ressources pour porter ce dossier sur ses épaules seules. Il y a donc forcément besoin que le secteur public s'en occupe également. Là aussi, la contribution de tout le monde peut faire en sorte qu'on va y arriver.

Sur ce que vous disiez au sujet d'une concentration sur le Québec, j'aimerais juste rajouter quelque chose. Si je prends l'exemple de la Colombie-Britannique, la communauté francophone a changé énormément. On pouvait dire, il y a peut-être une vingtaine d'années, que d'avoir une télévision ou une radio qui était le reflet de ce qui se passait au Québec pouvait être d'intérêt pour la population hors Québec parce qu'il y avait une majorité de personnes qui était issue de cette population au Québec. Maintenant, ce n'est plus le cas. Il y a de plus en plus d'immigration. La communauté francophone en Colombie-Britannique a énormément évolué. Donc, d'entendre des choses qui se passent à Montréal, ou des personnes, des animateurs, des animatrices ou des artistes qui viennent du Québec, ne signifie pas forcément grand-chose à cette nouvelle population francophone.

Il y a aussi cet écart. Ce n'est pas juste d'être centré sur ce qui se passe, mais c'est aussi les gens qu'on voit, qui devraient, à mon avis, refléter plus de diversité.

La vice-présidente : Je vous écoutais, mesdames, toutes les deux, et mes collègues, au cours de cette heure et demi que nous venons de passer ensemble. Je me pose une question très sérieusement. Il semble que la Francophonie en milieu minoritaire, en ce qui concerne Radio-Canada, est partie sur la même route que la musique classique.

Vous parliez, madame, de phonogrammes. Avec les 10 p. 100 de coupures que Radio-Canada a dû subir, la première chose à disparaître était RCI. Radio Canada International produisait des disques de compositeurs canadiens et d'interprètes canadiens qui allaient partout dans le monde. Nos ambassadeurs se faisaient un plaisir et un devoir de les faire voyager.

Vous parliez de captation. Je me souviens, par exemple, qu'on ait appelé Radio-Canada pour dire qu'il y aura, dans deux semaines, un concert très important donné au camp musical près de Roberval, à Métabetchouan, qui mériterait d'être capté. On a répondu que le technicien était en vacances et qu'on ne pouvait envoyer personne d'autre. C'est un peu la même façon de voir les choses.

On veut parler des médias sociaux. On a découvert Justin Bieber grâce à un truc très amateur sur Facebook ou quelque chose du genre.

Il n'en demeure pas moins que nous devons ensemble convaincre notre radio et télévision d'État de changer un peu son choix dans la programmation à savoir ce qui est important et ce qui ne l'est pas. Doit-on laisser tomber complètement tout ce qui est francophonie en milieu minoritaire? Doit-on laisser tomber tout ce qui est musique classique? Au Québec et même partout, on fête le 75e anniversaire de la SRC. Or, on n'a pas diffusé cinq minutes de tous les grands opéras produits par Radio-Canada à l'époque. Un opéra a même gagné un prix Emmy aux États-Unis, et qui fut enregistré en direct de Montréal. En a-t-on vu 30 secondes? Qu'il s'agisse de Claire Gagnier, de Verreault, de Savoie ou de Jobin, on ne les a jamais revus, même dans le cadre des festivités entourant le 75e anniversaire de Radio- Canada. Ils les ont mis de côté. On n'a pas vu davantage beaucoup d'émissions provenant de la Francophonie en milieu minoritaire.

Je me suis présentée aux audiences de Radio-Canada au CRTC. Cela fait partie des choses sur lesquelles j'ai vraiment insisté. Espérons que tous ensemble, appuyés par le rapport que ce comité produira dans les prochaines semaines ou les prochains mois, nous arriverons à améliorer les choix de Radio-Canada au niveau de la programmation. C'est ce que je nous souhaite à tous.

Madame Campagne, madame Joly, je vous remercie. Notre temps est écoulé malheureusement. Je vous remercie.

Le sénateur Robichaud : On n'a pas le temps pour une autre question?

La vice-présidente : Faire un autre tour? Il faut se garder du temps pour le huis clos qui suivra.

On peut peut-être faire un deuxième tour, de cinq à sept minutes.

Le sénateur Tardif : En plus des compressions que doit subir Radio-Canada, le CRTC a aussi annoncé l'abolition prochaine du Fonds d'amélioration pour la programmation locale.

Quel effet est-ce que cela aura sur vos communautés? Croyez-vous que la capacité de production en région en sera affectée?

Mme Campagne : C'est clair qu'elle sera affectée. Je peux déjà vous parler de quatre événements principaux qui vont cesser d'être présentés suite à la disparition de ce fonds.

En fait, je ne suis même pas certaine que le fonds a été éliminé. Je pense plutôt qu'il a été inséré dans le grand budget, ce qui est différent de dire qu'il a été éliminé. C'est une question à laquelle j'essaierai de répondre. C'est clair qu'il y aura un impact.

Une des premières réactions qu'on a entendues est que maintenant que ce fonds n'existe plus, il n'y aura carrément plus de diffusions artistiques locales parce que ces dernières étaient financées par ce fonds.

Le sénateur Tardif : C'est la même chose pour la Colombie-Britannique?

Mme Joly : Comme je vous l'ai dit, Radio-Canada Colombie-Britannique ne nous n'a pas donné de chiffres ou de détails particuliers par rapport à l'impact que l'élimination de ce fonds aurait.

En revanche, ce que je vois c'est qu'on a une émission de télévision qui est diffusée, qui est faite localement, c'est le Téléjournal. Et je me dis que ce n'est pas beaucoup. Évidemment, il y a un certain nombre de captations par la suite, mais est-ce qu'elles sont diffusées au niveau national? Pas à ma connaissance.

Donc on est déjà quand même sur un terrain très réduit. Si on nous le réduit encore plus, je ne sais pas ce que cela va devenir.

Le sénateur De Bané : Il y a une chose qui m'a réellement peiné. Nous avons reçu le président de la communauté francophone de l'Ontario, qui est la plus importante du Canada. Il nous a dit que lorsqu'il vient au Québec, les gens s'étonnent de voir qu'il peut encore parler français. Cela nous démontre à quel point les nouvelles générations au Québec ne sont pas au courant du dynamisme de nos communautés dans le reste du pays.

La docteure Marie-Linda Lord, du Nouveau-Brunswick nous a dit quelque chose qui m'a beaucoup fait réfléchir. Elle a dit : « Vous savez, nous qui vivons en milieu minoritaire, le fait de voir d'autres francophones en milieu minoritaire à la télévision — que ce soit en Saskatchewan, en Colombie-Britannique ou en Ontario — nous donne de l'assurance en nous-mêmes, et cela nous remonte le moral. Lorsque l'on n'en voit jamais, on se demande si notre façon de lutter est efficace. »

Êtes-vous d'accord avec elle?

Mme Campagne : C'est là qu'on voit l'impact de cette diminution de services. Parce qu'on ne se voit plus. Parfois, je pense que c'est planifié ainsi. Si on divise les gens, si on fait en sorte qu'ils ne peuvent pas se parler, se voir ou se rencontrer, la force est diminuée aussi. Alors oui, je suis d'accord avec cela.

Le sénateur Robichaud : Ma question est courte et simple. Est-ce que la diminution de la présence de Radio-Canada dans vos communautés vous inquiète en ce qui concerne l'assimilation de ces communautés?

Mme Joly : L'assimilation en Colombie-Britannique est déjà un problème majeur. Même si un certain nombre de personnes ne veulent pas qu'on utilise ce mot car il paraît très négatif, c'est quand même quelque chose qui est réel. Il n'y a aucun doute que la Colombie-Britannique, par exemple au niveau scolaire, a un fort engouement pour les écoles d'immersion. Mais c'est vrai qu'on dit toujours que si on a un système scolaire, c'est bien. Si on a un système d'immersion, c'est très bien. Si on peut éduquer nos enfants en français, tant mieux. Mais à partir du moment où ils sortent de leur niveau scolaire, est-ce qu'ils ont des universités en français? Est-ce qu'ils ont accès à un milieu communautaire où il y a des activités en français?

Parce qu'apprendre une langue et ne jamais la pratiquer, c'est stérile. C'est un apprentissage passif qui se perd. Donc oui, on a besoin de ce tissu autour, et l'accès à la télévision et à la radio en français participe à ce tissu.

Je connais plusieurs personnes d'origine anglophone qui écoutent Radio-Canada en français parce qu'elles apprécient de pouvoir garder ce contact avec une certaine communication francophone. Ces personnes apprécient parfois la qualité des émissions auxquelles elles ont accès.

Et il y a aussi du potentiel en termes de production au niveau de la Colombie-Britannique. Il y a des francophones qui travaillent dans le milieu de la réalisation, de la production télévisuelle ou radiophonique. Donc il y a un bassin là aussi qui ne demande qu'à être utilisé.

Mme Campagne : Dans ma présentation, j'ai mentionné cette inégalité avec les artistes anglophones au Québec, par exemple, qui ont le luxe de faire leur carrière uniquement en anglais et que cela se passe très bien. De plus en plus de métiers, artistiques ou autres, sont axés vers le bilinguisme. Dans ce sens, c'est plus facile de dire qu'il y a plus d'ouverture vers les anglophones. Comme la possibilité est là, on va y aller.

Alors oui, je crois que la façon de livrer ces services à nos communautés peut contribuer à l'assimilation. Même si de plus en plus de gens apprennent le français dans notre province.

La vice-présidente : Madame Campagne, madame Joly, je vous remercie d'être venues nous voir, merci de ce que vous nous avez apporté. Vous en retrouverez sûrement dans notre rapport.

Honorables sénateurs, je vous remercie aussi.

Je vais suspendre la séance pendant quelques minutes et nous reprendrons après.

(La séance passe à huis clos)


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