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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 18 - Témoignages du 19 novembre 2014


OTTAWA, le mercredi 19 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 50, pour examiner la teneur des éléments des sections 9, 12, 18, 22, 26 et 27 de la partie 4 du projet de loi C-43, Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bonsoir. Je déclare ouverte la séance du Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Nous commençons aujourd'hui notre étude préliminaire du projet de loi C-43, Loi no 2 sur le plan d'action économique de 2014, aussi appelée Loi no 2 portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 11 février 2014 et mettant en œuvre d'autres mesures.

Nous avons aujourd'hui le plaisir de recevoir le ministre des Finances, l'honorable Joe Oliver. Il est accompagné de Paul Rochon, sous-ministre, et de Rob Stewart, sous-ministre adjoint, Direction de la politique du secteur financier, de Finances Canada. Je présume que M. Ernewein ne sera pas des nôtres aujourd'hui. Je suis certain que vous serez capable de procéder sans lui.

Le ministre sera présent pour 35 à 45 minutes environ, après quoi nous déclarerons le huis clos à la demande du sénateur Massicotte. Le ministre se rendra alors à la Chambre des communes pour prendre part à un vote. Cependant, les membres du Comité des banques qui font également partie du Comité sénatorial des finances, qui sont environ trois, auront le plaisir d'avoir deux séances d'affilée avec le ministre des Finances, puisqu'il comparaît devant le Comité des finances à 18 h 30 ce soir.

Demain, lors d'une séance prolongée, nous entendrons un certain nombre de fonctionnaires qui traiteront des dispositions qui nous ont été renvoyées, ainsi que divers témoins de l'extérieur du gouvernement.

Monsieur le ministre, bienvenue. La parole est à vous, monsieur.

L'honorable Joe Oliver, C.P., député, ministre des Finances : Honorables sénateurs, monsieur le président, merci beaucoup. Je vous remercie de me donner l'occasion de vous rencontrer avec les membres du Comité des banques et du commerce pour traiter du projet de loi C-43.

Le plan d'action économique de 2014 repose sur de solides fondations et comprend des mesures visant à créer des emplois, de la croissance et de la prospérité à long terme.

Comme je l'ai indiqué la semaine dernière dans la mise à jour économique et les prévisions financières, l'économie canadienne reste forte dans le contexte de l'incertitude économique mondiale, puisque plus de 1,2 million de nouveaux emplois nets ont été créés depuis le creux de la récession mondiale qui a engendré une baisse de valeur de 10 billions de dollars sur les marchés internationaux.

[Français]

En tant que grand pays commerçant, le Canada n'est pas à l'abri des événements qui surviennent à l'étranger. La demande mondiale a ralenti et les prix des produits de base sont en baisse. C'est pourquoi le renforcement de l'économie demeure l'une de nos grandes priorités. C'est la raison pour laquelle nous poursuivrons la mise en œuvre de notre plan axé sur une baisse des impôts pour créer des emplois et favoriser la croissance.

[Traduction]

Voilà ce que notre gouvernement à l'intention de faire dans ce projet de loi.

J'aimerais traiter brièvement des mesures prévues pour créer de l'emploi et de la croissance, pour aider les familles et les communautés, et pour renforcer la stabilité et l'équité dans notre secteur financier.

Sachez d'abord que notre gouvernement est conscient que les petites entreprises créent de bons emplois et stimulent la croissance. Elles emploient près de la moitié des hommes et des femmes travaillant dans le secteur privé du Canada, et génèrent les deux cinquièmes du PIB du secteur des affaires de notre pays. Il est donc bon pour l'économie que les propriétaires de petite entreprise passent davantage de temps à faire croître leur entreprise et à créer des emplois.

Sous l'égide de notre gouvernement, le Canada est ouvert aux affaires. En 2013, notre pays s'est élevé de la sixième à la deuxième place dans le classement Bloomberg des pays les plus attrayants pour les affaires. Selon KPMG, les coûts fiscaux totaux des entreprises au Canada sont les plus faibles parmi les pays du G7 et sont 46 p. 100 inférieurs à ceux des États-Unis.

Mais nous devons faire davantage, et c'est pourquoi le projet de loi d'aujourd'hui prévoit un crédit relatif à l'emploi à l'intention des petites entreprises. Ce nouveau crédit aura pour effet de faire passer leurs cotisations d'assurance-emploi de 1,88 $ à 1,60 $ par 100 $ de gains assurables en 2015 et 2016.

[Français]

Tout employeur qui versera des cotisations d'assurance-emploi d'un montant égal ou inférieur à 15 000 $ au cours de l'une ou l'autre de ces années sera admissible au remboursement. Cela signifie que 90 p. 100 des employeurs qui versent des cotisations d'assurance-emploi au Canada, soit environ 780 000 au total, profiteront directement du crédit.

[Traduction]

Monsieur le président, j'aimerais également parler du renforcement du soutien des familles et des communautés, notamment d'une mesure destinée aux familles annoncée récemment.

Comme vous le savez bien, le premier ministre a annoncé le 9 octobre que notre gouvernement a l'intention de doubler le Crédit d'impôt pour la condition physique des enfants et de le rendre remboursable. Le projet de loi d'aujourd'hui confirme que le gouvernement doublera le montant maximal des dépenses pouvant être réclamées aux termes du crédit; la limite passera donc du montant actuel à 1 000 $ pour l'exercice 2014 et les années fiscales subséquentes. Le fait de rendre le crédit remboursable sera plus avantageux pour les familles à faible revenu.

[Français]

Le gouvernement a instauré le Crédit d'impôt pour la condition physique des enfants dans le budget de 2006. Cette mesure avait pour but de promouvoir l'activité physique en permettant aux familles canadiennes d'inscrire leurs enfants à des activités physiques à un coût plus abordable. Les améliorations apportées à ce crédit se traduiront par un allégement fiscal supplémentaire s'adressant à 850 000 familles qui inscrivent leurs enfants à des activités physiques admissibles.

[Traduction]

Enfin, monsieur le président, permettez-moi de traiter de plusieurs mesures relatives au secteur financier.

Depuis le début de la crise financière mondiale, le gouvernement a mis en œuvre un certain nombre de mesures afin de maintenir l'avantage du secteur financier du Canada. Ces mesures visent à renforcer la stabilité du secteur et à encourager la concurrence.

En 2012, les Canadiens ont effectué quelque 24 milliards de paiements d'une valeur de plus de 44 billions de dollars. Le système de paiements est essentiel aux consommateurs et à la solidité constante de l'économie canadienne. L'évolution de la technologie de l'information et des communications modifie la manière dont les Canadiens paient les biens et les services. Mais même s'ils évoluent, les systèmes de paiements doivent demeurer sûrs et solides pour que les Canadiens puissent y faire confiance.

Tout d'abord, le projet de loi d'aujourd'hui propose de modifier la Loi canadienne sur les paiements afin de réformer la structure de gouvernance de l'Association canadienne des paiements en conférant une plus grande indépendance à son conseil d'administration au chapitre des décisions, en améliorant la reddition de compte à l'égard du gouvernement et en renforçant les pouvoirs qu'a le ministre de donner des directions. Ces mesures feront en sorte que l'infrastructure de compensation et de règlement soit utilisée au profit des Canadiens et de l'économie.

En outre, la Loi no 2 d'exécution du budget propose d'élargir et de renforcer les pouvoirs de supervision de la Banque du Canada en modifiant la Loi sur la compensation et le règlement des paiements afin de mieux déceler les risques menaçant les systèmes de paiements et d'y réagir de manière proactive et rapide.

Le gouvernement va également de l'avant avec son double programme relatif aux coopératives de crédit en s'assurant que le cadre de réglementation soit clair et appuie les coopératives de crédit provinciales qui veulent être réglementées par le gouvernement fédéral.

[Français]

Le réseau des coopératives de crédit a besoin d'organismes de réglementation qui pourront cerner les risques et les gérer de façon efficace. Le Bureau du surintendant des institutions financières ne supervise pas les coopératives de crédit provinciales, ce qui restreint sa capacité de cerner les risques auxquels sont confrontées les centrales de coopératives de crédit provinciales. Il incombe aux autorités provinciales d'assurer la surveillance prudentielle de ces institutions provinciales ainsi que de leur apporter un soutien.

Le projet de loi C-43 donne suite à l'annonce contenue dans le Plan d'action économique de 2014 qui vise à mettre un terme à la supervision des centrales de coopératives de crédit provinciales par le Bureau du surintendant des institutions financières, et à préciser l'accès des coopératives de crédit provinciales, des coopératives de crédit et des caisses populaires aux outils d'intervention fédéraux.

[Traduction]

Pour pouvoir continuer de croître, certaines coopératives de crédit souhaitent devenir des coopératives de crédit fédérales. Le projet de loi dont vous êtes saisis propose de simplifier le processus d'intégration des coopératives de crédit provinciales qui pourraient souhaiter s'intégrer au cadre fédéral afin qu'il soit moins onéreux et moins complexe. Ces mesures habilitent le secteur financier canadien, mais nous veillons aussi à ce qu'elles ne soient pas utilisées à mauvais escient par les malintentionnés.

Honorables sénateurs, notre gouvernement est déterminé à établir un régime financier fort et exhaustif qui est aux premières lignes de la lutte internationale contre le blanchiment d'argent et le financement du terrorisme. Il importe de constamment améliorer le régime du Canada pour contrer les risques émergents afin de maintenir le leadership de notre pays sur la scène internationale.

À cette fin, votre comité a entrepris un examen de cinq ans de la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, et déposé son rapport final en mars 2013. Parallèlement, le gouvernement a consulté les parties prenantes afin de solliciter leurs opinions sur certaines propositions et de trouver d'autres mesures afin de les étudier.

[Français]

À la suite de ce processus d'examen, la Loi no 1 sur le plan d'action économique de 2014 a apporté diverses modifications à la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes, à la Loi sur les douanes et à la Loi de l'impôt sur le revenu, et ce, afin de renforcer le Régime canadien de lutte contre le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes.

Le projet de loi présenté aujourd'hui propose une modification visant à préciser le type d'entités étrangères qui pourraient faire l'objet de contre-mesures.

[Traduction]

En conclusion, même si je n'ai pu traiter que de quelques mesures du projet de loi, je suis convaincu que toutes nos initiatives seront fort avantageuses pour la population canadienne en permettant de créer des emplois, de la croissance et de la prospérité à long terme. Merci, honorables sénateurs. Je répondrai avec plaisir à vos questions.

Le président : Merci beaucoup, monsieur le ministre. J'irai directement à la liste d'intervenants, en commençant par la sénatrice Bellemare, qui sera suivie du sénateur Massicotte.

[Français]

La sénatrice Bellemare : Monsieur le ministre des Finances, j'ai une question macroéconomique qui fait un peu le lien avec le témoignage que l'on a entendu dernièrement du gouverneur de la Banque du Canada, M. Poloz, qui nous a dit qu'il y a encore, au Canada, une sous-utilisation de nos ressources, de nos capacités de production, et qu'il y avait quelque part une limite à la politique monétaire.

Ma question a trait aux récentes mesures que vous avez prises pour les familles canadiennes, comme le fractionnement du revenu et la Prestation universelle pour la garde d'enfants, le tout totalisant environ 4,6 milliards de dollars.

Je voudrais savoir si votre ministère a fait le calcul. On dit que cela va réduire un peu la marge du déficit et que, par contre, ce sont des mesures qui stimulent l'économie. Pouvez-vous me dire si le ministère avait fait l'analyse de l'impact sur la croissance de l'économie de ces mesures qui sont tout de même substantielles?

M. Oliver : Merci pour la question. Évidemment, une telle mesure est créée surtout pour donner plus d'argent aux contribuables, aux familles canadiennes qui en ont besoin. C'est un objectif de notre gouvernement de permettre aux familles canadiennes d'avoir plus d'argent, puisqu'elles ont plus de dépenses pour soutenir leur famille.

On a calculé le coût direct — dans un sens, ce n'est pas un coût, mais plutôt une diminution de revenus — qui était inclus dans notre calcul des projections du surplus pour l'an prochain, estimé à 1,9 milliard de dollars, dans un fonds pour prévoyance.

Nous sommes convaincus que ce sont les mères et les pères qui sont les mieux placés pour décider comment dépenser ou épargner leurs revenus. Il n'est donc pas possible de déterminer précisément combien ils vont dépenser ou combien ils vont investir. On n'a pas fait cette analyse précise.

Le sénateur Massicotte : J'aimerais vous remercier, monsieur le ministre, ainsi que vos collègues, d'être parmi nous ce soir. C'est très apprécié.

J'aimerais continuer sur le sujet macroéconomique. Comme vous le savez, depuis 2008-2009, différents pays ont réagi, de façon différente, à la suite de la leçon qu'ils ont apprise de l'expérience de la récession économique mondiale de 2007-2008. Certains pays, comme l'Angleterre, ont choisi de centraliser beaucoup de pouvoirs entre les mains du gouverneur de la banque centrale, et d'autres pays ont réagi de la même façon.

Je me disais, quand on constate ces amendements, que c'est peut-être la première fois qu'on a l'occasion de voir les amendements au conseil d'administration de l'Association canadienne des paiements. Je remarque qu'on implique la banque centrale plus sévèrement dans la Loi sur la compensation et le règlement des paiements, alors qu'on ne l'implique pas trop dans le cas de la Banque de développement du Canada.

Au Canada, on avait décidé de laisser une structure informelle au sein de laquelle le ministre des Finances siège avec les responsables de ces boîtes. On se fiait à cette organisation plutôt informelle. Je me demande s'il y a des directives ou une tendance, quand je constate les trois amendements à ce projet de loi. Comment va-t-on gérer la prochaine crise? Ces amendements proposés apportent-ils un avantage quant à notre capacité de gérer?

M. Oliver : Comme vous le savez, il n'était pas nécessaire d'aider une seule banque au Canada, contrairement à beaucoup d'autres pays. Cela veut dire que notre système bancaire est considéré comme le plus stable au monde, comme l'a déterminé le Forum économique mondial.

Alors, on a proposé des amendements, mais il n'était pas nécessaire de faire un changement approfondi du système, parce que le système fonctionne bien, et il a bien fonctionné lors de la pire récession depuis la grande dépression. C'est donc une indication.

Tout de même, de concert avec nos partenaires internationaux, nous sommes en train de changer les règles qui gèrent le capital des banques dans certaines circonstances. Nous continuons à coopérer avec les autres pays développés, mais il n'est pas nécessaire d'imiter tout ce qu'ils font.

Le sénateur Massicotte : Concernant l'amendement qui est fait à la Loi sur Investissement Canada, lorsqu'on parle d'un créancier hypothécaire étranger, on prête de l'argent, mais, de temps en temps, l'argent ne revient pas. C'est pourquoi 80 p. 100 des prêteurs paient plus que le taux préférentiel, puisqu'il y a un risque de défaut de paiement.

Existe-t-il un risque lié aux amendements proposés selon lequel les prêteurs non canadiens pourraient hésiter de prêter à une boîte canadienne? Si jamais il y un recours sur prêt, il sera maintenant assujetti d'être avisé, d'après les amendements proposés à la Loi sur Investissement Canada.

M. Oliver : Les amendements sont là pour protéger les investisseurs. Je ne crois pas que cela va décourager les investisseurs étrangers d'investir dans nos banques.

Le sénateur Massicotte : Pas juste dans les banques, tous les clients compris. Si je comprends bien, si le client fait défaut, le banquier prend contrôle des actifs en liquidation, il est insolvable. Le banquier prend le contrôle de l'entité et il doit, en conséquence, maintenant, aviser, publier l'information. Il y a une autre procédure qui ajoute peut-être une lourdeur au créancier de prendre contrôle des actifs en cas de défaut. Je ne voudrais pas que les entreprises canadiennes constatent que les entreprises américaines ou européennes ne veulent plus prêter aux entreprises canadiennes. Ce serait quand même un désavantage important, si c'était le cas.

M. Oliver : J'ai un peu de difficulté. Peut-être que je peux parler en anglais pour cette partie de la question.

Le sénateur Massicotte : Oui.

[Traduction]

M. Oliver : Si vous parlez des déposants, ils seront protégés par tout changement qui sera envisagé. Si vous faites référence aux investisseurs de la banque...

Le sénateur Massicotte : Non, ce n'est pas à eux que je fais référence.

M. Oliver : Parlons-nous de ceux qui achètent des obligations des banques?

Le sénateur Massicotte : Non. Je parle d'une entreprise canadienne qui emprunte de l'argent, de la Banque d'Amérique, par exemple. Si elle ne rembourse pas son prêt, la Banque d'Amérique sera réputée en contrôle d'une société canadienne. À la disposition 1.1, il y avait une exemption qui n'est plus là maintenant. Le créancier doit donc maintenant aviser le registre qu'il va prendre le contrôle d'une entité canadienne.

M. Oliver : Je crois comprendre que nous examinons cette question, mais une décision doit être prise dans chaque cas. Celui qui m'accompagne pourrait peut-être expliquer ce point.

Paul Rochon, sous-ministre, ministère des Finances Canada : Volontiers. Je pense que les modifications proposées ici à la Loi sur Investissement Canada sont structurées de manière à ce qu'une entité étrangère ne prenne pas le contrôle d'une société canadienne en raison d'un défaut de paiement et, ce faisant, utilise ce processus pour contourner les dispositions de la Loi sur Investissement Canada. Je ne considère pas que cela découragerait l'investissement. En fait, l'entité étrangère pourrait très bien finir par contrôler une entreprise ou un actif canadien. Elle n'aurait qu'à suivre le processus requis, à l'instar de tout autre investisseur voulant prendre le contrôle d'une société canadienne.

Le sénateur Massicotte : Ai-je raison de croire qu'il y avait une exemption avant cette modification?

M. Rochon : Il était possible de prendre le contrôle d'une société canadienne avant cette modification, en effet.

Le sénateur Massicotte : Je comprends ce qui vous préoccupe. Vous ne voulez pas qu'il y ait de moyen détourné de prendre le contrôle, mais vous savez que des billions de dollars sont prêtés chaque année aux sociétés canadiennes sur le marché obligataire ou par les banques américaines. Ces dernières disent « Avant de pouvoir avoir recours à mes actifs », car de façon générale, elles prennent le contrôle. Les créanciers de pacotille sont perdants. Ce qui me préoccupe, c'est la possibilité que les créanciers ne soient plus intéressés s'il est difficile de prendre le contrôle des actifs. Beaucoup d'entités américaines prêtent aux entreprises canadiennes.

M. Rochon : En effet, mais il faudrait que le prêt soit considérable pour que le prêteur américain prenne le contrôle de la société en cas de faillite.

Le sénateur Massicotte : C'est habituellement le cas. C'est souvent ce qu'il arrive. Quoi qu'il en soit, je pense que vous comprenez mon point de vue.

M. Rochon : Oui, je le comprends.

Le sénateur Tkachuk : Tout d'abord, monsieur le ministre, j'appuie votre objectif général, qui consiste à laisser plus d'argent dans les poches des contribuables, et je me réjouis que nous poursuivions le même programme que nous appliquons depuis quelques années et empruntions cette voie. Mais je me demande si vous pourriez m'expliquer quelque chose. Nous avons peut-être une occasion ici, puisque la séance est diffusée publiquement et qu'un certain nombre de sénateurs ici présents débattront peut-être de la question à la Chambre.

En ce qui concerne la question du fractionnement du revenu annoncé par le premier ministre, il me semble que cette mesure est légèrement différente du fractionnement du revenu pour les aînés. Je me demande si vous pourriez nous expliquer de quoi il en retourne en termes simples pour que nous puissions tout comprendre.

M. Oliver : Je peux le faire, mais je pense qu'il est également important de comprendre que nous avons présenté un programme intégré d'avantages destinés aux familles.

Le sénateur Tkachuk : Je le comprends.

M. Oliver : Quand nous avons autorisé le fractionnement du revenu pour les aînés, ces derniers étaient les seuls à bénéficier directement de la mesure. Ceux qui n'étaient pas des aînés n'en profitaient pas. La mesure avait quelques retombées indirectes pour d'autres. Chaque programme individuel ne touche pas toute la population, mais cet ensemble de programmes a un effet positif sur chaque famille ayant des enfants et touche ainsi quatre millions de personnes.

En ce qui concerne le fractionnement du revenu, il permet de transférer jusqu'à 50 000 $ du conjoint étant dans une tranche de revenu supérieure au conjoint étant dans une tranche de revenu inférieure afin de réaliser des économies d'impôt d'un maximum de 2 000 $. Nous comptons ainsi assurer ce que les économistes qualifient d'« équité horizontale ». Il n'est pas équitable qu'une famille ayant le même revenu qu'une autre paie beaucoup plus d'impôt simplement parce que dans un cas, les deux conjoints gagnent le même revenu, alors que dans l'autre, un conjoint gagne beaucoup plus que l'autre. Voilà ce que cette mesure vise à corriger, et c'est ce qu'elle fait.

Toutefois, quand nous avons présenté ce train de mesures aux Canadiens, nous voulions nous assurer qu'il ait une portée très large; c'est donc un programme familial qui touche toutes les familles ayant des enfants. Je pense que l'économie moyenne sera de 1 100 $ environ. Nous avons augmenté la Prestation universelle pour la garde d'enfants de 60 $ par mois; elle passe donc de 100 à 160 $, portant ainsi le montant total à 120 $ par année par enfant. Nous avons ensuite instauré la prestation pour les enfants âgés de 6 à 17 ans qui s'élève à 60 $ par mois, pour un total de 720 $ par année. Cela porte le total au montant que j'ai indiqué. Ces mesures assurent l'équité pour les familles dont les parents sont à la maison, mais aussi pour celles dont les deux parents travaillent.

Ces mesures suscitent beaucoup de critiques parce que les gens ne portent attention qu'à une partie du tout. Il importe de se rappeler que la majorité des avantages profitent aux Canadiens à faible et à moyen revenus. C'est un fait. Et 25 p. 100 iront aux familles gagnant moins de 30 000 $ par année. C'est donc un train de mesures très équitable dans l'ensemble.

Le sénateur Tannas : Je suis désolé d'être aussi pointilleux. Je veux simplement comprendre moi aussi. Le montant maximal de 50 000 $ transféré à un conjoint conterait-il pour la cotisation de cette personne à son REER? Si cette personne n'a aucun revenu, devrait-elle alors verser 18 p. 100 de 50 000 $ dans son REER?

M. Oliver : Je ne le pense pas, mais nous vous le confirmerons. Oui, c'est un crédit, et il est traité de manière à ce qu'il n'ait pas d'incidence sur les impôts provinciaux. Nous avons compris que cela serait un enjeu. Nous avons techniquement évité cet écueil pour que la mesure n'ait pas d'incidence.

Le sénateur Tkachuk : Il n'y a pas deux contribuables, n'est-ce pas? Quand on transfère la somme, il n'y a toujours qu'un seul contribuable, n'est-ce pas? Ce n'est qu'un transfert de crédit?

M. Rochon : Je dirais que c'est un crédit qui peut être réclamé pour atteindre les objectifs du transfert de revenu. Ce n'est pas un réel transfert de revenu qui est calculé.

Le sénateur Tkachuk : Ce n'aurait donc aucune incidence sur le REER. Merci.

[Français]

Le sénateur Maltais : Bienvenue, monsieur le ministre. Je vous remercie de votre présence parmi nous. C'est toujours très intéressant de recevoir le ministre des Finances à notre comité.

En ce qui concerne votre politique visant à laisser plus d'argent dans les poches des contribuables et des familles, je crois que nous y souscrivons tous. Ce matin, les journaux du Québec évoquaient un cadeau de 60 millions de dollars.

On sait que les gouvernements provinciaux iront prélever des impôts sur des sommes qui seront versées aux familles, par exemple 60 $ par mois. Les calculs rapides des journalistes arrivaient à une somme de 60 millions de dollars qui retournerait dans les poches du gouvernement du Québec.

Il y a les provinces et les territoires. Avez-vous une idée du montant qu'empocheront les provinces et les territoires par l'intermédiaire de cette mesure?

M. Oliver : Je n'ai pas la réponse précise à votre question.

M. Rochon : Nous n'avons pas fait les calculs comme tels. Il est vrai que la prestation pour enfants sera imposable. Maintenant, il faudrait savoir quel serait le taux moyen par province. Nous n'avons pas fait le calcul de l'impact sur les budgets provinciaux.

Le sénateur Maltais : Je comprends. Il s'agit tout de même de ce qu'on pourrait appeler une péréquation indirecte. Au Québec, nous sommes 8 millions, et cela fait 60 millions de dollars. Si on fait un petit exercice, pour l'Ontario, les Maritimes et l'Ouest, il en résulte un montant d'argent important que les provinces iront indirectement chercher au moyen d'une mesure qui vise à aider les familles.

M. Oliver : C'est vrai. C'est la nature de notre confédération.

Le sénateur Maltais : Je vous remercie, monsieur le ministre.

[Traduction]

La sénatrice Ringuette : Merci, monsieur le ministre. Quel plaisir de vous compter parmi nous. J'aimerais passer la journée avec vous, mais je suppose que c'est impossible. Il y a bien des questions dont j'aimerais discuter avec vous.

Ai-je bien compris que les mesures relatives aux enfants que vous avez annoncées sont applicables au présent exercice?

M. Oliver : Elles s'y appliquent en partie. La Prestation universelle pour la garde d'enfants commencera à s'appliquer en janvier, mais pour des raisons techniques que mon personnel peut expliquer, nous ne pourrons verser l'argent que vers juin. Les sommes seront toutefois rétroactives à janvier. Cette partie des mesures commence l'an prochain. Le fractionnement du revenu commence cette année, et ce, pour l'ensemble de l'exercice.

La sénatrice Ringuette : Pour confirmer ma compréhension, l'avantage fiscal au Canada sera éliminé au prochain exercice, alors que le nouveau programme commencera en janvier?

M. Oliver : Oui, le crédit d'impôt.

La sénatrice Ringuette : Il y a une équivalence.

M. Oliver : Le crédit d'impôt pour enfant.

La sénatrice Ringuette : Oui, Le crédit d'impôt pour enfant est un crédit direct de 120 $ par mois, et le programme actuel fournit 100 $ par mois pour un enfant de 0 à 5 ans, somme qui est imposable. En définitive, le système actuel, pour un enfant de 0 à 5 ans, fournit l'équivalent de 220 $ par mois, dont 60 p. 100 sont imposables. Aux termes du nouveau programme qui démarre en janvier, pour un enfant de cet âge, les gens recevront 160 $ imposables. J'examine le tout et je me demande où est l'avantage.

Je poursuis mon examen pour voir ce qu'il en est pour les enfants de 6 à moins de 18 ans. À l'heure actuelle, l'avantage fiscal pour ce groupe d'enfants est de 120 $ par mois. Pour ce groupe d'âge, en vertu de la Loi de l'impôt sur le revenu et de l'avantage canadien, les parents, qu'il y en ait un ou deux, peuvent se prévaloir d'un montant direct et non imposable de 120 $. Pour un enfant de ce groupe, le montant passera de 120 $ non imposable à 60 $ imposable à partir de janvier.

Le président : Merci de la question. Je pense que quelqu'un s'est joint au groupe.

La sénatrice Ringuette : Je le connais. Je l'ai souvent vu.

M. Oliver : Permettez-moi de vous donner une réponse générale, après quoi nous pourrons entrer dans les détails.

Sachez d'abord que nous avons réservé 5 milliards de dollars dans le budget de l'an prochain à l'intention des familles. C'est une somme considérable. Nous nous sommes assurés que la combinaison de l'élimination du crédit d'impôt et de l'augmentation de la Prestation universelle pour la garde d'enfants profitera à toutes les familles, sans exception, mais que celles qui ont un revenu moindre en profitent davantage en raison du fonctionnement de la loi sur l'impôt. C'est un impôt progressif.

La sénatrice Ringuette : Pour que le comité comprenne bien, et vous avez indiqué que vous avez effectué une analyse pour vérifier ce qu'il en est, pourriez-vous nous remettre ces renseignements et cette analyse, je vous prie?

M. Oliver : Bien sûr. Si vous voulez obtenir davantage de détails, je peux vous en donner autant que vous en voulez.

Brian Ernewein, directeur général, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances Canada : Merci, messieurs. Je n'avais peut-être pas compris qu'on aurait besoin de moi ici, car l'impôt ne faisait pas partie du mandat du comité, mais j'ajouterai quelques mots avec plaisir.

Pour appuyer les propos du ministre, je dirais que le crédit d'impôt pour enfant est effectivement un crédit d'impôt fédéral. Il est légèrement supérieur à 2 000 $, un montant qui, au taux de 15 p. 100, a une valeur d'un peu plus de 300 $. La Prestation universelle pour la garde d'enfants est une somme supplémentaire de 60 $ par mois pour chaque enfant de 0 à 17 ans, ou de 720 $ par mois. Ce montant est imposé pour le conjoint ayant le revenu le moins élevé, mais même si ce conjoint est imposé au taux maximal, la famille aura plus d'argent après impôt grâce à l'augmentation de la Prestation universelle pour la garde d'enfants qu'elle n'en aurait suite à la perte du crédit d'impôt pour enfant. Comme le ministre l'a indiqué, c'est bien plus avantageux pour tous ceux qui gagnent un faible revenu, et ceux qui ne paient aucun impôt reçoivent la Prestation universelle pour la garde d'enfants, alors qu'ils n'auraient pas reçu de crédit d'impôt pour enfant.

La sénatrice Ringuette : Je suis impatiente de voir l'analyse.

Le sénateur Massicotte : Le seul problème, c'est qu'il faut avoir des enfants pour en profiter, mais ce n'est pas ma question.

Je regarde la Loi sur Investissement Canada ainsi que la Loi sur la BDC. Je vous félicite, car pendant de nombreuses années, j'ai participé à certains débats sur la manière de gérer et de contrôler ces entités. Ce que vous faites avec la Loi sur Investissement Canada, et je devrais dire la Loi canadienne sur les paiements, consiste essentiellement à instaurer une gouvernance moderne. Vous tentez de créer un véritable conseil d'administration doté de responsabilités, auquel les gens rendent essentiellement des comptes. En fait, vous accordez un peu plus de souplesse à la BDC en lui donnant un vrai président. Tout cela est très bien du point de vue de la gouvernance.

La seule chose qui me préoccupe, c'est que nombre de conseils d'administration ne fonctionnent pas très bien, comme vous le savez. Avec le conseil canadien des paiements, par exemple, on lui délègue en fait le pouvoir en tentant de le rendre le plus efficace possible, mais bien des membres de ces conseils en font partie en raison non pas de leurs compétences, mais de leurs bonnes relations politiques. Ils ne prennent pas leur travail au sérieux, se disant que le gouvernement est là de toute façon et que le ministre interviendra ou que son cabinet veillera au bon déroulement des affaires. Ils prennent un risque, mais de toute évidence, ils sont à l'aise avec la situation. Qu'est-ce qui pourrait mal aller, après tout?

M. Oliver : Nous pensons que les modifications amélioreront la gestion au sein de l'Association canadienne des paiements en permettant à son conseil d'administration de jouir d'une plus grande indépendance au chapitre de la prise de décisions, mais aussi en améliorant la reddition de comptes au gouvernement et au public et en élargissant le pouvoir du ministre des Finances pour qu'il donne des directives à l'association. Nous sommes certains que cette combinaison de mesures assurera une orientation et une supervision adéquates.

C'est une association importante. Comme je l'ai souligné dans mon exposé, le système de paiements est, bien entendu, d'une importance cruciale, et nous voulions rendre l'organisation plus forte et plus comptable.

Le sénateur Massicotte : Il est évident que ce qui est essentiel, c'est le conseil d'administration. Je présume que l'organisation a déjà établi la composition appropriée du conseil d'administration en en traçant les grandes lignes. Le gouverneur en conseil suivra-t-il ces indications pour veiller à ce que le conseil soit solide et dispose de l'expertise nécessaire?

M. Oliver : Oui, nous avons eu une assez bonne expérience avec un certain nombre de nos conseils d'administration, comme à la Société canadienne d'hypothèque et de logement et, bien sûr, la Banque du Canada. Le conseil d'administration du Régime de pensions du Canada est légèrement différent, puisqu'il travaille avec les provinces. Nous examinons soigneusement les nominations faites dans ces conseils, vérifiant les antécédents scolaires et professionnels des titulaires afin de prendre des décisions avec grand soin.

Le nombre d'administrateurs passerait de 13 à 16, et si vous avez déjà fait partie d'un conseil, comme je sais que c'est le cas, vous savez qu'à partir d'un certain nombre de membres, le conseil commence à être moins comptable au lieu de l'être davantage. Le conseil serait constitué de trois administrateurs représentant des participants directs, c'est-à-dire des membres dont le système est directement lié à l'Association canadienne de paiements, de deux administrateurs représentant d'autres membres, ainsi que de sept administrateurs indépendants. Après mûre réflexion, nous pensons que c'est une composition adéquate.

Monsieur le président, j'ai un vote. Je pense qu'il a lieu à 17 h 45.

Le président : Nous conclurons la séance sur votre exposé. Nous vous savons gré, à vous et à vos fonctionnaires, d'avoir comparu aujourd'hui. Au nom de tous les membres du Comité sénatorial des banques, nous vous remercions.

Je demande aux membres du comité de rester, car nous poursuivons la séance à huis clos.

(La séance est levée.)


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