Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 2 - Témoignages du 28 novembre 2013
OTTAWA, le jeudi 28 novembre 2013
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 10 h 32, pour étudier la teneur des éléments des Sections 2, 3, 9 et 13 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget, déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Aujourd'hui, le comité tient sa troisième séance dans le cadre de l'étude sur la teneur des éléments des Sections 2, 3, 9 et 13 de la Partie 3 du projet de loi C-4, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget, déposé au Parlement le 21 mars 2013 et mettant en œuvre d'autres mesures, connu sous le nom de Loi d'exécution du budget.
Au cours de cette séance, le comité entendra les représentants de l'Association des banquiers canadiens. J'ai le plaisir d'accueillir Mme Nathalie Clark, chef du contentieux et secrétaire générale. Bonjour, madame Clark. Merci de vous joindre à nous ce matin. Je vous demanderais de bien vouloir nous présenter votre collègue avant de faire votre déclaration préliminaire; cela nous serait très utile.
Madame Clark, la parole est à vous.
Nathalie Clark, chef du contentieux et secrétaire générale, Association des banquiers canadiens : Merci beaucoup. Je suis accompagnée aujourd'hui de M. Marion Wrobel. Marion est vice-président aux Politiques et opérations de l'Association des banquiers canadiens, l'ABC.
[Français]
Bonjour. Nous sommes ravis d'être présents aujourd'hui. Nous représentons l'Association des banquiers canadiens et ses 57 membres, dont des banques canadiennes ainsi que des filiales et des succursales de banques étrangères exerçant leurs activités au Canada.
Comme je l'ai déjà mentionné, je suis accompagnée de Marion Wrobel.
[Traduction]
Nous comprenons que le comité souhaite entendre le point de vue de l'ABC sur certaines dispositions du projet de loi C-4 qui concernent les institutions financières. S'il est vrai que beaucoup de ces dispositions ont une incidence sur les lois qui concernent les institutions financières, ce sont surtout des dispositions de nature technique, et nous n'avons pas encore fait connaître notre point de vue à leur sujet.
De plus, l'ABC n'a pas encore engagé de dialogue avec ses membres sur ces dispositions, mais c'est avec plaisir que nous sommes avec vous ce matin et nous ferons de notre mieux pour répondre aux questions du comité.
Nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions. Merci, monsieur le président.
Le président : Vous ne souhaitez pas faire de déclaration préliminaire ou de commentaires?
Mme Clark : Non, merci.
Le président : Je passe donc immédiatement à ma liste de questions, en commençant par le sénateur Black, qui sera suivi de la sénatrice Ringuette.
Le sénateur Black : Bienvenue à vous deux.
En fait, je souhaite surtout connaître votre point de vue sur ces dispositions particulières. Nous sommes ici pour en faire l'étude et pour en déterminer la pertinence. Je crois que votre association pourrait nous aider à nous forger une opinion. Êtes-vous en mesure de nous faire part de vos observations sur la teneur des éléments des sections 2, 3, 9 et 13 de la partie 3 du projet de loi C-4?
Mme Clark : Oui, nous répondrons avec plaisir à vos questions sur ces dispositions.
Le sénateur Black : Alors, quel est votre point de vue sur ces dispositions?
Mme Clark : Eh bien, je vous ferai part de quelques observations sur la section qui modifie la Loi sur les banques et qui permet aux employés du gouvernement fédéral, d'une province ou d'une société d'État de siéger comme administrateur au conseil d'administration d'une institution financière et vice versa.
Je pourrais commencer en formulant quelques observations sur cette question en particulier.
Le sénateur Black : Merci.
Mme Clark : Nous n'avons aucune appréhension par rapport à cet amendement. Nous sommes d'avis qu'il y a un cadre réglementaire solide, comme vous le savez — et je pense que M. Rudin vous a fait la même remarque —, qui est déjà en place au gouvernement fédéral et dans les provinces. De plus, comme vous le savez sans doute, les institutions financières fédérales ont également l'obligation d'avoir des politiques rigoureuses sur les conseils d'administration afin de résoudre les conflits d'intérêts qui pourraient survenir. Nous croyons que ce cadre est suffisamment contraignant pour répondre aux craintes appréhendées par cet amendement.
Le sénateur Black : Cela nous sera très utile. Concernant les trois autres sections, avez-vous une opinion?
Mme Clark : Peut-être que mon collègue, M. Wrobel, pourrait vous faire part de son point de vue sur l'amendement qui propose de supprimer l'obligation qui vise les employés du gouvernement fédéral, lesquels devront obtenir le consentement du ministre pour effectuer certaines opérations.
Marion Wrobel, vice-président, Politiques et opérations, Association des banquiers canadiens : Merci, madame Clark. Nous estimons que cet amendement ne fait que moderniser cette loi en l'adaptant à notre époque. C'est une pratique normale pour les Canadiens de nos jours d'établir des relations financières avec leur banque et d'autres institutions financières sous réglementation fédérale, et il n'y a rien d'exceptionnel au fait que des personnes contractent un emprunt auprès de ces institutions. Je pense, comme l'a déjà mentionné Mme Clark, qu'il y a en place des règles pour régir les conflits d'intérêts et pour résoudre les problèmes qui pourraient survenir à cet égard.
Le sénateur Black : Merci. Cela nous sera très utile.
M. Wrobel : Nous n'y voyons aucun problème.
Le sénateur Black : En ce qui concerne les deux autres sections en question, avez-vous une opinion?
M. Wrobel : Pour ce qui est de l'amendement visant l'acquisition d'institutions financières étrangères, encore une fois, il ne fait que veiller à ce que le libellé de la loi soit conforme à l'esprit des politiques gouvernementales et aux déclarations du ministre. Encore là, nous n'y voyons aucun problème.
Le sénateur Black : Merci beaucoup. Qu'en est-il de la quatrième?
Mme Clark : Parlez-vous de l'amendement à la Loi sur la gestion des finances publiques?
Le sénateur Black : Je parlais, il me semble, de la section 13.
Mme Clark : Celle qui concerne le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes?
Le sénateur Black : Oui.
Mme Clark : Nous n'avons aucune inquiétude par rapport à cet amendement.
Le sénateur Black : Je vous remercie beaucoup.
La sénatrice Ringuette : Merci, monsieur le président. Madame Clark, vous avez mentionné que vous n'aviez pas consulté vos membres concernant les observations que vous formulerez aujourd'hui. Dites-moi, combien de personnes en moyenne peuvent siéger au conseil d'administration d'une banque?
Mme Clark : Cela dépend. Ce nombre peut varier, et je ne peux vous donner de chiffre exact pour chacun de nos membres.
La sénatrice Ringuette : Un chiffre approximatif.
Mme Clark : En général, il y a environ 12 membres, mais c'est variable, et je n'ai pas de données précises pour chacune des institutions financières. Il ne s'agit pas d'un chiffre exact, et il ne faudrait pas le considérer comme tel.
La sénatrice Ringuette : Si votre association compte 57 membres et qu'il y a en moyenne environ 12 membres par conseil, on parle d'environ 700 personnes qui siègent comme administrateurs aux conseils de votre association.
Comme se fait-il qu'il semble difficile de trouver 700 personnes, dans la population canadienne qui compte plus de 34 millions de personnes, qui soient des experts des questions financières et qui soient aptes à siéger aux conseils de votre association et qu'il soit désormais nécessaire de recruter de hauts fonctionnaires, au niveau provincial et fédéral, pour occuper ces fonctions? Vous ne trouvez pas cela étrange?
Mme Clark : Ma première remarque ne sera qu'une simple précision. Beaucoup de nos membres, comme vous le savez sans doute, sont des succursales d'institutions étrangères qui exercent désormais leurs activités au Canada et qui n'ont pas l'obligation d'avoir un conseil d'administration.
Ma deuxième remarque porte plus précisément sur votre question, selon laquelle cet amendement reflète le fait qu'il n'y a actuellement aucune raison d'avoir une disposition particulière dans la Loi sur les banques, et nous sommes d'accord sur ce point. Lorsque cette disposition a été introduite dans la Loi sur les banques, nous n'avions pas le cadre solide que nous avons maintenant pour résoudre les possibles conflits d'intérêts, et les exigences réglementaires dans leur ensemble, fédérales, provinciales ou propres aux banques, n'étaient pas les mêmes. Nous croyons que le cadre actuel est suffisamment développé pour résoudre les possibles conflits d'intérêts.
Je pense qu'il est important de voir cette mesure comme quelque chose de réciproque. Permettre que des employés du gouvernement fédéral, des provinces, ou des employés ou des administrateurs des sociétés d'État siègent au conseil d'administration d'une institution financière sous réglementation fédérale, c'est une chose, mais permettre aux membres de conseils d'administration d'une institution financière de siéger également au conseil d'une institution financière de la Couronne est une bonne chose, selon nous.
M. Wrobel : Madame la sénatrice, si vous me permettez, j'aimerais simplement compléter les propos de ma collègue; je ne pense pas que cela touche un grand nombre de personnes. Vous avez mentionné environ 700 personnes. Ce n'est pas qu'il y a une pénurie, mais il est tout à fait probable que nous nous retrouvions dans une situation où, dans le cas d'une personne qui met sa grande expertise au service d'un conseil et qui a pris la décision, par exemple, de siéger au conseil d'une institution financière de la Couronne, nous voudrons faire en sorte que cette personne hautement qualifiée ne soit pas empêchée de siéger au conseil d'une banque ou d'une autre institution financière fédérale, et vice versa. Cette mesure permet aux personnes qui ont des compétences en gouvernance institutionnelle d'en faire profiter tant les institutions privées que publiques.
Mme Clark : Je pense que la crainte exprimée dans vos séances précédentes avait trait aux possibles conflits d'intérêts, et je vous dirais que l'évaluation d'un possible conflit d'intérêts se fait très souvent au cas par cas. L'important, selon nous, c'est qu'il y ait un cadre approprié et des politiques appropriées à tous les échelons pour s'assurer que cette évaluation est effectuée en bonne et due forme.
Si cette évaluation révèle qu'une personne est en conflit d'intérêts, celle-ci ne devrait pas pouvoir siéger, par exemple, au conseil d'une banque. Cependant, s'il s'avère que cette personne n'est pas en situation de conflit d'intérêts, nous croyons qu'elle devrait avoir la possibilité de le faire.
Cela dit, lorsque cette personne est déjà membre d'un conseil et qu'elle se retrouve en situation de conflit d'intérêts, des mesures strictes doivent être mises en place au conseil pour s'assurer que cette personne se récuse et s'abstient de voter ou de participer à des discussions qui pourraient la placer en situation de conflit d'intérêts.
La sénatrice Ringuette : Je reviens de nouveau à mon premier commentaire; si votre association compte 57 membres, dont certains sont des banques étrangères qui n'ont pas de conseils d'administration au Canada, on parle d'environ 500 Canadiens au maximum. Au cours des 26 années passées à étudier la législation, j'ai compris qu'une mesure législative est toujours le résultat d'une demande ou d'un événement. Je ne peux être favorable au fait qu'un membre d'un conseil d'une institution financière privée sous réglementation fédérale siège également au conseil d'une société d'État, une institution quasi financière.
Nous avons au Canada beaucoup de personnes qui ont une expertise dans le domaine, et c'est aussi une forme de double rémunération, mais je tiens compte de vos remarques. Je ne suis pas d'accord, mais nous avons droit à nos opinions. Merci.
La sénatrice Nancy Ruth : Également sur la question des conseils d'administration, dans quelle mesure votre secteur souhaite-t-il réellement ce changement? Sur une échelle de 1 à 10, par exemple, dans quelle mesure, d'après vous?
Mme Clark : Eh bien, je vous dirais que nous n'avons reçu aucune demande de nos membres pour plaider en faveur de ce changement. À notre connaissance, aucun de nos membres en particulier n'a sollicité directement le gouvernement pour prôner un tel changement.
La sénatrice Nancy Ruth : Voulez-vous dire...
Mme Clark : Mais cela dit, comme je l'ai mentionné, ce changement ne nous préoccupe pas outre mesure.
La sénatrice Nancy Ruth : Doit-on comprendre que la mise en place de cette mesure aurait été préconisée par les sociétés d'État et non par le secteur de l'assurance-vie, par votre secteur ou toute autre institution financière réglementée?
Mme Clark : Comme je l'ai mentionné, je ne suis pas au courant de l'importance accordée à cette mesure par une organisation en particulier.
La sénatrice Nancy Ruth : Merci.
Le président : Avez-vous une question de suivi, madame la sénatrice Nancy Ruth?
La sénatrice Nancy Ruth : Non.
[Français]
La sénatrice Hervieux-Payette : Comprenez-vous le français tous les deux ou si vous parlez seulement anglais?
Mme Clark : Je comprends très bien le français puisque je suis d'origine québécoise, mais M. Wrobel n'est pas bilingue.
La sénatrice Hervieux-Payette : Avez-vous la traduction?
Mme Clark : Je crois que nous avons la traduction en direct, bien qu'elle soit un peu déphasée, alors je vous demanderais peut-être de poser votre question plus lentement, s'il vous plaît.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je ne crois pas qu'il s'agisse d'une quantité énorme de personnes. Il y a une confusion.
Pour votre collègue, par exemple, il ne s'agit pas de ne pas permettre à un citoyen ordinaire, qui n'est pas fonctionnaire, de siéger à un conseil d'administration des sociétés d'État, puisque c'est la façon de procéder, d'être aidé par le secteur privé. Toutefois, je crois que, dans ce cas-là, on peut s'inquiéter d'une possibilité de conflit d'intérêts — puisque ce sont toutes des sociétés qui œuvrent dans le secteur financier — si la personne siégeait au conseil d'administration de la Banque fédérale de développement ou à la banque qui appuie les exportations ou à la Société canadienne d'hypothèques et de logement; qui sont des conseils d'administration composés de membres du secteur privé.
Auriez-vous des réserves à nommer des membres de votre conseil d'administration, sachant que ces sociétés sont dans le même secteur que vous? Je ne parle pas de fonctionnaires. Je parle de permettre aux gens du secteur privé de siéger à nos conseils et de siéger à des conseils de banque.
[Traduction]
Mme Clark : Je ferai quelques commentaires. Je vous remercie de vos questions.
Au risque de me répéter — et je m'en excuse auprès de vous —, je pense que la principale crainte exprimée concerne le fait que ces personnes se retrouvent en situation de conflit d'intérêts possible. En fait, beaucoup de ces personnes seraient probablement en situation de conflit d'intérêts possible. Comme vous l'avez mentionné, je ne pense pas qu'on parle d'un nombre élevé de personnes qui profiteraient désormais de cet assouplissement des règles. On parle d'un nombre assez limité de personnes qui ne seraient pas en situation de conflit d'intérêts.
Je pense qu'il y a un avantage pour les Canadiens en général, et pour des organisations comme les institutions financières fédérales, les IFF, d'avoir accès au plus grand bassin possible de personnes pouvant assurer ces fonctions importantes, qui requièrent des compétences et des connaissances particulières, que l'on ne trouve peut-être pas aussi facilement qu'on le croit.
Cela dit, j'insiste sur le fait que le cadre en place actuellement à l'échelon du gouvernement fédéral et des provinces — les exigences du Bureau du surintendant des institutions financières (BSIF) à l'égard des institutions financières elles-mêmes et les devoirs fondamentaux des administrateurs — est suffisamment solide pour faire en sorte que cette évaluation rigoureuse soit réalisée. S'il s'avère que la personne n'est pas en situation de possible conflit d'intérêts, je crois qu'elle devrait pouvoir occuper les fonctions d'administrateur. Encore une fois, si un problème particulier se pose au conseil et exige que cette personne se récuse et s'abstienne de voter ou de participer aux discussions, elle a l'obligation de le faire en tant qu'administrateur.
La disposition, contenue actuellement dans la Loi sur les banques y avait été introduite avant la mise en place de ce cadre réglementaire contraignant, et elle constitue une interdiction formelle de déplacement. Encore une fois, nous ne parlons pas d'un nombre élevé de personnes qui seraient désormais autorisées à le faire, mais plus le bassin de candidats qualifiés potentiels est grand pour occuper ces fonctions, mieux c'est en général.
M. Wrobel : J'aimerais ajouter une précision aux propos de ma collègue. Nous savons que le gouvernement fédéral souhaite réellement s'assurer qu'il y a une gestion rigoureuse du risque dans certaines institutions financières fédérales.
Par exemple, nous constatons que certains aspects des activités de la Société canadienne d'hypothèques et de logement, la SCHL, sont désormais assujettis à la surveillance du BSIF. Nous savons que le BSIF s'est penché sur les activités de Financement agricole Canada. Dans cette optique, le gouvernement veut s'assurer que les conseils d'administration de ces institutions financières fédérales sont habilités à tirer parti d'un large éventail de compétences parmi les conseils d'administration.
Comme l'a mentionné ma collègue, nous ne parlons pas d'un nombre élevé de personnes, mais il se peut qu'une personne, qui pourrait constituer un apport positif dans une institution financière fédérale, soit associée à une banque et ne soit pas autorisée à occuper des fonctions d'administrateur en raison d'un problème possible de conflit d'intérêts que ma collègue a évoqué.
La sénatrice Hervieux-Payette : Je voudrais aborder une autre section. Il s'agit de celle qui comporte des mesures particulières visant le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, le CANAFE. Ce matin, des articles complets signalaient le fait qu'il y a beaucoup de laxisme dans ce domaine. On faisait état, par exemple, d'opérations de 500 $ effectuées à la banque, alors que le montant habituel est de 10 000 $. Voudriez-vous nous faire part de vos commentaires à ce sujet, sur le fait que les banques divulguent de l'information sur une opération d'un montant aussi peu élevé? Nous n'avons pas modifié la Loi, et le montant que les personnes devaient déclarer au CANAFE a toujours été 10 000,01 $. Comment cela se peut-il?
Mme Clark : Comme je l'ai mentionné précédemment, nous n'avons pas discuté des amendements particuliers avec nos membres. Par conséquent, nous n'avons pas forgé notre opinion; autrement, nos membres ne s'inquiètent pas outre mesure de cette disposition. Ce n'est pas un sujet que nous avons abordé dans le détail et pour lequel ils ont exprimé de l'inquiétude. Je n'ai pas de commentaires particuliers à faire ce matin sur cet amendement, à part le fait qu'il ne nous préoccupe pas outre mesure.
La sénatrice Hervieux-Payette : Il s'agit d'une étude préliminaire. Bien sûr, la Chambre et le Sénat devront s'y pencher à nouveau. Je pense qu'il serait important que vous vous penchiez sur cette question. L'amendement vise évidemment davantage les firmes d'avocats, notamment leurs fonds en fiducie. À l'heure actuelle, celles-ci prétendent qu'elles ne seraient pas assujetties à la somme de 10 000,01 $, ce qui veut dire que si un mafioso se présente chez des avocats avec de l'argent comptant pour payer les honoraires, ils doivent le déposer dans une banque. Cela signifie que le fonds de fiducie des avocats ne serait qu'un stratagème pour camoufler l'argent issu d'activités criminelles. Je pense que nous devons connaître votre opinion sur cette question, parce que l'argent comptant ne reste pas dans la firme d'avocats. Cet argent se retrouve dans votre institution financière. Je ne crois pas que les avocats gardent tout cet argent comptant dans un grand coffre-fort. Vous avez également un rôle à jouer dans ce domaine, et c'est une question qui nous préoccupe beaucoup.
Cette affaire est devant la Cour suprême, et je pense qu'il est important que nous sachions, parce que notre rôle consiste à identifier d'où provenait l'argent, de quelle façon il transitait et de quelle façon nous pourrions mettre la main sur ces personnes. Que nous parlions de terroristes ou de personnes liées à la pègre, les deux pourraient toujours être autorisés, en vertu de la loi, à payer avec de l'argent comptant, et cet argent comptant se retrouverait dans votre institution. J'aimerais que vous consultiez vos banques pour savoir si elles signaleraient un dépôt d'argent comptant par une firme d'avocats.
Mme Clark : Je me ferai un plaisir de consulter mes membres et de vous donner des renseignements supplémentaires en réponse à vos questions.
Le président : Cela nous serait très utile. Si vous pouviez faire parvenir cette information à la greffière, nous verrions à la transmettre aux membres du comité.
Le sénateur Massicotte : Merci de vous joindre à nous ce matin. Je suis arrivé un peu en retard et je pense avoir manqué les premières questions posées par le sénateur Black.
Le président : Il n'y en a pas eu.
Le sénateur Massicotte : C'était une excuse pour vous poser certaines questions idiotes, mais je suppose que je devrai les laisser tomber.
Je veux vous parler du changement proposé à la législation, qui permettra à de hauts fonctionnaires de siéger aux conseils d'administration des banques. D'après les commentaires recueillis, j'en déduis que vous n'y voyez aucune objection. Vous confirmez également que vous n'avez reçu aucune demande de la part de vos membres réclamant ce changement et, aussi, que cet amendement ne pose aucun problème pour vous. Cela résume-t-il bien votre position?
Mme Clark : Il est vrai que nous n'avons reçu aucune demande particulière de la part de nos membres visant à promouvoir ce changement. Nos membres sont à l'aise avec l'amendement et, oui, nous sommes d'avis qu'actuellement, parce qu'il y a un cadre rigoureux en place aux différents échelons, le problème des possibles conflits d'intérêts peut être résolu de façon appropriée dans ce cadre global et que, par conséquent, cette disposition n'a plus sa raison d'être dans la loi.
Le sénateur Massicotte : Vous n'avez reçu aucune demande de la part de vos membres, mais avez-vous fait une demande au nom de votre association ou en vue de profiter des avantages possibles que vous pourriez en tirer dans l'avenir? Avez-vous demandé ou avez-vous accordé votre appui à quelqu'un au gouvernement pour que cet amendement à la loi soit apporté?
Mme Clark : Nous n'avons pas demandé cet amendement. Quand nous en avons été informés, nous n'y avons vu aucun problème et, par conséquent, nous n'avons pris aucune autre mesure en sa faveur. Nous n'avons pas non plus reçu de demande précise de nos membres pour nous en occuper. Ils n'y ont pas vu de problème.
Le sénateur Massicotte : Par ailleurs, pour ce qui est des avantages importants que vous voyez dans le projet de loi, alors qu'il n'y a pas de pénurie de membres compétents pouvant éventuellement siéger aux conseils de votre association, pensez-vous que certains hauts fonctionnaires pourraient représenter un avantage pour vos membres à l'avenir — pour autant qu'il n'y ait pas de conflit d'intérêts — en siégeant à vos conseils et que c'est la raison pour laquelle vous recommandez cet amendement? Est-ce exact?
Mme Clark : Nous pensons, au risque de me répéter — et je m'en excuse —, que les employés du gouvernement fédéral ou des provinces devraient avoir la possibilité de siéger au conseil d'une IFF s'il n'y a pas de conflit d'intérêts.
Le sénateur Massicotte : Donnez-moi un exemple. De toute évidence, votre intérêt consiste à satisfaire les besoins et les objectifs du conseil. Votre intérêt n'est visiblement pas celui du gouvernement, mais celui de vos propres membres.
Donnez-moi un exemple dans lequel un sous-ministre ou un très haut fonctionnaire représenterait un avantage pour vos membres d'une manière qui n'aurait aucun lien avec sa relation au gouvernement. C'est une bonne affaire pour les banques. Vous pouvez ne pas souhaiter que le sous-ministre des Finances siège au conseil d'une banque, mais vous pouvez souhaiter que le sous-ministre de l'Agriculture siège au conseil d'une banque. Bien que cette personne n'ait aucune expertise particulière, toute relation avec un client potentiel aussi important que le gouvernement ne peut que représenter une bonne affaire.
Est-ce un bon exemple? C'est peut-être un bon exemple pour la banque, mais ne craignez-vous pas que les Canadiens vous disent : « Je peux comprendre votre avantage, mais quelqu'un d'autre est désavantagé »? Ce quelqu'un d'autre, ce pourrait être le contribuable canadien, par exemple.
Mme Clark : En réponse à votre question, je vous dirais que nous parlons, il me semble, comme je l'ai déjà mentionné, d'un très petit nombre de personnes qui en retireraient un quelconque avantage. Nous ne parlons pas d'un nombre élevé de personnes qui deviendraient soudainement disponibles pour siéger au conseil d'une banque, parce que beaucoup d'entre elles se retrouveraient en situation de conflit possible.
Lorsque M. Rudin a témoigné la semaine dernière devant votre comité, je pense qu'il vous a donné l'exemple d'une coopérative de crédit sous réglementation provinciale qui déciderait de changer en vertu des nouvelles dispositions de la Loi sur les banques qui permettent l'établissement d'un cadre pour les coopératives de crédit fédérales — les coopératives de crédit de la Couronne. Ces personnes se retrouveraient soudainement dans une position où elles ne pourraient plus siéger au conseil de l'organisation. J'ai pensé qu'il s'agissait d'un bon exemple.
Le sénateur Massicotte : Cela ne m'étonne pas.
Mme Clark : En ce qui concerne les employés, comme vous l'avez mentionné, évidemment, un employé du ministère des Finances ne pourrait probablement pas, en vertu du cadre actuel qui régit les conflits d'intérêts — mis à part cette disposition particulière de la Loi sur les banques — siéger au conseil d'administration d'une banque. Donc, nous parlons probablement d'un nombre limité de personnes. L'évaluation rigoureuse visant à déterminer s'il y a conflit d'intérêts devrait être réalisée et, si ces personnes ne sont pas en situation de conflit d'intérêts, nous pensons qu'elles devraient avoir la possibilité de siéger au conseil d'une institution financière.
Le sénateur Massicotte : Juste une autre question sur ce même sujet. Je suppose que les règles régissant les conflits d'intérêts, si je ne m'abuse, dans bien des cas, n'interdiraient pas au sous-ministre de l'Agriculture de siéger comme administrateur au conseil d'une banque parce qu'il n'y a pas de conflit immédiat ou direct, selon l'acception normale de l'expression « conflit d'intérêts ». Cependant, il y a un conflit d'adhésion, un conflit de loyauté, du fait que son travail consiste à représenter les Canadiens — dans son cas, les politiques relatives à l'agriculture. Il y a un conflit de relations. Cela ne voudrait rien dire, je suppose, en vertu de vos règles sur les conflits d'intérêts ou d'autres règles, mais il y a un conflit naturel de loyauté. Lorsqu'il se couche le soir, il devrait se préoccuper des Canadiens, et non des actionnaires d'une banque. Ne voyez-vous pas cela?
Mme Clark : Je pense qu'en matière de conflit d'intérêts, il s'agit bien souvent d'une évaluation au cas par cas. Je ne vois pas très bien qui, dans le bassin de fonctionnaires, serait éventuellement qualifié pour siéger comme administrateur au conseil d'administration d'une banque si, par exemple, j'évalue la situation au cas par cas en y appliquant le cadre très rigide qui existe non seulement à l'échelon fédéral, auquel vous faisiez référence, je pense, mais aussi dans les banques, en ce qui regarde le rôle du conseil et les exigences du BSIF. Nous devons ajouter à cela les exigences de la common law quant au devoir des administrateurs.
Il me semble que vous disposez du cadre approprié pour effectuer une évaluation très rigoureuse du conflit d'intérêts possible, y compris à l'échelon auquel vous faites référence, je pense. Il importe de veiller à ce que ce possible conflit d'intérêts soit évalué et géré de façon appropriée et, si le conflit d'intérêts est avéré, la personne concernée ne devrait pas être autorisée à siéger au conseil d'une organisation.
Donc, je ne pourrais vous dire qui serait autorisé ou qui ne le serait pas. C'est une situation qu'il faut évaluer au cas par cas, et je pense que nous devons prendre soin de la considérer sous cet angle. Il s'agit vraiment d'une analyse au cas par cas.
Comme je l'ai mentionné, nous ne savons pas très bien qui serait admissible. J'imagine que ce serait un petit bassin de personnes.
[Français]
Le sénateur Maltais : Madame Clark, ma question comprend plusieurs volets, mais on va commencer par le premier. J'imagine que les personnes qui seraient habilitées à siéger au conseil d'administration des institutions financières seraient des personnes hautement qualifiées de la fonction publique fédérale. N'est-ce pas?
J'imagine que si ces personnes étaient recrutées par une institution financière, la commissaire à l'éthique leur aurait déjà accordé la permission d'être recrutées par des institutions financières. On s'entend là-dessus.
Finalement, est-ce que la modification à la loi qui est présentée dérange l'ensemble des institutions financières au Canada?
[Traduction]
Mme Clark : Je crois que la commissaire Dawson a également témoigné devant un comité et indiqué que l'amendement ne soulevait pas chez elle de préoccupation importante parce qu'elle avait aussi l'impression, comme l'a indiqué également M. Rudin, qu'il y avait déjà en place un cadre complet, très strict, permettant une évaluation rigoureuse de la personne qui participerait au conseil.
J'ai pris bonne note du fait que la commissaire Dawson n'exprimait pas de grande préoccupation. Donc, oui, je suis d'accord avec vous que cette évaluation devrait être effectuée. Par contre, comme je l'ai déjà mentionné, je pense également qu'il y a d'autres mécanismes dans les institutions financières et aussi des devoirs, en tant qu'administrateur, qui permettent également qu'une évaluation supplémentaire soit réalisée afin de veiller à ce que toute personne se trouvant en situation de conflit d'intérêts possible ne puisse siéger au conseil d'administration d'une banque.
[Français]
Le sénateur Maltais : Merci, vous avez très bien répondu à ma question.
[Traduction]
Le président : Je vous remercie beaucoup, chers collègues. Cela met fin aux questions à poser aux témoins.
À vous, madame Clark et monsieur Wrobel, j'aimerais exprimer mes remerciements. Je le fais au nom de tous les membres du Comité sénatorial des banques. Vous avez été très utiles en nous livrant vos réflexions, et je vous en remercie.
Mme Clark : Ce fut un plaisir.
Le président : Honorables sénateurs et sénatrices, nous suspendrons la séance pour quelques minutes et reprendrons à huis clos.
(La séance se poursuit à huis clos.)