Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications
Fascicule 3 - Témoignages du 1er novembre 2011
OTTAWA, le mardi 1er novembre 2011
Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui, à 9 h 30, dans le cadre de son étude sur les nouveaux enjeux qui sont ceux du secteur canadien du transport aérien.
Le sénateur Dennis Dawson (président) occupe le fauteuil.
[Français]
Le président : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des transports et des communications ouverte et je vous remercie d'être ici.
[Traduction]
Ce matin, nous poursuivons notre étude sur le secteur canadien du transport aérien. Nous recevons aujourd'hui Robert Deluce, président-directeur général de Porter Airlines Inc.
Robert J. Deluce, président-directeur général, Porter Airlines Inc. : Merci et bonjour. Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous au nom de Porter Airlines Inc. dans le cadre de votre étude sur les politiques canadiennes en matière de transport aérien.
Porter est la troisième compagnie aérienne de transport régulier en importance au Canada. Nous décidons quelles destinations nous desservons, comment nous commercialisons nos services et quels vols nous exploitons à horaire fixe. WestJet, Air Canada et d'autres gros transporteurs adoptent des stratégies opérationnelles fondées notamment sur l'exploitation de vols nolisés et les contrats d'achat de capacité. Quoi qu'il en soit, Porter est la troisième compagnie aérienne de transport régulier au pays.
Porter exploite des vols régionaux jusqu'à Thunder Bay à l'Ouest et St. John's, à Terre-Neuve-et-Labrador, à l'Est. À partir de janvier prochain, nous desservirons 13 destinations au Canada et cinq aux États-Unis, pour un total de 18 destinations.
D'ici janvier, nous exploiterons 26 turbopropulseurs Q400 de Bombardier et emploierons plus de 1 300 personnes.
Le 23 octobre dernier, Porter a célébré son cinquième anniversaire et a transporté son cinq millionième passager la même semaine.
Là où je veux en venir avec ces jalons, c'est que la présence de Porter dans le secteur canadien du transport aérien accroît la concurrence. Sa présence crée des emplois, profite aux aéroports et encourage les particuliers et les entreprises à voyager davantage, car ils ont un choix concurrentiel et varié.
Chaque fois que Porter dessert une nouvelle destination, le tarif de base que paient les passagers baisse de 60 p. 100. Cela se produit dès que nous annonçons notre intention de desservir une destination, avant même que le premier avion ne s'envole. D'ordinaire, les tarifs baissent dès que nous avons annoncé notre intention de desservir une destination. Sault Ste. Marie est un bon exemple. Avant que Porter ne desserve cette destination, un billet aller simple acheté 30 jours à l'avance coûtait 296 $, plus les taxes et droits. Dès que Porter a commencé à desservir Sault Ste. Marie, le même billet coûtait 79 $. C'est une baisse de 73 p. 100 du tarif de base.
Dans le réseau de destinations que nous desservons, nous rivalisons avec les deux plus grands transporteurs canadiens et certains transporteurs américains qui font partie des plus grands transporteurs au monde. Cela dépend du trajet.
Cependant, la dynamique d'établissement du prix est plutôt cohérente. Chaque fois que Porter dessert une destination, le prix des billets d'avion baisse, en raison de la multiplication des choix offerts aux consommateurs. Pour soutenir la concurrence, d'autres transporteurs aériens sont prêts à prendre des mesures qu'ils n'avaient jamais envisagées auparavant.
Vous ne serez pas surpris d'apprendre que ce sont les destinations où il n'y avait pas de concurrence auparavant qui en profitent le plus. Par exemple, dans le marché régional de l'Ontario, outre Porter, deux autres transporteurs offrent maintenant des vols sans escale à destination de Toronto à partir de destinations comme Sault Ste. Marie, Sudbury, Timmins et Windsor.
D'après ce que nous savons, dans l'un de ces aéroports, le trafic passagers a augmenté de plus de 80 p. 100 par an, surtout parce que les tarifs sont plus attrayants. L'augmentation du nombre de passagers entraîne un accroissement des investissements faits par les aéroports. Dans les petits centres régionaux, plus particulièrement, les aéroports ont mis à exécution des projets de construction d'ampleur variable pour mieux répondre à l'augmentation du nombre de passagers résultant des services offerts par Porter. Ces projets se traduisent par la création d'emplois à court et à long terme.
Porter participe directement aux investissements aéroportuaires à l'aéroport Billy Bishop de Toronto, notre base d'exploitation principale.
Au total, l'Administration portuaire de Toronto, l'exploitant de l'aéroport, et Porter ont investi plus de 100 millions de dollars dans divers projets achevés et planifiés, notamment des projets d'infrastructure d'accès à l'aéroport, des services aéroportuaires, des installations dans les aérogares et des bureaux de soutien administratif.
La revitalisation de l'aéroport Billy Bishop de Toronto a des répercussions directes et positives sur les secteurs locaux de l'hôtellerie et du tourisme. Selon des sondages réalisés par ces secteurs, certains hôtels ont déclaré qu'un nombre considérable de leurs clients arrivent à Toronto par l'aéroport du centre-ville.
Le secteur canadien de l'aérospatiale profite également de la revitalisation de l'aéroport. En effet, Bombardier Aéronautique termine actuellement l'assemblage de turbopropulseurs Q400 que Porter utilise à Toronto et dans l'ensemble de son réseau. Porter est le plus important employeur du secteur du transport aérien à Toronto et l'entreprise génère des milliers d'emplois hautement spécialisés.
Au Québec, Pratt & Whitney Canada fabrique les moteurs des Q400. Dans le cadre du programme de formation, les pilotes de Porter sont formés sur des simulateurs exploités par FlightSafety International, l'un des chefs de file mondiaux dans ce domaine.
Toutes ces retombées sont attribuables à la concurrence. Sans cela, il n'y aurait presque pas d'investissements. Selon des estimations prudentes, l'activité économique générée par la présence de Porter dans le secteur canadien du transport aérien se chiffre à plus de 1 milliard de dollars. Ce chiffre comprend les achats d'aéronefs, les investissements dans les infrastructures, la création directe d'emplois et les dépenses dans le secteur de l'hôtellerie et du tourisme. Une analyse plus exacte produirait probablement un chiffre plus élevé.
En plus de stimuler la concurrence, Porter a pris l'initiative d'exploiter de nouvelles destinations dans le cadre de son programme saisonnier. Mont-Tremblant, au Québec, Myrtle Beach, en Caroline du Sud, et Burlington, au Vermont, sont toutes des destinations qui étaient mal desservies, voire pas desservies, pour la clientèle canadienne. Porter est le seul transporteur aérien canadien qui offre des vols sans escale vers ces destinations.
Porter a commencé à desservir Mont-Tremblant en 2007, à raison de deux vols par semaine durant la saison de ski. Actuellement, nous exploitons jusqu'à 13 vols par semaine en hiver, dont jusqu'à cinq vols de retour le dimanche seulement. Nous desservons Mont-Tremblant l'été depuis deux ans. Cette année marquera le début de vols sans escale entre New York/New Jersey et Mont-Tremblant.
Cet investissement conjoint que nous réalisons avec nos partenaires a créé un nouveau marché touristique pour Mont-Tremblant, car cette destination est maintenant desservie à partir de plus de 10 villes, via Toronto.
Porter n'a pas perdu un nombre notable de voyageurs canadiens au profit des aéroports américains. Dans l'ensemble, nous desservons une clientèle qui est consciente des avantages liés à l'emplacement de l'aéroport de Toronto. En effet, ce dernier leur permet de gagner deux heures ou plus par rapport à un vol aller-retour à destination de l'autre aéroport torontois. Ce gain de temps, conjugué avec des prix concurrentiels pour les destinations desservies par Porter, rend la proposition de valeur attrayante pour bon nombre de voyageurs.
En outre, un nombre considérable de passagers provenant des villes desservies par Porter transitent par l'aéroport de Toronto pour prendre des vols de correspondance vers les États-Unis. C'est une option viable, car les prix sont intéressants.
Le trafic vers les destinations américaines desservies toute l'année par Porter — à savoir New York, Chicago et Boston — a considérablement augmenté. En outre, nous avons été en mesure d'accroître notre présence à Myrtle Beach au cours des deux dernières années, même si des transporteurs américains à faible coût exploitent des vols vers cette destination à partir de l'État de New York, de l'autre côté de la frontière.
En général, Porter attire un nombre considérable de passagers de la région du Golden Horseshoe qui ont parfois le choix d'utiliser des transporteurs qui offrent des services outre-frontière. Bien sûr, les clients tiennent compte de nos prix concurrentiels lorsqu'ils prennent leur décision, mais je crois que ce n'est pas le seul facteur. À mon avis, le niveau de service de qualité supérieure offert par Porter — notamment une variété de commodités et de services gratuits que d'autres transporteurs n'offrent pas ou facturent en plus — joue également un rôle dans leur décision.
J'espère que cette présentation vous a été utile. Je vous remercie, encore une fois, de l'invitation de comparaître devant le comité. Je serais ravi de répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Deluce. Permettez-moi tout d'abord de présenter mes collègues du Sénat : le sénateur Eaton, de Toronto; le sénateur Verner, du Québec; le sénateur Boisvenu, du Québec; les sénateurs Greene et MacDonald, de la Nouvelle-Écosse — de Halifax et Sydney, respectivement; le sénateur Mercer, de Halifax, en Nouvelle-Écosse; le sénateur Merchant, de la Saskatchewan; le sénateur Cochrane, de Terre-Neuve-et-Labrador; le sénateur Martin, de la Colombie-Britannique, et le sénateur Zimmer, du Manitoba. Je commence par le sénateur Mercer.
Le sénateur Mercer : Monsieur Deluce, merci de votre présence. J'admire votre entreprise depuis que vous vous êtes lancé dans les affaires. Je crois que je ne suis pas le premier à vous dire que bon nombre d'entre nous pensions que vous étiez fou lorsque vous vous êtes lancé, car votre principal concurrent, Air Canada, a la réputation d'utiliser des prix d'éviction pour se débarrasser le plus rapidement possible de ses concurrents.
Vous nous avez donné l'exemple du prix entre Toronto et Sault Ste. Marie, qui s'élevait à 296 $, plus les taxes et droits, avant l'arrivée de Porter et qui, depuis que vous desservez cette destination, s'élève à 79 $, plus les taxes et droits. Comment êtes-vous capable de soutenir la concurrence lorsque les prix baissent autant?
J'ai une question supplémentaire. Après un certain temps sur le marché, est-ce que vos prix et ceux de vos concurrents augmentent, pour s'établir à plus de 79 $, mais à moins de 296 $?
M. Deluce : Premièrement, en ce qui concerne notre capacité de soutenir la concurrence, plusieurs facteurs entrent en jeu. Le premier facteur, c'est l'aéronef. En effet, le Q400 de Bombardier nous donne un très bon avantage sur certains de nos plus proches concurrents, car il consomme 23 ou 24 p. 100 moins de carburant que les avions de transport régional à réaction ou aux avions à fuselage étroit habituellement utilisés. À notre époque, où le budget de carburant représente, dans certains cas, un tiers ou plus des charges d'exploitation, c'est un facteur décisif.
Deuxièmement, nous offrons nos services à partir d'un aéroport secondaire et environ la moitié de nos vols atterrissent ou partent de l'aéroport du centre-ville de Toronto. C'est indéniablement un avantage. Je crois que quand vous commencez à neuf et que vous mettez en place une culture d'entreprise axée sur la qualité du service et que votre réputation est fondée sur cette culture, c'est un grand avantage.
Tout bien considéré, ce qui nous permet de rester sur le marché, même si nos concurrents essaient parfois littéralement de nous assommer, c'est que notre coefficient de remplissage correspondant au seuil de rentabilité se situe à 50 p. 100 ou à peu près. Il se situait à 49 p. 100 en 2009 et à 50 p. 100 en 2010. Compte tenu des prix du carburant cette année, il se situera probablement légèrement au-dessus de 50 p. 100. Quoi qu'il en soit, notre coefficient de remplissage correspondant au seuil de rentabilité se situera probablement toujours autour de 50 p. 100.
Notre coefficient de remplissage moyen se situe dans les 60 p. 100. Il n'a pas cessé d'augmenter. À certaines périodes, comme c'est le cas actuellement, il se situe même à 68 ou 69 p. 100. Cependant, depuis le début de l'année, je crois que la moyenne se situe entre 60 et 65 p. 100. Nous avons une bonne marge.
Ce coefficient se compare avantageusement avec celui des autres transporteurs à faible coût présents sur le marché. À titre de comparaison, le coefficient de remplissage correspondant au seuil de rentabilité de WestJet se situe à peu près à 72 ou 73 p. 100. Aux États-Unis, le coefficient de remplissage correspondant au seuil de rentabilité d'Allegiant Air, considéré comme faisant partie des transporteurs aériens américains efficaces, est à peu près identique. Celui des transporteurs traditionnels, comme American Airlines, se situe aux alentours de 82 p. 100. Celui d'Air Canada, qui se situait dans les 80 p. 100 dans le passé, a baissé pour s'établir à environ 79 ou 80 p. 100. Nous avons un avantage énorme.
La taille de notre aéronef est un autre facteur. Nous sommes très satisfaits si nous transportons 35 personnes en moyenne dans nos aéronefs. À bord du vol que j'ai pris ce matin en provenance de Toronto, environ 65 sièges étaient occupés. Nous sommes en mesure de soutenir cette concurrence féroce.
Je pense que nous étions le plus vulnérables lorsque nous ne desservions qu'une ou deux destinations. Nous en desservons maintenant 18; il est donc plus difficile pour nos concurrents d'essayer de nous faire mordre la poussière sur toutes ces destinations. Toutes les destinations ne sont pas toujours rentables, mais il y en a toujours où les affaires se portent très bien. C'était une réponse plutôt longue à votre question.
Le sénateur Mercer : C'était une bonne initiative de faire les rénovations et d'agrandir l'aéroport Billy Bishop de Toronto au moment de vous lancer dans les affaires. L'ancien aéroport était très délabré et le locataire précédent n'accordait pas beaucoup d'importance au confort des clients. C'est l'Administration portuaire de Toronto qui a payé ces réparations, n'est-ce pas?
M. Deluce : L'Administration portuaire de Toronto en a payé une partie, notamment les gares maritimes de chaque côté du canal et les améliorations apportées aux cales des traversiers. Elle a également financé la mise en service d'un nouveau traversier, au départ, puis d'un deuxième. La nouvelle aérogare, qui a coûté plus de 50 millions de dollars, et l'acquisition de tous les aéronefs et de tout le matériel nécessaire ont été financées par Porter.
Nous avons fait construire l'aérogare, car nous pensions que nous n'aurions jamais une nouvelle aérogare ou même une aérogare rénovée si nous ne le faisions pas nous-mêmes. Par conséquent nous avons négocié le droit de le faire et nous sommes heureux d'avoir pu mener ce projet à bien.
Le sénateur Mercer : Vous avez donc votre base d'exploitation et vous avez une affaire qui roule et devinez quoi? Devinez qui veut sa part du gâteau? L'ancien locataire.
M. Deluce : C'est étrange, n'est-ce pas?
Le sénateur Mercer : Surprise, surprise. Cette entreprise exploite actuellement le trajet Montréal-Toronto centre ville. Je sais qu'elle en voudra plus — elle veut avoir sa part du marché Toronto-Ottawa — mais qui contrôle les droits d'atterrissage à l'aéroport Billy Bishop?
M. Deluce : C'est l'Administration portuaire de Toronto. C'est un aéroport où le nombre de créneaux exploitables est limité. Actuellement, il y a 202 créneaux — un créneau représente soit un atterrissage ou un décollage.
Air Canada a acquis 30 créneaux. Continental s'était vu attribuer 16 créneaux, mais a décidé de ne pas les utiliser. Porter possède actuellement 172 des 202 créneaux. Afin de veiller à ce que le processus d'attribution des créneaux soit équitable, l'Administration portuaire de Toronto utilise les services d'un coordonnateur international de créneaux — ACL, établi à Londres, au Royaume-Uni — qui coordonne des créneaux partout dans le monde. Cette entreprise a créé un processus reconnu mondialement comme étant un bon moyen d'attribuer les créneaux. Il est fondé sur la demande et les critères établis en collaboration avec l'Administration portuaire de Toronto.
Le sénateur Boisvenu : J'aimerais que vous nous décriviez votre relation avec des transporteurs aériens comme Air Canada. Cela me semble un peu étrange. Comment décririez-vous votre relation avec les autres transporteurs aériens?
M. Deluce : Voulez-vous que je vous décrive, en particulier, notre relation avec Air Canada? Nous nous livrons une concurrence féroce. Air Canada est l'un des locataires à l'aéroport du centre-ville de Toronto et occupe des locaux appartenant à une société affiliée. Alors que la société se préparait à prendre possession de ses locaux, elle craignait de ne pas être traitée sur un pied d'égalité avec les autres locataires et transporteurs aériens dans cet aéroport. Je crois que l'Administration portuaire de Toronto s'est donné beaucoup de mal pour veiller à ce que le processus d'attribution des créneaux soit équitable. De son côté, Porter — par l'intermédiaire de City Centre Terminal Corp. — a veillé, dès le départ, à ce qu'Air Canada n'ait aucune raison de nous accuser de ne pas les traiter sur un pied d'égalité. Air Canada a obtenu la porte d'embarquement numéro un, ses passagers ont accès à l'aire de repos et utilisent le bus-navette. Nous leur fournissons un service de bagages de qualité supérieure. Ils s'occupent de l'enregistrement de leurs clients. La concurrence est de plus en plus féroce, mais je pense que la relation est plus respectueuse qu'au début. En effet, à nos débuts, Air Canada était certaine qu'elle réussirait rapidement à nous chasser et à prendre notre place. Nous avons appris par voie détournée qu'Air Canada est surprise à quel point la clientèle de Porter est fidèle. Nous nous félicitons de cette fidélité; c'est le couronnement des efforts assidus que nous avons déployés au cours des cinq dernières années. Nous avons surtout redoublé d'efforts pour nous distinguer des autres transporteurs aériens.
Il est certain que si Air Canada pouvait nous mettre hors jeu, elle le ferait sur-le-champ. Nous ne nous endormons jamais sur nos lauriers et ne baissons jamais notre garde. Nous savons que notre survie dépend de la qualité de chaque vol. Nous devons poursuivre nos efforts et surveiller leur stratégie. Actuellement, la concurrence dans le triangle est féroce, notamment en raison de la concurrence que se livrent WestJet et Air Canada pour les vols au départ de l'aéroport Pearson, ce qui se traduit par des billets vendus à 45 $. C'est du jamais vu. Nous faisons très attention à la façon de gérer cette relation.
Le sénateur Boisvenu : Je suis nouveau au comité, alors veuillez m'excuser si mes questions sont trop personnelles.
Le président : Le président vous excusera également.
Le sénateur Boisvenu : Vous semblez avoir un pouvoir considérable de faire baisser le prix des billets d'avion. La baisse était très prononcée, de 60 p. 100, n'est-ce pas?
M. Deluce : D'ordinaire, à partir du moment où nous annonçons que nous allons desservir une nouvelle destination, le plus bas tarif de base diminue, presque toujours, de jusqu'à 60 p. 100. Dans le cas de Sault Ste. Marie, le tarif est passé de 296 $ à 79 $, soit une baisse d'environ 73 p. 100 du prix du billet d'avion. Tout à coup, la concurrence s'accentue. Peu importe la destination. Nous avons annoncé que nous desservirons Timmins dès la mi-janvier. Nous avons appris que certaines personnes ont payé 1 250 $ par trajet pour un vol de dernière minute entre Timmins et Toronto. Je peux vous garantir que dès que nous desservirons cette destination, il n'y aura plus de billets à 1 250 $ pour un vol aller simple d'une heure.
Le sénateur Boisvenu : En 2009, vous avez accusé une perte de près de 5 millions de dollars. C'est juste?
M. Deluce : En 2007 — moins d'une année après le début de nos activités — notre marge bénéficiaire nette était très élevée. En moins d'une année, nos activités étaient rentables, un exploit plutôt inhabituel pour un transporteur aérien. Entre 2007 et la mi-2010 environ, nous avons dû faire face au pire ralentissement économique que j'aie connu et ce dernier a entraîné une baisse du nombre de voyages d'affaires.
Or, nous nous étions engagés à afficher un taux de croissance élevé et à acheter un certain nombre d'aéronefs à Bombardier, ce que nous continuons de faire. Avec le soutien de notre conseil d'administration et de nos fidèles clients, nous avons atteint notre objectif de croissance. Entre 2007 et 2010, nous avons enregistré une croissance, ce qui nous a permis d'asseoir notre présence à l'aéroport du centre-ville de Toronto. Nous possédons maintenant 85 p. 100 des créneaux de l'aéroport. Notre façon de gérer les choses nous a permis d'éviter, une fois la période initiale de démarrage et le ralentissement économique terminés, d'être court-circuités par les grands transporteurs aériens — c'est-à-dire d'éviter qu'ils obtiennent les créneaux que nous n'avions pas utilisés — et de nous faire battre à plates coutures par ces derniers. En 2008, 2009 et 2010, notre gestion n'était pas axée sur les bénéfices, mais sur la croissance. Nous prenons les mesures nécessaires afin de ne pas trop nous écarter du seuil de rentabilité. En 2011, nous avons diminué notre taux d'accroissement. En effet, notre taux de croissance composé, qui se situait à près de 80 p. 100 en moyenne, est passé à un maigre 25 p. 100, ce que la plupart des gens considèrent néanmoins comme un pourcentage plutôt élevé. Ce taux est très gérable et se traduit par une augmentation des coefficients de remplissage. Pendant environ quatre mois d'affilée, notre coefficient de remplissage était d'environ 68 p. 100 avec un seuil de rentabilité de 50 p. 100. Cette année, en 2011, nos activités sont très rentables. En 2012 et au-delà, nous pensons pouvoir maintenir la même cadence. La période des incertitudes liées à la croissance est derrière nous et notre masse critique est suffisante, surtout à l'aéroport du centre- ville de Toronto. Notre principal concurrent, Air Canada, ne peut pas arriver et s'emparer des créneaux restants, mettre en service quelques Dash 8-100 et nous mettre hors jeu. Nous devons maintenant nous concentrer sur le maintien du service à la clientèle hors pair et accroître modestement notre présence sur les destinations qui offrent des possibilités, notamment Timmins, en Ontario, et Burlington, au Vermont.
Le sénateur Boisvenu : Est-ce qu'une baisse aussi rapide des tarifs pourrait être considérée comme étant du dumping?
M. Deluce : Non, je ne pense pas. Même si nous avions beaucoup de capacité excédentaire entre 2008 et 2010, nous nous étions engagés à acquérir un certain nombre d'aéronefs auprès de Bombardier et à en prendre possession. Nous avons dû bien réfléchir avant de décider si nous voulions emprunter la voie de la croissance, compte tenu de la situation et du ralentissement économique. Nous savions que la demande était là et que notre devise portait fruit. Je tiens à souligner que même avec toute la capacité additionnelle que nous avons mise sur le marché durant cette période, notre coefficient de remplissage moyen n'a diminué que de deux ou de trois points.
Depuis, notre coefficient de remplissage moyen a augmenté, car nous avons mis un frein à l'expansion. En fait, nos passagers-milles payants, ou RPM, ont largement dépassé les sièges-milles offerts que nous avons ajoutés. Par conséquent, le coefficient de remplissage a automatiquement augmenté.
Nous ne faisions pas de dumping, c'est certain. Les mesures que nous avons prises s'inscrivaient toutes dans un plan d'activités mûrement réfléchi et dont les détails étaient connus du public ou du moins de la communauté financière et de ceux qui ont fait affaire avec nous au cours des cinq dernières années. En fait, nous avons maintenu le cap. Même si nous avions parfois envie de faire marche arrière et de ralentir le rythme durant la récession, nous avons maintenu le cap et nous en sommes heureux.
Le sénateur Boisvenu : Je vous félicite de votre succès.
Le sénateur Merchant : Je vous félicite moi aussi de votre succès. Vous arborez un grand sourire, alors je sais que vous êtes heureux.
Ma première question est simple : Possédez-vous l'île?
M. Deluce : Non.
Le sénateur Merchant : Je viens de Regina et, chez nous, seule une autoroute sépare l'aéroport d'une zone d'habitation. Un nouveau lotissement résidentiel est actuellement développé à côté de l'aéroport et les promoteurs prétendent que les avions à réaction modernes font beaucoup moins de bruit et que, par conséquent, cela ne pose pas de problème. C'est cet argument qui leur a permis d'obtenir le permis de construire.
L'île sur laquelle se trouve votre base d'exploitation se situe au centre-ville de Toronto. Aimeriez-vous pouvoir faire décoller et atterrir des avions à réaction à l'aéroport Billy Bishop? Vos avions sont un peu bruyants. Je sais que WestJet, par exemple, possède des avions qui, d'après les passagers, sont très confortables, et que certains de leurs vols sont très courts et durent environ une heure.
Existe-t-il des avions à réaction plus petits et moins bruyants? Aimeriez-vous être en mesure de faire décoller et atterrir des avions à réaction sur l'île? Voilà ma première question.
M. Deluce : Premièrement, en vertu d'un accord tripartite conclu entre le gouvernement fédéral, la Ville de Toronto et l'Administration portuaire de Toronto, les avions à réaction n'ont pas le droit de décoller et d'atterrir à l'aéroport du centre-ville de Toronto. Par conséquent, tant que cet accord sera en vigueur, la question des avions à réaction ne se pose pas. Donc, cela ne fait pas partie de nos priorités.
Nous aimons le turbopropulseur Q400 de Bombardier. Les possibilités d'expansion dans les régions avoisinant Toronto ne manquent pas. Lorsque nous plafonnerons ou aurons atteint la pleine capacité à l'aéroport du centre-ville de Toronto, nous nous concentrerons davantage sur d'autres villes clés, plus particulièrement Ottawa, Montréal et Halifax. En d'autres termes, nous augmenterons le nombre de destinations desservies à partir de ces villes. Je crois que nous resterons concentrés sur notre stratégie actuelle, c'est-à-dire que nous continuerons à exploiter des Q400 à faible consommation de carburant, écologiques et silencieux et que nous resterons dans ces marchés régionaux parfaitement adaptés aux turbopropulseurs.
Le sénateur Merchant : Actuellement, le transport des passagers vers l'aérogare est assuré par un traversier. Payez- vous pour ce service? Est-ce que vous payez le salaire des capitaines? C'est une dépense supplémentaire. Qui paie pour ce service?
M. Deluce : Vous voulez dire le traversier à proprement parler?
Le sénateur Merchant : Oui.
M. Deluce : Indirectement, c'est Porter qui paie. L'Administration portuaire de Toronto est responsable d'offrir le service, mais elle recouvre tous ses coûts de deux façons. Premièrement, elle facture des frais d'améliorations aéroportuaires visant surtout à financer les améliorations apportées aux infrastructures, notamment celles du traversier — c'est-à-dire les gares maritimes et les autres équipements nécessaires. Ces immobilisations sont financées grâce aux frais d'améliorations de 20 $.
Deuxièmement, l'Administration portuaire de Toronto recouvre, entre autres, les charges d'exploitation du traversier, en facturant des redevances d'atterrissage. Pour calculer les frais, elle tient compte du montant total de ses dépenses et du nombre total de vols exploités par l'ensemble des transporteurs aériens. Voilà la formule utilisée pour calculer les redevances d'atterrissage.
Avec notre masse critique et la présence d'Air Canada, ses recettes seront toujours supérieures aux dépenses. Elle doit donc simplement revoir ses redevances d'atterrissage à la hausse ou à la baisse. Indirectement, je dirais donc que ce sont nos passagers qui paient le service de traversier et les améliorations apportées aux immobilisations.
Le sénateur Merchant : Je suppose que ce serait la même chose si un pont était construit. Il y aurait toujours des coûts et ils seraient facturés aux passagers. Est-ce qu'un pont coûterait moins cher aux passagers à long terme?
M. Deluce : Le projet de construire un pont a été soigneusement étudié; il a été approuvé, avant d'être réprouvé — nous sommes tous au courant de l'histoire — il y a un peu plus de cinq ans. Le projet actuellement à l'étude — et nous espérons qu'il sera mis en œuvre — c'est un tunnel sous le canal, réservé aux piétons, équipé de trottoirs roulants dans les deux directions, ce qui permettrait de rejoindre l'aéroport ou le centre-ville en quelques minutes seulement. Auparavant, les frais d'améliorations aéroportuaires s'élevaient à 15 $. Ils sont passés à 20 $ et nous mettons de côté la différence, soit environ 5 $, pour la construction du tunnel, laquelle devrait débuter dans le premier trimestre de 2012. Ce sont donc les passagers qui paient la construction.
Le sénateur Cochrane : Vous avez parlé des créneaux que vous possédez. Vous en avez 172 et Air Canada en a 30. Veuillez nous expliquer comment fonctionne le processus d'attribution de ces créneaux. Quels facteurs sont pris en considération dans l'attribution des créneaux aux divers transporteurs aériens?
M. Deluce : Le coordonnateur international des créneaux — ACL, dans ce cas-ci —, en vertu du contrat qu'il a signé avec l'Administration portuaire de Toronto, examine si le transporteur a l'intention ou non d'utiliser les créneaux pour desservir de nouvelles destinations, si le transporteur utilisera les créneaux pour desservir des destinations nationales ou internationales, si les nouveaux créneaux accroissent sa capacité existante et si les destinations pour lesquelles les créneaux seront utilisés ne sont pas encore desservies à partir de l'aéroport du centre-ville de Toronto. Le coordonnateur prend en compte tous ces facteurs.
Le coordonnateur établit, en quelque sorte, une liste de priorités pour l'utilisation de ces créneaux par les transporteurs. Soit le transporteur est d'accord, soit il propose de les utiliser différemment. Les transporteurs peuvent innover, mais le coordonnateur peut attribuer les créneaux en fonction des priorités qu'il a établies.
Je pense que c'est ce qui nous a permis d'obtenir les 16 créneaux rendus par Continental. Nous avions annoncé notre intention de desservir des destinations nationales et internationales qui n'étaient pas encore desservies à partir de l'aéroport du centre-ville. D'après moi, les autres transporteurs n'ont probablement pas obtenu de nouveaux créneaux parce qu'ils ont proposé d'utiliser les 16 créneaux pour desservir des destinations qui étaient déjà très bien desservies à partir de l'aéroport du centre-ville de Toronto. Je crois que l'aéroport et le coordonnateur des créneaux sont bien placés pour décider si les destinations desservies protègent les intérêts à long terme de l'aéroport ou non.
Le sénateur Cochrane : Donc, Air Canada a obtenu 30 créneaux...
M. Deluce : Ce qui lui donne 15 vols aller-retour par jour, qu'elle utilise exclusivement pour desservir le trajet Montréal-Toronto.
Le sénateur Cochrane : Est-ce qu'un autre transporteur aérien a également obtenu des créneaux?
M. Deluce : Continental en avait obtenu 16, mais les a rendus. Pour une raison ou une autre, l'entreprise a décidé qu'elle n'exploiterait pas de vols à partir du centre-ville de Toronto. Ce sont ces 16 créneaux qui ont été attribués ou, plus précisément, adjugés au terme de demandes de propositions. Nous les avons obtenus et nous les utiliserons pour offrir de nouveaux services au début de l'année 2012.
Le sénateur Cochrane : Air Canada ne les voulait pas?
M. Deluce : Au contraire, mais à mon avis, Air Canada voulait les utiliser pour desservir New York ou Ottawa et, par conséquent, nous faire concurrence, bien qu'elle possède déjà plusieurs créneaux pour desservir ces deux destinations à partir de l'aéroport Pearson. Air Canada voulait probablement être en mesure de desservir ces deux destinations à partir du centre-ville de Toronto dans le but, si possible, de nous mettre hors jeu en pratiquant des prix d'éviction pour plus d'une destination à la fois à partir de cet aéroport.
Le sénateur Cochrane : Est-ce que la concurrence, sur le plan des prix, avec les autres transporteurs aériens exploitant des vols à partir du centre-ville est féroce?
M. Deluce : Elle est très féroce. Actuellement, à partir de l'aéroport du centre-ville de Toronto, le plus bas prix de base à destination d'Ottawa ou de Montréal est d'environ 45 $ par trajet. C'est très concurrentiel. Je ne me rappelle pas avoir vu des prix aussi bas avant que nous ne desservions ces destinations.
Le sénateur Cochrane : Est-ce que c'est la même chose pour d'autres destinations, des destinations plus lointaines?
M. Deluce : Il y a des prix très intéressants. Pour nous, qu'un transporteur desserve une destination à partir de l'aéroport du centre-ville ou de l'aéroport Pearson, cela ne change rien. À partir du moment où il dessert les mêmes destinations que nous, ses prix sont automatiquement en concurrence avec les nôtres. Peu importe que vous alliez à Moncton, St. John's, Thunder Bay, Sault Ste. Marie ou Windsor, il y a automatiquement une concurrence des prix pour ces destinations. À mon avis, ce qui joue en notre faveur, c'est que nous utilisons un avion efficace, que nous avons un très bas coefficient de remplissage correspondant au seuil de rentabilité et que nous avons des clients très fidèles, grâce auxquels notre coefficient de remplissage moyen est nettement supérieur au seuil de rentabilité.
Le sénateur Cochrane : Parlez-nous des droits aéroportuaires. Payez-vous exactement les mêmes droits que paie Air Canada?
M. Deluce : Oui.
Le sénateur Cochrane : Exactement les mêmes?
M. Deluce : Dans tous les aéroports que nous desservons, nous payons exactement les mêmes droits.
Le sénateur Eaton : Bienvenue, M. Deluce. Dans le cadre de notre étude, nous avons beaucoup entendu parler du coût de la main-d'œuvre. Est-ce que vos coûts sont identiques à ceux d'Air Canada?
M. Deluce : Probablement pas. À l'exception d'un groupe d'employés ici, à Ottawa, composé de quelque 50 agents d'escale syndiqués ou accrédités par le Syndicat canadien de la fonction publique, le SCFP, personne n'est syndiqué chez Porter, ce qui signifie probablement que, dans la plupart des cas, nous offrons des salaires de base identiques voire plus élevés. En règle générale, nous nous comparons au transporteur aérien Jazz. Beaucoup d'employés sont syndiqués chez Jazz. Nous essayons de payer un salaire supérieur d'environ 2 p. 100 à celui qu'ils offrent. Nous pouvons probablement faire preuve d'un peu plus de souplesse qu'eux, notamment à l'égard de certaines règles de travail, et notre main-d'œuvre est certainement plus productive, ce qui nous procure un avantage, c'est indéniable.
Le sénateur Eaton : Avez-vous une caisse de retraite syndicale?
M. Deluce : Non.
Le sénateur Eaton : Je n'aurais pas dû dire « syndicale ». Les avantages sociaux de vos employés comprennent-ils une caisse de retraite?
M. Deluce : Non. Nous avons progressivement établi un régime de participation différée aux bénéfices où l'employé peut verser de 1 à 5 p. 100 de son salaire dans un REER et où nous ajoutons une somme équivalente. C'est ce que nous offrons comme équivalent des caisses de retraite que l'on trouve ailleurs, notamment chez Air Canada.
Le sénateur Eaton : Oui, les autres lignes aériennes qui doivent être jalouses, elles dont les employés sont syndiqués.
Comment voyez-vous le développement de Porter Airlines à long terme?
M. Deluce : Nous avons actuellement 24 avions. Au cours des prochaines semaines, nous en acquerrons deux de plus, ce qui nous en fera 26. Nous avons des visées sur quelques destinations nouvelles à court terme. Le printemps prochain, nous ajouterons probablement une ou deux destinations aux États-Unis. Au stade où nous en sommes dans notre croissance, nous nous concentrons sur les trajets régionaux de courte distance. Tout en nous développant, nous tâcherons de maximiser notre utilisation de l'aéroport du centre-ville de Toronto pour ne pas perdre l'avantage que nous avons dans les plages de départ et d'arrivée.
Deuxièmement, suivant l'ordre de nos priorités, nous commencerons par ajouter des vols sur les trajets existants dès que nous pourrons justifier une augmentation de la fréquence. Nous ajouterons des trajets additionnels par la suite.
Comme troisième ou quatrième priorité, nous ajouterons des vols entre des villes comme Ottawa et Montréal et des destinations comme New York, Boston et peut-être Washington, que nous desservons déjà via Toronto. Ce sera probablement une étape logique.
Voilà qui nous permettra de croître passablement. Nous conserverons le Q400. C'est un très bon appareil, qui contient de la technologie canadienne. Dans un avenir prévisible, il continuera de bien répondre à nos besoins.
Nous nous concentrons sur le nord-est du Canada et des États-Unis, ce qui ne veut pas dire que nous n'essaierons pas d'étendre nos activités dans d'autres régions, un jour ou l'autre. Toutefois, comme nous sommes encore une jeune entreprise, je pense qu'il vaut mieux que nous restions concentrés le plus possible sur notre créneau et que nous évitions de disperser nos énergies dans des aventures où nous pourrions perdre des plumes. Il faut être prudent quand on gère une ligne aérienne, et nous comptons bien demeurer concentrés.
[Français]
Le sénateur Verner : Je vous souhaite la bienvenue. Mes questions seront dirigées vers le transport aérien régional.
L'année dernière, dans un quotidien de la région de Québec, une étude publiée pour le ministère des Transports du Québec, touchant le transport en région dans l'Est du Québec et, par extension, un peu dans les Maritimes également, concluait que la plainte majeure était évidemment des horaires mal adaptés et des prix trop élevés.
Si vous deviez nous faire des suggestions ou du moins identifier des mesures ou des facteurs que le comité pourrait étudier de façon à permettre d'appuyer du moins l'expansion du transport régional comme moteur de développement pour les communautés locales, quels seraient les facteurs ou les pistes que vous demanderiez de regarder de plus près pour aider les plus petites communautés à bénéficier du moteur économique que constitue le transport aérien?
[Traduction]
M. Deluce : Je vous remercie de votre question. Je ne pense pas que la situation serait très différente dans les petites villes du Québec, par rapport aux petites villes du Nord de l'Ontario, comme Timmins, Sault Ste. Marie et Sudbury. Si l'environnement est tel qu'il y a de la place pour de la concurrence et si une population veut qu'il y ait un autre transporteur, elle peut essayer d'en attirer un en utilisant divers moyens. Parfois, on financera une campagne de promotion initiale ou l'on fera autre chose du genre. Ce n'est pas rare.
Si des gens veulent un autre transporteur et sont fatigués de n'en avoir qu'un seul, il leur revient de se manifester et de trouver un transporteur qui, selon eux, possède les ressources, l'expertise et l'équipement pour desservir leur aéroport.
Nous constatons que, de nos jours, les acteurs locaux eux-mêmes sont très dynamiques. À une certaine époque, personne ne voulait essayer d'attirer un nouveau transporteur, de peur de perdre le transporteur existant. Mais on se rend compte aujourd'hui qu'Air Canada n'a pas du tout diminué ses services dans les destinations que nous nous sommes mis à desservir.
La fréquence de leurs vols n'a pas diminué. Dans de nombreux cas, les tarifs ayant diminué et la concurrence ayant fait son œuvre, l'offre sur le marché s'est améliorée dans une proportion pouvant atteindre 80 p. 100. Sault Ste. Marie et Windsor sont de bons exemples à cet égard. Un transporteur y offrait déjà cinq ou six vols par jour. Lorsque Porter s'est mis à y offrir trois ou quatre vols avec un avion un peu plus gros, soit 70 places au lieu de 37, le nombre total de passagers pouvant être transportés a augmenté.
La ville est mieux servie, et tout le monde est gagnant dans ce genre de situation. Il faut un environnement concurrentiel, et les acteurs locaux doivent activement chercher à attirer un autre transporteur. Par exemple, en Ontario, nous serions heureux de desservir North Bay, mais personne ne nous a dit là-bas vouloir qu'un autre transporteur s'y installe, en plus d'Air Canada.
Si c'est ainsi qu'ils voient les choses et que nous ne recevons aucun signal favorable, il est inutile que nous essayions de desservir un endroit. À l'inverse, si une population a l'impression qu'on abuse d'elle par des prix excessifs et si elle souhaite qu'un concurrent vienne chez elle et fait un effort pour attirer d'autres transporteurs, puisqu'il en existe — certainement Porter, mais aussi d'autres transporteurs —, elle en trouvera qui s'intéresseront à une telle occasion et qui prendront le temps de l'étudier sérieusement.
Nous avons été contactés par environ 35 municipalités pour les desservir. Nous ne pourrons pas répondre favorablement à toutes et nous ne serons certainement pas capables d'ajouter beaucoup de destinations d'un seul coup, mais, au fil du temps nous pourrons desservir un assez grand nombre d'entre elles si la situation s'y prête.
Je ne peux pas vous donner d'autres suggestions purement hypothétiques, parce que je pense que le rôle de la libre entreprise est de faire ce qu'elle fait le mieux. Cependant, je crois que les aéroports sont vraiment capables d'attirer un nouveau transporteur si les municipalités le souhaitent vraiment.
Le sénateur MacDonald : Monsieur Deluce, j'ai reçu par la poste ce que vous m'avez envoyé en tant que grand voyageur et je vous en remercie. En outre, je vous félicite pour votre cinquième anniversaire.
J'ai deux questions à vous poser. Premièrement, vous dites que les aéroports régionaux s'efforcent de vous attirer. Je prends souvent l'avion entre Halifax et Sydney. Air Canada Jazz a environ sept vols par jour, quatre dans une direction et trois dans l'autre. En outre, WestJet a un vol par jour à destination de Toronto. Prendre un vol en Dash 8 coûte très cher même si ce trajet ne dure que 45 minutes. Si vous avez besoin d'un billet à la dernière minute, il vous coûtera 700 ou 800 $ pour un aller simple.
Cet aéroport a-t-il communiqué avec Porter pour être desservi par elle? Le cas échéant, j'aimerais le savoir.
Deuxièmement, quoiqu'il soit toujours périlleux de se mêler des affaires d'une entreprise en pensant savoir mieux qu'elle comment gérer ses affaires, je vous avoue que j'ai peine à comprendre pourquoi Porter ne saisit pas l'occasion qui s'offre à elle là-bas, compte tenu des forts tarifs qui y sont pratiqués. Je serais curieux de savoir pourquoi vous ne desservez pas cette ville.
M. Deluce : Normalement, nous ne divulguons pas les offres qui nous sont faites par les aéroports, mais les gens de Sydney ont dit publiquement nous avoir parlé. Nous avons discuté avec eux et nous nous intéressons bel et bien à cette destination. Je crois qu'il y a un nombre suffisant de vols, mais, là où le bât blesse, c'est dans les tarifs, qui sont beaucoup plus élevés que ce qu'ils devraient être normalement pour un trajet de 45 minutes ou moins.
Desservirons-nous Sydney un jour? Il y a de bonnes chances. Quand? Je ne peux pas vous le dire à l'heure actuelle. Nous avons déjà un programme d'expansion et nous connaissons nos capacités financières. Ce sont des avions qui coûtent plus de 30 millions de dollars chacun, alors nous pouvons seulement en acheter un certain nombre à la fois.
En comptant les deux avions dont nous prendrons livraison en novembre, cela nous en fera six nouveaux cette année. Nous avons ralenti notre croissance cette année, mais nous avons quand même fait l'acquisition d'un bon nombre d'avions. Jusqu'à maintenant, nous les avons affectés aux trajets que nous jugions les plus rentables. Cependant, nous nous intéressons encore beaucoup à Sydney et nous l'avons certainement dit aux gens là-bas.
Le sénateur MacDonald : Cela m'amène à vous poser une question sur les obstacles fédéraux qui vous nuisent pour croître et acquérir une plus grande part de marché. Quels sont les domaines qui relèvent du gouvernement fédéral et qui ont une incidence sur votre progression et votre expansion? Sommes-nous vraiment bons?
M. Deluce : Nous n'avons pas de doléances majeures. Environ la moitié de nos vols desservent un aéroport secondaire, c'est-à-dire l'aéroport du centre-ville de Toronto. C'est un choix délibéré et stratégique que nous avons fait. Nous voulions miser sur la rapidité et la facilité d'accès et sur la qualité de nos services, et nous sommes parvenus à nous donner cet avantage concurrentiel en concentrant nos activités à cet aéroport.
Cependant, nous sommes présents aussi dans un certain nombre d'aéroports de bonne taille, comme Ottawa, Montréal, Halifax, Thunder Bay et quelques villes aux États-Unis. Nous sommes conscients des coûts plus élevés qu'engendre l'utilisation de ces aéroports, par rapport aux aéroports plus petits où nous sommes présents. Réduire les coûts d'utilisation des aéroports de bonne taille permettrait-il aux transporteurs de mieux les desservir? Probablement. Serait-ce une mesure qui nous aiderait? Oui. C'est la seule chose que je vous dirais à cet égard.
Nous ne perdons pas de clientèle au profit de Niagara Falls, de Buffalo ou des aéroports au sud de Montréal, par exemple. Donc, ce n'est pas un vrai problème pour nous. Je n'ai pas d'autres suggestions précises à vous faire.
Beaucoup de frais sont compris dans le prix des billets. Comme nous avons des vols à destination et en provenance des États-Unis, nos passagers remarquent qu'il en coûte beaucoup plus cher pour prendre l'avion de Toronto à New York que pour faire le trajet inverse, principalement parce que les frais sont passablement plus élevés lorsqu'on décolle de Toronto que lorsqu'on décolle de New York.
J'imagine que nous n'avons pas le choix de nous adapter à cette réalité. Y aurait-il moyen de changer cela? Je ne suis pas en mesure de porter un jugement là-dessus et je ne voudrais pas essayer d'avoir une influence à cet égard.
En revanche, il reste à savoir si l'argent recueilli sous forme de frais est investi dans le domaine de l'aviation? J'ose croire que c'est le cas. Je ne suis pas entièrement convaincu que tout l'argent reste dans le domaine de l'aviation. Si mes doutes sont fondés, il y aurait peut-être matière à amélioration, c'est-à-dire conserver l'argent dans le système plutôt que s'en servir pour autre chose.
Au-delà de ces suggestions, je ne suis pas certain de pouvoir vous offrir des idées très constructives.
Le sénateur Zimmer : Monsieur, j'ai toujours voulu vous rencontrer, car je vous considère comme un pionnier et un homme de vision. Vous êtes vraiment un Sir Richard Branson canadien.
Je voudrais pousser la discussion un peu plus loin. Les sénateurs d'en face vous ont demandé quels étaient vos projets futurs, et je vois qu'Air Canada est revenue sur sa décision d'ajouter des vols entre Thunder Bay et Ottawa et entre London et Calgary. Au XIXe siècle, on disait : « Go west, young man ».
À part ce dont vous avez déjà parlé dans vos réponses, avez-vous l'intention de desservir des villes dans l'Ouest? Je sais que vous devrez faire l'acquisition de nouveaux avions pour ce faire, mais, votre vision à long terme comprend-elle une expansion vers l'Ouest?
M. Deluce : Nous concentrons presque exclusivement nos efforts sur les destinations régionales situées à l'intérieur du rayon d'action du Q400. L'aéroport du centre-ville de Toronto est certainement notre priorité, pour les raisons que j'ai indiquées. Je pense que nous devons premièrement nous ancrer solidement à cet endroit pour nous assurer de ne pas nous faire damer le pion par un transporteur qui s'emparerait des plages qui se libéreraient. Les plages dont nous disposons à cet aéroport constituent l'assise solide sur laquelle reposent nos activités.
Au-delà de cet aéroport, je crois que nos meilleures perspectives sont à Ottawa, Montréal et Halifax.
Cela dit, dans notre plan d'affaires initial, nous avions envisagé de desservir 16 ou 17 autres destinations à partir de Toronto. Nous avons dépassé cet objectif puisque nous en desservons 18, à l'heure actuelle. Les villes de Halifax, St. John's et Moncton ne figuraient pas dans notre plan d'affaires initial.
Nous avons su tirer profit des occasions qui se sont présentées en cours de route. Dans le cas de la région de l'Atlantique, nous avons été amenés à nous intéresser davantage à des destinations lorsque CanJet a décidé de se retirer des services aériens réguliers pour se concentrer sur le marché des vols nolisés. Nous avons pu alors investir le marché de Halifax et, subséquemment, ceux de St. John's et de Moncton.
L'avion dont nous disposons présentement est capable de se rendre sans escale jusqu'à Winnipeg ou jusqu'à Halifax. Nous desservons Halifax à certaines périodes de l'année. Pourrions-nous desservir Winnipeg et des villes plus à l'Ouest? Oui. Avons-nous actuellement suffisamment de pain sur la planche pour que notre entreprise demeure rentable et devrions-nous nous concentrer sur notre secteur actuel? Je crois qu'il vaut probablement mieux pour nous opter pour cette seconde orientation et nous assurer que notre bilan financier demeure très positif. Quand je dis « très positif », je veux dire que nous devons assurer notre rentabilité, car nous ne pourrions pas exister sans cela. Nous sommes très soucieux de nous assurer de notre viabilité à long terme.
Je n'exclurai pas la possibilité d'une expansion à partir du Nord-Est ontarien et avec d'autres avions que le Q400, un moment donné, mais je vous dirais qu'à court terme, nous devons demeurer concentrés sur le marché que nous avons investi et qui nous fait vivre parce que nous y obtenons de bons résultats.
Le sénateur Zimmer : Vous devriez desservir simplement Winnipeg. Je suis de Winnipeg.
M. Deluce : Vous avez une belle aérogare neuve. Il est de notoriété publique que nous avons déjà discuté avec l'aéroport de Winnipeg. Je n'ai pas l'intention de divulguer la teneur de nos discussions, mais je me contente de vous dire que nous avons déjà eu des discussions avec l'aéroport de Winnipeg, donc c'est un endroit qui nous intéresse et qui n'est pas beaucoup plus loin que Thunder Bay.
Le sénateur Zimmer : En 2003, vous vouliez bâtir un pont, et le conseil municipal a refusé votre projet. Vous avez parlé de construire un tunnel. Les résidents se plaignaient du bruit, de la pollution et du danger. N'auriez-vous pas le même problème si vous bâtissiez un tunnel? Deuxièmement, le prix de construction d'un tunnel est-il comparable à la construction d'un pont?
M. Deluce : L'Administration portuaire de Toronto a réalisé une évaluation environnementale du projet de tunnel, et les problèmes ou les objections ont été aplanis, alors je ne pense pas que le projet pose encore des difficultés réelles.
C'est une solution qui est assez élégante. Il y avait des gens, notamment des plaisanciers, et non des personnes qui habitaient au bord de l'eau, qui s'opposaient à la construction d'une structure à cet endroit. Alors, en construisant un tunnel sous l'eau, qu'on ne peut pas voir, on évite la pollution visuelle. Je vois difficilement comment on pourrait se plaindre de quelque chose qu'on ne peut même pas apercevoir. Je crois que nous avons opté pour une bonne solution.
Pour répondre à votre deuxième question, je vous dirais qu'un contrat ferme avait été accordé pour la construction du pont et représentait une dépense de 22 millions de dollars en 2003. Je ne suis pas du genre à aimer les approximations, mais si je devais en faire une, je vous dirais que la construction d'un tunnel coûte entre deux fois et demie et trois fois ce que coûte un pont.
Or, compte tenu de la quantité de passagers utilisant l'aéroport actuellement, de petits frais d'amélioration aéroportuaire suffiront à payer le tunnel même s'il coûte plus de 60 millions de dollars. Le projet est tout à fait viable vu la quantité d'utilisateurs de l'aéroport. Je pense que c'est faisable.
Le sénateur Zimmer : Les contenants d'eau distribués à bord de vos avions sont très pratiques. On voit des contenants souples de nos jours. Si jamais vous vous mettez à en vendre sur le marché, je vous en achète 10 boîtes par mois.
Le sénateur Greene : Merci beaucoup d'être venu. Comme le comité a comme objectif de recommander les changements éventuellement nécessaires dans les politiques relatives à l'aviation, au Canada. Nous avons entendu les témoignages de Jazz, d'Air Canada et de WestJet, et ces transporteurs demandent tous des changements. Ils sont tous arrivés avec une longue liste de demandes. Or, vous ne demandez rien en particulier, alors j'en conclus que les politiques actuelles vous satisfont pleinement. Votre modèle d'affaires semble être taillé sur mesure pour le système actuel de l'aviation civile. Il nous faudrait peut-être quatre ou cinq sociétés comme Porter au pays.
Vous avez des vols fréquents à destination des États-Unis, où le système de l'aviation civile est très différent du nôtre. Vous êtes donc en mesure de comparer les deux. Pourriez-vous nous dire si les politiques de l'aviation actuelle vous conviennent aussi parfaitement que je le pense? Souhaitez-vous des changements? Dans l'affirmative, pourriez- vous nous dire ce que vous pensez du modèle étasunien par rapport au nôtre?
M. Deluce : Je pense avoir fait deux suggestions, sans trop insister. Mais premièrement, vous me demandez si nous sommes contents de la situation actuelle. Ma réponse est : tout à fait. Nous croyons que notre modèle est bon. Pour répondre aux attentes des passagers aujourd'hui, il faut un niveau de services plus élevé que ce qui est acceptable ailleurs.
On dit que l'imitation est une forme de compliment. Air Canada et WestJet offrent aujourd'hui à leurs passagers, particulièrement dans le triangle, ce que beaucoup de gens appellent des « extras Porter », dont certains ne coûtent rien. Qu'il s'agisse de sièges en cuir, d'un peu plus d'espace pour les jambes, de l'eau, d'un petit goûter en prime, de l'accès à un salon, ce sont de petites choses en fin de compte. Mais lorsqu'on vous traite comme une personne importante, comme un client que l'on veut conserver, cela finit par se faire sentir. C'est probablement ainsi que nous avons pu nous constituer une clientèle fidèle.
Je n'ai vraiment pas beaucoup de suggestions à faire. Je pense que les grands aéroports devront prendre garde de ne pas se laisser emporter par des projets grandioses qui coûtent trop cher, du genre Taj Mahal. Même si vous n'avez aucune prise directe sur ce que font des aéroports comme l'aéroport Pearson, il faut les surveiller.
Sinon, il faut également avoir à l'œil la différence entre les États-Unis et le Canada dans les coûts, qui ne sont pas les mêmes pour le trajet dans un sens que pour le trajet dans l'autre sens.
Nous tenons beaucoup à nos vols transfrontaliers. Il ne me semble pas que faire des affaires aux États-Unis est très différent de faire des affaires au Canada. C'est un peu plus difficile dans des endroits comme Newark, qui est un énorme aéroport. Il y a des limites dans le nombre de plages dont nous pouvons disposer. Nous voudrions bien offrir chaque jour 14 ou 15 départs de l'aéroport du centre-ville de Toronto à destination de Newark, mais nous pouvons en offrir seulement 11 à l'heure actuelle. Nous voulons néanmoins essayer d'atteindre cet objectif, même si nous savons qu'il y a beaucoup de congestion à New York et que nous nous heurtons là-bas à des contraintes qui n'existent pas ailleurs.
Au Canada, une fois que nous avons pu traverser la période initiale du démarrage, où tout le monde prédisait que nous disparaîtrions en l'espace de quelques mois ou d'un an, je pense que l'on a manifesté passablement de respect et d'enthousiasme à l'égard de notre offre de services. Je pense que nous avons été bien reçus partout où nous sommes allés. Nous espérons que cela continuera et que nous pourrons poursuivre notre croissance un aéroport à la fois.
Le sénateur Martin : J'ai dressé une liste des avantages de Porter selon vos réponses. Vous avez parlé de vos avions économes en carburant qui vous permet de rentabiliser vos vols dès qu'environ la moitié des sièges sont occupés. Vous dites aussi que vous devez verser des rémunérations concurrentielles à vos employés, mais que vous appliquez un modèle efficace. Vous avez parlé aussi des extras de Porter, qui font que vos clients ont l'impression d'être bien reçus et de bénéficier d'un traitement spécial.
Auriez-vous autre chose à ajouter à cette liste des avantages de Porter?
Je pense que c'est un très bon modèle. Comme je suis de Vancouver et que vous ne desservez pas l'Ouest, je n'ai pas pris souvent Porter, sinon à quelques reprises, pour me rendre à Toronto. Est-ce que vous envisagez sérieusement, pour l'avenir, d'étendre les services de Porter vers l'Ouest, de vous y installer et d'y reproduire votre modèle pour desservir d'autres parties du Canada?
M. Deluce : Je pense que vous avez déjà énuméré la plupart des avantages dans votre liste. Notre clientèle aime avoir accès à un salon. Nous en avons un à Ottawa et deux à Toronto, pour nos passagers à destination du Canada et des États-Unis. Les salons plaisent à notre clientèle, qui aime particulièrement que l'accès ne soit pas réservé à une certaine classe de billets uniquement.
À Toronto, le service de navette n'était pas beaucoup utilisé au début. Maintenant, il nous faudrait probablement davantage de navettes, et il nous faudrait peut-être même de plus grosses navettes, car elles sont beaucoup utilisées.
Pour ce qui est des services offerts à bord des avions, nous savons que pas mal tous nos concurrents offrent désormais les mêmes extras que Porter, du moins pour les destinations qui sont desservies par nous. C'est une sorte de compliment, évidemment, mais je ne crois pas que nous ayons un gros avantage à cet égard.
Quant à la possibilité que nous prenions de l'expansion vers l'Ouest, nous nous concentrons beaucoup sur l'Est du Canada et le nord-est des États-Unis. Nous serait-il possible d'exploiter le marché de l'Ouest un peu de la même manière? Probablement. Il s'y trouve certainement assez de grandes agglomérations qui pourraient être desservies par un avion de 70 places. À partir de Winnipeg, nous pourrions desservir divers endroits jusqu'à Vancouver et Victoria ainsi qu'au nord de ces deux villes. Il s'agit de déterminer ce que nous pouvons raisonnablement envisager, compte tenu des ressources dont nous disposons et de notre désir de toujours demeurer rentable.
Le sénateur Martin : Ma dernière question est liée à la réponse que vous venez de donner. Nous nous penchons sur le cas de Porter aujourd'hui, mais si l'on jette un coup d'œil à l'ensemble du secteur et si l'on veut que le Canada soit plus concurrentiel, en particulier par rapport à nos concurrents étasuniens, quel rôle les transporteurs aériens canadiens pourraient-ils jouer? Quels changements serait-il important d'effectuer pour être plus concurrentiel à l'avenir?
À l'échelle de votre entreprise, je pense entre autres aux avions plus économes en carburant qui coûtent 30 millions de dollars et qui jouent un rôle clé pour Porter. Mais, à l'échelle du marché canadien dans son ensemble, pensez-vous que les transporteurs aériens canadiens et un transporteur comme le vôtre pourraient jouer un rôle pour aider le Canada à être plus concurrentiel?
M. Deluce : Je pense qu'il est important de mettre à profit les nouvelles technologies dès qu'elles sont disponibles. Le Q400 est un avion ultramoderne. Au départ, nous nous étions engagés à en acheter 10, avec une option d'achat de 10 avions supplémentaires. Lorsque nous avons atteint le nombre de 20 avions, nous en avons commandé 10 autres. Nous en aurons acquis 26 d'ici la troisième semaine de novembre. Il nous reste à faire l'acquisition de quatre avions en option, et nous en ajouterons probablement encore d'autres. Je pense que les entreprises doivent adopter les nouvelles technologies pour demeurer concurrentielles, qu'il s'agisse d'avions à réaction ou d'avions turbopropulsés, selon ce qui convient le mieux aux trajets qu'elles effectuent.
Pour ce qui est des transporteurs canadiens, ils sont toujours assez bien classés à l'échelle internationale. Je pense qu'il existe de bonnes occasions à saisir pour eux. Mais je ne suis pas en train de dire que Porter est en train d'envisager le marché international. Nous avons encore beaucoup de possibilités d'expansion au Canada et aux États-Unis. C'est là-dessus que nous nous concentrons.
Le président : Trois sénateurs voudraient que nous procédions à un deuxième tour de table. Je les invite à poser leurs questions, puis M. Deluce pourrait répondre à toutes les questions une fois qu'elles auront été posées, si tout le monde est d'accord.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Entre 2005 et 2010 nous avons pu constater des choses surprenantes : la qualité des services est en décroissance constante, l'espace pour les passagers est de plus en plus restreint — on se sent comme dans une fourmilière —, il n'y a plus de repas ni d'alcool, il faut payer un supplément pour un bagage supplémentaire et il y a une augmentation des tarifs.
Comment se fait-il que votre modèle ne soit pas copié? Au contraire, d'autres entreprises font l'inverse : réduction des tarifs et maintien de la qualité de service. Je suis surpris que les autres compagnies aériennes ne suivent pas votre modèle d'affaires.
[Traduction]
Le sénateur Merchant : Au cours de notre étude, nous avons été frappés de constater que le système de l'utilisateur payeur semblait avoir basculé dans les excès. Vous êtes un entrepreneur astucieux qui a bien réussi dans le secteur du transport aérien. Or, nous sommes en présence d'un système de taxation qui n'est comptable à personne. Je parle des suppléments que nous payons en plus du prix du billet d'avion. Vous nous avez parlé d'un billet à 45 $, mais le voyageur paie plus cher.
Dans d'autres circonstances, je pense que les gens descendraient dans la rue pour manifester devant l'hôtel de ville ou les édifices gouvernementaux contre les taxes élevées perçues par les autorités aéroportuaires sans qu'elles soient comptables à personne. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.
Le sénateur Mercer : Le sénateur Zimmer et le sénateur Martin ont parlé d'une expansion de Porter vers l'Ouest. Il serait donc intéressant que vous nous disiez quel est le rayon d'action du Q400.
Deuxièmement, comme vous avez déjà des vols à destination de Myrtle Beach, il n'est pas difficile d'imaginer qu'en continuant le long de la côte Est, où se trouvent principalement vos destinations, vos avions pourraient se rendre jusqu'en Floride. Ce ne serait pas très loin et c'est l'une des destinations favorites des Canadiens pendant l'hiver. Cette destination fait-elle partie de vos projets pour l'avenir?
Le président : Monsieur Deluce, vous avez la parole pour répondre aux trois questions, puis terminer avec une conclusion.
M. Deluce : Je vais répondre aux questions dans l'ordre où elles ont été posées, en commençant par la question du sénateur Boisvenu.
Vous me demandez pourquoi il n'y en a pas d'autres. Je n'ai pas vraiment de réponse à vous donner, sauf qu'il n'est pas facile de nos jours de convaincre les investisseurs de miser sur le secteur du transport aérien. Si vous êtes assez chanceux pour avoir œuvré dans le secteur pendant un certain temps, que vous avez obtenu de bons résultats et que vous avez fait une planification judicieuse, vous disposez de quelques atouts dans votre jeu et vous avez des chances d'y arriver.
Dans notre cas particulier, nous avons fait appel au marché des investisseurs privés en 2005, et, heureusement, nous avons eu plus d'offres que nous ne pouvions en accepter. Cette réaction fut attribuable probablement à notre réputation, à notre planification, à la nouvelle technologie et à l'environnement unique. Je ne peux pas vraiment vous dire pourquoi d'autres ne font pas la même chose que nous.
Le sénateur Boisvenu : C'est une question épineuse.
M. Deluce : Vous connaissez les multiples dictons que l'on entend. Le secteur de l'aviation n'est pas fait pour ceux qui ont froid aux yeux. Comment peut-on gagner 1 million de dollars dans l'univers du transport aérien? Il faut commencer avec 10 millions. Des choses du genre.
C'est un secteur assez difficile, et il vous faut certainement un bon plan, tout en disposant d'une certaine souplesse au cas où les paramètres changeraient et où de bonnes occasions se présenteraient en cours de route, comme c'est arrivé pour nous avec Halifax, St. John's et Moncton, qui ne faisaient pas partie de notre plan original. Il faut avoir la possibilité de presser le pas un peu pour profiter de ces occasions.
Même si nous ne voulions pas disposer d'une période aussi longue pour la planification, nous étions prêts à démarrer dès 2003, lorsque la construction du pont allait commencer. Puis, nous avons eu encore deux ans de planification forcée. Nous avons pu revoir ce que nous prévoyions faire, recruter de nouveaux investisseurs et constituer une nouvelle équipe de direction. Nous avons probablement eu davantage de temps pour planifier que la plupart des gens envisageant de lancer une entreprise dans le même domaine. Cela nous fut peut-être utile à long terme.
Pour ce qui est de la question du sénateur Merchant sur la limitation des coûts, je vous dirais que c'est une bonne question, mais que je ne peux pas vous donner une réponse certaine. Aujourd'hui, nous offrons un rabais de 50 p. 100 à l'occasion de notre cinquième anniversaire. Nous avons offert un rabais semblable une autre fois, mais nous avons manqué de temps. C'était pour stimuler la vente de billets lors d'une occasion spéciale. Nous avons recours à ce genre de promotion tant qu'elle ne nuit pas à nos autres recettes.
Beaucoup de passagers savent parfaitement que nous pouvons les emmener d'Ottawa à Toronto ou de Montréal à Toronto pour 45 $. C'est le prix d'un aller seul. Cependant, les taxes, les droits et les autres frais totalisent une somme plus importante que le prix du billet lui-même. Les gens se demandent comment une telle chose est possible. Même si nous leur donnions le billet pour 1 $, les mêmes frais s'appliqueraient. Au-delà d'un certain seuil inférieur, les frais ne diminuent plus. Ils restent tels quels, et c'est ce qui incite les clients à se demander comment les frais peuvent être aussi élevés.
Comme je l'ai indiqué, il y a une différence de prix entre le billet pour aller de Toronto à Boston et le billet pour aller de Boston à Toronto. Compte tenu de la présentation du prix du billet, les passagers savent parfaitement que les frais sont plus élevés dans une direction que dans l'autre.
Je n'ai pas de solution à vous proposer pour limiter les frais, ni pour veiller à ce que l'argent soit utilisé d'une certaine manière. Le Canada est largement différent des États-Unis, où le nombre de voyageurs est beaucoup plus grand. Je pense qu'il faut effectivement faire des efforts dans l'ensemble pour que la formule soit équilibrée et viable. Encore une fois, je ne peux pas vraiment vous fournir des suggestions. Nous nous concentrons sur ce que nous faisons et nous essayons d'accomplir notre travail, mais je ne prétends pas avoir les réponses sur d'autres sujets.
La dernière question qui m'a été posée concerne le rayon d'action. L'avion est capable d'atteindre la plupart des destinations en Floride et peut se rendre à Winnipeg ou à Halifax. Nous desservons Myrtle Beach facilement, et nous pourrions avoir des vols vers Atlanta. Il s'agit de commencer par les destinations pour lesquelles la demande est la plus forte. Il faut se demander aussi si le service vers une destination peut être maintenu à longueur d'année et s'il est complémentaire par rapport aux autres destinations que nous desservons. Nous pourrions desservir Burlington, au Vermont, de façon saisonnière, ce qui compléterait bien nos autres services. Pourrions-nous offrir passablement de vols vers la Floride? Serait-ce nuisible pour nos autres vols? Nous devons nous poser des questions de ce genre.
J'imagine qu'à un moment ou un autre, l'occasion se présentera pour que nous desservions des destinations un peu plus éloignées que Myrtle Beach, Halifax, Thunder Bay et Chicago, mais je ne crois pas que nous soyons déjà rendus à ce stade. Nos avions sont sans aucun doute capables d'atteindre la Floride. Nous avons déjà fait des vols nolisés sur des distances assez longues. Récemment, nous avons offert un prix pour un vol nolisé à destination de Tampa. Je prévois que nous ferons des vols de ce genre avant d'offrir des services aériens réguliers.
Le président : Monsieur Deluce, je vous remercie beaucoup. Je rappelle aux membres du comité que nous recevons Air Transat mercredi soir à 18 h 45. J'aimerais que le comité de direction se réunisse, si possible pour examiner le programme des réunions du comité.
Monsieur Deluce, je vous remercie beaucoup encore une fois.
M. Deluce : Merci beaucoup de m'avoir donné l'occasion d'être présent.
(La séance est levée.)