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OLLO - Comité permanent

Langues officielles

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 6 - Témoignages du 12 mai 2014


OTTAWA, le lundi 12 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui, à 17 h 20, pour poursuivre son étude sur les impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

La sénatrice Claudette Tardif (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente : Honorables sénateurs, je déclare cette séance du Comité sénatorial permanent des langues officielles ouverte. Je suis la sénatrice Claudette Tardif, de l'Alberta, et la présidente de ce comité. J'aimerais demander aux sénateurs de se présenter, en commençant à ma gauche.

La sénatrice Champagne : Bonjour. Andrée Champagne, je représente une partie du Québec.

La sénatrice Poirier : Bonsoir. Rose-May Poirier, je suis du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur McIntyre : Paul McIntyre, du Nouveau-Brunswick.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Sénatrice Lynn Beyak, de l'Ontario.

[Français]

La sénatrice Fortin-Duplessis : Sénatrice Suzanne Fortin-Duplessis, de Québec.

La sénatrice Charette-Poulin : Bonsoir, monsieur le ministre, et bienvenue. Je suis Marie Charette-Poulin, du Nord de l'Ontario.

La sénatrice Chaput : Maria Chaput, du Manitoba.

La présidente : Le comité poursuit son étude des impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Ce soir, nous avons le grand plaisir de recevoir le ministre, l'honorable Chris Alexander, et Mme Corinne Prince-St-Amand, qui est directrice générale, Intégration et Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers. Monsieur le ministre, bienvenue, vous avez la parole.

L'honorable Chris Alexander, C.P., député, ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration : Merci beaucoup, madame la présidente, et merci à votre comité de m'avoir invité. Merci également du vif intérêt que vous portez au sujet du rôle et du renforcement des langues officielles au sein de notre système d'immigration. Cela me rappelle de bons souvenirs du travail que nous avons fait ensemble dans le cadre du groupe parlementaire Canada-France, et je suis particulièrement impressionné par la composition de votre comité, qui représente tout ce qu'il y a de mieux au Canada en termes de langues officielles. Vous représentez, sinon toutes les provinces, car vous n'êtes pas suffisamment nombreux pour le faire, du moins, les communautés parmi les plus importantes au pays, qui doivent bénéficier des programmes visant à renforcer les communautés de langue officielle en situation minoritaire partout au Canada. Je tiens à vous offrir quelques commentaires, mais ce sont vraiment les questions et les réponses qui vont nous intéresser le plus.

Notre gouvernement croit, et c'est une grande tradition canadienne que de le croire, que notre dualité linguistique constitue une source inestimable d'avantages économiques et sociaux pour tous les Canadiens. Je tiens à vous déclarer solennellement, tout d'abord, que nous tenons à renforcer, à l'aide de nos réformes et de nos programmes, la qualité, la présence, les compétences, la maîtrise de nos deux langues officielles par l'intermédiaire de notre système d'immigration. Si vous examinez toutes les réformes mises en place depuis huit ans par notre gouvernement, par le ministre Kenney, par nos deux collègues qui étaient ses prédécesseurs, et depuis mon arrivée dans ce portefeuille, vous constaterez que la langue joue un rôle très important au centre même de ces réformes.

Il fait nul doute que l'immigration nous permet d'aider à veiller à ce que la personnalité bilingue de notre pays soit préservée et représentée de manière fidèle aux quatre coins du pays.

Oui, nous voulons renforcer la personnalité bilingue, préserver cette personnalité, mais nous voulons aussi l'élargir vers des régions qui n'ont pas bénéficié de la dualité linguistique jusqu'à présent. L'un des exemples les plus marquants dans l'histoire récente de l'immigration, c'est le Yukon, où il y a maintenant 30 p. 100 de francophones, grâce à la migration au sein du Canada, à la mobilité de la main-d'œuvre au Canada, mais aussi grâce à nos programmes d'immigration. C'est un phénomène assez récent. Il y a toujours eu des francophones au Yukon, mais jamais à ce point.

J'insiste sur ces derniers mots, « aux quatre coins du pays », y compris au Yukon, car il n'y a pas un endroit au Canada, à l'extérieur du Québec, qui soit à l'abri ou à l'écart d'une présence francophone. Il s'agit d'une réalité nationale dans toutes les provinces et tous les territoires. Pour ces raisons, entre autres, j'ai été fier de prendre part, en fin d'année dernière, aux célébrations tenues dans le cadre de la toute première Semaine nationale de l'immigration francophone.

Vous n'êtes pas sans savoir qu'il s'agissait d'une initiative de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada et des Réseaux en immigration francophone, qui comportait plus d'une centaine d'activités communautaires organisées d'un océan à l'autre. Bien sûr, nous avons l'intention de continuer cette belle tradition.

[Traduction]

L'événement s'est déroulé en novembre dernier. J'étais aux côtés de Marie-France Kenny, présidente de la Fédération des communautés francophones et acadienne du Canada. La Semaine nationale de l'immigration francophone fut l'occasion pour les francophones d'un océan à l'autre de célébrer avec leurs pairs une culture qui est vivante, unique et déterminante dans l'identité nationale de notre pays. Ce fut aussi l'occasion de reconnaître officiellement l'importante contribution de l'immigration et des nouveaux arrivants à la dualité linguistique canadienne, une réalité selon moi parfaitement admise d'un bout à l'autre du pays.

Pensons au déficit démographique d'un océan à l'autre. Pensons aux besoins économiques, à la pénurie de compétences, aux pressions sectorielles et régionales en matière de main-d'oeuvre aux quatre coins du pays. Ces réalités sont les mêmes pour les francophones que pour les anglophones. N'oublions pas que, actuellement, un peu plus de 950 000 francophones vivent hors du Québec.

[Français]

Grâce à l'immigration francophone, nous espérons accroître ce nombre et aider à préserver le dynamisme soutenu de nos communautés francophones situées hors du Québec. Comme les membres du comité le savent déjà, notre gouvernement a dévoilé l'an dernier la nouvelle Feuille de route pour les langues officielles du Canada, de concert, bien sûr, avec notre partenaire privilégié à cet égard, Patrimoine canadien. Cette importante stratégie est le fruit de nombreuses consultations menées par mon collègue, le présent ministre de l'Industrie, à l'époque où il était ministre du Patrimoine canadien, et notre ministère a joué un rôle important dans l'élaboration du plan.

Cette feuille de route précise les trois volets qui vont assurer la vitalité future des langues officielles du Canada. Il ne faut pas s'étonner que l'immigration représente l'un de ces volets.

[Traduction]

Comme vous le savez tous, l'immigration a toujours été au cœur de l'histoire du Canada. C'était déjà le cas à l'époque de la Nouvelle-France. Même les Premières Nations ont leurs propres récits de migration vers et sur ce continent. L'immigration joue un rôle clé dans la promotion du développement des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Dans le cadre de la Feuille de route pour les langues officielles, le gouvernement investira, au cours des cinq prochaines années, près de 150 millions de dollars dans des initiatives liées aux langues officielles et à l'immigration. Un objectif essentiel des efforts que nous déployons dans ce domaine consiste à faire valoir les avantages de la maîtrise des langues officielles du Canada et à investir dans la formation linguistique des nouveaux arrivants qui s'établissent dans des communautés de langue officielle en situation minoritaire.

[Français]

Soyons clairs là-dessus : on veut que les immigrants parlent une de nos langues couramment, mais on préfère qu'ils parlent les deux langues couramment. On n'est pas parfait à cet égard, mais on offre de plus en plus souvent aux immigrants la possibilité d'approfondir et de développer leurs compétences dans la deuxième langue, même si la première se porte assez bien dans leur cas. La réalité est telle que les nouveaux arrivants ayant des capacités linguistiques limitées sont davantage susceptibles de gagner un salaire inférieur, d'être sans emploi ou de vivre dans la pauvreté. Toutes les recherches nous indiquent des conclusions semblables à cet égard. Le manque de compétence dans l'une ou l'autre des deux langues officielles risque de constituer leur principal obstacle lorsqu'ils tenteront de parfaire leur éducation ou d'obtenir un emploi.

C'est pourquoi la plupart des fonds octroyés dans le cadre de la feuille de route de 2013-2018, soit 120 millions de dollars, seront investis de façon à aider les nouveaux arrivants de la catégorie économique à améliorer les compétences linguistiques dont ils ont besoin pour bien s'intégrer à la société canadienne. Plus encore, CIC cherche aussi à redoubler d'efforts pour recruter des immigrants d'expression française qui vont s'établir dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire hors Québec. Comme vos collègues et vous le savez sans doute, en 2006, CIC — en collaboration avec des représentants des communautés francophones en situation minoritaire — s'est fixé une cible afin de faire passer le pourcentage d'immigrants d'expression française dans ces communautés à 4,4 p. 100 du nombre total d'immigrants qui s'établissent au Canada à l'extérieur du Québec. Dans le cadre de notre feuille de route pour les cinq dernières années, notre objectif était d'atteindre, en 2013, à titre de cible provisoire, 1,8 p. 100 du nombre total de résidents permanents qui s'établissent à l'extérieur du Québec, et nous y sommes parvenus. En 2012 — la dernière année pour laquelle nous disposons de données complètes —, nous avons accueilli 3 685 résidents permanents francophones hors Québec, ce qui représente une hausse de 4 p. 100 par rapport à 2011. En fait, depuis 2006, nous observons une hausse constante, année après année, du nombre d'immigrants francophones en situation minoritaire. Nous faisons des progrès notables, mais je sais que nous pouvons faire mieux avec l'aide de nos partenaires et des employeurs. C'est pourquoi nous continuerons à promouvoir des initiatives visant à renforcer la francophonie au Canada.

[Traduction]

Compte tenu des récents changements apportés au système d'immigration et conformément à l'importance que Citoyenneté et Immigration Canada attache à l'immigration économique qui répond aux besoins du marché du travail au Canada, nous avons fixé une cible provisoire de recrutement de 4 p. 100, à atteindre d'ici 2018, du nombre total d'immigrants dans la catégorie de l'immigration économique qui s'établissent hors Québec.

[Français]

Nous voulons atteindre cet objectif avec l'aide de nos partenaires, d'autres niveaux du gouvernement et d'autres intervenants variés. Nous nous engageons, avec nos partenaires internationaux, à atteindre cet objectif en renforçant nos liens avec la France en priorité, où plusieurs jeunes francophones désirent explorer et vivre l'expérience canadienne. Certains pourront faire la transition pour la résidence permanente, ce qui améliorerait à la fois notre immigration économique et renforcerait notre dualité linguistique.

Je dois aussi mentionner que la croissance de l'immigration des pays de l'Afrique, des pays du Maghreb et même du Moyen-Orient a tendance à contribuer aux résultats, ce qui nous rapproche de notre cible liée à l'immigration francophone.

[Traduction]

Année après année, Destination Canada obtient un succès phénoménal à l'étranger auprès des employeurs et des travailleurs qualifiés. La participation à Paris et à Bruxelles est demeurée élevée en 2013 : plus de 100 employeurs ont affiché au-delà de 1 000 avis de postes à pourvoir. Parmi plus de 19 000 candidats intéressés, au-delà de 3 700 avaient les compétences recherchées par les employeurs et ont été choisis afin de participer à l'événement.

[Français]

Grâce à ces salons de l'emploi, nous aidons des travailleurs qualifiés francophones ou bilingues à établir un contact avec des employeurs partout au Canada. Cela nous permettra non seulement de nous assurer que notre système d'immigration stimule la croissance économique au Canada, mais appuiera et renforcera également les communautés francophones en situation minoritaire dans l'ensemble du pays.

Nous saluons de nouveau les efforts des partenaires internationaux, comme la revue d'actualités française L'Express. Le numéro de juillet-août 2013 était entièrement consacré à la réussite au Canada, pour ceux qui pensent en faire partie. On y mettait en lumière notre caractère national, on expliquait aux lecteurs ce qu'ils doivent savoir avant de venir ici et on soulignait les possibilités offertes aux francophones du Québec et de l'ensemble du Canada.

Il vaut la peine de souligner jusqu'à quel point la publicité, comme voie d'influence à l'étranger, peut avoir un impact sur la décision de jeunes gens de partout dans le monde de venir au Canada. Cela a toujours fait partie de nos programmes d'immigration, et dans l'ère de 2014 où les gens sont sous l'influence des médias à tous les niveaux, la publicité continue à jouer un rôle très important.

[Traduction]

Mentionnons que les jeunes citoyens belges, français et suisses peuvent présenter une demande pour voyager et travailler au Canada dans le cadre du programme Expérience internationale Canada, ou EIC, une initiative sur la mobilité des jeunes. Parmi les 32 ententes que le Canada a conclues avec les pays partenaires du programme EIC, celle de la France est la plus importante. Un total de près de 14 000 visas étaient disponibles en 2014 pour les citoyens français qui désiraient venir au Canada dans les catégories Vacances-travail, Jeunes professionnels et Stage coop international du programme.

En passant, je signale que, la dernière fois où nous avons grandement augmenté le nombre de participants admis, il n'a fallu que 20 minutes pour combler toutes les places. Si le programme est aussi populaire en France, de même que dans d'autres pays, c'est en raison de la qualité de l'expérience vécue par les participants. Les étudiants étrangers de l'ensemble de la francophonie peuvent également présenter une demande pour étudier dans des établissements d'enseignement postsecondaires. Ils peuvent travailler sur le campus et à l'extérieur du campus pendant l'année scolaire et, une fois diplômés, obtenir un permis de travail au Canada.

[Français]

Ceux qui acquièrent une expérience de travail qualifié d'au moins un an peuvent présenter une demande pour rester au Canada en permanence dans le cadre de la catégorie de l'expérience canadienne.

Les participants à ce programme français, par exemple, sont de plus en plus nombreux à devenir des immigrants au Canada. Avec des dizaines de milliers d'étudiants étrangers inscrits dans des établissements postsecondaires dans l'ensemble du Canada, la catégorie de l'expérience canadienne est une autre voie formidable que peuvent utiliser les communautés francophones en situation minoritaire pour attirer des nouveaux arrivants.

De plus, ainsi qu'il était indiqué dans le récent discours du Trône, le gouvernement adoptera un nouveau modèle de recrutement qui permettra de sélectionner les immigrants en fonction des compétences et des qualités recherchées par les employeurs canadiens et le marché du travail, qui sont liées à la réussite économique des immigrants une fois ceux-ci arrivés au Canada. Ce nouveau système se nommera Entrée express, et le besoin de miser sur nos deux langues officielles, mais plus particulièrement, sur la croissance du français à l'extérieur du Canada dans nos courants d'immigration, jouera un rôle essentiel dans la mise en œuvre de ce nouveau système.

Le nouveau modèle de recrutement répondra davantage aux besoins changeants des employeurs au sein du marché du travail. Nous espérons aussi que nos communautés francophones en situation minoritaire pourront tirer parti de la souplesse de ce système. Il permettra aux employeurs et aux communautés, comme aux collèges communautaires, par exemple, de multiplier les possibilités d'attirer et de recruter des immigrants francophones ou bilingues au sein des communautés francophones en situation minoritaire.

[Traduction]

Dans le cadre d'une stratégie de mobilisation plus vaste auprès des employeurs canadiens et des autres intervenants, nous collaborons avec les 13 Réseaux en immigration francophone en vue de préparer les employeurs qui sont actifs dans ces communautés à cet important changement, de façon à ce qu'ils puissent faire le meilleur usage possible de ce nouveau modèle de recrutement.

[Français]

Madame la présidente, le gouvernement s'est engagé à appuyer les communautés de langue officielle en situation minoritaire dans toutes les régions de notre beau, grand pays.

En vertu de l'Accord Canada-Québec — j'ai eu le plaisir de rencontrer mon homologue québécois ce matin —, le Québec assume la responsabilité exclusive de la sélection, de l'accueil et de l'intégration de ces immigrants, notamment de ceux qui se destinent aux communautés anglophones en situation minoritaire. De ce fait, le ministère de la Citoyenneté et de l'Immigration est limité dans les actions qu'il peut mettre en œuvre pour appuyer directement ces communautés en matière d'immigration.

En même temps, la partie VII de la Loi sur les langues officielles et certaines dispositions de la Loi sur l'immigration et la protection des réfugiés obligent notre ministère à assurer le développement des collectivités de langue officielle en situation minoritaire, qu'elles soient anglophones ou francophones.

[Traduction]

En conséquence, depuis quelques années, Citoyenneté et Immigration Canada étudie diverses possibilités modestes, mais novatrices, d'appuyer les communautés anglophones, notamment en finançant des projets de recherche pour mieux comprendre les besoins des nouveaux arrivants dans ces collectivités. Dans le cadre de la Feuille de route 2013-2018, nous doublerons le financement accordé à ces projets de recherche, le faisant passer à 500 000 $ au total au cours des cinq prochaines années.

[Français]

Ainsi que l'a souligné le commissaire aux langues officielles dans son rapport annuel de 2012-2013, l'immigration constitue une voie d'avenir pour assurer l'épanouissement des communautés francophones à l'extérieur du Québec. Plusieurs mesures issues de CIC et de partenariats ont donné lieu à des avancées en la matière.

CIC poursuit son travail en étroite collaboration avec d'autres ministères ainsi qu'avec des partenaires des provinces, des territoires et des communautés afin de mettre en œuvre l'initiative Immigration vers les communautés de langue officielle en situation minoritaire, dont le financement s'élève à presque 30 millions de dollars d'ici 2018.

[Traduction]

Mon ministère est prêt à répondre aux préoccupations soulevées par le commissaire et continuera d'appuyer les efforts et les objectifs des communautés d'expression française hors Québec en vue d'attirer des nouveaux arrivants et d'assurer leur intégration. Cela contribuera au dynamisme et au développement de ces communautés. Notre célébration récente de la toute première Semaine nationale de l'immigration francophone reconnaît l'importante contribution de l'immigration à la dualité linguistique de notre pays et au dynamisme de nos communautés francophones en situation minoritaire.

Nous répéterons cette célébration annuelle et nous continuerons à attirer les immigrants francophones les plus ambitieux et les plus brillants pour assurer l'épanouissement des communautés francophones d'un océan à l'autre. Le renforcement de ces communautés fait partie de notre plan de croissance économique et de prospérité à long terme à l'échelle du pays.

[Français]

Je dois vous dire une dernière chose, madame la présidente : nous visons la qualité des compétences linguistiques de nos immigrants et nous avons réformé nos programmes pour augmenter les attentes à cet égard, non seulement parce qu'on veut renforcer la dualité linguistique dans toutes les provinces et tous les territoires, mais parce que la langue et la qualité de la langue comptent pour tout le monde. Si on a les meilleurs docteurs en lettres, auteurs, ingénieurs qui maîtrisent nos deux langues, l'anglais et le français, au plus haut niveau, cela nous aidera comme pays à réussir dans le contexte de la concurrence mondiale qui est une réalité pour nous tous.

Oui, on veut renforcer et préserver notre réalité que les deux langues soient présentes, respectées et parlées dans toutes les régions du pays, mais on veut aussi miser sur la qualité de la maîtrise de nos langues officielles, parce qu'elles sont des outils essentiels à l'épanouissement de l'être humain et aussi au succès d'une économie nationale.

La présidente : Merci beaucoup, monsieur le ministre. Plusieurs collègues veulent vous poser des questions. En raison du temps que nous avons, je demanderais aux honorables sénateurs d'être aussi précis et concis que possible avec leurs questions.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Monsieur le ministre, soyez le bienvenu. Depuis que nous procédons à cette étude de l'intégration des immigrants, plusieurs témoins sont venus nous dire qu'ils espèrent d'importants résultats pour leur communauté de langue officielle en situation minoritaire, puisque davantage de points seront accordés aux candidats à l'immigration pour la connaissance des langues officielles. Croyez-vous qu'en faisant une meilleure sélection, grâce aux points supplémentaires attribués à la connaissance des langues officielles, cela facilitera l'intégration des immigrants?

M. Alexander : La réponse est oui. On a déjà des données et des analyses pour le prouver. Oui, on exige un niveau plus élevé de compétence linguistique chez la plupart de nos immigrants économiques, mais on vise d'autres critères également : des immigrants un peu plus jeunes, alors il y a plus de points pour ceux qui sont au début de leur carrière; des expériences professionnelles particulières, parce que le Canada n'a pas les mêmes besoins dans tous les domaines, et qu'on a des besoins particuliers. Donc, ces trois critères pris ensemble — les capacités linguistiques, l'âge et l'expérience professionnelle — font en sorte que nos immigrants les plus récents nous impressionnent beaucoup et atteignent des résultats économiques plus élevés que leurs prédécesseurs. C'est aussi simple que cela.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Je vais poser mes deux autres questions en même temps. Ma première question est la suivante : dans quelles régions se situent les plus grands besoins en matière de formation linguistique pour les immigrants? Ma deuxième question : un immigrant qui le désire pourrait-il poursuivre une formation en français et une autre en anglais ou est-il contraint de choisir l'une ou l'autre des deux langues pour sa formation?

M. Alexander : Il y a encore des situations où il est contraint, mais ces cas sont de plus en plus rares. On vise une situation où l'immigrant pourrait choisir n'importe laquelle des deux langues officielles n'importe où au pays. On évolue vers cela. En ce qui concerne les régions particulières, il est difficile d'en préciser, mais il y a deux circonstances qui nous inquiètent. Premièrement, quelques régions reçoivent beaucoup de francophones, mais leurs services provinciaux ne sont pas suffisamment développés pour répondre aux besoins, ou les écoles d'expression française ne sont pas suffisamment nombreuses, ou encore, il y a des listes d'attente pour ces écoles. C'est une circonstance.

La deuxième circonstance, c'est lorsque la population est trop faible ou trop petite pour justifier la présence d'organismes ou d'établissements consacrés aux immigrants francophones, comme dans certaines communautés du Nord de l'Ontario ou même au Yukon, où il y a des services, mais où la population n'est pas énorme, malgré son nouveau poids au sein du Yukon — 30 p. 100. Là où les immigrants se concentrent, on peut justifier un meilleur service. C'est aussi simple que cela.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Merci beaucoup.

La présidente : Nous passerons au sénateur McIntyre. Honorables sénateurs, s'il vous plaît, serait-il possible de vous limiter à une question? Ensuite, s'il y a du temps, nous ferons une deuxième ronde de questions.

Le sénateur McIntyre : Merci, monsieur le ministre, d'être parmi nous aujourd'hui. Je comprends que le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les municipalités, les établissements d'enseignement, les organismes communautaires et les employeurs jouent tous un rôle afin de faciliter le recrutement, l'accueil, la rétention et l'intégration des immigrants en milieu minoritaire. En ayant tout ceci à l'esprit, serait-il nécessaire, selon vous, d'établir une stratégie nationale concertée sur cette question?

M. Alexander : Je pense que c'est exactement ce qu'on essaie d'obtenir avec la feuille de route. Bien sûr, nous sommes déterminés à renforcer les partenariats qu'il nous faut pour mettre en œuvre la feuille de route. Ce sont des partenariats avec des collèges communautaires, avec des gouvernements provinciaux et territoriaux, avec des organisations communautaires.

Mais je pense que la feuille de route, qui est respectée par les provinces, endossée plus ou moins par l'Ontario, le Nouveau-Brunswick, même en ce qui concerne l'immigration, et par les autres provinces, constitue vraiment un bon début. Comme toujours, dans notre grand pays, il faut que les différents niveaux de gouvernement travaillent de concert.

Oui, nous sommes fiers de notre réseau d'établissement, dont le financement a triplé depuis 2006, et dans lequel le financement destiné au Québec, même s'il est dépensé par le Québec, reste très important. On comprend très bien que l'établissement de nos immigrants et leur intégration dans notre société ne fonctionnent pas du tout sans un système scolaire d'excellence. Mais cela ne relève pas de nos responsabilités. Nous sommes donc obligés d'avoir un partenariat avec toutes les provinces pour lier nos réseaux d'établissement au système d'éducation. C'est la même chose pour la feuille de route et pour l'immigration francophone.

La sénatrice Charette-Poulin : Vous avez raison quand vous parlez du Nord de l'Ontario; nous sommes deux sénateurs du Nord de l'Ontario et, quelques fois, nous souffrons énormément du fait que nous avons beaucoup de collectivités qui sont petites et que les distances représentent un défi incroyable.

J'ai une autre question. Je suis très contente de voir que vous allez accorder la priorité aux jeunes, que vous allez investir dans les jeunes. Quand j'ai vu le chiffre de 13 000, seulement pour la France, ma réaction a été de trouver que c'était très peu.

Pourquoi limitez-vous autant certains programmes pour faciliter la venue des jeunes Français? Car je sais que, dans le Nord de l'Ontario, lorsqu'il y a eu des jeunes qui venaient des pays francophones, ça a été un ajout et un enrichissement incroyable.

M. Alexander : C'est pour cette raison que la France reste de loin le pays le plus important dans ce programme. On parle ici d'étudiants, de jeunes voyageurs qu'on invite au Canada, et on leur donne un permis de travail ouvert, la plupart du temps. Ils peuvent travailler n'importe où, ils peuvent faire concurrence à nos enfants, aux membres de nos familles. C'est très généreux ce que nous faisons, et bien sûr, c'est réciproque; on a la possibilité d'envoyer autant de Canadiens en France. Mais là où les conditions économiques sont moins attirantes, les Canadiens ont eu moins tendance, au cours des dernières années, à profiter de cette possibilité.

Donc 14 000, c'est beaucoup. Le deuxième pays, je pense que c'est l'Irlande, avec 10 000, et tous les autres pays sont loin derrière. Vous devez écouter la conversation intéressante que nous avons avec le haut-commissaire du Royaume-Uni qui n'en reçoit que 5 400.

Mais nous avons le niveau que nous avons pour les raisons que nous avons soulevées. L'une des raisons pour privilégier la France, c'est l'immigration francophone. L'arrivée des Français ne se limite pas à cela. D'autres viennent dans le cadre des transferts intra-coopératifs. D'autres viennent étudier et profitent de la possibilité de travailler en même temps.

Tout cela pour dire que, par l'intermédiaire de toutes ces stratégies, il y a encore une immigration importante de la France et d'autres pays francophones, et nous allons en chercher davantage, non seulement en Europe, mais dans les Caraïbes, en Afrique, en Asie. Il y a des francophones partout, et les gens veulent apprendre le français. Certains de mes meilleurs amis d'origine russe au Canada parlent un français impeccable et habitent au Québec, ou font partie d'une communauté francophone de Toronto. Il y a toutes sortes de possibilités maintenant. On ne mise pas sur un seul pays, même si la France reste très importante.

La sénatrice Poirier : Merci, monsieur le ministre, d'être ici ce soir et pour votre présentation. Ma question fait suite à celle de la sénatrice Charrette-Poulin. Dans le même programme d'échange international du Canada, si j'ai bien compris, les jeunes qui tirent avantage des 14 000 visas disponibles pour 2014, par exemple, ont carte blanche pour s'installer où ils veulent au Canada.

Étant donné que le Québec est la province connue pour être la plus francophone, et que le Nouveau-Brunswick est connu pour être la seule province officiellement bilingue, est-ce qu'on a une idée quant à savoir où se porte l'intérêt de ces 14 000 jeunes? De plus, fait-on un effort, comme gouvernement, pour essayer de les encourager à ne pas s'installer tous dans la même province, pour s'assurer qu'ils puissent vivre une expérience dans tout le pays, et certainement, dans de petites communautés de langue officielle en situation minoritaire?

M. Alexander : C'est une excellente question. On veut renforcer le bon jumelage de ces étudiants avec les régions et les employeurs qui ont besoin d'eux. On encourage les gens à arriver en s'étant déjà entendus sur un emploi avec un employeur. Si nos partenaires provinciaux peuvent nous offrir des listes d'employeurs intéressés, nous pouvons faire en sorte que de plus en plus de ces Français viennent chez vous, là où il y a un besoin et un emploi disponible.

Il faut toujours mener un combat de perception à cet égard. Nous connaissons tous des gens à l'étranger qui pensent que tout le monde au Canada parle le français et rien que le français. D'autres pensent que le français ne se parle qu'au Québec et nulle part ailleurs. Ce n'est pas tout le monde, en Europe, aux États-Unis ou en Afrique, qui connaît la fière histoire de l'Acadie et du Nouveau-Brunswick. Donc il faut faire la promotion de tout cela. Les gens ne savent pas qu'il y a une communauté francophone importante à Vancouver. Une fois que c'est reconnu, une fois que la beauté de la côte nord du Nouveau-Brunswick est reconnue par un groupe ou un individu, les gens y vont.

J'ai les chiffres ici pour démontrer que la France représente le pays d'origine le plus important pour l'immigration francophone hors Québec. On ne peut pas obliger les gens, comme résidents permanents, à aller à un endroit en particulier, mais il s'agissait de 619 personnes, juste au cours des 11 premiers mois de 2013. Donc, c'est important pour notre immigration, où on vise 4, 5, et éventuellement 6 000 immigrants francophones hors Québec, le plus rapidement possible.

La sénatrice Champagne : Monsieur le ministre, vous disiez, au début de votre allocution, que vous aviez participé très activement à l'Association Canada-France. Je vais vous suggérer fortement de participer à l'assemblée générale de l'Assemblée parlementaire de la Francophonie, qui se tiendra ici, à Ottawa, au début juillet. Il y aura quand même plus de 60 pays qui seront présents. Je pense qu'il y aura sûrement une grande place pour vous, et nous vous ouvrirons les portes toutes grandes.

Je pense que notre gouvernement est très fier, en ce moment, de se dire, et pour nous de le constater, que notre ministre de l'Immigration et notre ministre du Patrimoine canadien sont tous les deux parfaitement bilingues. Je pense qu'on peut en être fier et il faut en profiter.

Vous disiez tout à l'heure que, quand vous ouvrez un programme et que les gens peuvent s'inscrire, en 20 minutes, toutes les places sont prises.

Ces étudiants veulent-ils venir exclusivement au Québec ou ont-ils envie de connaître les communautés francophones dans le reste du pays?

M. Alexander : Ils veulent venir surtout au Québec. Il ne faut pas se le cacher. L'ampleur de ce programme tient aussi grâce à l'appui des gouvernements du Québec successifs qui nous ont encouragés à faire ce que nous avons fait. Il n'y a pas de chiffres exacts, parce que les gens peuvent arriver au Québec, travailler dans un restaurant pendant quelques mois, et partir soudainement pour Banff ou le Nord de l'Ontario, parce qu'un ami les y a invités ou les a encouragés.

La sénatrice Charette-Poulin : Il faut que vous sachiez qu'à Sudbury, il y a 333 lacs. C'est le secret le mieux gardé au pays. N'en parlez à personne.

M. Alexander : J'ai donné une entrevue dans une station de radio francophone de Toronto, et la personne qui m'a interviewé était un Français venu au pays par l'intermédiaire de ce programme. C'était fantastique.

On ne peut pas tout contrôler, on ne peut pas tout savoir, parce qu'on ne les suit pas de si près que cela, mais on les encourage — avec les salons Direction Canada et nos publications à tous les égards — à découvrir le Canada dans son ensemble.

La sénatrice Champagne : Je ne sais pas qui a composé votre très intéressante présentation, mais une phrase m'a fait sursauter. Vous nous avez dit qu'il n'y a pas un endroit au Canada à l'extérieur du Québec qui est « à l'abri » d'une présence francophone. Est-ce qu'une présence francophone est dangereuse pour que vous parliez d'un abri? Je vous le dis amicalement; je crois que vous devriez corriger cette phrase si vous pensez refaire le même discours à un moment donné.

M. Alexander : Je vous remercie de porter ceci à mon attention. Bien au contraire, nous avons maladroitement dit qu'il n'y a pas d'endroit au Canada qui soit isolé et qui viserait à être aussi isolé.

La sénatrice Champagne : L'expression « à l'abri » m'a fait un peu sursauter.

La sénatrice Chaput : C'est un plaisir, monsieur le ministre, de vous avoir avec nous. Dans la feuille de route — vous l'avez mentionné d'ailleurs et nous le savons —, une portion assez considérable du financement consacré à la formation linguistique et à l'amélioration des compétences linguistiques provient de votre ministère.

Je suis du Manitoba, et j'aimerais savoir si ce financement est disponible pour les institutions manitobaines qui donnent de la formation?

M. Alexander : Oui. On octroie déjà un certain financement. Il est sûr que cela va continuer d'évoluer. On encourage tous ces organismes à se familiariser avec nos critères, avec notre système et à s'inscrire, car on a compris depuis longtemps qu'on ne peut promouvoir l'apprentissage du français ou de l'anglais en s'isolant de notre système d'éducation. Notre budget est plus efficace lorsqu'il est utilisé en partenariat.

La sénatrice Chaput : Dans la feuille de route, avons-nous prévu une part de financement pour appuyer les initiatives d'accueil et les réseaux d'accueil et d'établissement des immigrants? Votre ministère a appuyé ces réseaux par le passé. Je crois avoir lu quelque part qu'il y avait moins de financement maintenant qui était consacré à ces activités. Est-ce le cas?

M. Alexander : À ce sujet, je vais donner la parole à Mme Prince-St-Amand, mais je vous rassure immédiatement; les réseaux sont appuyés. Il y en a 13, dont 3 en Ontario pour reconnaître la diversité des communautés francophones au sein de l'Ontario. Il y en a dans toutes les provinces, sauf au Nunavut. Il y a des immigrants francophones au Nunavut, mais il n'y a pas de réseau pour le moment.

J'en ai visité quelques-uns en Colombie-Britannique, au Manitoba, et j'ai été impressionné par le travail qu'ils font. On va renforcer nos partenariats à tous les égards.

Corinne Prince-St-Amand, directrice générale, Intégration et Bureau d'orientation relatif aux titres de compétences étrangers, Citoyenneté et Immigration Canada : En effet, nous avons doublé le nombre de réseaux depuis 2008. Nous sommes en train d'investir 2,5 millions de dollars par année dans ces réseaux.

Comme vous l'avez dit, madame la sénatrice, ces réseaux sont très importants, surtout dans les provinces comme le Manitoba, parce qu'ils rassemblent à une même table le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux, les employeurs, les établissements postsecondaires et tous les organismes à but non lucratif.

Comme le ministre l'a mentionné plus tôt, ces partenariats sont très importants. C'est là où les provinces et le gouvernement fédéral peuvent encourager les employeurs à embaucher de jeunes francophones à venir s'établir au Manitoba. C'est là qu'on peut augmenter le nombre d'immigrants francophones. En effet, on réalise la valeur de ces réseaux et on a un budget de 2,5 millions de dollars pour les soutenir.

M. Alexander : Souvent, le financement passe par deux voies : par l'intermédiaire de notre système d'établissement national et par l'intermédiaire de la feuille de route. Le financement peut évoluer. On a tendance à concentrer nos efforts sur les organismes qui donnent des résultats et qui servent une grande population.

[Traduction]

La sénatrice Beyak : Merci, monsieur le ministre, de cette présentation fort informative. Vous avez évoqué les responsabilités de votre ministère à l'égard de la minorité anglophone du Québec ainsi que votre réunion là-bas, aujourd'hui. Pouvez-vous nous en dire davantage sur votre relation avec la minorité anglophone du Québec?

M. Alexander : J'ai vécu trois ans et demi à Montréal pendant mes études à l'Université McGill, alors cette minorité me tient particulièrement à cœur. Aujourd'hui, vous êtes en présence de deux ministres de l'immigration de langue maternelle anglaise, mais la séance se tient entièrement en français. Les choses évoluent. Je crois que tout le monde est à l'aise avec l'idée d'un débat et d'un ensemble de programmes, aussi bien au Québec qu'au Canada, fièrement tenus dans deux langues.

Cela dit, dans certaines régions du Québec, la communauté d'expression anglaise est isolée. Vendredi, à l'occasion de la Journée nationale de commémoration, j'ai rencontré la famille d'une personne tombée au combat. Elle arrivait de Gaspé. En fait, elle est l'une des dernières familles de langue anglaise là-bas. Ces personnes ont des besoins particuliers. Le gouvernement du Québec y est sensible et fait de son mieux pour y répondre. Étant donné sa responsabilité particulière à l'égard des minorités linguistiques, le gouvernement fédéral doit aussi prendre conscience de ces besoins et faire de son mieux pour les combler. Les ministères, notamment Citoyenneté et Immigration Canada, pourraient en faire beaucoup plus grâce à Internet. Ce n'est peut-être pas là que les Canadiens qui se trouvent dans une région rurale ou à Gaspé s'informeront principalement, mais ce n'en est pas moins un moyen de lutter contre leur isolement potentiel. À Citoyenneté et Immigration Canada, nous cherchons à offrir nos services aux nouveaux arrivants dans les deux langues officielles, partout au pays, que ces langues se trouvent en situation majoritaire ou minoritaire.

J'ajouterais que cela restera un défi de chaque instant, car les immigrants ne s'installent pas seulement dans nos trois plus grandes villes. La communauté anglophone montréalaise est bien ancrée, entretient des liens étroits et continue à s'épanouir dans un Québec d'expression principalement française. Cependant, certains immigrants s'installent dans de tout petits villages ou dans des régions rurales qui n'ont connu aucune immigration depuis 100 ou 200 ans, voire plus dans certaines régions du Québec. C'est parce que, à l'instar de tant d'autres pays, nous avons une économie dynamique, mais un déficit démographique. Ce problème persistera, alors nous ne laisserons pas de côté les anglophones qui vivent au Québec ou dans d'autres régions du pays de majorité linguistique française.

La sénatrice Beyak : Merci, monsieur le ministre.

[Français]

La sénatrice Champagne : Monsieur le ministre, vous voudrez peut-être relire le rapport que notre comité a rédigé sur les anglophones au Québec. On en parlait encore ce matin à la radio alors que j'étais en route pour Ottawa. Nous avons fait un rapport spécifique sur les anglophones au Québec, les anglophones en situation minoritaire. C'est peut-être une chose que vous voudrez relire.

M. Alexander : Je vais le faire. Cela va m'intéresser beaucoup.

La présidente : Collègues, nous avons le temps de faire un rapide deuxième tour. Rapidement, j'aimerais vous poser une question, monsieur le ministre. Dans les changements apportés au système d'immigration, les employeurs vont jouer un rôle très important, et nous avons entendu certaines associations qui travaillent dans nos communautés francophones et acadiennes indiquer que cela leur ajouterait un certain travail. Elles craignent ne pas avoir les moyens et les ressources nécessaires pour faire ce travail. Comment voyez-vous ces craintes? Croyez-vous qu'elles sont justifiées? Y aura-t-il des enveloppes supplémentaires?

M. Alexander : Les craintes sont réelles, même si je pense que les gens craignent toujours les changements. Mais le service sera supérieur au service qu'ils ont connu jusqu'à présent. Leur investissement en matière de temps va leur donner des résultats importants. Qu'est-ce qu'on exige des employeurs? Qu'ils épuisent les possibilités du marché du travail canadien en premier lieu. Il faut chercher les Canadiens et les Canadiennes en premier lieu. C'est cela la réalité. C'est cela le succès du Canada dès le début.

Mais s'ils ne trouvent pas un Canadien pour combler un poste, dans le cadre du nouveau système d'Entrée express, ils pourront transmettre leur avis du marché du travail au système d'immigration et recruter quelqu'un à l'extérieur du Canada ou quelqu'un qui est déjà ici comme travailleur étranger temporaire, et on va traiter cette demande en six mois. C'est du jamais vu, à deux égards : on n'a jamais donné un rôle aussi direct aux employeurs, et on n'a jamais offert un traitement aussi rapide aux immigrants économiques.

La présidente : Merci.

La sénatrice Charette-Poulin : Merci, madame la présidente. Monsieur le ministre, est-ce qu'on pourrait compter sur vous et sur votre collègue au ministère du Patrimoine canadien pour revoir la façon dont vous comptez? À la page 6, vous dites ce qui suit : « Actuellement, seulement un peu plus de 950 000 francophones vivent hors du Québec. »

Les méthodologies de comptage me laissent très mal à l'aise et ne représentent pas le monde d'aujourd'hui, compte tenu des mariages entre les différentes cultures et de la façon dont les questions sont posées maintenant par Statistique Canada. Est-ce qu'on pourrait compter sur vous, avec votre collègue de Patrimoine canadien, pour que nos chiffres reflètent vraiment la nouvelle réalité de la francophonie partout au Canada?

M. Alexander : Absolument. Je vais soulever la question. C'est très important pour moi; je veux savoir si moi-même je suis compté dans ce nombre.

La sénatrice Charette-Poulin : Non, vous n'êtes pas compté, je suis désolée. C'est le meilleur exemple. Merci.

La présidente : Avez-vous le temps de répondre à deux autres petites questions, monsieur le ministre?

M. Alexander : Avec plaisir.

La sénatrice Champagne : Je vous parlais tout à l'heure d'un rapport que nous avons fait il y a deux ou trois ans. Nous allons en préparer un à ce sujet. Est-ce qu'il y a quelque chose que vous aimeriez y trouver dans les suggestions que nous ferons au gouvernement et à votre ministère? Est-ce qu'il y a une chose en particulier dont vous pourriez nous dire que, si nous la suggérions, cela vous aidera à l'obtenir de plus haut? Est-ce qu'il y a quelque chose en particulier? Parce que le but des rapports que produit le Comité sénatorial permanent des langues officielles, ce n'est pas de vous dire que vous ne faites pas ceci ou cela mais, au contraire, d'essayer de suggérer des choses pour aller plus loin. Est-ce qu'il y a quelque chose qui vous aiderait et qu'on pourrait suggérer?

M. Alexander : Absolument; si vous pouviez nous brosser un portrait de la formule du succès dans l'immigration francophone hors Québec, nous montrer l'exemple d'une communauté qui a réussi à se rassembler, à créer le dynamisme économique, les partenariats nécessaires, à mobiliser son gouvernement provincial pour réussir à attirer des francophones, nous voulons répéter les expériences des communautés qui ont eu du succès à cet égard.

Cela pourrait prendre l'aspect non seulement d'une approche anecdotique — vous connaissez tous probablement des communautés — mais aussi d'une analyse approfondie et qualificative de ce qui a fait en sorte cela a été un succès, que des francophones qui ont été attirés sont restés et qu'ils ont connu un vrai succès économique en conséquence. Cela nous aiderait beaucoup, même si nous essayons de faire des recherches nous-mêmes.

La sénatrice Champagne : Il faut les attirer, mais il faut aussi les retenir.

M. Alexander : Tout à fait.

La sénatrice Champagne : Beaucoup de gens ont la gentillesse de venir nous faire part de ce qu'ils veulent et de ce qu'ils font; nous pourrons sûrement trouver moyen de vous aider aussi. Vous faites déjà un très bon travail. Merci, madame la présidente.

La sénatrice Chaput : Merci. Très brièvement, je voudrais enchaîner avec la question de la sénatrice Poulin. Monsieur le ministre, à titre d'exemple, au Manitoba, si on comptabilise les francophones qui ont le français comme langue première, il s'agit de la moitié de ce que serait la francophonie, autrement dit, des Manitobains capables de s'exprimer en français. C'est la même chose partout. Cela doublerait donc le nombre.

L'autre question que j'avais à vous poser est la suivante : est-ce que vous vous êtes donné une cible, à votre ministère, pour attirer des immigrants de langue française?

M. Alexander : Oui. Nous avons fixé la cible à 4 p. 100 de notre immigration d'ici 2018. Moi, je dis toujours à Mme Prince-St-Amand et à ses collègues que je veux que la cible soit atteinte bien avant; mais la cible officielle est de 4 p. 100 en 2018. Il nous reste donc trois ans et demi pour l'atteindre.

Je peux vous donner, à titre d'exemple, les pays qui nous fournissent la plus grande partie de notre immigration francophone aujourd'hui. Les pays suivants nous ont amené plus de 100 immigrants en 2013 : la République fédérale du Cameroun, la République démocratique du Congo, la Côte d'Ivoire, le Sénégal, Haïti et la France.

La sénatrice Champagne : Ils seront tous là au mois de juillet!

La présidente : Monsieur le ministre, au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier très sincèrement de votre participation au comité aujourd'hui. Nous savons que vous avez un emploi du temps très chargé. Nous apprécions votre présence ici, et les commentaires que vous avez faits sont excessivement importants pour notre étude des impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire.

Monsieur le ministre, nous sentons votre engagement, votre enthousiasme et aussi le positivisme que vous dégagez envers l'immigration et surtout envers nos deux langues officielles aux quatre coins du pays, comme vous l'avez si bien dit. Merci encore une fois.

M. Alexander : Merci à vous.

La présidente : Honorables sénateurs, je suspends la séance pendant cinq minutes afin que nous puissions nous préparer pour le prochain témoin.

(La séance est suspendue.)

(La séance reprend.)

La présidente : Nous continuons notre étude des impacts des changements récents au système d'immigration sur les communautés de langue officielle en situation minoritaire. Notre témoin est M. Gilles LeVasseur, professeur à l'École de gestion Telfer de l'Université d'Ottawa.

Monsieur LeVasseur, merci d'être présent parmi nous aujourd'hui. Je vous donne la parole, et les sénateurs, par la suite, vous poseront des questions.

Gilles LeVasseur, professeur, École de gestion Telfer, Université d'Ottawa : Mesdames et messieurs, avant de commencer, j'aimerais juste vous dire que je suis né à Toronto. J'ai grandi en Ontario, je comprends donc la notion de vivre en situation minoritaire. J'ai présidé plus d'une quinzaine d'associations francophones à travers le Canada. J'ai été expert constitutionnel pour le Programme d'appui aux droits linguistiques pendant cinq ans. Ce sont des réalités que j'ai appris à connaître grâce à mon intervention dans la société canadienne.

C'est avec grand plaisir que je vais présenter quelques points de vue concernant l'immigration et le développement de la communauté de langue officielle française au Canada. Je prendrais quelques secondes pour réaffirmer mon appui à la décision de la Cour suprême du Canada dans le cadre du Renvoi sur le Sénat et sur le rôle que joue celui-ci aujourd'hui. En effet, la Cour suprême confirme l'indépendance des sénateurs et l'engagement du Sénat à se préoccuper de certains groupes qui n'auraient pas pu, pour diverses raisons, participer activement à la vie politique au sein de la Chambre des communes.

Les préoccupations que le Sénat exprime concernant les communautés de langue officielle sont essentielles au bien-être et au développement du Canada. En effet, la dualité linguistique est une caractéristique importante du Canada et elle façonne nos politiques législatives et gouvernementales depuis plus de 50 ans.

Nous devons poursuivre cet engagement envers la dualité linguistique canadienne, car la participation à cette dualité, c'est aussi l'intégration des immigrants, le développement de politiques sociales particulières dans divers domaines, dont la santé, l'économie, les droits fondamentaux, l'éducation et la création d'un élément identitaire purement canadien.

La dualité linguistique est une norme qui nous touche tous de près ou de loin. Cette norme regroupe tous les Canadiens et les Canadiennes, car, ultimement, nous nous définissons avec le temps en fonction d'une communauté linguistique, soit francophone ou anglophone, au Canada. Pour les nouveaux arrivants, cette reconnaissance se confirme bien souvent lorsqu'il s'agit de la troisième génération d'individus résidant et performant au Canada.

Afin que la dualité linguistique soit une réalité continue et vibrante à travers le Canada, l'immigration devient un outil permettant de maintenir au minimum la proportion d'individus s'identifiant avec le temps à un des deux groupes linguistiques du Canada. Nous devons nous poser la question suivante : comment est-ce que l'immigration contribue au développement de la communauté de langue officielle de langue française au Canada en tenant compte de l'effet de l'exogamie et de l'assimilation au groupe majoritaire? Premièrement, le taux de fertilité et la composition de l'immigration ne permettent pas actuellement de maintenir la proportion de francophones à travers le Canada en comparaison avec la communauté anglophone.

L'immigration vient renforcer la communauté de langue officielle française au Canada grâce à l'ajout de nouveaux individus dans les diverses localités. Cette nouvelle population demandera des services de santé en français, mais aussi des écoles de langue française. Ces effets sont bénéfiques pour les francophones, car ils augmentent la prestation des services gouvernementaux en langue française. L'exemple le plus éloquent porte sur la gestion des conseils scolaires de langue française à travers le Canada.

Deuxièmement, l'exogamie est une réalité naturelle dans un milieu où il existe très peu de membres du groupe linguistique minoritaire dans plusieurs régions du Canada. La possibilité d'augmenter le nombre de parlants français augmente les chances de pouvoir socialiser et créer des relations entre parlants français. Cela développe aussi le désir d'apprendre le français comme langue seconde, augmentant le nombre de francophiles et d'individus pouvant communiquer dans les deux langues officielles du Canada.

Troisièmement, l'attraction à la communauté anglophone est grandement influencée par les perspectives économiques et sociales et la place des États-Unis dans notre univers au quotidien. Lorsqu'un groupe linguistique est en croissance avec la venue de nouveaux individus, cela modifie l'attraction de ce groupe linguistique auprès des autres membres de la collectivité. Dans une perspective économique, nous cherchons à augmenter nos parts de marché, et si nous constatons le poids économique des parlants français, cela nous amène à développer des stratégies de commerce qui s'adressent aux francophones, de l'affichage en passant par l'embauche d'individus bilingues.

Dernièrement, la mobilité économique et sociale des Canadiens de même que les changements sociaux ont modifié la composition des groupes linguistiques au Canada. Cette mobilité et les changements ont pour effet de multiplier les échanges entre individus, augmentant ainsi les possibilités d'exogamie. Le fait de vivre ces changements sociaux, la mobilité au Canada et le fait d'échanger avec des parlants français donnent une occasion aux individus de participer activement à la vie économique et sociale en français à travers le Canada.

Il est important de souligner la place des francophones dans l'évolution de la société canadienne. Si le Québec est le fort de la francophonie canadienne, les francophones hors Québec sont le contrefort. Nous ne devons pas permettre que ce contrefort tombe, car nous créons un Canada composé de deux groupes linguistiques attachés à un territoire spécifique : un Québec français et le restant du Canada anglais. La dualité linguistique permet d'éviter cette polarisation du Canada entre deux groupes distincts. Cette polarisation linguistique a pour conséquence de confirmer la thèse bien souvent soulevée au Québec qu'il n'y a point de salut pour un francophone hors du Québec. Cela justifie, pour plusieurs, la nécessité de la sécession et de la souveraineté du Québec.

Les francophones hors Québec sont essentiels à la place identitaire du Canada. Ils présentent le visage d'un Canada bilingue d'un océan à l'autre permettant une mobilité de citoyens ayant une des langues officielles du Canada. Cela nous amène alors à la question des pourcentages concernant l'immigration. Le ministre a parlé des cibles projetées, 4 p. 100 en 2018.

L'immigrant francophone recherché est l'individu qui a le français comme langue maternelle ou qui possède une connaissance adéquate de la langue française. Nous employons le terme « adéquat », car il s'agit pour plusieurs d'une deuxième ou d'une troisième langue d'usage. De plus, comme l'intégration est souvent une notion rapide, mais complexe et exigeante, l'individu doit pouvoir être un acteur performant rapidement au sein de la société canadienne et du groupe linguistique francophone.

Nous devons nous assurer que le pourcentage d'individus admis au Canada parlant le français soit le double de la population locale francophone. Les raisons sont les suivantes : les individus parlant le français ne partagent pas nécessairement le désir d'être identifiés à la communauté minoritaire de langue officielle en situation minoritaire. L'attraction du groupe majoritaire est souvent liée aux perspectives économiques et sociales. Les immigrants recherchent une meilleure qualité de vie, et le système économique est souvent le premier intérêt pour les nouveaux arrivants. Ceci se passe souvent en anglais.

L'exogamie est aussi une réalité pour les nouveaux arrivants. Ils peuvent s'exprimer en français, mais ils ne partagent pas nécessairement la perspective identitaire. Par conséquent, nous devons sélectionner de nouveaux arrivants qui désirent partager la vie française à travers le Canada.

Quatrièmement, la connaissance du français est pour certains rattachée à des fins de travail et d'immigration seulement. Nous devons accepter leurs choix linguistiques et sociaux.

Afin que l'immigration devienne un appui pour la communauté de langue française au Canada, il est nécessaire de développer une approche impliquant les quatre acteurs principaux suivants :

1. Les instances gouvernementales provinciales et fédérales, afin que les programmes soient coordonnés dans une perspective d'intégration des nouveaux arrivants dans le groupe francophone minoritaire. Ceci comporte des négociations établissant des politiques d'encadrement de sélection des immigrants et l'évaluation de l'atteinte d'objectifs quantifiables, dont le nombre de nouveaux arrivants pouvant parler le français, la localisation canadienne de ces immigrants et la demande de services adaptés à leurs besoins spécifiques;

2. Les organismes d'accueil doivent être équipés afin de diriger les nouveaux arrivants dans la réalité francophone et de les aider dans leurs quêtes d'opportunités économiques et sociales. Ceci comprend, par exemple, la possibilité d'utiliser le français dans le cadre du travail et des services gouvernementaux;

3. Les intervenants communautaires doivent participer activement au développement des liens entre les nouveaux arrivants et la communauté établie. Ceci implique le développement de politiques sociales et la mise en place de moyens afin d'aider ces intervenants communautaires à s'impliquer dans la communauté francophone. Bien souvent, ces liens peuvent commencer par les sports pour les jeunes et le milieu scolaire, d'où l'importance de l'école dans l'intégration des nouveaux arrivants;

4. Enfin, les nouveaux arrivants doivent être sensibilisés, avant leur sélection, à la possibilité de vivre dans la communauté de langue française. Ils doivent être exposés à la réalité de la dualité linguistique canadienne et des minorités de langue officielle et aux avantages de pouvoir communiquer dans les deux langues officielles du Canada.

En conclusion, les diverses démarches soulignées dans le présent document demandent du temps et de l'énergie. Il faut donc, au départ, des politiques claires de la part des gouvernements; des moyens afin de bien sélectionner les arrivants; et ultimement une volonté de protéger et de promouvoir la dualité linguistique canadienne.

Merci pour votre temps et pour votre engagement envers le Canada.

La présidente : Je vous remercie. Nous passons maintenant à la période des questions.

La sénatrice Fortin-Duplessis : Ma question sera très simple. La question de l'intégration et de la rétention des immigrants francophones au sein des communautés minoritaires constitue un très gros défi. C'est ce que les témoins qui vous ont précédé nous ont dit. Je crois que vous avez fait quelques recommandations à ce sujet, mais en auriez-vous de plus précises?

Bien souvent, les immigrants s'installent initialement au Québec et partent par la suite s'établir dans des communautés francophones en milieu minoritaire de l'extérieur du Québec. C'est très difficile pour le Québec de garder les immigrants francophones.

M. LeVasseur : Madame la sénatrice, vous avez un bon point. À la fin du texte que je vous ai présenté, j'ai parlé du projet de loi 161 qui est mort au Feuilleton à la suite des élections en Ontario. Il n'y a pas d'encadrement défini, parce qu'il s'agit toujours de politiques; donc, premièrement, je suggérerais un encadrement réglementaire qui définit comment fonctionnent les communautés.

La deuxième des choses, c'est que, trop souvent, on a tendance à sélectionner les immigrants francophones en fonction de critères très élitistes. Je suis d'accord pour accueillir des immigrants qui pourraient pourvoir un des postes non comblés par les Canadiens, mais souvent, l'immigrant qui va performer et qui voudra réussir, c'est celui qui se cherche un emploi, qui veut améliorer sa qualité de vie et qui veut donner à son enfant ce que lui n'a pas reçu. Très souvent, c'est l'environnement économique et social qui va créer cela. On a malheureusement tendance à aller chercher ceux qui ont déjà un emploi. Également, il n'y a pas d'encadrement pour que les jeunes puissent se trouver une niche, qu'ils puissent se faire une place.

La troisième chose que l'on constate, c'est que le poids économique et social est plus important que l'attachement à la langue. La langue devient un accessoire. On doit créer un système où l'individu qui veut faire sa place ici peut avoir l'opportunité de travailler tout en amenant avec lui son caractère linguistique. On a tendance à faire l'inverse : aller chercher le francophone et s'attendre à ce qu'il s'identifie à la communauté francophone. Pourtant, lui, il va essayer de trouver une place là où il peut parler français.

Je vais vous donner un exemple banal : lors de la dernière Coupe Grey, deux des joueurs de football étaient des enfants d'immigrants congolais. Ils avaient immigré au Québec, mais comme le père et la mère n'ont pu se dénicher d'emploi, ils sont déménagés dans l'Ouest canadien, en Alberta. Les enfants se sont mis à jouer au football dans la communauté locale anglophone. Ils sont devenus d'excellents joueurs. L'un des deux jouera probablement dans la ligue américaine de football. Dans leur cas, la langue n'était pas l'élément moteur, c'était plutôt l'opportunité économique.

C'est ce qu'on oublie trop souvent. On crée des méthodes de sélection fondées sur une certaine approche élitiste, mais ce sont les gens qui travaillent qui vont créer cette réalité francophone.

La sénatrice Charette-Poulin : Vos commentaires sont extrêmement pertinents, mais nous vous remercions également d'avoir pris le temps de préparer votre témoignage qui enrichit énormément nos discussions et notre réflexion.

J'ai remarqué que vous étiez dans la salle du public pendant les discussions que nous avons eues avec le ministre de la Citoyenneté et de l'Immigration, M. Alexander. Vous m'avez entendue quand j'ai demandé au ministre s'il allait revoir la méthode utilisée pour calculer le nombre de personnes appartenant à la population francophone au pays, que ce soit au Québec ou dans les autres provinces.

J'ai remarqué, dans votre réflexion, que vous parlez de « parlants français ». Qui sont pour vous les « parlants français »?

M. LeVasseur : C'est une excellente question. Si vous remarquez, dans le texte, je parle de la notion de communauté de langue officielle de langue française. Cela revient à ce dont j'ai discuté avec la sénatrice Fortin-Duplessis au sujet de la mobilité des immigrants qui se déplacent du Québec à l'extérieur du Québec. Quand on parle de « parlants français », ce qui est important, c'est de ne pas nécessairement chercher quelqu'un de langue maternelle, mais plutôt quelqu'un qui est capable de communiquer et de s'exprimer dans une conversation de façon continue.

C'est important parce que, dans notre réalité scolaire, dans nos réalités sociales et culturelles, on constate que les parlants français apportent une plus-value; ils ont, au départ, une acceptation de la langue française dans leur communauté, et ils vont l'appuyer et en partager la réalité sociale et culturelle.

Il faut être prudent quand on évoque la notion de ce qu'est un parlant français. Il faut être capable d'évaluer celui-ci de façon adéquate, mais il ne faut pas le mettre dans une position où il est tellement encadré qu'il ne peut pas avoir une place au sein de notre communauté francophone.

Un grand nombre d'étudiants viennent ici pour obtenir un diplôme, mais on restreint tellement la possibilité d'avenir pour ces jeunes qu'ils doivent retourner chez eux pour faire ensuite une demande d'immigration afin de revenir au Canada. Bien souvent, ils ne reviennent même pas. Nous devons créer un système propice à la continuité.

Trop souvent, on a tendance à limiter les gens avec notre mode de sélection en fonction de critères purement mécaniques, statistiques et économiques, alors que souvent, c'est la bonne volonté des gens qui fait en sorte qu'ils veulent parler français.

Il ne faut pas oublier une chose : une langue vit et se développe parce qu'elle est rentable économiquement. Le jour où une langue n'est plus rentable économiquement, les gens passent à une autre langue.

Par exemple, je siège à des comités des Nations Unies. L'un de ces comités est celui des experts en administration publique. On y parle le français, l'anglais et l'espagnol. Très peu de gens parlent le russe, et je ne dis pas cela parce que ce n'est pas une belle langue; très peu de gens parlent chinois ou russe, sauf les Russes ou les Chinois. La majorité parle anglais, français ou espagnol. Souvent, quand je parle aux gens qui devraient parler une autre langue, je leur demande pourquoi ils parlent l'anglais. Ils me répondent que c'est la langue économique, la langue que tout le monde comprend.

C'est la même chose dans le cas des immigrants qui viendront au Canada. Ils épouseront la langue qui leur donnera des opportunités. Si le parlant français a déjà une perspective en vue, il y enverra ses enfants qui, eux, vont susciter ce volume et ces services gouvernementaux.

Le sénateur McIntyre : Monsieur LeVasseur, merci pour votre présentation très intéressante.

Vous avez parlé du projet de loi 161, tant dans votre présentation orale que dans votre présentation écrite. Malheureusement, comme vous nous l'avez si bien dit, ce projet de loi est mort au Feuilleton. Espérons qu'après les prochaines élections provinciales, il sera ressuscité.

C'est un projet de loi intéressant parce qu'il avait pour but de protéger les intérêts des francophones en matière d'immigration. Je sais que vous avez réagi à ce projet de loi dans un article paru dans le journal Le Droit il y a quelques mois. Le projet de loi est intéressant parce qu'il reconnaissait un groupe linguistique ayant une culture et une histoire distinctes en Ontario. Une autre chose très intéressante, si on peut la rattacher à tout cela, c'est que cela permettrait de guider les tribunaux dans l'interprétation des droits linguistiques des francophones de l'Ontario; ça, c'est important. C'est la raison pour laquelle j'ose croire que le projet de loi sera ressuscité à la suite des prochaines élections provinciales en Ontario.

Cela étant dit, j'aimerais aborder avec vous le sujet d'un autre projet de loi, le projet de loi C-24, qui en est à sa première lecture à la Chambre des communes. Ce projet de loi introduit deux modifications. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet?

M. LeVasseur : C'est une excellente question. Le projet de loi fait mention de normes et de standards. Le problème est que, encore une fois, on ne développe pas le volet identitaire. On crée une approche, une façon d'être. Quand on est anglophone, on n'a pas nécessairement la même notion d'identité. On est capable de s'intégrer à un système. Lorsqu'on est francophone, ce n'est pas seulement le fait de parler, c'est le fait de s'arrimer à une valeur, à une conception et à une façon d'être.

Quand je parle anglais, par exemple, je peux parler à tout le monde et on s'identifie à des valeurs beaucoup plus à dominance canadienne, telles que la Charte des droits et libertés et tout cela, comme les francophones. Mais la différence, c'est que dans un milieu minoritaire, il faut aller chercher une deuxième plus-value qui est la notion de notre histoire, de notre vécu, de notre combat, de notre réalité, de ces efforts. Être francophone en milieu minoritaire, c'est un combat, c'est un effort. Et pour le faire, il faut être capable de s'identifier.

Le Franco-Ontarien s'identifie bien souvent comme étant bilingue; parce qu'on est capable de parler français et anglais, on n'a pas à développer ce côté identitaire. On peut facilement aller de droite à gauche. Si vous m'offrez le service en anglais, ça va; si vous l'offrez en français, ça va. Le projet de loi, toutefois, ne développe pas toute la question de l'identité que l'immigration doit traiter.

On aura donc toujours des mécanismes, mais on n'aura jamais cette plus-value qui nous identifie et qui crée notre société canadienne.

La sénatrice Chaput : Monsieur LeVasseur, c'est fort intéressant. Plusieurs questions me viennent à l'esprit.

Vous avez mentionné que, au Canada, on devrait avoir comme cible le double de la population locale francophone en termes d'immigration. C'est ce qu'il faudrait avoir. En même temps, vous avez parlé des raisons pour lesquelles cela devrait être le double, vous avez parlé des individus qui ne partagent pas nécessairement le désir d'être identifiés à la communauté et vous avez parlé de la perspective identitaire qui n'est pas partagée.

Tous les points que vous avez soulevés sont vrais et réels. Je reconnais que tous ces points reflètent la réalité. Mais comment arrive-t-on à augmenter le nombre de francophones à l'extérieur du Québec dans les communautés de langue officielle en situation minoritaire? Pour augmenter ce nombre, on fait venir des immigrants des pays francophones qui parlent déjà le français comme première, deuxième ou troisième langue et qui sont obligés d'apprendre l'anglais parce qu'ils sont au Manitoba, qui est une province majoritairement anglophone. On les fait venir, on leur apprend l'anglais, on veut qu'ils s'identifient à nous, on veut qu'ils fassent partie de notre communauté et on veut qu'ils soient inclus.

Puis, en même temps, du point de vue économique, ils doivent travailler. C'est tellement complexe. Comment pourriez-vous recommander à notre comité un exemple de politiques claires qui feraient de tout ce que vous venez de dire une réalité? Je parle de politiques claires de la part du gouvernement et de moyens permettant de bien sélectionner les gens; où est-ce qu'on commence?

M. LeVasseur : C'est une excellente question. La question qu'on doit se poser est la suivante : comment imposer une norme qui porte sur un minimum d'usage du français? Les gouvernements ont les moyens de le faire. C'est pour cela que, bien souvent, lorsqu'il y a des politiques de services gouvernementaux, on demande que des francophones ou des personnes bilingues soient embauchés pour offrir le service.

C'est un problème en ce qui concerne le secteur privé, parce qu'il n'y a pas cette obligation; on n'a pas l'obligation parce qu'on n'a pas cette utilité d'avoir l'usage du français dans bien des# milieux à l'extérieur du Québec. Ce n'est pas une nécessité économique. C'est là qu'il faut créer un espace où on doit, dans certains cas, demander que certains milieux d'affaires se dotent d'un minimum de gens pouvant communiquer avec le public en français.

Cela veut dire imposer un droit linguistique privé. C'est une nouveauté dont personne ne veut parler. L'exemple le plus banal, c'est celui de la rédaction des affiches bilingues à Clarence-Rockland et dans le canton de Russell. J'ai eu l'occasion de rédiger ces règlements. Quelles en ont été les conséquences? On a dû embaucher des gens qui devaient maîtriser les deux langues officielles afin d'être en mesure de rédiger correctement et de servir le public dans la langue de la minorité.

Il faut pouvoir développer une obligation ou une nécessité de l'usage des deux langues officielles, parce que l'individu ne le fera pas de lui-même. Cela exige un minimum de services à la clientèle devant être offerts dans les deux langues officielles. Cela favorisera une valorisation de l'apprentissage des deux langues officielles à l'école, ainsi que cette nécessité.

Par exemple, j'enseigne depuis 28 ans à l'Université d'Ottawa. Je suis celui qui a donné le plus de cours à l'Université d'Ottawa. Si un soir j'offre un cours en anglais, je pose toujours la question aux étudiants anglophones à savoir pourquoi ils assistent à une classe où il y a plus de 200 étudiants, alors qu'ils étudient dans une institution bilingue et qu'ils pourraient suivre le même cours le lendemain en français. Les gens se demandent ce que ça leur donnerait de faire cela et quelle serait leur plus-value. Cela me décourage, parce que l'université devrait imposer un minimum d'obligations, tant pour les francophones que les anglophones, telle celle de suivre au moins 10, 15 ou 20 p. 100 de leurs cours dans l'autre langue officielle avec une adaptation pour la rédaction et la compréhension.

C'est la même chose dans les entreprises; on n'a pas voulu développer cette notion de dire qu'il faut, dans certains milieux, se doter de cela. Si on veut créer ces emplois, il en résultera une nécessité et une obligation qui fera en sorte que ça aille plus loin.

De plus, dans le cas de toutes les entreprises ayant un siège social à Ottawa et faisant des politiques avec le gouvernement du Canada, pourquoi ne pas leur demander que leurs employés soient bilingues également? Quand le gouvernement du Canada loue des espaces, l'affichage est bilingue; si le gouvernement du Canada est locataire, on va modifier notre politique d'affichage.

Alors, pourquoi ne pas indiquer que si les compagnies désirent faire des affaires avec le gouvernement du Canada, il y a des conditions? Cela valoriserait la place du français, son apprentissage et sa plus-value. Il faut s'astreindre à cela. C'est le gouvernement du Canada qui doit le faire.

L'immigrant va voir que, s'il veut un emploi, dans bien des secteurs, il y a une plus-value à être francophone ou à apprendre le français, parce que cela lui donne un rendement économique. Il n'y a pas d'espace pour les francophones hors Québec dans ce contexte, sauf dans certains milieux.

Il faut qu'il y ait une force, et cette force sera amenée par le gouvernement du Canada.

La sénatrice Chaput : Est-ce que le gouvernement fédéral n'a pas fait un premier pas en décidant que tout immigrant arrivant au Canada ou voulant venir au Canada doit connaître au moins l'une des deux langues officielles?

M. LeVasseur : Sénatrice, vous avez entièrement raison.

La sénatrice Chaput : Puisqu'il est dans la bonne direction, quel serait le deuxième pas que le gouvernement fédéral pourrait faire? Que pourrait-on lui recommander?

M. LeVasseur : Que toute entreprise faisant affaire avec le gouvernement compte parmi ses employés un minimum d'individus qui parlent les deux langues officielles, dans le cadre d'une entreprise, s'il y a une certaine dimension de l'entreprise. Vous allez me dire que je suis en train de changer la donne, mais je m'excuse; il y a 40 ans, à Ottawa, il n'y avait pas de photos historiques ou d'affiches dans les deux langues officielles. Aujourd'hui, vous voyez de plus en plus d'organisations qui, même si elles ne louent pas un espace du gouvernement du Canada ou ne font pas affaire avec lui, ont déjà créé leurs affiches dans les deux langues officielles.

Cela va prendre un certain temps. Il faut commencer avec les associations nationales, avec certains organismes, avec les gros joueurs et, lentement, le message va passer. On apprend de cette réalité.

La sénatrice Chaput : Quel effet cela aurait-il sur les immigrants?

M. LeVasseur : Les immigrants vont voir que, pour accéder au système, à la société, aux postes importants, le bilinguisme est une nécessité, et que ce n'est pas juste une notion de cours académiques. Ils verront aussi que cela est une fierté. Un immigrant vient ici parce qu'il croit dans la société, il veut performer et aller au sommet. Or, aller au sommet, c'est une fierté qui demande cette exigence.

Regardez les immigrants qui ont appris les deux langues officielles, comme ils sont fiers de dire qu'ils sont bilingues, qu'ils sont au sommet.

La présidente : Si je peux vous demander une clarification, vous avez indiqué que, selon vous, le Canada devrait doubler le pourcentage d'immigrants en fonction de la population locale francophone?

Je crois que le pourcentage des francophones à l'extérieur du Québec représente 4 p. 100, 4,4 p. 100. Selon vous, on devrait donc avoir une cible d'immigration de 8 p. 100?

M. LeVasseur : Absolument, car cela permet une mobilité inverse vers le Québec. Il y a souvent une migration du Québec vers le reste du Canada, mais il y a aussi cet apport qui vient vers le Québec. C'est un jeu qui va des deux côtés.

Vous me direz que 8 p. 100, c'est peut-être trop. Quand on aura 4 p. 100, on va se satisfaire de dire qu'on a 3,1 ou 2,8. Si on va à 8 p. 100, on pourra dire qu'on a peut-être eu 5 ou 6 p. 100, mais qu'au moins, on a eu plus que notre pourcentage. Cela force le système à se donner des moyens sincères et directs.

Il faut saisir cette occasion. Je le mentionne très clairement. On a toujours tendance, dans la société québécoise, à exprimer une crise de la population francophone hors Québec. Cela a toujours été le cas depuis la fin des années 1960-1970.

Je me souviens que, quand j'étais petit garçon, j'avais parlé à M. Claude Morin. Il avait sorti son livre sur la question du poids économique et de la société canadienne-française. Je me souviens lui avoir demandé s'il était aussi pessimiste. Il m'avait répondu : « Je suis peut-être pessimiste, mais la tendance va se maintenir. »

Quand on est dans une situation minoritaire, on a tendance à se renfermer sur soi-même, à s'isoler et à s'exclure des autres. Un article paru dans l'édition de La Presse de samedi dernier parlait des francophones à Toronto. Cela a réveillé beaucoup de gens qui se sont dit que la situation n'est pas aussi sombre qu'elle le paraissait, qu'il y a une réalité. On voit autre chose; il y a une occasion, un peu différente peut-être, mais c'est quand même une occasion.

Récemment, j'écrivais un article sur la nomination des juges à la Cour suprême. J'expliquais qu'on doit s'assurer que les nouveaux juges sont en mesure de comprendre les deux langues officielles pour siéger à la Cour suprême.

Il s'agit de l'une des seules instances où il y a une exception à la Loi sur les langues officielles qui exclut effectivement, de façon directe, le fait d'avoir une connaissance des deux langues officielles pour pouvoir procéder dans un procès de langue française ou de langue anglaise.

Cependant, vous devez remarquer que la majorité des juges bilingues sont des immigrants, et qu'ils sont fiers d'afficher ce bilinguisme. Quand vous plaidez devant la Cour suprême, ils aiment vous répondre en français. Ils ont développé cette notion de fierté de pouvoir s'exprimer dans les deux langues, parce que c'est aussi une notion de succès, de fierté et de réussite.

La présidente : Monsieur LeVasseur, nous vous remercions pour votre présentation des plus intéressantes. Merci des recommandations et des suggestions que vous avez faites au comité.

Nous vous remercions surtout pour votre flexibilité et votre compréhension. Nous avons dû changer l'horaire à plusieurs reprises en fonction de l'horaire du ministre. Merci beaucoup de votre compréhension, et bonne chance dans vos cours et avec vos étudiants.

M. LeVasseur : Je vous remercie.

La présidente : Je suspends la séance pendant quelques minutes. Nous allons ensuite reprendre pour une courte période.

(La séance se poursuit à huis clos.)


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