Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 22 - Témoignages du 28 janvier 2015
OTTAWA, le mercredi 28 janvier 2015
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier l'utilisation de la monnaie numérique.
Le sénateur Irving Gerstein (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue au Comité sénatorial permanent des banques et du commerce. Il s'agit de notre première séance de 2015 et de la 13e séance de notre étude spéciale sur l'utilisation de la monnaie numérique qui porte notamment sur les risques, les menaces et les avantages potentiels de ces formes électroniques d'échange.
Jusqu'à maintenant, le comité a entendu les témoignages d'un vaste éventail de témoins, dont des organismes gouvernementaux, des experts de la finance numérique, des universitaires et des entreprises liées au système Bitcoin.
Aujourd'hui, nous mettrons l'accent sur les risques potentiels des devises numériques. Divers témoins nous ont dit que les devises numériques, en raison de leur nature parfois anonyme, peuvent être utilisées à des fins malhonnêtes, comme le blanchiment de l'argent, le financement du terrorisme et le trafic de drogue, pour n'en nommer que quelques- uns.
Pour nous aider à mieux comprendre ces enjeux, j'ai le plaisir d'accueillir des représentants de la GRC. Nous avons Jean Cormier, surintendant et directeur des Centres de coordination de la police fédérale; et Drew Kyle, sergent et officier responsable par intérim de la Section de la criminalité financière des Opérations criminelles de la police fédérale. Nous entendrons ensuite Michael Peirce, directeur adjoint du Renseignement au Service canadien du renseignement de sécurité.
M. Cormier ouvrira le bal, puis ce sera votre tour, monsieur Peirce.
Monsieur Cormier, bienvenue. Vous avez la parole, monsieur.
Surintendant Jean Cormier, directeur, Centres de coordination de la police fédérale, Gendarmerie royale du Canada : Merci, sénateur. Bonjour, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, chers collègues, collègues du SCRS. Je suis accompagné du sergent Drew Kyle, que vous avez présenté. Il est officier par intérim responsable de la Section de la criminalité financière des Opérations criminelles de la police fédérale. Le sergent Kyle a étudié le phénomène de la monnaie numérique, et je ferai peut-être appel à lui pour m'aider à répondre à certaines de vos questions.
Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à participer à cette séance et de nous donner la possibilité d'aborder la question des devises numériques.
[Français]
Je suis au courant des comparutions qui ont déjà eu lieu devant le comité et je sais que bien des témoins sont venus vous expliquer la nature du fonctionnement des devises numériques. Je commencerai par répondre à certaines craintes que vous avez soulevées lors des séances antérieures au sujet de l'utilisation illégale de ces devises, un problème qui préoccupe beaucoup la collectivité policière canadienne également.
[Traduction]
J'aimerais tout d'abord préciser que nous sommes pleinement conscients que les devises numériques offrent aux clients légitimes de nombreux avantages sur les plans de la confidentialité et de la sécurité dont ils ne bénéficient pas toujours avec la monnaie fiduciaire. Le monde de la monnaie numérique représente de toute évidence un terrain inconnu, où fleuriront sans doute des innovations très intéressantes pour les consommateurs qui les utilisent à bon escient.
Il est cependant prévisible que les criminels chercheront à exploiter au profit de leurs activités illicites les atouts des nouvelles pratiques novatrices et en particulier de celles qui promettent l'anonymat et la capacité de faire des mouvements de fonds exempts de tout cadre réglementaire.
[Français]
Vous avez demandé à presque tous les témoins qui ont comparu devant vous s'ils craignaient l'utilisation de devises numériques à des fins de commerce illicite, de blanchiment de produits de la criminalité ou de financement d'activités terroristes. Aux inquiétudes que certains ont exprimées à cet égard, la GRC ajouterait que la monnaie électronique représente une menace réelle et changeante. Nous savons que les devises numériques peuvent être exploitées dans un dessein criminel et nous voyons dans cette perspective non seulement une menace pour l'intégrité économique du Canada, mais aussi une menace à la sécurité publique.
[Traduction]
Même si ce n'est pas nécessairement arrivé au Canada, il y a plusieurs exemples de situations où la monnaie numérique avait directement rendu possible la pratique d'activités criminelles à grande échelle, notamment au moyen de marchés clandestins en ligne, parfois appelés « darknets ». Ces sites offrent tout un éventail de produits de consommation illicites, y compris des drogues et des armes à feu, et permettent la cyberexploitation d'enfants. Les devises numériques, en particulier le bitcoin — je sais que vous connaissez déjà cette monnaie —, y sont pratiquement devenues l'unique mode de paiement.
Comme l'a déjà noté mon collègue du ministère des Finances, les autorités policières américaines ont mis hors service un tel marché en 2013. Le site web en question, appelé Silk Road, a servi au mouvement de centaines de millions de dollars en bitcoins associés à l'achat et à la vente de drogues et d'autres marchandises illicites. Fait tout aussi inquiétant, le Canada était le pays d'origine de certaines des marchandises qui y étaient offertes. L'intervention policière qui a mené à la mise hors service de ce site n'a toutefois pas empêché de nouveaux marchés illicites de faire leur apparition en ligne. C'est notamment le cas de Silk Road 2.0, un site mis de nouveau hors service en novembre 2014 grâce à une intervention d'organismes d'application de la loi. L'émergence de ces marchés virtuels illégaux se poursuivra, et les organismes d'application de la loi dans le monde devront se concerter afin de parer à la menace.
[Français]
On peut voir un autre exemple de cette tendance dans le cas de Liberty Reserve, un service centralisé d'échange de devises numériques dont les exploitants subissent actuellement un procès aux États-Unis concernant le blanchiment de 6 milliards de dollars effectué au moyen de 55 millions de transactions illégales. Cette enquête a comporté des interventions judiciaires dans 17 pays, y compris le Canada.
Le phénomène représente un défi monumental pour la collectivité policière, parce que les monnaies virtuelles décentralisées, comme le bitcoin, ne sont visées par aucune loi ni aucun cadre réglementaire, contrairement aux autres devises ayant cours légal.
Le bitcoin n'appartient à aucun État. Ses utilisateurs peuvent déplacer leurs transactions vers le pays qui leur oppose le moins de résistance, et ce, par voie entièrement électronique, peu importe où ils se trouvent sur la planète. On est essentiellement en présence d'un système mondial de transferts de fonds.
[Traduction]
Dans cette optique, il est important pour le Canada de veiller à ne pas être considéré comme le maillon faible en matière de monnaie numérique. Les autorités policières canadiennes continuent de collaborer avec leurs partenaires au pays et à l'étranger afin de mener des enquêtes, d'échanger des renseignements et de voir à ce que des restrictions légales appropriées s'appliquent à l'utilisation des devises numériques, sans toutefois faire perdre aux consommateurs légitimes les avantages qui y sont associés.
Nous reconnaissons que la réglementation des devises numériques ne peut pas se faire de la même façon que celle du secteur bancaire traditionnel et que la situation présente des défis particuliers. Vous avez entendu le témoignage d'Andreas Antonopoulos, qui est l'auteur de Mastering Bitcoin, et convenez de la nécessité d'éviter une réglementation suffocante en matière de monnaie numérique. Nous savons toutefois que les organisations criminelles au Canada et ailleurs sont passées maîtres dans l'art d'exploiter les secteurs du système économique de manière à brouiller leurs pistes autant que possible. L'établissement d'une réglementation pourrait contribuer à atténuer la menace.
[Français]
Pour ce qui est du blanchiment d'argent et du financement d'activités terroristes, la plus grande inquiétude que nous avons à l'égard des devises numériques comme le bitcoin tient à la facilité avec laquelle des virements de fonds internationaux peuvent se faire sans ou presque sans surveillance. À partir du moment où l'on a ouvert un compte Bitcoin et que des fonds sont à disposition, il est extrêmement facile de les transférer dans n'importe quel but à un autre utilisateur Bitcoin ailleurs dans le monde.
Ce sont les transactions de cette nature qui préoccupent la GRC dans le cadre d'application de la loi et de la sécurité publique. Nous croyons que l'adoption d'un système réglementé pour en assurer le repérage et le suivi donnerait des moyens d'action à la collectivité policière et aux autres intervenants qui travaillent en partenariat avec elle pour lutter contre le blanchiment d'argent et le financement d'activités terroristes.
[Traduction]
Le gouvernement du Canada s'affaire à mettre en place un cadre législatif qui classerait les marchés de devises numériques, comme le bitcoin, dans la même catégorie que les entreprises de transferts de fonds visées par la Loi sur le recyclage des produits de la criminalité et le financement des activités terroristes. Les marchés en question seraient alors assujettis aux mêmes exigences de déclaration que les entreprises de transfert de fonds afin d'assurer que les activités qui s'y exercent respectent les lois en matière de blanchiment de l'argent et de financement d'activités terroristes. Cette démarche s'apparente aux mesures que prennent nos principaux partenaires étrangers, dont les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande.
En conclusion, la GRC voit d'un bon œil cette réforme législative qui appuiera les initiatives des autorités policières canadiennes de lutte contre l'exploitation et l'exportation d'innovations en matière de devises numériques à des fins criminelles.
Je vous remercie encore une fois d'avoir invité la GRC à participer à ces séances importantes, et je suis tout disposé à répondre à vos questions.
Le président : Merci, monsieur Cormier. Monsieur Peirce, allez-y.
Michael Peirce, directeur adjoint, Renseignement, Service canadien du renseignement de sécurité : Bonjour, mesdames et messieurs les membres du comité, collègues de la GRC. Je vous remercie de nous avoir invités aujourd'hui pour parler de la monnaie numérique et des risques potentiels que cette nouvelle technologie présente pour la sécurité du Canada.
Histoire de mettre mes propos en contexte, je tiens d'abord à décrire brièvement le mandat du Service canadien du renseignement de sécurité. Comme vous le savez, selon la Loi sur le SCRS, nous sommes chargés de recueillir des renseignements et d'enquêter sur les menaces envers la sécurité du Canada. Le terrorisme, l'extrémisme, l'espionnage, le sabotage et l'ingérence étrangère constituent des menaces. À la fonction d'enquête du SCRS s'ajoute son devoir de conseiller le gouvernement, d'analyser l'information recueillie et de la communiquer aux organismes gouvernementaux et aux ministères.
En plus de sa fonction d'évaluation, dont je vous parlerai dans quelques minutes, le SCRS utilise le renseignement financier pour faire progresser ses enquêtes sur les menaces envers la sécurité du Canada. Le SCRS le fait par l'entremise de sa Sous-section de l'analyse financière, ou la SAF, qui est chargée de soutenir les opérations et les enquêtes en analysant le renseignement financier.
Le renseignement financier appuie non seulement les enquêtes sur le terrorisme, mais aussi celles qui portent sur la prolifération et l'espionnage. La SAF se penche aussi sur les manières de mieux gérer les informations financières, ce qui permet de dégager davantage de pistes pour nos enquêteurs. C'est un rôle important que joue la SAF. En plus de mener ses activités de collecte autorisées, la SAF reçoit des renseignements des partenaires du SCRS, comme le CANAFE, qui est autorisé à communiquer de manière proactive des informations au SCRS s'il estime qu'elles portent sur des menaces envers la sécurité du Canada.
Les percées technologiques comme la monnaie numérique intéressent le SCRS. En soi, les nouvelles technologies ne menacent pas directement la sécurité nationale. Elles peuvent cependant servir à faciliter des activités qui constituent une menace. Pour cette raison, nous devons rester vigilants et nous tenir au courant d'innovations, comme les devises numériques.
Il est possible que les devises numériques et les systèmes de paiement en ligne deviennent des outils financiers pour les auteurs de menace. Toutefois, pour l'heure, ils ne représentent pas une source de préoccupation importante sur le plan de la sécurité nationale, en partie parce qu'ils sont relativement instables et qu'ils ne sont pas propices à l'utilisation rapide et facile que recherchent les personnes qui se déplacent à des fins terroristes.
La monnaie numérique n'est pas encore couramment utilisée pour financer ou faciliter des menaces envers la sécurité du Canada. Cependant, nous devons composer avec une menace fluide, et nous savons que les réseaux terroristes et d'autres auteurs de menace savent faire preuve d'adaptabilité et d'opportunisme. Les devises numériques ont donc le potentiel de devenir un outil pour les auteurs de menace dans l'avenir.
Les médias ont par exemple rapporté que l'EIIL, soit le groupe terroriste en Irak, utiliserait des bitcoins. Il y avait notamment un blogue qui encourageait les gens à utiliser les bitcoins. Par contre, une adoption à grande échelle de cette devise numérique par l'EIIL ne s'est pas encore concrétisée.
Il n'en reste pas moins que le renseignement financier, y compris les devises numériques, dans la mesure du possible, fait l'objet d'évaluations relatives au renseignement que le SCRS communique à ses collègues du gouvernement fédéral et à d'autres ministères clients. Ces évaluations se fondent sur l'ensemble des sources de renseignements, y compris le renseignement financier. Elles sont stratégiques et orientées vers l'extérieur et permettent au gouvernement de mieux connaître et comprendre les menaces. Elles alimentent les discussions relatives aux politiques, sont prises en compte par les décideurs chargés d'administrer et de faire appliquer les lois canadiennes et mettent en évidence les enjeux émergents dans le contexte mondial de la menace.
Le SCRS communique à grande échelle ses évaluations de la menace classifiées à divers partenaires, comme mes collègues de la Gendarmerie royale du Canada — régulièrement —, de l'Agence des services frontaliers du Canada, de Sécurité publique Canada, du ministère des Finances et du CANAFE, pour ne nommer que quelques organismes pertinents à notre discussion. Il est absolument nécessaire de les communiquer en temps opportun, car elles informent les partenaires du SCRS sur ce qui se passe et leur permettent de se préparer à réagir aux nouvelles situations et tendances, y compris en ce qui a trait à l'utilisation des nouvelles technologies, notamment le système Bitcoin.
Je précise que cela s'ajoute à la coopération sur le plan opérationnel entre le SCRS et la GRC, par exemple, ainsi que des partenaires provinciaux et étrangers.
Au SCRS, l'évaluation du renseignement est aussi un élément essentiel des enquêtes. Même si nous produisons des évaluations orientées vers l'extérieur, notre travail d'analyse est de plus en plus intégré à la collecte et aux opérations. D'un côté, les analystes de ma direction tirent parti des opérations du SCRS; de l'autre, ils offrent un soutien direct aux opérations. Ces fonctions essentielles du SCRS se renforcent mutuellement.
Il convient de souligner que le SCRS n'est pas un organisme d'application de la loi. Nous n'avons pas le droit d'arrêter quelqu'un pour avoir fait une fraude ou avoir financé le terrorisme. Toutefois, le SCRS appuie ses partenaires chargés d'administrer et de faire appliquer les lois canadiennes.
Le renseignement financier revêt une importance croissante pour la détection des menaces envers la sécurité du Canada et les enquêtes menées à ce propos. Afin de protéger le Canada et les Canadiens, il est devenu essentiel de mener des enquêtes et de relever la piste financière des personnes qui menacent la sécurité nationale. En effet, ces individus ne peuvent mener des activités qui constituent une menace que s'ils en ont les moyens.
Bien sûr, les détails sur ce que font nos équipes spécialisées, comme la SAF, ainsi que les méthodes qu'elles utilisent doivent demeurer classifiés afin de ne pas nuire à la capacité du SCRS d'enquêter sur les menaces envers la sécurité du Canada. Je suis certain que vous serez à même de le comprendre. Toutefois, l'information que nous communiquons à nos partenaires leur permet de prendre des mesures conformément à leur mandat respectif.
Je vais m'arrêter ici, et c'est avec plaisir que nous répondrons aux questions.
Le président : Messieurs, je vous remercie infiniment de vos déclarations liminaires.
J'aimerais d'abord revenir sur trois mots qui m'ont frappé dans le cadre de notre étude : la confidentialité, l'anonymat et la traçabilité. Lors d'une séance des plus intéressante en décembre dernier, deux témoins de la même organisation ne s'entendaient pas sur le fait que les transactions en bitcoins puissent être complètement anonymes ou non. Selon une des deux témoins, certaines transactions peuvent être totalement coupées du réseau, pour reprendre ses mots, à savoir que les parties sont absolument impossibles à retracer et à détecter.
Sa collègue — qui, comme je l'ai dit, appartient à la même organisation — soutient que cette interprétation relève du mythe et que toutes les transactions sont retraçables d'une certaine façon, à l'aide de différentes méthodes, et que les forces de l'ordre peuvent même identifier la personne ayant réalisé une transaction en bitcoins. Ce n'est peut-être pas simple, mais c'est possible.
Puisque nous avons entendu bien des opinions contradictoires à ce sujet, j'aimerais si possible vous demander ce que vous en pensez.
M. Cormier : Bien sûr. Pour être en mesure d'expliquer à quel point le système est confidentiel, anonyme ou indétectable, je pense qu'il me faudrait des connaissances techniques que je ne possède pas. Je vais donc vous répondre en fonction de ma connaissance du monde de la monnaie numérique.
Il est vrai que les transactions peuvent être détectées. La procédure est toutefois encore à l'étude, et nous devons mettre au point les outils qui nous permettraient de le faire. Il s'agit bel et bien d'une entreprise complexe exigeant évidemment de nombreuses analyses de différents systèmes, notamment parce que le bitcoin est distribué au moyen de nombreux ordinateurs dans le monde. Vous pouvez donc imaginer à quel point il est difficile de déterminer la connexion entre les différents ordinateurs, de même que les lieux d'origine et de destination de la transaction, en ce qui concerne le destinataire. La procédure est fort complexe.
Nous travaillons à la mise au point d'outils qui nous permettraient de le faire. La raison pour laquelle je dis que les transactions sont retraçables, c'est que je l'ai appris de partenaires à l'étranger qui ont saisi des ordinateurs dans le cadre d'enquêtes sur la monnaie numérique. Par exemple, dans une affaire qui a été portée devant les tribunaux allemands, l'ordinateur de contrôle et de commande contenait environ 6 millions de livres sterling en bitcoins, qui ont été saisis et confisqués en tant que produits de la criminalité. Voilà la preuve qu'il existe une façon de savoir où se trouve la monnaie et sa provenance, mais c'est complexe.
Le sénateur Tannas : Surintendant Cormier, vous avez dit que certains pays sont des chefs de file en matière de réglementation, de techniques d'enquête et ainsi de suite. D'après vous, quels sont ces pays, et pourquoi? Que font-ils?
M. Cormier : Je peux difficilement répondre à la question. Les chefs de file sont les pays qui ont été les plus exposés au bitcoin. Je pourrais difficilement en nommer un en particulier puisque je ne suis simplement pas au courant. La GRC collabore avec de nombreux partenaires mondiaux qui connaissent différents volets de la question, et nous devons réunir l'information afin de pouvoir nous attaquer plus vigoureusement aux problèmes; voilà essentiellement ce que nous faisons.
Le sénateur Tannas : N'y a-t-il vraiment personne de qui vous tirez des renseignements et qui ont une longueur d'avance sur tout le monde dans le domaine?
M. Cormier : Non, personne en particulier.
Le sénateur Tannas : Très bien. Monsieur Peirce, le Centre d'analyse des opérations et déclarations financières du Canada, ou CANAFE, surveille-t-il les transferts des comptes bancaires en bitcoin? Il s'agit de la conversion d'argent en bitcoins. Les banques sont-elles tenues de divulguer les transactions douteuses et ce genre de chose? Doivent-elles surveiller toute conversion de fonds en bitcoins? Vous n'avez peut-être pas les connaissances nécessaires; c'est correct, le cas échéant, mais je me posais la question.
Aussi, a-t-on constaté quoi que ce soit qui fait obstacle au commerce en ce qui concerne l'achat d'armes à l'aide de bitcoins?
M. Peirce : Tout d'abord, permettez-moi de vous remercier de me donner une possibilité d'emblée. Le sujet dépasse bel et bien ma compétence, et les représentants du CANAFE seraient mieux placés pour répondre. Je peux aller jusqu'à dire que le centre surveille certaines transactions entre les banques et le bitcoin, mais je ne suis pas en mesure de me prononcer sur la nature exacte et le déroulement de ces activités.
Pour ce qui est des armes, mon mandat me permet bien sûr de m'y intéresser dans la mesure où c'est pertinent sur le plan de la sécurité nationale. Dans cette optique, nous n'avons rien constaté.
Le président : Était-ce votre dernière...
Le sénateur Tannas : J'ai terminé.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Je vous remercie de votre présence à notre comité. C'est une technologie qui est transparente et complexe. Nous avons besoin de votre aide pour bien comprendre. Monsieur Cormier, il est clair, jusqu'à présent, qu'il n'est pas nécessaire de faire une recherche quelconque sur le transfert des fonds ou l'identification des propriétaires de bitcoins. Cela ne représente pas une menace pour notre économie et cela n'incite pas à la fraude au Canada, à l'heure actuelle. Cette technologie soulève des préoccupations, mais jusqu'à maintenant, le gouvernement et la société en général ne sont pas trop inquiets. Est-ce exact?
M. Cormier : Oui, c'est une bonne description. Toutefois, nous craignons que plus cette technologie sera utilisée et qu'elle évoluera, plus elle risquera d'être exploitée à des fins criminelles.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Peirce, compte tenu de vos connaissances sur le plan international, vous êtes d'accord que cette nouvelle devise ne présente rien de menaçant jusqu'à présent. En tant que société, il n'y a pas lieu de s'inquiéter de cette nouvelle devise?
M. Peirce : Je suis entièrement d'accord.
Le sénateur Massicotte : Cependant, dans vos deux discours, vous mentionnez que cet outil pourrait un jour être utilisé à des fins criminelles. Notre comité s'intéresse beaucoup à cette question. De toute évidence, cette devise internationale est orientée vers l'avenir et représente une croissante importante. Aux termes de la loi qui vient d'être adoptée, vous mentionnez que le CANAFE pourra obtenir des renseignements sur des transactions d'une valeur de plus de 10 000 $ canadiens. Y a-t-il d'autres recommandations que le gouvernement devrait faire en ce qui concerne le règlement ou la loi comme telle? Êtes-vous satisfait des outils qui seront à votre disposition au cours des 5 ou 10 prochaines années?
[Traduction]
M. Peirce : J'hésiterais certainement à parler de cinq années. Pour tout vous dire, les menaces évoluent rapidement. La technologie change très vite, bien sûr, et la capacité des personnes et des organisations d'en tirer avantage pourrait évoluer très vite au fur et à mesure qu'elle est adoptée et devient facilement accessible. Je pense donc qu'une menace pourrait prendre forme bien avant cinq ans.
Dans l'état actuel des choses, nous n'avons constaté aucune menace active à cet égard. Si nous envisageons la réglementation de demain, je pense que les renseignements que nous avons fournis jusqu'à maintenant et en réponse à vos questions répondront à toute interrogation et vous aideront à élaborer des politiques, mais nous nous en remettrons finalement aux spécialistes en la matière.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Jusqu'à maintenant, de nouvelles mesures ne sont pas nécessaires, mais qu'est-ce qui pourrait représenter une menace? Qu'est-ce qui pourrait changer immédiatement, et dans quel sens? Quelle est la menace la plus probable pour notre société?
[Traduction]
M. Peirce : Permettez-moi de présenter un contexte légèrement différent, mais analogue, à savoir l'utilisation des médias sociaux. Si nous avions analysé la question il y a deux ou trois années seulement, nous en aurions décelé une utilisation très limitée pour la radicalisation et le recrutement actif, à partir de l'étranger, d'individus au Canada pour qu'ils voyagent à des fins de terrorisme. Or, c'est désormais une pratique courante. La situation a évolué à un rythme extrêmement rapide, et les individus se servent des médias sociaux.
Alors que certains se tournent vers la technologie transportable et remarquent que leurs méthodes actuelles sont démasquées, ils trouveront d'autres façons de procéder. J'imagine qu'ils examineront des possibilités comme le bitcoin et vérifieront si c'est efficace. Mais le milieu évolue tellement vite qu'il est très difficile de déterminer un délai et de prédire la façon dont ils procéderont. Nous n'avions pas nécessairement prévu ce genre de délai concernant l'utilisation des médias sociaux, et je pense que nous ne pourrions rien prédire de tel.
[Français]
Le sénateur Massicotte : En tant que comité, et pour que nous soyons préparés mentalement, que peut-on faire? Je présume qu'il s'agit d'une menace internationale du point de vue criminel. Cette devise anonyme pourrait servir à des fins de terrorisme ou de liquidité pour ces organismes. Si c'est le cas, je suppose que là est la menace, mais qu'est-ce qu'on devrait faire en tant que pays? Selon vous, avec un peu d'effort, on peut identifier le propriétaire de la devise. Quels autres moyens devrait-on prévoir pour déterminer si on a perdu ou non le contrôle? Qu'est-ce que l'avenir nous réserve en ce sens? Y a-t-il d'autres gouvernements dans le monde qui ont adopté des mesures différentes des nôtres?
[Traduction]
M. Peirce : Compte tenu de l'évolution de la technologie appuyant le bitcoin ou d'autres formes de transferts de fonds technologiques, je pense qu'il faudra au bout du compte se demander s'il arrive un moment où nous avons besoin de pouvoirs pour nous aider sur le plan de la documentation ou de la possibilité de lever le voile. Ce n'est toutefois pas la situation actuelle.
[Français]
Le sénateur Massicotte : Si la technologie nous permet d'identifier le propriétaire, vous êtes d'avis que cela est satisfaisant? Seuls de nouveaux développements technologiques pourraient nuire à cela, et c'est ce qui vous préoccupe le plus. Êtes-vous d'accord avec cette affirmation, monsieur Cormier?
M. Cormier : Je suis d'accord. Toutefois, dans certains cas, des bitcoins ont été utilisés comme méthode de paiement dans le cadre d'activités criminelles que nous n'avons pas pu détecter. La complexité et la durée des enquêtes qui visent à identifier les initiateurs et les destinataires des transactions, sans que nous disposions d'autres outils qui nous permettraient de les identifier plus rapidement, représentent un problème. Comme mon ami l'a expliqué, la technologie évolue rapidement et les criminels aussi. Ce n'est pas un système qu'on peut déceler rapidement. L'identification rapide des fraudeurs est un problème et représente un grand défi.
Le sénateur Massicotte : C'est faisable. C'est seulement une question de temps. La solution ne se trouve pas dans la loi. Alors, la solution serait d'engager des personnes d'expérience ou de faire l'acquisition d'ordinateurs plus performants?
M. Cormier : Non. La solution serait de mettre en place un système de réglementation semblable à n'importe quel système bancaire où sont effectuées des transactions financières. S'il y a une transaction, par exemple un dépôt dans un compte de banque, qui implique des millions de dollars convertis en bitcoins, l'employé bancaire qui reçoit ces fonds devrait être en mesure d'identifier le client en question et avoir en main son dossier.
Le sénateur Massicotte : Puisqu'il s'agit d'une devise dans l'air, sur ordinateur, la notion du bitcoin a pour but d'éviter de passer par le système bancaire. Je ne comprends pas l'utilité du bitcoin si nous devons continuer d'avoir des comptes bancaires; dans ce cas, l'utilité du bitcoin s'annule.
M. Cormier : Oui, mais il y a moyen de les convertir.
Le sénateur Massicotte : Cela m'échappe. Je vais y réfléchir et je reviendrai à cette question.
La sénatrice Bellemare : J'ai deux questions à poser à propos de la discussion que nous venons d'avoir. Tout d'abord, pouvez-vous nous donner un exemple concret d'un événement où des bitcoins ont été utilisés à des fins criminelles? Je ne parle pas du Canada. Vous dites qu'il n'y en a pas beaucoup ici, mais qu'il y en a ailleurs. Avec les éléments A, B et C, soit quelqu'un nommé A qui transmet à B et qui va à C, pouvez-vous nous donner un exemple concret?
Ensuite, monsieur Cormier, vous avez dit qu'il y a des mesures qui sont prises par des partenaires étrangers comme les États-Unis, le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande pour contrecarrer l'utilisation de la monnaie numérique à des fins criminelles. Pouvez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Cormier : Est-ce que cela vous dérange si je réponds en anglais?
La sénatrice Bellemare : Non, pas du tout.
M. Cormier : Parce que mes notes sont en anglais.
[Traduction]
Un excellent exemple d'utilisation de la monnaie numérique a été observé par le Centre antifraude du Canada dans le cas d'une arnaque au rançongiciel, qui exigeait une rançon en bitcoins pour que l'ordinateur de la victime puisse être décrypté. Voilà donc un bon exemple.
Depuis 2013, le Centre antifraude du Canada a reçu plus de 3 000 plaintes à propos de ce genre d'arnaque. Les auteurs contaminent essentiellement des ordinateurs personnels; il s'agit généralement de gros ordinateurs contenant beaucoup de renseignements, et les victimes ne veulent pas perdre leurs données. Une rançon est donc exigée en échange du retrait du virus de l'ordinateur. Puisque les victimes ont l'habitude du monde numérique, la rançon doit être payée en bitcoins. Voilà un bon exemple où le bitcoin a été utilisé.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Ainsi, les bitcoins sont envoyés à un autre compte et on ne peut rien identifier?
M. Cormier : Non. Dans le cas sur lequel on a enquêté, les personnes n'avaient pas les bitcoins pour payer. À la fin de la journée, le virus reste donc dans l'ordinateur et toutes les données sont effacées.
Même si, dans cet exemple, la rançon n'a pas été payée, les gens la demandaient en bitcoins.
La sénatrice Bellemare : Toutes les données ont été effacées, donc il n'y a aucun moyen de retracer d'où émanait la demande?
Vous avez mentionné certains pays qui ont adopté des lois à ce sujet. Que font ces pays?
M. Cormier : Je n'ai pas dit que ces pays avaient mis en œuvre des lois au moment présent, mais ils sont dans la même position que nous et veulent faire adopter leur loi afin de réduire cette menace.
La sénatrice Bellemare : Donc, ils font encore des recherches?
M. Cormier : Oui.
[Traduction]
J'ignore ce qu'il en est du côté du renseignement.
M. Peirce : Oui, la situation est la même.
Le sénateur Campbell : Merci. Pour commencer, je devrais vous dire que mon matricule était 27310. Par rapport à ce que je vais dire, cela ne dit rien aux autres, mais sachez que c'était après l'époque des chevaux et au commencement de celle des voitures.
Je ne tente pas de minimiser la question, mais il est vraiment question du rattrapage de la technologie par l'application de la loi et la sécurité. Il est pratiquement impossible de la devancer puisqu'on ignore où elle va. C'est exactement la même chose qui s'est passée à l'arrivée des téléphones cellulaires. Nous étions paralysés devant les messages, les médias sociaux et le reste.
J'aimerais poser une question : en quoi consisterait le rapport continu entre les organismes en ce qui a trait au bitcoin? Je présume qu'il existe une sorte de relation continue entre le SCRS et la GRC. À qui d'autre pouvons-nous nous adresser dans le milieu tant du renseignement que de l'application de la loi? La technologie ne disparaîtra pas, et nous ne la maîtrisons évidemment pas encore. Nous ignorons même si les transactions sont retraçables ou non. Un spécialiste dit que c'est possible, et l'autre affirme le contraire. Observons-nous la situation à l'échelle mondiale? Qui est à l'avant-garde à ce chapitre? Voilà ma première question.
M. Peirce : Je peux commencer à répondre, sénateur Campbell. Nous consultons bel et bien d'autres organismes dans le monde.
Le sénateur Campbell : Je n'ai pas besoin des noms. J'essaie simplement de savoir s'il s'agit d'une préoccupation à l'échelle mondiale.
M. Peirce : Dans le cadre de nos consultations, je dirais que je n'ai rien entendu d'autre de nos confrères que l'évaluation que je vous ai fournie, à savoir que nous ne considérons actuellement pas l'utilisation du bitcoin comme un véhicule ou vecteur actif de menace. Nous comprenons qu'il pourrait ultérieurement être utilisé, mais ce sera à déterminer plus tard. Dans le cadre de nos discussions à l'échelle internationale, c'est le même message qui ressort. À l'échelle nationale, nous collaborons étroitement avec la GRC, le CANAFE et l'ASFC. Nous divulguons nos évaluations au ministère des Finances et à d'autres ministères et organismes gouvernementaux, et nos points de vue et démarches sont invariablement sur la même longueur d'onde.
M. Cormier : Il en va essentiellement de même sur le plan de l'application de la loi. Évidemment, le fait que nous cherchions des outils et vous proposions d'envisager leur mise en place pour aider les enquêtes ne vise pas à semer la panique et ne signifie pas que le problème soit généralisé à l'heure actuelle. Puisque nous avons déjà constaté des affaires où le bitcoin a été utilisé, comme dans le cas des rançongiciels, nous croyons que la question se pose, que nous devons en être conscients, et qu'il faut s'y attaquer. Si nous n'y portons pas attention, la question prendra de l'ampleur et le problème va empirer. Parallèlement, quelle que soit la réglementation qui serait mise en place, l'objectif n'est pas non plus de nuire à l'innovation.
Pour ce qui est de la collaboration avec les autres organismes d'application de la loi dans le monde, nous apprenons bel et bien des pratiques exemplaires d'autres intervenants. Nous discutons avec nos partenaires partout dans le monde en ce qui concerne leur expérience et exposition. Nous en apprenons également le plus possible sur le monde de la monnaie numérique, et nos partenaires en apprennent à partir de notre exposition au phénomène, quoique limitée.
Le sénateur Campbell : Je présume qu'il y a bien d'autres routes de la soie que celles que nous connaissons. J'ignore quelle est la réponse, et vous aussi peut-être, mais comment peut-on devancer le phénomène? Dans le cadre d'une enquête normale, j'aurais recours à l'infiltration, aux mouchards et à l'écoute électronique, mais ces méthodes ne fonctionnent pas ici puisque le système est très fermé. Quelle est la réponse? Comment aller de l'avant alors que les méthodes traditionnelles ne fonctionneront que dans une certaine mesure, je présume? Par exemple, y a-t-il quelqu'un au sein des forces qui est formé pour comprendre le bitcoin, qui pourrait véritablement aller sur le terrain et s'y retrouver, y compris sur le plan légal? Avons-nous des gens formés à ce chapitre?
M. Cormier : Eh bien, je pense que vous avez rencontré certains des véritables spécialistes, qui ont déjà comparu devant votre comité. Les compétences actuelles de la GRC à ce chapitre sont en constante évolution. Par exemple, si je discute avec mon collègue Drew ici présent, il dit connaître le bitcoin, mais le fait est qu'il sait probablement quelque 10 p. 100 seulement de ce qu'une personne doit vraiment savoir pour être considérée comme spécialiste du sujet. C'est donc un travail continu.
Comment peut-on prendre une longueur d'avance? Je vais vous donner un exemple : ce pourrait être possible au moyen du cadre réglementaire, s'il y en avait un. Disons qu'un superordinateur au Canada sert de dépositaire central afin de miner des bitcoins. La réglementation pourrait exiger qu'un tel ordinateur soit enregistré auprès de Finances Canada ou d'un organisme qui surveillerait les activités.
Le sénateur Campbell : On nous a dit à maintes reprises que le problème, c'est que ces ordinateurs ne seront pas réglementés. Les bitcoins ne passent pas par un seul ordinateur. L'ensemble du système est conçu de façon à ce que ce ne soit pas possible. Au fond, nous établissons des règles, qui sont tout bonnement ignorées. Nous n'avons ni les connaissances nécessaires ni une façon de déterminer qui ignore les règles. Voilà le véritable problème. Ce ne sera certainement pas la dernière nouveauté dans le monde numérique, mais c'est la difficulté qui se présente.
Le comité voudra peut-être recommander que nous mettions une réglementation en place. Eh bien, c'est correct, mais si les gens visés ne la respectent pas et que nous n'avons aucune façon de surveiller leurs activités, la solution ne fonctionnera pas. Je compatis avec vous, croyez-moi.
M. Cormier : Je comprends le défi que vous expliquez ici. Vous êtes essentiellement en train de parler de la difficulté, car vous avez raison de dire que toute réglementation n'est valable que dans la mesure où les gens sont prêts à la respecter, à l'instar du système bancaire. Il y a encore des gens qui réalisent des transactions sans respecter la réglementation en place.
Le sénateur Campbell : Mais ils sont plus faciles à attraper.
M. Cormier : C'est vrai.
Le sénateur Greene : Votre témoignage me rassure, car je ne veux pas non plus que nous étouffions la nouvelle technologie avant qu'elle n'ait la chance de se développer et que nous puissions savoir dans quelle mesure elle pourrait améliorer nos vies. Je suis ravi que vous n'ayez décelé aucune menace, mais ce n'est qu'un volet de la question.
En revanche, je crains que la raison pour laquelle vous n'avez décelé aucune menace soit peut-être que vous n'y ayez pas encore porté suffisamment d'attention, ou que vous n'ayez pas l'équipement ou la technologie nécessaires pour le faire.
Si possible, pourriez-vous me dire comment vous surveiller la menace? Avez-vous des gens ou une équipe qui vérifient régulièrement le grand livre public afin de savoir où vont les grandes sommes d'argent, à qui elles sont versées, et ainsi de suite? Travaillez-vous à cette échelle?
M. Peirce : Je vais répondre à la première partie de la question en prenant l'exemple de la menace que posent les combattants étrangers ou les voyageurs terroristes. On a vu récemment l'EIIL réclamer l'utilisation du bitcoin. Lorsque nous enquêtons activement sur des activités financières entourant des déplacements, s'il y a des transactions bancaires à l'appui, nous pouvons être à peu près sûrs qu'ils n'utilisent pas le bitcoin.
À l'heure actuelle, nous pouvons voir les transactions bancaires. Par conséquent, tout porte à croire que le bitcoin n'est pas utilisé de manière significative à cet égard.
C'est ce qui nous permet d'évaluer la situation.
Le sénateur Greene : On procède donc par élimination?
M. Peirce : Exactement. Au fil du temps, à mesure que la technologie se développe et qu'elle se démocratise, si nous constatons que nos capacités de surveillance diminuent, à ce moment-là, il y aura lieu de s'inquiéter; mais pour l'instant, nous gérons très bien la situation.
Le sénateur Greene : Pour revenir à ma question sur le registre public, à l'heure actuelle, y a-t-il des gens qui se consacrent à son analyse et à la surveillance des transactions, ou existe-t-il des technologies à cet effet?
M. Cormier : Nous poursuivons nos recherches. Nous avons même acheté nos propres bitcoins pour nous spécialiser davantage. Nous avons donc nos portefeuilles numériques que nous utilisons à des fins de formation.
Évidemment, il s'agit d'un processus compliqué, et je ne veux pas contredire mon ami ici, mais du point de vue des renseignements et de l'application de la loi, nous savons uniquement ce que nous savons. Nous obtenons nos renseignements auprès de différentes sources. Certaines sont d'origine humaine, d'autres sont générées par des organismes partenaires ou d'autres organismes d'application de la loi ailleurs dans le monde, et à partir de ces renseignements, nous essayons de cerner les menaces qui se pointent à l'horizon, que ce soit dans six mois, un an ou deux ans.
Le sénateur Greene : Mis à part l'événement en Allemagne dont vous avez parlé tout à l'heure, avez-vous d'autres exemples d'événements internationaux? Ou s'agissait-il d'un événement unique?
M. Cormier : C'est un événement dont j'ai récemment pris connaissance. Il y a eu les autres enquêtes menées aux États-Unis que j'ai mentionnées plus tôt, mais j'ignore s'il y a eu des saisies.
Drew, savez-vous si on a saisi des biens dans le cas de la plate-forme d'échange Liberty Reserve?
Drew Kyle, sergent, officier responsable par intérim, Criminalité financière, Opérations criminelles de la police fédérale, Gendarmerie royale du Canada : Non, je l'ignore. Je n'ai pas la réponse à votre question pour le moment, mais c'est tout à fait possible. Encore une fois, il faut savoir que ces enquêtes ne découlent pas du bitcoin, selon toute vraisemblance, mais plutôt de Silk Road, en raison des produits illicites qui s'y vendaient.
Le sénateur Greene : De façon générale, considérez-vous l'utilisation du bitcoin comme un indicateur de criminalité ou comme un crime en soi, du fait de son utilisation?
M. Cormier : Non, du point de vue de l'application de la loi, l'utilisation du bitcoin n'est pas criminelle; c'est plutôt ce qu'il finance qui l'est.
Le sénateur Greene : C'est donc une aide à la criminalité.
M. Cormier : Exactement. On peut s'en servir, par exemple, à des fins de blanchiment d'argent; c'est ce qui se rapprocherait le plus du crime comme tel.
La sénatrice Ringuette : J'ai plusieurs questions à vous poser. Monsieur Cormier, lorsque vous nous avez donné différents exemples de situations aux États-Unis et ainsi de suite, et je présume que le bitcoin était l'une des devises utilisées sur ce site web criminel, vous nous avez dit que vous travailliez à mettre au point des outils. Les monnaies numériques sont des monnaies numériques partout dans le monde. Avez-vous des partenaires au Canada ou à l'étranger qui ont élaboré une quelconque technologie que vous pourriez adopter ici en ce qui a trait au bitcoin ou à d'autres monnaies numériques, et ce, sans réinventer la roue?
M. Cormier : Je n'ai pas la réponse à votre question, mais je peux vous assurer que nous collaborons avec divers partenaires : le secteur privé, les organismes d'application de la loi et les ministères gouvernementaux qui ont tous un intérêt dans ce dossier. Ils prennent tous part aux travaux de recherche et à la mise au point de solutions.
Je ne crois pas qu'il existe un outil comme tel. J'ose croire que si un tel outil existait, nous l'aurions.
La sénatrice Ringuette : Mais dans votre réseau, est-ce que vous collaborez pour savoir si, d'une part, une technologie existe et, d'autre part, si une entité est plus avancée que les autres sur le plan de la création?
M. Cormier : Notre bureau des opérations techniques entretient assurément des relations partout dans le monde. Comme je l'ai déjà dit, ce n'est pas mon domaine d'expertise, mais je suis sûr qu'il travaille avec des partenaires internationaux à l'élaboration de ces outils et qu'il le saurait s'il y avait un outil quelque part dont il pourrait se servir.
La sénatrice Ringuette : En ce qui a trait à la réglementation, je peux comprendre qu'en tant qu'organisme d'application de la loi, vous aimeriez que des règlements soient en place, dans les cas où la monnaie numérique a servi à financer une activité criminelle. Je comprends.
Je pense au CANAFE et à la façon dont ce centre, et probablement aussi le SCRS, surveillent les transactions financières nationales et internationales par l'entremise de leurs partenaires. La réglementation impose des exigences aux institutions financières, que ce soit les banques, les compagnies d'assurances ou les sociétés de prêt sur salaire. Toutes ces institutions financières, de quelque nature qu'elles soient, doivent signaler ces transactions au CANAFE à des fins d'analyse.
Quant au bitcoin, il n'y a aucune entité, à part peut-être le fait qu'un jour, nous aurons des guichets automatiques au Canada. Mais encore là, le bitcoin est une monnaie anonyme. Il nous est impossible de retracer l'origine. J'essaie donc d'imaginer le type de règlement qui pourrait vous aider à identifier les entités, parce qu'avec une monnaie numérique, ce n'est pas possible. On a beau repérer les ordinateurs en cause, on ne sait pas qui emploie ces ordinateurs.
Il s'agit d'un registre mondial. On ne peut pas s'attendre à ce que des millions d'ordinateurs signalent des transactions financières au CANAFE. J'essaie donc de voir le type de règlement qui pourrait vous aider à obtenir ce que vous recherchez.
M. Cormier : Du point de vue de l'application de la loi, je ne sais pas exactement quel règlement pourrait nous donner les outils nécessaires. J'espère que le comité sera en mesure de le déterminer et de formuler des recommandations en conséquence, à la lumière des témoignages qu'il aura recueillis. Cela nous serait très utile.
En revanche, le système est peut-être déjà allé trop loin sans réglementation, et il sera peut-être impossible d'en faire un système qu'on peut surveiller.
La sénatrice Ringuette : Exactement. Est-ce que cette entité peut être réglementée à l'échelle nationale?
M. Cormier : C'est ce que j'espère que le comité pourra déterminer, après avoir entendu les différents témoins.
Le président : Toute cette étude me rappelle qu'il y a de nombreuses années, j'ai eu le privilège de siéger au conseil d'administration de Postes Canada. Je me rappelle qu'à l'époque, un homme nous avait fait un exposé au sujet du courriel. Nous n'en avions jamais entendu parler avant.
À ce moment-là, personne n'aurait pu imaginer qu'un jour, le courriel serait ce qu'il est aujourd'hui. En ce qui me concerne, c'est un peu la même chose à l'égard du bitcoin. Si je reviens à ce que j'ai dit au début de la séance, et je le répète autant pour moi que pour vous, il s'agit d'une étude spéciale sur l'utilisation de la monnaie numérique, qui porte notamment sur les risques, les menaces et les avantages potentiels de ces formes électroniques d'échange.
Nous avons vu que dans d'autres pays — la Russie, la Chine —, l'utilisation du bitcoin est pratiquement illégale. Certains témoins nous ont dit que le Canada pourrait jouer un rôle de premier plan dans la création d'un environnement dans lequel ce concept, qui prendra des années à se développer, pourrait trouver sa place et être très avantageux pour le pays à l'échelle mondiale.
J'ai l'impression que lorsque nous rédigerons notre rapport, nous nous retrouverons devant les deux extrêmes, c'est- à-dire ceux qui veulent l'interdire et ceux qui veulent l'utiliser assez librement, conformément à la réglementation. Et il y aura aussi ceux qui oscillent entre les deux. Où est-ce que vous vous situez dans ce spectre? Devrions-nous créer un environnement favorable au développement de ce concept — parce que c'est déjà en cours, on ne va pas y mettre fin — et essayer de miser sur la réglementation afférente? Ou devrions-nous plutôt pencher de l'autre côté en demeurant 20 ans en arrière, en laissant les autres prendre le risque et en essayant de rattraper le retard dans le futur? Qu'en pensez- vous?
M. Cormier : Comme je l'ai dit dans ma déclaration, et je l'ai répété par la suite, tout règlement mis en place ne devrait pas paralyser l'innovation. À mon avis, l'innovation se produira quoi qu'il arrive. Il suffit de trouver le juste équilibre, mais je ne sais pas exactement où il se situe.
M. Peirce : Pour être honnête, je dirais que je suis agnostique en matière de politique. Je suis ici avant tout pour vous renseigner sur le contexte actuel. Je ne voudrais surtout pas que vous pensiez que je propose d'interdire Internet ou de tout permettre. Cette décision revient aux décideurs. Je suis ici pour vous dresser le portrait de la sécurité nationale.
Le président : Sergent Kyle, vous avez peut-être des observations à faire sur ce dont nous avons parlé jusqu'à présent. Souhaitez-vous ajouter quelque chose?
M. Kyle : Tout d'abord, sachez que je suis d'accord avec vous au sujet du courriel. Quand j'ai commencé à examiner le dossier de Silk Road, je ne savais absolument rien à propos du bitcoin, et vous avez sans aucun doute entendu les plus grands experts sur la question. Je ne pourrais jamais vous entretenir sur ce dossier comme le fait M. Antonopoulos, par exemple. C'est l'un de ces domaines qui évoluent si rapidement qu'on arrive à peine à rester à jour.
Le sénateur Tkachuk : Des experts nous ont dit que la raison pour laquelle on a créé le bitcoin et la monnaie numérique, c'est parce qu'on ne faisait plus confiance au système financier, surtout après ce qui s'est passé en 2008. Bon nombre d'entre eux affirment désormais qu'il faut réglementer les devises numériques. À mon avis, si les gouvernements commencent à réglementer ces devises, c'est parce qu'ils reconnaissent leur valeur, autrement, ce serait comme réglementer les produits de la monnaie.
Ce n'est pas une chose simple. D'après ce que j'ai entendu jusqu'à maintenant, et j'aimerais savoir ce que vous en pensez, s'il y a des transactions en bitcoins, il faut tout de même qu'il y ait de l'argent. Dans toute entreprise illégale, il y a des gens qui doivent être payés. Les distributeurs et les vendeurs des produits, notamment, doivent être payés. Ils ne vont pas accepter le bitcoin. Ils vont seulement accepter d'être payés en argent. Tôt ou tard, on finit par retracer ces transactions, parce qu'il faut de l'argent au bout du compte.
Est-ce que je minimise l'ampleur de la situation? Peut-être, mais personnellement, je ne crois pas que ce soit un grave problème, du moins, pour l'instant.
M. Cormier : Si vous n'avez pas d'objection, je vais demander à mon ami Drew de répondre à votre question.
M. Kyle : Je suis d'accord avec vous pour dire qu'à l'heure actuelle, la situation n'est pas problématique. Comme M. Cormier l'a dit, il doit forcément y avoir des transactions bancaires. Cependant, on n'a pas besoin d'aller bien loin sur Internet pour trouver toutes sortes de choses qui peuvent être achetées en bitcoins, que ce soit des cafés à Vancouver, des billets de saison pour les matchs de la NBA, et cetera. Je vous donne ces exemples simplement pour vous démontrer que même si cette technologie date d'à peine trois, quatre ou cinq ans, il y a déjà toute une série de produits et services qui peuvent être achetés en bitcoins.
Si je travaille dans ce monde-là, par exemple, si je dirige Silk Road, je n'ai peut-être pas besoin d'utiliser d'autres devises que le bitcoin.
Cette monnaie est de plus en plus acceptée et, chaque jour, on trouve de nouveaux produits qui peuvent être achetés en bitcoins à différents endroits. Est-ce plus difficile? Absolument. Toutefois, à Vancouver, on peut maintenant acheter facilement un café en bitcoins à plus d'un endroit.
Le sénateur Tkachuk : Je comprends, mais qu'en est-il si vous effectuez d'importantes transactions, par exemple, des achats de drogues ou d'armes à feu? Je ne crois pas qu'il y ait un grand marché de bitcoins en Arabie saoudite pour des cafés Starbucks. Vous comprenez ce que je dis?
M. Kyle : Oui.
Le sénateur Tkachuk : Cela représente une infime partie du marché.
M. Cormier : Pour répondre à votre question sur la conversion, c'est un peu comme le blanchiment d'argent. Si je fais du blanchiment d'argent, au moyen de bitcoins ou de vraies devises, je vais probablement le faire à un endroit où la réglementation bancaire est moins stricte...
Le sénateur Tkachuk : C'est un grave problème. Les mauvaises banques.
M. Cormier : Elles ne se trouvent pas nécessairement au Canada.
Le sénateur Tkachuk : Effectivement.
M. Cormier : Probablement dans des centres bancaires extraterritoriaux.
Le sénateur Tkachuk : Si vous me le permettez, j'aimerais poser une dernière question. Si nous réglementons le bitcoin, cela signifie que nous le reconnaissons comme devise, n'est-ce pas? Une fois qu'il sera réglementé, il perdra son attrait de devise illégale. On en inventera donc une autre. On nous a dit qu'il y en avait plus de 500, alors ce sera simplement une autre devise parmi d'autres, avec laquelle nous aurons les mêmes petits problèmes que le bitcoin. Je ne vois pas comment on peut être à l'avant-garde dans ce domaine.
M. Cormier : C'est tout un défi. Si un règlement est mis en place, il faudra s'assurer qu'il s'applique à toutes les monnaies numériques et non pas seulement au bitcoin. On emploie souvent le terme « bitcoin » pour désigner les monnaies numériques. C'est comme appeler des mouchoirs des « Kleenex ». C'est une marque de commerce. Quoi qu'il en soit, la réglementation devra s'appliquer à toutes les formes de monnaie numérique.
Le président : C'est ce qui met fin à la première série de questions. Nous passons maintenant à la deuxième série de questions, et j'ai un sénateur pour ouvrir le bal.
Le sénateur Massicotte : C'est une question stupide. Tout à l'heure, nous nous sommes sentis réconfortés par votre affirmation : que, au Canada, il n'y a pas de problème. En même temps, vous avez reconnu que vous ne saviez que ce que vous saviez et vous avez laissé entendre que nous n'en savons probablement que 10 p. 100. Après votre déclaration réconfortante, tout ce problème me rend encore nerveux, parce que vous pourriez tellement vous tromper. Ce que vous ignorez représente 90 p. 100.
Parlons-en un peu, si vous voulez. Que sait votre organisation sur Bitcoin? À quel point êtes-vous informés? Vous avez dit que, vous-même, vous faisiez des opérations. Avez-vous un portefeuille? Payez-vous vos cafés en bitcoins et ainsi de suite?
M. Cormier : Pas moi. Revenons un peu en arrière, parce que les 10 p. 100 dont j'ai parlé concernaient ce que Drew savait de Bitcoin.
Le sénateur Massicotte : C'est donc lui le spécialiste?
M. Cormier : C'est lui.
Le sénateur Massicotte : C'est un homme marqué. Si nous cafouillons, c'est sa faute, n'est-ce pas?
M. Cormier : Effectivement. Je regarde mon ami Drew. Non. Non, en fait, je faisais allusion à son affirmation selon laquelle il avait l'impression de ne connaître que 10 p. 100 de ce qui se passe vraiment.
Le sénateur Massicotte : C'est lui le spécialiste.
M. Cormier : Il a sûrement étudié plus que moi la question.
Le sénateur Massicotte : Il n'en connaît que 10 p. 100, et c'est lui qui en sait le plus.
M. Cormier : Non. Il en connaît 10 p. 100, mais il n'est peut-être pas celui qui en sait le plus à la GRC.
Le sénateur Massicotte : Je me sens de plus en plus nerveux.
M. Cormier : Nous avons des techniciens préposés aux opérations, qui étudient continuellement l'aspect technique de l'affaire.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous un portefeuille? Faites-vous des opérations en bitcoins? Achetez-vous votre café et votre auto avec des bitcoins?
M. Kyle : Pas moi. Des gens à moi le font pour moi en ce moment.
Le sénateur Massicotte : Vous n'êtes donc pas le spécialiste. D'autres le sont. N'est-ce pas?
M. Kyle : Ils en utilisent pour vrai, effectivement, puis me font un compte rendu pour que je puisse prouver les possibilités, démultipliées ou pas, de ce système.
Le sénateur Massicotte : Avez-vous essayé d'aller sur le marché noir et d'utiliser...
M. Kyle : Je n'en suis pas là, non.
Le sénateur Massicotte : Vos copains qui ont des portefeuilles ont-ils essayé d'acheter des marchandises illicites et ainsi de suite?
M. Kyle : Je ne pourrais pas le dire. Je suis loin d'être le spécialiste de la question. Nous avons des techniciens, comme M. Cormier l'a dit, qui l'ont utilisé beaucoup plus que moi. Je peux parler de l'utilisation opérationnelle que nous en avons faite à des fins d'enquête, ce à quoi nous ne l'avons pas utilisé, ce genre de choses, et l'ampleur de l'utilisation que nous constatons. Ça, je peux en parler.
Nous essayons de mieux comprendre. Je peux dire que des acolytes ont acheté des bitcoins pour moi, qu'ils détiennent et utilisent dans des opérations pour mon compte, pour que je puisse comprendre.
Le sénateur Massicotte : Vous savez que nous avons rencontré certains de ces spécialistes. Que ce sont habituellement des jeunes.
M. Kyle : Absolument.
Le sénateur Massicotte : Plus jeunes que nous. Ils sont assez dégourdis. Ils sont à l'avant-garde de la technologie. Il s'agit bien d'une course.
M. Kyle : En effet.
Le sénateur Massicotte : Je pense que, actuellement, vous êtes en train de la perdre. Peut-être que, avant de nous sentir à l'aise, nous devrions nous dépêcher et nous rattraper. Nous sommes vraiment loin derrière.
M. Cormier : Bien dit! Vous avez raison, en ce qui concerne l'application de la loi. Nous savons qu'on se sert de la technologie. Il nous reste à nous rattraper, absolument.
Une dernière précision, aussi : personnellement, je ne possède pas de portefeuille numérique. Quand j'ai dit que nous en avions, je parlais de la GRC.
Le sénateur Massicotte : Monsieur Peirce, avez-vous un portefeuille?
M. Peirce : Non. J'ai songé à aller au Clock Tower...
Le sénateur Massicotte : Avant la séance?
M. Peirce : Exactement. C'est l'un des problèmes au sujet du bitcoin.
Le sénateur Massicotte : Vérifiez cela. Peut-être que c'est là que se situent les problèmes.
M. Peirce : À ce que je sache, c'est une excellente personne.
La GRC et la police ont une tâche beaucoup plus difficile à de nombreux égards, pour le suivi de la technologie, en raison des nombreuses formes possibles de la criminalité. Pour les besoins de la sécurité nationale, nous suivons des vecteurs très évidents de menace, et je peux dire que, tout comme la GRC, nous disposons d'un certain nombre de jeunes très doués dans ce domaine, qui impressionnent beaucoup. Je peux dire, avec un certain degré de confiance, que nous savons ce que nous voyons et ce que nous ne voyons pas, dans l'utilisation de bitcoins à des fins terroristes, par exemple. Comme il s'agit d'un domaine bien maîtrisé, nous sommes en mesure de dire que nous suivons ces cibles et que nous voyons leurs activités, leurs déplacements, les utilisateurs de cette monnaie. En passant, l'argent, en espèces, en liquide, est actuellement la forme la plus sécurisée de monnaie et la plus difficile à retracer.
Le sénateur Massicotte : C'est anonyme.
M. Peirce : Absolument. Alors nous voyons à quel moment on l'a utilisé et nous pouvons décrire avec une certaine assurance l'ampleur actuelle du problème, qui, en matière de sécurité nationale, est très limité. Mais je n'ai aucune idée de son évolution ni de l'avenir du courrier électronique et du bitcoin. Je n'ai pas de réponse à ces questions.
Le président : Messieurs, vos observations nous ont été très utiles. Vos réponses ont été très franches. Y a-t-il des questions que vous auriez aimé que nous vous posions, mais que nous avons omises ou des observations particulières que vous voudriez communiquer au comité concernant nos délibérations et notre rapport?
M. Peirce : Je voudrais revenir à une observation du surintendant Cormier. Pour les enquêteurs, la principale difficulté provient de la célérité avec laquelle on peut confirmer les indices qu'ils détiennent. L'information nécessaire à l'enquête sur l'utilisation d'une monnaie numérique risque d'arriver trop tard. Et c'est là que se trouvera aussi la difficulté à l'avenir.
Le sénateur Massicotte : Que voulez-vous dire? Que, dans notre rapport, nous proposions que vous achetiez un ordinateur plus puissant? Est-ce bien cela?
Le sénateur Campbell : Un accès plus facile pour pouvoir obtenir l'information.
M. Peirce : La recette, c'est une information accessible plus rapidement. Je ne faisais pas allusion à un type particulier de règlement. C'est la difficulté qui nous attend.
Le président : Messieurs, au nom de tous les membres du comité, je vous exprime notre extrême reconnaissance pour vos témoignages très utiles à nos délibérations. Nous continuerons.
Je remercie les membres du comité. La séance est levée.
(La séance est levée.)