Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 2 - Témoignages du 12 février 2014
OTTAWA, le mercredi 12 février 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 16 h 16, pour étudier la teneur du projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre), dont il a été saisi, et l'ébauche d'un budget.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Bonjour et bienvenue à tous, chers collègues, chers invités et membres du grand public, qui assistez aux travaux du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.
Aujourd'hui, nous étudions le projet de loi C-217, Loi modifiant le Code criminel (méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre). Comme je suis le parrain du projet de loi au Sénat, je ne présiderai pas les travaux du comité. Notre vice-président, le sénateur Baker, a accepté d'occuper le fauteuil pour nos audiences. Avant de lui confier cette responsabilité, je demande aux membres de rester quelques minutes, après la fin des témoignages, pour régler certaines questions touchant les travaux du comité. Sénateur Baker?
Le sénateur George Baker (vice-président) occupe le fauteuil.
Le vice-président : Merci, monsieur le président. Notre président n'en avait pas terminé avec ses observations. Je vais donc en poursuivre la lecture pour qu'elles figurent dans le compte rendu.
S'il est adopté, le projet de loi C-217 érigera en infraction tout méfait commis à l'égard d'un monument commémoratif de guerre ou d'un cénotaphe. Il a été déposé à la Chambre des communes à la dernière session, le 15 juin 2011, mais il n'a pas été adopté avant la prorogation. Il a été rétabli au début de la présente session parlementaire, puis notre comité en a été saisi le 4 février 2014. C'est la première séance que nous lui consacrons.
Nous rappelons à ceux qui nous regardent que les audiences du comité sont publiques et peuvent également être vues via le Web, sur le site web sen.parl.gc.ca. Le site web des comités du Sénat donne de plus amples renseignements sur le calendrier de la comparution des témoins.
Pour entamer nos délibérations sur le projet de loi C-217, je suis heureux de présenter au comité l'auteur du projet de loi, M. David Tilson, député de Dufferin—Caledon. M. Tilson est accompagné du colonel à la retraite Andrew Nellestyn et du sergent d'armes de la Légion d'Orangeville, M. Christopher Skalozub. Nous commençons donc la séance par les remarques préliminaires de l'auteur du projet de loi, qui l'a aussi déposé à la Chambre des communes, M. Tilson.
David Tilson, député de Dufferin—Caledon, parrain du projet de loi : Merci beaucoup, monsieur le président. Je suis heureux d'être ici pour discuter du projet de loi C-217.
Je veux présenter rapidement de nouveau les deux personnes qui m'accompagnent et que vous avez mentionnées. La première est un de mes électeurs, M. Chris Skalozub, d'Orangeville. Il a servi au début des années 1970 dans l'Aviation royale canadienne en sa qualité de technicien médical. Il est actuellement sergent d'armes de la filiale 233 de la Légion, à Orangeville, président du fonds pour le programme de restauration du mémorial et membre du bureau de la Légion à Orangeville. Le colonel Andrew Nellestyn est de Kinburn, en Ontario. Pendant sa carrière militaire, il a été affecté au Canada, au Royaume-Uni, en Égypte, en Allemagne et en Syrie. Il a occupé divers postes dans l'état-major et le commandement, y compris à la BFC Petawawa, à Damas, à Ottawa et au Collège militaire royal de Kingston. Il est aussi membre actif de la filiale 638 de la Légion à Kanata. Ils prendront la parole après moi.
Nos cénotaphes et nos monuments de guerre nous rappellent le sacrifice suprême qu'ont consenti pour nos libertés et notre mode de vie certains de nos concitoyens. Ils nous rappellent aussi le service que nous rendent actuellement nos braves femmes et hommes des Forces canadiennes. Ils représentent une dette que nous avons pour ceux qui ont servi et qui sont morts. Une dette qui ne pourra jamais être totalement effacée.
Il est normal que nous soyons consternés et dégoûtés quand l'un de ces monuments respectés est vandalisé ou profané. Cependant, d'après le Code criminel actuellement en vigueur, ils se rangent dans la même catégorie, pour les peines visant à réprimer le vandalisme, que les boîtes aux lettres, les parcomètres ou d'autres objets quelconques. Monsieur le président, cela est tout à fait déplacé.
Au début de 2008, dans ma communauté d'Orangeville, la ville a prévu la restauration de notre cénotaphe. À la fin d'octobre, une cérémonie solennelle de dédicace a souligné sa remise en état. Ensuite, quelques jours seulement avant le jour du Souvenir, des vandales y ont lancé des œufs. Pour réparer les dégâts, Orangeville a dû débourser plus de 2 000 $. M. Skalozub se souvient très bien de cet acte méprisable, qui a inspiré le projet de loi.
Dans mes recherches sur le phénomène, j'ai malheureusement eu tôt fait de constater qu'il n'est pas isolé. J'ai découvert des dizaines d'actes de vandalisme et d'autres manifestations d'un manque total de respect commis, partout au pays, ces quelques dernières années seulement, que j'ai cités, pour beaucoup d'entre eux, pendant le débat à la Chambre des communes et devant le Comité de la justice.
Dans les 14 mois qui se sont écoulés depuis que le projet de loi a été déposé au Sénat, d'autres actes consternants de vandalisme ont été commis contre les monuments de guerre de partout au pays, de Langley à Calgary, de Windsor à St. John's. À Alliston, à quelques kilomètres de ma circonscription de Dufferin—Caledon, celui qui se trouve à l'extérieur des locaux de la Légion a été barbouillé de graffitis, il y a environ un an, à la consternation des vétérans de la Seconde Guerre mondiale qui l'ont vu et des membres des Forces canadiennes de la base voisine de Borden, qui l'ont visité.
En ce qui concerne le fond du projet de loi, des collègues d'en face, en Chambre et en comité, ont plusieurs fois parlé de justice réparatrice, de liberté de manœuvre des juges, de leur pouvoir discrétionnaire et ainsi de suite. MM. Harris et Cotler, notamment pour lesquels j'éprouve le plus grand respect et qui sont des collègues à la fois expérimentés et savants, se sont opposés aux dispositions du projet de loi C-217 prescrivant des peines minimales obligatoires. D'autres députés ont préconisé l'intégration, dans le projet de loi, de dispositions pour assurer une justice réparatrice et accorder un certain champ de manœuvre aux juges.
Chers collègues, je soutiens qu'ils n'ont rien compris. Rien dans le projet de loi C-217 n'empêche un juge d'assurer une forme de justice réparatrice ou de restitution, d'exiger la présentation de regrets ni d'imposer d'autres sortes de peines. Il pourrait condamner le coupable à donner de son temps à la légion locale pour faire du service communautaire ou même à récurer le monument avec une brosse à dents. Il serait libre de le faire, s'il l'estimait approprié, au cas par cas. Ce serait après que le coupable aurait été condamné à payer, pour une première infraction, une amende de 1 000 $.
Je vous ferai observer, après avoir parlé à des vétérans et à des membres de la Légion, qu'ils ne veulent pas voir les coupables près des locaux des légions. Il est donc visible que cette forme de justice réparatrice, dans bien des cas, ne serait pas appréciée.
Dans son discours au Sénat, la semaine dernière, le sénateur Dallaire s'est demandé si le projet de loi s'appliquerait à quelqu'un qui aurait vandalisé un mémorial à l'extérieur du Canada, comme celui de Vimy. Mon intention, quand j'ai rédigé le projet de loi, était de viser les méfaits commis au Canada. Si, par exemple, un méfait était commis contre le mémorial de Vimy, je suis sûr que les autorités françaises en poursuivraient l'auteur. S'il était canadien, le gouvernement français devrait accepter de l'extrader.
Pour conclure, monsieur le président, je vous invite à penser aux endroits que le public et vous fréquentez, le jour du Souvenir. Par centaines de milliers, les Canadiens se rassemblent à l'un des milliers de cénotaphes et de monuments commémoratifs au Canada. Dans nos communautés, ces monuments occupent un sol sacré. Les noms qui y sont gravés sont ceux de parents, grands-parents, tantes, oncles, sœurs et frères de chacun de nous. En face de l'endroit où nous sommes, il se trouve un cimetière. La Tombe du Soldat inconnu représente en un seul endroit les braves dont on n'a pas pu rapatrier le corps. Chaque cénotaphe et chaque monument de guerre au Canada honore ceux qui ne sont pas revenus. Nous leur devons de protéger ces endroits qui nous sont chers.
Mesdames et messieurs les membres du comité, je vous demande d'adopter le projet de loi C-217 et d'en faire rapport au Sénat pour que nous puissions appliquer les mesures qui aideront à protéger ces endroits qui sont parmi les plus importants de nos communautés. Merci beaucoup, monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, de l'attention que vous m'avez accordée.
Colonel (à la retraite) Andrew Nellestyn, à titre personnel : Monsieur le président, mesdames et messieurs les membres du comité, je vous remercie de m'avoir invité à vous faire part de mes observations personnelles sur le projet de loi C-217. C'est un honneur, pour moi, de comparaître devant vous. Bien sûr, je suis heureux, encore une fois, d'apercevoir mon estimé collègue le général Dallaire, avec qui, dans le passé, j'ai eu de si nombreux contacts.
Je félicite aussi M. David Tilson, le député de Dufferin—Caledon, d'avoir déposé ce projet de loi d'initiative parlementaire, dont la pertinence et l'à-propos emportent l'adhésion de nombreux collègues à moi.
Quand, la première fois, le bureau de M. Tilson m'a approché pour que je participe à ces délibérations, je n'étais pas conscient, si ce n'est de façon très générale, de la mesure dans laquelle ces méfaits pernicieux étaient répandus au Canada, ce pays fier et démocratique qui commémore et salue les sacrifices consentis par ses anciens combattants à la défense de nos libertés et des valeurs qui nous définissent des plus admirablement, nous les Canadiens. En lisant le projet de loi, même si j'étais généralement en faveur, je n'étais pas tout à fait à l'aise avec les mesures proposées pour combattre ces actes de profanation si odieux, particulièrement leur criminalisation. J'ai donc décidé de me renseigner davantage sur l'étendue et la nature des méfaits touchant nos monuments de guerre.
J'ai d'abord voulu rafraîchir mes connaissances sur l'objet des monuments de guerre, des cénotaphes et des autres monuments commémoratifs, tant aujourd'hui que dans le passé. La définition générale d'un cénotaphe, mot que j'utiliserai pour décrire collectivement tous les monuments commémoratifs, pourrait être la suivante : monument érigé en l'honneur d'un individu ou d'un groupe dont les restes reposent dans un autre endroit ou qui ne peuvent pas être retrouvés, particulièrement ceux de soldats tués ailleurs.
Je pourrais aussi ajouter que les monuments servent à rassurer ceux qui ont perdu des êtres chers que leur sacrifice n'a pas été inutile et à rappeler à tous les Canadiens les valeurs que nous chérissons, nous et ceux qui sont allés à la guerre. Depuis des temps immémoriaux et dans différentes cultures, on érige des cénotaphes de diverses formes et tailles, de la simple marque au mausolée le plus complexe. Ils visent à commémorer et à célébrer les sacrifices et le concours de ceux qui ont combattu pour protéger et préserver des valeurs auxquelles on tient, qui définissent les gens et qui étaient menacées.
Les cénotaphes sont réputés être sacrés et ils constituent un lieu de rassemblement pour honorer les morts et leur rendre hommage. Le jour du Souvenir constitue un tel moment et un tel lieu de rassemblement. Chaque année, de semblables cérémonies ont lieu partout dans le monde. Ensuite, sur Google, j'ai fait une recherche sur le vandalisme contre les monuments aux morts et j'ai découvert, à ma consternation, à ma honte, à mon horreur, à mon grand écœurement, que ces profanations ne sont pas des faits isolés mais, et c'est inquiétant, fréquents et répandus au Canada et partout ailleurs dans le monde.
Non seulement le vandalisme est-il endémique, mais il détruit, dégrade ou barbouille, il souille, par exemple par des graffitis, l'urine et des excréments et par une foule d'autres moyens. La profanation de notre Monument commémoratif de guerre du Canada et celle de la Tombe du Soldat inconnu ne sont que quelques exemples de méfaits. M. Tilson en a cité amplement d'autres, sur lesquels je ne donnerai pas plus de détails.
J'ai aussi découvert que les mesures visant à décourager ce comportement déplorable, par exemple le service communautaire, la rencontre d'anciens combattants ou d'autres mesures réparatrices douces, ont peu d'effets. Que faire alors? J'ai dit, au début, que même si j'appuyais totalement l'initiative de M. Tilson pour décourager et faire cesser les méfaits sur nos monuments de guerre, je n'étais pas d'accord pour leur criminalisation et les conséquences de cette criminalisation, comme l'imposition d'amendes de plus en plus sévères ou l'emprisonnement. Après avoir beaucoup réfléchi avec mes collègues, je suis maintenant persuadé que nous n'avons pas tellement le choix, si ce n'est de criminaliser les méfaits contre les monuments de guerre et d'imposer une gradation d'amendes ou l'emprisonnement. Si j'ai bien compris, la modification de la loi ne s'applique qu'aux personnes majeures, des adultes qui devraient avoir la tête sur les épaules.
J'ai consacré une partie considérable de ma vie à l'armée et, par extension, à mon pays d'adoption. J'ai personnellement été le témoin de la brutalité de la guerre, des morts et des conséquences tragiques qui frappent les nations, les peuples et les individus. Je suis né aux Pays-Bas. Mes parents sont partis d'un pays dévasté par la guerre pour aller dans un pays qui offrait énormément de possibilités et qui respectait la liberté, les valeurs, l'honneur, le sacrifice, y compris pour le bien individuel et collectif. C'est pour moi un choc que certaines personnes profanent les monuments de guerre et agissent avec un manque de respect si humiliant pour ceux qui ont tant sacrifié pour servir dans l'armée et protéger la société.
Je suppose que certains répugnent à criminaliser ce comportement dégoûtant et à imposer des amendes ou une peine de prison. Permettez-moi de vous dire que des comportements moins graves sont sanctionnés par le Code criminel et que certains ont des conséquences encore pires. Les méfaits commis contre les monuments de guerre sont graves et odieux; ce sont des actes qui traduisent un manque de respect déplorable pour nos morts et pour les valeurs que les Canadiens chérissent et pour lesquelles le Canada est applaudi dans le monde entier. La permissivité, le peu de sévérité pour la profanation de personnes — les morts sont des personnes — et de la propriété, de même qu'un comportement déshonorant et irresponsable ne respectent pas nos valeurs. On ne peut pas les tolérer.
Qu'arriverait-il si les Chambres du Parlement, les statues qui l'entourent ou la Flamme perpétuelle étaient vandalisées? Quelles seraient les accusations criminelles? Est-ce que la profanation de nos monuments de guerre, consacrés à nos soldats morts mériterait moins? J'appuie donc sans réserve le projet de loi C-217 et je félicite M. Tilson de l'avoir rédigé et déposé. Ces morts nous ont donné leur avenir pour que nous puissions vivre aujourd'hui. Ne l'oublions pas.
Je vous remercie de m'avoir invité à m'exprimer sur cette question déterminante.
Chris Skalozub, à titre personnel : Merci, monsieur le président, mesdames les sénatrices, messieurs les sénateurs. Je suis honoré de vous parler, en ma qualité de Canadien et d'ancien combattant, de ce projet de loi qui me tient à cœur.
Comme M. Tilson l'a dit, nos cénotaphes et nos monuments de guerre sont des lieux importants dans nos communautés, des rappels matériels de notre patrimoine militaire et de notre dette à nos soldats, marins et aviateurs, hommes ou femmes, qui sont morts ou qui ont été blessés en préservant notre liberté. Il importe que nous fassions tout ce qui est possible pour protéger ces lieux que nous avons choisi de réserver à leur mémoire. En ma qualité de président du fonds de la Légion pour le programme de restauration des monuments de guerre, la question est pour moi extrêmement importante. L'incident survenu à un monument qui venait d'être restauré et dédicacé à Orangeville, en 2008, sur lequel on a lancé des œufs, était vulgaire et scandaleux.
Malheureusement, la profanation des monuments de guerre et des cénotaphes est fréquente et choquante. M. Tilson en a mentionné beaucoup d'exemples pendant l'étude du projet de loi à la Chambre. Mais j'aimerais en mentionner quelques-uns de plus, si c'est possible.
En septembre de l'année dernière, à Langley, en Colombie-Britannique, on a dérobé la plaque ornementale de bronze d'un cénotaphe qui commémorait les anciens combattants de la Première et de la Seconde Guerre mondiale. En juillet dernier, à Windsor, en Ontario, on a fracassé les luminaires entourant un cénotaphe, et le vice-président de la légion locale a alors dit au Windsor Star que cet acte de vandalisme constituait plus que de simples dommages matériels. En juin de l'année dernière, des vandales ont barbouillé le Poppy Plaza, rénové au coût de 9 millions de dollars, dans le centre-ville de Calgary, pour la deuxième fois en moins de deux ans. L'un de ses panneaux avait été barbouillé de peinture aérosol. À Toronto, lors du jour du Souvenir de 2012, on a trouvé un slogan raciste barbouillé à la peinture aérosol sur le monument de la Victoire et de la Paix dans le parc Coronation.
En août 2012, un joggeur a découvert un graffiti qui barbouillait le monument de guerre Argyle et Sutherland à Hamilton. Par hasard, c'était un ancien combattant. Il a pris sur lui-même de faire nettoyer les dégâts.
Ici à Ottawa, le monument commémoratif situé à l'extérieur de la légion d'Orléans a été saccagé en août 2012. La statue a été endommagée et repliée.
Deux mois plus tôt, un inukshuk commémoratif dédié à un soldat tombé en Afghanistan a été renversé au quartier général de la Légion royale canadienne à Kanata.
Monsieur le président, il y a eu bien d'autres comportements irrespectueux et déshonorants ces dernières années. C'est hélas bien trop courant au pays. En plus de vandaliser nos monuments commémoratifs de guerre et nos cénotaphes, les responsables portent atteinte à l'intégrité et à la mémoire de ceux qui ont fait le sacrifice ultime — les héros d'hier, d'aujourd'hui et de demain. À mon avis, nos monuments commémoratifs de guerre et nos cénotaphes méritent une protection particulière, et le projet de loi montre clairement que le vandalisme ou les méfaits à l'égard de ces structures entraîneront de graves conséquences.
C'est une bonne chose de reconnaître la supériorité de ces lieux d'honneur par rapport aux biens ordinaires en leur réservant une disposition du Code criminel. Je suis heureux d'appuyer cette initiative, car nous le devons à ceux qui ont sacrifié leur vie, à nos anciens combattants, et à ceux qui sont actuellement au service des Forces canadiennes.
Le vice-président : Nous allons commencer les questions par le parrain du projet de loi au Sénat, M. Bob Runciman, président du comité.
Le sénateur Runciman : Merci de comparaître aujourd'hui.
J'aimerais rapidement revenir sur deux ou trois critiques à l'endroit du projet de loi.
Vous en avez brièvement parlé, monsieur Tilson, mais certains ont dit que le projet de loi empêche un juge d'appliquer les principes de justice réparatrice, c'est-à-dire des conditions visant à sensibiliser le responsable. Vous dites — et je le souligne — qu'aucune disposition du projet de loi n'empêche un juge d'appliquer ces principes.
M. Tilson : Merci, sénateur. C'est vrai. Permettez-moi de répéter brièvement ce que j'ai dit. C'est entre autres parce que nous appliquons ces principes que j'ai déposé le projet de loi à la Chambre des communes. Nous essayons de réhabiliter les jeunes qui saccagent ces lieux, mais nos tentatives restent vaines. Nous cumulons les échecs à ce chapitre.
Le projet de loi n'empêche tout de même aucun juge d'appliquer ces principes. Le responsable doit d'abord payer 1 000 $, après quoi un juge qui le croit bon peut lui ordonner de réaliser des travaux communautaires à la légion ou ailleurs, ou lui imposer toute autre forme de réhabilitation ou d'éducation qu'il juge appropriée. Mais cela n'est possible qu'après le paiement de l'amende initiale de 1 000 $.
J'ai créé le projet de loi dans le but de montrer la gravité du geste. Si vous l'adoptez et qu'il reçoit la sanction royale, j'espère que le public comprendra que ces monuments sont des lieux sacrés qui doivent être traités ainsi.
Le sénateur Runciman : J'aimerais continuer dans la même veine. Vous parlez de ce qui peut se passer après que le responsable ait payé l'amende, mais il est tout de même possible que la Couronne, avant d'aller en cour, parvienne à une sorte d'entente avec l'accusé en prévoyant des mesures de justice réparatrice dans le cas où celui-ci aurait des remords. C'est encore tout à fait possible, n'est-ce pas?
M. Tilson : Il est vrai que le procureur de la Couronne peut inciter le responsable à plaider coupable d'un méfait ou d'une autre infraction en échange de la demande d'une certaine ordonnance au juge. Le procureur peut le faire, mais laissez-moi vous dire qu'il s'attirera les foudres du public.
Je n'essaie pas d'être désinvolte. Nous n'allons certainement pas comparer ces lieux à des boîtes postales ou à d'autres endroits ordinaires — je pense que c'est le mot que j'ai utilisé en exposé. Ces lieux n'ont rien d'ordinaire : ils sont sérieux et sacrés.
Pour répondre à votre question, il est vrai que le procureur de la Couronne peut agir ainsi, mais il risque de s'attirer les critiques du public et peut-être même des médias.
Le sénateur Runciman : J'ai une autre petite question concernant certaines critiques. On a donné l'exemple d'un jeune de 14 ans qui écoperait d'une peine minimale obligatoire; je pense que vous en avez parlé. La disposition ne s'appliquerait pas à une situation semblable, n'est-ce pas?
M. Tilson : C'est la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents qui s'applique aux jeunes de 14 ans. Le projet de loi cible plutôt les personnes majeures. Pour que les mineurs y soient soumis, un autre parlementaire devrait proposer ailleurs une modification à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Selon l'ampleur des dommages et de l'âge du délinquant, un procureur de la Couronne peut aussi transférer l'accusation à un tribunal pour adultes. Il a le droit, mais doit en faire la demande au tribunal. Quoi qu'il en soit, le projet de loi est conçu pour les adultes.
Les jeunes auront-ils conscience des personnes d'une vingtaine d'années ou plus qui commettent ces actes odieux? Je l'espère.
Le sénateur Runciman : À quelle fréquence ces affaires donnent-elles lieu à des poursuites? J'ai lu une bonne partie des extraits distribués aux membres du comité, mais je n'ai rien vu sur les accusations et les peines qui ont été infligées. À quelle fréquence y a-t-il de véritables poursuites?
M. Tilson : Ce n'est pas si courant. Comme toujours, il faut d'abord attraper les coupables. C'est terrible. J'ignore ce que cela signifie, mais les méfaits sont généralement commis aux alentours du jour du Souvenir. Je ne sais pas pourquoi. J'imagine que nous pourrions tous avancer notre théorie là-dessus. Les responsables sont peut-être contre la guerre ou l'armée, mais je n'en ai aucune idée. Les méfaits sont souvent commis la nuit. Si les auteurs sont attrapés, j'espère que la cour prendra vraiment l'affaire au sérieux.
Le sénateur Runciman : Vous avez dit que les coupables sont généralement jeunes. Est-ce une hypothèse de votre part, ou est-ce fondé sur des faits?
M. Tilson : C'est mon hypothèse. Dans le cas du Monument commémoratif de guerre à Ottawa, je pense que le jeune homme avait 22 ans.
Je ne connais pas la proportion des jeunes par rapport aux jeunes adultes; je n'ai pas ce genre de chiffres. J'ai un cartable de coupures de presse d'un bout à l'autre du pays, et il semble que les méfaits sont commis partout. Certains contrevenants sont jeunes, alors que d'autres sont de jeunes adultes.
Le vice-président : J'aimerais rappeler aux membres du comité et à nos auditeurs que nous recevrons des témoins en mesure de nous donner un avis juridique concernant les répercussions exactes de la disposition sur la condamnation avec sursis et d'autres aspects, y compris les infractions.
Le deuxième intervenant est le sénateur Dallaire, qui a lui aussi parlé du projet de loi devant le Sénat.
Le sénateur Dallaire : Bienvenue, messieurs. Vous savez tous les trois présenter vos arguments, et je vous en félicite.
Vous avez également bien présenté notre lien affectif avec le sujet à l'étude, un volet non négligeable lorsque nous nous penchons sur les répercussions de gestes semblables à l'endroit des cénotaphes, des monuments commémoratifs de guerre et du reste, qui traduisent la charge émotive de notre culture et de nos valeurs canadiennes. Vous l'avez très bien démontré.
Ce qui m'inquiète, c'est l'instrument par lequel vous souhaitez atténuer, voire supprimer la possibilité que certains osent profaner nos monuments. Je suppose que c'est votre objectif, et que vous croyez pouvoir l'atteindre au moyen d'une solution musclée plutôt que modérée. Ai-je bien compris?
M. Tilson : Merci, sénateur. Il est vrai que la disposition est plus musclée qu'auparavant. En discutant avec les gens, notamment dans ma circonscription d'Orangeville, de Shelburne et d'Alton, j'ai constaté que les tribunaux ont effectivement été trop cléments dans ces affaires. Peut-être que les jeunes... J'ai déjà employé ce mot; ils peuvent être mineurs ou dans la vingtaine. Ils sont rarement plus vieux, du moins dans les dossiers que j'ai examinés.
Mais l'objectif est bel et bien de renforcer les dispositions actuelles. Et j'insiste sur ce que j'ai dit en ouverture, à savoir que l'infraction n'a rien d'un simple méfait. Les auteurs ont tous été accusés de méfait aux termes du Code criminel, mais je vous assure que ces gestes n'ont rien à voir avec un méfait.
Le sénateur Dallaire : Je n'ai pas de formation juridique, mais j'essaie de me résoudre au fait que votre projet de loi, avec ses peines obligatoires pour tout ce que les tribunaux pour enfants peuvent imposer, s'ils en ont l'occasion, laissera un casier judiciaire. Je me demande si vous croyez que les tribunaux, pour les quelque 3 000 monuments commémoratifs qui se trouvent actuellement d'un bout à l'autre du pays, je crois...
Le sénateur Joyal : Il a dit 6 000.
Le sénateur Dallaire : La Direction de l'histoire et du patrimoine de la Défense nationale en a fait l'inventaire, mais j'oublie le chiffre.
Le nombre de poursuites témoigne du fait que les tribunaux n'accordent pas la même importance aux monuments que celle que vous avez décrite, et ne prennent pas des mesures assez sérieuses pour traduire les coupables en justice comme il se doit. Je pense que c'est votre position, n'est-ce pas?
M. Tilson : Oui, monsieur. Les responsables auront un casier judiciaire. À mes yeux, et probablement aux yeux de la majorité de la population, la question de la libération conditionnelle et inconditionnelle... Vous voulez savoir d'où viennent mes chiffres? Je n'en ai pas; je m'en remets aux personnes avec qui j'ai discuté dans ma circonscription et ailleurs depuis le dépôt du projet de loi. Il faut bel et bien que ceux qui sont reconnus coupables de ces infractions aient un casier judiciaire. Ces gestes sont graves et vont au-delà du simple méfait.
Le sénateur Dallaire : J'ignore combien de questions nous pouvons poser, monsieur le président. Puis-je poursuivre?
Il est intéressant de voir qu'aucune peine obligatoire n'est imposée à ceux qui commettent un méfait à l'endroit d'un bien de culte religieux, mais que vous en faites la demande pour un geste encore considéré comme un méfait, ou éventuellement un méfait à l'endroit de nos monuments commémoratifs de guerre. Il est également intéressant de noter que même si certaines peines obligatoires demeurent, ceux qui sont accusés de conduite avec capacités affaiblies ont la possibilité d'avoir une libération conditionnelle. L'alcool au volant tue des personnes de tout âge et est une infraction commise à tout âge.
Compte tenu de la nature de l'infraction, j'essaie encore de trouver comment l'instrument que vous souhaitez utiliser pour imposer une procédure à notre organisation judiciaire, et plus particulièrement aux juges, vous permettra d'atteindre votre but. J'essaie de comprendre comment vous pouvez être convaincu que c'est en créant une infraction criminelle, pour laquelle les contrevenants auront un casier judiciaire, que vous mettrez véritablement un frein à des infractions qui, à mes yeux, ne sont pas des gestes de profanation et de destruction délibérés. Les gens volent les plaques de cuivre et de bronze pour vendre le métal, ou sont bien souvent sous une influence quelconque. Dans ma ville, les couronnes sont volées chaque année dès que la parade du 11 novembre prend fin. Je ne vois tout simplement pas pourquoi vous voulez passer par cet instrument plutôt que de laisser une plus grande marge de manœuvre au système judiciaire pour qu'il s'ajuste à l'ampleur des infractions en question.
M. Tilson : Vous avez soulevé un certain nombre de points.
Le sénateur Dallaire : J'essaie d'introduire plusieurs questions en douce.
M. Tilson : C'est correct; j'en sais quelque chose.
Vous avez parlé de conduite avec capacités affaiblies. Sénateur, on peut être jeté en prison pour une infraction semblable. On peut se faire saisir sa voiture. Ces peines sévères ont-elles résolu le problème? Il y a encore des incidents, mais les sanctions ont assurément contribué à améliorer la situation. Je n'ai pas les chiffres non plus, et je me fie seulement à ce que je lis dans les journaux, mais les accidents de conduite avec capacités affaiblies semblent avoir diminué, surtout avec la surveillance policière. C'est une infraction grave. Selon les circonstances, ceux qui se font coincer peuvent être incarcérés et avoir un casier judiciaire de conduite avec capacités affaiblies.
Vous avez parlé de la question des églises ou des cimetières civils. À vrai dire, le projet de loi ne s'applique pas à ces lieux. Je me concentre sur les monuments commémoratifs de guerre. Si quelqu'un souhaite proposer un projet de loi, peut-être au Sénat, sur les églises, les synagogues ou les cathédrales, je l'invite à le faire. Pour ma part, j'axe simplement mes efforts sur les monuments commémoratifs de guerre et les cénotaphes. Voilà tout. Il arrive que des églises, des synagogues, des cimetières ou d'autres lieux soient saccagés. Selon les journaux, de terribles dommages semblent être causés aux cimetières juifs en particulier. Je laisse cette bataille à quelqu'un d'autre. Je ne vais pas dans cette direction.
Vous avez terminé en parlant de la question du pouvoir judiciaire discrétionnaire. Je vais répéter ce que j'ai dit en réponse à la même question du sénateur Runciman, si ma mémoire est bonne : le délinquant paie d'abord l'amende de 1 000 $. C'est la première chose qui lui arrive. Le juge a ensuite le pouvoir, s'il croit que c'est avisé, d'imposer une sorte d'éducation ou de programme de sensibilisation, ou encore des travaux communautaires. Le but du projet de loi est de punir les infractions plus sévèrement. Les peines sont sévères. J'ai le sentiment que vous n'êtes pas d'accord, mais je crois qu'elles doivent l'être.
Le sénateur Dallaire : J'ai une dernière question, si vous me le permettez. On peut envoyer un individu en réhabilitation après lui avoir porté un coup de massue, mais je me demande dans quelle mesure il finira par comprendre. L'individu aura tout de même un casier judiciaire et une amende de 1 000 $ à payer.
J'aimerais poser une question à notre cher colonel. Vous dites être de descendance néerlandaise. Ma mère était une épouse de guerre néerlandaise. Je suis né aux Pays-Bas d'un père soldat canadien. Vous savez très bien comment les cimetières canadiens sont vénérés et soignés aux Pays-Bas, et aussi comment on y emmène les enfants. Les valeurs de respect sont incroyables au sein de cette société. Comment se fait-il qu'ils en soient capables alors que nous semblons avoir tant de mal? Le projet de loi vous permettra-t-il vraiment d'atteindre votre but?
Col Nellestyn : Je vous remercie de vos bonnes paroles sur le peuple néerlandais et sur tout ce qu'il fait pour honorer ceux qui l'ont libéré. Je pense franchement que ce dont il est question aujourd'hui, c'est d'honorer ceux qui ont défendu la liberté des autres et qui ont fait des sacrifices. Voilà ce dont nous parlons. J'ignore toutefois pourquoi les Néerlandais sont ainsi, ou pourquoi nous sommes qui nous sommes. Tout ce que je sais, c'est que nous devrions comme eux honorer ceux qui sont tombés et qui se sont battus pour défendre notre liberté et nos valeurs.
Tout comme M. Tilson, je crois qu'il faut marquer le sol d'une limite à ne pas dépasser. Il doit être clair que ceux qui se sont battus, qui sont tombés, qui ont fait des sacrifices et qui ne sont plus capables de gagner leur vie méritent mieux qu'un individu urinant sur un monument commémoratif de guerre.
Si vous me le permettez, monsieur le président, j'aimerais aller un peu plus loin que ce que le sénateur a dit en me parlant du caractère du peuple néerlandais. Vous dites qu'on ne peut pas envoyer un individu en réhabilitation après lui avoir porté un coup de massue. Si c'est vrai, pourquoi y a-t-il des programmes de réhabilitation dans les prisons canadiennes? Nous devrions peut-être les jeter par-dessus bord, eux aussi. Dans tous les cas, certaines personnes peuvent être réhabilitées, et d'autres pas.
C'est un lieu sacré, n'est-ce pas? C'est différent d'une église, n'est-ce pas? Je pense qu'on brouille les cartes ici. Ce dont nous parlons, c'est des monuments commémoratifs de guerre et du respect que l'on doit à ceux qui sont tombés et qui ont combattu pour le pays. Je pense que M. Tilson a bien raison de dire qu'il ne faut pas mêler les pommes avec les oranges et tout mettre sur un pied d'égalité.
Il faut déclarer avec vigueur que ces monuments sont sacrés et que nous n'allons pas fermer les yeux sur les comportements irresponsables et irrespectueux. Nous sommes redevables à ceux qui ont combattu dans les guerres et qui sont tombés au combat. Vous le savez mieux que quiconque, général. C'est le point de vue que bien des collègues et moi-même défendons. Il faut adopter des mesures qui ont du mordant.
Si j'ai bien compris, la réhabilitation peut être accordée après un certain temps à la personne qui a un casier judiciaire, sous réserve de certaines conditions à respecter. Cette personne n'a pas à traîner son casier judiciaire pour toujours, car un mécanisme permet d'obtenir la réhabilitation.
An fond, ces gens ont consenti des sacrifices, ont préservé notre liberté et ont combattu pour nos valeurs, notre prospérité et notre qualité de vie. Nous leur devons le respect et nous devons protéger ces monuments pour refléter leurs sacrifices. C'est tout ce que nous demandons. Pour être franc, je ne pense pas que c'est excessif.
Le sénateur McIntyre : Merci de votre exposé. Monsieur Tilson, je constate dans le projet de loi C-217 que la Couronne peut intenter une poursuite par procédure sommaire ou par mise en accusation. En temps normal, la Couronne va employer la procédure sommaire. Elle va bien sûr recourir à la mise en accusation si les monuments commémoratifs de guerre ont subi des dommages considérables ou s'il s'agit d'un récidiviste.
Pour la procédure sommaire ou la mise en accusation, le projet de loi exige dans les deux cas d'imposer une amende minimale obligatoire ou un emprisonnement minimal obligatoire.
Cela dit, le Comité permanent de la justice et des droits de la personne n'a apporté qu'un amendement au projet de loi C-217. Les membres du comité étaient-ils unanimes là-dessus?
M. Tilson : Oui.
Le sénateur McIntyre : Oui. Donc, tout le monde était d'accord?
M. Tilson : C'est le gouvernement qui a proposé l'amendement, pas l'opposition. Je n'étais pas sur place et je ne me souviens pas si l'appui était unanime, mais à la demande du comité, j'ai indiqué d'avance que j'accordais mon soutien. Honnêtement, je ne sais pas si les membres du comité étaient unanimes.
Le sénateur McIntyre : J'ai remarqué qu'un seul amendement avait été proposé. En connaissez-vous d'autres?
M. Tilson : Non.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Je vais commencer avec un commentaire pour donner suite aux questions du sénateur Dallaire.
Même dans le Code criminel, on fait une distinction entre commettre un assassinat sur un citoyen et un assassinat sur un policier. Les dossiers sont traités différemment.
Les monuments commémoratifs, surtout les monuments militaires, doivent être traités sur un autre plan que les monuments religieux. Je crois profondément que ce sont des monuments qui appartiennent à tous les Canadiens et non seulement aux militaires. Ils appartiennent à la mémoire canadienne. À la mémoire qui reconnaît que les gens ont laissé leur vie pour la démocratie, pour la qualité de vie que nous avons au Canada et pour notre liberté. Lorsqu'on s'attaque à ces monuments, on ne s'attaque pas seulement à la mémoire des militaires qui se sont sacrifiés, mais aussi à la démocratie canadienne. Il est important que ce projet de loi transmette le message que ce sont des symboles et que lorsqu'on s'attaque aux symboles, on s'attaque aussi à la nation canadienne.
Monsieur Tilson, je sais que le projet de loi s'adresse aux monuments, mais je ne sais pas si on fait une distinction à savoir si le monument doit se trouver dans un cimetière civil ou militaire. Fait-on référence à tous les monuments dans toutes les villes canadiennes? Je pense entre autres au centre-ville de Sherbrooke, où plusieurs monuments commémorent les citoyens de la ville de Sherbrooke qui ont sacrifié leur vie lors des deux dernières guerres.
Ce projet de loi touche-t-il tous les monuments dits militaires, qu'ils soient à l'intérieur d'un cimetière militaire ou civil, et les monuments situés dans les villes et villages du Canada?
[Traduction]
M. Tilson : Je vais simplement citer l'article 430(4.11) proposé du projet de loi :
Quiconque commet un méfait à l'égard de tout ou partie d'un bâtiment ou d'une structure servant principalement de monument érigé en l'honneur des personnes tuées ou décédées en raison d'une guerre — notamment un monument commémoratif de guerre ou un cénotaphe —,...
L'accent est mis là-dessus, mais ça pourrait aller plus loin. Voici la suite :
... d'un objet servant à honorer ces personnes ou à en rappeler le souvenir et se trouvant dans un tel bâtiment ou une telle structure ou sur le terrain où ceux-ci sont situés, ou d'un cimetière...
L'objectif, c'est de viser davantage que les monuments commémoratifs de guerre ou les cénotaphes, mais je répète que c'est la portée du projet de loi. Lorsque je parle aux gens dans la rue, je fais référence aux cénotaphes et aux monuments commémoratifs de guerre.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : Cela concerne autant les monuments érigés à la mémoire des militaires qui ont donné leur vie que d'un événement — je pense entre autres à certains monuments qui commémorent le 11 novembre; c'est la fin de la guerre en Europe. On ne fait pas nécessairement référence à des militaires, mais à un événement. Ce type de monuments est aussi visé par ce projet de loi?
[Traduction]
M. Tilson : Le monument peut commémorer la guerre de 1812.
Le sénateur Joyal : Ma première question porte sur l'ampleur du problème que nous voulons régler. Avez-vous des données ou d'autres informations sur le nombre de cénotaphes ou de monuments commémoratifs de guerre qui existent au Canada?
M. Tilson : Je ne suis pas allé jusque-là. Comme je l'ai dit dans l'exposé que j'ai préparé, j'ai pensé à ce projet de loi à cause de l'incident de 2008 qui est survenu à Orangeville. Mais le colonel a parlé de recherches sur Internet. Ce classeur contient des coupures de journaux des 5 ou 10 dernières années. On ne m'a pas fourni de données cumulatives, mais j'ai pas mal voyagé. Il y a un cénotaphe ou un monument commémoratif de guerre dans toutes les collectivités que j'ai visitées, parce que le jour du Souvenir est commémoré même dans les collectivités de moins de 1 000 personnes.
Presque toutes les collectivités au pays ont un monument commémoratif de guerre ou un cénotaphe, parce que les gens qui ont participé à différentes guerres et à différents événements avec nos forces armées viennent des grandes villes comme des petits villages. J'ai une résidence à Burk's Falls, en Ontario, tout juste au nord de Huntsville. Je pense qu'il y a environ 800 habitants depuis 1920. Ça n'a pas changé. Ce village possède un cénotaphe, un monument commémoratif de guerre et la liste des gens morts durant la Première et la Seconde Guerres mondiales. Mais je ne connais pas le nombre de cénotaphes et de monuments commémoratifs de guerre. La question ne s'arrête pas là. Tout méfait qui se traduit par un manque de respect envers ceux qui ont perdu la vie durant divers conflits auxquels nous avons pris part pourrait être visé.
Le sénateur Joyal : Ces monuments pourraient se compter par milliers. Nous n'avons qu'à penser aux nombreux monuments qui se trouvent dans notre province ou notre région. Comme vous avez dit, il existe des milliers de monuments commémoratifs de guerre et de cénotaphes partout au pays.
M. Tilson : Je ne connais pas le nombre exact, monsieur, mais vous avez raison. Tout le monde dans la salle vient d'une grande ou d'une petite collectivité qui possède un cénotaphe ou des monuments commémoratifs de guerre.
Le sénateur Joyal : Avez-vous consulté le rapport de Statistique Canada sur les méfaits commis à l'égard des structures publiques, des monuments commémoratifs de guerre ou des cénotaphes pour connaître l'ampleur des méfaits que vous voulez soumettre à un régime particulier? Mis à part les coupures de journaux que vous recueillez depuis deux ans, avez-vous une idée de l'ampleur du problème que nous voulons régler?
M. Tilson : Je n'ai pas de données scientifiques à vous soumettre, sénateur. Tout ce que je peux dire, c'est que ces lieux sont l'objet de vandalisme année après année, quelque part au pays. Les méfaits semblent se produire peu avant ou après le jour du Souvenir, à l'échelle nationale. C'est aussi ce qui m'a incité à présenter ce projet de loi.
Le sénateur Joyal : Je comprends. Le document de la bibliothèque présente des données de Statistique Canada et indique que 82 méfaits envers des biens religieux en raison de la haine ont été commis en 2008 et autant en 2012. Entre ces deux années, le nombre de méfaits varie et s'élève à 144, 132 et 72 méfaits. Ces chiffres nous donnent une idée du problème concernant les biens religieux, qui sont protégés par le Code criminel comme vous le savez.
C'est pourquoi je veux savoir si c'est devenu un problème répandu dans la société canadienne. Lorsqu'un méfait est commis, il fait toujours la une et tout le monde est furieux de l'apprendre. Puisque des données sur les méfaits à l'égard des biens religieux sont disponibles, comment pourrait-on les comparer avec les méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre ou les cénotaphes?
M. Tilson : Sénateur, comme je l'ai dit, ce projet de loi ne vise pas le vandalisme commis à l'égard des cimetières ou des biens religieux...
Le sénateur Joyal : Non. Le code prévoit déjà des sanctions à ce propos.
M. Tilson : Je n'ai rien prévu là-dessus. Un sénateur ou un député peut décider d'inclure des mesures de ce genre, mais je mets l'accent sur les monuments commémoratifs de guerre et les cénotaphes, dédiés à ceux qui sont tombés au combat.
Le sénateur Joyal : Je comprends. Vous mettez l'accent sur des aspects précis du méfait, mais comme vous le savez, l'article 4.1 du Code criminel prévoit déjà une sanction contre les méfaits liés aux biens religieux. Vous proposez d'ajouter des mesures à cet article du code.
Votre projet de loi fait état de méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre et des cénotaphes. Le paragraphe précédent porterait sur les méfaits à l'égard des biens religieux. À moins que ce ne soit pas votre intention, ces mesures seraient réunies dans le même article du code, sous « Méfaits ». Vous avez dit qu'il ne s'agit pas de méfaits, mais c'est ce qu'indique votre projet de loi. Pouvez-vous préciser votre pensée?
M. Tilson : Je n'ai pas mentionné la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le sénateur Joyal : Je ne vous parle pas de cela. Je fais référence au Code criminel.
M. Tilson : Mais moi, monsieur, je précise que je n'évoque pas la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents ou le vandalisme dans des lieux comme les églises, les synagogues et les cimetières. Ce n'est pas l'objectif du projet de loi. Ce pourrait être justifié, mais le projet a d'autres visées. Quelqu'un d'autre voudra peut-être proposer des mesures là-dessus.
Le sénateur Joyal : Au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles, nous devons bien sûr examiner de façon rationnelle l'ajout d'un paragraphe au Code criminel dans l'article qui porte sur les méfaits, car le juge devra interpréter cet article et comprendre le principe qu'il doit appliquer.
C'est pourquoi je veux comprendre en quoi le paragraphe que vous proposez sur les méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre ajoute à celui sur les méfaits à l'égard des biens religieux, dont les cimetières. Je cherche à comprendre comment le juge ou le procureur de la Couronne, qui devra mettre en œuvre cet article si le Parlement l'adopte, va départager les cimetières de guerre des autres cimetières. Il faudrait savoir ce qui justifie que des peines plus sévères s'appliquent aux cimetières de guerre par rapport aux autres cimetières. Dans les deux cas, il s'agit bien sûr de lieux sacrés où reposent des défunts.
Je me demande comment les deux cas s'équilibrent dans l'article 4.1 du code. Vous proposez d'ajouter le paragraphe 4.1(1). En gros, je veux comprendre le fondement juridique de votre projet de loi pour connaître les conséquences juridiques liées à l'interprétation du juge.
M. Tilson : Monsieur, je ne peux que me répéter. Comme l'indique le résumé du projet de loi, ce texte modifie le Code criminel afin d'ériger en infraction tout méfait commis à l'égard d'un monument commémoratif de guerre ou d'un cénotaphe.
J'aurais pu mentionner les institutions religieuses, les églises, les synagogues, les cimetières ou les jeunes contrevenants, mais ce n'était pas mon intention.
Oui, c'est vrai, j'étais avocat il y a très longtemps. Je suppose qu'un avocat habile pourrait faire la même affirmation que vous. Mais disons-le franchement, le juge va établir au bout du compte s'il s'agit de vandalisme à l'égard d'un cénotaphe ou d'un monument commémoratif de guerre. C'est aussi simple que cela. Sauf votre respect, le juge ou l'avocat brouille les pistes s'il affirme que la question porte sur les églises, les synagogues, les cimetières ou les jeunes contrevenants.
Le sénateur Joyal : Je suis désolé, mais nous avons des points de vue divergents.
M. Tilson : C'est ce que je comprends, monsieur.
Le sénateur Joyal : Parce que nous interprétons le même article du Code criminel. Vous comprendrez qu'il est censé être rationnel. Si le code établit un principe, les tribunaux cherchent en général à appliquer une interprétation cohérente de deux paragraphes consécutifs d'un même article. Je ne veux pas débattre des vertus d'un seul paragraphe, mais comprendre comment garantir qu'il s'agit d'une interprétation complémentaire de ce même article du code. En tant que Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, nous devons examiner les conséquences qui découlent d'un ajout important au Code criminel.
M. Tilson : Monsieur le président, j'ai dit ce que j'avais à dire.
Le vice-président : Monsieur Tilson, je sais qu'il y aura sans doute un vote à la Chambre des communes et que votre temps est peut-être compté.
M. Tilson : Si je dois partir, c'est pour cette raison, pas à cause que je ne vous aime pas.
Le vice-président : Les deux derniers sénateurs qui vous ont posé des questions sont des avocats célèbres, monsieur Tilson. C'est maintenant un ancien agent de police qui va vous poser des questions.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je comprends bien la teneur du projet de loi. On parle d'établir une loi plus sévère, plus musclée et de réhabilitation. Souvent, ce sont des jeunes qui vont s'attaquer à ces monuments. Ils vont le faire spécialement à l'occasion du jour du Souvenir. Corrigez-moi si je me trompe, mais c'est au Memorial d'Ottawa qu'on a organisé une garde d'honneur de 9 heures à 17 heures, je ne sais pas si ça a toujours lieu — pour éviter que ces situations regrettables se produisent. Y aurait-il d'autres mesures à mettre en place pour en arriver à une loi plus musclée, pour sensibiliser les jeunes et faire de la prévention?
[Traduction]
M. Tilson : Je ne sais pas, mais c'est clair que, comme le sénateur Dallaire a dit, ce projet de loi qui prévoit des peines sévères aura un effet dissuasif, s'il est adopté et que tout le monde est au courant. J'espère que ce projet de loi fera réfléchir les jeunes de tous âges, même s'il ne concerne pas la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents.
Le sénateur Dallaire a soulevé la question de la conduite avec les facultés affaiblies. Si on se fait arrêter pour cette raison et selon le contexte, les conséquences seront progressivement plus graves au fil des ans. On va en prison et on se fait saisir sa voiture. Je n'ai pas de données pour le confirmer, mais d'après ce que je vois, ces conséquences ont un effet marqué sur la population. Les gens qui vont boire dans les bars ont toujours un conducteur désigné. Je ne pense pas que c'était le cas il y a 10 ou 15 ans. Les peines qui sont devenues très sévères en cas de conduite avec les facultés affaiblies par l'alcool et les drogues ont un effet dissuasif sur la population. J'espère que ce projet de loi aura le même effet sur ceux qui commettent du vandalisme dans ces lieux, parce qu'ils sont contre la guerre et les militaires ou pour d'autres raisons.
La sénatrice Frum : Monsieur Tilson, vous avez bien expliqué pourquoi les peines doivent être sévères. Vous avez tous été très éloquents. Durant l'élaboration du projet de loi, comment êtes-vous arrivés établir ces peines minimales précises, l'amende de 1 000 $, les 14 jours en raison d'une première récidive et les 30 jours pour les infractions subséquentes?
M. Tilson : Je n'ai pas non plus de données scientifiques à cet égard. J'ai jugé que les peines étaient sévères. Elles étaient censées l'être : 1 000 $ pour la première infraction, 14 jours d'emprisonnement pour la seconde, et 30 jours pour chaque infraction subséquente. Ce sont des peines assez sévères. Ai-je fait une comparaison avec d'autres accusations? Pas vraiment. J'ai simplement tenu compte du fait que ce sont des peines sévères, et elles sont censées l'être.
La sénatrice Frum : Je vais continuer dans la même veine que le sénateur Dagenais. De toute évidence, il faut dissuader les gens de commettre ces actes et essayer de faire de la prévention. Cela ne fait pas partie du projet de loi, mais avez-vous envisagé la possibilité qu'on indique près des monuments principaux que les actes de vandalisme mènent à une peine d'emprisonnement? Avez-vous songé à ajouter cet élément dans le projet de loi?
M. Tilson : Non. Évidemment, ces actes se produisent fréquemment. La fréquence pourrait faire l'objet de débat, mais cela se produit. Tous les jours en novembre, on annonce dans les journaux que de tels actes ont été commis. J'espère que les municipalités et les compagnies d'assurance, par exemple, qui paient pour réparer les dommages proposeront des idées. L'objectif du projet de loi est de pénaliser les auteurs. Je ne suis pas allé aussi loin.
Le sénateur Plett : Monsieur Tilson, je vous remercie de votre présence. Je vous félicite de ce que vous faites. Je n'insisterai pas sur ce point puisque d'autres en ont déjà parlé, mais je veux dire du moins que je souhaiterais moi aussi que le projet de loi porte également sur d'autres monuments. Certains d'entre nous sont d'avis que le projet de loi devrait s'appliquer également à d'autres monuments très importants. Monsieur, vous avez raison de dire que nous pouvons présenter un projet de loi à cet égard. Toutefois, je crois que le projet de loi aurait pu inclure quelques autres monuments. Quoi qu'il en soit, je ne vais pas proposer d'amendement.
J'ai une question. Vous n'avez pas donné beaucoup de statistiques. Les documents que nous avons comprennent une liste d'environ 25 ou 30 cas où des gens ont profané ou vandalisé un monument, ou encore uriné sur un monument, mais ils contiennent très peu de renseignements sur les peines imposées. Dans la plupart des cas, on ne mentionne pas de peine. J'ignore si cela veut dire qu'aucune peine n'a été imposée. Avez-vous des renseignements à cet égard? Encore une fois, pour revenir à ce qu'a dit la sénatrice Frum, au départ, il aurait fallu indiquer quelles peines s'appliquaient et dire que puisqu'elles ne suffisent pas, nous devons opter pour une peine de 1 000 $ parce que 500 $, ce n'est pas assez. Quelles sont les peines?
M. Tilson : Je n'ai pas beaucoup de renseignements à cet égard. J'en ai un peu. Par exemple, à Cornwall, un homme a uriné sur les marches du parc commémoratif de la légion. Il a été accusé, mais les accusations ont été retirées ou on les a laissé tomber parce qu'il était ivre. À Victoria, un jeune de 14 ans a peint des symboles sur le cénotaphe du parc commémoratif. Je ne sais pas s'il a même été condamné. Ce serait fait conformément à la Loi sur le système de justice pénale pour les adolescents. Les événements ont eu lieu en 2008. À Kirkland Lake, un homme a été accusé d'avoir uriné sur un mur commémoratif, mais puisqu'il a participé à un programme de déjudiciarisation, l'accusation de méfait a été retirée. À Ottawa, un homme a uriné sur le Monument commémoratif de guerre du Canada le jour de la fête du Canada. Les accusations ont été abandonnées, l'homme a présenté des excuses et a fait un don de 200 $ à une organisation caritative.
Je pourrais continuer. C'est une autre raison qui m'a incité à présenter le projet de loi. Je trouvais la situation scandaleuse, qu'il s'agisse des tribunaux ou d'autre chose. Je crois avoir dit à quelqu'un d'entre vous que ce qui est difficile, c'est de les attraper, mais ceux qu'on réussira à attraper payeront une amende de 1 000 $.
Le sénateur Plett : Je pense que la plupart des policiers du pays vous diront qu'ils les attrapent, et qu'après qu'ils ont fait tout le travail, les juges les libèrent. Je suis entièrement pour l'idée d'imposer des peines minimales obligatoires. Toutefois, je suis un peu déçu que nous n'ayons pas un peu plus de renseignements. Monsieur le président, je ne sais pas si nous pouvons demander à M. Tilson de fournir à la greffière de l'information sur des peines qui ont déjà été imposées pour que nous puissions faire des comparaisons. Vous avez mon appui.
M. Tilson : Sénateur, je n'ai pas les renseignements que vous demandez en grande quantité. Je peux seulement dire que d'après ce que j'ai constaté, dans les cas où des gens ont été reconnus coupables, les peines infligées ne convenaient pas, à mon avis, et nos anciens combattants sont du même avis.
La sénatrice Batters : Monsieur Tilson, je vous remercie de comparaître devant notre comité sénatorial et je remercie également les deux personnes qui vous accompagnent, qui ont très bien expliqué en quoi il est nécessaire d'adopter le projet de loi. Je suis d'accord avec vous. J'ai consulté les documents de la Bibliothèque du Parlement que nous avons reçus, et je trouve qu'il est scandaleux que ce type de lieu soit vandalisé aussi souvent. Ce sont des lieux vénérés. Monsieur Tilson, vous avez parlé des lieux où l'on va le jour du Souvenir. C'est exactement ce type de lieux. Cela m'a fait penser à un autre endroit spécial sur la Colline du Parlement, soit la Chapelle du Souvenir, un lieu qui rend hommage aux anciens combattants. Chaque jour, les pages du livre contenant tous les noms des anciens combattants qui ont perdu la vie pendant la guerre sont tournées, et les gens peuvent leur rendre hommage dans un lieu très spécial.
J'ai consulté les documents fournis par la Bibliothèque du Parlement, et l'un des événements donnés en exemple s'est produit en juin 2009 dans la ville où j'habite, Regina. Dans un article du Leader-Post on parlait de deux différents lieux qui ont été vandalisés en quelques semaines durant le mois. J'ignore si les actes en question sont liés au Jour J, le jour du Souvenir. L'un d'eux s'est produit à la mi-juin. Un message raciste avait été griffonné sur le monument de guerre à l'ouest de l'édifice de l'Assemblée législative. À peine quelques semaines plus tard, il y avait des graffitis sur le cénotaphe du parc Victoria de Regina. On a décidé d'installer des caméras de surveillance sur les lieux de sorte que si les auteurs des actes essaient de refaire une telle chose, on ait des preuves nous permettant de les retrouver.
Je le souligne pour ma collectivité, mais, monsieur Tilson, je voulais vous demander de revenir brièvement sur les consultations, dont vous avez parlé dans votre déclaration préliminaire, que vous avez tenues avec les anciens combattants de votre circonscription — et d'ailleurs au pays j'imagine — et sur les raisons pour lesquelles ils ne voulaient pas parler à certains des auteurs des actes, ce qui aurait constitué une conséquence à leurs actes. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à ce sujet?
M. Tilson : Les gens à qui j'ai parlé, bien que ce sont surtout des gens de ma circonscription, ont déterminé que si ces gens sont prêts à commettre de tels actes dans des lieux sacrés, ils ne veulent pas d'eux dans leur légion. Ils ne veulent pas d'eux là-bas. S'il faut les réhabiliter, alors que quelqu'un d'autre le fasse. Les dommages causés et les actes de vandalisme nous scandalisent tellement. Nous sommes furieux.
Un ancien combattant de St. Thomas ou de Tillsonburg, je ne m'en souviens pas, a comparu devant le Comité de la justice de la Chambre des communes, et je croyais qu'il allait exploser. Il était tellement scandalisé par les dommages causés à son cénotaphe. Cela faisait six mois, mais il était encore furieux. C'est l'une des nombreuses personnes qui m'ont dit qu'elles ne voulaient pas de ces gens dans leurs légions.
Nul doute que c'est l'une des questions dont il faut parler dans notre société, qu'il s'agisse d'éducation ou de réhabilitation. Tout ce que je peux vous dire, et je n'ai pas de données scientifiques à cet égard — je n'ai parlé qu'à quelques personnes —, c'est que les anciens combattants ne veulent pas des auteurs de ces infractions dans leurs légions. Si les tribunaux veulent les réhabiliter ou leur faire faire des travaux communautaires, il faudra que cela se passe ailleurs.
La sénatrice Batters : Le sénateur Joyal vous a posé une question au sujet des aspects précis du paragraphe que vous voulez faire adopter. En relisant le paragraphe (4.11), je viens de remarquer qu'on décrit le type de biens et qu'on indique ceci par la suite : « servant principalement de monument érigé en l'honneur des personnes tuées ou décédées en raison d'une guerre — notamment un monument commémoratif de guerre ou un cénotaphe ».
Est-ce que c'est cela qu'on veut limiter et est-ce à cet égard qu'on veut guider les tribunaux en ce qui concerne le type de monument dont nous parlons?
M. Tilson : Oui.
Le vice-président : Merci, mesdames et messieurs les sénateurs. Je crois que notre audience tire à sa fin. Si certains sénateurs souhaitent poser des questions dans un second tour, ils peuvent le faire rapidement. Je n'ai qu'une question.
M. Tilson : Comme je l'ai dit, je serai dans le pétrin si je manque un vote.
Le vice-président : Le whip vous critiquera vivement, et vous devez partir.
J'ai une question, monsieur Tilson. Vous êtes le parrain du projet de loi, et je pose ma question en tant que président. Comme vous le savez, des représentants de la Légion royale canadienne comparaîtront devant le comité demain. Je ne sais pas s'ils ont comparu devant le comité de la Chambre des communes, mais je sais qu'il lui a fait parvenir une lettre.
Avez-vous quelque chose à dire au sujet de la position de la Légion royale canadienne qui, d'après ce que je lis dans la lettre, n'approuve pas entièrement les dispositions sur les peines de votre projet de loi? Avez-vous quelque chose à dire à cet égard? Je suis sûr que vous y avez réfléchi.
M. Tilson : Pour l'essentiel, avec tout le respect que je dois au sénateur Dallaire, selon moi, la position de la Légion ressemble à ses observations. Je ne peux que répondre la même chose aux représentants de la Légion, c'est-à-dire que j'exprime respectueusement mon désaccord. Nul doute que bien des gens au Canada n'aiment pas l'expression « peines minimales obligatoires ». Eh bien, ce n'est pas mon cas.
Le vice-président : Monsieur Tilson, vous exprimez votre opinion de façon très directe. Est-ce que quelqu'un veut poser une autre question?
Le sénateur Dallaire : Si vous me le permettez, si une personne vandalise un monument et que nous estimons que son intention était de détruire un monument commémoratif de façon permanente, j'ai été aux commandes dans une garnison qui en comptait des centaines et je peux vous dire qu'à une occasion, des gens en ont peint un au pistolet. Tous les soldats de ma brigade et tous les réservistes — ce qui représente environ 7 000 soldats — étaient bien prêts à sensibiliser cette personne. Je suis donc très étonné que les anciens combattants ne veuillent pas parler à ces gens et essayer de leur faire entendre raison à des fins d'éducation et de prévention, car c'est vraiment là l'objectif : nous voulons éviter que des gens commettent de tels actes.
Ce que je veux dire, c'est que bien entendu, si l'on trouve le vandale, il faut l'envoyer en prison. C'est généralement accepté et j'approuve cela totalement. Toutefois — je reviens sur l'alcool au volant. Même dans ce cas — et vous m'avez tout dit sur les autres aspects. Encore là, il y a une possibilité d'absolution sous conditions, ce que votre projet de loi ne contient pas. Vous vouliez peut-être le faire, pour vous assurer que les gens ne se retrouvent pas avec un casier judiciaire alors qu'ils ont besoin d'être éduqués.
M. Tilson : Non.
Le sénateur Dallaire : Très bien.
Le sénateur Runciman : Je veux seulement apporter des précisions sur le cas où une personne est reconnue coupable de conduite avec facultés affaiblies; il n'y a pas possibilité d'absolution sous conditions ou d'absolution totale. Cela implique que les peines infligées à une personne qui pourraient en tuer une autre en conduisant en état d'ébriété sont moins graves, et à mon avis, ce n'est pas une observation à faire au comité.
M. Tilson : Il y a plein d'avocats dans la salle, mais je suis sûr que d'autres personnes du milieu juridique viendront comparaître et répondre à ces questions.
Le vice-président : Exactement, monsieur Tilson. Les spécialistes comparaîtront devant le comité et nous y reviendrons. Nous connaissons tous la réponse à la question, mais nous y reviendrons.
Nous remercions les témoins. Votre témoignage a été excellent.
Avant d'accueillir notre prochain témoin, je veux rappeler aux membres du comité que nous aurons des travaux à faire, et je vous demande donc de rester quelques minutes à la fin de la réunion.
Dans cette deuxième partie, nous accueillons de nouveau la directrice générale de la Société John Howard du Canada, Mme Catherine Latimer.
Catherine Latimer, directrice générale, Société John Howard du Canada : Je suis très heureuse d'être ici. Comme certains d'entre vous le savent, puisque ce n'est pas la première fois que je viens témoigner, la Société John Howard du Canada est un organisme caritatif communautaire dont la mission consiste à aider à réagir de façon efficace, juste et humaine aux causes et aux conséquences de la criminalité.
Elle compte plus de 60 bureaux de première ligne au pays qui offrent un grand nombre de programmes et de services appuyant la réinsertion sécuritaire des délinquants au sein de nos collectivités et la prévention de la criminalité. Notre travail contribue à rendre les collectivités plus sûres.
Je vous remercie de m'avoir gentiment invitée à venir parler du projet de loi C-217, qui propose des modifications à la partie du Code criminel portant sur les méfaits pour définir une infraction spécifique liée à des méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de guerre et rendre les infractions passibles de peines minimales obligatoires.
Je pense que nous respectons tous les gens qui ont combattu pour nous afin de défendre nos valeurs, et bon nombre d'entre eux sont blessés de voir que des gens posent des gestes disgracieux envers des monuments qui rendent hommage à leur contribution, mais le Code criminel couvre déjà de telles infractions qui sont passibles d'une peine pouvant aller jusqu'à deux ans d'emprisonnement.
Le projet de loi vise à modifier le paragraphe 430(4.11) du Code criminel en créant la nouvelle disposition sur les méfaits à l'égard des monuments commémoratifs de la guerre. Il modifie également les peines prévues pour créer une série de peines minimales obligatoires en cas de récidive, un peu comme celles qui s'appliquent en cas de conduite avec facultés affaiblies. Pour une première infraction, la peine obligatoire serait une amende de 1 000 $. Pour la deuxième infraction, ce serait un emprisonnement de 14 jours et pour chaque infraction subséquente, un emprisonnement de 30 jours. La durée maximale de la peine serait de 5 ans pour un acte criminel et de 18 mois pour une infraction punissable par voie de déclaration sommaire de culpabilité.
J'aimerais souligner que ce régime de sanctions vise habituellement les situations où le taux de récidive est élevé, et rien n'indique hors de tout doute que les gens qui endommagent les monuments commémoratifs de guerre une fois le refont. C'est une étrange structure de peines.
Cela dit, ce projet de loi d'initiative parlementaire est source de préoccupation pour la Société John Howard du Canada pour deux raisons. Premièrement, nous nous demandons s'il respecte les principes du droit pénal et les droits protégés par la Charte. Deuxièmement, nous ne sommes pas certains qu'il constitue une solution efficace au problème.
Pour répondre à la première question, il faut déterminer si ce comportement mérite de faire l'objet d'une définition d'infraction unique. Le cas échéant, devrait-il vraiment y avoir des peines minimales obligatoires? Enfin, si ces peines obligatoires étaient appliquées ne seraient-elles pas disproportionnées, au point de porter atteinte aux droits protégés par la Charte?
Selon les bons principes du droit pénal, on préfère les catégories générales d'infraction à des infractions particulières créées en réaction à des préoccupations, à des nouvelles ou à des hystéries publiques possiblement passagères. Pour qu'une loi commande le respect et l'assentiment publics, elle doit s'appuyer sur une structure rationnelle, cohérente, fondée sur des principes forts plutôt que de prévoir des réponses spéciales à des préoccupations particulières. C'est d'autant plus vrai lorsque les crimes visés entreraient naturellement dans une catégorie de crimes plus générale déjà reconnue dans le Code criminel ou la théorie du droit pénal.
Le droit a évolué, passant d'une concentration étroite sur des particularités infiniment détaillées des perturbations sociales à l'établissement de catégories plus modernes, plus simples et plus rationnelles. Malheureusement, le Code criminel du Canada est déjà criblé de particularismes et affaibli par un manque de respect pour les principes généraux.
Je vais vous donner un exemple qui illustre bien ce type régression atavique à un type de loi obsolète : en plus de criminaliser le vol en général, on criminalise le vol de voiture, les transactions frauduleuses de bétail et même le vol de bois en dérive, qui s'inscrivent dans des catégories distinctes plutôt que d'appartenir à la catégorie générale du vol, pourtant associée à un régime de sanctions permettant de sévir pour réprimer ces comportements.
Ce projet de loi d'initiative parlementaire crée des crimes spéciaux pour des types de méfaits particuliers, poursuivant ainsi cette tradition malheureuse. Il invitera du coup ceux et celles qui accordent de l'importance à d'autres types de monuments à se demander pourquoi ceux-ci ne jouissent pas des mêmes protections spéciales. Des pompiers, des infirmières ou des médecins se demanderont légitimement pourquoi le gouvernement choisit de ne pas accorder la même protection accrue aux monuments commémorant leurs pairs tout aussi courageux, décédés dans l'exercice de leurs fonctions publiques.
Toute une liste de groupes d'intérêts spéciaux viendront réclamer des protections comparables pour leurs monuments.
Un autre principe du droit pénal veut que la peine imposée soit proportionnelle à la gravité du crime et au degré de responsabilité du contrevenant. Les peines minimales obligatoires empêchent les juges d'imposer des peines proportionnelles et sont toujours injustes pour ceux dont la juste peine serait inférieure à la peine minimale obligatoire. La Société John Howard du Canada s'oppose aux peines minimales obligatoires.
Les tribunaux constatent de plus en plus que les peines minimales obligatoires sont disproportionnées et vont à l'encontre des protections prévues par la Charte contre les peines cruelles et inusitées.
Beaucoup de décisions en ce sens ont été rendues depuis que ce projet de loi a été adopté à la Chambre des communes, et je crois qu'il convient particulièrement de souligner le grand nombre de litiges en instance et l'évolution de la jurisprudence sur l'évaluation du juste montant des amendes et leur conformité aux protections de la Charte contre les peines cruelles et inusitées, entre autres choses.
Par exemple, les tribunaux inférieurs indiquent que la suramende compensatoire obligatoire de 100 à 200 $ est excessive pour les démunis.
Il y a des exemples récents de décisions en ce sens. Ainsi, le lundi 3 février, le juge Patrick Healy, de la Cour du Québec, a rendu un jugement de 27 pages, dans lequel il explique soigneusement pourquoi la peine minimale obligatoire était excessive pour une personne démunie contrainte de payer une amende de 100 ou de 200 $.
De même, Eleanor Schnall, une juge de London, en Ontario, a statué en janvier dernier que la suramende compensatoire obligatoire constituait une peine cruelle et inusitée en raison de sa nature excessive.
Divers juges ont déterminé que la suramende compensatoire obligatoire contrevenait à la Charte. L'imposition d'une amende obligatoire de 5 à 10 fois plus onéreuse laisse conclure à l'inconstitutionnalité de ces peines. Le devoir que la loi confère au ministère de la Justice de porter à l'attention du Parlement tout cas de non-conformité à la Charte ou à la Déclaration des droits ne s'applique pas aux projets de loi d'initiative parlementaire, de sorte que les parlementaires n'ont peut-être pas été avisés des risques que présente le projet de loi C-217. Comme la responsabilité du Parlement d'assurer le respect des droits protégés par la Charte prévaut, les peines prévues dans ce projet de loi ne devraient pas être adoptées.
Il faut ensuite nous demander si l'imposition de peines pour une deuxième infraction nous permettra de favoriser le respect des monuments commémoratifs de guerre. Les études montrent assez clairement que l'imposition de peines n'a pas d'effet dissuasif. En fait, l'escalade des peines minimales obligatoires prévue dans ce projet de loi suit déjà une logique selon laquelle la peine minimale obligatoire ne suffira pas pour mettre fin au comportement.
Il existe des programmes fructueux pour aider les personnes trouvées coupables de méfait à comprendre les conséquences de leurs gestes, à éprouver du remords et à éviter de reposer des gestes comparables à l'avenir. Il est probable que certaines mesures extrajudiciaires ou peines à purger dans la communauté soient plus efficaces pour atteindre l'objectif visé dans ce projet de loi. Cependant, le régime des peines minimales obligatoires nous empêcherait d'y avoir recours.
Quoi qu'il en soit, les programmes d'éducation publique ou de sensibilisation sont probablement plus efficaces que l'invocation du droit pénal pour assurer le respect des monuments commémoratifs de guerre. Ils nous éviteraient par ailleurs qu'un jeune écope d'un casier judiciaire pour un geste irréfléchi, qui compromettrait sa contribution potentielle à la société.
Pour conclure, bien que nous soyons favorables à l'objectif de favoriser le respect de nos monuments commémoratifs de guerre, nous sommes d'avis que ces réformes proposées au droit pénal ne nous permettront pas de l'atteindre. Les dispositions actuelles du Code criminel suffisent, et les objectifs de ce projet de loi seraient mieux servis par des programmes adaptés ou des campagnes d'éducation publique que par un régime de peines minimales obligatoires excessives. Ces réformes sont contraires aux principes de base du droit pénal, notamment celui qui consiste à favoriser des descriptions générales plutôt que particularistes des infractions et des peines proportionnelles à la gravité du méfait. Les peines sévères obligatoires proposées dans ce projet de loi vont à l'encontre des protections de la Charte contre les peines cruelles et inusitées et sont probablement inconstitutionnelles.
La Société John Howard du Canada vous enjoint de ne pas adopter le projet de loi C-217. Merci beaucoup.
Le vice-président : Merci.
Le sénateur Runciman : Votre organisation et vous vous opposez-vous systématiquement au concept des peines minimales obligatoires?
Mme Latimer : Nous sommes contre les peines minimales obligatoires, oui.
Le sénateur Runciman : Même dans les cas de la conduite avec facultés affaiblies? Pour les meurtres?
Mme Latimer : Nous nous opposons aux peines minimales obligatoires dans tous les cas. Il y a de très bons exemples de procès pour meurtre dans lesquels les jurés auraient préféré ne pas imposer la peine minimale obligatoire. L'affaire R. c. Latimer me vient immédiatement à l'esprit, non seulement parce qu'elle porte mon nom, mais parce que dans la décision rendue, le jury avait laissé clairement entendre qu'il aurait préféré imposer une peine inférieure à la peine minimale obligatoire. Je pense qu'il serait sage de prévoir une certaine marge de manœuvre dans tous les cas et qu'il serait assez simple d'adopter une disposition pour obliger le juge à imposer la peine minimale obligatoire à moins qu'elle ne constitue une peine excessive, auquel cas il pourrait prononcer une peine plus proportionnelle au crime, en fonction des circonstances particulières en cause.
Le sénateur Runciman : Vous avez parlé de dissuasion. Estimez-vous possible de dissuader les gens de commettre des crimes?
Mme Latimer : Je pense que c'est possible, mais que cela ne dépend habituellement pas de la sévérité de la peine. La probabilité de se faire prendre a généralement un assez bon effet dissuasif. J'ai remarqué que vous aviez parlé de conduite avec facultés affaiblies avec le groupe de témoins précédents et que l'un d'eux soutenait que c'était l'imposition de peines plus sévères qui exerçait la plus grande force de dissuasion, alors qu'il y a beaucoup de preuves qui portent à croire que c'est plutôt la certitude qu'ils vont se faire prendre qui dissuade les gens d'agir plutôt que la sévérité de la peine. Bref, je crois qu'il est effectivement possible d'obtenir un effet de dissuasion, mais qu'il ne vient pas vraiment de la sévérité de la peine.
Le sénateur Runciman : Vous avez fait allusion au concept de la proportionnalité dans votre mémoire. C'est évidemment une chose assez subjective, mais vous laissez entendre qu'une peine de 1 000 $ serait excessive pour profanation d'un monument en l'honneur de nos Canadiens morts à la guerre. Je crois pourtant que la plupart des Canadiens qui ont cette question à cœur — et je pense que c'est la majorité des Canadiens —, ne seraient pas d'accord avec vous.
Mme Latimer : Je trouve que les mots choisis par le juge Patrick Healy dans la décision qu'il vient de rendre dans l'affaire R. c. Cloud sont très éclairants. Il a indiqué que la peine devait être proportionnelle à la nature de l'infraction, mais que les principes de détermination de la peine comprennent l'individualisation de la peine. Si la personne est incapable de s'acquitter de la peine qui lui est imposée, celle-ci devient cruelle et disproportionnée dans son cas.
On veut donc établir une peine proportionnelle à l'infraction, donc une certaine privation de biens et de liberté égale au préjudice causé et au degré de responsabilité du contrevenant, mais il pourrait être malavisé d'imposer des amendes si la personne est incapable de les payer et donc, de s'acquitter du montant de la peine.
Le sénateur Runciman : Que pensez-vous des autres formes d'humiliation possibles? Quelle serait la position de votre organisation à cet égard?
Mme Latimer : Notre mandat consiste à assurer des peines justes, efficaces et humaines. Il y a beaucoup de formes d'humiliation qui ont été utilisées dans l'histoire (le pilori, les lettres écarlates, et cetera), et nous espérons qu'elles sont choses du passé depuis longtemps.
Le sénateur Runciman : Il pourrait y avoir d'autres mesures possibles.
Mme Latimer : Je pense qu'il y en a beaucoup d'autres.
Le sénateur Runciman : Qui pourraient être plus humaines.
Mme Latimer : Il y a l'idée de la justice réparatrice qui consiste notamment à amener la personne à reconnaître le préjudice qu'elle a causé, de manière à susciter un sentiment de honte individualisé, personnalisé, bien différent de l'humiliation imposée par la société à la personne pour ce qu'elle a fait.
Le sénateur Runciman : Est-ce que les peines minimales obligatoires empêchent la Couronne d'accepter d'autres mesures par application de l'article 17, auxquelles aucun casier judiciaire ne serait rattaché si la personne admet sa responsabilité?
Mme Latimer : Habituellement, lorsqu'il y a une peine minimale obligatoire, les autres peines ne sont pas disponibles. Il faut imposer la peine minimale obligatoire. D'autres mesures peuvent s'y ajouter, mais la personne devra tout de même payer une amende. Les autres mesures ne la remplacent pas.
Le sénateur Runciman : L'article 17 ne s'appliquerait donc pas.
Mme Latimer : Non. Il y a cependant d'autres façons de procéder. Par exemple, les juges accordent souvent une absolution sous conditions, et l'une des conditions serait que la personne fasse un don à un organisme de charité en plus de respecter ses autres conditions d'absolution. Son casier judiciaire est alors effacé, et la personne fait un don financier en lien avec son méfait, mais il ne s'agit pas d'une amende en tant que telle.
Le sénateur Dallaire : Je ne vous poserai pas de questions sur des situations extrêmes comme cela semble être si souvent le cas ici. Je vais essayer de rester dans les limites du raisonnable pour décrire le genre de situation en cause ici. Par exemple, savez-vous comment les pays avec qui nous avons une certaine relation, des valeurs et des concepts en commun même, qui ont connu des guerres sur leur propre territoire beaucoup plus importantes que la guerre de 1812 — et je remarque que nous n'avons pas mentionné les plaines d'Abraham et les événements de 1759, qui sont importants —, mais savez-vous comment ces pays gèrent ce genre de situation?
Mme Latimer : Je n'en connaissais pas beaucoup sur le sujet avant de lire vos propres citations dans le journal.
Le sénateur Dallaire : Je ne suis pas certain que ce soit une bonne réponse.
Mme Latimer : Vous êtes beaucoup plus compétent que moi en la matière. Je sais ce qui se fait au Canada, mais je ne sais pas trop comment nous nous comparons aux autres pays à cet égard.
Le sénateur Dallaire : Je vois. Nous savons très bien qu'il doit y avoir quelque 6 000 monuments ici, mais qu'il y en a beaucoup plus là-bas et des beaucoup plus importants. Outre les Américains, qui ont connu récemment une série d'incidents parce que certaines personnes ont délibérément choisi de s'exprimer contre l'effort de guerre en Afghanistan et en Irak, aucun de ces pays n'en connaissait, les Britanniques surtout.
L'autre élément est important, parce que notre société a à cœur les personnes qui s'occupent des autres, les personnes qui sont prêtes à faire un sacrifice, dans des guerres à l'étranger ou même à l'intérieur de notre société, pour qu'elle reste juste et responsable.
Il y a un monument à Québec qui a été érigé en 1889. Il rappelle la mémoire de deux militaires déployés pour combattre un immense incendie dans la ville de Québec. Ils essayaient de combattre l'incendie quand ils sont morts dans l'exercice de leurs devoirs de pompiers. Les pompiers ont donc essentiellement adopté ce monument, même s'il a été érigé en l'honneur de deux militaires. Est-ce que ce projet de loi s'y appliquerait?
Mme Latimer : D'après mon interprétation, non. Il s'agit de deux militaires, mais ils ne sont pas morts des suites d'une guerre.
Le sénateur Dallaire : Merci. Nous avons déployé près de 3 500 soldats pendant la crise d'Oka. Un policier a été tué. Aucun soldat n'a été tué, mais un monument a été érigé en mémoire de ce policier.
En cas d'insurrection dans notre propre pays, si quelqu'un meurt en essayant de prévenir des crises et qu'un monument est créé en sa mémoire, ce monument sera-t-il couvert par ce projet de loi?
Mme Latimer : Je ne le pense pas, à moins qu'il y ait eu une quelconque déclaration de guerre civile ou une autre forme de déclaration qui définirait cette insurrection ou émeute nationale comme une forme de conflit armé. Ces événements s'apparentent pourtant plus à des guerres qu'au simple exercice d'obligations personnelles pour assurer la paix nationale et le civisme.
Le sénateur Dallaire : Chaque année, une grande parade est organisée sur la Colline du Parlement en l'honneur des policiers. J'y suis invité et j'y participe. Je n'ai pas vu de monument en l'honneur des policiers, mais il est assez intéressant de constater qu'on va déployer 4 000 policiers lorsque l'un d'eux est tué. Nous ne pouvons même pas en déployer autant pour un soldat. En fait, pendant longtemps, nous n'avions pas le droit de déployer plus de 10 soldats si l'un d'eux était ramené du combat pour être enterré.
Nous nous épanchons incroyablement pour les gens qui nous protègent, qui portent les armes et vont faire face aux ennemis potentiels de toutes sortes. Ils se mettent en danger pour nous protéger chaque jour. On constate une volonté manifeste de reconnaître que ces personnes travaillent à notre service, et quand elles meurent en fonction, c'est un événement très grave. Si nous nous mettions à ériger des monuments en leur honneur, est-ce que ce projet de loi s'y appliquerait?
Mme Latimer : Non.
Le sénateur Dallaire : Trouvez-vous le biais de ce projet de loi inusité?
Mme Latimer : Je trouve sa définition un peu vague. Par exemple, la pancarte qui annonce l'Autoroute des héros fait partie de l'autoroute, qui peut très bien rappeler la mémoire de personnes mortes au combat. S'agit-il d'un monument protégé en vertu de ces dispositions? Ce n'est pas vraiment un monument au sens classique du terme.
En me déplaçant sur la Colline, j'ai remarqué le cénotaphe, qui serait clairement protégé, mais j'y ai vu toutes sortes de statues, comme celle de Laura Secord et d'autres personnes en uniforme. Je ne suis pas une spécialiste de l'histoire militaire, mais s'agit-il de monuments de guerre? Certaines de ces personnes ne sont pas mortes des suites d'une guerre. Est-ce qu'on peut lancer des œufs vers un monument sans s'exposer à une amende de 1 000 $, mais s'y exposer si on en lance dans l'autre direction?
Il est difficile pour quelqu'un qui se soucie d'essayer de prévenir le crime de comprendre pourquoi le jeune ou la personne qui se défoule sans avoir vraiment l'intention... Je ne pense pas que ces personnes comprennent vraiment les conséquences de leurs gestes, qu'ils se rendent compte qu'ils blessent les anciens combattants, qui les voient comme un manque de respect. Il est difficile de leur expliquer pourquoi tel monument est plus sacré que l'autre.
Le sénateur Plett : Je vous remercie d'être ici. Ma première question sera un peu ironique, mais est-ce ce que vous ne comprenez pas dans le projet de loi que vous n'appuyez pas ou ce que vous comprenez dans le projet de loi que vous n'appuyez pas?
Mme Latimer : Je n'appuie pas ce que je comprends dans ce projet de loi.
Le sénateur Plett : Nous savons tous que même ce projet de loi permet la négociation de plaidoyers avec le procureur; nous en avons discuté avec le dernier témoin. Si un jeune ivre pose un geste sur le moment, que c'est un incident isolé, le procureur peut proposer de ne pas porter d'accusations si le jeune accepte de faire des travaux communautaires.
Vous dites qu'il n'y a pas beaucoup de récidives observées dans le domaine et que s'il n'y a pas beaucoup de récidives, la gradation des peines minimales obligatoires ne serait pas vraiment pertinente. Cela ne fait pourtant pas de tort qu'il y en ait, parce que nous avons besoin de quelque chose en cas de récidive. Est-ce que ces peines sont trop sévères? C'est une autre question.
À mon avis, les peines minimales obligatoires proposées sont assez minimes pour un crime que le public en général trouve assez offensant. Pour cette raison, je n'ai pas l'impression que les peines minimales obligatoires posent problème ici.
Voici ma question : pouvez-vous me donner un exemple — et je pense que le sénateur Runciman en a parlé un peu — où une personne qui vous semblerait totalement saine d'esprit, sobre, de 25 ans (pas une personne mineure) irait intentionnellement profaner un monument de guerre, afficher un total manque de respect? Pouvez-vous me dire quelle serait la peine juste à imposer? Je sais que vous allez simplement me dire que vous êtes contre les peines minimales obligatoires. Mais une peine de 1 000 $ serait-elle vraiment si sévère? Dans l'affirmative, en quoi consisterait une peine juste?
Mme Latimer : Pour déterminer si la peine de 1 000 $ est trop sévère, il faut évaluer la capacité de payer de la personne. Les amendes minimales obligatoires sont parmi les plus complexes à déterminer, parce que le crime est tellement associé à la pauvreté.
Pensons par exemple à un itinérant qui dort autour d'un cénotaphe parce qu'il y a des bouches d'aération qui créent un peu de chaleur et qu'il n'a aucun autre endroit où aller. Il n'a pas accès à des toilettes publiques. Si l'appel de la nature se fait entendre et que la personne se fait prendre, ce qui est probable, elle s'expose à une amende de 1 000 $. La suramende compensatoire obligatoire s'ajouterait ensuite à cette amende de 1 000 $, parce qu'il faut y ajouter 30 p. 100 de l'amende imposée, pour un total de 1 300 $. Partout au pays, les juges nous disent qu'une suramende compensatoire de 100 $ est excessive dans bien des cas.
Quand on additionne tous ces montants, on en arrive à une peine assez lourde pour une personne qui vit de l'aide sociale, qui souffre d'invalidité ou je ne sais trop quoi.
Je vous invite à lire le jugement rendu dernièrement dans l'affaire R c. Cloud par le juge Patrick Healy sur les suramendes compensatoires. Il est clair que la peine imposée dans ce cas n'était pas démesurée par rapport à la gravité de l'infraction, qui comprenait un méfait. On parle ici d'un méfait conjugué à une agression armée. Le juge a pourtant constaté que la suramende compensatoire proposée était excessive en raison des circonstances financières de la personne et non de la gravité de l'infraction. C'est la capacité individuelle de l'accusé de la payer qui était en cause.
Le sénateur Plett : Cela ne répond sûrement pas à la question que je vous ai posée, parce que nous savons très bien que la personne pourrait s'être tournée dans une autre direction, à ce moment-là. Nous avons tous dormi à la belle étoile et fait nos besoins derrière un arbre. La personne n'urine pas forcément directement sur le monument.
Je parlais d'un homme de 25 ans en parfaite santé qui a les moyens financiers, tandis que vous avez pris comme exemple un pauvre sans-abri qui dormait près du monument. Ce n'était pas la question.
Mme Latimer : Quelle est la situation financière de cette personne de 25 ans?
Le sénateur Plett : Le fait est que s'il ne paie pas l'amende, il pourrait aller en prison au lieu de payer l'amende. Ma question est la même : quelle sanction serait acceptable dans le cas de cette personne, à votre avis?
Mme Latimer : Beaucoup de facteurs doivent être pris en compte; voilà pourquoi la Société John Howard aimerait qu'il y ait un pouvoir judiciaire discrétionnaire pour l'évaluation de ce qui constitue une sanction juste.
Supposons que notre homme ait un dossier bien rempli sur le plan de la violence, du vandalisme ou des méfaits — peu importe — et qu'il ne s'agit pas de sa première infraction. Dans ce cas, l'amende de 1 000 $ ne serait pas inappropriée.
Une amende de 1 000 $ pour une première infraction de vandalisme ou de méfait serait plutôt sévère comparativement aux sanctions habituelles.
Le sénateur Plett : Permettez-moi d'abord de dire que j'appuie l'idée voulant que le projet de loi soit élargi de façon à inclure certains monuments, ce que j'ai indiqué aux témoins précédents. Or, ce n'est pas ce que l'on nous présente.
La Société John Howard appuierait-elle le projet de loi si tous les groupes que vous avez suggérés y étaient inclus?
Mme Latimer : Je pense que la Société John Howard serait probablement favorable au maintien des dispositions actuelles du Code criminel assorties de programmes d'aide et de mesures de sensibilisation du public visant à faire comprendre pourquoi le vandalisme des monuments de guerre est nuisible.
Connaissons-nous les auteurs de ces actes de vandalisme? J'ai une formation dans le domaine de la justice pour les jeunes. En général, il s'agit de jeunes qui sont en colère et qui s'en prennent particulièrement à quelque chose qui revêt une grande importance pour d'autres. Donc, ce n'est pas nécessairement contre eux. Ils choisissent quelque chose qui causera un choc ou qui leur permettra de faire connaître leur colère plus facilement. Il faut vraiment combattre cette colère et s'assurer qu'elle n'est pas exprimée d'une façon qui entraîne une détresse psychologique chez des gens qui estiment qu'on leur manque de respect.
Le sénateur Plett : Une amende minimale de 1 000 $ aurait aussi un effet de choc.
Le sénateur Joyal : Soyez la bienvenue, madame Latimer. Vous avez parlé de l'article 430(4.1) du code, qui porte sur un méfait à l'égard d'un bâtiment religieux.
Mme Latimer : L'article plus général sur le méfait, oui.
Le sénateur Joyal : Je ne parle pas de l'article 430(1), qui porte sur le méfait en général, mais d'un méfait à l'égard d'un bâtiment religieux.
Le point qui me pose problème par rapport au projet de loi, c'est qu'au paragraphe (4.1) s'ajoute le paragraphe (4.2), qui traite de deux éléments de la réalité, c'est-à-dire un cimetière. Si ce cimetière fait l'objet d'un méfait lié à un culte religieux, il faut prouver que l'auteur du méfait était motivé par des préjugés ou de la haine fondés sur la religion, la race, la couleur ou l'origine nationale ou ethnique. Immédiatement après ce paragraphe, il faudrait en ajouter un autre dans lequel on préciserait qu'il n'est pas nécessaire que le méfait soit motivé. Le crime, c'est le méfait en soi.
Dans la réalité, beaucoup de ces cimetières ont une section pour les soldats et une section pour les civils. Cela signifie que pour un même méfait, il faudrait, pour une partie du cimetière, prouver que le méfait était motivé par un préjugé pour être passible d'un emprisonnement maximal de 10 ans, tandis que dans l'autre partie, l'auteur recevrait immédiatement une amende de 1 000 $. Si le méfait n'est pas motivé par la haine fondée sur la religion ou quelque autre motif, l'auteur serait passible des sanctions prévues à l'article 430(4.1) sur le méfait.
J'ai essayé de poser la question au parrain du projet de loi, parce qu'il me semble qu'on se retrouvera avec trois sanctions distinctes pour un même acte, au même endroit et un même bâtiment. Il me semble que lorsqu'une personne présentera des arguments en cour pour expliquer ce qui les distingue, le juge tiendra compte des différences relatives aux sanctions pour déterminer si cette sanction est conforme ou non à la Charte. Le juge examinera l'article 430 dans son intégralité pour évaluer la sévérité des sanctions.
À mon avis, c'est la question juridique sous-jacente au projet de loi et il ne fait aucun doute que le procureur de la Couronne sera confronté à cette situation, où il devra choisir l'une des trois sanctions prévues à l'article 430. Cela me semble être un aspect concret très important du projet de loi qui pourrait, bien entendu, dépasser l'intention de son parrain. Je ne remets pas en question l'intention du projet de loi, mais le code est ainsi rédigé, et son application se fera en fonction de son libellé.
Mme Latimer : Je pense que vous soulevez un point fort pertinent. Je crois que c'est là un des problèmes des projets de loi d'initiative parlementaire : ils ne font pas l'objet d'une analyse poussée quant à leur intégration à l'ensemble du Code criminel avec lequel il faut composer. On obtient donc des incohérences flagrantes.
Cela soulève des questions très importantes. Par exemple, que considère-t-on comme un méfait? Si des pacifistes plaçait devant un monument commémoratif une affiche sur laquelle on aurait écrit « ne tuez pas en mon nom » ou exprimant leur pacifisme devant ce que certains considèrent comme un monument militariste, on serait généralement porté à croire que ce serait visé et protégé par l'argument de la liberté d'expression, mais dans ce cas, puisque le projet de loi ne contient aucun élément sur le motif sous-entendu — que l'on pourrait facilement inclure dans le projet de loi, tout comme la dissidence, les discussions ou les manifestations légitimes —, ces gens pourraient avoir à payer une amende de 1 000 $.
Le sénateur Joyal : Dans mon examen du fondement des décisions antérieures en matière de sanctions, le fait que nous augmentons la sévérité des sanctions pour cette infraction en fonction des dommages qui sont causés exactement au même endroit est quelque chose dont les tribunaux tiendront certainement compte lorsqu'ils devront déterminer si la sanction est trop sévère.
Essentiellement, c'est le même cimetière. Il y a une ligne invisible qui sépare la partie de gauche et celle de droite. Dans un cas, pour une partie du cimetière, il faudra prouver la motivation — l'antisémitisme ou le fait qu'il s'agissait d'un réfugié, par exemple —, tandis que de l'autre côté, on aura le simple fait d'avoir renversé une croix. D'une part, il faudra prouver l'antisémitisme; d'autre part, le simple fait de renverser une croix est considéré comme plus grave. Il me semble n'y avoir aucun équilibre entre le motif de haine pour un type de crime dans un endroit identique et l'autre aspect du méfait, qui est peut-être essentiellement la destruction ou, comme on pourrait dire, une autre forme de méfait que l'on pourrait avoir commis dans cette partie du cimetière.
Voilà pourquoi j'estime que nous avons là quelque chose qui entraînera des problèmes quant à l'interprétation des tribunaux et qui sera contesté. Dans un tel cas, le procureur de la Couronne choisira peut-être d'intenter des poursuites en vertu de l'article 430(1), ce qui sera plus facile et ne nécessitera pas de tenir compte des nuances entre les articles 430(4.11) et 430(1.1).
Je pense que cela posera problème. Cela ne fait aucun doute. Même si je suis d'accord avec l'objectif général qui consiste à viser le problème de la destruction de cénotaphes militaires ou de monuments aux morts, j'estime que la façon dont on cherche à le faire dans cet article du Code criminel ne permettra pas d'atteindre l'objectif du parrain du projet de loi en raison de l'interprétation de cet article, qui est complexe.
Le vice-président : Autrement dit, l'intention coupable devient un acte coupable, tout comme une infraction réglementaire dans le projet de loi. L'intention coupable est prouvée par l'acte coupable.
Mme Latimer : Vous n'avez pas à prouver l'intention malveillante.
Le vice-président : Ce qui est contraire à la première partie de la version actuelle du Code criminel, la partie qui précède cet article. Je savais que c'était ce que vous vouliez faire valoir.
Le sénateur Joyal : Nous demanderons à des avocats de venir nous éclairer à ce sujet, car cela entraînera vraiment des problèmes d'ordre juridique.
Le vice-président : Vous êtes un des meilleurs avocats qui soient.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Merci, monsieur le Président, madame Latimer. Avant de poser ma question, j'aimerais dire au sénateur Dallaire, pour qui j'ai un très grand respect, que j'ai participé à la fameuse cérémonie des policiers morts en devoir. Le mémorial est situé juste à côté de l'édifice du Centre, et porte le nom de tous les policiers. On ira le voir ensemble, sénateur Dallaire.
Je ferai référence à l'argumentaire que le sénateur Boisvenu a présenté aux témoins précédents. Quand un policier est assassiné, le prévenu arrêté est accusé de meurtre au premier degré, mais il y a une différence : c'est un meurtre. Toutefois, parce qu'il s'agit du meurtre d'un policier, la peine est beaucoup plus sévère.
Un exemple n'est jamais parfait, mais j'aimerais faire un parallèle. Si vous profanez un monument dans un cimetière, c'est une chose, mais si vous profanez un monument de guerre, vous vous attaquez à un symbole. La peine alors ne devrait-elle pas être plus sévère?
[Traduction]
Mme Latimer : Vous soulevez un point intéressant, et c'est la définition de tort. Il y a sans doute un tort lorsqu'il s'agit de quelque chose qui est lié à notre sens des valeurs, mais en droit pénal, le tort est plus grave habituellement si la personne lésée souffre.
Frapper un ancien combattant serait beaucoup plus grave que s'il s'agissait d'un acte où l'on dévalorise une chose à laquelle les anciens combattants accordent une grande importance. Il est difficile de juger de la gravité d'un tort s'il est question de valeurs plutôt que d'un acte qui entraîne des blessures physiques. Je n'en suis pas tout à fait certaine. La raison pour laquelle nous valorisons les policiers, c'est qu'en général, lorsqu'on parle de meurtre au premier degré, ils ont été tués dans l'exercice de leurs fonctions. Ils mettent sciemment leur vie en danger pour protéger quelqu'un ou pour assurer la paix. Ce n'est pas la même chose que de dire que nous valorisons nos anciens combattants parce qu'ils nous ont défendus pendant une guerre et que par conséquent, quiconque commet un acte de profanation à l'égard de ce qu'ils valorisent commet une infraction plus grave que si l'infraction visait quelque chose qui est valorisé par les survivants de l'Holocauste.
Lorsque l'on entreprend une telle particularisation, vous constaterez que beaucoup de gens se manifestent. Il n'y a pas de monument commémoratif si personne ne se soucie de ce qui s'est passé à un endroit donné. Tous considéreraient que l'on a commis une infraction contre leurs valeurs si l'on avait profané ce monument précis. Je ne sais pas vraiment comment on peut affirmer que ce qui tient à cœur aux anciens combattants est plus important ou moins important que ce qui importe aux survivants d'une attaque terroriste, comme un monument commémoratif pour le 11 septembre ou le vol d'Air India. C'est très difficile.
La sénatrice Batters : Premièrement, je dois dire que j'ai été quelque peu choquée par quelque chose que vous avez dit plus tôt. Honnêtement, je ne pouvais en croire mes oreilles lorsque vous avez dit qu'une personne pouvait avoir eu soudainement envie et, faute d'accès à une toilette publique, aurait utilisé un cénotaphe ou un monument aux morts alors qu'elle pouvait parfaitement choisir un autre endroit dans cet énorme parc. Je trouve cela très offensant. Je suis désolée.
Ma question porte sur un programme de solution de rechange à l'amende et le fait qu'il s'agit d'une solution offerte dans beaucoup de provinces. Malheureusement, ce n'est pas le cas en Ontario. La Société John Howard exerce-t-elle des pressions sur le gouvernement libéral de l'Ontario pour qu'il mette en place un programme de solution de rechange à l'amende pour les gens qui n'ont peut-être pas les moyens de payer une amende minimale obligatoire relativement importante?
Mme Latimer : Venez-vous de la Saskatchewan?
La sénatrice Batters : Oui.
Mme Latimer : En Saskatchewan, la Société John Howard offre un programme de solution de rechange à l'amende, mais comme vous le savez, le gouvernement provincial doit donner son aval.
Nous travaillons avec les gouvernements provinciaux pour essayer de mettre en œuvre — de façon efficace — certaines des dispositions les plus récentes qui entraînent d'importants problèmes, comme la suramende compensatoire, qui pourrait être visée par l'intermédiaire d'un programme de solution de rechange à l'amende. Toutefois, comme vous le soulignez, beaucoup de provinces n'ont pas de programme de solution de rechange à l'amende. Je crois que c'est le cas de l'Ontario, de la Colombie-Britannique et de quelques autres provinces. Les gens ont beaucoup de difficulté à trouver une solution de rechange.
La sénatrice Batters : Essayez-vous d'inciter le gouvernement ontarien à mettre ce programme en place?
Mme Latimer : La Société John Howard de l'Ontario serait l'endroit indiqué pour obtenir une réponse à cette question, mais les directeurs des sections provinciales de la société se sont réunis pour déterminer quels arguments permettraient de persuader les gouvernements que les programmes de solutions de rechange à l'amende seraient une approche rentable comparativement à toute autre mesure pouvant être utilisée en cas de défaut de paiement.
La sénatrice Batters : Selon vous, le programme de solutions de rechange à l'amende est-il une bonne option pour les gens pris dans une telle situation?
Mme Latimer : Oui, mais si vous parlez de la suramende compensatoire...
La sénatrice Batters : Je ne parlais pas de cela.
Mme Latimer : Les programmes de solutions de rechange à l'amende, en général? Oui, tout à fait.
Le vice-président : C'est là-dessus que se termine la séance du comité. Madame Latimer, merci d'être venue aujourd'hui. Comme toujours, ce fut un excellent exposé et nous avons beaucoup appris.
Je demanderais aux membres du comité de rester pour une minute; nous devons traiter de travaux du comité. Merci.
Quelqu'un pourrait-il présenter la motion suivante? Que le comité approuve, aux fins de présentation au Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, une demande de budget de 7 894 $ pour l'exercice se terminant le 31 mars 2014, dont un montant de 4 394 $ pour permettre au comité de se déplacer à Brockville et 3 500 $ pour les frais généraux.
Plaît-il au comité d'adopter la motion?
Des voix : D'accord.
Le vice-président : La motion est adoptée.
Nous devons maintenant étudier un projet d'ordre du jour. Le comité de direction a prévu que le comité entreprendra un examen et propose ce qui suit : premièrement, la Loi référendaire, comme vous le voyez, soit l'examen législatif de la Loi modifiant la Loi référendaire.
Le sénateur Joyal : S'agit-il du référendum lié au Québec ou à la prochaine élection?
Le vice-président : L'article 40(1), l'examen de la loi. Est-ce un examen législatif quinquennal? Il aurait dû être fait en 1995, mais il a simplement été oublié par la Chambre des communes.
Quelqu'un peut-il proposer la motion qui suit?
Que le président soit autorisé à demander au Sénat d'approuver l'ordre de renvoi suivant...
Et pour répondre à votre question, sénateur Joyal, oui, c'est ce que vous souhaitez que l'on examine.
La sénatrice Batters : J'ai une question à ce sujet. Je me demande si nous devons le faire aujourd'hui, ou si nous pouvons réserver un peu de temps pour en discuter à la prochaine réunion, étant donné que je n'en ai pris connaissance que cinq minutes avant la réunion.
Le vice-président : Le comité de direction a étudié la question en profondeur, mais c'était à huis clos. Souhaitez-vous remettre cela à plus tard?
La sénatrice Batters : Pourrions-nous simplement reporter cela à la prochaine réunion? J'aurais deux ou trois questions à ce sujet, en privé.
Le vice-président : À la demande de la sénatrice Batters, nous pouvons attendre. Cela convient-il au comité?
Le sénateur Joyal : Oui. J'appuie la sénatrice Batters.
Le vice-président : Elle pourra examiner cela avec son esprit d'avocate.
Le sénateur Joyal : Nous pourrions remettre cela à demain.
Le vice-président : Demain?
Le sénateur Joyal : Oui.
Le vice-président : Nous en discuterons après la réunion de demain.
Le sénateur Joyal : Ou dans deux semaines.
Le sénateur Plett : Je pense que le sénateur Joyal a parlé de demain soir... ce n'est pas demain soir.
Le vice-président : Non, non; demain matin. Demain, à 10 h 30, nous accueillons les représentants de la Légion royale canadienne, de la Commission des sépultures de guerre du Commonwealth, de la Criminal Lawyers' Association et du Conseil canadien des avocats de la défense. Nous nous verrons donc demain.
La séance est levée.
(La séance est levée.)