Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles
Fascicule 24 - Témoignages du 10 décembre 2014
OTTAWA, le mercredi 10 décembre 2014
Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur), se réunit aujourd'hui, à 16 h 17, pour étudier le projet de loi.
Le sénateur Bob Runciman (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président : Je souhaite la bienvenue aux membres du comité, aux invités et aux membres du public à la séance d'aujourd'hui du Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles. Nous entamerons aujourd'hui notre étude du projet de loi C-525, Loi modifiant le Code canadien du travail, la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique (accréditation et révocation — agent négociateur), qui propose des modifications en vue d'exiger que l'accréditation à titre d'agent négociateur des syndicats de la fonction publique ou des syndicats d'employés de secteurs sous réglementation fédérale et la révocation de l'accréditation fassent l'objet d'un scrutin secret.
Le projet de loi C-525 a été présenté à la Chambre des communes en juin 2013 par M. Blaine Calkins, le député de Wetaskiwin, en Alberta. La Chambre des communes a rétabli le projet de loi au début de la présente session. Il s'agit de notre première séance à ce sujet.
Je tiens à rappeler à ceux qui nous regardent que les séances du comité sont ouvertes au public et qu'elles sont diffusées sur le site web du Parlement, parl.gc.ca. Vous trouverez plus de détails sur les témoins en consultant le site web sous la rubrique « Comités du Sénat ».
Pour notre premier panel, nous avons le plaisir d'accueillir le parrain du projet de loi, le député Blaine Calkins. Nous commencerons la séance par votre exposé. Vous avez la parole, monsieur.
Blaine Calkins, député, Wetaskiwin, parrain du projet de loi : Merci, monsieur le président. C'est vraiment un privilège pour moi de témoigner devant un comité sénatorial. C'est ma première fois. C'est mon baptême. Je suis normalement assis à votre place en tant que membre d'un comité permanent de la Chambre des communes ou d'un comité mixte en compagnie de collègues du Sénat.
Monsieur le président, j'aimerais seulement préciser que cela se prononce Wetaskiwin. C'est un mot cri qui veut dire « les montagnes où la paix fut faite ».
Le président : Désolé.
M. Calkins : Il n'y a pas de mal. Dans notre coin de pays, nous disons tout simplement Wetaskiwin, et cela semble être suffisant pour le reste d'entre nous.
Je me dois de mentionner que les autos coûtent bel et bien moins cher à Wetaskiwin; notre petite ville est reconnue pour son boulevard des concessionnaires automobiles.
Chers sénateurs, c'est un privilège pour moi de venir témoigner devant votre comité pour vous parler du projet de loi C-525, la Loi sur le droit de vote des employés. C'est quelque chose qu'ont porté à mon attention certains électeurs de ma circonscription et des gens avec lesquels j'ai eu l'occasion de discuter, et ce, même avant mon élection au Parlement. On m'a rapporté que des employés partout au Canada de tous les échelons ont souvent le sentiment de ne pas vraiment avoir de voix dans les négociations et les discussions entre le syndicat et l'employeur. La Loi sur le droit de vote des employés vise à renverser cette situation et à redonner le pouvoir à qui de droit, selon moi, soit aux travailleurs, qu'il soit question de l'accréditation d'un syndicat ou de sa révocation en suivant un même processus. Mon projet de loi prend en gros ce qui est actuellement une mesure optionnelle, à savoir que la commission peut tenir un scrutin secret, et modifie tout simplement la disposition de manière à obliger la tenue d'un tel scrutin.
Les conversations que j'ai eues ne sont pas les seuls facteurs importants qui m'ont incité à présenter le projet de loi. J'ai reçu un appel très intéressant d'un électeur. Il vivait une période très difficile. Je me souviens de l'appel. Nous avons parlé plus d'une heure au téléphone, et nous avons depuis eu d'autres discussions. Il m'a raconté les divers démêlés qu'il a eus avec son syndicat. Il m'a fait réaliser que ce que j'entendais de temps à autre était en fait la réalité. Ce n'est pas le cas tout le temps, mais cela arrive suffisamment fréquemment pour être préoccupant.
Cet homme et d'autres personnes avec lesquelles j'ai discuté par la suite m'ont demandé de préserver leur anonymat, tout simplement parce qu'ils ont peur de subir des représailles. Ils savent que pèse sur eux une menace bien réelle s'ils soulèvent ou continuent de soulever ces questions sur la place publique. Monsieur le président, les gens auxquels j'ai parlé étaient tous vraiment inquiets, et j'ajoute que cela concerne non seulement les syndicats, mais aussi les employeurs. Certaines de ces menaces et certaines des choses qu'ils vivent ou qu'ils considèrent comme de l'intimidation ne concernent pas seulement leurs représentants syndicaux; parfois, cela concerne des employeurs. Personne n'a le monopole des tactiques d'intimidation.
D'après moi, nous renforcerons le mandat et la crédibilité du processus d'une manière ou d'une autre en permettant aux employés de tenir de manière démocratique un scrutin secret pour décider s'ils veulent qu'un syndicat les représente et le choisir, le cas échéant.
À mon avis, les commentaires de certains au sujet des gens qui ne portent pas plainte sont simplistes. Certains ont rapporté, à tort, que j'avais dit qu'il y avait des tonnes de plaintes. La réalité est que je reçois constamment des plaintes. Je suis député. Personne ne m'appelle pour me dire que le gouvernement accomplit un excellent travail. Les gens m'appellent seulement pour se plaindre. J'entends donc des gens se plaindre constamment de certains problèmes qu'ils vivent. J'ai reçu des dizaines, voire des centaines, de plaintes à ce sujet. Même si certaines de ces plaintes n'ont pas fait l'objet d'une plainte en bonne et due forme auprès d'une commission des relations de travail, je peux vous confirmer que si nous grattons un peu on constate que cela préoccupe les gens. Nous savons tous que cela peut être intimidant de porter plainte contre des actions d'une immense organisation puissante et bien nantie — un syndicat ou un employeur; cela suscite la peur chez tout employé.
J'aimerais aborder un autre élément qui a été soulevé. On s'inquiète que le nombre d'accréditations syndicales diminue dans les régions où est imposée la tenue d'un scrutin secret. Chers sénateurs, je vous rappelle ce qu'a dit le juge Richards dans une décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan. Il a dit que la Charte n'oblige pas un gouvernement à adopter un cadre législatif qui facilite le plus possible l'accréditation syndicale. Le juge Richards a affirmé que la tenue d'un scrutin secret garantit que les employés peuvent prendre les meilleures décisions possibles pour eux. Cela n'a rien d'inquiétant. Je suis d'accord avec le juge à ce sujet. La démocratie ne doit inspirer aucune crainte; il n'y a rien à craindre de la tenue d'un scrutin secret, mis à part un résultat sincère.
D'autres ont laissé entendre qu'il faudrait éviter de modifier le Code canadien du travail par l'entremise d'un projet de loi d'initiative parlementaire. On prétend que cela va à l'encontre de l'esprit du rapport Sims qui a été présenté il y a environ 20 ans. Chers collègues, je souligne justement qu'il y a 20 ans nous ne savions même pas en gros ce qu'était Internet. Les temps changent. Même si je respecte le rapport et l'esprit dans lequel il a été rédigé à l'époque, les temps changent, et nous avons l'occasion d'aller de l'avant.
Je présente mon projet de loi d'initiative parlementaire dans cet esprit. C'est le seul outil législatif à ma disposition en tant que parlementaire. J'ai dûment été élu député. Je comprends que certains s'inquiètent qu'un simple député propose des modifications d'une telle ampleur, mais je vous invite tous à y réfléchir. C'est mon privilège. C'est principalement le travail pour lequel j'ai été élu. Je suis législateur. C'est mon rôle; ce sont mes fonctions; c'est le pouvoir législatif qui me donne le privilège d'avoir une telle occasion.
Si nous ne sommes pas autorisés à présenter des projets de loi d'initiative parlementaire, nous avons un grave problème, parce qu'il n'y a pas si longtemps j'ai parrainé à la Chambre des communes un projet de loi d'initiative parlementaire de la sénatrice Yonah Martin pour instituer la Journée des anciens combattants de la guerre de Corée. Le président de votre comité a témoigné il y a peu de temps — en fait, je crois que c'était la semaine dernière — devant le Comité de la justice auquel je siège en vue de présenter son projet de loi d'initiative parlementaire qui propose des modifications au Code criminel pour mieux protéger les conducteurs de véhicules de transport en commun.
Le président : Un excellent projet de loi.
M. Calkins : Ce sont des choses qu'on nous demande de faire. Ce sont des choses que nous, en tant que parlementaires, devons faire. Nous traitons de ces enjeux de temps à autre. Je n'accorde pas beaucoup de poids à ceux qui disent qu'un projet de loi d'initiative parlementaire ne devrait pas traiter de questions d'une telle ampleur. Nous sommes tous ici des gens très perspicaces. Sous une forme ou une autre, nous avons tous été envoyés ici par la population pour remplir un mandat et prendre de bonnes décisions et faire des choix éclairés en son nom.
Sur ce, monsieur le président, je crois que je vais conclure mon exposé. Je serai ravi de répondre de mon mieux à vos questions.
Le président : Si je me souviens bien de ce qui s'est passé à ce comité la semaine dernière, vous ne m'avez pas rendu la vie facile. Vous êtes prévenu. Nous commencerons nos séries de questions par le vice-président, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Je remercie le parrain du projet de loi de sa présence et de son exposé très intéressant. Vous avez mentionné le juge Richards de la Cour d'appel de la Saskatchewan; je présume que vous faisiez allusion à la décision rendue en 2013 concernant l'affaire R. c. Saskatchewan Federation of Labour au sujet du régime adopté en 2008, si je ne m'abuse, par le gouvernement de l'époque. Ce régime a modifié le système en place en Saskatchewan. Est-ce bien la décision à laquelle vous faisiez allusion?
M. Calkins : Je crois que nous parlons de la même décision.
Le sénateur Baker : Oui. Voici ma question. Il y a divers régimes en place partout au Canada et divers gouvernements provinciaux, et je présume qu'on pourrait dire que c'est probablement égal des deux côtés. Cinq provinces exigent la tenue d'un scrutin secret, tandis que cinq ne le font pas.
M. Calkins : Vous avez tout à fait raison.
Le sénateur Baker : En examinant ces divers régimes, nous nous rendons compte qu'ils varient. Je crois qu'on pourrait dire que deux ou trois provinces ont des régimes identiques. Voici ma principale question. Lorsque vous avez présenté votre projet de loi, les critiques étaient nombreuses au sujet de certains aspects du projet de loi. Je constate à la lecture du projet de loi qu'il est différent...
M. Calkins : C'est le cas.
Le sénateur Baker : ... de ce que vous avez initialement présenté à la Chambre des communes. Est-ce exact? Croyez-vous que les modifications apportées répondent à un grand nombre de critiques qui avaient été exprimées au début?
M. Calkins : Merci de votre question, sénateur. Vous avez raison. J'aimerais également dire que j'ai rédigé plusieurs versions du projet de loi avant même de le présenter; c'est le même processus de rédaction que suit tout parlementaire qui rédige son propre projet de loi d'initiative parlementaire. Il y a eu plusieurs versions en vue d'essayer de viser juste et de m'assurer de saisir l'essence de ce que j'essayais d'accomplir.
Je comprends également qu'au Parlement il y a souvent des négociations et des échanges d'arguments dans le feu des débats. Sénateur, je crois que mon projet de loi avait au départ une approche qui n'aurait peut-être pas réussi à obtenir la faveur d'autant de gens que je l'aurais espéré. Je savais très bien que d'autres auraient l'occasion d'exprimer leur point de vue au cours des négociations et des discussions qui auraient lieu au comité et à diverses autres étapes. Nous avons entendu Mme Benson de l'ETCOF et d'autres qui ont affirmé n'avoir aucune objection à la tenue d'un scrutin secret.
C'était tout simplement une question de déterminer le seuil pour l'accréditation et la révocation et celui pour la tenue ou non d'un vote.
Comme vous l'avez mentionné à juste titre, cinq provinces canadiennes obligent la tenue d'un scrutin secret, mais les seuils varient quelque peu. L'obligation de tenir un scrutin secret pour l'accréditation et la révocation est prévue dans une loi fédérale aux États-Unis. D'un endroit à l'autre, les seuils peuvent varier.
À la suite du dépôt du projet de loi, du processus législatif à cet égard et des amendements proposés par la suite par le gouvernement, tout ce qui a été modifié dans le projet de loi, ce sont les seuils auxquels arrivent certaines choses. L'essence du projet de loi, à savoir l'obligation de tenir un scrutin secret, est demeurée inchangée.
Le sénateur Baker : Nous verrons maintenant si les groupes qui témoigneront après vous seront d'accord ou si le projet de loi leur pose toujours problème.
Par contre, monsieur Calkins, ne convenez-vous pas que les régimes provinciaux précisent d'autres éléments? Par exemple, on exige que le scrutin ait lieu dans un délai prescrit à partir du dépôt de la demande d'accréditation. Je pourrais mentionner d'autres éléments de moindre importance, mais cet aspect a peut-être un peu plus d'importance.
En présentant votre projet de loi, avez-vous envisagé de tenir compte des autres éléments que les syndicats considèrent comme importants? Je vous pose cette question, parce que le juge Richards de la Cour d'appel de la Saskatchewan est arrivé à la même conclusion dans sa décision, soit celle à laquelle vous avez fait référence, que le juge de première instance, à savoir que l'accréditation d'un syndicat deviendra plus difficile en raison de ces modifications.
Étant donné que les régimes provinciaux prévoient des nuances concernant le délai prescrit qui vont dans le même sens que votre objectif général, croyez-vous que vous auriez peut-être dû inclure cet élément dans votre projet de loi?
M. Calkins : Sénateur, cet élément aurait facilement pu être inclus dans le projet de loi. Il ne faut pas perdre de vue que mon projet de loi ne fait que supprimer « peut » des dispositions. Cela signifie que la commission a déjà des dispositions concernant la tenue d'un scrutin secret lorsque c'est nécessaire.
Selon ce que j'en comprends, il y a des précédents — et probablement des cas dans la common law —, ce qui exigerait la présence de certains délais en vue de...
Le sénateur Baker : On pourrait le contester par la suite.
M. Calkins : ... de traiter de la question de la manière la plus équitable et la plus judicieuse possible. Dans notre système juridique, une personne a droit à la tenue d'un procès équitable dans un délai raisonnable. Autrement, les accusations sont sommairement rejetées.
Je ne prétends pas être spécialiste du fonctionnement de ces éléments. Je présume que votre auguste comité invitera des représentants du ministère à venir discuter de la mise en œuvre et de la manière dont sont actuellement tenus les scrutins secrets.
C'est une bonne question, sénateur.
Le sénateur McIntyre : Monsieur Calkins, merci de votre présence aujourd'hui. Quelles sont vos principales réserves en ce qui concerne le présent système de cartes? Comment la tenue d'un scrutin secret apaiserait-elle certaines préoccupations qui ont été soulevées?
M. Calkins : Des électeurs m'ont fait part de nombreuses inquiétudes, mais leurs préoccupations se résumaient en gros à la reddition de comptes et aux menaces et à l'intimidation dont ils étaient victimes.
Si j'en crois ce que m'ont dit des électeurs sur ces questions — et je n'ai aucune raison de ne pas les croire —, la situation est propice à l'intimidation. Voici un exemple, sénateur. En tant que député, si je faisais du porte-à-porte et que je pouvais apporter directement un bulletin de vote au domicile d'un électeur et que j'étais flanqué de deux ou trois bénévoles de bonne stature et que je vous disais : « Je vous serais très reconnaissant de signer mon bulletin de vote ici et maintenant en face de moi; je crois que c'est dans votre intérêt de le faire, étant donné que je sais où vous habitez », ne conviendriez-vous pas que cela ouvre la porte à l'intimidation et à divers autres problèmes?
Il en va de même à l'inverse pour un employeur. Sénateur, voilà pourquoi la tenue d'un scrutin secret est obligatoire dans notre système démocratique. C'est ainsi que j'ai été élu député de la Chambre des communes.
Les gens peuvent me dire ce qu'ils veulent; ils peuvent être en principe d'accord avec moi, mais au final tous les électeurs canadiens ont l'occasion de choisir en toute confidentialité ce qui servira le mieux leur intérêt par l'entremise d'un scrutin secret.
Dans le présent système de cartes, il faut seulement remplir certaines conditions, en fonction de ce que c'est, pour forcer la tenue d'un vote ou avoir 50 p. 100 plus un. Si nous avions 100 personnes, cela signifie que dès que vous avez fait signer 51 cartes vous n'avez plus besoin de demander l'opinion des autres sur la question. Dans un scrutin secret, tous les gens ont l'occasion d'exercer leur droit de vote, s'ils le souhaitent.
Comme je l'ai déjà dit, ils peuvent le faire confidentiellement, au lieu de devoir le faire au vu et au su de ceux qui pourraient se servir de cette information plus tard.
Le sénateur McIntyre : Avant que le projet de loi soit adopté à la Chambre des communes, il a été amendé par le comité permanent.
M. Calkins : C'est exact.
Le sénateur McIntyre : Je présume que ces amendements vous satisfont, y compris l'inversion du fardeau de la preuve, n'est-ce pas?
M. Calkins : Sénateur, comme je l'ai dit, le projet de loi vous a été renvoyé. Je défends un projet de loi qui vous a été renvoyé par les députés démocratiquement élus de la Chambre des communes. Je ne défends pas le projet de loi que j'ai initialement rédigé. Je suis évidemment satisfait du projet de loi.
Comme je l'ai mentionné plus tôt dans un commentaire au sénateur Baker, l'essence de mon projet de loi, ce que je tenais vraiment à accomplir, c'est de protéger les travailleurs et leurs droits à la confidentialité et au respect de la vie privée, et cela passe par l'obligation de tenir un scrutin secret. Ce principe demeure inchangé dans le projet de loi. Les discussions ont porté sur les seuils à atteindre notamment pour l'accréditation et la tenue des votes. Le comité s'est basé sur son étude et les discussions et les débats qui ont eu lieu au Parlement pour déterminer que certaines parties de mon projet de loi devaient être amendées. Cela ne me pose aucun problème.
[Français]
Le sénateur Boisvenu : J'ai milité à l'université. Aussi, durant les 10 premières années de ma vie professionnelle, j'ai été militant syndical, et je me souviens que c'était toujours intimidant de voter à main levée lorsqu'il était question des moyens de pression. Les gens avaient tendance à voter pour la majorité, ils comptaient le nombre de mains levées en se demandant s'ils allaient voter pour la minorité ou la majorité. Ils votaient souvent par peur.
Au printemps 2013, au Québec, il y a eu ce qu'on a appelé le mouvement des « carrés rouges », où une proportion de 10 p. 100 d'étudiants a réussi à faire débrayer l'ensemble des institutions financières. Il y avait une majorité silencieuse d'étudiants qui voulaient continuer leurs études et qui ont dû passer par des décisions judiciaires pour continuer leurs études.
Donc, on voit que, lorsque des décisions sont prises au moyen d'un vote à main levée, c'est souvent une minorité qui contrôle une majorité. Personnellement, je pense que le scrutin secret pourrait empêcher ce type de pression qui est exercée sur des gens qui veulent prendre une décision qui soit juste et honnête, selon eux.
J'ai lu dans votre projet de loi un passage qui m'a un peu surpris. Je ne sais pas s'il s'agit de quelque chose de nouveau. Il s'agit de l'article 25, qui stipule ce qui suit, et je cite :
Sous réserve des autres dispositions de la présente partie, la Commission accrédite une organisation syndicale comme agent négociateur si elle est convaincue, sur le fondement des résultats d'un scrutin de représentation secret, que la majorité des employés de l'unité de négociation proposée qui ont participé au scrutin [...].
Je sais qu'au Québec, ce n'est pas l'habitude. Par exemple, si un syndicat fixe le quorum pour une assemblée à 10 p. 100 des membres, ces membres pourraient prendre des décisions au nom de l'autre proportion de 90 p. 100. Est-ce que cette disposition du projet de loi prévoit que, pour toute décision syndicale, il faut la présence de 50 p. 100 des membres pour qu'un vote ait lieu?
[Traduction]
M. Calkins : Sénateur, le projet de loi dans sa forme actuelle vise tout simplement les processus d'accréditation et de révocation.
Dans le même ordre d'idées, les dispositions s'appliqueraient dans le cas de maraudage syndical ou lorsqu'un autre syndicat en absorbe un autre. Il s'agit donc d'un cas isolé. Je sais que la mesure législative prévoit des périodes d'attente concernant la révocation d'une accréditation. Je ne crois pas qu'il y en ait concernant l'accréditation, ce qui crée un certain déséquilibre, mais cela ne me dérange pas. Je ne crois pas que ce sera un problème. Je ne pense pas que des organisateurs syndicaux continueront d'essayer d'accréditer un syndicat s'ils jugent que le processus n'a aucune chance de fonctionner.
Si j'ai bien compris votre question, vous me demandez si le même processus s'applique dans le cas d'autres décisions que le syndicat prend au nom de ses membres.
Le sénateur Boisvenu : Oui.
M. Calkins : Ces processus sont expliqués dans les règlements administratifs qui découlent du processus réglementaire, à l'instar de nos partis politiques qui ont leur propre constitution sur la manière de se gouverner, mais le tout doit évidemment se faire conformément à ce qui est prévu dans la Loi électorale du Canada. Selon ce que j'en comprends, ce serait la même chose dans le cas en question. Les syndicats seraient libres d'agir dans les limites permises par la loi en adoptant des mesures, des règlements administratifs et des instruments pour gouverner leur propre organisation.
Le président : Il reste sept sénateurs sur la liste et il nous reste moins de 20 minutes. Je vous demanderais donc de prendre moins de temps pour les questions et les réponses. La sénatrice Batters a la parole.
La sénatrice Batters : Monsieur Calkins, merci beaucoup de votre présence. Bienvenue. J'ai été ravi de vous entendre citer les propos du juge Richards, qui est maintenant juge en chef de la Cour d'appel de la Saskatchewan. Je crois que c'étaient des commentaires très judicieux au sujet de l'accréditation syndicale, et j'aimerais vous poser une question. Je sais que beaucoup de sondages d'opinion ont été réalisés sur la question. Pourriez-vous nous parler des résultats de ces sondages?
M. Calkins : Je suis content que vous me posiez cette question. J'ai un certain nombre de sondages dans mon cartable. Je crois qu'il y avait un sondage Forum. D'autres sondages ont été réalisés au fil du temps et ont posé la question suivante. L'accréditation d'un syndicat et la révocation de l'accréditation devraient-elles faire l'objet d'un scrutin secret? Sans surprise, si nous posons la question à des gens du public en général, qui sont peut-être membres d'un syndicat, on s'aperçoit normalement que plus de 70 p. 100 appuient la tenue d'un scrutin secret, et ce pourcentage atteint même parfois plus de 80 p. 100. Ce qui est particulièrement frappant, c'est que, si vous ne tenez compte dans le sondage que des gens qui ont déjà été membres d'un syndicat ou qui font actuellement partie d'un syndicat, le pourcentage est normalement plus élevé. Cela signifie que les gens qui ont déjà vécu l'expérience de faire partie d'un syndicat ou qui font actuellement partie d'un syndicat comprennent ce que signifie pour eux un scrutin secret et ce que cela leur permet de faire. Autre fait étonnant, les sondages semblent tous indiquer qu'au Québec l'obligation de tenir un scrutin secret reçoit un appui encore plus fort.
Le sénateur Plett : Merci de votre présence. Vous auriez dû assister à notre séance d'hier au Sénat, parce qu'un sénateur nous faisait la leçon et nous expliquait pourquoi il ne croyait pas que les projets de loi d'initiative parlementaire devraient avoir autant de poids que les projets de loi d'initiative ministérielle. Je tiens donc tout simplement à vous dire que je suis entièrement d'accord avec vous et vos commentaires concernant les projets de loi d'initiative parlementaire; c'est l'une des manières que les députés peuvent faire avancer les choses.
Monsieur le président, mes questions ont déjà été posées. Je n'ai rien d'autre à ajouter.
La sénatrice Fraser : Merci beaucoup, monsieur Calkins. Je m'excuse de mon retard. Je devais rester au Sénat pour la conclusion de certains travaux. Je suis persuadée que vous n'êtes pas étranger à de tels conflits d'horaire.
M. Calkins : Je comprends.
La sénatrice Fraser : J'ai lu votre exposé et je présume que vous l'avez lu intégralement. En réponse notamment au commentaire de mon collègue, le sénateur Plett, j'aimerais aussi dire que je suis d'accord que nous avons tous le droit de présenter des projets de loi d'initiative parlementaire. J'appuie sans réserve un tel droit, mais nous avons aussi le droit de dire que nous sommes d'accord ou en désaccord avec les projets de loi présentés par nos collègues des deux côtés des chambres.
J'aimerais vous poser une question. Parmi les parties touchées par le projet de loi — les syndicats, les organisations représentant les employeurs, les employeurs fédéraux et les employeurs sous réglementation fédérale —, combien en avez-vous consulté lors de la rédaction du projet de loi?
M. Calkins : Je suis député et c'est à ce titre que j'ai déposé mon projet de loi. J'ai donc consulté des personnes qui pourraient être, ou qui sont actuellement, membres de syndicats ou du grand public, au sens large du terme. Je suis donc ici en ma qualité de député, en raison du fait que je représente 115 000 personnes. Ils ont été 81,5 p 100 à m'accorder leur confiance aux dernières élections générales. Nombre d'entre eux m'ont demandé de soulever certaines de ces préoccupations en leur nom.
Cependant, je pense que par votre question, vous cherchez à savoir si j'ai consulté des intervenants des deux côtés de la table des négociations. Parce que j'ai choisi de veiller aux intérêts de mes électeurs, j'ai fait des recherches. J'ai parlé à certains membres d'ETCOF, par exemple. J'ai eu des réunions avec John Farrell. J'ai rencontré un certain nombre d'autres personnes. Je ne me souviens plus de toutes celles que j'ai rencontrées à ce stade, mais j'ai entendu diverses opinions à ce sujet, et d'aucuns m'ont suggéré que peut-être qu'il n'y avait pas lieu en ce moment d'apporter les modifications proposées. J'ai reçu des commentaires très positifs de certaines parties. Je crois que j'ai rencontré des représentants de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante. En outre, je ne suis pas certain, mais je crois que j'ai rencontré quelqu'un de la Chambre de commerce. J'ignore si c'était à l'échelon fédéral ou à l'un des échelons locaux dans ma province. En ma qualité de membre de comités permanents, je rencontre des gens de toutes les sphères de la société de temps à autre et je tiens ce genre de discussion avec eux.
Alors je ne garde pas de listes et je m'excuse de ne probablement pas répondre à vos questions de façon aussi détaillée que vous aimeriez. Mais j'ai déposé le projet de loi au nom de mes électeurs et des personnes que j'ai consultées.
La sénatrice Fraser : J'aimerais revenir à une question que mon collègue le sénateur Baker a posée, je crois, mais j'aimerais vraiment entendre votre réponse moi-même si cela ne vous ennuie pas. Ma question porte sur l'absence, dans ce projet de loi, de toute limite de temps entre le moment où la demande est présentée et le vote.
M. Calkins : Je me suis exprimé avec beaucoup d'éloquence la première fois.
La sénatrice Fraser : Je suis certaine que vous l'avez fait, mais je ne l'ai pas entendu.
M. Calkins : Au risque de bâcler ma réponse, je vous demanderais de simplement lire la transcription. Monsieur le président, on me repose la même question et, par respect pour la sénatrice, mon projet de loi rend simplement obligatoire le suivi d'un processus que la Commission canadienne des relations du travail suit déjà à titre facultatif; j'en déduis donc que la commission dispose déjà d'un système pour l'arbitrage et la surveillance d'une élection. En outre, je crois comprendre qu'il existe certaines décisions des tribunaux sur ce point ainsi que des règles de common law qui diraient que ces choses doivent être faites en temps opportun pour garder tout leur sens.
[Français]
Le sénateur Dagenais : Je trouve que c'est un bon projet de loi. Cela va vous surprendre, mais j'ai été président de mon syndicat pendant huit ans. Je n'avais pas besoin d'accréditer mes membres, car ils l'étaient déjà à la Sûreté du Québec. Cependant, tous nos votes sur les contrats de travail et les régimes de retraite étaient des votes secrets, pour éviter, évidemment, que les membres soient victimes d'intimidation, même de la part d'un employeur, surtout lorsqu'il s'agissait de convention collective.
Ceci étant dit, et vous l'avez mentionné, dernièrement, avec la Commission Charbonneau, on a parlé de la FTQ Construction et de la CSN, qui faisaient beaucoup de pressions sur les gens de la Côte-Nord pour qu'ils adhèrent ou non à leur syndicat, et d'ailleurs, ce phénomène se poursuit. Il y a des représentants de syndicats qui sont venus me voir à mon bureau, en me disant que l'employeur exerçait une pression sur certains membres pour les inciter à voter pour la désaccréditation. Cependant, je pense qu'on va atteindre, éventuellement, un équilibre.
Selon vous, est-ce que le projet de loi C-525 va nous permettre d'atteindre l'équilibre, de sorte que les membres qui auront un vote secret n'auront pas à subir l'influence des représentants syndicaux ou de l'employeur? Vous comprendrez que, parfois, quand il y a un vote secret... je peux vous dire qu'avant les tournées sur les contrats de travail, il se faisait de la pression. Il y avait des votes secrets, mais je sentais qu'on indiquait à certains membres de voter en faveur, sinon, il y aurait une loi spéciale. Vous savez ce que je veux dire. Est-ce que vous pensez que cela va régler une partie du problème?
[Traduction]
M. Calkins : La raison pour laquelle j'ai déposé le projet de loi, sénateur Dagenais — et je vous sais gré de votre commentaire — c'est que ce sont les mêmes genres de choses que j'entends constamment. Il ne fait aucun doute que, au moment des élections, je dois présenter mes arguments aux électeurs de ma circonscription pour être élu. Je le fais au meilleur de ma connaissance en suivant les règles établies. Les autres présentent leurs idées mais, au bout du compte, il revient aux gens de décider, en leur âme et conscience, ce qui est dans leur intérêt. Voilà ce que mon projet de loi cherche à faire.
Cela voudrait dire qu'il n'y a plus de tactiques de vérification des cartes, plus de visites à domicile et plus de personnes qui vous accostent pour vous dire qu'elles savent où vous vivez. Ce sont les points que les personnes ont porté à mon attention qui n'auraient plus de mérite ou de signification, car ils disparaîtraient tous avec le vote secret. Cela ne signifie pas que les gens ne feront plus valoir leur point de vue énergiquement. L'employeur et les représentants syndicaux présenteront tous les deux de solides arguments. C'est bien et c'est démocratique. Il faut soulever des idées, mais au bout du compte, c'est dans l'intérêt des travailleurs de pouvoir le faire par vote secret, comme ce l'est pour les Canadiens lorsqu'ils participent à une élection.
Le sénateur McInnis : Lorsque j'étais très jeune, le syndicat avait un système de vérification des cartes. On essayait de faire entrer le syndicat à la Nova Scotia Power Commission, telle qu'elle était alors. À l'époque, j'ai remarqué que, lorsque l'on se rencontrait le soir avec un petit groupe qui s'agrandissait, l'on ne recevait que des messages du syndicat, jamais de l'employeur. J'ai toujours trouvé cela un peu gênant et je suis sûr que c'est toujours la même chose. Mais voilà où je veux en venir. Lorsque j'ai lu à ce sujet, la question du manque de consultation est ressortie ainsi que celle du droit d'un député de présenter un projet de loi d'initiative parlementaire. Vous savez, je me rappelle que par le passé, l'électorat disait toujours que les députés étaient muselés. J'ai remarqué qu'au Sénat, surtout depuis que j'ai rejoint ce comité, un grand nombre de projets de loi d'initiative parlementaire sont déposés. Cela vous pose-t-il problème?
M. Calkins : Non. En tant que député, j'ai une seule occasion de le faire. Devrais-je avoir la chance de pouvoir le faire dans le cadre d'un mandat de quatre ans au sein d'un gouvernement stable, d'avoir la chance que mon nom soit tiré au sort dans une loterie? Mon nom est sorti dans les 100 premiers, et nous nous trouvons maintenant au point crucial, à la dernière droite, de la quatrième année d'un gouvernement majoritaire, et je viens de réussir à faire passer mon projet de loi d'initiative parlementaire à cette étape du processus. Cela signifie que les députés et les sénateurs ont très peu de possibilités de faire en sorte que leurs projets de loi d'initiative parlementaire soient non seulement examinés, déposés et débattus, mais aussi adoptés. Alors j'estime que c'est un honneur et un privilège. Voilà pourquoi j'ai personnellement décidé de me servir de mon projet de loi d'initiative parlementaire pour faire quelque chose de significatif, quelque chose qui renforcerait mon pays, quelque chose qui permettrait de rehausser l'indépendance des personnes que je représente, leur autonomie, pour qu'ils puissent prendre les décisions qui leur conviennent le mieux. Ce serait dommage, ce serait vraiment dommage, s'il y avait des choses — il y a déjà certaines choses que les députés ne peuvent pas faire — à juste titre —, comme voter pour augmenter les impôts. Mais lorsque nous laissons entendre qu'il nous est possible de siéger à la Chambre et de jouer un rôle encore plus défini, je pense que nous lançons un message clair dans l'opinion publique concernant la contribution potentielle des députés.
Le sénateur Munson : C'est un comité au rythme effréné. Je ne suis ici qu'à titre de membre suppléant. Merci d'être venu, monsieur Calkins. J'ai l'impression que vous n'avez pas parlé à l'AFPC ou au CCRI, que vous avez parlé à vos électeurs, mais je me préoccupe du fait que...
M. Calkins : Certains de mes électeurs sont membres de l'Alliance de la fonction publique.
Le sénateur Munson : J'aimerais enchaîner sur la question de la sénatrice Fraser et vous demander si vous avez parlé à des syndicalistes hauts placés. La question porte sur le CCRI, le Conseil canadien des relations industrielles. Avez-vous parlé à des responsables du CCRI? Ce sont eux qui administreront le tout. Je crois comprendre qu'il n'y a eu que deux plaintes en 10 ans au CCRI. Avez-vous d'autres preuves que les travailleurs sont contraints à former des syndicats? Quatre plaintes ont été déposées contre des employeurs. Je ne comprends pas tout à fait votre raisonnement.
M. Calkins : Je sais que certains ont déduit de mes commentaires qu'il y a un problème. Je crois au principe, et le principe est un vote secret pour faire avancer les intérêts personnels des particuliers. C'est un principe. C'est la fondation, la pierre angulaire de toute société démocratique — le vote secret. Oui, je comprends que le Conseil canadien des relations industrielles n'a pas eu à traiter beaucoup de plaintes. Mais pour qu'une plainte de cette envergure se retrouve devant eux, il faut qu'il y ait une quantité appréciable de preuves et que la plainte traverse une série d'étapes importantes. Je suis député, et les plaintes que je dois traiter sont celles de Joe et de Martha à la table basse, lorsqu'ils me téléphonent à la maison et me parlent de leurs préoccupations. Ils peuvent me faire part de leurs inquiétudes à titre de contribuables qui paient un service public ou me parler de leur expérience comme membres d'un syndicat et de la façon dont ils ont été traités à ce titre ou de tout autre processus que cela suppose.
Le sénateur Munson : Avez-vous parlé à des responsables du CCRI?
M. Calkins : Non, je ne l'ai pas fait.
Le sénateur Munson : Merci.
M. Calkins : Je présume qu'ils témoigneront devant le comité.
La sénatrice Frum : Pour en revenir à la question du sénateur Munson, pensez-vous que la raison pour laquelle le nombre de plaintes n'est pas aussi élevé que ce à quoi l'on pourrait s'attendre, compte tenu de toute la rétroaction que vous avez reçue, est que l'on croit peu en la possibilité de mesures correctives? Comment s'y prend-t-on dans le système actuel pour renverser une décision? Quelle mesure corrective pourrait-on même prendre en cas d'intimidation?
M. Calkins : Encore une fois, c'est une très bonne question, sénatrice Frum. Une personne ou un petit groupe de personnes qui estiment avoir été lésées, qu'elles soient ou non justifiées, auraient la tâche exigeante de s'organiser pour avoir suffisamment de personnes de leur côté pour rejeter ou renverser une décision qui a été prise au nom du Conseil canadien des relations industrielles. Compte tenu du fait qu'elles ne peuvent le faire sans avoir la capacité de s'organiser, de tenir un vote secret et de déterminer si elles veulent retirer l'accréditation ou quelle que soit la situation, cela enlèverait son pouvoir et la responsabilité du processus au Conseil canadien des relations industrielles et le placerait, comme il se doit, entre les mains des travailleurs.
Le président : S'agissant du système de vérification des cartes, pourriez-vous m'expliquer s'il révèle toujours l'identité de la personne?
M. Calkins : Votre nom figure sur la carte, monsieur.
Le président : C'est toujours le cas. Alors ils connaissent votre point de vue sur la question?
M. Calkins : Pas seulement cela; d'habitude, ils vous le demandent directement.
Le sénateur Baker : Pour ne pas donner la mauvaise impression aux gens qui nous regardent à la télévision, le système actuel que nous avons au Canada est le système à cartes. Si le syndicat souhaite être accrédité, il doit obtenir les signatures d'au moins la moitié, 50 p. 100 plus un, des personnes, de tous les employés de l'unité particulière qu'ils visent. Tel est le système actuel. Vous avez raison de dire qu'il s'agit d'un scrutin de représentation. Dans chaque texte législatif fédéral qui vient après — mais ils sont en quelque sorte correctifs en ce sens que si deux syndicats souhaitaient représenter le même groupe, alors il vous faudrait voter. Il y a certaines circonstances dans lesquelles le Conseil canadien des relations industrielles est autorisé à tenir un vote secret et le reste. Cela ne fait aucun doute.
Une dernière question : j'ai examiné votre projet de loi qui nous a été renvoyé de la Chambre des communes et j'ai pu deviner les critiques qu'il susciterait à cause de sa structure au début : si tout le monde ne vote pas, tous les « non », toutes les voix de ceux qui n'ont pas voté seraient comptées comme des « non ». Vous avez modifié la loi pour qu'elle n'exige que la majorité de ceux qui participent au scrutin. En cela, elle reflète ce qui se passe actuellement dans cinq provinces. C'est bien cela?
M. Calkins : Oui.
Le sénateur Baker : Et votre seuil de 40 p. 100, je crois qu'il se retrouve dans deux provinces au Canada : l'Alberta et l'Ontario. Je crois que si vous...
Le président : Une question, s'il vous plaît.
Le sénateur Baker : La question brève est la suivante : quelqu'un pourrait-il vous critiquer sous prétexte que, conformément à votre présent projet de loi, un syndicat pourrait être accrédité avec la participation de moins de 50 p. 100 des employés, car vous avez 40 p. 100 des employés initialement et ensuite, la majorité de ceux qui ont voté?
Que répondriez-vous à cela?
M. Calkins : Au départ, le projet de loi exigeait 50 p. 100 plus un, tout comme le système de vérification des cartes. Si ce système reflète vraiment la volonté des membres de l'unité de négociations collectives, alors ils ne devraient avoir aucun mal à atteindre le même but par vote secret. Cependant, comme vous l'avez si bien mentionné, les détracteurs du projet de loi ont dit qu'il n'y avait aucun précédent pour ce type de seuil électoral, à part peut-être quelques cas obscurs. Le projet de loi a donc été modifié pour parler de la majorité des personnes qui choisissaient de voter.
Bien que votre évaluation soit correcte, sénateur Baker, en réalité, lorsqu'une commission des relations de travail tient un vote secret, en règle générale, la participation est très élevée. Je ne m'inquiète pas du fait que, comme vous l'avez fait remarquer, si vous aviez une unité de négociations collectives de 100 personnes, il en faudrait 40 pour demander la tenue d'un vote et, de ce nombre, seulement la majorité — 50 p. 100 plus un — qui participerait au scrutin. Vous pourriez avoir 50 personnes qui se présenteraient pour voter et 26 personnes qui détermineraient l'existence d'un syndicat, mais je pense que si nous donnons aux travailleurs la possibilité de faire entendre leurs préoccupations et d'entendre les doléances des autres, ils passeront aux voix, et je ne m'inquiète pas trop de ce seuil.
Le président : Monsieur Calkins, merci d'être venu. Je vous sais gré de l'avoir fait.
M. Calkins : Merci à tous les membres du comité. Je sais que vous allez examiner attentivement ce projet de loi.
Le président : Nous accueillons une deuxième série de témoins ce soir. J'aimerais souhaiter la bienvenue à John P. Farrell, directeur administratif, Employeurs des transports et communications de régie fédérale. D'Unifor, nous accueillons Roland Kiehne, directeur, Mobilisation des membres et action politique; et Anthony Dale, conseiller juridique, qui l'accompagne; de l'Air Line Pilots Association, International, nous accueillons le commandant Dan Adamus, président, Conseil canadien; du Syndicat canadien de la fonction publique, nous accueillons Paul Moist, président national; et de l'Assocation ouvrière chrétienne du Canada, nous accueillons Brendan Kooy, directeur régional, Est de l'Ontario.
Bienvenue à tous. Nous allons commencer par entendre les remarques liminaires de M. Farrell.
John P. Farrell, directeur administratif, Employeurs des transports et communications de régie fédérale : Merci, monsieur le président et honorables sénateurs, d'avoir invité les Employeurs des transports et communications de régie fédérale, aussi connu sous l'acronyme ETCOF, à témoigner devant le comité au sujet du projet de loi C-525. Je m'appelle John Farrell et j'en suis directeur général.
Notre organisation se compose des principaux employeurs des filières des transports et des communications assujetties aux lois fédérales, qui emploient environ 350 000 personnes visées par le Code canadien du travail. On trouve une liste de nos membres dans les documents fournis à l'annexe A.
Mon témoignage porte sur deux grands thèmes : notre appui à la version actuelle du projet de loi C-525 et notre préoccupation au sujet du recours aux projets de loi d'initiative parlementaire afin de modifier le droit du travail.
Premièrement, nos membres appuient le projet de loi C-525 et encouragent le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles à en adopter la version actuelle.
Dans sa version initiale, ce projet de loi d'initiative parlementaire était construit de manière inéquitable et portait préjudice aux syndicats et aux employés qui recherchent l'accréditation. Aux termes de cette version, un syndicat devrait, pour obtenir son accréditation, démontrer par la tenue d'un scrutin secret que la majorité absolue des employés d'une unité habile à négocier désire être représentée par cette unité, alors qu'auparavant il fallait que la majorité des employés d'une unité habile à négocier vote pour le syndicat.
Nous sommes très heureux que le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes ait considérablement modifié le projet de loi C-525 avant l'étape de la troisième lecture à la Chambre.
Nos membres préfèrent un scrutin secret à un système de vérification de cartes pour déterminer si un syndicat deviendra l'agent négociateur accrédité des employés. Essence même d'un véritable choix démocratique, le scrutin secret est entièrement conforme aux principes de la démocratie canadienne. Grâce à lui, tous les employés expriment leur souhait sans subir d'influence indue ni dévoiler dans quel sens ils ont voté. Il s'agit du même mécanisme qui est employé dans le processus électoral au Canada et qui est le plus équitable.
Selon la version actuelle du projet de loi C-525, la majorité des employés qui votent doivent se prononcer favorables à l'idée d'être représentés par le syndicat. En outre, ce processus d'accréditation par un scrutin secret reposant sur la majorité des membres votants est considéré comme la norme dans le droit en matière des relations industrielles en Alberta, en Colombie-Britannique, la Nouvelle-Écosse, l'Ontario et la Saskatchewan. Méthode largement acceptée pour obtenir l'accréditation au Canada, il n'a donc rien d'une nouveauté.
Les dispositions du projet de loi C-525 fixent à 40 p. 100 d'employés le seuil à atteindre avant que le Conseil canadien des relations industrielles demande la tenue d'un vote sur l'accréditation ou la révocation, ce qui nous semble approprié.
Ces dispositions sont équitables et conformes aux règles établissant les seuils de votes pour l'accréditation et la révocation dans les provinces.
En résumé, nous appuyons la version actuelle du projet de loi C-525.
Nous nous préoccupons un peu du fait que l'on ait recours aux projets de loi d'initiative parlementaire pour modifier le droit du travail. Malgré notre appui au projet de loi C-525, nous émettons de sérieuses réserves au sujet du recours aux projets de loi d'initiative parlementaire pour modifier le droit du travail et le Code canadien du travail.
Depuis longtemps, les employeurs, les syndicats et le gouvernement fédéral entreprennent des consultations pré-législatives efficaces lorsque des modifications au code et à ses règlements sont envisagées. Ces consultations font en sorte que les décisions prises à cet égard sont avisées et fondées sur des faits. Selon nous, les employeurs et syndicats assujettis à la loi fédérale ainsi que le gouvernement fédéral font avancer, par le truchement du modèle de consultation, les intérêts de leurs électeurs et contribuent à la stabilité des relations entre les employés et le patronat, de ressort fédéral, ainsi qu'à la santé de l'économie canadienne.
Les consultations pré-législatives entre les trois parties revêtent une grande importance, mais on les contourne au moyen de projets de loi d'initiative parlementaire ponctuels qui modifieraient le code. Ce recours pour réformer le droit du travail tend à politiser les relations industrielles. De plus, il causera un jeu du pendule qui oscillera d'une loi extrême à une autre et déstabilisera les relations de travail.
En conclusion, nous appuyons la version du projet de loi C-525 adoptée par la Chambre des communes. Nous sommes d'ailleurs reconnaissants d'avoir pu exprimer notre vive désapprobation quant au recours aux projets de loi d'initiative parlementaire pour modifier le droit du travail sans passer par des consultations pré-législatives véritables, une méthode que les partis politiques devraient dorénavant éviter.
Merci de nous avoir permis de faire part de nos points de vue au comité.
Le président : Monsieur Kiehne, êtes-vous prêt à commencer?
Anthony Dale, conseiller juridique, Unifor : Ici Anthony Dale. M. Kiehne est avec moi.
Je remercie le comité de nous permettre de témoigner devant lui aujourd'hui. Les membres du comité savent sans doute qu'Unifor est le plus grand syndicat du secteur privé au Canada. Nous comptons plus de 300 000 membres au pays, dans presque chaque secteur de l'économie.
Nous avons des dizaines de milliers de membres dans le secteur fédéral qui sont, pour la plupart, visés par le Code canadien du travail. Il y a des employés dans les télécommunications, les transports et les médias, ainsi que des employés visés par la Loi sur les relations de travail au Parlement et la Loi sur les relations de travail dans la fonction publique, les trois lois touchées par le projet de loi C-525.
Unifor a été créé il y a seulement quelques années, en 2013, mais nous entretenons avec des employeurs du secteur fédéral des liens fondés sur la négociation collective tissés pendant de nombreuses décennies par des syndicats précédents. Nombre de ces relations — je dirais même toutes ces relations — reflètent le type de bonnes relations et de pratiques de négociation collective constructives que le Parlement a décrit dans le préambule de la partie I du code.
Dans ce préambule, le Parlement a dit que les relations industrielles sont dans l'intérêt du Canada pour veiller à ce que tout le monde ait sa juste part des fruits du progrès. Cela demeure la politique publique du Canada, tel qu'il est dit dans le préambule.
Unifor organise aussi activement les employés du secteur fédéral. Notre syndicat présente régulièrement des demandes au Conseil canadien des relations industrielles, des demandes d'accréditation appuyées par des preuves d'adhésion. Ces preuves consistent habituellement en des cartes de membres signées et un paiement de 5 $. Dans chaque cas, le conseil examine avec soin les preuves d'adhésion, et nous nous attendons à ce que son président vous parle tout à l'heure du type d'examen et de processus que le conseil privilégie pour examiner les preuves dans ces cas.
Au titre du code en vigueur, le conseil a aussi le pouvoir de tenir un vote s'il doute du caractère volontaire de l'adhésion. Même si nous présentons une demande avec 100 p. 100 des cartes de membres pour une unité de négociation, le conseil peut toujours tenir un vote s'il remet en question le caractère volontaire ou l'exactitude des preuves d'adhésion que nous lui avons présentées.
Si nous jouissons d'un appui majoritaire, nous sommes alors accrédités pour cette unité de négociation.
Nous accueillons régulièrement de nouveaux membres de cette façon. Nous négocions ensuite les ententes collectives, qui sont soumises à des votes de ratification par les employés, et si les employés changent d'avis concernant la représentation syndicale, ils peuvent bien sûr demander la révocation de nos droits de négociation.
Le comité sait que dans certaines provinces, la façon de faire est différente lorsque le processus de demande comporte une deuxième étape, soit un scrutin de représentation. Nous croyons que dans le cadre de ces processus, les employeurs ont ensuite l'occasion d'interférer dans ce qui est essentiellement une décision des employés pour faire changer d'idée ceux qui avaient auparavant appuyé la demande du syndicat. Dans ces administrations, nous voyons plus de plaintes de pratiques de travail injustes par des employeurs, comme la coercition et les mesures disciplinaires illégales.
Cela nous amène au projet de loi C-525, que nous appelons une solution à la recherche d'un problème. Il permettrait la tenue de ce type de scrutin de représentation secret dans chaque cas.
Nous croyons que ce processus est fondé sur la présomption que l'on ne peut pas compter sur les employés pour prendre une décision concernant la représentation syndicale lorsqu'ils signent une carte et versent 5 $ à un collègue ou à un organisateur syndical. Ce n'est pas ce qu'Unifor a remarqué. Notre expérience nous a appris qu'il est très rare que les employés cherchent à révoquer ou à retirer leur carte de membre une fois qu'ils l'ont signée, bien qu'ils soient libres de le faire.
Le comité connaît les travaux du Groupe de travail Sims, et je sais que d'autres témoins y feront aussi allusion. Il s'agit du groupe de travail qui a produit le rapport intitulé Vers l'équilibre au milieu des années 1990. Il a étudié l'option de délaisser un système de cartes en faveur d'un système de scrutin et l'a rejetée.
Il a dit que le système de cartes actuel n'est pas peu fiable. À la page 68 du rapport, il a dit :
Nous ne sommes pas convaincus que la loi devrait imposer la tenue d'un scrutin. Jusqu'à maintenant, le système de cartes de membres s'est révélé un moyen efficace pour vérifier la volonté des employés à l'égard de l'accréditation, et nous ne sommes pas persuadés que les employeurs jugent discutable ou peu convaincante cette façon de procéder.
Le président : Monsieur Dale, je vais devoir vous demander de terminer. Nous vous avons donné une limite de temps. Pouvez-vous clore vos remarques liminaires, s'il vous plaît?
M. Dale : Je vais le faire. J'ai deux points très brefs à mentionner concernant le projet de loi en tant que tel. Malheureusement, il n'exige pas que le scrutin soit tenu rapidement, comme en Ontario, où la tenue d'un scrutin doit se faire dans les cinq jours. C'est vraiment dommage.
Le deuxième point est que le libellé du projet de loi laisse entendre que les autres méthodes de scrutin modernes, comme le vote par Internet et téléphone, seraient exclues. C'est parce qu'il est question d'un scrutin de représentation secret qui se démarque du code d'aujourd'hui, qui ne parle que d'un scrutin de représentation.
On va faire valoir que cette modification fait une différence et qu'il faut que le vote se fasse en personne, ce qui sera très difficile dans le cas, par exemple, d'employés fédéraux dans l'industrie des transports, qui se trouvent un peu partout au pays.
Nous pensons que ce projet de loi interfère inutilement avec un bon système équilibré qui fonctionne déjà.
Capitaine Dan Adamus, président, Conseil canadien, Air Line Pilots Association, International : Je vous sais gré de me donner l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui. L'Air Line Pilots Association, International est un syndicat qui représente près de 51 000 pilotes qui travaillent pour 31 entreprises de transport aérien basées au Canada et aux États-Unis. Je suis ravi de pouvoir participer à la discussion cet après-midi pour vous faire part du point de vue de l'ALPA concernant le projet de loi à l'étude.
Le projet de loi propose de modifier les dispositions relatives aux méthodes d'accréditation et de révocation de l'accréditation syndicales de trois textes de loi, dont le Code canadien du travail. Comme les membres de l'ALPA sont visés par le code, les dispositions du projet de loi pourraient avoir une incidence directe sur eux. Lorsque je parle des modifications, c'est à ce texte de loi que je fais allusion.
Bien qu'il tente de qualifier les modifications de protection du droit de vote, le projet de loi vise vraiment à faire en sorte qu'il soit plus difficile pour les travailleurs de se prévaloir de leurs droits de se syndiquer et de le rester, même si rien ne prouve qu'il soit nécessaire de modifier les dispositions relatives à l'accréditation et à la révocation de l'accréditation dans les lois sur les relations de travail en vigueur.
Nous reconnaissons que le projet de loi a été modifié et que ses dispositions les plus choquantes ont été retranchées, mais il est important de ne pas oublier ce qui a été proposé au départ. Le fait de comprendre ce qui a été proposé nous permet de comprendre pourquoi ce l'a été.
Dans le cas de l'accréditation, le défaut pour un employé de voter comptait pour un vote contre l'accréditation. Dans le cas de la révocation de l'accréditation, le défaut pour un employé de voter comptait pour un vote en faveur de la révocation de l'accréditation syndicale. Ce n'est pas du tout démocratique de présumer que ceux qui ne se donnent même pas la peine de participer au scrutin s'opposent à la syndicalisation. Ces dispositions scandaleuses illustrent la véritable intention du projet de loi — son pourquoi : une tentative pure et simple d'affaiblir les syndicats et la syndicalisation. C'est dans cette optique que nous devons étudier les dispositions qu'il reste.
Le projet de loi abolira la pratique bien établie de la signature de la carte d'adhésion par 50 p. 100 des membres plus un pour former une unité de négociation.
Le projet de loi éliminera le processus accepté depuis longtemps de vérification des cartes pour former un syndicat, qui contribue à protéger les employés qui souhaitent adhérer à un syndicat contre des actes d'intimidation et d'autres pratiques de travail déloyales.
On le remplacera par un processus en deux étapes où l'on ajoutera un scrutin secret en plus de la signature des cartes.
Là encore, ces dispositions visent à affaiblir les syndicats et non pas à protéger les droits des électeurs. Mais ce qu'il faut se demander, c'est pourquoi nous sommes ici aujourd'hui. Pourquoi ce projet de loi est-il proposé?
Aucun intervenant en matière de relations de travail n'a demandé ces dispositions. Il n'y a eu aucune revendication de la sorte de la part des employeurs dans les secteurs sous réglementation fédérale.
Le projet de loi C-525 n'a pas été proposé par la ministre du Travail; il a été présenté par un simple député, M. Blaine Calkins. Les changements proposés à ces importantes lois du travail ont été élaborés sans consulter les intervenants. Les modifications à des lois aussi importantes devraient venir des intervenants, et non pas leur être imposées par une tierce partie.
L'une des forces du Code canadien du travail, c'est qu'il a évolué grâce au processus de consultation tripartite. Ce processus de consultation entre le gouvernement, les employeurs fédéraux et les employés a fait en sorte que les parties respectent le code, ce qui a donné lieu à des relations employeur-employé solides et stables dans le secteur fédéral.
Prenons les négociations collectives, par exemple. En vertu du code, la grande majorité des négociations de conventions collectives sont conclues avec succès, sans grève ou lock-out. Voilà qui montre que le code est déjà un outil efficace pour les relations de travail.
Des témoignages sur le projet de loi ont été entendus au Comité des ressources humaines, du développement des compétences et du développement social de la Chambre des communes. M. Calkins, le parrain du projet de loi, a révélé qu'il n'avait tenu aucune consultation avec les intervenants en relations de travail avant de présenter son projet de loi. Les groupes d'employeurs fédéraux, les ETCOF, et les associations d'employés sous réglementation fédérale ont indiqué à quel point il est important de tenir des consultations prélégislatives.
Le projet de loi est essentiellement une atteinte inutile et injustifiée aux droits établis depuis longtemps dans le Code canadien du travail. Il est évident que le processus de consultation tripartite est nettement plus efficace que les modifications à la pièce proposées par un simple député qui n'a aucune expérience en la matière et qui n'a pas sollicité l'aide d'experts.
Je vous remercie de votre attention, et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.
Paul Moist, président national, Syndicat canadien de la fonction publique : Honorables sénateurs, le SCFP est ravi d'être ici aujourd'hui. Nous sommes le plus grand syndicat au Canada, avec un peu plus de 630 000 membres à l'échelle du pays et plus de 2 000 sections locales. Environ 20 000 de nos membres sont régis par le Code canadien du travail, dont les agents de bord et ceux qui travaillent dans les aéroports et les administrations portuaires, ainsi que dans les secteurs des transports, des télécommunications et de la radiodiffusion.
Nous sommes ici aujourd'hui pour demander aux sénateurs de mettre complètement de côté ce projet de loi mal conçu. Nous nous inquiétons beaucoup au sujet de l'exigence relative au vote obligatoire pour l'accréditation, et ce, pour un certain nombre de raisons.
Le Conseil canadien des relations industrielles ne dispose pas des ressources nécessaires pour tenir des votes obligatoires pour toute application sans causer des retards indus. Contrairement à d'autres administrations où le vote est obligatoire, le projet de loi ne comporte aucune disposition pour la tenue rapide de scrutins, comme Unifor vous l'a proposé, en guise de mesure d'atténuation pour éviter ce genre de problème. C'est une énorme lacune.
De plus, le projet de loi vise à éliminer une mesure de protection prévue au paragraphe 39(2), qui assure une stabilité en interdisant des demandes de révocation d'accréditation durant les négociations collectives et fournit les protections nécessaires lorsque le syndicat fait un effort raisonnable pour négocier une convention collective. Sans le paragraphe 39(2), tout ce que l'employeur n'a qu'à faire, c'est d'étirer les négociations pour permettre qu'une révocation soit possible, disposition qui n'existe pas en ce moment. Le paragraphe 39(2) se trouve dans la loi actuelle.
Le code dans sa forme actuelle fonctionne et ne devrait pas être sujet à des changements arbitraires proposés dans un projet de loi mal rédigé. Nous faisons écho aux observations de M. Farrell et du capitaine Adamus qui ont dit que l'esprit de consensus est le trait distinctif des modifications apportées au Code du travail au fil des ans.
La logique et l'expérience nous ont appris que les changements législatifs proposés ne feront qu'augmenter le risque de retard en raison des votes obligatoires si le conseil perd la discrétion de déterminer quand les votes devraient être tenus et si le processus d'accréditation automatique est éliminé du code. En exigeant la tenue de votes, même si 100 p. 100 des employés signent une carte d'adhésion au syndicat, le projet de loi donnera lieu à de plus longs retards.
Il ne faut pas oublier que les projets de loi d'initiative parlementaire ne peuvent pas augmenter les dépenses gouvernementales. Toute demande d'accréditation traînera en longueur et fera l'objet d'un processus en deux étapes. Si plus de 50 p. 100 des travailleurs signent une carte et paient 5 $ aujourd'hui, alors ils ont voté. L'ajout d'un vote redondant du CCRI n'est qu'une entrave à leurs droits démocratiques de se syndiquer.
Pour ceux d'entre vous qui hésitent à accepter cette proposition, sachez que le conseil vérifie déjà les cartes et s'assure de la validité des signatures ou ordonne la tenue d'un scrutin s'il a des doutes.
Sans vouloir affaiblir notre position selon laquelle vous devriez rejeter ce projet de loi, nous vous exhortons à atténuer les pires excès en ordonnant la tenue rapide de votes, si vous décidez de l'adopter sous une forme ou une autre. On procède à un vote rapide lorsque les lois du travail exigent des votes pour l'accréditation.
D'après des renseignements accessibles au public tirés de dossiers du CCRI, il faut en moyenne 157 jours pour certifier une demande d'accréditation automatique à l'heure actuelle. Il y aura plus de retards si vous ordonnez la tenue d'un vote.
Sous la rubrique « Tout changement n'est pas synonyme de progrès », le Parlement a récemment créé un nouveau groupe chargé de la sécurité sociale pour améliorer l'efficacité au Canada. À l'heure actuelle, il y a un arriéré de 14 000 demandes de prestations d'invalidité du RPC. À la une du Globe and Mail d'aujourd'hui, on dit que 400 personnes ont été embauchées dans le système d'appel de l'assurance-emploi pour éliminer l'arriéré et qu'on demande à 74 personnes de faire le travail autrefois accompli par un millier de personnes.
Ce n'est donc pas efficace, mais si vous décidez d'aller de l'avant avec ce projet de loi, le code de la Colombie-Britannique prévoit un vote automatique dans un délai de 10 jours et celui de l'Ontario, un vote automatique dans un délai de 5 jours.
Le premier ministre du Manitoba, M. Filmon, à l'époque où M. Vic Toews était ministre du Travail — je l'ai rencontré plusieurs fois dans ma province —, a présenté une modification pour exiger la tenue de votes sept jours après la demande d'accréditation.
Donc, pour conclure, le projet de loi C-525 continue de poser de sérieux problèmes. Comme le capitaine Adamus l'a dit, il n'aurait pas dû être proposé sans consultation. Comme vous le savez, il abolit l'accréditation, exige la tenue de votes et ne prévoit aucun recours ou aucune mesure de protection pour les travailleurs si l'inévitable se produit, et augmente la période où les travailleurs seront plus vulnérables de faire l'objet de représailles et de délais qui doivent être respectés dans le cadre du processus d'accréditation, d'après les informations du CCRI. Il ne peut pas exiger la preuve d'un appui majoritaire pour une demande de révocation d'accréditation. Enfin, il élimine une disposition qui empêche de présenter des demandes de révocation au cours des périodes délicates où les parties sont en négociation.
Je voudrais terminer en disant que c'est un régime soigneusement conçu pour les relations de travail. Le code fédéral, de toutes les provinces et de tous les territoires au Canada, est synonyme de processus décisionnel consensuel, si nous y apportons quelques ajustements. Cela n'a pas toujours été ce que nous voulions. Nous n'avons pas toujours obtenu ce que nous voulions, mais nous sommes parvenus à des consensus avec divers ministres du Travail. Tous les changements au code au cours des deux dernières décennies ont été apportés par l'entremise des bureaux des ministres du Travail sous les différents gouvernements qui se sont succédé, et nous ne devrions pas rejeter un excellent système.
Le président : Je vous demanderais de conclure.
M. Moist : Je sais que votre comité se penche beaucoup sur la question de la constitutionnalité. Je sais que vous êtes au courant que nous attendons en Saskatchewan une décision de la Cour suprême.
Le président : Nous devons passer à un autre intervenant.
Brendan Kooy, directeur régional, Est de l'Ontario, Association ouvrière chrétienne du Canada : Merci, monsieur le président, et merci, honorables membres du comité, de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous aujourd'hui pour discuter de ce projet de loi. La CLAC est l'un des syndicats indépendants les plus importants qui connaît la croissance la plus rapide au Canada. Fondée en 1952, la CLAC mène ses activités par l'entremise de 15 centres différents et représente plus de 60 000 travailleurs de partout au pays qui œuvrent dans divers secteurs.
Nous sommes très présents dans le secteur pétrolier et gazier en Alberta, dans le secteur de l'exploitation des ressources naturelles en Ontario, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique et dans les territoires, ainsi que dans les secteurs de la construction, des transports, des soins de santé et d'autres industries partout au Canada. Plus important encore, la CLAC a une forte présence dans les secteurs de la construction et des mines au nord de la route 60 en Alberta et dans les territoires et est également un intervenant dans le secteur des transports, qui relève du CCRI. Nous sommes donc très touchés par les changements qui sont proposés.
Premièrement, la CLAC comprend très bien la modification présentée par le Comité des ressources humaines de la Chambre des communes en février pour préciser qu'une « majorité des votes exprimés » accorderait ou révoquerait l'accréditation à un syndicat et que les employés qui n'ont pas voté ne seraient pas considérés comme étant contre la mesure. Il s'agit d'une modification que la CLAC et d'autres membres du milieu syndical avaient fortement recommandée et que les membres du Comité des ressources humaines ont adoptée.
Aujourd'hui, je tiens à porter à l'attention du comité deux éléments du projet de loi qui, je crois, devraient faire l'objet d'un examen approfondi. On a déjà longuement discuté du premier, à savoir la nécessité de tenir un vote à point nommé si l'on ordonne la tenue d'un scrutin secret. C'est une norme appliquée partout au Canada. L'Ontario prévoit 7 jours et la Colombie-Britannique, 10 jours, pour tenir un vote à partir de la date où une demande a été présentée. Il y a une bonne raison à cela. Il faut battre le fer quand il est chaud. Je ne pense pas qu'il soit dans l'intérêt du syndicat ou de la partie patronale d'avoir un long délai entre la date où une demande est présentée et la tenue du vote. Les choses changent en deux, trois, quatre, cinq, six jours, et certainement en 157 jours.
Le second élément sur lequel je veux attirer votre attention, c'est la façon dont on procédera aux votes dans le cadre du processus d'accréditation dans des lieux de travail éloignés et parmi les travailleurs œuvrant dans le secteur des transports sous réglementation fédérale qui sont souvent dispersés un peu partout au pays. Les lieux de travail éloignés, dont les chantiers de projets d'exploitation au Yukon, dans les Territoires du Nord-Ouest et au Nunavut, comportent leur lot de problèmes pour ce qui est d'appliquer des pratiques de vote justes. Bien souvent, il y a une rotation des travailleurs, et un certain nombre d'entre eux sont donc parfois à l'extérieur des chantiers. Donc, si un vote pour accorder ou révoquer l'accréditation à un syndicat doit avoir lieu, il est probable que seulement une partie des travailleurs seront disponibles en même temps pour prendre part à un scrutin secret. On se heurterait aux mêmes problèmes avec les travailleurs du secteur des transports qui sont rarement, voire jamais, au même endroit en même temps.
Je tiens à préciser que la CLAC serait favorable à la tenue d'un scrutin secret, dans la mesure du possible. Toutefois, il y a de nombreux défis de taille à relever pour tenir un scrutin secret dans des endroits que le projet de loi n'aborde pas, je pense. Je reconnais qu'il existe d'autres méthodes pour voter, notamment par la poste ou en ligne. Je sais que ce sont des options, mais elles ne sont pas viables pour nous, particulièrement dans le Nord, et nous avons déjà eu recours à ces deux méthodes.
Il convient aussi de noter que la norme fédérale actuelle n'exige pas la tenue d'un vote pour l'accréditation d'un syndicat. Comme on l'a mentionné aujourd'hui, nous estimons que la pratique actuelle de laisser une certaine discrétion au CCRI pour déterminer si un vote doit avoir lieu ou si une vérification des cartes suffit fonctionne bien dans ces cas spéciaux.
La CLAC recommande de maintenir la norme fédérale actuelle, mais d'inclure une disposition spéciale dans le projet de loi, s'il est adopté, pour les travailleurs dans les régions éloignées et dans le secteur des transports sous réglementation fédérale. Elle prévoirait que la signature des cartes d'adhésion suffirait pour exprimer son appui, compte tenu des défis particuliers pour assurer un scrutin équitable dans ces lieux de travail.
Je me ferai un plaisir d'en discuter plus en détail lorsque les membres du comité me poseront des questions. Nous vous remercions de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous aujourd'hui pour discuter de cet important sujet.
Le président : Nous allons commencer les questions avec le vice-président du comité, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Merci à tous les intervenants. Nous avons entendu les témoignages de toutes les parties, qui reflètent, j'imagine, ce que le cadre législatif au Canada prévoit actuellement concernant les scrutins secrets et le moment où ils doivent avoir lieu dans les provinces et les territoires, répartis également. Nous sommes ici aujourd'hui pour exprimer un large éventail d'opinions, et c'est merveilleux qu'on nous en donne l'occasion dans le cadre de ce processus.
Permettez-moi de vous poser la question suivante. Tout le monde semble s'entendre pour dire que le projet de loi fait l'impasse sur le délai que la sénatrice Fraser a mentionné tout à l'heure, ainsi que les témoins aujourd'hui; c'est 5 jours dans certaines provinces et 10 jours dans d'autres, et la raison d'être de ce délai vise à empêcher l'employeur de s'ingérer dans le processus en cours de route. C'est le but. Si vous lisez la jurisprudence, c'est l'intention qui y est énoncée.
Le parrain de la motion d'adoption du projet de loi dit que si quelqu'un y voit un problème, alors il peut en appeler de la décision quant au délai entre la demande d'accréditation et le vote. Quelqu'un veut-il se prononcer sur la pertinence de cette question?
Monsieur Dale, vous êtes l'avocat.
M. Dale : À moins que ce soit dans la loi, il doit y avoir une exigence ferme pour qu'un vote ait lieu dans un court délai. Le président du comité, le sénateur Runciman, saura que lorsque la loi a été modifiée en Ontario en 1995, un délai très strict de cinq jours a été adopté, et le conseil de l'Ontario réussit très bien à respecter cette exigence, sauf dans les cas exceptionnels. À moins que cette exigence soit prévue dans la loi, il y aura toutes sortes de raisons irrémédiables pour justifier des délais : les employés ne sont pas disponibles, les ressources ne peuvent pas être mobilisées, des conflits divers surviennent. En Ontario, par exemple, il y a une exigence stricte de cinq jours et toutes les questions d'ordre juridique sont réglées après le vote.
Vous devez avoir un système de ce genre, sinon la tenue de votes rapides sera impossible et les employeurs s'ingéreront dans le processus.
Le sénateur Baker : Dans le Code canadien du travail que tous les témoins ont mentionné, qui prévoit la tenue d'un scrutin secret que l'on appelle — je crois que c'est un vote sur le rendement, mais j'oublie l'expression exacte —, ainsi que dans toutes les mesures législatives que nous étudions ici, le conseil se réserve le droit de tenir un vote de reconnaissance. Même si ce nouveau vote secret sera prévu dans la loi, un vote additionnel pourrait avoir lieu en vertu d'autres articles du Code canadien du travail. Avez-vous des observations à faire à ce sujet? Vous pourriez donc vous retrouver avec deux votes secrets ainsi qu'une vérification pour s'assurer qu'il y a 40 p. 100 d'appui.
M. Dale : Je vais poursuivre sur ce sujet, si c'est ce que vous souhaitez.
Oui, des votes doivent être tenus assez fréquemment en vertu du Code canadien du travail dans divers contextes. Par exemple, lorsque des entreprises fusionnent et que les deux groupes d'employés sont syndiqués, un vote pourrait être tenu pour déterminer qui sera l'agent négociateur. Nous avons beaucoup d'expérience à cet égard, et le conseil tient un assez grand nombre de ces votes. Les votes de ce genre sont planifiés à l'avance. Il faut parfois des semaines pour les organiser. Ils peuvent être faits par courriel, par téléphone ou par d'autres méthodes semblables. Ils n'ont pas nécessairement besoin d'être rapides. Des votes ont lieu assez fréquemment, mais n'ont pas forcément besoin d'être rapides au CCRI.
Le sénateur Tannas : Il y a quelques points qui me préoccupent, capitaine Adamus. Vous avez mis en doute les intentions du député Calkins. Les chiffres m'intéressent. Premièrement, pourriez-vous m'expliquer la différence entre la vérification des cartes et la tenue d'un vote secret, où il faut recueillir l'appui dans les deux cas de 50 p. 100 des membres plus un de l'effectif total? Comment les résultats seraient-ils différents?
Deuxièmement, j'aimerais que l'un des témoins me dise s'il est au courant des résultats de sondages qui révèlent qu'une grande majorité de Canadiens et une majorité encore plus grande de vos membres préconisent les scrutins secrets. Et le cas échéant, pourquoi a-t-il fait fi de cette préférence?
M. Adamus : Les 50 p. 100 plus un calculés dans le cadre d'une vérification des cartes et d'un scrutin secret donnent les mêmes résultats — ce sont absolument les mêmes chiffres. Il n'y a aucune différence. Pour ce qui est de la grande majorité des Canadiens qui veulent un scrutin secret, je ne suis au courant d'aucun sondage à ce sujet. On ne m'a pas demandé d'en faire un. J'ai entendu le témoin précédent parler d'un sondage, mais on ne m'a certainement pas donné l'occasion de me prononcer à ce sujet.
M. Moist : Au nom du SCFP, je signale que nos membres connaissent bien les scrutins secrets. La loi exige la tenue de scrutins secrets pour ratifier des conventions collectives afin de déclencher une grève.
Je veux faire une observation au sujet du Conseil canadien des relations industrielles, qui est reconnu dans le monde entier. Le secrétaire du Travail des États-Unis était au Canada il y a deux jours. Le Congrès du travail du Canada l'a accueilli avec l'ambassadeur des États-Unis au Canada. Il a posé de nombreuses questions, mais l'une d'entre elles était, « Pourquoi cette façon de procéder fonctionne-t-elle ici, et pourquoi y a-t-il cette coexistence pacifique au niveau fédéral? » Nous avons un conseil de renommée mondiale qui se réserve le droit d'ordonner la tenue de votes si 100 p. 100 des cartes sont signées et pense que quelque chose ne va pas.
Ce projet de loi présume qu'il faut sauver les travailleurs des syndicats abusifs. Ce n'est pas ce qu'ont vu les présidents de votre conseil qui se sont succédé, du Conseil canadien des relations industrielles qui est reconnu mondialement pour être compétent et juste. Il ne dispose pas des ressources voulues pour assurer cette surveillance. Il faut plus de 150 jours pour une accréditation automatique, et le temps, c'est important. M. Filmon, l'ancien premier ministre de ma province, a accepté l'idée qu'il faudrait tenir un vote rapide, et ce, pour une raison.
Je ne suis au courant d'aucun sondage auprès des membres du SCFP où ils demandent la tenue de votes, et nous accréditons des gens partout au Canada tous les jours. Nous accréditons 800 membres par mois depuis 1963 et, dans la plupart des cas, c'est par accréditation automatique.
M. Farrell : Pour répondre à la question, le vote au scrutin secret est essentiellement un moment de vérité pour une personne qui veut exprimer son opinion en toute confidentialité. Il se pourrait, lorsque des employés prennent part à un processus d'accréditation, que des employés n'aient pas été contactés par le syndicat et n'aient jamais eu l'occasion de signer une carte d'adhésion et de manifester leur appui ou leur opposition à un syndicat. En permettant aux employés de se prononcer par un vote secret, on veille à ce que chaque employé ait l'occasion de faire savoir en toute confidentialité ce qu'il veut ou ne veut pas.
Maintenant, la logistique pour la tenue d'un vote au niveau fédéral est compliquée car ces entreprises nationales exercent leurs activités partout au pays. Trouver des moyens de tenir des votes à une fréquence raisonnable est une tâche difficile mais pas insurmontable. Nous avons un Conseil canadien des relations industrielles extrêmement compétent qui compte des professionnels qui peuvent gérer ce petit problème de façon raisonnable.
La sénatrice Fraser : J'ai deux questions. Je vais essayer d'être assez brève. Les réponses devront être brèves également, sinon le président nous interrompra. N'êtes-vous pas d'accord avec ces témoins qui ont proposé que des méthodes de rechange devraient être envisagées pour la tenue de votes dans les régions éloignées, à tout le moins? Je crois que c'est M. Kooy qui a dit que l'on devrait maintenir le modèle de vérification des cartes dans les régions éloignées. L'un d'entre vous a également laissé entendre que nous devrions songer à tenir un vote électronique, par exemple. Cette méthode serait-elle utile et appropriée dans cette situation?
M. Farrell : Je pense qu'il serait difficile de gérer deux méthodes pour déterminer où le vote aura lieu et pourquoi. Comment les différencierait-on? On n'aurait pas forcément un processus semblable ou égal pour tout le monde. Je pense donc que ce serait problématique.
M. Kooy : Nous avons eu des problèmes avec les systèmes de vote en ligne et par la poste. Là encore, nous suggérons qu'un amendement soit apporté au projet de loi pour laisser au CCRI une certaine discrétion afin de maintenir la vérification des cartes dans les lieux de travail éloignés ou lorsque les employés sont dispersés.
La sénatrice Fraser : Ma deuxième question est la suivante : vous avez dit que le système actuel basé sur des consultations tripartites pour apporter des modifications aux lois pertinentes fonctionne bien. Je pense que c'est M. Farrell qui a dit que, de façon générale, l'utilisation de projets de loi d'initiative parlementaire pour réformer les lois du travail créera un mouvement de balancier et un climat d'instabilité dans les relations de travail. J'aimerais que certains d'entre vous émettent une hypothèse sur les conséquences imprévues qui découleront du projet de loi de M. Calkins, s'il est adopté dans sa forme actuelle.
M. Moist : Il n'y a pas que dans le domaine des relations de travail où des projets de loi d'initiative parlementaire sont présentés; nous serons à nouveau saisis du projet de loi C-377. J'ai encore sur enregistrement l'entrevue initiale que le parrain du projet de loi a donnée à la CBC dans laquelle il a dit qu'il n'en avait discuté avec personne et qu'il n'était au courant d'aucun manque de reddition de comptes de la part de syndicats auprès de leurs membres. Bien honnêtement, nous pensons que nous avons affaire à une idéologie extrême.
La remarque suivante n'a pas été faite par le SCFP, mais j'y souscris : des gens de partout dans le monde viennent ici pour rencontrer des représentants du Conseil canadien des relations industrielles, pas parce qu'il est parfait, mais parce qu'il est reconnu mondialement pour être juste. Nous n'avons pas obtenu tout ce que nous voulions dans le processus de consultation avec les employeurs pour ce qui est des changements au code. Certains membres du SCFP pensent que nous aurions dû obtenir plus, mais le CTC nous a judicieusement conseillé de privilégier un consensus. Nous sommes tout à fait d'accord avec M. Farrell, qui a dit que les projets de loi d'initiative parlementaire sont utilisés comme des instruments radicaux et inappropriés qui minent le fragile équilibre des relations de travail.
M. Adamus : Les relations de travail sont extrêmement fragiles. Les parties doivent consacrer beaucoup de temps et d'énergie pour s'assurer que les choses sont justes et équitables. Dans le cadre d'un processus de consultation, tout le monde collabore. C'est pourquoi nous avons connu autant de succès au Canada. Je vais revenir sur les observations de Paul au sujet de nos collègues américains. Notre association représente des pilotes aux États-Unis également. Je participe très souvent à des réunions à Washington, D.C. Il est arrivé des centaines de fois que des représentants du National Mediation Board disent : « Vous êtes Canadien; votre pays agit comme il se doit. » C'est grâce au processus consultatif qu'on a mis en place.
M. Farrell : L'important, c'est que nous entretenons d'excellentes relations avec les syndicats et le gouvernement pour essayer d'étudier ces lois. Nous tenons à ces relations et à la capacité de modifier les lois du travail en organisant des consultations prélégislatives.
Ce qu'il faut comprendre, c'est que nous ne voulons pas politiser les relations de travail. Nous ne voulons pas que des idéologies politiques soient mises sur la table lorsque nous nous penchons sur des questions liées aux relations de travail, puisque cela donnera lieu à des modifications au Code du travail, ce qu'aucun des partis ne cherche à faire, sauf pour quelques groupes de personnes qui essaient d'imposer leur idéologie à un système qui fonctionne déjà extrêmement bien.
Nous ne pouvons pas réécrire comment le Parlement doit se comporter, et je respecte pleinement le droit des députés de présenter des projets de loi d'initiative parlementaire, mais nous voulons que tout le monde sache que nous pensons que tous les députés devraient faire preuve de prudence lorsqu'ils envisagent de modifier les lois du travail.
Le sénateur McIntyre : Messieurs, merci de vos exposés.
Monsieur Farrell, lorsque vous avez témoigné pour la première fois au comité permanent, vous avez exprimé des préoccupations au sujet de la disposition relative à l'inversion du fardeau de la preuve qui exigeait que le syndicat prouve qu'il avait toujours l'appui de l'unité de négociation. Après avoir entendu votre déclaration et lu votre mémoire, je crois comprendre que vous vous réjouissez que cette inversion du fardeau de la preuve ait été retirée au moyen d'un amendement présenté par le comité permanent.
M. Farrell : Je suis effectivement content qu'elle ait été supprimée.
Le sénateur McIntyre : Vous êtes content de ce changement. Merci, monsieur.
Le sénateur McInnis : La sénatrice Fraser vient de poser la question que je m'apprêtais à poser. Soit dit en passant, j'ai trouvé que vos déclarations étaient excellentes et réfléchies.
Le problème que nous voyons ici — que vous voyez, du moins —, c'est cette approche tripartite prélégislative qui prévoit la tenue de consultations, et si vous envisagez de modifier le Code canadien du travail, vous feriez mieux de nous consulter, à tout le moins.
Permettez-moi de vous poser la question suivante : existe-t-il un groupe officiel ou non qui regroupe des représentants des syndicats, de la partie patronale et du gouvernement et qui se rencontre régulièrement? Les organisations de votre taille surveillent évidemment toutes les mesures législatives qui pourraient avoir des effets néfastes ou positifs sur vos organisations. Comment assurez-vous cette surveillance? Quand ce dossier a-t-il été porté à votre attention pour la première fois? Vous devez être bien au courant de la situation et avez donc accès au bureau de M. Calkins, par exemple. J'imagine que vous pourriez tenir toutes sortes de consultations et disposer des ressources pour le faire. Avez-vous organisé des consultations, et pouvez-vous dire si un groupe officiel est en place?
M. Farrell : Les ETCOF et le Congrès du travail du Canada entretiennent de solides relations de travail, et nous communiquons ensemble régulièrement. Nous sommes également en contact avec la ministre du Travail et les fonctionnaires d'Emploi et Développement social Canada.
Lorsque le gouvernement étudie des lois, on nous encourage à comprendre ce qu'il cherche à faire et à donner notre opinion au préalable. Par exemple, pas plus tard qu'aujourd'hui, j'ai rencontré la présidente du Congrès du travail du Canada pour discuter de certaines questions d'actualité dont la ministre est saisie, et elle nous a communiqué les enjeux sur lesquels nous devrions nous pencher, d'après elle. Nous avons eu une conversation très conviviale et ouverte.
C'est ainsi que l'on fonctionne d'une certaine façon. Nous entretenons de bonnes relations de travail, et nous nous en réjouissons parce que ce sont nos règles. Nous exerçons nos activités dans le respect de cet ensemble de règles. Si vous voulez changer les règles, vous feriez mieux de vous entretenir avec les intervenants.
En un sens, c'est la raison pour laquelle nous y attachons de l'importance. Ce n'est pas parfait. Nous n'obtenons pas toujours ce que nous souhaitons, mais nous connaissons la position de chaque partie et nous pouvons formuler des commentaires éclairés au sujet de la rédaction de la mesure législative. Le gouvernement a ensuite le droit absolu de déterminer ce qu'il va faire et d'adopter de nouvelles lois dans le cadre du processus législatif, mais il le fait en ayant en main les renseignements appropriés, et nous trouvons cela important. C'est un long processus, et nous ne voulons pas que le pendule des relations de travail oscille, sur le plan du fonctionnement de la loi, d'un point de vue idéologique, à chaque changement de gouvernement. Ce n'est dans l'intérêt de personne.
M. Moist : Partout au Canada, la plupart des membres du SCFP sont assujettis à la réglementation provinciale. Tous les partis politiques, la plupart des provinces, le premier ministre de la province vous diront : « Non merci, allez voir le ministre du travail au sujet de cette demande. » Les ministres du Travail mettent sur pied des comités, et on doit satisfaire aux critères des entreprises et des collègues travailleurs. Cela revient ensuite au ministre, puis au comité du cabinet, puis au bureau du premier ministre.
Je ne tenterai aucunement de parler au nom de la ministre fédérale du Travail, que nous avons rencontrée. Cela la place dans une bien mauvaise position. Ce n'est pas ainsi que les choses fonctionnent au Canada lorsqu'on doit modifier la Loi sur les relations de travail. Si le pendule monte à telle hauteur, il montera à la même hauteur à l'autre extrémité, et c'est ce que M. Farrell et, bien franchement, les syndicats veulent éviter.
La sénatrice Batters : Je voudrais d'abord revenir sur une observation faite par quelques-uns d'entre vous, à savoir que vous n'étiez pas au courant des statistiques dont nous avons parlé avec le témoin précédent. Nous avons vu des statistiques indiquant que les travailleurs préféreraient un scrutin secret. Un sondage commandé par l'Association LabourWatch du Canada a révélé qu'une forte majorité de Canadiens syndiqués ou anciennement syndiqués, soit 86 p. 100, sont très favorables au vote par scrutin secret. Un autre sondage réalisé auprès des membres de la Fédération canadienne de l'entreprise indépendante, ou FCEI, a révélé que 76 p. 100 des répondants ont indiqué qu'ils préféraient le scrutin secret.
Le président de la FCEI, Dan Kelly, a déclaré :
Puisque le scrutin secret est un fondement de notre démocratie, si le processus est assez bon pour élire nos politiciens, il devrait être assez bon pour former un syndicat.
Cela m'amène à poser la question suivante : Si le scrutin secret est à la base de toute notre démocratie — et nous en sommes très conscients dans les Chambres du Parlement —, pourquoi ne devrions-nous pas nous en servir pour accorder ou révoquer une accréditation syndicale?
M. Moist : Cela fait les manchettes des journaux. Il y a 14 000 Canadiens qui attendent que leur demande d'assurance-invalidité soit seulement entendue. Soixante-seize personnes en ont remplacé 1 000 aux tribunaux. Cette justice différée à l'égard de ces personnes a été le sujet de la première question de la période des questions ces dernières semaines.
Comment le Conseil canadien des relations industrielles peut-il tenir des votes même à l'intérieur d'un délai de 157 jours s'il doit le faire pour toutes les demandes? Durant la période où ce sondage a été réalisé, M. Kelly aurait déclaré, à London, en Ontario, que le Canada devrait proscrire les syndicats du secteur public, que cela améliorerait le sort du Canada. Les points de vue de la FCEI sur les relations de travail sont marginaux.
Quant au sondage de LabourWatch, il a été discrédité par une association de surveillance des médias. Il était tendancieux. La plupart des membres du SCFP comprennent ce que les votes représentent. Il n'y a pratiquement aucune plainte au Conseil canadien des relations industrielles concernant des membres qui auraient été contraints de signer, et le conseil exerce sa compétence pour ordonner la tenue de scrutins s'il estime qu'il y a le moindre problème.
Si on demande aux Canadiens ce qu'ils pensent du vote, la plupart, moi y compris, diront que c'est une bonne chose. Mais le processus d'accréditation qui consiste à payer 5,00 $ et à signer une carte d'adhésion qui peut faire l'objet d'un examen par les autorités fédérales est un système suffisant qu'aucun gouvernement n'a voulu modifier. Le gouvernement actuel ne veut pas le modifier. Il n'en a pas été question dans le cadre de nos discussions avec la ministre fédérale. Vous avez donc ici une mesure législative particulière à laquelle vous accordez beaucoup d'attention, comme il se doit, mais qui mérite d'être rejetée sommairement par vous tous.
La sénatrice Batters : Monsieur Kooy, vous avez d'abord exprimé des préoccupations à propos du fait que dans le projet de loi C-525 initial, l'accréditation ou la révocation de l'accréditation syndicale se devait d'être appuyée par la majorité des employés d'une unité de négociation; le gouvernement a maintenant modifié le projet de loi afin qu'il exige que la majorité des employés aient participé au scrutin. J'aimerais savoir si cet amendement apaise vos préoccupations à cet égard.
M. Kooy : C'était notre principale préoccupation lorsque le projet de loi a été présenté; nous sommes donc heureux de voir qu'il a été modifié à la Chambre des communes.
Le président : J'ai une question pour M. Dale. Le sénateur Baker vous a posé une question relativement à la rapidité du vote, et vous avez parlé des délais prévus dans les lois provinciales; à titre d'avocat en droit du travail, peut-être pourrez-vous répondre à ma question. Est-il réaliste de penser qu'on pourrait régler cette question au moyen de la réglementation fédérale?
M. Dale : Eh bien, j'ignore s'il existe actuellement dans le code un pouvoir de réglementation pour le faire.
Je me demande si le CCRI pourrait établir des règles qui l'exigeraient dans tous les cas, bien que je ne veuille pas émettre d'hypothèses quant à la possibilité que ce soit fait de façon exécutoire.
Le président : Plus tard au cours du processus d'audiences, des fonctionnaires viendront témoigner et pourront peut-être répondre à cette question.
Nous avons commencé en retard. J'aimerais donner au moins la possibilité aux membres des deux côtés de la table de poser d'autres questions.
Le sénateur Baker : À ce sujet, vous rappelez-vous le jugement que le parrain du projet de loi a cité? Il s'agissait de la décision de la Cour d'appel de la Saskatchewan; M. Moist a indiqué il y a quelques minutes qu'elle était renvoyée à la Cour suprême du Canada. Est-ce bien cela?
M. Moist : Nous attendons actuellement la décision.
Le sénateur Baker : Dans cette décision, il y a un paragraphe, si vous vous rappelez, dans lequel on indique que la question du délai a été soumise à l'arbitrage. Le juge avait parlé de cinq jours et de dix jours, et la Cour d'appel y a consacré un paragraphe et a indiqué que cela n'allait pas à l'encontre du paragraphe 2d) de la Charte qui porte sur la liberté d'association, car dans le cas d'une longue période, la partie lésée pourrait en appeler, je crois, devant la cour. Vous rappelez-vous ce que la Cour d'appel de la Saskatchewan a dit être le recours possible dans ce cas?
M. Dale : Non, je ne me rappelle pas ce paragraphe de cette décision, mais une plainte syndicale dans un tel processus est habituellement soumise à la commission des relations de travail de la province. Nous ne voyons pas beaucoup cela en Ontario, où je pratique la plupart du temps, car les scrutins sont tenus dans un délai de cinq jours. Il s'agit généralement d'entreprises industrielles où les employés travaillent à un endroit commun.
Au niveau fédéral, j'ignore quel serait le recours si un vote ne pouvait avoir lieu rapidement et s'il y avait de l'ingérence. On pourrait devoir ajouter des dispositions relativement à l'accréditation réparatoire, par exemple, comme il y en a en Ontario.
Le sénateur Tannas : Monsieur Kooy, je crois avoir entendu qu'un certain nombre de provinces ont fixé des délais précis en ce qui concerne la tenue des scrutins, mais je n'ai rien entendu au sujet de l'Alberta, de la Saskatchewan ou de la Nouvelle-Écosse. Qu'en est-il? Y a-t-il un délai précis dans ces provinces? Dans l'affirmative, pourriez-vous nous dire s'il y a des histoires d'horreur ou si on arrive à tenir les scrutins dans un délai raisonnable?
M. Kooy : Je vais citer aujourd'hui quelques exemples pour illustrer à quel point la lenteur des processus d'accréditation dans les lieux de travail éloignés, en particulier dans le Nord, est devenue problématique. Je vais vous donner un exemple en Alberta. Nous avions reçu une demande d'accréditation dans le domaine de la construction. Pour un certain nombre de raisons, le traitement de cette demande a été retardé. Six ou sept semaines après la réception de la demande, lorsqu'elle a finalement été traitée, les travailleurs en question avaient été mis à pied. La Commission des relations de travail de l'Alberta a tenté de procéder à un scrutin par la poste, mais aucun des bulletins de vote n'a été retourné.
Cela a enlevé toute légitimité au processus. J'espère que vous pouvez voir comment cela se reflète dans certaines préoccupations que j'ai soulevées tout à l'heure.
Le sénateur Tannas : Je comprends les problèmes qui concernent le Nord. Le problème que vous venez de décrire est-il répandu dans les trois provinces dont nous parlons? Quelqu'un d'autre a-t-il quelque chose à ajouter relativement aux retards importants dans ces trois provinces par rapport aux provinces où des dates obligatoires sont fixées?
M. Kooy : Je n'ai pas d'exemple devant les yeux.
Le président : Malheureusement, nous n'avons plus de temps. Nous allons devoir poursuivre.
Nous vous remercions, messieurs, d'avoir pris le temps de venir témoigner malgré vos horaires sans aucun doute très chargés.
Le dernier témoin, que nous entendrons ce soir par vidéoconférence, est Mme Elizabeth MacPherson, présidente du Conseil canadien des relations industrielles. Bienvenue, madame MacPherson. Nous vous remercions d'être avec nous ce soir. Vous ferez sans doute une déclaration préliminaire?
Elizabeth MacPherson, présidente, Conseil canadien des relations industrielles : Oui. Je vous remercie d'avoir invité le Conseil canadien des relations industrielles à comparaître dans le cadre de votre étude du projet de loi C-525.
Étant donné que le Conseil canadien des relations industrielles sera l'organisme responsable de l'administration de cette mesure législative pour les organisations du secteur privé sous réglementation fédérale, mon objectif aujourd'hui est de vous donner un aperçu des responsabilités du conseil et de vous parler ensuite plus particulièrement des scrutins de représentation.
Je crois que mon document a été distribué aux membres du comité. Il est intitulé « Scrutins tenus dans le cadre de demandes d'accréditation ou de révocation en vertu du Code canadien du travail ».
Le Conseil canadien des relations industrielles est responsable de l'interprétation et de l'application de la partie I du Code canadien du travail, qui régit les relations patronales-syndicales dans le secteur privé sous réglementation fédérale. Ce secteur comprend des industries d'infrastructure clés comme les chemins de fer, le transport aérien, le camionnage interprovincial, l'expédition, le débardage, les banques, la radiodiffusion et les télécommunications. Comme ses clients se trouvent partout au Canada, le conseil a des bureaux régionaux partout au pays et y emploie des agents des relations industrielles et de gestion des cas.
Les relations de travail dans le secteur privé sous réglementation fédérale sont établies de longue date et relativement stables. Le taux de syndicalisation est approximativement de 40 p. 100, donc beaucoup plus élevé que la moyenne nationale de 17 p. 100. Cependant, ce taux varie d'une industrie à l'autre : il est élevé dans les secteurs ferroviaire et aérien, mais beaucoup plus bas dans le secteur bancaire.
En moyenne, le conseil reçoit chaque année entre 50 et 100 demandes d'accréditation syndicale de la part de nouvelles unités de négociation. De plus, le conseil reçoit des demandes de la part de syndicats qui ont été reconnus volontairement par l'employeur, mais qui souhaitent officialiser leur statut auprès du conseil, des demandes de syndicats qui souhaitent prendre la place d'un autre syndicat dans une unité de négociation, et des demandes de particuliers qui veulent faire révoquer l'accréditation de leur agent négociateur. Au tableau 1 de la page 3 du document, vous pouvez voir le nombre de demandes reçues par le conseil pour chaque catégorie au cours des cinq dernières années.
Lorsque le conseil reçoit une demande, il envoie à l'employeur un avis qui doit être affiché sur le lieu de travail. Cet avis annonce à tous les employés concernés que la demande a été reçue par le conseil et leur fournit les coordonnées de l'agent des relations industrielles chargé du dossier. C'est cet agent qui a la responsabilité de mener une enquête sur la demande : il recueille les témoignages et déclarations de l'employeur, du syndicat et de tous les employés qui souhaitent se prononcer. L'agent examine et vérifie aussi la preuve d'adhésion syndicale présentée par le demandeur, notamment en communiquant avec un échantillon représentatif des signataires de la carte d'adhésion syndicale afin de confirmer qu'ils ont bien signé la carte et versé la cotisation obligatoire de 5 $.
L'agent des relations industrielles fait aussi enquête en cas d'allégations d'irrégularités et présente ensuite dans un rapport la position des parties, puis leur envoie ce rapport afin qu'elles puissent le commenter et y apporter des corrections, s'il y a lieu. Durant ce processus, l'agent des relations industrielles réussit souvent à régler les différends relatifs au champ d'application de l'unité de négociation proposée. Il rédige aussi un rapport confidentiel sur les preuves d'adhésion syndicale; il le remet au conseil et non aux parties, puisque l'article 35 du Règlement sur le CCRI exige la confidentialité de la volonté des employés.
Le dossier est ensuite renvoyé à l'administration centrale, où il sera étudié par un comité. Ce comité examine la demande et la preuve d'adhésion, décide du champ d'application de l'unité de négociation et détermine si le demandeur a le soutien de la majorité de l'unité.
L'article 29 du code habilite le conseil à ordonner la tenue d'un scrutin de représentation s'il le juge nécessaire. Le tableau 3 de la page 4 présente le nombre de scrutins de représentation qui ont eu lieu entre le 1er avril 2009 et le 31 mars 2014.
Si le conseil décide qu'un scrutin de représentation doit être tenu, l'agent sera nommé directeur du scrutin. Il rencontrera le demandeur et l'employeur et prendra les dispositions nécessaires à la tenue du vote. Tout point contesté, comme l'admissibilité au vote ou la méthode de scrutin, sera soumis au comité, qui rendra une décision.
Le vote peut se dérouler en personne, par la poste ou, maintenant, par voie électronique, soit par Internet ou téléphone. Une description de chacune de ces méthodes et des données sur leur utilisation se trouvent aux pages 5 et 6 du document; leur coût relatif est indiqué aux pages 7 et 8.
Si vous avez des questions, je serai heureuse d'y répondre.
Le président : Merci beaucoup. Nous allons commencer par le vice-président du comité, le sénateur Baker.
Le sénateur Baker : Soyez la bienvenue, madame MacPherson. Vous faites de l'excellent travail depuis des années dans les fonctions que vous occupez actuellement et dans celles que vous avez occupées auparavant, dans la nomination des arbitres et dans les ressources humaines. Je le sais parce que votre nom figure très souvent dans la jurisprudence. Il m'arrive de lire la jurisprudence.
En vertu de ce projet de loi, votre agent, la personne que vous avez nommée, vérifiera d'abord si 40 p. 100 des employés visés par la demande ont bien signé le formulaire et payé les 5 $. S'il y a moins de 40 p. 100 ou si des employés n'ont pas versé les 5 $, alors la demande est rejetée. Est-ce bien cela?
Mme MacPherson : En fait, la demande ne peut être rejetée par l'agent. Elle est renvoyée à un comité du conseil à des fins d'examen. Mais c'est bien cela.
Le sénateur Baker : Oui, bien sûr. Elle est rejetée si elle ne représente pas 40 p. 100 des employés et s'ils n'ont pas tous versé les 5 $, n'est-ce pas?
Mme MacPherson : Le conseil a une certaine latitude et peut ordonner la tenue d'un scrutin en toutes circonstances, mais évidemment, lorsqu'il y a des irrégularités en ce qui a trait à la preuve d'adhésion, le conseil prend cela très au sérieux dans le cadre du régime actuel, qui permet l'accréditation par signature de cartes d'adhésion. S'il y a des irrégularités ou une fraude présumée, la demande sera rejetée.
Le sénateur Baker : Oui. Vous avez parlé du paragraphe 29(1). Le projet de loi supprimerait ce paragraphe. Vous avez mentionné que cela supprimerait votre pouvoir d'ordonner la tenue d'un scrutin de représentation, mais comme vous le soulignez, ailleurs dans la loi, il est prévu que vous puissiez ordonner à tout moment la tenue d'un scrutin secret, si vous avez des raisons de le faire. Est-ce bien cela?
Mme MacPherson : À l'heure actuelle, oui.
Le sénateur Baker : Vous pourriez donc déterminer que pour une raison quelconque, vous devez ordonner la tenue d'un scrutin de représentation, mais ensuite, pour une raison liée aux 40 p. 100 ou aux 5 $, cela signifie-t-il que vous devriez, en vertu de cette mesure législative, ordonner la tenue d'un autre scrutin secret par la suite?
Mme MacPherson : Excusez-moi, monsieur, mais je ne suis pas sûre de bien comprendre la question. Il n'y a en général qu'un seul scrutin.
Le sénateur Baker : Voyez-vous, le projet de loi veille à ce qu'il y ait un processus, c'est-à-dire 40 p. 100 des gens, leurs signatures, et 5 $ chacun. D'accord? Si c'est au moins 40 p. 100 des employés, on passe à un scrutin secret. Vous conservez tout de même le pouvoir — je crois que c'est une disposition générale, l'article 16 de la loi — d'ordonner à tout moment que soit tenu un scrutin d'enregistrement pour toute raison valable. Vous pouvez tout de même ordonner que soit tenu un autre scrutin secret. Est-ce bien cela?
Mme MacPherson : J'essaie de trouver une situation où nous tiendrions un second scrutin sans raison de le faire. Vous avez raison. Nous nous assurons d'abord qu'au moins 40 p. 100 des employés désirent être représentés ou ne désirent pas être représentés, puis nous passons au scrutin.
Le sénateur Baker : J'ai une dernière question. Les représentants de certains syndicats concernés nous ont dit aujourd'hui que vous n'avez pas les ressources nécessaires pour effectuer ces scrutins secrets dans des délais raisonnables. En vertu des lois provinciales, il y a habituellement un délai de traitement prescrit — 5 ou 10 jours entre la date de présentation de la demande et la date du scrutin. Ils disent que vous ne pourrez pas respecter ces délais; vous ne disposez pas des ressources pour le faire. Que répondez-vous à propos de cette critique?
Mme MacPherson : Nous avons vérifié quelles sont les ressources requises. Nous estimons qu'avec ce projet de loi, notre charge de travail serait multipliée par cinq en ce qui concerne les scrutins de représentation — il y en aurait cinq fois plus que maintenant. Cela signifie que nous devrions détourner des ressources d'autres activités et qu'un arriéré pourrait se créer en ce qui concerne nos autres domaines de responsabilité, comme les pratiques déloyales de travail. Il faudrait qu'un triage soit effectué.
Le sénateur Tannas : À ce sujet, pourriez-vous me dire combien vous avez d'employés en terme d'équivalents temps plein au conseil?
Mme MacPherson : Depuis le 1er novembre, le conseil n'a pas d'employés. Tous les employés font partie du Service canadien d'appui aux tribunaux administratifs, ou SCATA, mais avant la transition, nous avions moins de 20 agents des relations industrielles dans tout le pays.
Le sénateur Tannas : L'ajout de trois équivalents temps plein afin de mener cela à bien représenterait 15 p. 100 de plus; je crois l'avoir vu dans le document que vous nous avez fourni.
Vous devez augmenter de 15 p. 100 le nombre de vos agents. C'est le défi à relever pour maintenir les mêmes services ailleurs et accorder à ces demandes toute l'attention requise.
Mme MacPherson : C'est notre estimation.
Le sénateur Tannas : Si vous réussissez, croyez-vous que vous pourriez tenir les scrutins dans un délai raisonnable?
Mme MacPherson : C'est certainement notre objectif. Il nous faudrait modifier notre règlement et imposer aux parties des délais beaucoup plus stricts. En Ontario, par exemple, l'employeur n'a que deux jours pour fournir la liste de ses employés, qui sera utilisée comme liste des votants. Il y aurait donc beaucoup de pression, d'abord sur les employeurs, pour qu'ils transmettent rapidement l'information au conseil. Je crois que nous adopterions le modèle de l'Ontario, qui consiste à tenir le vote le plus rapidement possible, puis à régler les désaccords au sujet des votes qui devraient être comptés ou des postes qui devraient ou non être inclus.
Le sénateur Tannas : Très bien. Merci.
La sénatrice Fraser : J'essaie de résoudre ce qui me semble être la quadrature du cercle; j'aurai donc besoin que vous me guidiez, madame MacPherson. L'an dernier, en 2013-2014, vous avez tenu 14 scrutins de représentation. Cela représentait 18 p. 100 du nombre total de demandes. C'est dans votre tableau de la page 4.
Puis, à la page 6, on voit que le délai moyen de traitement dans les cas où des scrutins ont été ordonnés était de 64 jours, alors que le délai cible était de 50 jours. Vous n'avez donc jamais atteint votre objectif lorsqu'un scrutin a été ordonné.
Si le projet de loi est adopté et que les scrutins secrets deviennent obligatoires, la période dont vous aurez besoin pour traiter les demandes sera probablement réduite, puisque les scrutins seront obligatoires. Vous n'aurez pas à tout revoir et à vous demander s'il convient de tenir un scrutin; vous devrez tout simplement en tenir un.
Quelle en sera l'incidence sur vos délais de traitement?
Mme MacPherson : Je dois préciser qu'au tableau 5, nous parlons du délai moyen. Le délai moyen de traitement de 64 jours, en 2013-2014, englobe les cas où nous avons respecté notre délai cible de 50 jours, mais aussi les cas où nous l'avons largement dépassé.
Il arrive que nous puissions atteindre l'objectif. Le tableau 6 donne probablement une meilleure idée de la situation.
La sénatrice Fraser : Il indique 0 p. 100.
Mme MacPherson : Lorsqu'un scrutin est tenu, nous ne pouvons pas respecter notre cible de 50 jours, étant donné notre réglementation actuelle et la période allouée à chaque partie pour répondre et répliquer. Voilà pourquoi je dis qu'il nous faudrait modifier notre règlement afin de réduire la période que nous accordons actuellement aux employeurs, aux employés et aux syndicats pour nous présenter leur position, par exemple, sur les postes qui devraient ou non faire partie de l'unité de négociation ou les personnes qui devraient ou non avoir le droit de voter.
La sénatrice Fraser : Après l'avoir fait, quel délai pourriez-vous respecter, selon vous? Je suppose qu'il n'est plus question de 50 jours, mais vous avez parlé du modèle de l'Ontario. Je crois que le délai là-bas est de cinq jours. Seriez-vous en mesure de le respecter?
Mme MacPherson : C'est notre objectif, mais l'une des difficultés, c'est que nous avons un vaste terrain à couvrir. Si le scrutin a lieu dans les Territoires du Nord-Ouest ou au Yukon, les chances que nous puissions respecter un délai de cinq jours sont très minces.
La sénatrice Fraser : Vous a-t-on indiqué que si le projet de loi était adopté, vous obtiendriez les ressources supplémentaires dont vous auriez besoin?
Mme MacPherson : Non.
Le sénateur McIntyre : Je vous remercie de votre exposé, madame MacPherson. Jusqu'ici, le comité a entendu des arguments en faveur du scrutin secret obligatoire. Il a aussi entendu des arguments en faveur du système de vérification des cartes. D'après ce que je comprends, les scrutins secrets ne sont pas nouveaux. D'ailleurs, je pense qu'on en tient à diverses occasions : pour l'élection des dirigeants, les conventions collectives, les votes de grève, les référendums, les modifications constitutionnelles et les offres patronales au cours des négociations collectives. Tous ces votes sont tenus par scrutin secret.
Je crois que le seul vote qui ne l'est pas, c'est celui sur l'accréditation et la révocation de l'accréditation. Cela étant dit, ma question est la suivante. En ce qui concerne les questions liées au vote sur les conventions collectives ou au vote de grève, par exemple, votre organisme joue-t-il un rôle de supervision, ou ces questions sont-elles traitées par la constitution interne des syndicats?
Mme MacPherson : Le conseil ne joue aucun rôle dans tout ce qui concerne les affaires internes des syndicats, comme les votes de grève ou les votes sur les conventions collectives provisoires. Le conseil n'a aucun rôle à jouer à ce chapitre.
Le sénateur McIntyre : N'y a-t-il pas une disposition dans le code qui porte, par exemple, sur la dernière offre de l'employeur et, dans pareilles circonstances, le ministre peut-il vous demander de tenir un scrutin?
Mme MacPherson : Oui, et ces scrutins seraient tenus selon les règles du conseil, plutôt que les statuts du syndicat.
Le sénateur McIntyre : D'accord. Merci de vos réponses.
[Français]
Le sénateur Dagenais : J'aimerais revenir à votre document. D'après la conclusion de votre document, si le projet de loi C-525 est adopté, votre charge de travail et les ressources devront augmenter. Le projet de loi C-525 a pour but de permettre un vote secret. Comme vous le savez, le vote secret est un principe de notre démocratie. Donc, même si les coûts et la charge de travail augmentent, le but du projet de loi est de permettre aux gens de pouvoir s'exprimer librement. Le vote secret est une façon de s'exprimer librement. Dans le cas d'une accréditation ou d'une désaccréditation syndicale — pour avoir travaillé dans le milieu syndical pendant une quinzaine d'années —, les gens sont parfois victimes d'intimidation d'un côté ou de l'autre. J'aimerais entendre votre point de vue à ce sujet.
Mme MacPherson : Vous avez raison qu'il y aura des pressions sur les employés lorsqu'une demande d'accréditation sera déposée. C'est pour cette raison qu'il est important de tenir le scrutin aussitôt que possible, et cela exige des ressources.
[Traduction]
Le sénateur McInnis : J'ai une question à vous poser, mais j'ignore si vous pourrez y répondre. À supposer qu'on vous accorde les ressources nécessaires, prévoyez-vous avoir des difficultés à appliquer cette mesure législative?
Mme MacPherson : Je doute que les syndicats puissent créer de petites unités à l'avenir, étant donné les coûts qui seraient liés à l'organisation de telles unités; par conséquent, les personnes les plus vulnérables pourraient se retrouver sans représentation syndicale. C'est un risque, mais je n'ai pas de données tangibles pour étayer mes propos.
[Français]
La sénatrice Bellemare : Madame MacPherson, ma question porte sur la tenue du vote. Je remarque que vous avez déjà tenu des votes électroniques.
Personnellement, j'ai l'impression que ce sera possiblement une voie de l'avenir que de tenir des votes électroniques, et que les coûts qui y seraient associés pourraient ne pas être très élevés.
Je voudrais donc connaître votre opinion à ce sujet. Je suis d'accord avec vous que, si les délais sont longs, le climat de travail et la productivité pourraient en subir des conséquences. Cependant, par voie électronique, cela peut être très rapide; c'est donc une mécanique à établir.
Ne pensez-vous pas qu'avec une mécanique bien huilée, on pourrait atteindre un délai de cinq jours après quelques mois ou un an?
Mme MacPherson : Personnellement, je préfère les votes électroniques. Il y a moins de possibilités que des problèmes surviennent. Mais, en ce moment, les votes électroniques sont très coûteux, parce qu'ils exigent une tierce partie. Peut-être que si le projet de loi était adopté, nous pourrions investir des fonds afin d'élaborer notre propre système de vote électronique.
La sénatrice Bellemare : Quand vous dites que cela coûte très cher, vous parlez de quel ordre de grandeur?
Mme MacPherson : À la page 7 du document, on voit que le coût moyen des votes électroniques était de 2 707 $ par vote.
La sénatrice Bellemare : D'accord. Mais si vous investissiez, vous pourriez avoir vos propres systèmes au lieu d'avoir à embaucher des entreprises. Merci beaucoup.
[Traduction]
Le président : Chers collègues, il nous reste un peu de temps pour un deuxième tour.
Le sénateur Baker : J'aimerais obtenir une précision sur les scrutins. Il y a quelque temps, un différend avait opposé deux syndicats; je crois qu'il s'agissait de l'aéroport international Pearson, et il y a eu un scrutin. Vous aviez ordonné la tenue d'un scrutin sur l'accréditation ou la révocation — une des deux. J'ai remarqué que, dans votre ordonnance, il était dit que le scrutin aurait lieu du 5 au 10, je ne sais trop quel mois. Pourriez-vous nous expliquer pourquoi vous avez décidé d'échelonner le scrutin sur cinq ou six jours? Que se passe-t-il à cet égard?
Mme MacPherson : Cela dépend du type de vote, mais si c'était un scrutin en personne, il est fort probable que cette mesure ait été prise pour faire en sorte que tous les travailleurs de quarts aient l'occasion de voter, parce que les scrutins sont tenus sur les lieux de travail ou à proximité. Si quelqu'un travaille un quart et qu'il n'est pas au travail le jour où le scrutin a lieu, nous prolongeons la période de mise aux voix pour nous assurer que le tout le monde a l'occasion d'y participer. Les scrutins électroniques régleraient le problème parce que, dans ce cas-là, les travailleurs pourraient voter à partir de chez eux ou de tout autre endroit où ils se trouvent.
Le sénateur Baker : Merci d'avoir apporté des éclaircissements sur une question soulevée par le président durant la réunion du comité, quant à savoir si vous pourriez instaurer, aux termes des règlements, un système dans lequel le nombre de jours entre la demande et la tenue du scrutin serait considérablement réduit pour en assurer l'efficacité. Je vous remercie.
Le président : Y a-t-il quelqu'un d'autre parmi les membres du comité qui voudrait poser une question? Comme il n'y en a pas, je cède la parole à la sénatrice Bellemare.
[Français]
La sénatrice Bellemare : J'aimerais revenir sur le sujet du vote électronique. Il y a beaucoup de votes électroniques qui se font actuellement. À la télévision, vous pouvez voter pour le meilleur chanteur, et cela se fait très bien; les gens qui votent n'ont pas à débourser beaucoup de sous.
J'ai vu qu'en 2013-2014, il y a un scrutin qui a été fait par voie électronique. Pouvez-vous me dire si beaucoup de personnes ont voté par voie électronique lors de ce scrutin? J'imagine qu'il y a des coûts fixes importants qui y sont liés. Donc, les 2 700 $ par personne, par vote, étaient liés à combien de personnes au total?
Mme MacPherson : Je ne suis pas certaine du nombre de personnes. Cependant, je peux vous dire que, lorsqu'on ordonne un vote électronique, c'est dans des situations où les employés sont dispersés à plusieurs endroits.
La sénatrice Bellemare : Je vous remercie.
[Traduction]
La sénatrice Fraser : Madame MacPherson, vous avez dit que, si vous adoptiez le modèle de l'Ontario, les employeurs n'auraient que deux jours pour répondre après la réception de la demande d'accréditation. Combien de temps accordez-vous actuellement aux employeurs pour leur permettre de répondre?
Mme MacPherson : Les règlements prévoient actuellement un délai de 10 jours pour répondre. Un des aspects qui inquiètent les employeurs en Ontario, c'est que ces demandes sont souvent déposées les vendredis après-midi. Donc, au moment d'examiner nos règlements, nous devrons notamment nous assurer que les employeurs ont une chance équitable.
La sénatrice Fraser : Autrement dit, deux jours ouvrables.
Le sénateur McIntyre : Madame MacPherson, dans votre exposé, vous avez dit que le taux de syndicalisation est très élevé dans les secteurs ferroviaire et aérien, mais très faible dans le domaine bancaire. Y a-t-il une raison particulière à cela?
Mme MacPherson : Les secteurs ferroviaire et aérien sont syndiqués depuis un certain temps. Les travailleurs de l'industrie bancaire ont essayé de s'organiser vers le milieu des années 1970. Je crois qu'à son plus haut niveau, le taux de syndicalisation n'était que de 1 p. 100, et une des raisons est que les unités de négociation sont relativement petites. Il est difficile de les créer. Les cotisations qu'un syndicat peut percevoir d'une petite unité ne suffisent pas pour payer les coûts de négociation de la première convention collective.
Le sénateur McIntyre : Merci.
Le sénateur Baker : Je dois dire que les représentants syndicaux qui ont témoigné devant notre comité n'ont pas tari d'éloges à l'égard d'Elizabeth MacPherson. Je crois que vous présidez le conseil depuis maintenant sept ou huit ans, et ils nous ont largement expliqué comment votre conseil s'est attiré beaucoup de louanges à l'échelle internationale. Nous devons donc vous en féliciter.
Mme MacPherson : Merci beaucoup, monsieur.
La sénatrice Fraser : En effet, vous avez reçu des commentaires fort élogieux.
Pour revenir à ma question sur la période accordée aux employeurs, que se passe-t-il si un employeur ne respecte pas le délai actuel de 10 jours? Vous contentez-vous de lui dire quelque chose comme : « Eh bien, tant pis pour vous »? Le cas échéant, l'employeur peut-il en interjeter appel devant les tribunaux?
Mme MacPherson : Il est très rare qu'un employeur ne réponde pas. Je n'arrive pas à me rappeler la dernière fois où cela s'est produit. Parfois, les employeurs demandent une prolongation et, s'ils donnent une bonne raison, nous leur accorderons un délai supplémentaire, mais en général, ils respectent l'échéance.
Le président : Je crois que nous pouvons conclure là-dessus. Je vous remercie, madame MacPherson, de votre présence et de votre témoignage. Vous avez clarifié un certain nombre de points pour le comité, et nous en sommes très reconnaissants.
Mme MacPherson : C'est moi qui vous remercie, monsieur.
Le président : Chers collègues, nous serons de retour ici, demain matin, à 10 h 30, pour poursuivre notre étude du projet de loi C-525.
(La séance est levée.)