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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 14 - Témoignages du 26 février 2013


OTTAWA, le mardi 26 février 2013

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans, auquel a été renvoyé le projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières se réunit aujourd'hui à 18 h 14 pour en faire l'examen.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Je suis ravi de vous souhaiter la bienvenue à cette séance du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans.

Je présente mes excuses aux invités pour la séance tardive ce soir, mais en vertu du Règlement du Sénat, nous ne pouvons pas, sauf autorisation spéciale, convoquer de réunion lorsque le Sénat siège. Certains adorent parler au Sénat. Les discours se prolongent constamment et on ne peut rien y faire. Nous sommes d'ardents défenseurs de la liberté d'expression.

Mon nom est Fabian Manning, je suis un sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador et je préside le comité. Avant de céder la parole aux témoins, je demanderai aux membres du comité de se présenter.

Le sénateur Harb : Mac Harb de l'Ontario.

Le sénateur MacDonald : Michael MacDonald de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis, de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine de la Colombie-Britannique.

La sénatrice Unger : Betty Unger de l'Alberta.

Le sénateur Wells : David Wells de Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Le sénateur Wells est un nouveau membre du comité et un nouveau sénateur nommé récemment. Un autre nouveau membre se joindra à nous la semaine prochaine, il s'agit de la sénatrice Stewart Olsen qui remplacera le sénateur Oliver.

Je cède la parole maintenant au sénateur Wells pendant quelques minutes pour qu'il puisse nous parler de ses antécédents. On s'est rencontré à Terre-Neuve donc je connais très bien son expérience dans le domaine des pêches en particulier. Nous sommes ravis de vous accueillir en tant que nouveau membre du comité.

Le sénateur Wells : Tel que le président l'a mentionné, j'ai une expérience de longue date dans le secteur de la pêche. Mon expérience remonte à plus de 30 ans. Au tout début de ma carrière, à la fin des années 1970, je travaillais dans des usines de transformation du poisson entre les trimestres de mes études universitaires. Au cours des années 1980, j'exploitais des usines de transformation du poisson sur la côte du Labrador et sur l'île de Terre-Neuve.

De 1990 à 2006, j'ai exploité une société d'experts-conseils en pêches et ressources naturelles à Terre-Neuve-et- Labrador. Pendant la même période, j'étais le propriétaire et l'exploitant d'Atlantic Halibut Farms, une entreprise en aquaculture que j'ai gérée pendant quelques années avant de la vendre à une entreprise norvégienne.

Entre 2006 et 2010, j'ai travaillé à titre de chef du personnel et de conseiller principal en matière de politiques auprès de quelques ministres des Pêches ici à Ottawa.

J'ai été délégué au sein de l'Organisation des pêches de l'Atlantique Nord-Ouest (OPANO). J'ai rédigé deux cours sur la gestion des pêches pour le Marine Institute de l'Université Memorial à Terre-Neuve. J'ai fait des exposés dans des conférences dans le monde entier, je suis ravi d'être ici et de contribuer de quelque manière que ce soit.

Le président : Vous êtes le bienvenu. Nous sommes convaincus que votre expertise sera un atout pour le comité. Vous ne trouverez pas de meilleur endroit que celui-ci pour mettre à contribution toutes vos connaissances. Vous avez été averti.

Le comité continue son étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières.

J'ai le plaisir de souhaiter la bienvenue à Patrick McGuinness, président du Conseil canadien des pêches. Au nom de tous les membres du comité, je vous remercie d'être venu aujourd'hui. Je crois que vous allez faire une déclaration préliminaire, les sénateurs vous poseront ensuite des questions.

Avant de commencer, j'aimerais souhaiter la bienvenue à la sénatrice Elizabeth Hubley, la vice-présidente du comité.

Je cède la parole à M. McGuinness.

Patrick McGuinness, président, Conseil canadien des pêches : Merci beaucoup. Je vais suivre le sénateur Wells et je vais vous donner un aperçu du Conseil canadien des pêches. Le Conseil canadien des pêches est une association commerciale nationale située ici à Ottawa, qui représente l'industrie de la pêche au Canada d'un océan à l'autre. Nous avons des membres en Colombie-Britannique, au Manitoba, en Ontario, au Québec, en Nouvelle-Écosse, au Nouveau- Brunswick, à l'Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et au Nunavut.

Les gens que nous représentons sont ce que nous appelons des entreprises de pêche intégrée. Il s'agit d'entreprises qui possèdent leurs propres bateaux, ont leurs propres usines de transformation et participent à la commercialisation et la distribution de leurs produits.

En même temps, nous sommes fiers de compter parmi nos membres ce que nous appelons des coopératives de pêche. Il s'agit d'associations de pêcheurs qui possèdent et exploitent leurs propres usines de transformation. Nous sommes contents d'avoir cette diversité parmi nos membres.

Nos deux membres de l'Île-du-Prince-Édouard comptent parmi les coopératives de pêche les plus importantes. Nous avons des coopératives de pêche au Nouveau-Brunswick, à Terre-Neuve, deux au Labrador et une au Nunavut.

Notre association en Ontario, le Fish and Seafood Association of Ontario, compte surtout des importateurs et des distributeurs, mais ceux-ci représentent une petite partie de nos membres. Leurs frais d'adhésion représentent environ 4 p. 100 du total des frais d'adhésion.

Parmi nos membres on retrouve aussi des flottes individuelles, y compris le BC Seafood Alliance, qui représente environ 85 p. 100 des bateaux de pêche du Pacifique. Nous avons aussi des crevettiers hauturiers au Canada atlantique. La flotte hauturière de pêche de poisson de fond; la flotte de pêche du pétoncle et la flotte semi-hauturière de pêche de hareng en Nouvelle-Écosse.

Nous essayons de représenter cet éventail de membres lorsque nous abordons des questions nationales et internationales qui touchent l'industrie de la pêche au Canada. Nous ne nous prononçons pas sur qui devrait avoir accès aux poissons. Nous ne déclarons pas que les poissons devraient appartenir à l'Île-du-Prince-Édouard ou à la Nouvelle-Écosse ou à toute autre province. C'est ainsi que nous réussissons à survivre.

Je devrais aussi mentionner que nous sommes le membre fondateur de la Coalition internationale des associations de pêche. Il s'agit d'une coalition d'organismes de pêche nationaux tels que le Conseil canadien des pêches au Canada, le National Fishery Institute aux États-Unis, et des organismes au Japon, en Islande, en Norvège, en Russie, en Espagne et d'autres pays. La coalition est formée d'associations nationales d'environ 16 pays. Je suis le président en exercice de la coalition.

Notre organisme est inscrit auprès des Nations Unies en tant que groupe industriel non gouvernemental ce qui nous permet de participer à tous les niveaux aux Nations Unies, que ce soit à l'Assemblée générale, ou, plus précisément à la FAO lorsqu'il s'agit de questions touchant les pêches et les océans.

En ce qui a trait aux négociations et à l'élaboration de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, de la FAO, nous y avons assisté en tant qu'observateurs. Aux Nations Unies, évidemment les délégations de tous les pays participent aux négociations portant sur une question précise, ensuite il y a une pause, puis normalement le président demande aux observateurs s'ils ont des commentaires, s'ils veulent intervenir. C'est à ce niveau-là que nous participions.

Le Canada a signé l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, ce qui veut dire que, maintenant, il faut modifier la Loi sur la protection des pêches côtières. Le Conseil canadien des pêches ainsi que la Coalition internationale des associations de pêche appuient pleinement les négociations portant sur l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port ainsi que ses résultats. L'orientation était la bonne. L'accord portait surtout sur la pêche illégale et le transbordement en haute mer. C'est la question qui est au cœur de ce que nous appelons la pêche INN, ou la pêche illégale, non déclarée et non réglementée.

Nous sommes d'avis que le seul problème dans l'accord réside dans le fait que les négociations ont pris trop de temps. Cela prenait beaucoup temps, il y avait un échéancier laborieux, et malheureusement, cela a servi de prétexte à l'Union européenne et aux États-Unis d'essayer de résoudre unilatéralement la question de la pêche INN. De notre point de vue, la pêche INN est due aux pays qui permettent à leurs bateaux d'aller en haute mer sans être réglementés, malheureusement.

J'aimerais maintenant vous faire part de quelques observations sur la deuxième question que j'ai soulevée. En raison de l'initiative de l'Union européenne sur la pêche INN, toutes nos exportations vers l'Union européenne doivent maintenant être accompagnées d'un certificat du ministère des Pêches et Océans indiquant que les poissons exportés ont été pêchés légalement au moyen d'un bateau titulaire de permis de pêche.

D'abord, il s'agit d'un processus compliqué et très coûteux pour les pays comme le Canada et d'autres pays soumis aux mêmes mesures. Comme vous le savez, nous avons peut-être un, deux ou trois bateaux qui vont en haute mer. Il s'agit d'un processus très coûteux pour nous et nous sommes d'avis qu'il s'agit d'un obstacle inutile à la pêche, la prise de poissons, la transformation et l'exportation.

Par exemple, le homard vivant est pêché dans des bateaux qui mesurent 45 pieds ou moins. Ces bateaux pêchent à environ 12 milles de la côte. En même temps, c'était un processus très coûteux que d'élaborer un système selon lequel le ministère des Pêches et Océans devait certifier que les bateaux qui avaient participé à cette pêche, durant la saison de pêche, étaient vraiment titulaires de permis de pêche.

Vous comprendrez qu'ici, au Canada, nous n'avons pas une industrie de la pêche comme en Islande, où l'industrie est consolidée. Le ministère des Pêches et Océans a des plans de gestion des pêches pour 150 pêches, et 87 p. 100 des bateaux certifiés par le ministère des Pêches et Océans mesurent 45 pieds ou moins.

D'abord, cette initiative unilatérale de la part de l'Union européenne n'était vraiment pas la bienvenue. Deuxièmement, je dois absolument féliciter le ministère des Pêches et Océans, car ils ont réagi très vite en élaborant un système qui nous a permis de continuer d'exporter vers l'Union européenne.

Cependant, les États-Unis ont aussi agi unilatéralement en renouvelant leurs lois relatives aux pêches par le biais de la Magnuson-Stevens Act, mais ils ont adopté une approche différente. Ils surveillent les pêches en haute mer et identifient les pays qui permettent à leurs bateaux de pêcher en haute mer sans les contrôler adéquatement. Comme j'ai dit tout à l'heure, nous pensons que ce genre d'action unilatérale n'est pas bénéfique au niveau des pêches mondiales et des tentatives visant une approche multilatérale.

J'ajouterais que l'approche de l'Union européenne était particulièrement odieuse parce qu'ils ont décidé de présumer que tous sont coupables tant qu'ils n'ont pas été déclarés innocents. Au moins, en vertu de l'approche américaine, on est innocent jusqu'à ce que les enquêtes prouvent le contraire. Il est intéressant de noter que les États-Unis ont identifié des pays coupables, notamment l'Italie et l'Espagne, et pourtant, l'Union européenne impose ce régime dans le monde entier.

Notre but, le but du Conseil des pêches du Canada et de nos associations internationales de pêche, est de faire en sorte que l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port soit ratifié et mis en œuvre aussitôt que possible. Nous espérons qu'une fois qu'il y aura ce très large soutien avec l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port qui sera mis en œuvre, sera efficace et qui ciblera le vrai problème — c'est-à-dire les bateaux de pêche en haute mer —, nous pèserons alors suffisamment pour demander à l'Union européenne de mettre fin à son programme.

Voilà essentiellement où nous en sommes. Étant donné l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, manifestement, il faut que la Loi sur la protection des pêches côtières soit modifiée. Je reconnais que nous l'avons épluchée. Nous ne sommes pas des avocats, mais, à première vue, nous n'y trouvons aucune cause d'inquiétude.

Voilà qui termine ma déclaration.

Le président : Merci, monsieur McGuinness.

La sénatrice Hubley : Merci beaucoup d'être venu ce soir et merci de votre exposé.

Pouvez-vous me dire quelles sont les zones maritimes qui causent le plus de problèmes du point de vue de la pêche INN? Les bateaux de pêche qui s'adonnent à cette activité battent-ils un pavillon en particulier? J'attends votre réponse.

M. McGuinness : S'agissant des bateaux de pêche qui pêchent en haute mer, je ne suis pas très au courant de la situation, mais ce sont des bateaux essentiellement chinois, espagnols, portugais, taiwanais, sud-coréens, japonais et de bien d'autres pays.

Certains pays, le Japon en particulier, sont très diligents, pour surveiller les bateaux, faire rapport et ce genre de choses. Ils peuvent compter sur un système de dépistage si bien qu'ils connaissent l'emplacement du bateau et, à bord, ils peuvent compter sur des mécanismes d'enregistrement révélant le volume de poissons qui s'y trouvent.

Prenons maintenant la flotte de l'Union européenne. Par exemple, les bateaux espagnols pêchent une quantité considérable de merlus au large des côtes de l'Argentine. En Espagne, le merlu est un peu comme la morue de l'Atlantique dans l'Est du Canada. C'est une des espèces les plus appréciées des consommateurs espagnols, et cette zone de pêche est la zone la plus importante pour les bateaux espagnols.

Cela dit, on ne peut nier l'accent que l'on met sur la pêche INN, en particulier dans la société civile. L'Union européenne a pris des mesures considérables pour mieux contrôler les flottes espagnoles et portugaises. Néanmoins, à la fin de 2012, le gouvernement américain a identifié l'Espagne comme un pays qui pratiquait la pêche INN, si bien qu'il y aura des négociations entre l'Espagne et les États-Unis suite à ce qui a été découvert.

La sénatrice Hubley : Vous avez dit que ces bateaux pêchaient en haute mer, pour ainsi dire. Est-ce qu'ils essaient d'accoster dans des ports canadiens? A-t-on fait une évaluation de la perte que la pêche INN représente pour le Canada? Y a-t-il effectivement perte pour le Canada?

M. McGuinness : Beaucoup de ces bateaux battent ce que l'on appelle un pavillon de complaisance. Je crois que, désormais, on utilise un autre terme. Ils pêchent, par exemple, au large des côtes des pays d'Amérique latine et des Caraïbes. Un bateau qui serait reconnu comme un bateau de pêche INN n'oserait pas demander d'accoster dans un port canadien pour y débarquer sa prise ou pour quoi que ce soit. Il est plus probable qu'il chercherait ailleurs un port moins regardant.

Quel coût cela représente-t-il pour le Canada? Pratiquer cette pêche représente un coût, surtout pour le carburant, les coûts croissants de la main-d'œuvre pour les bateaux qui pêchent au long cours, ce qui n'est pas rentable. Nous le savons parce que nos bateaux qui pêchent à l'extérieur de la limite de 200 milles coûtent chacun environ 21 millions de dollars pour pêcher le flétan du Groenland et d'autres produits, et cela se fait à grande distance même si, en comparaison à ces autres bateaux, la distance est assez courte. Pour ces compagnies-là, c'est à peine rentable. Moi- même, comme beaucoup d'autres, je ne doute pas un instant, étant donné la structure des coûts, que le gros de la pêche en haute mer est impossible sans subvention.

La sénatrice Raine : Qu'entendez-vous par subvention? Est-ce que leurs gouvernements leur accorderaient des subventions?

M. McGuinness : Si vous examinez la structure du programme de carburant de l'Union européenne, les propriétaires des bateaux de pêche de l'Union européenne obtiennent plus de remises de ce programme de carburant le plus ils s'en servent. Les remises accordées à ces bateaux de pêche de haute mer sont assez élevées.

Quant aux pêches d'État, la Chine s'est dotée d'un programme national pour élargir considérablement sa capacité de pêche, non seulement à l'intérieur de ses eaux, mais aussi sur le plan international. La construction d'un bateau de pêche est fortement subventionnée. Au Canada, votre bateau de pêche vous coûterait entre 20 millions de dollars et 30 millions de dollars. Et pour ce faire, vous devez essentiellement avoir recours au capital privé. Dans un certain nombre de pays, ces coûts sont plus ou moins partagés et le Trésor public contribue.

Le sénateur Harb : Merci, monsieur McGuinness. Avez-vous participé à l'élaboration du projet de loi? Est-ce qu'on vous a consulté?

M. McGuinness : En effet, oui, on nous a consultés à l'étape du rapport. Notre Coalition internationale des associations de pêche faisait partie du processus d'observation. De temps à autre, le ministère des Pêches et Océans, en particulier, se réunissait avec cette association quant au libellé, aux initiatives ou aux concepts proposés pour voir si nous y étions favorables. Le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international et le MPO n'étaient pas d'accord avec un certain nombre de concepts. Essentiellement, nous étions d'accord et nous avons prévu une équipe très professionnelle pour aborder ces enjeux. Le Canada est membre de l'OPANO, un organisme de pêche important de la région, c'est surtout l'équipe canadienne qui fait avancer l'organisme en ce qui concerne les questions telles que l'application de la loi et la surveillance de la côte atlantique du Canada. Nous avons une équipe très expérimentée et possédant de vastes connaissances qui est là pour interpréter ce genre d'initiatives par rapport à la Loi canadienne sur la protection des pêches côtières et par rapport à son impact à l'égard de l'OPANO et d'autres organismes de gestion des pêches régionales auquel nous participons.

Le sénateur Harb : Donc, d'après vous, le comité n'a pas besoin d'ajouter d'autres volets importants. Êtes-vous entièrement satisfait du projet de loi tel qu'il a été présenté.

M. McGuinness : Oui.

Le sénateur Harb : Ma dernière question porte sur la disposition du projet de loi qui propose d'interdire l'importation de tout poisson ou plante marine illégalement acquis. Cette disposition pourrait-elle vous préoccuper? Dans un certain sens, vos membres doivent faire preuve de diligence raisonnable. Est-ce que cela vous préoccupe?

M. McGuinness : Non, cela ne nous préoccupe pas. Essentiellement, nous cherchons surtout à élaborer un document multilatéral qui nous permet de s'attaquer à cet enjeu. Quant aux poissons et aux fruits de mer, nous sommes dans un marché où il faut faire concurrence à la viande, au poulet et ainsi de suite. Les groupes environnementaux mettaient l'accent surtout sur le problème que constitue la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Jusqu'à une certaine mesure, cela pourrait peindre une image négative du secteur international de la pêche. Il est dans notre intérêt de s'attaquer à ce problème. Il nous est prioritaire de mettre en place ce genre de mesures crédibles et efficaces, qui montrent essentiellement à la société civile que le secteur de la pêche et les divers pays se sont réunis pour identifier un problème et le résoudre collectivement.

C'est à ce niveau que nous travaillons. Cette disposition, bien entendu, touche les navires qui entrent dans les ports canadiens, non seulement les bateaux de pêche, mais également les navires de transbordement océaniques. C'est une mesure qui nous autorisera à faire des inspections et à déterminer ce qui est licite ou non. S'il s'agit de pêche illicite, notre secteur, c'est-à-dire nos exploitants de bateaux et nos transformateurs, ce qui comprend notre association ontarienne, appuie sans réserve l'élimination de ce genre d'activité.

La sénatrice Poirier : J'ai plusieurs questions, dont une sur la définition de bateau de pêche et de poisson. Selon vous, est-ce que ces changements à la définition de navire de pêche et de poisson pourraient avoir des répercussions pour les pêcheurs? Ces derniers, sont-ils en faveur des changements et y aura-t-il des répercussions?

M. McGuinness : Nous n'avons rien vu qui était, à notre avis, dangereux. Comme je le disais, nous ne sommes pas des experts en la matière. Avez-vous des exemples plus précis de votre préoccupation?

La sénatrice Poirier : Je sais tout simplement que ces définitions-là ont été modifiées, et je me demandais si selon vous ces modifications auraient des conséquences.

M. McGuinness : Non, pas que nous sachions.

La sénatrice Poirier : Selon vous, jusqu'à quel point la pêche illégale, non déclarée et non réglementée pose-t-elle un problème?

M. McGuinness : Ce n'est pas vraiment un problème au Canada. Quant au respect du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO, par exemple, six scientifiques internationaux ont examiné les régimes de gestion des pêches de 56 pays. Ce n'était pas nécessairement des scientifiques qui étaient favorables à l'industrie de la pêche ou au gouvernement. Grosso modo, le rapport a brossé un tableau assez négatif, mais le groupe a quand même identifié six pays qui respectaient les régimes du Code de conduite pour une pêche responsable de la FAO. Seulement six pays ont eu des notes de passage et le Canada s'est classé au troisième rang. Ce rapport examinait des questions telles que le contrôle et la gestion des pêches.

Ce n'est pas vraiment un problème au Canada. La situation a évolué au fil des ans. Il y a environ 15 ou 20 ans, c'était bel et bien un problème. C'était surtout problématique au Canada atlantique où le MPO a identifié, à un moment donné, quelques exemples de pêche illégale et a intenté des poursuites au tribunal. Nous avons constaté que les responsables du système judiciaire étaient influencés par la faute commise par des pêcheurs et qu'ils ne mettaient pas beaucoup l'accent sur la nature illégale de la pêche. Le Conseil canadien des pêches ainsi que d'autres groupes ont lancé une campagne auprès des responsables du système judiciaire pour signaler l'importance de la question. Il s'agit de pêche illégale et si l'on ne traite pas le problème comme une question très sérieuse, nous risquons de voir une surpêche et l'appauvrissement de nos stocks.

La plupart des autorités du système judiciaire comprenaient. Peu importe les circonstances, la pêche illégale constitue une question importante.

Au Canada, nous sommes tout à fait persuadés que dans ce domaine nous avons un des meilleurs bilans au monde.

Maintenant, nous avons le MPO. Ce dernier a mis en place entre 150 et 160 plans de gestion des pêches qui précisent non seulement les quotas, mais également le régime d'application de la loi pour chaque pêche. Ce niveau de détail et ce type de surveillance sont extrêmement importants, surtout de nos jours.

Le sénateur McInnis : Comment fait-on pour faire du lobbying auprès d'un juge?

M. McGuinness : Vous écrivez des lettres, mais pas à un juge en particulier. Nous avons ciblé des associations juridiques et des groupes de ce genre. Nous avons expliqué la situation pour faire passer le message.

Le sénateur McInnis : Vous avez fait affaire avec les associations du Barreau et les procureurs.

La sénatrice Raine : C'est fascinant. Je vois clairement que nous voulons aller de l'avant avec l'Accord sur les mesures de ressort de l'État du port. Nous faisons tout pour pouvoir respecter nos obligations en vertu de cet accord. Nous l'avons déjà signé; ce que nous faisons maintenant s'agit-il d'un travail administratif?

M. McGuinness : Essentiellement, c'est ce que j'en comprends. Comme vous le dites, le travail administratif consiste à régler tous les détails pour — comme vous le dites — ne pas perturber notre propre Loi sur la protection des pêches côtières.

La sénatrice Raine : Je ne sais pas exactement où nous en sommes pour l'instant. Dois-je comprendre qu'il faudra que 25 pays le ratifient pour qu'il entre en vigueur?

M. McGuinness : Oui.

La sénatrice Raine : Y en a-t-il 23 à l'heure actuelle? Est-ce que cela comprend le Canada?

M. McGuinness : Après moi vous aurez le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, mais nous sommes quatre ou cinq à l'avoir ratifié.

La sénatrice Raine : Et ils ont mis en place toutes les mesures législatives requises?

M. McGuinness : Oui, quel que soit le processus de ratification. Dans notre cas, nous devons examiner la Loi sur la protection des pêches côtières et nous assurer de sa cohérence avec l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, après quoi nous passerons à la ratification. D'autres pays ont différentes approches envers la ratification.

La sénatrice Raine : Nous sommes donc loin d'avoir terminé.

M. McGuinness : La Coalition internationale des associations de pêche regroupe 16 pays. Ils sont entièrement d'accord. Nos 16 pays sont des gros joueurs dans le secteur mondial des pêches. Le secteur des pêches est tout à fait d'accord.

Vous avez identifié un problème : le système international est lent. Les négociations ont pris beaucoup de temps, et la ratification même prendra du temps.

Je crois cependant qu'il sera difficile pour les pays de ne pas ratifier. Le monde en voie de développement a une grosse préoccupation. Ce sont les pays en voie de développement qui ont été les principales victimes de la pêche INN, tels que le Ghana, où les bateaux de pêche en haute mer de n'importe où pénètrent sa zone de 200 milles. Ces pays n'ont ni la capacité de surveillance ni les bateaux pour lutter contre la pêche illégale.

D'après moi, le monde en développement va sauter sur cette occasion comme moyen, je l'espère, de permettre aux pays tels que le Ghana d'identifier les bateaux X, Y ou Z coupables d'intrusion dans sa zone. La FAO va développer une liste noire, pour ainsi dire, et lorsque ce bateau se rendra au port d'un pays pour le déchargement, nous espérons que ce pays prendra les mesures déjà en place ici.

La sénatrice Raine : Cette loi s'applique à tous les océans ou seulement à l'Atlantique?

M. McGuinness : À tous les océans.

La sénatrice Raine : De nombreux pays ne l'ont pas signé.

M. McGuinness : En effet.

La sénatrice Raine : Cela pose évidemment un problème.

M. McGuinness : Par exemple, le Canada n'a pas signé. Chacun doit faire preuve de diligence raisonnable et suivre son processus. Tous ces pays sont membres de la FAO. Ils ont participé à cet exercice. Je pense que cela réussira à obtenir la signature des pays où les pêches sont une partie importante de leurs aspects économiques et sociaux.

La sénatrice Raine : Pardonnez-moi de n'avoir pas tout à fait compris. J'ai une note disant que l'entente, c'est-à-dire l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port, et que pendant cette période 23 États l'ont signé. Depuis ce temps, un signataire, soit l'Union européenne, a approuvé l'accord, alors qu'un autre, la Norvège l'a ratifié. Deux pays non signataires, le Myanmar et le Sri Lanka, ont accepté l'accord. Nous devons nous rapprocher des 25 requis pour que cela entre en vigueur. Peut-être que 25 ont dit qu'ils le feraient, mais que ça prendra encore du temps.

M. McGuinness : Précisément.

La sénatrice Raine : En tant que pays se classant au troisième rang en termes de gestion responsable des pêches, le Canada devrait le signer aussi rapidement que possible et donner l'exemple.

M. McGuinness : C'est ce que nous avons recommandé.

La sénatrice Raine : Merci.

Le sénateur McInnis : Pour ce qui est du transfert du poisson aux bateaux porte-conteneurs, par exemple, savez-vous si cela se fait couramment?

M. McGuinness : Comme je l'ai dit, la pêche en haute mer est extrêmement coûteuse et les Chinois ont trouvé une façon très ingénieuse pour régler ce problème. Ils utilisent des navires très grands et presque stationnaires en haute mer dans les lieux de pêche. Ils envoient ensuite des navires de charge aux navires stationnaires à certains moments pour transborder le poisson et l'emporter en Chine ou ailleurs.

Le transbordement permet de réduire les coûts associés à la pêche. Si vous avez de grandes distances à parcourir, et que vous hissez la voile à partir de Vigo en Espagne, pour vous rendre aux îles Falkland, vous y allez, vous faites votre pêche au merlu, qui n'est pas une espèce à valeur élevée, puis vous devez retourner jusqu'à Vigo pour le débarquement. Vous avez là beaucoup de frais non productifs. Vous essayez donc de réduire ce facteur en choisissant le transbordement.

Comme vous l'avez dit, il est très important que le transbordement soit un élément de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port.

Le sénateur McInnis : Je m'imaginais qu'au port de Halifax, les conteneurs rentreraient, mais on le constate très peu. Ce serait très facile à faire.

M. McGuinness : Oui, mais vous avez tout à fait raison. C'est là qu'il vous faudrait des renseignements pour savoir si ce porte-conteneurs a rencontré un autre bateau de pêche en haute mer, et la question qui se poserait serait la suivante : est-ce que les activités de ce bateau de pêche sont réglementées ou non? La question serait probablement importante, une fois le processus lancé.

La situation s'avère complexe et difficile. L'autre problème c'est que les bateaux de pêche passent d'un propriétaire à un autre, parfois sans changer de nom, mais les nouveaux propriétaires ne savaient pas que ce bateau est sur la liste noire, pour ainsi dire. Ils ont acheté ce porte-conteneurs, sont allés en Alaska pour y prendre de la goberge et la livrer en Union européenne, mais l'Union européenne avait ajouté ce porte-conteneurs sur sa liste noire en tant que porte- conteneurs de pêche INN, et elle a bloqué l'entrée du produit.

Cela devait être tiré au clair, puisque le propriétaire actuel était une entreprise de bonne réputation, mais qui n'avait pas fait preuve de diligence raisonnable ni de vérification à l'égard du navire pour ensuite en faire changer le nom.

Ce genre de problèmes surviendra, et il faudra les traiter de sorte à être équitable envers les personnes impliquées, si, de fait, elles n'ont pas participé à l'activité INN.

Le sénateur McInnis : Ils ont des chiens renifleurs pour les stupéfiants à Halifax, des chiens labrador chocolat. J'ose croire que le poisson a une odeur beaucoup plus prononcée.

M. McGuinness : Ils ont l'ADN pour le poisson.

Le sénateur McInnis : Oui, en effet.

Le sénateur Wells : Je reconnais votre longue association avec l'industrie et j'apprécie vos commentaires aujourd'hui. Vous avez mentionné que 16 nations ont signé à ce jour. Avez-vous compté l'Union européenne en tant qu'une seule nation?

M. McGuinness : Je crois que c'était la sénatrice Raine qui a mentionné le nombre de 16. Mon seul souvenir à l'heure actuelle c'est que quatre ou cinq l'ont ratifié. Votre prochain témoin pourra peut-être confirmer ou infirmer cela.

Le sénateur Wells : D'après ce que j'ai compris, même avant qu'un pays ne le ratifie, il va généralement accepter les principes de l'accord proposé. D'après moi, c'est une bonne chose.

D'après votre expérience en discutant avec les représentants d'autres pays, ont-ils accepté volontiers d'en faire partie ou ont-ils été poussés?

M. McGuinness : La plupart des pays comprennent. Ils comprennent dans le sens que leurs pêches doivent être gérées de sorte à assurer leur durabilité. Cette pêche INN porte atteinte à la réputation de notre secteur, et il faut faire quelque chose. À mon avis, la plupart des pays qui participent à la pêche acceptent bien la notion, ainsi que le fait que la pêche INN est une tache noire pour toute l'industrie, pour la gestion des pêches, et pour certains pays il va falloir réagir.

Je garde espoir que la plupart des pays ont maintenant, envers la gestion responsable des pêches, la même attitude que le Canada, les États-Unis, la Nouvelle-Zélande, l'Australie, l'Islande et la Norvège. Ces pays, comme vous dites, ont compris. Dans ce cas-ci, cette harmonie dans les idées pourrait s'étendre à un nombre plus élevé de pays en voie de développement. Comme je l'ai dit, ce sont eux qui souffrent considérablement parfois en termes de pêche INN, de pêche en long cours.

Le sénateur Wells : Nous savons tous qu'il est important de lutter contre la pêche INN. Dans quelle mesure la tendance actuelle en matière d'approvisionnement en fruits de mer à partir de la récolte initiale jusqu'au point de vente au détail est utile pour pouvoir identifier le poisson pêché légalement ou illégalement?

M. McGuinness : Vous avez tout à fait raison. Nous constatons l'émergence de deux choses. D'abord, si vous voulez bien, le marché exige que nos pêches soient certifiées durables, que ce soit par le conseil pour la bonne gestion ou d'autres organismes. Il en est de même pour les fermes d'aquaculture. Il s'agit en partie d'établir une chaîne de possession, puis la traçabilité.

Nous voyons maintenant, vous avez tout à fait raison, qu'on insiste beaucoup plus sur le nom du bateau ayant fait la récolte, où s'est déroulée la récolte et si vous pouvez démontrer la traçabilité à partir de ce bateau de pêche particulier jusqu'au point de vente au détail ou en gros. Voilà ce qui se déroule principalement à l'heure actuelle. Vous savez sans doute que les fruits de mer sont le produit alimentaire le plus vendu au monde. Nous sommes en train de constater le développement de ce type de processus sophistiqué.

Pour avoir accès au marché, au bout du compte, nous dépendons tous de trois marchés : l'Union européenne, les États-Unis et le Japon. Nous avons aussi des marchés émergents en Russie et en Chine. Ces marchés ont beaucoup d'exigences en termes de la chaîne de surveillance comme vous dites, et en termes de pouvoir répondre à cette question, si elle est posée.

Voilà la situation actuelle. Cet enjeu porte sur l'aspect en haute mer de tout cela.

Le président : Merci, monsieur McGuinness, d'être venu ce soir. Encore une fois, je vous prie de m'excuser pour l'heure tardive et je vous remercie d'avoir patienté pour faire votre déclaration et pouvoir répondre aux questions des membres du comité. Je vous remercie de votre temps.

M. McGuinness : Je tiens à vous remercier de mon côté, et à vous remercier pour vos excellentes questions.

Le président : Avant de commencer le deuxième volet de la séance, étant si pressé au début de notre réunion, j'ai oublié de profiter de l'occasion pour exprimer nos condoléances aux familles des pêcheurs en Nouvelle-Écosse qui ont disparu la semaine dernière. J'en ai discuté avec plusieurs membres du comité et avec des gens à travers notre province, Terre-Neuve-et-Labrador. Je suis moi-même d'une petite communauté de pêcheurs, et les mots ne suffisent pas pour exprimer nos condoléances à ces gens, mais je voulais simplement leur faire savoir qu'ils sont dans nos pensées et nos prières.

Le comité poursuit donc son étude du projet de loi S-13, Loi modifiant la Loi sur la protection des pêches côtières. Il nous fait plaisir d'accueillir un représentant du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international. De la part des membres du comité, je remercie M. Morrill d'être venu ce soir et je le prie de m'excuser du fait que la séance ait commencé tardivement. Merci d'avoir fait preuve de tant de patience en acceptant d'attendre pour nous parler ce soir. Vous avez maintenant la parole si vous avez une déclaration préliminaire à faire, après quoi nous passerons à la période des questions.

Keith Morrill, directeur, Direction du droit des océans et de l'environnement, Affaires étrangères et Commerce international Canada : Merci beaucoup. Si vous le permettez, je pense qu'il serait bon que je fasse quelques brefs commentaires de nature générale sur le projet de loi S-13 dans une perspective du droit international.

Premièrement, je tiens à souligner que, dans cette perspective, le projet de loi vise, d'abord et avant tout, à faire en sorte que le Canada respecte toutes les obligations énoncées dans l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée. Il s'agit d'un traité adopté aux Nations Unies et négocié sous les auspices de l'Organisation des Nations Unies pour l'alimentation et l'agriculture, la FAO. Une fois que nous aurons la certitude que le Canada peut s'acquitter de toutes ces obligations, celui-ci sera alors en mesure de le ratifier.

J'aimerais également ajouter que, en ce qui concerne de nombreux articles du traité, le Canada peut déjà, en vertu de sa législation existante, satisfaire aux obligations requises. Par conséquent, le projet de loi S-13 ne porte pas sur l'ensemble du traité, mais seulement sur quelques domaines où il faut combler un vide dans le droit canadien au regard des mesures nécessaires à son application. Au sein de la communauté internationale, le Canada fait figure de chef de file dans la lutte contre la pêche illégale, non déclarée et non réglementée, de sorte qu'il a déjà une longueur d'avance sur de nombreux pays en ce qui concerne l'élaboration de sa panoplie de mesures pour remédier à ce problème.

À cet égard, les mesures du ressort de l'État du port s'avèrent essentielles. En vertu du droit canadien, il est déjà possible de satisfaire à de nombreuses exigences fondamentales énoncées dans le traité, comme la capacité d'inspecter les navires qui se sont livrés à la pêche INN et de leur refuser l'utilisation de nos ports. En effet, le traité peut se concevoir comme un mécanisme visant à amener le reste du monde à adopter l'orientation déjà suivie par le Canada. Toutefois, pour le ratifier, nous devons avoir la certitude de pouvoir respecter toutes ses obligations. Je crois que c'est la sénatrice Raine qui a parlé de tâches administratives. Je pense que c'est une bonne façon de présenter les choses. Nous devons remplir toutes nos obligations, et non pas seulement certaines d'entre elles, d'où la nécessité de soumettre pour adoption le projet de loi S-13.

J'aimerais maintenant parler du traité sous l'angle des efforts plus généraux déployés par le Canada et la communauté internationale afin de promouvoir la préservation des océans de la planète, tout particulièrement en haute mer, M. McGuinness a dit un mot à ce sujet.

La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer (UNCLOS), adoptée en 1982, a reconnu qu'il incombait à la fois aux États côtiers et aux États qui pêchaient à l'extérieur des zones économiques exclusives de s'acquitter des responsabilités relatives à la conservation des ressources. Toutefois, la convention ne renfermait aucune disposition claire sur les mécanismes permettant d'appliquer des mesures de conservation, tout particulièrement en haute mer. À de nombreux égards, la plus grande partie du travail réalisé en ce domaine au cours des 40 dernières années a permis de clarifier cette question. Par ailleurs, les dispositions de l'UNCLOS qui portent sur la conservation font ressortir la nécessité de collaborer avec des instances internationales et régionales pour s'entendre sur les enjeux liés à la pêche.

Au cours de ces 40 années se sont créées bon nombre d'organisations régionales de gestion des pêches ou ORGP, à même de créer un cadre d'entente. Elles se sont ajoutées aux organisations existant déjà à l'époque de l'UNCLOS. En fait, j'exagère un peu en parlant de 40 ans; ce serait plutôt 30 ans et quelques.

De même, l'Accord sur les stocks de poissons de 1995, tel qu'il a été adopté par les Nations Unies, visait spécifiquement à clarifier la mise en œuvre des dispositions sur les pêches de l'UNCLOS dans certains domaines. Or, l'article 23 de l'accord revêt une importance particulière dans le contexte de ces discussions. Il y est stipulé ce qui suit :

L'État du port a le droit et l'obligation de prendre des mesures conformément au droit international pour garantir l'efficacité des mesures sous-régionales, régionales et mondiales de conservation et de gestion.

Il s'agit bien ici non seulement d'un droit, mais aussi d'une obligation.

En conséquence, l'accord sur les mesures du ressort de l'État du port visant à prévenir, contrecarrer et éliminer la pêche illicite, non déclarée et non réglementée peut être considéré comme une autre étape dans le long travail réalisé par le Canada et la communauté internationale afin d'améliorer la conservation des ressources halieutiques dans tous les océans de la planète. Le projet de loi S-13 fera en sorte que le Canada puisse le ratifier et s'acquitter des obligations qui s'y rattachent.

J'espère que mon intervention ici ce soir vous aidera, dans une certaine mesure, à poursuivre le débat sur cette importante question. Enfin, je serai heureux de répondre à vos questions, le cas échéant.

[Français]

J'ai fait ma présentation dans ma langue maternelle, mais si vous avez des questions en français, je vais y répondre.

[Traduction]

Peut-être souhaiterez-vous me poser à nouveau certaines des questions adressées au témoin précédent, vu qu'elles relèvent beaucoup des Affaires étrangères, mais je m'en remets à vous.

Le président : Merci beaucoup pour votre déclaration préliminaire.

La sénatrice Hubley : Merci de votre exposé. Pourriez-vous clarifier combien de pays ont donné un accord de principe, combien ont ratifié l'accord et combien ont déjà élaboré des lois pour l'appliquer.

M. Morrill : Permettez-moi de donner un peu de contexte sur l'entrée en vigueur des traités et leur ratification.

Il peut y avoir un traité qui entre en vigueur à sa signature, avec un processus en une étape, comme un contrat qu'on signe et qui s'applique. La plupart des traités multilatéraux comportent toutefois au moins deux étapes, les Nations Unies étant un peu plus inventives sur ce point, ce qui peut prêter à confusion. Il y a habituellement pour un traité multilatéral le processus de la signature, soit, essentiellement, la déclaration d'un pays comme quoi il entend ratifier le traité ou s'y plier au bout du compte.

On pourrait y penser comme à la première lecture d'un projet de loi, sauf que le texte ne peut pas être modifié, si bien que c'est peut-être une mauvaise métaphore.

Sauf erreur de ma part, 21 pays ont signé l'accord. J'invoquais plus haut l'approche différente de l'ONU, souvent pour encourager les pays à s'impliquer dès le départ. Il y a un processus à deux étapes disponible pendant un an ou deux; un pays signe avant d'être complètement prêt, puis peut ratifier l'accord; cela encourage les pays à s'engager dès le départ. Cette approche en deux temps est toutefois disponible uniquement pendant deux ans, parce que l'ONU ne veut pas laisser des choses en suspens indéfiniment. Après cela, le processus comporte une étape seulement : l'adhésion ou la ratification; au lieu de signer puis de ratifier, le pays se jette à l'eau d'un coup. Sauf erreur de ma part, comme je le disais, 21 pays ont signé l'accord. L'un d'entre eux l'a également ratifié. L'accord s'applique aussi à trois autres pays, qui y ont adhéré sans l'avoir d'abord signé — en vertu du processus à une étape. L'accord s'applique à eux. Pas grand- monde, pourrait-on penser, sauf que l'Union européenne est du nombre; elle s'est engagée pour tous ses États membres, soit un poids considérable, même si cela compte pour une adhésion seulement.

Il faut ajouter à l'équation un élément de plus, répandu dans la plupart des traités multilatéraux : un certain seuil avant que le traité n'entre en vigueur.

Pour que l'accord entre en vigueur, il faut l'adhésion ou la ratification de 25 pays. On en a 4 à l'heure actuelle, plus les 20 pays initiaux ayant indiqué clairement et par leur signature qu'ils avaient l'intention de le ratifier. Ensuite, il y a le reste des membres de la FAO qui participent aux négociations et qui n'ont pas engagé de processus formel. Je crois qu'il y a environ 90 pays. Manifestement, ils ont approuvé le texte final, indiquant ainsi au moins qu'il n'y a rien dans ce texte à quoi ils aient des objections. Cela dit, ce n'est pas le mois prochain qu'on peut s'attendre à ce que l'accord entre en vigueur.

Mais on est en droit d'espérer une entrée en vigueur d'ici un an ou deux, vu qu'il y a 20 pays signataires ayant ainsi indiqué un désir de ratifier l'accord. Il reste difficile de prédire quand exactement l'entrée en vigueur se produira. Le processus de ratification en cours au Canada, si le Parlement décide de veiller à ce que nous puissions remplir nos obligations, devrait rajouter un nom à la liste de quatre pays. Et ce type de processus est en cours chez plusieurs des pays signataires, dont les États-Unis, si bien que l'entrée en vigueur d'ici un an ou deux est du domaine du possible. Une fois que l'accord entrera en vigueur, il liera les parties à l'accord à encourager d'autres pays à le ratifier, à se joindre au club. C'est une approche un peu inhabituelle. Les pays ayant ratifié l'accord étant tenus d'encourager d'autres pays à en faire autant, on est en droit d'espérer que la liste s'allongera, considérablement.

La sénatrice Hubley : Quel est le pays qui a ratifié l'accord?

M. Morrill : Il y a l'Union européenne, le Myanmar, la Norvège et le Sri Lanka.

La sénatrice Hubley : Ont-ils ratifié l'accord ou y ont-ils adhéré?

M. Morrill : La Norvège a signé et ratifié l'accord. Sauf erreur de ma part l'Union européenne y a simplement adhéré. Je vous reviendrai sur ce point.

La sénatrice Raine : Merci beaucoup de votre présence ici aujourd'hui. L'accord constituera-t-il un bon moyen de lutte contre la pêche INN? Comment les pays signataires le font-ils respecter? Comment est-ce que cela fonctionne?

M. Morrill : Très bonne question. Il ne faut pas perdre de vue qu'il y a plus en jeu qu'un bulletin de nouvelles et un fixe-cravate.

On estime généralement que les mesures du ressort de l'État du port constituent l'une des façons les plus efficaces et les moins coûteuses de contrecarrer la pêche INN. C'est d'autant plus important que, comme l'a indiqué le témoin qui m'a précédé, dans l'idéal, nous espérons obtenir l'adhésion d'un grand nombre de pays en voie de développement. Le coût est important pour nous, mais encore plus pour eux.

Soit dit au passage, l'accord n'est pas la première tentative de la FAO et d'autres pays pour encourager les États à adopter des mesures du ressort de l'État du port. Celles-ci étaient d'ailleurs identifiées comme mesures clés dans un plan d'action de lutte contre la pêche INN établi en 2001.

Laissez-moi ouvrir une parenthèse importante. L'une des difficultés est le coût de l'investissement dans un système de conservation solide, coût assumé par le Canada et par bon nombre de pays développés — pas tous les pays développés, mais ceux partageant notre vision des choses. C'est un coût assumé de plein gré, pour une question jugée importante, mais c'est indubitablement un coût. Au bout du compte, il faut intégrer ce coût au coût du poisson en bout de ligne, comme dirait le témoin qui m'a précédé.

Si le Canada prend des mesures de cet ordre et assume de bon gré ce coût, dans l'idéal, il est important qu'il puisse se trouver sur un pied d'égalité sur la scène internationale. Nous voulons donc encourager les autres pays à prendre des mesures similaires. Le but de l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port n'est pas seulement d'exhorter les pays à faire certaines choses, même si c'est un élément important, mais aussi de créer un système de partage de l'information, un système où l'information est partagée avec la FAO et avec les organisations régionales de gestion des pêches ou ORGP. Un tel partage renforce l'effet des mesures de conservation et celui des règles des ORGP, parce que la pêche INN se définit comme pêche soit contraire aux lois de l'État côtier, soit contraire aux règles de l'ORGP.

En guise de réponse brève, je vous dirais que je pense que cet accord sera utile. Comme nous l'avons vu au cours des discussions, le Canada n'est pas vraiment un pays dans lequel il y a des hordes de pêcheurs INN qui viennent dans nos eaux et récoltent tous nos poissons. En revanche, cette situation a malheureusement lieu dans d'autres pays.

Si l'on veut que le Canada continue d'avoir un niveau élevé de protection et accepte les coûts que cela engendre, il faut que d'autres pays reconnaissent également l'importance d'assumer ces frais.

Il faut également songer à des façons qui nous permettront de nous assurer que le système est le plus efficace possible. Un des aspects essentiels de ce système est celui du partage des renseignements. Ainsi, tous les pays signataires travailleront ensemble afin d'identifier des navires et des acteurs particuliers. Si l'on veut décrire ce phénomène d'une façon un peu moins sophistiquée, on pourrait appeler cela une liste noire. Grosso modo, cela mènera à la création d'une base de données qui pourrait être utilisée par les pays qui veulent lutter contre la pêche INN.

La sénatrice Raine : J'ai entendu parler de bateaux usines qui faisaient de la pêche et ensuite transformaient les poissons à même le navire. J'imagine qu'ils passent directement de ce navire de transformation à leurs marchés. Il s'agit d'un problème de chaîne de commandement ou de responsabilité, si vous voulez. Est-ce que le projet de loi aurait une incidence sur cela? S'agit-il de quelque chose qui ferait en sorte que les Nations Unies et les États du port signataires pourront contrôler la haute mer et la pêche qui y a lieu? Est-ce que les gens n'ont tout simplement pas le droit de pêcher en haute mer?

M. Morrill : Vous posez une bonne question. La Convention des Nations Unies sur le droit de la mer doit composer avec la tension qui existe entre deux enjeux. Ils ont pour obligation de conserver les ressources halieutiques et doivent également composer avec les composantes du système qui leur permettent de mener à bien leurs efforts de conservation. Vous connaissez les composantes qui font partie de la ZEE, la zone économique exclusive. Les États côtiers ont la capacité de légiférer. Cela pose d'énormes défis. Il y a bon nombre de pays — on a notamment mentionné le cas du Ghana — dans lesquels, malgré toute la meilleure volonté du monde, ils n'ont tout simplement pas les capacités requises pour réglementer adéquatement leur ZEE. Ils doivent relever un défi de taille et il y a des systèmes en place qui tentent de les aider.

En revanche, en ce qui concerne la haute mer, les organisations régionales de gestion des pêches représentent l'outil principal qui a été élaboré pour composer avec ces problèmes. Ces organisations ont été très efficaces. L'on pourrait imaginer un monde dans lequel cela n'aurait pas du tout été le cas. Bien entendu elles ne sont pas complètement efficaces. Il ne s'agit pas d'un système parfait. En revanche, les organisations régionales de gestion des pêches ont créé une structure qui ne régit pas tant la paix, l'ordre et la bonne gouvernance de la haute mer, mais plutôt la bonne gouvernance des hautes mers. Il ne s'agit pas d'une structure parfaite, mais elle fait en sorte que bon nombre des joueurs principaux, soit les États de pêche principaux, ont intérêt à prendre part à ces structures.

Les gens ont le droit de pêcher en haute mer. En revanche, étant donné la présence des organisations régionales de gestion des pêches, l'accord sur les stocks de poisson et les intérêts des pays de pêche visionnaires, il existe réellement un intérêt à renforcer le système pour les pêcheurs légitimes afin de rendre la vie des pêcheurs illicites un peu plus difficile.

Je pense que c'est un intérêt qui existe. Grâce à cela, les pays qui ont le droit de pêcher en haute mer sont prêts à ce que ce droit soit réglementé et le font en adhérant à l'ORGP ou en devenant des pays qui coopèrent tout en n'étant pas membres de ces organisations. Il ne s'agit pas d'un système parfait et certains pays coopèrent moins que d'autres. Mais je crois que ce système fonctionne mieux qu'il y a 10 ou 15 ans. L'Accord sur les mesures de ressort de l'État du port représente une mesure supplémentaire pour améliorer les choses.

Le système international doit également trouver des moyens de donner confiance aux pêcheurs légitimes que leur investissement dans la conservation et les coûts que cela engendre ne seront pas minés par des pêcheurs illégitimes, soit les pêcheurs INN. Pour être franc, les Nations Unies ne pourront pas créer une solution parfaite. Elle sera assujettie à bon nombre de négociations et de compromis. En revanche, je crois qu'il s'agit d'un pas en avant.

La sénatrice Unger : Merci, monsieur Morrill.

J'aimerais vous poser une autre question. Est-ce que les coûts afférents à la signature du traité sont inabordables pour certains pays? Je ne sais pas combien cela coûte, pour devenir membre de ce club.

M. Morrill : Comme je l'ai dit, ce projet de loi met en œuvre des parties du traité. Le Canada peut en fait déjà mettre en œuvre les idées principales du traité. Par exemple, on pourrait créer un système qui permettrait d'identifier les bateaux de pêche et notamment les bateaux qui feraient notamment du transbordement, afin de s'assurer qu'on puisse leur refuser l'entrée dans un port ou qu'ils soient inspectés lorsqu'ils arrivent au port. Il s'agit d'une des fonctions essentielles du traité. Cela fait en sorte que l'on pourrait partager des renseignements afin de créer notamment une base de données ou encore une liste noire — je pense que c'est comme cela qu'on avait appelé cette liste.

Je pense que tout pays qui maintient un contrôle raisonnable de ses ports peut procéder de la sorte. Si un pays est doté d'un système de protection des pêches efficace, alors cela ne sera pas très onéreux de rajouter ce système. Mais si vous parlez de pays en développement, de pays très pauvres, dans ces cas-là, il s'agit d'un véritable défi. C'est tout à fait vrai. Dans le traité on parle même des diverses formes d'aide technique que l'on pourrait donner sur une base volontaire. Il n'existe aucune obligation selon laquelle il faudrait fournir de l'aide, mais on est fortement encouragé à aider les pays qui ont besoin d'une aide technique pour notamment mieux contrôler leurs ports ou encore établir des systèmes sur les pêches.

Je ne pense pas que cela soit prohibitif. En revanche, il faut accepter que, comme c'est le cas pour toute entente multilatérale internationale, l'on fait affaire avec des pays qui ont les moyens pour établir leur propre structure de gouvernance et d'autres pays, malgré toute la meilleure volonté du monde, ont besoin d'un peu d'aide pour ce faire. Au bout du compte, si un pays ratifie ce traité, même s'il n'a pas beaucoup de moyens, il doit-être certain qu'il pourra remplir ses obligations, qui sont, notamment, le contrôle de ses ports, leur inspection, la capacité d'en refuser l'entrée et la capacité de partager des renseignements.

La sénatrice Unger : J'ai une dernière question. Vous avez parlé d'une base de données ou encore d'une liste noire. Qui compile ces données?

M. Morrill : Il ne s'agit pas d'une base de données ou d'une liste noire centralisée. Le traité suggère tout d'abord que l'on partage ces renseignements. Je vais essayer de trouver l'article du traité afin de vous le lire. On peut voir assez clairement que cet article représente en fait un compromis. C'est l'ORGP du pays — l'État du pavillon — qui s'en occupe. L'article 15 stipule que :

Chaque partie transmet les résultats de chaque inspection à l'État du pavillon du navire inspecté et, selon le cas :

Un pays peut refuser de le faire s'il fait face à un litige terrible avec un autre pays.

a) aux parties et États appropriés, y compris :

i) les États pour lesquels l'inspection a permis de constater que le navire s'est livré à la pêche INN...

Si le navire arrive au port en provenance d'un pays et que l'on constate en examinant le poisson ou encore les dossiers que le bateau était dans les eaux de l'Argentine, alors il serait probablement opportun d'en informer l'Argentine.

ii) l'État dont le capitaine du navire est ressortissant;

De nouveau, il s'agit d'identifier l'individu

b) aux organisations régionales de gestion des pêches appropriées;

c) à la FAO et autres organisations internationales appropriées.

D'autres organisations internationales appropriées pourraient être, par exemple, l'OMI ou encore un corps régional. Il ne s'agit pas véritablement d'une base de données ou encore d'une liste noire. Cela ne se limite pas à ça. Il s'agit plutôt d'une tentative d'identifier les parties intéressées et ensuite de partager les renseignements avec elles pour lutter contre la pêche illicite.

La sénatrice Poirier : Pouvez-vous nous expliquer comment les autorités procéderaient différemment si elles devaient s'occuper du cas d'un navire étranger qui a pêché illicitement à l'heure actuelle, et comment elles procéderont une fois que cette législation sera adoptée?

M Morrill : Je voulais faire valoir le fait que, en grande partie, nous pouvons, à l'heure actuelle, répondre aux exigences dudit traité. En revanche, si la loi entre en vigueur, il y a des choses que l'on pourrait faire autrement. Le traité envisage beaucoup de collaboration entre les États. L'accord envisage notamment qu'un État du pavillon pourrait demander à un de ses bateaux d'être inspecté s'il se trouve dans un État du pavillon pour un autre pays. Un État du pavillon d'un navire espagnol pourrait se faire ordonner d'aller dans un port canadien afin d'être inspecté, car son propre État du pavillon le suspectait de s'être adonné à de la pêche INN et que le port le plus proche était un port canadien.

J'aimerais revenir à quelque chose. On parle du fait que les ports peuvent être ouverts et fermés. N'importe quel pays peut décider qu'il ne permettra pas à des navires étrangers de rentrer dans ses ports. Cela est permis et revient à une question de souveraineté. La plupart des ports du Canada sont ouverts dans la mesure où il n'y a pas de règles régissant si les navires ont besoin ou non d'une permission pour venir dans un port canadien. Ils sont généralement ouverts, mais, en vertu de la Loi sur la protection des pêches côtières, ils sont fermés pour les navires de pêche. Ainsi, les bateaux de pêche ont besoin d'une permission pour entrer dans un port canadien. C'est la structure qui existe à l'heure actuelle. Et c'est ce qui permet notamment de satisfaire à la plupart des exigences de la structure générale.

Le mécanisme de cette législation indique que le propriétaire de tout navire doit demander la permission. Une des situations qui a eu lieu au cours des dernières années lorsqu'on tentait de mettre en œuvre le plan d'action de la FAO était qu'un État du pavillon a demandé à ce que ses navires soient inspectés au Canada, car ils étaient suspects. Le capitaine avait indiqué qu'on pouvait lui donner des ordres, mais qu'on ne pouvait pas l'obliger de demander un permis. Le ministre n'avait pas l'autorité de lui permettre de venir dans le port à moins qu'il ne fasse une demande de permis.

Il faut souligner que, dans cet effort de tâches administratives qui est encore une fois une bonne façon de présenter les choses — l'on modifie des choses afin que, non seulement on exige à ce qu'il y ait un permis lorsqu'un État ordonne à son navire de venir au Canada afin d'être inspecté si l'on croit qu'il s'est adonné à de la pêche INN, mais le ministre peut lui permettre d'accoster même si aucun permis n'a été délivré. C'est une chose que l'on peut voir.

La convention contient des dispositions concernant la capture possible de poissons provenant de la pêche INN. La structure législative actuelle est telle que seulement le poisson à bord des bateaux peut être saisi. Dans certains cas, les bateaux sont rentrés, ont déchargé la moitié de leurs prises légalement. Le ministre ne peut saisir que le poisson à bord du bateau. La loi lui permettra de tout saisir même le poisson déchargé.

Il y a des dispositions relativement à la criminalisation de l'importation en connaissance de cause de poissons provenant de la pêche INN. C'est donc dire qu'il y a une peine additionnelle qui nous permet d'appliquer entièrement les dispositions de l'accord.

Bien que le ministre puisse partager l'information, vous êtes sénateurs et donc, vous n'êtes pas sans savoir que le sujet du partage d'information à l'échelle internationale est plutôt difficile et que les tribunaux s'intéressent beaucoup à la question; c'est pourquoi on croit qu'il est approprié que la loi actuelle indique clairement qu'il est possible de partager l'information comme stipulé dans le traité.

L'élément le plus évident est la définition de poisson dans l'accord, y compris le poisson transformé, les parties de poisson et, curieusement, les plantes. Les avocats définissent les plantes comme des poissons et voilà, c'est chose faite. La définition de poisson dans la loi sera élargie dans le but d'englober tout ce qui se trouve dans l'accord.

Est-ce que ça vous aide?

La sénatrice Poirier : Oui. À votre avis, quelle sorte de délai envisagez-vous pour la ratification à l'échelle internationale?

M. Morrill : J'espère qu'il sera en vigueur d'ici deux ans. Si le Parlement décidait d'approuver, j'espère que le Canada pourra ratifier rapidement. Cela est du ressort des parlementaires. J'espère que cela se ferait d'ici les deux prochaines années. Je ne crois pas pouvoir dire avec certitude, mais je crois avoir cerné le délai.

La sénatrice Poirier : Puisque nous partageons un littoral avec les États-Unis, sommes-nous au courant de la situation quant à leurs mesures législatives relativement à l'Accord sur les mesures du ressort de l'État du port?

M. Morrill : C'est devant le Congrès et je sais qu'ils ont entamé l'étude. Je ne peux pas vous dire si ce sera adopté demain ou l'année prochaine parce qu'il me semble que le système américain est imprévisible dernièrement. Je sais par contre que c'est à l'étude.

Le sénateur Wells : Merci beaucoup pour vos commentaires jusqu'à maintenant. Ils ont été très éclairants.

Selon vous, pourquoi y aurait-il des pays que ne l'adopteraient pas?

M. Morrill : Il y a les pays sans littoral.

Le sénateur Wells : Y aurait-il des pays qui ne s'y intéressent pas?

M. Morrill : Il se pourrait qu'il y ait des pays qui ne s'y intéressent pas ou qui ont très peu d'intérêt concernant la question des pêches. Un bon nombre de ces pays ne produiraient pas la meilleure analyse.

Il y aura des pays pauvres et des pays en développement. Dans de nombreux pays en développement, il ne s'agit pas simplement d'une question de finance ou de ressources, c'est également une question de ressources en matière de gouvernance. De nombreuses législatures subissent beaucoup de pression pour faire toutes sortes de choses. Il n'y a pas assez de soutien pour eux. Elles établissent leurs priorités, et ceci n'est peut-être pas en tête de liste.

Le sénateur Wells : Qu'en est-il des pays qui répondent à la demande interne afin de ne pas avoir à chercher un mouillage sûr pour la distribution dans d'autres pays? S'ils répondent à la demande interne, ils vont pêcher illégalement ou de façon non réglementée puis reviennent dans leurs propres ports. Serait-ce également un facteur? Je songe à la Chine.

M. Morrill : C'est peut-être vrai, mais je dois dire que les pays qui sont actifs, surtout dans le secteur de la pêche en haute mer, ont fait d'importants investissements. On ne parle pas de petits pêcheurs. Un pays qui a fait d'importants investissements pour satisfaire à ses propres besoins aura peut-être aussi, très franchement, intérêt à être présent sur le marché, selon le volume de prises et leurs demandes.

Bien sûr, je ne dirai pas que c'est impossible, mais je crois que les pays qui ont fait de grands investissements dans le secteur des pêches ont, en majeure partie, intérêt à ce qu'il y ait un système de pêche durable qui fonctionne. Il y a peut- être dans les pays certains acteurs qui ont une perspective à très court terme, mais d'autres ont une perspective à plus long terme des intérêts du pays.

Le sénateur Wells : Quels outils ont les pays responsables — les pays qui ont déjà signé ou qui font partie d'ORGP responsables — ont à leur disposition pour encourager ceux qui hésitent à signer? Quels outils avons-nous à notre disposition pour qu'ils signent ou qu'ils s'y conforment? Le fait qu'ils signent est probablement moins important que le fait qu'ils doivent s'y conformer.

M. Morrill : Nous parlons ici des mécanismes d'application. Peut-être que ce n'est pas autant un problème pour le Canada, mais la mesure dans laquelle il est possible de se faire prendre, de ne pas pouvoir rapporter votre poisson à bon port, ou que vos prises soient saisies, voilà ce qui fait augmenter le coût pour les pêcheurs INN. Si on peut augmenter ce coût, c'est moins intéressant pour les pêcheurs de ces pays ou les pêcheurs qui font de la pêche INN.

La pression internationale exercée sur les pays dans le cadre des organisations multilatérales n'est peut-être pas un gros bâton, mais c'en est quand même un. Les pays remarquent ce que la communauté internationale dit à leur sujet. Il est important que ce secteur le demande, et vous avez entendu qu'il l'appuie. Enfin, les sanctions, comme la saisie des prises, une liste noire, et les possibles mécanismes sur le marché, que l'on sait importants, sont tous utiles.

Le sénateur Wells : Depuis 2006, je sais que le Canada a poursuivi avec ardeur la mise en place d'accords commerciaux avec de nombreux pays ainsi que de nombreux regroupements de pays. Est-ce que la question de la pêche INN a déjà constitué une condition lors de la négociation de ces accords commerciaux? Il semble que si nous sommes un chef de file dans le combat contre la pêche INN, et que nous avons une liste assez impressionnante et complète de pays avec lesquels nous aimerions conclure des accords commerciaux, nous pourrions faire un lien entre les deux. Est- ce qu'on en a déjà discuté?

M. Morrill : Oui, il y a eu des discussions. Presque tous ces accords multilatéraux comprennent un chapitre ou un accord parallèle sur l'environnement. On y retrouvera des dispositions générales concernant les mesures de conservation ou parfois des questions reliées directement aux pêches. Dans ces accords, c'est assez général et on parle de la mesure dans laquelle les pays doivent avoir des mesures environnementales et de conservation adéquates. On ne trouvera pas nécessairement des mentions directes de la pêche INN, mais on peut voir que les pays se préoccupent assez, si l'accord de libre-échange couvre le poisson ou d'autres produits, de pouvoir avoir confiance que ces produits ne proviennent pas d'une origine inappropriée.

Le président : Merci, monsieur Morrill, pour votre exposé de ce soir. Il nous a certainement permis de clarifier certaines questions. Merci du temps que vous nous avez accordé. Encore une fois, veuillez m'excuser de notre retard ce soir et je vous remercie de votre patience.

M. Morrill : J'ai été ravi d'être ici.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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