Délibérations du Comité sénatorial permanent de la
Sécurité nationale et de la défense
Fascicule 8 - Témoignages du 21 juin 2012
OTTAWA, le jeudi 21 juin 2012
Le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui, à 9 h 58, pour étudier et faire rapport au sujet des politiques, des pratiques, des circonstances et des capacités du Canada en matière de sécurité nationale et de défense.
Le sénateur Pamela Wallin (présidente) occupe le fauteuil.
[Traduction]
La présidente : Bienvenue à cette séance spéciale du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Nous ne tenons habituellement pas de séance à cette période-ci. Je vous remercie tous d'y participer.
Je remercie également notre invité d'aujourd'hui. Il s'agit du commissaire de la GRC, M. Bob Paulson. La première comparution de M. Paulson en tant que commissaire devant un comité parlementaire a eu lieu le 12 décembre dernier, soit seulement quatre jours après son entrée en fonction, et c'était une séance de notre comité. Il a alors dit qu'il serait ravi de revenir témoigner et de nous faire part de l'avancement des réformes à la GRC, et il est parmi nous aujourd'hui. Il y a eu des progrès. Hier, le ministre de la Sécurité publique a déposé le projet de loi C-42, Loi visant à accroître la responsabilité de la Gendarmerie royale du Canada, pour régler les problèmes bien connus qui touchent la GRC.
Le ministre Toews a indiqué que le commissaire Paulson participait activement à l'élaboration des mesures législatives et qu'il le remerciait de ses conseils. Cela dit, il n'est pas ici pour s'expliquer sur les mesures législatives. Il appartient aux ministres et à leurs fonctionnaires de le faire. Puisqu'il connaît si bien le dossier et qu'il s'occupe de nombreux problèmes, nous sommes très heureux qu'il soit avec nous aujourd'hui.
Je vous souhaite la bienvenue et vous remercie.
Bob Paulson, commissaire, Gendarmerie royale du Canada : Je vous remercie, sénateur. Je suis ravi de revenir comparaître devant vous. Les six derniers mois ont passé très rapidement.
La présidente : J'en suis certaine. Ce qui est préoccupant en général, et le problème ne touche pas seulement la GRC, de quelque manière que ce soit, c'est notre incapacité d'agir contre les indésirables dans presque toute situation relative au travail. Les gens sont protégés et ont des droits. Dans certaines des lettres que vous avez rendues publiques au cours des derniers mois, vous vous êtes montré critique et avez attiré l'attention là-dessus. Vous vous êtes peut-être même rendu compte qu'il y a beaucoup plus d'obstacles que vous le pensiez.
M. Paulson : Oui. C'est toujours aggravé par le fait que nous sommes la force policière canadienne, la force policière nationale. C'est probablement un aspect aggravant pour les Canadiens, et nous tenons particulièrement à régler le problème le plus rapidement possible.
La présidente : Nous allons passer aux questions.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Vous n'avez pas de présentation?
M. Paulson : Non, je vais répondre à vos questions puis je vais être très content.
Le sénateur Dallaire : Si vous le permettez, il y a eu énormément de problématiques historiques, particulièrement dans les années 1990, dans les forces armées, un scénario pas nécessairement si différent de ce que vous vivez en ce moment dans l'évolution de la société, des missions, des tâches, dans l'accomplissement de vos devoirs, tant au niveau national, provincial et municipal.
Suite aux travaux de la commission, il y a eu nombre de recommandations. Un secteur qui a été particulièrement troublant pour ceux qui étaient en uniforme mais que, ultimement a eu un effet pour faire évoluer les forces armées, cela a été la création de différents comités civils, le terme est oversight committees sur une variété de sujet. Il y en a eu six, de discipline à développement des officiers, de recrutement à entraînement, les opérations et tout simplement la culture fondamentale de l'institution.
Bien que le projet de loi annonce un comité, est-ce que vous voyez que ces entités pourraient renforcer votre capacité d'amener les réformes? J'utilise le terme « réforme », peut-être que vous ne l'utilisez pas. Une réforme nécessaire pour réaligner les attentes de la GRC par la population canadienne?
M. Paulson : Oui, je suis toujours prêt et content de prendre les conseils des comités. On a des comités à travers le pays qui travaillent avec nous dans le contexte provincial. J'ai des comités qui me donnent des conseils. On est toujours ouvert à prendre des conseils et à travailler avec des gens.
[Traduction]
Je suis toujours ouvert à écouter les conseils d'un grand nombre de comités afin que nous atteignions les objectifs.
Il ne faut pas oublier que nous sommes présents à l'échelle municipale, provinciale, fédérale et internationale. La plupart de nos chefs de détachement ont des groupes de mobilisation communautaire et des groupes consultatifs actifs. C'est également le cas dans les provinces. À l'échelle nationale, j'ai d'autres moyens efficaces de communiquer avec les Canadiens qui sont en mesure de nous conseiller. Nous sommes toujours ouverts à recevoir ce type de conseil.
Le sénateur Dallaire : Nous connaissons les différents organismes dont vous venez de parler qui vous donnent leur point de vue. Toutefois, je faisais plutôt allusion au niveau ministériel où, en fait, ces organismes de surveillance répondaient au ministre. On avait l'impression que le ministre devait être capable d'influencer et d'aider — en fait, c'est le mot qui a été utilisé — le chef d'état-major à la Défense dans l'avancement de réformes nécessaires pour apporter des changements dans l'institution. Vous vous souviendrez peut-être que dans la première moitié des années 1990, les Forces armées étaient à environ 17 p. 100 dans les sondages d'opinion. Elles sont maintenant dans les 80 p. 100, parce qu'elles ont passé bon nombre d'années à faire les réformes. Pensez-vous qu'il serait peut-être utile d'accroître les directives ministérielles par les comités et les outils auxquels vous pouvez recourir?
M. Paulson : Oui. Permettez-moi de dire qu'il y a une semaine et demie, j'étais à Victoria, en Colombie-Britannique, où j'ai rencontré le groupe consultatif sur les contrats, qui est formé de sous-ministres adjoints de toutes les provinces et de tous les territoires, dans les secteurs où nous fournissons des services de police à contrat. Nous discutons des nouvelles responsabilités qui constituent un élément du nouveau contrat pour les services de police à contrat. Les questions qui concernent la GRC partout au Canada, notamment la discipline, les réformes culturelles et administratives, sont au cœur de nos discussions. Je pense qu'il y a là un vecteur directement lié à Sécurité publique Canada, coprésidé par Sécurité publique, relevant du ministre. Je pense que cela changera notre façon de faire les choses en ce qui concerne les contrats.
La présidente : Plus précisément, je pense que la population est également préoccupée par le fait qu'il y a eu beaucoup de problèmes au cours des derniers mois et que vous vous êtes senti frustré de ne pas être en mesure d'intervenir. Il semble que vous n'aviez pas les outils qu'il fallait. De façon très générale, pensez-vous que les nouvelles mesures législatives vous donnent les outils vous permettant d'agir de façon plus efficace contre les indésirables?
M. Paulson : En un mot, oui. J'ai très bon espoir que ce sera le cas. J'attends avec impatience que les parlementaires et les Canadiens discutent du projet de loi proposé. Je pense qu'il vise à créer un équilibre entre fournir des outils et s'assurer que dans les cas où nous pouvons travailler avec nos membres pour changer les comportements, nous pouvons le faire.
La présidente : Je crois comprendre que vous attribuez une partie des responsabilités en quelque sorte. Je sais que bon nombre d'entre nous l'ignorent. Vous êtes en mesure de l'attribuer à la direction, de sorte que dans les opérations partout au pays, les gens peuvent intervenir rapidement.
M. Paulson : À mon avis, la nouvelle approche offre également l'avantage de faire participer le Groupe de travail Brown et d'autres parties qui ont examiné le dossier de la GRC récemment et qui ont constaté que nos sous-officiers, nos superviseurs de premier niveau, ne sont pas intégrés au processus, en quelque sorte.
Donner aux sous-officiers la responsabilité de régler les problèmes de discipline et de conduite qu'ils peuvent corriger, et des responsabilités très précises, permettra deux ou trois choses. Les superviseurs de premier niveau auront des responsabilités importantes concernant la conduite de la force. Cela nous permettra également d'intervenir le plus tôt possible pour certains de ces problèmes de conduite qui, si on les laisse perdurer, se transforment en situation conflictuelle interminable dans certains cas.
Le sénateur Lang : Je veux seulement faire un commentaire, si possible. D'entrée de jeu, je suis très ravi de votre présence. J'ai l'impression que vous avez comparu hier, mais c'était il y a six mois.
Je veux intervenir sur ce que disait le sénateur Dallaire. Je crains que si nous commençons à gérer une organisation de cette façon, par les comités, aucune décision ne sera prise. Je serais très prudent et je n'irais pas trop loin, car je veux que la GRC soit bien gérée et que les décisions soient prises très rapidement, surtout lorsqu'il s'agit de régler les situations auxquelles vous faites face depuis les six derniers mois.
Pourriez-vous nous donner un aperçu de ce que vous avez appris depuis les six derniers mois sur l'état du système et en quoi il sera meilleur pour la force et les Canadiens? Êtes-vous convaincu que vous pourrez régler les situations de mauvaise conduite rapidement et d'une façon qui permettra à la population de croire qu'on s'en occupe?
M. Paulson : Merci, monsieur le sénateur. Les sept derniers mois ont été un peu embrouillés. Je me suis rendu compte de quelque chose que mon intuition et mon instinct me soufflaient, et c'est que la grande majorité des membres de la GRC font, chaque jour, un travail remarquable dans toutes sortes de situations au nom des Canadiens.
Cela renforce ma détermination à éclaircir certaines de ces choses, car nous le devons aux hommes et aux femmes de la GRC. Comme je l'expliquais à quelqu'un juste avant la réunion, les membres, comme tout le monde, sont résolus à en finir avec cette histoire.
Récemment, je suis allé à Prince Rupert, où le maire m'a serré la main en me remerciant des services que nous rendions à la collectivité. Au milieu de mon discours à la Chambre de commerce, une infirmière s'est levée pour faire des commentaires très élogieux. Dans toutes les villes, des membres me demandent de tirer cette affaire au clair.
Au cours des six premiers mois de ma nomination, nous avons amorcé plusieurs changements. L'un d'entre eux concernait l'organisation des forces; j'ai centralisé le tout, car les commandants doivent maintenant me faire directement rapport, et j'ai l'intention de déléguer certaines de ces responsabilités à mes représentants dans les quartiers généraux. Cela accélère la mise en œuvre des changements, et je pense que les changements dans notre façon de gérer les aspects administratifs et disciplinaires de la vie de nos membres arrivent à toute vitesse.
Il faut atteindre un équilibre au sujet de certains de ces événements déplorables. C'est ce que me disent nos membres et la population. Nous voulons être en mesure d'agir rapidement et efficacement lorsque des membres adoptent un comportement résolument incohérent avec les qualités et les valeurs fondamentales d'un policier professionnel. Toutefois, comme les membres l'ont dit haut et fort, nous devons aussi reconnaître que c'est un emploi difficile qui a des répercussions sur les personnes qui l'exercent. Nous pouvons le constater dans les cas d'abus de substances, de séparation de couples ou de comportements engendrés par le stress et la tension qui accompagnent le travail de policier. Nous devons être capables de le reconnaître et de faire rapidement la distinction entre ces deux catégories de comportements. Nous devons veiller à avoir un système qui nous appuie et qui corrige ces comportements; ce système doit être aux premières lignes et avoir l'appui de l'organisme. Dans les cas de comportements inacceptables, nous devons être en mesure de réagir rapidement et rassurer les Canadiens que nous pouvons prendre, en tant qu'organisme, une distance par rapport à ce comportement, afin de préserver l'intégrité des forces.
Le projet de loi ne règle pas tout. J'ai encore beaucoup de travail à faire pour améliorer mon corps des officiers et les compétences en direction de mes officiers supérieurs, mais je pense que cela aidera vraiment à tracer la voie pour l'avenir.
Le sénateur Mitchell : Commissaire Paulson, il ne fait aucun doute que le projet de loi a le potentiel d'être utile dans cette affaire. Vous êtes certainement réceptif, et nous devons vous en féliciter. Toutefois, comme nous l'avons constaté dans le domaine militaire, ces organismes sont très habiles à renvoyer ou à intercepter la rondelle, mais nous devons changer le jeu en profondeur. Si la culture ne change pas, cette mesure exceptionnelle pourrait empirer les choses. Comment pouvons-nous être certains que ce pouvoir de licenciement ne sera pas utilisé contre les victimes de harcèlement qui se plaignent? Les supérieurs, qui détiendront le pouvoir, pourraient facilement se débarrasser d'elles.
Si on ne s'occupe pas de la culture, il y a un vrai problème. Il y a quelques indicateurs de danger. Par exemple, dans le cas de Donald Ray, le tribunal a déclaré qu'il s'était exhibé, au moins une fois, devant une femme subalterne. Il a aussi bu au bureau. Il a eu des relations sexuelles avec des subalternes au bureau et dans un stationnement, et il a falsifié des renseignements concernant des enquêtes de sécurité.
Le tribunal a dit qu'on aurait pu le renvoyer. On avait le pouvoir de le faire, mais on a décidé de ne pas le faire, car on a reçu des lettres qui, selon certaines personnes, proviendraient de vieilles connaissances influentes. On a retenu une partie de son salaire et on l'a rétrogradé d'un rang, même s'il peut encore commander des femmes, et on l'a envoyé en Colombie-Britannique où il peut, dans la même journée, skier, jouer au golf, nager, faire du ski nautique et boire du vin sur une terrasse. Un grand nombre de gens ne seraient pas d'avis qu'il s'agit d'une punition.
De plus, vous avez fait de l'un des membres de ce tribunal, c'est-à-dire M. MacMillan, un agent d'éthique et d'intégrité de la GRC. Est-ce une indication que l'on est vraiment conscient de la nécessité de changer la culture? L'agent d'éthique et d'intégrité décide de ne pas renvoyer quelqu'un dont le renvoi pourrait être justifié, même s'il s'est exhibé pendant les heures de travail et a falsifié des renseignements concernant des enquêtes de sécurité.
On se dit que les choses ne peuvent pas être pires, mais ensuite, on offre une promotion ou un poste assorti d'un pouvoir encore plus grand — c'est-à-dire un poste responsable de l'éthique et de l'intégrité — à une personne qui croit que ce comportement n'était pas assez déplorable pour justifier un renvoi. N'est-il pas vrai qu'il vous reste beaucoup de travail à faire et que cette promotion indique que le message ne passe pas?
M. Paulson : C'est juste. J'ai donné mon avis sur l'affaire Ray. Je ne m'attendais pas à cela. Je tiens le commandant responsable; il est l'officier compétent dans cette province. Il faut comprendre que le surintendant principal MacMillan est un policier professionnel doté d'un niveau élevé d'intégrité qui a été membre du comité de discipline. Il a recueilli des témoignages pour établir le comportement en question, et il est bien décrit dans ce document. Il a recueilli des témoignages sur la peine en tant que l'un des trois membres, et il n'était pas président du comité.
Je suis totalement en désaccord avec les conclusions du comité. Le surintendant principal MacMillan est un professionnel très éduqué. Il a un doctorat en droit. Il comprend la loi et le processus. La décision dans l'affaire Ray, qui est de notoriété publique, est le résultat d'une analyse sinueuse, légaliste et étendue au cours de laquelle on a entendu des témoignages sur la peine et des psychologues parler du stress vécu par le policier.
La nouvelle loi me permettra, ainsi qu'au policier compétent ou au policier chargé du comportement, d'interjeter appel au sujet d'une décision avec laquelle nous ne sommes pas d'accord. Nous serons en mesure de passer à l'étape suivante; cela me reviendra. Actuellement, pas un officier de la GRC, y compris moi-même, ne peut tenter d'obtenir une peine plus sévère que celle qui a été imposée par le comité.
C'est complètement inacceptable. C'est injuste, car cela ne tient pas compte des intérêts de l'organisme en jeu, et cela ne respecte pas les valeurs des Canadiens.
Le sénateur Mitchell : Ce qu'on a remarqué dans le domaine militaire, et le sénateur Dallaire est au courant, c'est que peu importe les intentions manifestées aux plus hauts échelons, les cadres intermédiaires pouvaient réduire à néant les efforts en vue de changer la culture. Il est très difficile de changer une culture. Je vous recommande de parler à Doug McNally, l'ancien chef de police d'Edmonton, qui a accompli un travail remarquable lorsqu'il a changé la culture là-bas, il y a plusieurs années. Il l'a changée en profondeur.
Lorsque vous avez accédé à votre poste, vous avez été très énergique à ce sujet. Vous avez dit à The Globe and Mail que vous seriez très sévère dans cette affaire. Vous avez envoyé un message clair à vos cadres supérieurs et probablement aussi aux échelons moins élevés. Trois participants à ce tribunal, qui savaient que vous vouliez traiter ces comportements avec sévérité, auraient pu le renvoyer — pourtant, ils ne l'ont pas fait. Ils l'ont envoyé en Colombie-Britannique. Est-ce un signe qu'on a compris votre message ou qu'on brave sans vergogne votre autorité? Devez-vous apporter des changements à la source, afin que ce pouvoir de licenciement ne soit pas utilisé pour renvoyer les victimes, par exemple, et qu'on ne s'en sert pas pour esquiver les questions et changer les règles du jeu?
M. Paulson : Pour rendre justice à tous ceux qui ont participé à l'affaire Ray, cette affaire a précédé le processus disciplinaire.
Le sénateur Mitchell : Pourtant, la décision a été rendue après votre arrivée.
La présidente : Permettez-lui de répondre.
M. Paulson : Vous avez raison. Toutefois, je dois me tenir à l'écart des délibérations du comité — je ne pense pas qu'on souhaite que le commissaire soit en mesure d'influencer les gens à qui l'on demande d'appliquer leur pouvoir discrétionnaire et d'examiner des preuves; autrement, il n'y a pas de processus.
J'entends souvent les gens me dire que dans ce nouvel environnement, je ne dois pas dépasser un certain seuil d'équité en matière de procédure. On ne bravait pas mon autorité. Le communiqué — et je pense que vous en avez pris connaissance — est très clair : je tiens les commandants directement responsables. Si je me souviens bien, la semaine dernière, je leur ai donné jusqu'à la fin de la semaine pour me communiquer toutes les affaires disciplinaires non résolues.
Le sénateur Mitchell : Avez-vous abordé la question avec le commandant? A-t-il été réprimandé? A-t-il été renvoyé? A-t-il été muté? A-t-il été envoyé en Colombie-Britannique?
M. Paulson : Si on l'a envoyé en Colombie-Britannique?
Le sénateur Mitchell : Eh bien, je ne fais que poser la question.
M. Paulson : Non. On lui a parlé, et je lui ai aussi parlé. Encore une fois, ce processus s'est déroulé avant ma nomination et le nouveau régime que j'ai mis en place en attendant l'adoption du projet de loi.
[Français]
Le sénateur Dawson : Je vais peut-être voler une question à mon collègue le sénateur Nolin : une décision a été rendue par la cour en Ontario, au début de juin, qui a renversé une décision d'une cour inférieure, qui refuse aux officiers de la GRC le droit d'avoir un syndicat. Avec ce pouvoir additionnel que vous avez, ne serait-ce pas le moment ou dans une forme de check and balance, on peut renforcer le droit.
Vous avez parlé du maire de Prince Rupert dont les policiers ne peuvent être syndiqués mais pour le maire de Saguenay, oui. Nous avons deux classes de policiers au Canada. Cela fait longtemps qu'on constate le fait que de ne pas avoir ce pouvoir syndical a mené, dans certains cas, à certains abus.
Ne serait-ce pas le bon moment en raison de votre arrivée et de votre nouveau pouvoir, vu le progrès énorme que vous avez fait et je vous en félicite, ce ne serait pas le moment de dire : est-ce qu'on peut regarder la possibilité des syndiqués?
M. Paulson : Je pense que la décision de la cour n'a pas dit que les syndicats n'ont pas le droit d'être dans la GRC, ils ont dit que l'association que nous avons présentement est constitutionnelle. Mais votre point direct, c'est très important que l'association de la GRC et les membres de la GRC soient inclus dans les détails qu'on veut améliorer, et préparer pour la mise en application des lois.
Je suis très intéressé de dire directement qu'il faut que ce soit un processus qui est juste, égal. C'est garanti. Je vous garantis que cela va être un processus où l'association va participer avec nos officiers et nos gérants pour finir le processus. Ce n'est pas juste une question des pouvoirs additionnels, c'est une question d'accélérer et d'avoir un processus plus efficace.
[Traduction]
Le sénateur Dawson : Si je veux être juste, pourquoi les policiers des municipalités qui ont le droit d'être syndiqués devraient-ils être comparés aux policiers des villes sous votre responsabilité, alors qu'on ne leur permettait pas d'être syndiqués? Ce principe d'équité ne s'applique certainement pas. Lorsque nous comparons les villes entre elles, dois-je comprendre que ce n'est pas équitable, car on permet à l'une de se syndiquer et non à l'autre?
M. Paulson : Je ne pense pas que ce soit le type de mesure fondamentale en matière d'équité. Examinons les conditions d'emploi. Examinons la rémunération. Examinons les avantages sociaux. Je pense que vous avez une situation très équitable et que nos membres sont très bien traités. Ils ont une voie de communication directe très active avec les gestionnaires. L'association est indépendante; je ne peux pas dominer leur ordre du jour. Je dois aussi faire preuve de prudence, car je n'ai pas le mandat de décider s'ils peuvent se syndiquer ou non; ce n'est pas mon rôle. Je pense que l'association défend bien les intérêts de ses membres. Ces derniers sont probablement mieux placés pour en juger, mais ils méritent d'être représentés et d'avoir la capacité d'être représentés et de communiquer avec les gestionnaires et leur employeur.
Le sénateur Manning : J'aimerais souhaiter la bienvenue au commissaire. J'aimerais aussi revenir sur certains de ses commentaires. Je sais que d'après mon expérience à Terre-Neuve-et-Labrador, la présence de la GRC crée un sentiment de bien-être et de sécurité chez un grand nombre de citoyens. Je suis très heureux d'avoir l'occasion de vous le dire. Dans tous les organismes et dans tous les groupes, il y a toujours des brebis galeuses. J'approuve certainement vos méthodes jusqu'ici.
J'aimerais aborder le projet de loi qui a été annoncé hier. Le gouvernement décide en quoi il consistera et le présente. Je me demande à quel point on vous a permis, à vous et à la GRC, je présume, de participer à son élaboration. Vous a-t-on consulté? Avez-vous eu l'occasion de participer au processus? Je ne sais pas si vous êtes en position de dire ce que vous aimeriez voir dans le projet de loi ou non. Pourriez-vous nous donner une idée de votre participation à ce processus?
M. Paulson : Merci, monsieur le sénateur, des commentaires que vous avez faits au début.
Dans le cadre de mon nouveau rôle, j'ai aussi tenté d'attribuer un rôle de gestion plus actif à mes officiers supérieurs. Par conséquent, nous étions très engagés, et j'étais activement engagé et représenté par des officiers supérieurs très compétents et intelligents qui ont participé avec le gouvernement et Sécurité publique, ainsi que d'autres organismes, à l'élaboration du projet de loi et à l'examen de toutes les considérations, y compris l'équité pour nos membres, l'efficacité du processus, la comparaison avec d'autres corps policiers et la façon dont ils font les choses. Je suis tout à fait satisfait de l'occasion qui nous a été donnée de participer et ensuite de démontrer à nos collègues du gouvernement que nous pouvions très bien nous débrouiller dans ce type de travail de gestion et d'élaboration des politiques. J'étais complètement satisfait. J'ai très hâte de voir comment les parlementaires aborderont ce sujet et chercheront à obtenir l'avis des Canadiens.
Le sénateur Manning : Comme toujours, le projet de loi vous donne de nouveaux pouvoirs en tant que commissaire. Je ne veux pas dire « vous » personnellement, mais la personne qui occupera ce poste dans les années à venir.
En ce qui concerne votre connaissance du sujet à l'étude, à quel point êtes-vous sûr que le processus sera en mesure de résister aux contestations fondées sur la Charte canadienne des droits et libertés? Il y a toujours des préoccupations lorsque Bob Paulson a ces nouveaux pouvoirs.
M. Paulson : Je pense qu'il s'agit d'un bon point. Nous l'avons examiné en profondeur, et je sais que le gouvernement l'a fait aussi. Pour parler franchement, cela dépend en grande partie de la gestion et des types de freins et contrepoids que je suis en mesure de mettre en place par l'entremise de règlements pour établir cette protection. Il ne fait aucun doute qu'il faudra former mes superviseurs de première ligne. Nous avons intégré l'amélioration de la formation donnée aux superviseurs de première ligne dans notre plan, afin qu'ils soient en mesure de gérer, de documenter et de comprendre les concepts en jeu.
Comme la plupart des gens face à un nouveau système, je prévois des problèmes à mesure que nous progressons, mais il s'agit d'un processus assez direct. Il fait la distinction entre les deux types de comportements dont j'ai parlé et se concentre sur la correction de ces comportements, lorsque c'est possible. C'est une solution valable et nous avons bien réfléchi à la façon dont nous allions la présenter. Toutefois, je suis certainement ouvert à entendre d'autres avis à ce sujet.
[Français]
Le sénateur Nolin : Monsieur le commissaire, merci d'avoir accepté notre invitation, à des fins de précision, lorsque vous parlez de l'association, vous faites référence à l'association des représentants divisionnaires, c'est bien cela?
M. Paulson : Oui.
Le sénateur Nolin : Lorsque le sénateur Dawson vous parle de la décision de la Cour d'appel de l'Ontario, la cour a effectivement déclaré que cette association jouissait de l'indépendance nécessaire pour représenter adéquatement les membres?
M. Paulson : Exact.
Le sénateur Nolin : On est tous conscients qu'il est possible que la Cour suprême accepte d'entendre un appel. C'est pour cela que je ne pousserai pas plus loin la discussion. J'ai une opinion différente que celle de la Cour d'appel de l'Ontario. On verra ce que la Cour suprême décidera.
De toute évidence, vous êtes satisfait par le dépôt de ce projet de loi. Vous venez d'y faire référence dans votre réponse au sénateur Manning. Vous allez devoir modifier vos façons de faire, vos processus internes. Il y a, avec la mise en place de nouveaux mécanismes disciplinaires, le pendant de l'application de mesures disciplinaires, c'est le respect des droits des individus, autant des victimes que des possibles commettants des actes répréhensibles.
Lorsque vous parlez de mise en place de nouveaux processus, qu'est-ce que vous avez en tête pour protéger les droits des victimes? Je pense que ce qu'on voit là, de façon évidente, c'est la protection des victimes et la mise en œuvre d'un mécanisme pour s'assurer qu'on réprimande rapidement et efficacement la personne qui aurait commis l'infraction. Mais qu'est-ce que vous avez comme intention pour mettre en place les mécanismes pour protéger les droits? Parce qu'ils en ont des droits, jusqu'à preuve du contraire, ceux qui auraient commis ces infractions?
[Traduction]
M. Paulson : Merci, monsieur le sénateur. Tout d'abord, nous n'aurons des tribunaux que pour les destitutions. Tous les autres cas seront confiés aux échelons inférieurs, et les plaintes pourront même être réglées par la tenue de réunions auxquelles participeront notamment les représentants divisionnaires. Ce sont les superviseurs de première ligne — soit peut-être les officiers hiérarchiques ou le commandant divisionnaire — qui interviendront.
[Français]
Dans tous les cas, les officiers auraient le droit d'avoir des avocats ou les conseils des membres des associations divisionnaires.
Même devant les tribunaux, ils ont le droit d'être représentés par les avocats comme tout le monde. Je suis confiant que les droits des officiers seront respectés, surtout quand le principe le plus important est de corriger le comportement des officiers, pas de leur donner des punitions.
[Traduction]
Il ne s'agit pas de punir les officiers, mais de corriger leur comportement. En ce sens, je crois que les droits de nos officiers sont absolument respectés.
[Français]
Le sénateur Nolin : Lorsque vous parlez du recours aux représentants divisionnaires, cela revient à cette question d'indépendance. Qui nomme ces individus?
M. Paulson : Les membres.
Le sénateur Nolin : Qui leur donne des instructions? Est-ce que vous avez à voir, vous, dans les opérations des représentants divisionnaires?
M. Paulson : Non. On a des politiques à la GRC pour les représentants divisionnaires mais je ne leur donne pas d'instruction ni d'ordre. On a une entente entre moi et l'exécutif de l'association. Mais à part cela, ils sont complètement indépendants.
Le sénateur Nolin : Et qui nomme l'exécutif de l'association?
M. Paulson : Les membres de l'association.
Le sénateur Dallaire : J'ai une question complémentaire. Ces gens sont tout de même dans la GRC. Ils vont faire ce travail qui peut risquer d'être en conflit avec les autorités dans l'accomplissement de leur mission et après ils retournent à leur travail normal. Ils sont là pour une période de temps. Est-ce qu'il y a un historique de friction qui continue par après suite au fait que l'individu doit faire attention à sa carrière future en étant potentiellement en conflit avec les autorités?
M. Paulson : Non, mon expérience est que ce sont les officiers qui rentrent dans le programme d'association divisionnaire, c'est encore plus compliqué que leur vie en tant que policier. Quand ils retournent travailler comme policiers, ils sont de meilleurs officiers, des gérants meilleurs.
[Traduction]
Le sénateur Day : Monsieur le commissaire, c'est un plaisir de vous rencontrer de nouveau. J'aimerais revenir au point soulevé par le sénateur Manning au sujet de Terre-Neuve-et-Labrador. Je crois que la situation s'applique certainement à ma province, le Nouveau-Brunswick, et probablement à toutes les provinces qui ont conclu un contrat avec la GRC et tout particulièrement à celles où les membres de la GRC sont très respectés localement. Ces gens sont perçus de la même façon que les médecins. Les membres de la GRC en sont conscients, et je dirais que 99 p. 100 d'entre eux, et peut-être même plus, essaient d'être à la hauteur des attentes de la population.
Il y a eu des bavures, cela ne fait pas de doute, qui ont quelque peu terni l'image de la GRC et qui se sont un peu répercutées sur chacun de ses membres. Grâce à votre nomination, les gens estiment, je crois, qu'une bonne occasion s'offre à la GRC pour redonner à l'organisation une partie de la dignité qui l'a caractérisée pendant de nombreuses années.
Je veux m'assurer que vous comprenez bien le rôle qui est le vôtre en qualité de nouveau commissaire et celui que vous devez jouer dans les circonstances. Comme vous l'avez dit au sénateur Mitchell plus tôt, je conviens que certains problèmes avaient cours avant votre nomination, comme le cas du sergent d'état-major Ray, maintenant le sergent Ray. Vous devez gérer les conséquences de cela, même si vous n'avez pas pu influencer le cours des choses.
Vous avez parlé d'une lettre que vous avez envoyée à tous les officiers, mais je ne me rappelle pas l'avoir vue ici. Vous n'étiez pas certain d'avoir communiqué cette lettre au comité. Si vous le pouvez, cela serait utile...
La présidente : La lettre est publique, je crois, elle a paru...
Le sénateur Day : J'ai lu quelques articles de journaux; je ne veux pas lire l'interprétation de quelqu'un d'autre.
M. Paulson : Je crois que je l'ai ici. C'est une lettre que j'ai écrite le 3 janvier à l'intention de tous les commandants divisionnaires pour leur faire connaître mes attentes sur la façon de gérer les cas de discipline.
Le sénateur Day : Cela serait utile si vous pouviez nous la faire transmettre par l'entremise de notre greffière.
Veuillez nous parler du plan prévoyant l'embauche de 100 enquêteurs spéciaux que vous avez annoncé plus tôt. Était-ce un plan provisoire qui prendra fin avec l'entrée en vigueur du projet de loi C-42 ou ce plan sera-t-il poursuivi? J'aimerais comprendre votre plan et savoir dans quelle mesure le projet de loi C-42 vous aidera à le mettre en œuvre pour redonner de la dignité à la GRC.
M. Paulson : C'est le nouveau commandant divisionnaire, le commissaire adjoint Callens, qui a annoncé l'embauche de 100 officiers en Colombie-Britannique. Nous avons pas mal d'officiers en Colombie-Britannique, soit environ 6 000 officiers assermentés. Vous avez peut-être remarqué que certains de ces cas plutôt notoires proviennent de la Colombie-Britannique. Nous voulons nous concentrer sur cette province et corriger tous les problèmes relevés.
Vous vous rappellerez, madame la présidente, que je vous ai déjà dit que l'une des choses que j'ai faites concernant le harcèlement a été de centraliser le processus et d'obtenir l'information, de façon que nous puissions faire un plan. Cela s'inscrivait dans cette initiative. La semaine prochaine, comme vous le verrez, nous ferons une annonce en Colombie-Britannique sur l'avancement du règlement des problèmes de harcèlement sexuel et d'égalité entre les sexes dans nos rangs en Colombie-Britannique. J'ai bien hâte de faire cette annonce la semaine prochaine.
En ce qui concerne la nouvelle loi, nous avons un plan. Nous avons déjà commencé à prendre certaines des mesures prévues. Nous avons mis en place une équipe de mise en œuvre qui s'occupera de toutes les questions des parlementaires et qui y répondra certainement à mesure que les choses avanceront jusqu'à la fin de l'année et, il est à espérer, qu'elles s'amélioreront quelque peu. Nous mettons en place les mécanismes d'appui, les politiques et les textes règlementaires, comme les Ordres permanents du commissaire, qui donneront vie à ces systèmes. C'est un peu fastidieux. En fait, c'est administratif et non pas fastidieux.
Beaucoup de travail de classification administrative a été fait pour nos catégories d'employés. Nous travaillons très étroitement avec le Conseil du Trésor et d'autres ministères à ce sujet. Il y a aussi, naturellement, le nouvel organisme de surveillance, auquel nous devons être prêts à répondre. Il faut prendre des mesures pour donner un meilleur accès aux documents et aux éléments de preuve, rendre obligatoire la participation des témoins et préparer une série de politiques et de textes règlementaires. C'est ce que nous faisons actuellement.
Lorsque la nouvelle loi sera en vigueur, nous aurons déjà formé tous nos superviseurs de première ligne, et cetera. L'une des caractéristiques très intéressantes du nouveau code de déontologie est que les tribunaux — les comités disciplinaires — permettront la nomination de n'importe quelle personne et non seulement d'un officier ayant suivi la formation légale. Nous devons élaborer une certaine politique pour donner suite à cette nouvelle disposition. Nous devrons nous assurer que ces gens ont reçu une bonne formation sur les questions qu'ils examineront. Lorsque la nouvelle loi sera en vigueur, nous mettrons en œuvre ce nouveau code.
Le sénateur Day : Si je comprends bien, ce changement se préparait avant votre nomination?
M. Paulson : Non.
Le sénateur Day : Le projet de loi C-42 n'a-t-il pas vu le jour parce que vous avez dit que nous devions faire quelque chose?
M. Paulson : Non, vous vous trompez. Un projet de loi avait déjà été proposé, mais depuis que j'ai comparu la dernière fois, nous avons mis en place une équipe du tonnerre et nous avons relevé nos manches. Voilà ce qui me revient.
Le sénateur Day : C'est ce que je voulais savoir. Merci.
Le sénateur Plett : Je veux tout d'abord vous demander de m'excuser pour mon retard. J'arrivais directement d'une autre réunion qui avait pris un peu de retard. Je vous prie de m'excuser si mes questions ont déjà été posées.
Permettez-moi simplement d'ajouter ma voix à celle du sénateur Manning et de vous féliciter, vous et tout votre corps policier, pour votre excellent travail. Je viens du Manitoba, et nous sommes l'une des provinces qui utilisent beaucoup les services de la GRC. Je suis conscient de cela.
La Commission civile d'examen et de traitement des plaintes se composera d'un président et pourra compter quatre membres de plus à temps plein ou à temps partiel. Voulez-vous dire par là qu'elle pourrait se composer de trois membres ou qu'il y en aura quatre?
M. Paulson : Je ne peux pas vraiment répondre à cette question, monsieur le sénateur. Je crois qu'on peut comprendre qu'elle pourrait compter trois membres.
Le sénateur Plett : Qui prend la décision?
M. Paulson : Il vaut mieux le demander au président, mais je crois que c'est le président et le ministre.
Le sénateur Plett : Vous pourriez peut-être me répondre, alors, ou peut-être que cela ne relève pas de vous non plus. On dit que les membres actuels ou les anciens membres de la GRC ne seront pas admissibles. Naturellement, au Manitoba, nous avons d'autres services de police. Un membre de l'un des services de police municipaux pourrait-il siéger au comité?
M. Paulson : Je crois que oui. La GRC est depuis longtemps ouverte aux examens indépendants. Ce sont des mécanismes conçus pour la tenue d'enquêtes à l'extérieur de la police, mais il semble qu'on y accueillerait des membres d'autres corps policiers parce que, pour faire certaines de ces enquêtes, il faut posséder certaines compétences d'enquêteur.
Le sénateur Plett : C'est la réserve que j'ai si on n'y compte que des civils.
M. Paulson : Je crois que c'est cela. Je crois que la commission accueillerait des membres d'autres organismes d'application de la loi.
Le sénateur Plett : Merveilleux. Merci beaucoup, et félicitations pour cet excellent projet de loi et la contribution que vous y avez apportée.
M. Paulson : Merci, monsieur.
La présidente : Pourriez-vous nous donner un exemple? Je sais que cela est difficile lorsque des cas vous sont soumis, mais qu'arrive-t-il lorsqu'un membre de la GRC formule une allégation contre un autre membre avec lequel il travaille?
M. Paulson : Voilà une autre caractéristique du nouveau code de déontologie. Actuellement, nous utilisons un processus très fragmenté, répétitif et redondant pour traiter les cas de harcèlement. Si quelqu'un formule une plainte de harcèlement, qui est considérée comme de l'intimidation ou, essentiellement, la création de conditions qui enfreignent le droit de la personne de profiter d'un milieu de travail agréable, il y a une enquête de harcèlement.
En général toutefois, parce que nous avons notre code de déontologie à la GRC, beaucoup de ces allégations de harcèlement seraient traitées comme des violations du code de déontologie. Naturellement, à la GRC, nous sommes également assujettis au Code criminel, et nous aurions donc un certain nombre de processus disparates et répétitifs. Voilà pourquoi certains membres qui voudraient se plaindre se disent que cela ne serait pas très utile. Ils se disent : « Je n'irai pas me plaindre du caporal Untel qui me harcèle tous les jours si je sais que rien ne sera fait pour corriger la situation, d'autant plus qu'il saura que j'ai porté plainte contre lui ». Le nouveau système vise à regrouper tous les recours et à permettre la tenue immédiate d'une enquête pour manquement au code de déontologie, si cela est justifié. Le processus sera beaucoup plus efficace.
En confiant le règlement des plaintes au niveau le plus bas, nous nous attendons à ce que beaucoup de ces cas, qui sont généralement des conflits interpersonnels, soient réglés au premier niveau, et à ce que des directives soient données au superviseur ou au membre pris en défaut et la situation réglée, peut-être par la séparation des employés et la présentation d'excuses. Parce que le processus actuel est tellement compliqué, les gens restent campés sur leur position et ils n'ont jamais la chance de régler la situation. Nous croyons que le nouveau processus permettra de régler un certain nombre de ces cas. En effet, peu de temps après, deux ou trois ans, tout le monde a oublié l'incident ou l'étincelle qui a provoqué le conflit parce qu'on est complètement empêtré dans la controverse qui a dégénéré. J'espère que le nouveau processus rationalisera le traitement des cas de harcèlement et de manquement au code de déontologie et que, s'il y a des cas d'infraction au Code criminel, ces cas pourront être traités immédiatement, sans qu'il y ait quelque empêchement administratif que ce soit.
La présidente : Ce que je veux savoir, en partie, c'est si le commandant peut hésiter à monter plus haut s'il n'arrive pas à régler la situation au niveau local. Sera-t-il puni pour ne pas avoir réussi à régler le problème?
M. Paulson : Non, et cela ne devrait jamais arriver. Malheureusement, des cas isolés sont survenus je crois. Des gens qui ont porté plainte sont laissés pour compte et rien ne survient, et il arrive peut-être que le patron obtienne une promotion.
À l'inverse, comme nous le savons tous, le milieu de travail est un environnement très complexe. Il arrive que des gens se servent des plaintes un peu comme d'une arme, d'une vengeance ou d'un moyen d'éviter d'avoir à rendre des comptes.
Lors d'une séance de discussion ouverte à Lower Sackville, je croyais me faire vraiment bien comprendre quand un des caporaux présents a levé les yeux au ciel. Je parlais de responsabilisation, et il m'a dit « J'ai peur de donner des conseils aux gens pour les problèmes de productivité au travail parce qu'ils risquent de se porter malades ou de déposer une plainte de harcèlement contre moi ».
L'environnement est complexe. Je ne dis pas que les problèmes sont endémiques ou quoi que ce soit d'autre, mais je voulais simplement signaler que c'est un secteur compliqué. Nous n'arriverons pas à résoudre tous les problèmes avec des règles et des règlements. C'est une question de culture. Les dirigeants doivent diriger, les officiers doivent commander et les membres doivent participer.
La présidente : Je vous remercie de nous éclairer quelque peu sur la situation, parce qu'il y a toujours deux côtés à une médaille.
Il nous reste 10 minutes. Nous avons des gens pour le deuxième tour, alors je vous demanderais de poser une question concise de façon que nous puissions avancer rondement.
[Français]
Le sénateur Dallaire : Il y a eu des changements qui devaient initier des changements d'orientation de culture. L'introduction des femmes dans les forces ne s'est pas nécessairement faite de la façon la plus facile.
Avez-vous noté, lors de votre prise de commandement à la GRC, un changement de philosophie fondamental quant au leadership et qui serait dû au fait qu'il y a davantage de femmes qui exercent des rôles de chef ou de leader?
[Traduction]
Il y a le concept voulant que les garçons seront toujours des garçons. La philosophie de leadership a-t-elle changé, ou faut-il encore attendre que l'arrivée des femmes dans la structure de commandement fasse évoluer les choses?
M. Paulson : Oui, je crois qu'il y a eu une évolution positive. Il reste encore du travail à faire. Je suis allé dernièrement à la Division Dépôt où j'ai amené avec moi un cadre supérieur du gouvernement pour une cérémonie de promotions, et je crois devoir un voyage à madame la présidente. C'était très inspirant. Le no deux de la division est une femme, une personne haut gradée; un certain nombre d'officiers de la chaîne d'opérations sont des femmes, qui occupent également des postes élevés; et le sergent-major qui officiait cette journée était également une femme. La diversité s'implante dans notre organisation, et nous commençons à afficher un bon rendement à cet égard. Franchement, je suis assez fier de nos chiffres. Nous avons encore un peu de travail à faire du côté des cadres supérieurs toutefois.
Je n'ai jamais vraiment couru le risque d'être marginalisé ou ignoré ou encore de recevoir un service pour la forme. Il y a encore parfois cette mentalité voulant que les garçons seront toujours des garçons, cette sorte de machisme égocentrique. Je ne crois pas que ce soit répandu toutefois. Il y a encore des cas de ce genre çà et là, et nous devons travailler pour corriger la situation.
Le secteur est complexe également. Nous ne pouvons pas être parfaitement neutres par rapport aux femmes. Une femme officier m'a corrigé là-dessus la semaine dernière lorsque je disais que notre organisation devrait idéalement ne faire aucune différence entre les sexes. Elle a déclaré : « Non, ce n'est pas comme ça, monsieur le commissaire ».
Je crois qu'il y a des changements. Nous avons encore un peu de travail à faire, tout particulièrement dans nos rangs supérieurs. Nous venons de perdre Mme Line Carbonneau, une excellente femme officier et l'une des championnes qui aurait dit à n'importe qui : « Écoutez, n'accordez pas de promotion à des femmes simplement parce qu'elles sont des femmes, mais assurez-vous que les femmes qui ont un bon rendement soient reconnues ».
Le sénateur Lang : Je le répète, je pense que nous avons tous ici du respect pour la GRC, peu importe la région du pays d'où nous venons. Ce qui nous préoccupe, bien entendu, c'est que l'image de la GRC a été ternie dans une certaine mesure. Nous nous penchons sur cette mesure corrective que vous nous avez décrite. Vous avez parlé d'une conduite scandaleuse, et j'aimerais aborder ce sujet, parce qu'elle a une incidence sur l'ensemble des membres de la GRC. Je suis certain que c'est une situation qui les préoccupe autant que n'importe qui d'autre; en fait, probablement davantage.
Je veux que ce soit clair dans mon esprit. Je ne pense pas qu'il convienne en ce moment de parler de cas précis, mais nous pouvons discuter de façon générale. En ce qui concerne cette conduite scandaleuse, et il a été prouvé hors de tout doute qu'elle a eu lieu, vous pourriez peut-être expliquer clairement, aux fins du compte rendu, comment cette situation sera gérée maintenant par rapport à la manière dont elle l'aurait été auparavant pour que nous comprenions bien comment ce processus fonctionnera en vertu de ce nouveau cadre législatif.
M. Paulson : Cette conduite scandaleuse peut être interprétée de différentes façons. En général, on reconnaît facilement une conduite définie comme étant scandaleuse, mais ce n'est pas toujours clair. Dans la note que je vais vous remettre, j'ai tenté de décrire une telle conduite. Essentiellement, à mon avis, quand une personne ment, triche, vole ou adopte une mauvaise conduite à répétition, le Canadien moyen s'interroge sur la présence de cette personne au sein de la force policière. Je parle d'une interprétation sensée d'une conduite scandaleuse.
C'est l'agent responsable des dossiers liés à la conduite des membres qui décidera s'il faut demander directement le renvoi. La suspension sans solde est plus efficace et plus facile sur le plan administratif, je présume, lorsque cela est justifié. Il n'y a pas lieu de prouver hors de tout doute raisonnable qu'il y a eu conduite scandaleuse; il faut que ce soit démontré clairement.
Premièrement, on peut suspendre un officier et mettre fin à sa rémunération et à ses avantages sociaux, si cela est justifié, à savoir si sa conduite correspond à une interprétation sensée d'une conduite scandaleuse. Ensuite, le cas sera immédiatement présenté à un conseil, qui ne sera pas enlisé dans un processus fondé sur la confrontation. Le conseil pourra essentiellement gérer les preuves. Il pourra accepter des preuves évidentes, comme des bandes vidéo, et cetera. Il ne serait pas nécessaire de suivre de longues procédures juridiques. Le conseil pourra recevoir des preuves et contre-interroger les témoins. Les membres aussi pourront contre-interroger les témoins, mais ce processus menant au renvoi sera beaucoup plus efficace.
Le sénateur Mitchell : Monsieur le commissaire Paulson, en raison de ces problèmes, un certain nombre de personnes, des femmes en particulier, souffrent du syndrome de stress post-traumatique, et on s'interroge sur les efforts déployés par la GRC pour véritablement aider ces personnes. Cette situation pourrait peut-être empirer, étant donné que le projet de loi C-38 prévoit l'adhésion des membres de la GRC aux régimes de soins de santé provinciaux. Que faites-vous pour les victimes? Ont-elles l'occasion de se faire entendre, et les écoutez-vous? Serait-il possible de tenir une réunion informelle avec les victimes? Est-ce que vous axez vos efforts sur le traitement du SSPT? C'est un problème qui cause beaucoup de tort.
M. Paulson : C'est une conséquence inhérente à l'exercice du métier de policier. Je sais que le SSPT et le stress qu'on accumule au fil des ans ou parfois au bout de quelques jours de travail en tant que policier peuvent causer un grand traumatisme. J'aimerais répondre à votre commentaire au sujet des soins de santé.
Pour ce qui est des soins de santé de base, rien ne changera, sauf que nous ne serons plus considérés comme des non-résidents de la province aux fins de la facturation, ce qui signifie que nous n'aurons plus à payer trois fois plus cher. Si j'ai un furoncle sur le nez, je paierai le même prix que tout le monde pour me faire soigner. La GRC ne sera pas facturée trois fois le prix.
Quant aux soins de santé complémentaires et aux soins de santé au travail, ce seront des professionnels du secteur des assurances qui en assureront la gestion. Les policiers peuvent faire beaucoup de choses, mais je ne crois pas qu'ils peuvent gérer les soins de santé complémentaires. Nous n'allons pas réduire les prestations de maladie versées aux membres de la GRC qui ont été blessés dans l'exercice de leurs fonctions, et les soins de santé au travail ne seront pas touchés.
Les membres doivent savoir, et je l'ai souvent répété, que s'ils sont blessés dans l'exercice de leurs fonctions, la GRC veillera toujours à ce qu'ils reçoivent les soins nécessaires. En ce qui concerne le SSPT, j'ai essuyé bien des attaques, comme on dit dans les milieux policiers. Je veux dire en fait que j'ai été beaucoup critiqué. Je fais référence au programme d'aide aux membres et aux employés. Nos membres et nos représentants craignaient qu'on élimine ce programme. Les services de ce programme seront confiés à un programme d'aide aux employés géré par le gouvernement du Canada, auquel ont recours les militaires et les employés de l'ASFC. Je vais maintenir ce système de soutien par les pairs, qui est essentiel pour aider les membres qui sont blessés ou qui présentent des symptômes qui peuvent être attribuables au syndrome de stress post-traumatique.
Je ne veux absolument pas qu'on pense que ces initiatives entraîneront une réduction des avantages, d'autant plus que nos membres s'exposent volontairement tous les jours à des risques. Nous allons continuer de leur offrir les mêmes services.
Le sénateur Mitchell : Puis-je passer à la troisième série de questions?
La présidente : Non. Il reste seulement une minute environ.
Le sénateur Dawson : Nous avons de la chance de vous accueillir deux fois en six mois, mais nous risquons de ne pas vous revoir avant longtemps.
[Français]
J'aimerais entendre vos commentaires suite au reportage de Radio-Canada au sujet des incidents concernant la protection du premier ministre. Vous avez l'opportunité de commenter devant les parlementaires et les caméras.
[Traduction]
M. Paulson : Nous avons effectué un examen des pratiques de gestion. Quelqu'un a rendu public le document portant sur cet examen. Il s'agissait d'un examen de la gestion du peloton de protection du premier ministre. Le premier ministre n'a jamais été exposé à un risque et sa sécurité n'a jamais été compromise. Des membres ont constaté que certaines pratiques de gestion n'étaient pas des plus adéquates, mais je ne suis pas en mesure de le confirmer. C'est pourquoi nous avons procédé à cet examen. Il y a eu une fuite, mais je crois qu'il faut s'attendre à ce genre de choses.
L'agent responsable de notre police de protection, le commissaire adjoint Malizia, a fait du très bon travail. Il a travaillé avec l'agent en question, dont le rendement est excellent et qui possède énormément d'expérience dans le domaine de la protection. Tout le monde, mis à part ses subordonnés, l'appuie entièrement. Nous devons déterminer comment améliorer ses compétences en gestion. Un bon agent de police ne fait pas toujours un bon gestionnaire. Mais ce n'est pas mon cas, bien sûr.
Le sénateur Dallaire : Je préférerais que vous utilisiez le terme « leader » plutôt que « gestionnaire ».
M. Paulson : Je suis d'accord, monsieur le sénateur.
La présidente : Merci. Nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu devant nous. Je sais que vous avez dû modifier votre horaire pour pouvoir respecter votre promesse de venir nous expliquer ce projet de loi. Nous vous inviterons régulièrement. Nous nous reverrons dans environ quatre mois.
M. Paulson : Merci, madame la présidente.
(La séance est levée.)