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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 10 - Témoignages - Séance de l'après-midi


HALIFAX, le jeudi 29 mai 2014

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 13 heures, pour étudier la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada.

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président : Bon après-midi. Je m'appelle Fabian Manning. Je suis sénateur pour Terre-Neuve-et-Labrador et le président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Avant de céder la parole aux témoins, je demanderais aux membres du comité de bien vouloir se présenter.

Le sénateur McInnis : Tom McInnis de la Nouvelle-Écosse.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace Nicholas du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Poirier : Rose-May Poirier, sénatrice du Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Munson : Jim Munson, Ontario.

La sénatrice Raine : Nancy Greene Raine, de la Colombie-Britannique.

Le sénateur Mercer : Terry Mercer de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Wells : David Wells, Terre-Neuve-et-Labrador.

Le président : Je remercie les témoins d'avoir pris le temps de se joindre à nous cet après-midi. Le comité poursuit son étude spéciale sur la réglementation de l'aquaculture, les défis actuels et les perspectives d'avenir de l'industrie au Canada. Nous sommes ravis d'être à Halifax aujourd'hui.

J'inviterais d'abord les témoins à se présenter. Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à faire; nous passerons ensuite aux questions des sénateurs. La parole est à vous.

Nolan d'Eon, propriétaire et président, Eel Lake Oyster : Bon après-midi, mesdames et messieurs les sénateurs. Je m'appelle Nolan d'Eon et je suis ostréiculteur sur la pointe sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, dans un petit village appelé Sainte-Anne-du-Ruisseau. J'y fais l'élevage d'huîtres depuis environ 18 ans. J'ai commencé à pêcher en 1978, et je pêche toujours. J'ai assisté au déclin de l'industrie de la pêche et c'est pourquoi j'ai décidé de me tourner vers l'aquaculture. C'est une entreprise familiale. Nous sommes cinq, parfois six ou sept, à travailler à temps partiel. C'est donc une petite entreprise familiale. Nous vendons nos huîtres au Canada seulement en ce moment, et une bonne partie va au marché d'Ottawa. J'espère que vous avez pu y goûter au Rideau Club.

Le président : Le sénateur Munson connaît très bien l'endroit.

M. Nolan : C'est en gros ce que je peux vous dire sur moi. Je vous en dirai plus par la suite.

Le président : Nous avons hâte d'entendre ce que vous avez à dire.

Robin Stuart, membre, Aquaculture Association of Nova Scotia : Je m'appelle Robin Stuart. Je travaille dans le secteur de l'aquaculture commerciale depuis plus de 40 ans maintenant en Nouvelle-Écosse. Je suis écologiste marin de formation et j'ai travaillé dans le secteur de la conchyliculture et de la pisciculture, et j'ai également eu mon propre élevage. Je travaille actuellement avec les Premières Nations de Waycobah, mais je vais vous parler aujourd'hui des difficultés liées à la conchyliculture. J'ai fait l'élevage d'huîtres et de moules pendant de nombreuses années, et je travaille de près avec les secteurs de la pisciculture et de la conchyliculture. Je pourrai répondre à vos questions tout à l'heure.

Le président : Merci, monsieur Stuart.

La parole est à vous, monsieur d'Eon.

M. d'Eon : Je vais vous parler des plus grandes difficultés auxquelles je suis confronté, celles qui m'empêchent de dormir la nuit parce que je n'arrête pas de me demander pourquoi les choses ont tourné de cette façon.

Je suis l'autre associé de Brian Blanchard. On tente de faire le captage des huîtres à Dalhousie, de les transporter dans un réservoir jusqu'à Barrington, puis de les amener à mon élevage. Tout est arrêté, en attente de permis. Je pourrais comprendre si c'était quelque chose de risqué, un engin spatial ou quelque chose du genre, mais on parle d'un réservoir d'huîtres qui ont été élevées dans une enceinte close du début à la fin. Elles partent de mon élevage pour le frai, puis sont ramenées chez nous pour que je puisse poursuivre l'élevage.

Dans les deux dernières années, nous avons opté pour le captage naturel des huîtres, mais cela n'a pas fonctionné; nous n'avons rien eu. De un, un gros orage a emporté toutes les larves; elles sont tombées sous nos collecteurs. Nous les avons perdues. De deux, une espèce de ver a contaminé nos collecteurs et a tué toutes les huîtres. Si je veux rester en affaires, je dois pouvoir compter sur une source de larves fiable. Je dois m'assurer que je pourrai en avoir tous les ans. Ce serait une façon de m'en assurer. Avec une telle garantie, j'ai les larves dont j'ai besoin et je peux maintenir mon entreprise.

Il y a aussi la classification de l'eau par Environnement Canada, qui doit faire 15 tests pour déterminer la classification. Le ministère envoie des inspecteurs qui testent l'eau pour détecter la présence de coliformes fécaux. L'an passé... Cela a toujours été fait par Environnement Canada. Le ministère prélevait les échantillons, les testait et attribuait une catégorie. Mais l'an dernier, nous voulions faire l'élevage d'huîtres à un certain endroit, et le ministère nous a dit qu'il n'avait pas d'argent pour cela. J'ai donc dû payer pour la classification de l'eau. C'était une des premières fois où quelqu'un devait débourser quelque chose pour la classification de l'eau.

Je crois avoir parlé des permis et des transferts.

Le tourisme fait partie de la stratégie future de notre entreprise, et je pense qu'on vous a remis des documents sur notre élevage. Tellement de gens d'un peu partout dans le monde s'arrêtaient à notre élevage et nous demandaient qu'on leur fasse faire le tour et qu'on leur explique ce que nous faisions. Il fallait interrompre notre travail pour répondre aux questions des visiteurs. Nous nous sommes dit qu'il fallait bien trouver un moyen de faire quelques dollars avec cela, alors nous nous sommes lancés dans le tourisme.

Nous aménageons le quai en ce moment et préparons nos bateaux, et nous avons eu un peu de mal à obtenir des permis du ministère des Transports. Ce sera long, mais nous allons y arriver. C'est ce qui s'annonce pour nous, on l'espère. Nous avons déjà eu des réservations, et si on peut combiner les deux, les choses devraient bien aller.

Mais le plus important, c'est d'avoir mes larves, de veiller à ce que le ministère des Pêches délivre les permis requis afin que les gens aient leurs larves à temps. Sans cela, je n'ai rien.

Merci.

Le président : Merci, monsieur d'Eon.

Monsieur Stuart.

M. Stuart : Je vais commencer avec une courte anecdote. Je travaillais dans le secteur de l'élevage d'huîtres dans les années 1970, et nos installations étaient énormes à ce moment-là dans le lac Bras d'Or. Nous avions plus de 1 700 radeaux. La sénatrice Greene Raine parlait de l'acceptation du public. À cette époque, ce type d'élevage était relativement nouveau dans le secteur de l'aquaculture, car c'était très peu connu. Pourtant, pratiquement personne ne s'est opposé à la conchyliculture, même si nous avions des radeaux partout au Cap-Breton, là où j'habite.

Une des principales choses que j'ai remarquées au cours des 40 dernières années, c'est que la population rurale a changé. C'est différent depuis que les jeunes s'en vont à l'ouest pour trouver du travail. Le taux de vieillissement de la population est très élevé, et beaucoup de retraités sont allés s'installer dans des collectivités qui ne sont pas vraiment propices au travail à temps plein. Les gens ont gagné leur vie et ils ont décidé, peu importe les raisons, d'aller s'installer en campagne. Je crois que cela a changé l'attitude des gens envers l'industrie, et c'est ce qu'on a vu avec la discussion de ce matin.

Je crois qu'il y a un énorme potentiel pour la conchyliculture en Nouvelle-Écosse. Je ne pense pas me tromper en affirmant que cela pourrait être une industrie de 2 milliards de dollars; c'est beaucoup.

Le secteur de l'huître est un des secteurs clés, d'après moi, et il pourrait faire partie de ce développement. Nous n'avons pas vraiment parlé des possibilités qu'offre la culture d'huîtres. Sur la scène internationale, l'Europe est aux prises avec de graves problèmes de maladies chez les populations d'huîtres. Ailleurs dans le monde, ce sont des incidents comme le déversement de pétrole au large de la côte sud-est des États-Unis et l'exposition aux déchets radioactifs en Extrême-Orient qui font que la production a chuté considérablement. Les débouchés sont énormes pour le marché de l'huître et nous devrions en tirer profit. Nolan a certainement défriché le terrain et il fait du bon travail, mais je pense que beaucoup d'autres installations pourraient voir le jour dans nos petites collectivités côtières.

Un des avantages de l'ostréiculture est qu'il est possible de commencer petit. C'est une façon de faire qui semble plus acceptable dans les collectivités. En général, les entreprises ont toujours plus de succès quand elles commencent tout doucement pour prendre de l'expansion avec le temps. Je pense donc qu'il sera plus facile de faire accepter l'ostréiculture que d'autres secteurs de l'aquaculture.

Il y a tout de même d'importants obstacles à franchir. Au Cap-Breton, la maladie MSX et la maladie de Malpèque ont malheureusement dévasté une des régions les plus productives de la Nouvelle-Écosse en fait d'élevage d'huîtres. Il y a 11 ou 12 ans, nous avons connu une éclosion de la maladie MSX, qu'on croit originaire de la côte nord-est des États- Unis et qui a décimé la population d'huîtres là-bas. L'industrie a donc désespérément besoin d'une reconstruction. Malheureusement, en raison des risques de maladie, nous devons faire les choses différemment.

Dans le passé, la culture de fond était la norme, même si elle demande beaucoup plus de temps en raison de la rareté de la nourriture pour les huîtres. Il faut compter sept ou huit ans, plutôt que un ou deux ans avec la culture en suspension. Cependant, la culture en suspension comporte son lot de difficultés, car la Loi sur la protection des eaux navigables entre en ligne de compte. Avec la culture en suspension, il y a aussi plus de flotteurs qui sont à la vue. L'industrie doit être en mesure d'expliquer ces choses au public et de lui démontrer que c'est profitable et que cela permettra de créer de l'emploi, et il faut respecter les normes de navigation et ce genre de choses. C'est loin d'être évident de se lancer dans la culture en suspension.

Et puis, il y a la question des maladies et de l'approvisionnement en larves. Nolan et moi en avons parlé. En ce moment, l'approvisionnement en larves est un obstacle énorme au développement de l'industrie en Nouvelle-Écosse. En Australie, par exemple, où la pêche sauvage était autrefois la norme, le secteur s'est totalement transformé et on emploie des écloseries en suspension pour l'approvisionnement en larves. Il s'agit maintenant d'une industrie de plusieurs millions de dollars.

Je suis convaincu que nous devons passer à la prochaine étape en produisant des larves en écloserie à l'aide de stocks génétiques de qualité qui sont propices à la culture dans certaines régions en particulier. Et nous avons besoin de soutien pour tout cela. On parle essentiellement de gens qui n'ont pas accès aux fonds nécessaires pour démarrer une entreprise. C'est très difficile, parce que la plupart des intéressés sont de petits exploitants, et les coûts associés à l'établissement d'écloseries les en empêchent. Il en coûte aussi cher de mettre en place un petit élevage d'huître en suspension qu'un élevage de saumon, et il en va de même pour l'attente des approbations et des concessions, comme Brian le disait plus tôt. Il faut parfois un an ou deux avant de rentabiliser son investissement. Elles sont rares les banques qui vont vous offrir du financement quand vous n'avez même pas de produit à mettre sur la concession, parce que l'évaluation environnementale se fait attendre. C'est énorme et il faut simplifier le processus pour que les petits éleveurs puissent se lancer dans le domaine.

Et comme Nolan le disait, nous avons besoin de l'aide des organismes de réglementation — Transports Canada, Environnement Canada, et cetera — pour les zones non classifiées. On ne peut pas élever des crustacés dans des zones non classifiées. Nous avons besoin de cela. Il nous faut le soutien de la population et de la communauté scientifique.

Nous avons des ressources scientifiques extraordinaires — je pense notamment à l'Institut océanographique de Bedford et au MPO, mais je ne crois pas qu'ils soient en mesure de prendre position, de prendre des engagements ni de diriger des projets de recherche qui vont aider les éleveurs. Nous sommes limités. La R-D joue un grand rôle dans la concrétisation de ce développement. Nous avons des obstacles à abattre et j'aimerais vraiment que la communauté scientifique soit plus impliquée. Elle pourrait déboulonner bien des mythes.

J'habite à Englishtown, dans la baie de Ste-Anne au Cap-Breton, en direction d'Ingonish. Il y a un important élevage de moules là-bas, et je prévois y installer un élevage d'huîtres prochainement. Il y a 11 ans, on craignait que les déchets de la conchyliculture allaient compromettre la pêche au homard. Il y a tellement de fausses idées qui circulent. On disait aussi que le saumon ne remonterait plus jusqu'à North River en raison de l'odeur de sulfure émanant des élevages. C'est ce qui a été dit lors d'audiences publiques. Nous voilà 11 ou 12 ans plus tard, et les prises de homard ont presque doublé, parce que le homard se nourrit de moules et elles lui fournissent un habitat favorable.

Il y a beaucoup de désinformation, malheureusement. C'est le genre de choses qu'il faut démystifier, et nous avons besoin de la communauté scientifique pour en faire la démonstration au public. C'est mieux si une tierce partie s'en mêle, parce que ce serait moins crédible de la part de l'industrie, car on doute toujours de son impartialité.

Le Comité des introductions et des transferts (CIT) est présidé par le ministère des Pêches fédéral, mais sa structure actuelle est malheureuse. L'industrie n'a pas la chance de défendre ses arguments pour justifier l'introduction de larves d'une autre région. Il y a toutes sortes de larves que nous pourrions utiliser dans la baie de Fundy, mais nous ne pouvons pas les amener dans la baie de Ste-Anne à cause de l'application des mesures préventives, qui visent à éviter complètement les risques de pathogène.

Il faut remédier à un certain nombre de problèmes, mais je pense que le secteur de l'huître offre des possibilités illimitées.

Nous devons composer avec les risques de maladie qui planent. Des mesures ont déjà été prises au nord-est des États-Unis. Cette région est plus touchée que la nôtre et elle a pourtant réussi à avoir une industrie florissante. La situation est la même; il n'y a pas de raison pour que nous ne puissions pas faire de même. Les possibilités sont grandes.

Sinon, je suis disposé à répondre à vos questions. Je voulais seulement vous exposer les difficultés qui limitent le développement de l'industrie, et c'est ce que j'ai fait.

Le président : Merci, monsieur Stuart.

Sénateur McInnis, vous pouvez poser vos questions.

Le sénateur McInnis : Bienvenue et merci d'être ici.

C'est intéressant ce que vous dites à propos de la génération de l'après-guerre. Il y a 30 ans, on a entrepris d'aménager le plus grand élevage de moules en Amérique du Nord sur la côte est, selon ce qu'on en disait à l'époque, et personne n'a dit un mot. Dans la même région, trois applications ont été retirées depuis pour faire place au poisson d'élevage.

Vous dites que les débouchés sont énormes, mais vous faites face évidemment à certaines difficultés en ce qui a trait aux larves, aux évaluations environnementales, et ainsi de suite. Comment pouvons-nous aider le secteur des mollusques et des crustacés sur le plan de la réglementation? On nous a dit ce matin que votre secteur était régi essentiellement par les mêmes règles que l'industrie du poisson. Quelle serait votre recommandation?

M. Stuart : Il y a différentes choses. La première chose qui doit arriver est un changement complet d'attitude. Voulons-nous oui ou non de l'aquaculture? Il faut décider de la mentalité à adopter au Canada, parce que bien d'autres pays ont déterminé que c'était nécessaire. Il faut absolument privilégier des méthodes durables. Mais c'est d'abord l'attitude qu'il faut changer.

Le secteur des mollusques et des crustacés travaille avec le secteur des pêches, dont l'objectif premier est de protéger une ressource sauvage, et ce n'est pas constructif pour le développement de l'aquaculture. Je pense que c'est une question de sensibilisation et il faut dès le début favoriser la collaboration avec notre industrie, pour que nous puissions poursuivre nos activités. On devrait assurer une meilleure communication avec les organismes de réglementation, qui devraient avoir la mission d'aider autant que de réglementer. Je sais que c'est une position délicate, mais je sais aussi que les éleveurs d'huîtres du golfe du Saint-Laurent en Nouvelle-Écosse ont été affligés par des choses assez ridicules. Certains ont été mis à l'amende pour avoir eu de jeunes huîtres sur leurs concessions. Ce sont des éleveurs, ils vont bien sûr avoir de jeunes huîtres. C'est une idée qui s'applique uniquement aux pêches sauvages. Cela ne devrait même pas faire partie de l'équation quand il est question de poisson d'élevage. Si les éleveurs veulent vendre des huîtres de un pouce pour le grossissement, ils devraient pouvoir le faire. C'est toute une mentalité.

J'estime que le Comité des introductions et des transferts est très important; il est nécessaire. Nous ne voulons pas introduire de maladies. La maladie MSX a déjà fait son apparition au Cap-Breton. Je crois cependant que l'industrie devrait pouvoir présenter des arguments défendables. Si des éleveurs veulent aller chercher des larves au Nouveau- Brunswick, ils devraient avoir la possibilité de faire appel à des scientifiques externes pour défendre leur proposition. L'industrie n'a pas voix au chapitre; on procède à un examen réglementaire et c'est tolérance zéro. Cela ne fonctionne pas. Impossible de développer l'industrie avec une politique de tolérance zéro. Il y a toujours des risques dans toute production alimentaire, qu'on parle des élevages de poulet, de bœuf ou d'huître; il y aura toujours un certain niveau de risque et il y aura toujours des répercussions. Il faut cependant voir si les avantages l'emportent sur les risques. Selon moi, il est nécessaire de procéder à une véritable analyse des risques qui tient compte des avantages, c'est-à-dire les emplois créés; quelles seront les répercussions positives et négatives. Nous devons élaborer un modèle d'analyse des risques en collaboration avec les organismes de réglementation.

Le sénateur McInnis : Avez-vous pris part aux consultations?

M. Stuart : Je siège à la table ronde.

Le sénateur McInnis : Celle qui a cours en ce moment et qui est sur le point de présenter son rapport?

M. Stuart : Oui. Brian Blanchard et moi en faisons partie à titre de représentants de l'industrie.

Le sénateur McInnis : Pouvez-vous nous dire à quoi ressembleront les recommandations?

M. Stuart : Oh, je ne peux pas répondre à cette question, mais je peux vous dire que ce fut une expérience intéressante. Cela a été enrichissant pour moi. Même si cela a occupé beaucoup de mon temps, c'était important pour ma propre entreprise que je puisse faire valoir les intérêts et les préoccupations de l'industrie. Quand on aborde les problèmes de front et en détail, on réalise soudainement que tout n'est pas noir ou blanc. Il y a toujours une zone grise qui est sujette à discussion. Ce fut une expérience satisfaisante.

En fait, à la fin de la rencontre, des membres nous ont dit qu'ils étaient contents que nous, les éleveurs, ayons accepté de participer et d'échanger des idées avec eux, parce qu'ils n'avaient pas eu cette occasion auparavant. Ils en ont conclu que la situation n'était pas aussi problématique qu'ils ne le croyaient. Nous avons réellement réussi à mieux nous comprendre.

C'est ce niveau de communication qui fait défaut. Il faut améliorer les communications et mieux tirer profit des audiences publiques. En ce moment, c'est une arène de gladiateurs. Je l'ai dit d'ailleurs à l'audience; c'est comme entrer dans une arène où tout le monde se lance des choses. Ce n'est pas propice à la discussion ni à la communication. Les échanges doivent se faire à un autre niveau.

Le sénateur McInnis : Alors, selon vous, les recommandations vont être utiles?

M. Stuart : C'est ce que je crois. Les consultations se sont très bien déroulées en tout cas. Nous avons réussi à nous entendre sur plusieurs points, ce que bon nombre de personnes croyaient sans doute impossible. Croyez-le ou non, la plupart des éleveurs de poisson et de crustacés sont fondamentalement des environnementalistes. C'est pour cette raison que je me suis tourné vers ce secteur. J'ai vu cela comme une occasion de faire l'élevage de manière durable afin de créer de l'emploi pour notre collectivité rurale. C'est pour cette raison que j'ai commencé il y a 40 ans, et je suis toujours du même avis. Je crois que les choses vont bien aller. Maintenant, reste à savoir ce que le gouvernement fera des recommandations.

Le sénateur McInnis : Avez-vous eu des discussions avec d'autres provinces?

M. Stuart : Non, les discussions ont réellement porté sur les difficultés qui touchent précisément notre province.

Le sénateur McInnis : Il ne s'agit pas que des difficultés, cependant, il est aussi question de la réglementation.

M. Stuart : De la réglementation, oui, mais nous avons abordé tous les points pertinents. Je sais que les avocats qui participent à l'élaboration du document ont mené de vastes consultations en dehors de la Nouvelle-Écosse. Ils ont consulté d'autres pays et d'autres provinces, c'est certain. Je dois dire que j'ai beaucoup de respect pour ces deux messieurs. Je crois qu'il en résultera un document raisonnable qui sera très utile. Si on nous a demandé de prendre part à la discussion, c'était pour avoir le point de vue de la Nouvelle-Écosse, mais il ne fait aucun doute que les consultations vont au-delà de cela.

Le sénateur McInnis : Je suis persuadé qu'ils ont fait du bon travail; ce sont des avocats, après tout.

Le président : C'est discutable.

Sénateur Mercer.

Le sénateur Mercer : Ce n'est pas discutable, c'est regrettable.

Messieurs, merci beaucoup d'être ici. Monsieur d'Eon, vous avez dit que vous aviez dû payer pour la classification des eaux la dernière fois que vous en avez eu besoin. Combien c'était?

M. d'Eon : Je crois que c'était autour de 5 500 $.

Le sénateur Mercer : Savez-vous si d'autres éleveurs ont aussi eu à débourser ces frais?

M. d'Eon : Non. La zone que je voulais faire classifier m'aurait coûté autour de 11 000 $, mais je n'en avais pas les moyens, alors j'ai demandé qu'on couvre uniquement ma concession.

Le sénateur Mercer : C'est nouveau d'avoir à payer pour un test dont le gouvernement a toujours assumé les coûts.

Monsieur Stuart, est-ce que la maladie qui a touché le lac Bras d'Or est sous contrôle? Est-ce qu'on a réussi à la contenir ou à l'éradiquer? Qu'en est-il actuellement?

M. Stuart : Je dirais qu'il reste 95 p. 100 de la population initiale. Il y a 12 ans, j'ai travaillé avec la Première Nation Eskasoni, qui poursuivait activement le développement de l'industrie de l'huître grâce à des bancs commerciaux. Si j'en parle, c'est parce que j'ai fait ma petite enquête. C'est avant la maladie MSX. Nous avons découvert qu'il y avait énormément d'activités de pêche illégales et qu'une bonne partie des lacs étaient dévastés. Le MPO avait délivré des centaines et des centaines de permis à des gens qui ne connaissaient rien à la pêche.

Quand la mine a fermé, tous les mineurs se cherchaient un emploi et un moyen de faire de l'argent, et quelque 300 personnes se sont lancées dans la pêche. Ce n'est pas dit, mais les bancs avaient déjà été grandement malmenés avant l'arrivée de la maladie MSX, et tout cela en raison d'un mépris total pour les stocks d'espèces sauvages.

Le sénateur Mercer : Alors il faut recommencer?

M. Stuart : On repart à zéro, oui. Actuellement, nous tentons de développer des souches résistantes à l'aide de modèles d'écloserie et de techniques de culture en suspension. C'est ce que nous essayons de faire, mais il se peut que nous explorions d'autres avenues.

La génétique y est pour beaucoup. J'aimerais pouvoir utiliser des souches résistantes à la maladie de Malpèque, parce qu'elle a décimé la population d'huîtres du golfe après la Première Guerre mondiale. Elle ne s'était pas manifestée dans le lac Bras d'Or jusque récemment; elle a refait son apparition il y a cinq ans. Elle est tout aussi dévastatrice que la maladie MSX, mais les souches peuvent y développer une résistance en une génération. Alors nous pourrions utiliser les stocks en provenance du Nouveau-Brunswick ou de l'Île-du-Prince-Édouard, en dehors du golfe, qui sont tout à fait résistants à cette maladie. Nous devons donc pouvoir travailler avec le bon code génétique pour avoir une industrie prospère.

Le sénateur Mercer : Monsieur Stuart, vous avez dit qu'il fallait faire plus de travaux de recherche et que Ressources naturelles Canada et l'IOB ne faisaient pas d'étude sur l'aquaculture?

M. Stuart : Non, je n'ai pas dit cela. En fait, Ressources naturelles Canada a été d'un grand secours, tout comme le Programme d'aide à la recherche industrielle, et j'ai aussi travaillé avec le MPO. Ce que j'aimerais, c'est que la recherche-développement se fasse davantage en collaboration avec l'industrie. Souvent, les choses se font en vase clos. L'industrie connaît bien ses besoins, et si la communauté scientifique était plus au courant de ce qu'ils sont, peut-être que la recherche serait plus axée sur l'aide à l'industrie. C'est ce que je veux dire.

Le sénateur Mercer : Le Canada atlantique a une importante infrastructure intellectuelle, et elle nous sert bien.

M. Stuart : De première catégorie, oui.

Le sénateur Wells : Merci, messieurs, pour vos exposés.

Lors de la dernière séance, nous avons parlé de l'importance d'avoir l'engagement et l'assentiment de la population. C'est entre autres ce qui est ressorti de toutes nos discussions avec les représentants de l'industrie, soit que c'est un élément nécessaire, autant que les permis réglementaires. Si j'en parle aujourd'hui, c'est simplement pour avoir officiellement vos commentaires sur l'aspect visuel des sites, le comportement de vos employés, l'importance de bénéficier d'un engagement populaire — plutôt que de se débattre dans une arène, comme vous l'avez dit, et c'est une image éloquente —, d'avoir une étroite collaboration dès le début, d'aller chercher conseil auprès des pêcheurs locaux au sujet des emplacements, des différends et des choses du genre, puis de leur exposer nos plans et de solliciter leurs recommandations. Dans votre secteur, est-ce que l'engagement va aussi loin? Je pense que la liste est assez complète.

M. d'Eon : Oui, c'est ce que fait notre entreprise. Nous sommes membres de Taste of Nova Scotia, qui organise toutes sortes d'activités auxquelles nous pouvons présenter nos huîtres. Nous allons aussi au marché agricole les samedis, et l'an dernier, nous avons reçu un prix du Choix du consommateur pour la Nouvelle-Écosse. C'est un peu à cela que se résume notre engagement avec le public. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Wells : Je suis persuadé que le produit est excellent, mais je pense plutôt à l'assentiment de la population, qui est nécessaire pour qu'une entreprise puisse prendre de l'expansion en évitant relativement tout conflit avec les personnes qui pourraient s'opposer à sa présence dans la région ou qui ont des récriminations à son égard.

M. d'Eon : J'imagine que nous avons été extrêmement chanceux, parce que nous n'avons jamais eu à composer avec des gens qui s'opposaient à notre élevage. Nous avons commencé en 1999. Quelqu'un est venu se construire une maison aux abords de notre élevage 10 ans plus tard et il voulait que nous déménagions, mais nous ne l'avons pas fait. C'est la seule fois où nous avons eu des problèmes. Sinon, les gens nous soutiennent.

Le sénateur Wells : Je vais poser la même question à M. Stuart.

M. Stuart : Dans ma région, trois des ostréiculteurs pêchent eux-mêmes le homard, alors ils font partie de la communauté traditionnelle de l'endroit. C'est probablement mieux accepté. Cela a certainement été plus facile de démarrer l'entreprise.

Nous faisons l'élevage depuis plusieurs années maintenant, et nous avons pu démontrer que les répercussions sont moins négatives qu'on le pensait. J'avais entendu dire que cela allait faire diminuer la valeur des propriétés, ce qui n'a pas été le cas. La valeur des propriétés ne diminue pas, qu'il y ait ou non une industrie de l'aquaculture dans la région.

Ce sont tous des problèmes, et nous n'allons pas pouvoir changer l'opinion des gens. Je disais tout à l'heure que ce serait probablement aussi compliqué de démarrer une entreprise de pêche au homard à partir de rien aujourd'hui, avec toutes les bouées que cela implique devant chez vous. Ce serait mal vu, tout comme les bateaux qui nous réveillent à 4 heures du matin. Il faut du temps pour que tout cela soit accepté comme une réalité du travail. Inciter des jeunes gens à rester dans la région est un accomplissement en soi. Où j'habite, la moyenne d'âge est d'à peu près 60 ans. Je fais partie des plus jeunes. C'est frustrant, parce que la région offre réellement des possibilités aux jeunes.

J'ai parlé de la table ronde. Environ 95 p. 100 des membres ont les cheveux gris comme moi. Je leur ai dit « Regardez autour de la table combien il y a de têtes grises. Nous sommes probablement très égoïstes; nous ne pensons pas aux jeunes ». Parce que c'est à eux que s'adressent les possibilités. Ce n'est pas nous, les vieux de la vieille, qui allons en profiter. Nous voulons faire en sorte que les jeunes aient envie de rester dans nos collectivités et d'y exploiter des entreprises à long terme. C'est le message que nous devons passer, parce que c'est là que se trouve la clé du succès.

Le sénateur Munson : Merci d'être ici. En 1965, j'ai travaillé pour CJLS, à Yarmouth, et je gagnais 36 $ par semaine. Bien sûr, mon collègue était un d'Eon, parce qu'il y en a des milliers. Quoi qu'il en soit, je crois que l'idée d'attirer des touristes est originale.

J'ai lu l'histoire, et j'espère que le gouvernement de la Nouvelle-Écosse investira plus d'argent dans ce genre de tourisme parce que je crois qu'il s'agit d'un concept intéressant. Cependant, certains nous ont parlé des avantages qu'il y aurait à faire en sorte que la pisciculture relève du ministère de l'Agriculture. Monsieur Stuart ou monsieur d'Eon, peut-être que vous pourriez nous faire part de votre point de vue à ce sujet parce qu'un des avantages à faire cela, c'est que cela permettrait de diversifier les cultures. Cela semble être une approche intéressante.

Je sais que tout le monde réclame une loi sur l'aquaculture, que tout soit rationalisé et qu'on évite les dédoublements, entre autres. Y aurait-il des avantages à aller dans ce sens et seriez-vous en faveur de faire cela?

M. Stuart : Vous pourrez aussi donner votre opinion là-dessus. Il y a 25 ans, je me souviens qu'un groupe d'éleveurs sont venus faire un tour à la ferme de truites que je gérais, et il était incroyable de voir qu'ils avaient plus en commun avec moi que les pêcheurs, dans le sens qu'ils comprenaient les coûts, l'assurance et aussi les techniques de récolte et de transformation. C'est un produit différent, mais ils suivent exactement le même processus que nous. Nous sommes des éleveurs.

Les programmes du ministère sont très bons, et j'aimerais bien que nous ayons accès à certains d'entre eux. Le gros problème, c'est qu'on manque d'argent partout au Canada; les agriculteurs auraient un peu peur qu'un nouveau joueur vienne réclamer une partie de leur argent. Voilà un problème auquel nous sommes confrontés. Toutefois, en ce qui concerne le travail que nous faisons et les préoccupations que nous avons en tant qu'éleveurs, nous avons beaucoup plus en commun avec un agriculteur qu'avec une personne qui fait de la pêche sauvage.

M. d'Eon : Je suis d'accord avec Robin. Voilà pourquoi mon exploitation est appelée Eel Lake Oyster Farm. Je suis un éleveur, un aquaculturiste, donc nous devrions avoir les mêmes règlements que les agriculteurs.

Le président : Monsieur le sénateur Munson, à titre d'information, quand vous occupiez votre premier emploi, à CJOS, je n'avais pas encore un an.

La sénatrice Poirier : Merci d'être ici. J'aimerais poser une question sur le volet touristique que vous envisagez. Je vous en félicite, je crois qu'il s'agit d'une excellente idée. Bien souvent, quand nous changeons nos habitudes ou notre façon de penser, c'est parce qu'un de nos proches nous a dit quelque chose. Je me souviens que, quand l'idée est née de séparer les déchets mouillés des déchets secs pour les recycler, ce sont nos enfants qui l'ont imposée dans nos foyers, parce qu'ils en avaient entendu parler à l'école. Ils nous poussaient et nous forçaient à adopter cette façon de faire.

En ce qui concerne le tourisme, nous savons déjà que beaucoup d'enseignants et d'élèves dans leurs classes font des excursions pédagogiques de toutes sortes. Ils visitent des exploitations agricoles, des assemblées législatives et même parfois des entreprises. Je me demandais si vous aviez déjà pensé à inviter les élèves d'une classe. Si vous pouviez bénéficier d'un financement pour vous aider, cela pourrait, en fait, créer des emplois dans un tout autre secteur et cela servirait aussi à introduire le commerce de l'aquaculture à la nouvelle génération. Vous pourriez montrer aux jeunes élèves de quoi il s'agit, et de cette manière peut-être que cela contribuerait à régler certains des problèmes sociaux auxquels l'aquaculture semble être confrontée. Savez-vous si cela se fait déjà dans certains endroits?

M. d'Eon : Je ne sais pas si cela se fait. Pour ma part, je vais parfois dans les écoles pour parler de l'aquaculture aux élèves de la 11e année. Des élèves sont venus visiter la ferme, et ce, même avant que nous ayons commencé à faire des visites organisées. Nous avons invité les élèves à venir pour leur montrer comment nous faisons l'aquaculture.

Brenda LeGrande est l'agente de mobilisation communautaire de la municipalité d'Argyle. Elle est une vraie fonceuse, et je suis certain que si je lui parlais de l'idée d'inviter les écoles, tout serait mis en place avant longtemps.

M. Stuart : Quelqu'un a posé une question au sujet de l'approbation de la population et de l'Association de l'industrie de l'aquaculture, dont je suis un membre du conseil d'administration et un membre fondateur. Nous sommes en train de mettre au point un code de pratiques qui contribuera probablement beaucoup à donner un aperçu de tous les processus que nous devons suivre en tant qu'éleveurs, et il donnera beaucoup de détails. Le code fera l'objet d'une vérification par une tierce partie. Nous sommes en train de l'élaborer en ce moment, et je crois que c'est une bonne façon de montrer que nous sommes responsables sur le plan de l'environnement et que nous prévoyons être dans les collectivités à long terme. Je tenais simplement à souligner cela.

La sénatrice Poirier : Il y a plusieurs années, beaucoup des programmes de métiers industriels ont été supprimés dans les écoles secondaires. Maintenant, en raison des baby-boomers, nous voyons que, petit à petit, beaucoup des écoles et des collèges communautaires de la région recommencent à donner des formations de ce genre et à intéresser les jeunes à ces métiers.

Je sais qu'au Nouveau-Brunswick, nous avons formé des partenariats avec des entreprises privées qui, pendant un certain nombre d'heures chaque semaine, accueillent des élèves pour qu'ils puissent travailler à côté de leurs employés et les intéresser aux métiers industriels dont nous avons besoin. Dans l'industrie de l'aquaculture, serait-il possible de jumeler les élèves avec les entreprises afin de susciter un intérêt de leur part et pour que les jeunes veuillent rester dans leurs collectivités pour travailler et créer leurs propres entreprises?

M. d'Eon : Il est très probable que cela pourrait se faire. Je connais une école, l'école francophone de Par-en-Bas. Les parents disaient « Restez à l'école », mais les élèves voulaient aller faire de la pêche après qu'ils obtiendraient leur diplôme. Certains de ces jeunes ont accompli leur programme de travail avec nous avant d'aller faire de la pêche. Je ne pense pas qu'ils avaient le droit de faire de la pêche à ce moment-là. Nous leur avons montré comment faire de l'aquaculture, au cas où ils ne voulaient pas faire de la pêche.

Certains élèves sont venus travailler dans notre ferme pendant six semaines. Nous avons également accueilli une fille de la Norvège qui est venue accomplir son programme de travail dans notre ferme. Elle a passé huit semaines dans notre ferme. Elle suivait des cours dans une école située dans les environs de Yarmouth, après quoi elle retournerait en Norvège. Elle a suivi beaucoup de programmes. Elle a calculé combien d'eau était dans notre lac, quelle quantité de nourriture les huîtres consommaient et quelle portion du lac les huîtres nettoyaient chaque jour. Par exemple, il fallait environ trois jours pour que les huîtres nettoient tout le lac. Elle a fait du travail très intéressant. Il serait probablement possible de créer un programme de ce genre.

La sénatrice Raine : Monsieur Stuart, vous avez parlé d'un groupe ou d'un comité. Je ne suis pas tout à fait certaine de quel groupe vous êtes membre. Pourriez-vous simplement m'expliquer un peu de quoi il s'agit?

M. Stuart : Je siège à la table ronde.

La sénatrice Raine : Qu'est-ce que c'est?

M. Stuart : La table ronde est un groupe de représentants qui proviennent d'un bout à l'autre de la Nouvelle-Écosse, de groupes communautaires et environnementaux, de la Fédération du saumon Atlantique et aussi d'un certain nombre d'organismes ou de personnes qui ont certaines préoccupations concernant l'industrie. Trois d'entre nous qui y siégeons sommes en fait des représentants de l'industrie. Nous fournissons des renseignements aux avocats qui seront chargés d'élaborer la nouvelle politique de réglementation de la Nouvelle-Écosse. Cet hiver, nous avons organisé plusieurs séances d'information de deux jours avec eux. Il s'agit d'un très long processus, et nous avons abordé toutes sortes de choses comme les problèmes de la pisciculture en vase clos comparativement à celle en cages en filet et tous les problèmes qui sont soulevés — l'impact sur les homards, les antibiotiques les problèmes pour les crustacés —, généralement sur Internet. Nous avons parlé de toutes ces questions et aussi de la manière dont un environnement réglementaire pourrait être structuré pour tenir compte de certaines de leurs préoccupations, notamment. La session a donc été intéressante.

La sénatrice Raine : Est-ce qu'on l'appelle la table ronde sur l'aquaculture?

M. Stewart : J'imagine que ce serait la Nova Scotia Aquaculture Regulatory Review Round Table.

La sénatrice Raine : Pourrions-nous obtenir tous ces renseignements au fur et à mesure que notre étude progresse?

M. Stewart : Une autre chose que j'aimerais dire au sujet de la question de l'approbation de la population, c'est que l'Association de l'industrie de l'aquaculture a déjà tenu deux réunions sur le fait que la province essaie de régler toute cette question d'approbation et de consultation de la population. En tant qu'association d'un certain nombre de fermes de petite et de moyenne taille, nous tenons vraiment à maintenir et à attirer l'approbation de la population.

Le président : Chers témoins, je vous remercie beaucoup d'avoir pris le temps de venir aujourd'hui pour nous donner votre point de vue sur l'aquaculture. Comme c'est toujours le cas, c'est agréable et aussi intéressant d'entendre l'opinion de gens qui travaillent dans ce domaine.

J'invite le prochain groupe de témoins à s'avancer. Nous sommes contents que vous ayez pris le temps de venir nous parler ici à Halifax. Je vous demanderais de bien vouloir commencer par vous présenter, et de dire qui vous représentez, après quoi nous entendrons les exposés.

Sarah Stewart-Clark, professeure adjointe, aquaculture des fruits de mer, Faculté d'agriculture, Université Dalhousie : Je m'appelle Sarah Stewart-Clark, biologiste spécialiste des crustacés à l'Université Dalhousie et chercheuse principale du Aquaculture Genomics Lab, aussi à l'Université Dalhousie.

James Duston, professeur, Aquaculture, Département de phytologie et de zoologie, Université Dalhousie, à titre personnel : Je m'appelle James Duston. Je suis un biologiste halieutique et j'ai 30 ans d'expérience dans le domaine de la recherche. Je travaille à une installation d'aquaculture à Truro.

Jon Grant, chaire de recherche industrielle, CRSNG-Cooke en aquaculture durable, Département d'océanographie, Université Dalhousie, à titre personnel : Bonjour, je m'appelle Jon Grant. J'occupe le poste de chaire de recherche industrielle du CRSNG-Cooke en aquaculture durable à l'Université Dalhousie, où j'enseigne également l'océanographie. Je travaille dans le domaine de l'aquaculture et de l'écologie côtière depuis une trentaine d'années.

Steve Armstrong, président et chef des opérations, Génome Atlantique : Steve Armstrong, président et chef des opérations de Génome Atlantique, qui est basé ici à Halifax. Nous aidons à créer et à gérer des projets de découverte de gènes de grande envergure — notamment en contribuant à leur financement —, dont beaucoup sont menés dans le domaine de l'aquaculture. Je vous en parlerai pendant mon exposé.

Le président : Nous sommes vraiment impatients d'entendre toutes ces personnes d'expérience à l'autre bout de la table.

Mme Stewart-Clark : Mes recherches portent sur les espèces envahissantes qui ont un impact considérable sur notre industrie des crustacés et nos écosystèmes aquatiques. Je mène des recherches génomiques sur les crustacés, tant sur les populations sauvages que sur les populations d'élevage. Mes recherches ciblent le développement d'outils génomiques pour surveiller les espèces envahissantes dans notre région. Ces outils permettent de faire la détection précoce des espèces envahissantes quand elles entrent dans nos eaux.

À l'heure actuelle, une multitude d'espèces envahissantes nuisent à l'aquaculture des crustacés. Il est extrêmement important de savoir où se trouvent ces espèces dans les écosystèmes aquatiques de notre région parce que les décisions en matière de transfert sont parfois fondées sur la présence ou l'absence de tuniciers invasifs dans les baies ou les eaux où les crustacés sont élevés. Le MPO effectue donc des épreuves biologiques au Québec, au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse et à l'Île-du-Prince-Édouard pour donner aux gestionnaires des écosystèmes le plus de renseignements possible au sujet de la présence et de la propagation des espèces aquatiques envahissantes dans notre région.

La détection précoce est d'une importance critique parce qu'elle donne aux gestionnaires des écosystèmes un maximum de temps pour mettre en œuvre des stratégies d'atténuation visant à réduire les risques de propagation de ces espèces dans l'ensemble du Canada atlantique. J'aimerais que les espèces aquatiques envahissantes soient mieux surveillées dans notre région pour que nous puissions en faire la détection plus rapidement. De plus, quand nous détectons des populations d'espèces envahissantes, je recommanderais d'adopter une approche de lutte antiparasitaire intégrée pour éviter qu'elles ne deviennent résistantes aux méthodes que nous utilisons pour lutter contre elles.

Le deuxième domaine dans lequel je fais des recherches, c'est celui de la biologie et de la génomique des crustacés. Je surveille l'ensemble des niveaux de transcriptome pour voir comment tous les gènes d'un crustacé réagissent à des événements précis et quelles sont les répercussions des changements climatiques, des perturbations de l'habitat et des pratiques de gestion sur les niveaux de stress et la santé de nos crustacés dans notre région. Je mène aussi des recherches à la demande de l'industrie pour augmenter la production dans nos fermes, faire des recherches sur des questions liées aux parasites et aux espèces envahissantes et déterminer quels liens existent entre les espèces ciblées et les espèces non ciblées. Mon objectif, c'est d'utiliser la génomique pour établir des marqueurs diagnostiques de la santé, du stress et de la maladie chez les espèces de crustacés.

Lorsque je pense aux façons de favoriser l'aquaculture en Nouvelle-Écosse, il m'apparaît évident que l'industrie doit être fondée sur la science et faire l'objet d'un partenariat entre les gestionnaires de l'industrie et des écosystèmes. Il coûte moins cher d'investir dans la recherche scientifique en amont du développement de l'industrie que de laisser les problèmes s'installer pour ensuite faire appel à la science afin de trouver une façon d'en atténuer les conséquences. Il nous faut plus de données scientifiques pour répondre aux questions auxquelles l'industrie est confrontée aujourd'hui. Nous devons également faire appel à la science relativement aux modifications touchant l'ensemble de l'écosystème, aux difficultés et aux défis qui se posent à toute l'industrie, comme les changements climatiques, les espèces envahissantes et les maladies; aucune entreprise ne peut s'attaquer seule à ces enjeux.

La Nouvelle-Écosse est bien placée pour fonder le développement de son industrie aquacole sur la science puisqu'on y trouve la seule université du Canada atlantique offrant un programme de baccalauréat et de maîtrise ès sciences en aquaculture. À l'Université Dalhousie, l'aquaculture fait partie du programme de recherche de plus de 40 chercheurs d'un large éventail de départements interdisciplinaires, comme l'aquaculture, la biologie marine, l'océanographie, les affaires maritimes et les facultés de droit, de médecine, de génie et de commerce, ce qui permet de réaliser des analyses bioéconomiques de l'industrie. Nous avons hâte de travailler avec nos partenaires afin de mener des recherches scientifiques objectives sur les défis que l'industrie d'aujourd'hui doit relever.

Beaucoup de pseudoscience et de renseignements erronés circulent à propos de l'industrie aquacole. Or, je crois que les chercheurs universitaires, qui bénéficient d'une liberté académique et qui sont objectivement en quête de la vérité scientifique dans le cadre de nos expérimentations, sont les mieux placés pour étudier certaines de ces questions litigieuses.

Je suis optimiste au sujet de l'aquaculture puisque j'ai visité moi-même les fermes conchylicoles d'un bout à l'autre des Maritimes. J'ai constaté les retombées économiques positives qu'elles génèrent au sein des localités rurales côtières. Il s'agit en grande partie de fermes familiales, comme d'Eons, à Argyle, et Purdys, à Malagash. Ces établissements sont des employeurs stables dans leur milieu et sont de grands gardiens des écosystèmes qui leur ont été confiés en location.

J'ai toutefois quelques préoccupations relatives au développement de l'aquaculture en Nouvelle-Écosse. Je m'inquiète de la baisse de production de mollusques qu'a connue la province ces 10 dernières années, alors que la production d'autres provinces de l'Atlantique a été stable ou à la hausse. Cette réduction en Nouvelle-Écosse est principalement attribuable au degré élevé de salissures marines que les espèces envahissantes causent aux fermes. Ces espèces ont touché les fermes d'autres provinces, mais les établissements conchylicoles de la Nouvelle-Écosse sont généralement plus petits et moins bien équipés pour s'attaquer aux salissures intenses accompagnant l'envahissement d'une espèce. La Nouvelle-Écosse a aussi eu des difficultés avec la maladie MSX. Or, je suis d'avis que la science permettrait de résister tant aux espèces envahissantes qu'à la maladie MSX qui menacent la conchyliculture en Nouvelle-Écosse. Nous avons simplement besoin de fonds de recherche afin d'aider les industries à réaliser les développements scientifiques nécessaires pour surmonter ces défis convenablement.

Je m'inquiète aussi de la perte des fonds de recherche destinés à nos écosystèmes aquatiques en général. Le programme de financement pour la recherche sur les espèces envahissantes dont bénéficiait Environnement Canada a justement été coupé. Les programmes de recherche des toxicologues du milieu aquatique de partout au pays ont été abolis, diminuant de ce fait la capacité d'appuyer l'industrie des mollusques à l'aide de données scientifiques essentielles. Je tiens en haute estime mes collaborations avec les scientifiques de Pêches et Océans, et j'ai constaté leurs possibilités restreintes de se déplacer, d'assister à des rencontres et des conférences, et de financer leurs propres recherches. Voilà qui a diminué terriblement la capacité de comprendre nos écosystèmes aquatiques sur le plan scientifique. J'en suis inquiète, car je crois que la science doit orienter la croissance de l'aquaculture afin que son développement soit positif.

J'aimerais faire écho aux remarques de tout à l'heure quant au besoin que l'industrie repose sur un stock reproducteur d'élevage sélectif. Or, l'industrie des mollusques en Nouvelle-Écosse s'appuie encore sur le captage de naissain sauvage. Cette technique fonctionnait lorsque tout allait bien, mais comme nous l'avons constaté sur la côte Ouest, l'océan change, et nous devons nous y préparer. Nous avons des problèmes de maladies et de production, qui pourraient être surmontés en sélectionnant des souches de mollusques fortes et résistantes sur le plan physiologique, et tolérantes aux maladies, des souches qui pourraient devenir une source de naissain stable pour nos éleveurs. Tous les secteurs agricoles ont investi dans le développement de stock reproducteur afin de rendre leur production plus efficace, et c'est une réussite. Le secteur conchylicole doit leur emboîter le pas afin de gagner en efficacité, puisque les salissures marines occasionnent des pertes pouvant atteindre 30 à 40 p. 100 sur certaines fermes. Je doute qu'il y ait un seul producteur de pommes de terre au pays dont 30 à 40 p. 100 des graines semées ne germent pas en produit vendable. Nous devons prendre ce virage aussi dans le développement des stocks reproducteurs de l'industrie conchylicole.

J'aimerais terminer en disant que si l'on s'attarde aux chiffres nationaux, la production conchylicole de la côte de l'Atlantique semble être une industrie mineure. Or, je ne dirai jamais assez à quel point elle est importante pour la région de l'Atlantique. La stabilité économique de certaines localités et provinces entières dépend de sa réussite. Voilà pourquoi il est d'une importance vitale d'appuyer la recherche scientifique sur la production conchylicole du Canada atlantique. Des organismes de financement nationaux me disent sans cesse que cette industrie n'en vaut pas la chandelle d'après les statistiques globales de l'aquaculture au pays, puisqu'elle semble dérisoire comparativement à la production de saumon. La conchyliculture est essentielle pour les régions côtières du Canada atlantique, et j'aimerais que les producteurs de mollusques éprouvant de grandes difficultés dans les écosystèmes où ils font l'élevage de coquillages reçoivent plus de financement. Merci.

J'aimerais simplement ajouter une chose, puisque je vous vois feuilleter les présentations. L'exposé que je vous ai présenté aujourd'hui est celui que nous devions faire hier soir au campus aquacole.

Le président : Nous regrettons de ne pas avoir pu arriver à temps hier. C'était attribuable au brouillard et au retard de notre avion de Terre-Neuve, mais nous sommes ravis que vous ayez pu vous joindre à nous aujourd'hui.

M. Duston : Merci beaucoup. J'aimerais parler de l'élevage du saumon de l'Atlantique. Lorsque je suis arrivé au Canada à la fin des années 1980, j'ai connu une industrie en pleine expansion. J'ai été embauché comme chercheur chez Connors Brothers Limited, à Blacks Harbour. Je me spécialise dans l'emploi de régimes d'éclairage pour modifier la vitesse de croissance des poissons, une technique très concrète. Voilà donc le secteur en croissance spectaculaire que j'ai connu.

En 1995, je suis arrivé au Collège d'agriculture de Truro dans le cadre d'une initiative provinciale visant à stimuler l'industrie aquacole. La province avait à l'époque commencé à investir dans l'industrie et dans l'éducation pour essayer de rattraper le Nouveau-Brunswick, ce qui n'est jamais vraiment arrivé. Aujourd'hui, le gouvernement de la Nouvelle- Écosse est encore une fois fermement résolu à augmenter la production aquacole, alors c'est reparti : l'industrie reçoit de l'aide à nouveau.

L'élevage du saumon de l'Atlantique pourrait se développer considérablement sur les côtes de la Nouvelle-Écosse, mais la production a pourtant été limitée par des circonstances très particulières à la région. Il y a de nombreux problèmes, et j'aimerais aborder l'un d'entre eux.

Ce qui compte le plus, selon moi, c'est la précarité des stocks de saumon sauvage du bas plateau. Il s'agit du secteur qui s'étend entre Annapolis et le détroit de Canso, et dont 73 bassins hydrographiques accueillaient autrefois des saumons de l'Atlantique. Aujourd'hui, certaines de ces rivières sont mortes, et d'autres comptent très peu de saumons sauvages. C'est franchement inquiétant.

Les stocks sont en déclin depuis des dizaines d'années; j'ignore depuis quand exactement, mais on parle probablement de 100 ans ou plus. Les pluies acides ont largement contribué à la mort de certaines rivières. Dans d'autres cas, la raison du déclin n'est pas aussi claire. Le problème se trouve peut-être en mer plutôt qu'en eau douce. Ce que je tiens à souligner, c'est que l'aquaculture n'a joué aucun rôle dans le déclin des stocks de saumon de l'Atlantique en Nouvelle-Écosse.

En revanche, les évasions actuelles des fermes salmonicoles représentent bel et bien un risque pour le saumon sauvage. Ainsi, le saumon d'élevage pourrait se reproduire avec le saumon sauvage, apportant des modifications génétiques aux derniers poissons sauvages, ce qui pourrait entraîner une perte de capacités physiques et accélérer l'extinction de l'espèce. Le sujet est très controversé et délicat. C'est ce qu'on appelle l'introgression génétique. D'ailleurs, le risque d'introgression a beaucoup de poids lors de l'évaluation des demandes de location pour l'élevage de poissons en parc. C'est un facteur déterminant. Pourtant, les connaissances sont très superficielles et limitées quant à l'interaction dans nos eaux entre les poissons d'élevage qui se sont échappés et les saumons sauvages.

Voilà ce qui a motivé certaines décisions dernièrement. Par exemple, le risque d'introgression génétique atteint son paroxysme près des estuaires où il ne resterait que quelques saumons sauvages, comme le long de la côte Est. Une demande de location a d'ailleurs été refusée, et la précarité des stocks de saumon aurait été un facteur déterminant du processus décisionnel. Au contraire, les parcs de salmoniculture peuvent être encouragés dans les secteurs où les rivières à saumon sont présumées mortes en raison des pluies acides, puisque le risque d'introgression est faible. Je ne suis pas au courant de tous les tenants et les aboutissants, mais je pense que cela peut expliquer en partie pourquoi Cooke Aquaculture a augmenté ses activités dans la baie de Jordan, près du port de Shelburne, étant donné que les pluies acides ont tué la majorité des rivières avoisinantes; leur pH doit être de 4. Voilà donc ce qui se passe.

Ce qui semble essentiel, c'est d'obtenir une évaluation précise de la santé des rivières à saumon en Nouvelle-Écosse. Lorsque nous essayons d'évaluer le risque découlant de l'interaction entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage, tout entre en ligne de compte. Il faut donc connaître l'état des stocks de saumon sauvage.

C'est Pêches et Océans qui est responsable de la gestion du saumon sauvage de l'Atlantique, mais ses ressources sont tellement limitées ces jours-ci qu'une seule rivière le long du bas plateau est surveillée, soit la rivière LaHave. Il y a un manque flagrant de connaissances sur le véritable contenu de ces rivières et sur l'état des stocks de saumon. Or, il s'agit là d'un facteur déterminant de la prise de décision lors de la négociation des baux.

Je crois que le manque de savoir a contribué aux médisances entre ceux qui sont en faveur de l'aquaculture et ceux qui s'y opposent, créant du fait un climat d'incertitude qui nuit assurément au développement de l'aquaculture. C'est un véritable champ de bataille. Je crois que cette ambiance toxique doit être résolue, ce qui ne sera possible que si le gouvernement exerce un leadership ferme.

Comment peut-on donc dénouer l'impasse? Puisque Pêches et Océans n'a pas les ressources nécessaires pour gérer les stocks, la responsabilité doit officiellement être confiée aux universités, avec un financement suffisant, bien sûr. Celles-ci pourraient par exemple collaborer avec les Premières Nations, comme le Mi'Kmaw Conservation Group, avec des organisations non gouvernementales en environnement et, surtout, avec l'industrie. Tout le monde doit travailler de concert pour déterminer l'interaction entre le saumon sauvage et le saumon d'élevage. Pêches et Océans continuerait de jouer un rôle essentiel de réglementation.

Cette coalition entre les universités et les autres intervenants serait responsable d'évaluer la santé des rivières à saumon et les interactions des évasions de fermes salmonicoles. Nous en sommes capables. Notre réseau universitaire compte certains des meilleurs biologistes du saumon au monde; mettons-les à contribution. Le savoir acquis permettra de développer une industrie salmonicole durable en Nouvelle-Écosse.

Pour terminer, des cours d'eau sains sont l'indicateur principal d'une société saine. Ainsi, la plupart des Néo- Écossais souhaitent maintenir et reconstituer les stocks de saumon sauvage; cela semble aller de soi. Or, nous voulons aussi favoriser la création d'emplois et la prospérité dans les localités rurales côtières. Pouvons-nous trouver un équilibre? Je pense qu'il faut faire preuve d'audace et permettre à l'élevage du saumon de l'Atlantique de grandir main dans la main avec une nouvelle initiative de gestion du saumon sauvage qui serait dirigée par les universités plutôt que par Pêches et Océans. Voilà qui termine mon exposé.

Merci.

Le président : Monsieur Grant.

M. Grant : Comme je l'ai dit tout à l'heure, je m'appelle Jon Grant, et j'occupe la chaire de recherche industrielle CRSNG-Cooke en aquaculture durable. Vous savez sans doute que Cooke Aquaculture est la plus importante société d'intérêts canadiens spécialisée en salmoniculture de l'Amérique du Nord, et qu'elle possède aussi des installations dans un certain nombre de pays. Le Programme de professeurs-chercheurs industriels a été créé en 1983 par le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie du Canada, ou CRSNG, dans le seul but de fonder une association de recherche entre l'industrie et le milieu universitaire afin de régler des problèmes industriels et de former des gens dans ce secteur de l'industrie.

Quelque 300 chaires de recherche industrielle ont été attribuées depuis la création du programme. Il s'agit donc d'une tradition de longue date et d'un mécanisme fort important permettant au CRSNG d'appuyer la recherche industrielle ou appliquée. Le processus est extrêmement rigoureux. Il faut jusqu'à un an de propositions et de préparation. Bien sûr, vous n'êtes pas sans savoir que le CRSNG applique les normes scientifiques les plus rigoureuses au Canada, et qu'il ne donne pas d'argent sans réaliser un examen très minutieux. Tout programme passe donc par un long processus avant d'enfin obtenir une chaire de recherche industrielle.

Et puisque mon nouveau rôle me libère de mes fonctions, et libère l'université de ses obligations financières, celle-ci doit embaucher un deuxième professeur dans mon domaine, qui travaillera avec moi. L'objectif est d'acquérir des capacités et d'atteindre une masse critique dans le secteur visé, qui est l'aquaculture dans ce cas-ci.

Pour reprendre certaines remarques de mes collègues, Dalhousie devient par le fait même un intervenant bien plus important dans le secteur de l'aquaculture, et l'établissement est reconnu à juste titre comme l'université océanographique par excellence au Canada. Notre département d'océanographie compte parmi les plus remarquables au monde. La fusion entre Dalhousie et l'ancien collège aquacole de la Nouvelle-Écosse fait en sorte que les programmes en aquaculture sont désormais intégrés aux autres programmes scientifiques. Justement, nous avons tous les trois rencontré mardi dernier d'autres chercheurs à Truro pour discuter des façons de mettre en place un programme sur l'aquaculture beaucoup plus ambitieux.

J'aimerais également insister sur le fait que la région a toujours été au cœur de la recherche sur le milieu de l'aquaculture, surtout grâce à Pêches et Océans. Au Canada, et probablement plus encore dans le Canada atlantique, il nous arrive souvent d'avoir l'impression que nous avons besoin d'une expertise donnée, que les connaissances sont ailleurs, et que nous accusons un retard en quelque sorte. Dans ce cas-ci, nous avons porté à l'attention du monde le secteur des interactions environnementales de l'aquaculture par l'entremise de certains de mes mentors, qui sont aujourd'hui à la retraite. Je parle plus particulièrement de l'Institut océanographique de Bedford et de la Station biologique de St. Andrews, où il y a encore beaucoup d'expertise en aquaculture. L'Institut de Bedford a toutefois abandonné le secteur au fil des départs à la retraite.

Mais nous ne rattrapons pas notre retard. En fait, nous avons conçu des domaines de recherche et des méthodes qui ont beaucoup contribué au régime réglementaire, mais l'expertise a ensuite été reprise ailleurs, comme en Norvège et au Chili.

J'aimerais aussi mentionner le Collège vétérinaire de l'Atlantique, qui compte des collègues très importants à nos yeux en raison de leur spécialisation très poussée dans la santé du poisson. Il y a donc de nombreux points positifs à la recherche sur l'aquaculture dans le Canada atlantique dont nous devons être fiers.

Le terme que je tiens à souligner aujourd'hui en matière d'aquaculture, c'est « écoservice ». Mes recherches en collaboration avec Cooke ont pour objectif d'examiner les interactions de l'aquaculture à l'échelle écosystémique. Où l'aquaculture s'inscrit-elle dans les écosystèmes côtiers? Comment peut-on la gérer au sein de ces écosystèmes? Je dois préciser que peu d'entreprises en aquaculture peuvent envisager cette vue d'ensemble. En fait, en raison de ses ressources, de sa taille et de son besoin d'adopter une véritable approche régionale, Cooke a contribué à la vision faisant partie du programme de professeurs-chercheurs industriels.

Si je parle des écoservices, c'est parce que ce concept est au cœur de la notion de « durabilité ». Vous avez peut-être entendu ce mot un certain nombre de fois dans le cadre de vos délibérations. Dès que vous l'entendrez, je vous invite à demander au témoin ce qu'il veut vraiment dire. Le terme est utilisé à toutes les sauces avec désinvolture, mais il n'a rien d'anodin. En fait, la durabilité est déterminée en fonction des écoservices, qui sont ce que les humains tirent de l'écosystème. Dans notre cas, il s'agit des produits de la mer. On parle de la protection des rives, de loisirs et d'une foule de services qui nous proviennent des écosystèmes. Ainsi, un écosystème durable pourra continuer à nous fournir ces services malgré l'activité que nous entreprenons. Il est donc primordial qu'aucune activité, que ce soit l'extraction de ressources, l'aquaculture, la pêche ou tout ce que nous faisons, n'empêche l'écosystème de continuer à offrir ces services. Voilà pourquoi la pêche ressemble beaucoup à l'aquaculture, puisque l'océan nous fournit les poissons que nous attrapons dans ce cas. Nous savons tous très bien que si nous dépassons la capacité de production, les stocks s'effondreront et ne pourront plus nous rendre cet écoservice. Dans le cas de l'aquaculture, l'océan fournit les conditions de croissance, comme l'oxygène, la température et la salubrité de l'eau, qui sont tous des facteurs nécessaires à la croissance du poisson.

Or, nous ne pouvons pas faire l'élevage d'une quantité de poissons qui empêcherait à l'écosystème de réunir ces conditions. Si j'insiste autant, c'est pour dire très clairement qu'utiliser l'océan pour élever le poisson constitue un usage acceptable des écoservices si on le fait de façon durable. La « durabilité » signifie de ne pas causer de tort au système.

Mes recherches sont axées sur les mesures à grande échelle et la modélisation informatique du fonctionnement des écosystèmes marins visant à concevoir des modèles prévisionnels. Qu'arrivera-t-il si nous installons une salmoniculture ici? Qu'adviendra-t-il de la disponibilité des nutriments? Qu'arrivera-t-il si nous avons trop de parcs? Quel en serait l'effet sur la teneur en oxygène de l'estuaire? Voilà autant de questions tout à fait surmontables d'un point de vue océanographique.

Or, la dispersion des déchets n'est pas la seule source d'inquiétudes en aquaculture; il y a aussi la propagation de maladies, un sujet des plus importants. La meilleure façon de traiter la maladie, c'est de l'éviter au départ. J'ai entendu un parallèle intéressant entre l'aquaculture et l'agriculture. Je ne gaspillerai pas votre temps sur le sujet, mais si vous souhaitez me poser une question là-dessus, je pourrai vous en dire plus. Mais ce qui compte vraiment, c'est que tout dépend de l'eau. L'air nous préoccupe bien moins en aquaculture. S'il faut s'occuper de l'eau, c'est parce qu'elle communique entre les élevages et les secteurs. On peut immédiatement comprendre l'aspect océanographique de la question, et c'est l'angle que nous apportons au sujet de recherche.

Je ne m'attarderai pas trop aux pressions contre l'aquaculture — vous en avez peut-être déjà assez entendu parler —, mais ces groupes semblent avoir détourné l'argumentation en disant que pour que les activités aient lieu, elles doivent absolument se faire sur terre. Là n'est pas la question selon moi, car d'innombrables mesures peuvent être prises pour améliorer la durabilité de la pisciculture en milieu océanique, comme je viens de le dire en parlant des écoservices. Selon moi, en aucun cas nous ne devrions faire une croix sur l'océan, qui nous fournit ces écoservices, et sur la capacité humaine de les exploiter de façon durable. Je ne crois pas que ce soit à prendre ou à laisser. Commençons par améliorer la durabilité de la salmoniculture en milieu océanographique, ce qui est l'objectif de ma chaire de recherche.

Pour ce qui est du régime réglementaire, vous savez qu'un examen est en cours en Nouvelle-Écosse, et c'est pourquoi je ne m'avancerai pas sur les améliorations qui devraient selon moi être apportées. Je sais qu'un des sujets est la vitesse d'approbation des nouveaux sites. La procédure a été difficile. Ce que je peux dire, c'est qu'entre le ministère provincial des Pêches et Pêches et Océans, bien des gens travaillent d'arrache-pied sur la question. Il est vrai que tout ne fonctionne pas à plein régime de bien des façons, mais le ministère provincial des Pêches à Shelburne vient d'être revitalisé.

Dans le cadre de mes échanges avec l'équipe, j'ai remarqué que le personnel est très dévoué et, dans certains cas, très expérimenté aussi. Peu importe ce qu'il adviendra du régime réglementaire, je crois que l'avenir est prometteur quant à la capacité de gestion des gouvernements provincial et fédéral.

J'ai assez parlé. J'aimerais simplement ajouter que je suis très sérieusement dévoué au sujet sur le plan scientifique; en tant que nouveau titulaire de la chaire, la totalité de mes recherches sont désormais consacrées à aider Cooke à progresser dans ce qui est vraiment une ère nouvelle d'aquaculture durable. D'une certaine façon, ce n'est vraiment que le début. Il faut se tourner vers l'industrie afin d'atteindre la maturité et l'envergure nécessaires pour avoir une vue d'ensemble, et je pense que c'est là où nous en sommes actuellement.

Merci.

Le président : Monsieur Armstrong.

M. Armstrong : Merci beaucoup de me donner l'occasion de participer. Je vais limiter mon exposé à cinq minutes afin de vous laisser le plus de temps possible pour échanger avec les spécialistes. Dans mon exposé, je vais très brièvement vous présenter notre organisation, les services que nous offrons et les répercussions que nous avons eues à ce jour. Je vous donnerai ensuite un bref aperçu de notre expérience avec l'industrie aquacole du Canada atlantique, et plus particulièrement du genre d'efforts en recherche et développement qui sont selon moi essentiels à une croissance durable.

En guise de contexte, Génome Atlantique est une société sans but lucratif que Genome Canada Enterprise a créée en 2000. Nous sommes un des six centres de génomique régionaux dispersés d'un océan à l'autre. Les autres témoins en ont déjà parlé à quelques occasions, mais pour ceux qui ne connaissent pas bien le secteur, la génomique est une combinaison fascinante de génétique, de biologie et de sciences informatiques, qui est désormais plus puissante, exponentiellement moins chère et donc plus accessible pour bon nombre d'entreprises et d'utilisateurs du secteur public dans le Canada atlantique et ailleurs.

On considérait autrefois la génomique comme une science en soit, et elle est aujourd'hui intégrée à la technologie habilitante de pratiquement tous les secteurs imaginables. La mission de Génome Atlantique, qui appartient à Genome Canada Enterprise, est de concevoir un programme de génomique axé sur la recherche et le développement qui procure des avantages concrets à la région sur les plans économique, social et environnemental.

En partenariat avec de nombreuses autres organisations, nous avons à ce jour encouragé plus de 75 millions de dollars de nouveaux projets de recherche et de développement en génomique dans le Canada atlantique, qui couvrent cinq secteurs et créent plus de 1000 années-personnes d'emploi. D'ailleurs, environ la moitié de ces efforts visent le secteur aquacole. Cet engouement est principalement attribuable à trois facteurs. Premièrement, les solutions fondées sur la génomique peuvent répondre à toutes sortes de besoins de l'entreprise, dont certains ont été mentionnés par les intervenants précédents. En deuxième lieu, on constate la présence d'une expertise régionale dans le secteur de l'aquaculture et d'un intérêt à cet égard. Le dernier facteur, mais non le moindre, c'est bien sûr la possibilité de croissance du secteur.

Certes, vous savez tous que l'ONU prévoit que la population mondiale avoisinera les 9 milliards d'habitants d'ici 2050. Nous sommes actuellement 7,1 milliards sur terre. Un simple calcul permet de comprendre que la population augmentera annuellement d'environ 57 millions de personnes pour les 36 prochaines années, soit entre 2014 et 2050. D'ici 2050, l'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture, ou OAA s'attend à ce que la planète ait besoin de 60 p. 100 plus de denrées alimentaires que nous n'en avons jamais produit, et nous devrons y arriver avec moins de terres et d'eau. Évidemment, voilà qui constitue à la fois un défi et une occasion pour l'industrie aquacole.

Pour revenir là où le bât blesse, et sur ce qui empêche les PDG de l'industrie aquacole de dormir la nuit, je dirais que les trois éléments suivants entrent en ligne de compte, quoique cette liste ne soit pas exhaustive. Tout d'abord, les dirigeants sont déterminés à trouver la façon la plus rapide et rentable possible de récolter un produit à partir de l'œuf. En deuxième lieu, ils ressentent la pression de trouver une nourriture moins chère et plus durable sans diminuer la qualité du produit final. Troisièmement, il y a cette crainte toujours présente de maladies ou d'infestations d'organismes nuisibles.

Autrement dit, si l'on pense à l'avantage concurrentiel à long terme nécessaire pour favoriser la croissance de toutes ces entreprises, il y a vraiment trois choses qui gardent les présidents de sociétés d'aquaculture éveillés la nuit : la production d'un stock de géniteurs d'élite; l'optimisation de la nourriture; et les stratégies efficaces de lutte contre les maladies et les organismes nuisibles.

Quel est donc le lien entre ces défis et les éléments nécessaires à la croissance future et à la survie de l'industrie, qui donne lieu à des projets d'exploration en génomique ou en génétique? J'ai dit que parmi les 75 millions de dollars de projets que nous avons rendus possibles au cours des 14 dernières années, environ la moitié faisait partie du secteur aquacole. Nous avons notamment eu des projets sur le flétan, la morue, le saumon, et sur tous les sujets, que ce soient des cartes de liaison, qui servent essentiellement à relier un gène ou un locus particulier à un trait d'intérêt pour l'industrie, ou des programmes de sélection assistée par marqueurs, dans lesquels les marqueurs génétiques servent à sélectionner des poissons d'élite qui serviront de géniteurs. Ceux-ci sont choisis pour leur vitesse de croissance et leur résistance ou tolérance aux maladies. En troisième lieu, nous avons participé à des projets où l'on tente de trouver des solutions de rechange aux farines et huiles de poisson, dont les coûts et la durabilité posent problème. De plus, les outils de génomique ont le potentiel d'aider à surmonter des difficultés comme le pou du poisson qui touche le saumon et bien d'autres.

Comme Mme Stewart-Clark l'a dit tout à l'heure à propos de l'industrie conchylicole, par exemple, les outils de génomique sont essentiels pour surmonter les difficultés associées au parasite MSX qui touche le secteur des huîtres.

Pour maximiser le temps d'échange avec les membres du comité, permettez-moi de résumer que la sélection de géniteurs, l'optimisation de la nourriture et les stratégies de gestion de la maladie sont des facteurs essentiels à une croissance durable, et qu'il est absolument incontournable d'exploiter le pouvoir des solutions axées sur la génomique. Avec 9 milliards de bouches à nourrir d'ici 2050, je souhaite sincèrement que la croissance de l'industrie aquacole canadienne s'accélère bientôt. Ce faisant, nous contribuerons à nourrir la population de demain tout en générant des retombées économiques appréciables au Canada.

Merci.

Le président : Nous allons commencer les questions par le sénateur McInnis.

Le sénateur McInnis : Eh bien, tout ceci est fort intéressant. Je suis heureux de vous voir, madame Stewart-Clark. Nous avions discuté au téléphone il y a quelque temps. Vous avez dit d'emblée que, pour réussir, l'aquaculture doit se fonder sur des données scientifiques. Je m'attendais bien sûr à ce que vous disiez que Dalhousie est bien équipée pour le faire. J'imagine que le financement provient du gouvernement, de l'université et de l'industrie.

Monsieur Duston, vous avez mentionné que bien des rivières sont mortes. Peu d'entre elles accueillent des saumons en raison des pluies acides, et la salmoniculture pourrait nuire au saumon sauvage. Ce raisonnement a beaucoup de poids dans le processus d'approbation des demandes. Vous avez parlé d'une demande sur la côte Est. Je pense qu'elle a été refusée parce que la Fédération du saumon Atlantique et d'autres groupes ont installé un écran de sûreté à la rivière West de Sheet Harbour. Ses frais de fonctionnement sont de plus de 600 000 $, mais il est en place. Ce mécanisme est assez courant dans les pays scandinaves. Par conséquent, le saumon sauvage revient en abondance. J'imagine donc que c'est pour cette raison que la demande a été refusée.

Vous avez ensuite parlé du manque de connaissances sur les stocks de saumon sauvage et du besoin d'un leadership solide du gouvernement, alors que Mme Stewart-Clark dit que tout doit être axé sur la science. Vous proposez la formation d'une coalition entre les universités, le gouvernement et d'autres groupes tout en permettant les activités de salmoniculture maritime.

Vous pouvez comprendre la situation dans laquelle nous nous trouvons. Nous vous entendons faire ces mises en garde tout en disant que nous devrions ouvrir les vannes et approuver les demandes. Puis vous nous proposez de réaliser une étude afin de connaître l'état véritable du saumon sauvage. Je me demande aussi, ces activités nuisent-elles au homard et à son industrie? Voilà les questions qu'on nous pose des deux côtés. J'ai une grande confiance qu'il faut poursuivre les recherches, mais il y a beaucoup de pain sur la planche. Pourquoi devrait-on approuver les demandes puisque toutes ces questions n'ont pas encore été étudiées?

M. Duston : Eh bien, voilà le dilemme devant lequel se trouve la société d'aujourd'hui, mais puisqu'il n'y a pas de réponse simple, nous avons opté pour la prudence. J'imagine que mes propos ont suscité une certaine controverse; je voulais dire quelque chose qui était probablement un peu fort, mais veuillez m'en excuser.

Le sénateur McInnis : Non, aucun problème.

M. Duston : Je pense que c'est le cœur du problème. Il s'agit de notre société, et nous devons décider. Nous voulons sauver les stocks de saumon sauvage. Au plus profond de nous-mêmes, c'est ce que nous désirons tous. Nous souhaitons aussi assurer la prospérité économique à nos localités rurales côtières. Comment pouvons-nous faire les deux?

Il semble que l'aquaculture est peut-être un des rares moteurs économiques pouvant aider la région. Je ne dors pas la nuit. La situation des saumons sauvages est épouvantable, mais nous devons aussi développer l'industrie. Il y a aussi toutes ces médisances entre les groupes pour et contre l'aquaculture, et je pense que bien des gens du milieu se demandent peut-être où est la vérité. Or, la vérité est parfois difficile à cerner, surtout lorsque nous n'avons pas de connaissances et de données scientifiques sur les déplacements du saumon, sur l'endroit où il vagabonde. Il y a tellement d'incertitudes, mais je n'ai pas de solution claire. Est-il prudent de se méfier et de continuer à refuser les demandes jusqu'à ce que nous découvrions ce qui se passe avec les stocks sauvages? C'est peut-être prudent, mais où est-ce que cela nous mènera? Peut-être à un marasme économique le long de la côte pour les 20 prochaines années. Est- ce acceptable sur le plan politique? Je l'ignore.

Le sénateur McInnis : Il y a aussi les maladies, l'anémie infectieuse du saumon, bien sûr, et les poux du poisson, auxquels, visiblement, s'intéresse la recherche, mais il n'y a pas encore de solution. Un témoin, médecin à Terre-Neuve, nous a dit que l'aquaculture ne serait pas viable si des flambées de maladie continuent de se produire et que le gouvernement fédéral doit éponger le coût des pertes de saumons. Voilà un autre problème à résoudre.

Voilà que maintenant, on parle ouvertement d'assurance pour le secteur privé, que cela soit accessible ou pas. Avez- vous des observations à ce sujet? Se fait-il beaucoup de recherche sur l'anémie infectieuse et les poux du poisson? Aucun médicament efficace ne semble disponible. Avez-vous une opinion?

M. Grant : Oui, il se fait beaucoup de recherche sur les poux du poisson, de tous les angles possibles, depuis les éventuels vaccins aux études océanographiques que j'ai décrites. En ce qui concerne le bilan de l'argent réinjecté dans l'industrie, il est beaucoup plus modeste que les taxes qu'elle paie, que la valeur de l'industrie. L'argent qui va à l'aquaculture ne représente pas une perte sèche pour le contribuable. Ces chiffres sont expliqués en divers endroits. Je vous encourage à les étudier ou, peut-être, à consulter l'Atlantic Canada Fish Farmers Association, qui a publié, récemment, un dossier sur le sujet.

Quant aux maladies, nous savons que chaque filière alimentaire éprouve des problèmes. Nous connaissons la grippe porcine et la maladie de la vache folle. Effectivement, elles constituent des obstacles, et il importe de bien y réfléchir. En pisciculture, aucune maladie n'est dangereuse pour la santé humaine. Or, nous n'avons pas cessé pour autant d'élever des porcs et des vaches bien que la maladie de la vache folle ait effectivement tué des êtres humains.

Bien sûr, nous avons besoin, comme on l'a dit, d'une méthode fondée sur l'évaluation des risques pour d'autres parties de l'écosystème. Voilà pourquoi, comme j'ai tenté de le souligner, l'aquaculture doit prendre la place qui lui revient dans l'écosystème, pas comme un corps étranger ou hostile pour l'écosystème. Les gestionnaires devront prendre des décisions.

Heureusement, nous ne sommes pas encore infestés par le pou du poisson. Il vit dans nos eaux, parce que c'est une espèce naturelle. Ce n'est pas un problème dans les élevages de poissons. Je pense que nous devons prendre en considération, au cas par cas, les interactions avec les pêcheries d'espèces sauvages ou avec le poisson sauvage. Malheureusement, dans le cas du saumon de l'Atlantique, nous les avons malmenés pendant des décennies, sinon des siècles, pour les mener à l'extinction bien avant d'entreprendre, dans la région, l'élevage d'un poisson, et, même aujourd'hui, on capture d'énormes tonnages au large du Groenland sans que nous puissions y faire grand-chose; je parle du saumon de la Nouvelle-Écosse. Nous avons détruit les cours d'eau, pas seulement par les pluies acides, mais par l'eutrophisation. Alors, quand nous aménageons des champs sur le bord des cours d'eau en faisant disparaître les zones ombragées, le réchauffement et la désoxygénation de l'eau causent beaucoup de problèmes.

Nous avons soumis un très petit stock de saumons à beaucoup d'épreuves. Faut-il vraiment se surprendre qu'ils soient en piteux état? Sur la côte Ouest, où l'aquaculture est deux fois plus développée que sur la côte Est, le fleuve Fraser, l'un des principaux cours d'eau à saumons de la région connaît des montaisons historiques de sockeyes, en dépit des allégations sur les répercussions négatives de l'aquaculture. Je ne dis pas que le saumon sauvage et l'aquaculture n'interagissent pas, mais que personne n'a prouvé que l'aquaculture nuit à la dynamique des populations du saumon sauvage, pour lesquelles nous nous inquiétons.

Mme Stewart-Clark : Je tiens à ajouter qu'on ne saurait trop insister sur l'importance du Collège vétérinaire de l'Atlantique pour le Canada atlantique. Cet établissement est vraiment le centre de compétences de la recherche sur les maladies des organismes aquatiques. Je recommande donc absolument qu'on en protège le financement. Ces compétences sont vraiment essentielles à tous les secteurs de l'aquaculture dans le Canada atlantique, poissons, mollusques et crustacés.

Le sénateur Mercer : Merci beaucoup d'être ici; c'est très instructif.

Revenons aux cours d'eau. Vous avez laissé entendre que nous devions connaître l'état de tous pour pouvoir fermer certains dossiers ou nous attaquer aux problèmes que nous constatons. Combien coûterait l'opération et combien de temps prendrait-elle?

M. Duston : J'ignore le coût; il est probablement énorme. Pêches et Océans a essayé de l'estimer. J'ignore ce qu'il est, mais nous devons demander à nos bons Néo-Écossais s'ils tiennent à protéger leurs stocks de saumons et combien de millions ils sont prêts à investir? Ce pourrait être autant de moins pour le système de santé ou l'éducation. J'ignore la valeur qu'on attache aux stocks sauvages. Combien d'argent leur consacrerait-on? Ce pourrait être beaucoup. J'ignore la réponse.

Le sénateur Mercer : Qu'en est-il de la durée? Combien de temps, pensez-vous, cela prendrait?

M. Duston : Pour encourager le développement industriel, il faut accorder aux piscicultures un bail d'au moins 10 ans. On aura probablement besoin de 10 ans. Tout dépend du nombre de personnes qu'on mobilisera sur le terrain. Les populations de saumons sont complexes. Les cours d'eau sont complexes en raison de la logistique des dénombrements sur place, les pieds dans l'eau. Il faudrait probablement une décennie. On essaie depuis longtemps d'évaluer les stocks de saumons, un poisson presque insaisissable et complexe.

Je n'ai pas de réponse. Je fais de mon mieux.

La sénatrice Poirier : Merci d'être ici.

Nous savons que la croissance de l'aquiculture a été plus rapide en Suède, en Norvège et dans d'autres pays qu'ici, au Canada. Comment notre secteur de la recherche se compare-t-il à celui de nos principaux concurrents étrangers?

M. Duston : La Norvège fraie allègrement la voie, nous sommes toujours derrière. Chaque jour, nous nous demandons : « Que font les Norvégiens, aujourd'hui? Eh bien, rattrapons-les! » Le pays a tellement de revenus, grâce au pétrole. Il peut consacrer des sommes folles à la recherche sur les milieux aquatiques et il ne s'en est pas privé. C'est la Norvège. Elle a tout cet argent.

Mme Stewart-Clark : Je n'ai pas de chiffres précis, mais je dirais que, pour les mollusques et les crustacés, nous sommes parmi les derniers. Les États-Unis et l'Australie ont investi dans la constitution de stocks de géniteurs. Presque tous les autres grands producteurs mondiaux ont déjà franchi ce pas, c'est-à-dire passer de l'élevage du produit sauvage à celui de stocks choisis de géniteurs. De ce point de vue, le Canada suit vraiment loin derrière. Pour l'élevage du poisson, je ne saurais dire.

La sénatrice Poirier : Est-ce que nous profitons d'une partie de la recherche internationale et est-ce qu'une partie de notre recherche est également diffusée à l'étranger?

Mme Stewart-Clark : Absolument. Notre communauté scientifique est ouverte sur le monde. Elle assiste aux conférences internationales; elle a tissé des liens avec ses homologues à l'étranger et elle lit les publications scientifiques de partout dans le monde. Elle collabore directement avec d'autres scientifiques à l'étranger et elle apprend sûrement grâce à eux. Nous élevons différentes espèces de mollusques et de crustacés au Canada. Ce n'est pas comme le saumon, qui est élevé dans de nombreux pays. Nos huîtres et nos moules appartiennent à des espèces différentes, même de celles qui sont élevées en Colombie-Britannique, en général. Nous devons donc faire plus de recherche sur nos propres espèces, mais nous profitons de ce qui se fait dans les autres régions aussi. Je suis sûre que les autres ont quelque chose à dire à ce sujet.

M. Grant : Ce que je pourrais dire, à ce sujet, concerne précisément la Norvège. Je collabore très étroitement et depuis très longtemps avec les chercheurs de l'administration publique et des universités de Norvège. En fait, Dalhousie et Bergen ont mis sur pied des programmes pour l'échange de diplômés. Les professeurs organisent des ateliers communs, que finance le gouvernement norvégien. Sous certains aspects, je passe sur la génétique, notamment, mais l'aquaculture et l'environnement, sûrement, notre collaboration avec la Norvège est très forte.

Je peux faire une proposition à ce sujet. L'Union européenne a mis sur pied des programmes-cadres. Le programme actuel de financement, intitulé « Horizon 2020 », totalise plusieurs milliards de dollars. Les Canadiens sont invités à se joindre à ces efforts de recherche, et je participe à un projet en aquaculture et planification spatiale pour le milieu marin. Cependant, les Canadiens ne sont pas autorisés à recevoir du financement de l'Union européenne, et notre gouvernement ne consacre pas d'argent au système. Nous pouvons donc participer en utilisant nos propres fonds pour la recherche, mais sans pouvoir être vraiment financés. Je peux voir que des sujets assez restreints, peut-être ciblés, peut-être cycliques seraient utiles pour amener notre gouvernement à contribuer, de manière que les Canadiens puissent participer plus entièrement aux programmes de l'Union européenne. Nous participerions ainsi vraiment dans le système.

M. Armstrong : Si vous me permettez de simplement développer les autres aspects intéressants qui ont été soulevés. Il est sûr que les projets auxquels nous avons participé comportaient des liens avec la Norvège, l'Islande, le Chili et l'Espagne. Il existe donc un certain degré de collaboration scientifique. Cependant, notre régime réglementaire nous interdit souvent d'exploiter une partie de cette propriété intellectuelle dans les eaux canadiennes. Le transfert de certains stocks entre provinces ou entre régions ou leur importation de l'étranger sont souvent empêchés, ce qui est un élément inhibant parmi de nombreux autres pour la croissance de l'industrie. Un seul exemple suffira, et Mme Stewart- Clark pourrait en parler plus en détail que moi-même, en ce qui concerne le problème de la maladie MSX, qui a annihilé l'ostréiculture du lac Bras d'Or. Les huîtres du Maine seraient une solution, puisqu'elles tolèrent naturellement ce parasite. Pour essayer de ressusciter cette industrie et importer cette souche tolérante, il faudrait à la fois l'autorisation de l'ACIA et de Pêches et Océans, qui, à ce que je sache, n'est pas à la veille d'arriver. Alors oui, il existe une collaboration scientifique internationale, mais, parfois, notre régime réglementaire peut bloquer l'exploitation, pour l'industrie, du savoir qui en découle.

La sénatrice Poirier : En aquaculture, nos maladies sont-elles semblables à celles de l'étranger? Notre aquaculture affronte-t-elle des problèmes semblables ou différents, des maladies différentes, avec une recherche assez différente?

M. Grant : Les problèmes sont identiques, mais leur échelle est différente. Les types de milieux aquatiques pourraient différer, par exemple des estuaires peu profonds au Danemark, des fjords profonds en Norvège, une proportion différente de pisciculture et de conchyliculture, mais les problèmes sont identiques. Voilà pourquoi on reconnaît souvent la solidité de la recherche canadienne en aquaculture et qu'on invite souvent les Canadiens à participer à ces programmes à titre de spécialistes.

Mme Stewart-Clark : J'ajouterais que la conchyliculture nous offre des difficultés particulières. La maladie de Malpèque n'est présente que dans notre région, et la maladie MSX n'existe que sur la côte Est des États-Unis et du Canada, à ce que je sache. Le nombre de chercheurs qui travaillent sur ces problèmes est donc limité.

Le sénateur Wells : Merci aux témoins d'être ici.

Monsieur Grant, je suis heureux que vous ayez parlé de la collaboration internationale en réponse à la question de la sénatrice Poirier.

Vous avez dit que des moyens viables ne nuisent pas à l'écosystème. Vous avez aussi préconisé l'amélioration de l'exploitation soutenable de l'océan, l'objectif de la chaire que vous occupez. Les règlements en vigueur permettent-ils de ne pas nuire à l'écosystème?

M. Grant : C'est une excellente question. Le problème est que, très souvent, la réglementation traîne loin derrière la science, laquelle, habituellement, est beaucoup plus nouvelle et rétive à la réglementation. Voyez l'excellent exemple de l'aquaculture. On s'arrête surtout à l'emplacement de l'activité. Pour les enclos à poissons, les organismes de réglementation s'intéressent à leur périphérie immédiate, dessous et autour. Les mollusques tendent à se disperser sur une plus grande surface. Il faut donc en tenir compte. Il faut aussi tenir compte d'autres aspects, en conchyliculture. Mais, avec le poisson, on reconnaît de plus en plus que les répercussions se font sentir autour des cages et qu'elles ne vont pas beaucoup plus loin. L'étude du milieu ambiant immédiat nous prive souvent de renseignements sur le reste de l'écosystème.

Je pense qu'il serait utile au régime réglementaire d'élargir ses horizons pour tenir compte d'autres activités, puis de considérer l'aquaculture non pas, comme c'est souvent arrivé, isolément, comme une activité côtière, mais comme une activité océanique parmi de nombreuses autres, ce qui, essentiellement, se rapporte à ce que j'appelle la planification spatiale du milieu marin. Il serait utile d'en élargir la portée et l'échelle spatiale, mais c'est un défi pour la recherche, parce que les outils pour faire ce saut ne sont pas nécessairement si faciles à amplifier. C'est l'un de nos chantiers.

Le sénateur Wells : Madame Stewart-Clark, en parlant de la nécessité de trouver des fonds et des sujets supplémentaires pour la recherche en aquaculture, vous avez dit qu'on avait besoin de scientifiques universitaires objectifs et libres. Voulez-vous dire que vos confrères aux compétences reconnues qui travaillent pour des sociétés privées pourraient ne pas être ni objectifs ni libres?

Mme Stewart-Clark : Je crois qu'un véritable scientifique ne peut qu'être objectif. Tout ce qu'il cherche dans son domaine d'étude, c'est de découvrir la vérité. Il n'a donc pas de préjugés. Le scientifique universitaire améliore la perception du public, pour qui, souvent, le scientifique au service d'une industrie, par opposition, disons, à un écologiste, a probablement un parti pris. C'est ce que perçoit le public, en dépit de la réalité. La survie du scientifique universitaire dépend de ses publications, et ses publications sont la mise en forme écrite des résultats scientifiques qu'il a obtenus. Pour les publier, il faut que ses résultats et les méthodes utilisés pour les obtenir soient vérifiés par des scientifiques anonymes de partout dans le monde. Sa science sera donc publiée uniquement si des confrères inconnus de lui croient en l'objectivité de l'expérience et en la validité de la méthode et des résultats. Voilà les gages d'objectivité des scientifiques universitaires. Les scientifiques de l'industrie et les autres scientifiques peuvent produire des résultats de recherche objectifs, et ils peuvent le prouver par la publication de leurs résultats dans des périodiques scientifiques, mais on constate souvent que les scientifiques au service de différents lobbyistes ne publient rien, mais simplement leurs constatations sur des sites Web.

Le sénateur Wells : Il n'y a donc pas d'examen par les pairs?

Mme Stewart-Clark : Non. Les médias prennent pour un fait pour scientifique même quand il n'a pas été revu par un groupe de scientifiques indépendants et anonymes. Je pense que c'est l'avantage que procurent les universitaires. Peu importe qui finance leur recherche, pour que les résultats soient publiés, un comité de lecture anonyme doit convenir qu'ils ont été obtenus de manière objective.

Le sénateur Wells : Excellent. Merci beaucoup. C'est très utile.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Bienvenue aux témoins.

Mme Stewart-Clark : Vous avez mentionné vos travaux de laboratoire et l'un d'eux a piqué ma curiosité. Vous parlez d'invasion d'espèces des États-Unis. Est-ce que c'est arrivé? À quelle fréquence et d'autres viennent-elles d'autres pays ou d'autres provinces?

Les espèces qui envahissent le Canada atlantique viennent de partout dans le monde et, d'ordinaire, elles sont transportées dans l'eau de ballast des navires. Je pourrais en dire davantage, si vous voulez, mais, d'ordinaire, elles nous arrivent à la faveur du commerce maritime.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Mais je vous en prie.

Mme Stewart-Clark : Nous avons constaté que nous pouvions retrouver l'origine d'une espèce de tunicier grâce à son ADN, comme pour un test de paternité. Nous avons pu ainsi dire de quelle espèce elle se rapprochait le plus parmi les autres populations du globe. Nous avons découvert qu'elle était arrivée en Nouvelle-Écosse à la faveur du trafic maritime international, puis que la plaisance locale l'avait propagée. Les deux types de navigation sont donc en cause.

En ce qui concerne l'agrandissement du domaine d'espèces des États-Unis, plusieurs étaient présentes dans le Maine, très près de la frontière, depuis un bon moment, mais elles ne s'étaient jamais aventurées au Canada. Nous en avons observé deux qui nous sont arrivées récemment, ces deux dernières années. Il y a d'abord un ver qui sécrète un tube de calcaire. Pendant longtemps, son aire d'origine allait de la bordure sud de l'Amérique du Nord jusqu'au Maine. En 2012, on l'a découvert pour la première fois en Nouvelle-Écosse. Cette année, la température de l'eau y était plus chaude de 4 degrés que la moyenne cinquantenaire régionale. Cette année, l'espèce Didemnum vexillum est arrivée des États-Unis en Nouvelle-Écosse. Dans cette étude particulière, nous avons donc voulu savoir si nous n'étions pas exposés au risque de recevoir des espèces invasives à la faveur du trafic maritime dans une région parce que nous savons déjà que c'est un risque et qu'il se matérialise. Dans cette étude, nous cherchions à savoir si les espèces peuvent naturellement arriver dans nos eaux, à cause de leur réchauffement. C'est maintenant un risque auquel la Nouvelle- Écosse est de plus en plus exposée, parce que des espèces qui ne pouvaient pas survivre aux températures antérieures de l'eau sont maintenant capables de survivre. C'est la raison pour laquelle nous observons une augmentation du nombre d'envahisseurs qui viennent des États-Unis.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Comment peut-on se débarrasser des espèces envahissantes? Faut-il les tuer?

Mme Stewart-Clark : La reproduction explique en partie pourquoi ces espèces sont si envahissantes. Par exemple, l'ascidie jaune peut produire des centaines de milliers de petits chaque année. Sa capacité de reproduction est très élevée. Même si on dépensait pour éradiquer toutes les ascidies d'une baie, deux seuls spécimens oubliés pourraient l'inonder de nouveau l'année suivante. Il n'a jamais été prouvé que l'éradication des espèces envahissantes en milieu marin est efficace. Nous devons empêcher ces espèces d'arriver au Canada atlantique et les détecter dès que possible. Les crustacés et les mollusques sont devenus très répandus, parce que nous n'y avons pas prêté attention au départ et que les bateaux ont favorisé leur propagation. La détection précoce permet de les restreindre à une zone précise et de réduire les conséquences au minimum.

Le sénateur Munson : Lorsque j'ai été nommé au Sénat, je pressais le sénateur conservateur Wilbert Keon d'élaborer un plan d'action national sur l'autisme et de travailler à toutes sortes de questions. Ce sénateur m'a dit et répété qu'il importe de demander des fonds pour la recherche en se fondant sur les preuves scientifiques. Je me rappelle ce conseil aujourd'hui. Quelle que soit l'étude, le rapport doit toujours comprendre des preuves scientifiques.

De nombreuses compressions ont été réalisées dernièrement concernant les changements climatiques, le réchauffement de l'eau, et cetera. Si nous recommandions de rétablir le financement, s'il n'y avait pas de réductions des dépenses ou si vous disposiez de plus d'argent pour la recherche, quels seraient les avantages concrets dont profiteraient les collectivités de la Nouvelle-Écosse?

Mme Stewart-Clark : En ce qui a trait au secteur des crustacés et des mollusques, je crois que les résultats de la recherche sur les changements climatiques se feraient sentir tout de suite en Nouvelle-Écosse. Nous élevons présentement les crustacés et les mollusques à l'aide de naissains sauvages, dont une partie ne peut pas atteindre la taille commerciale et meurt avant la maturité à cause des températures de l'eau. Si nous pouvions sélectionner les naissains qui tolèrent bien ces températures en Nouvelle-Écosse, les produits qui atteignent la taille commerciale seraient plus nombreux. L'écosystème marin comporte davantage d'eau douce à cause des changements climatiques. Nous devons donc sélectionner les naissains qui peuvent tolérer de plus grandes fluctuations de salinité et qui vont permettre aux éleveurs d'ensemencer leurs parcs. Je pense que les investissements dans la recherche visant à comprendre comment les espèces s'adaptent aux changements climatiques profiteraient directement à la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Munson : Professeur Grant, vous avez parlé de Truro, des exploitations agricoles et des parcs aquacoles. Il semble que l'approche naturelle pour l'aquaculture serait calquée sur l'agriculture. J'aimerais que vous donniez votre point de vue pour le compte rendu.

M. Grant : Oui.

Il existe des similitudes indéniables entre l'aquaculture et l'agriculture, car les deux consistent à élever des animaux et les méthodes d'élevage se ressemblent beaucoup. Cela dit, je pense que certaines différences pourraient influencer la réglementation, puisque les exploitations agricoles sont situées sur des terres privées. Nous acceptons que l'écosystème soit remplacé par des champs destinés aux fourrages ou aux cultures. Nous avons remplacé les services naturels des écosystèmes agricoles pour cultiver diverses plantes ou pour élever du bétail. Dans l'océan, nous faisons le contraire et nous voulons préserver l'écosystème. Tout d'abord, il s'agit d'un domaine public qu'on ne peut pas changer à sa guise comme les terres privées. De plus, nous voulons conserver l'écosystème marin intact et intégrer l'aquaculture sans lui nuire. Certains niveaux de gestion exigent une orientation quelque peu différente. Les différences sont si fondamentales que je me demande si le régime réglementaire concernant la culture sur des terres privées peut fonctionner quand même. C'est ma principale préoccupation.

Le sénateur Munson : Je veux poser une question générale. À Terre-Neuve-et-Labrador, la communauté de l'aquaculture que nous avons visitée me paraît dynamique et semble travailler dans l'intérêt des collectivités. Mais les chiffres ici indiquent que nous accusons du retard jusqu'à maintenant par rapport à la Norvège et même à la Nouvelle- Zélande et à la Nouvelle-Écosse. Que faut-il faire? Allons-nous les rattraper un jour et devenir un producteur mondial de premier plan? Vous avez dit que nous nous situons dans le remous d'une grande vague, et cetera. Je sais qu'il s'agit d'une question générale, mais que devons-nous faire?

M. Grant : Je dirais avant tout que nous bénéficions de certains avantages par rapport aux autres pays. Nous avons de l'espace pour l'aquaculture et des conditions favorables à une variété de crustacés, de mollusques et de poissons à nageoires. La qualité de l'eau est bonne également, parce que les densités de population sont faibles en général. Je pense que nous profitons de conditions d'élevage idéales. Je ne dis pas et personne ne pense que l'aquaculture doit exploiter chaque pouce de libre, mais elle peut prendre beaucoup d'expansion. C'est pourquoi il importe d'agir de façon assez systématique, de respecter la réglementation et de mener des recherches pour éviter de commettre des erreurs, de surcharger le milieu ou d'installer des parcs aux mauvais endroits.

M. Armstrong : J'ajouterais que parmi les trois aspects à améliorer, les entreprises doivent compter sur une réglementation plus cohérente, souple et prévisible. Nous devons réexaminer l'équilibre nécessaire entre la protection des consommateurs et la croissance de l'industrie. Je pense que le climat est très hostile présentement et ne permet pas d'atteindre un équilibre adéquat entre ces deux pôles. Il me paraît fondamental aussi de s'engager de façon continue en matière de recherche pour réduire le risque lié aux investissements des entreprises. Ces trois aspects primordiaux vont nous aider à répondre à la demande mondiale en protéine alimentaire et à comprendre que l'aquaculture doit être un fournisseur de grande envergure.

Mme Stewart-Clark : Les données sur la production montrent que près de 98 p. 100 de toute l'aquaculture se fait en Chine. Nous pensons à tort que la Norvège et tous ces pays constituent de grands producteurs. Mais personne ne leur demande d'abandonner dans ces circonstances. Je ne pense pas que nous devons adopter un tel point de vue en Nouvelle-Écosse. Comme Jon Grant l'a dit, nous disposons des ressources et de l'espace nécessaires.

Bon nombre de collectivités dans la province vivent du travail en mer depuis des générations. Même si l'aquaculture diffère de la pêche, je pense que les gens qui habitent les côtes ont la personnalité nécessaire et ont besoin de travailler en milieu marin. C'est le travail qu'ils veulent accomplir. À mon avis, il s'agit d'un autre avantage pour la Nouvelle- Écosse.

Le sénateur McInnis : Je pense que le sénateur Munson a soulevé une excellente question sur la recherche. John Risley a précisé qu'il fallait considérer le financement public de la recherche comme un investissement, pas comme une dépense. Il faudra bien sûr du temps, mais combien d'argent faudra-t-il investir dans la recherche pour régler certains dilemmes auxquels nous sommes confrontés? Où se situe le gouvernement en matière de financement de la recherche?

Enfin, je veux soulever une question méconnue. J'ai été surpris d'apprendre que la pêche et la chasse récréatives au Canada valent 5,4 milliards de dollars et la pêche commerciale, 2 milliards de dollars. Ce sont des données intéressantes, mais pourriez-vous dire combien il faut investir en recherche?

M. Duston : Nous avons abordé la question plus tôt, et je présume que nous nous sommes égarés. Personne n'a donné de montant d'argent. Pouvez-vous indiquer quels seraient les investissements nécessaires?

Mme Stewart-Clark : Je n'ai pas de chiffres précis à fournir.

Le sénateur McInnis : Ce n'est pas ce à quoi je m'attends.

Mme Stewart-Clark : Les partenaires de l'industrie investissent de faibles sommes dans la recherche scientifique, comme 5 000 ou 20 000 $, pour nous permettre de régler de petits problèmes. Mais il existe un manque à gagner sur le plan des questions de plus grande ampleur. L'industrie ne peut pas financer ce type de recherche.

À l'heure actuelle, on tend au Canada à exiger une contribution de l'industrie pour accorder des fonds de recherche. Les éleveurs y sont favorables si c'est pour régler un problème qui concerne leurs exploitations ou un autre secteur. Mais il me paraît déraisonnable de demander à un seul éleveur de payer toute la recherche qui porte sur des questions liées à l'écosystème d'une multitude d'exploitations. C'est ainsi que fonctionnent la plupart des programmes de financement de nos jours. Nous avons besoin de financement pour effectuer de la recherche sur les écosystèmes et sur les interactions entre les espèces sauvages. C'est plus difficile de trouver des fonds pour ce type de recherche, qui semble pourtant nécessaire afin de réduire l'incertitude liée à l'aquaculture. Ce genre de recherche est bien plus difficile à financer que celle portant sur l'industrie, actuellement. Nous avons toujours besoin de fonds pour la recherche sur l'industrie, mais nous avons aussi besoin de fonds pour les questions qui ne concernent pas un membre de l'industrie en particulier ou son exploitation. Il importe de connaître les conséquences pour l'écosystème en entier.

Le sénateur McInnis : Y a-t-il un certain nombre de recherches en attente?

Mme Stewart-Clark : Sur quels aspects?

Le sénateur McInnis : Il semble que l'on effectue de la recherche en aquaculture depuis des dizaines d'années. Si des fonds étaient accordés aujourd'hui, quelles seraient les questions examinées? A-t-on des suggestions de recherche à effectuer?

M. Duston : Je crois que oui. Je répète que nous avons besoin de faire de la recherche sur l'état des stocks sauvages. Il s'agit d'une question prioritaire. Je pense que nous n'aurions aucun mal à vous fournir la liste des 10 questions prioritaires.

Je suis un peu perplexe. Nous sommes toujours en train de lutter. Nous avons souvent du mal à trouver des partenaires dans l'industrie, et cela limite la portée de la recherche. C'est assez consternant. Personne n'avait posé la question avant vous.

Le sénateur McInnis : Mais nous n'avons pas les fonds nécessaires.

Mme Stewart-Clark : C'est une source de frustration. En tant que scientifiques, nous connaissons les recherches à mener, mais nous n'avons pas les fonds. Nous devons chercher divers programmes de financement qui nous permettraient de régler de toutes petites questions, mais elles doivent toujours répondre aux objectifs du partenaire de financement. On ne nous demande jamais quelles sont les 10 grandes questions qui exigent du financement en aquaculture. En général, nous devons régler des questions très précises, au détriment de celles auxquelles il faut prêter attention.

Le sénateur McInnis : La chaire de recherche industrielle du Conseil de recherche en sciences naturelles et en génie du Canada et de Cooke constitue donc un partenariat avec l'industrie?

M. Grant : Oui. Les secteurs publics et privés contribuent en deux parts égales.

Les programmes actuels pourraient s'appliquer à l'aquaculture, par exemple. Certains d'entre eux s'effectuent en partenariat. Le CRSNG offre des programmes dont le programme de recherche et développement coopérative, qui met en jeu des industries de taille un peu plus modeste, mais qui sont tout de même très importantes. Trois programmes nationaux sur l'aquaculture ont été mis sur pied vers 1990, dont deux réseaux de centres d'excellence.

Loin de moi l'idée de dire qu'ils sont assez nombreux. Ces programmes ont aussi connu des difficultés. L'aquaculture pourrait profiter des programmes actuels, mais elle doit concurrencer tous les domaines des sciences et du génie. Le financement est plutôt peu difficile à obtenir.

Le MPO avait des fonds et de petits programmes pour collaborer avec les universités, mais ils se sont réduits à peau de chagrin au fil du temps. Ces programmes ne disposaient pas de grandes enveloppes budgétaires, mais ils étaient tout de même très importants pour nous. Ce serait bien de réinstaurer certains d'entre eux.

Le sénateur McInnis : Merci.

Le président : Je remercie de nouveau les témoins de leur temps et de leur présence parmi nous aujourd'hui. Nous prévoyons soumettre notre rapport au Sénat en juin l'an prochain. Comme je le répète à tous les groupes de témoins, n'hésitez pas à prendre contact avec le greffier pour apporter des précisions à votre témoignage d'aujourd'hui ou à vos recommandations. Nous en tiendrons compte dans nos délibérations.

Je souhaite la bienvenue au prochain groupe de témoins. Je travaille ici depuis quelques années, d'autres siègent depuis plus longtemps, mais le Comité des pêches a toujours été très intéressant et a donné lieu à de nombreuses premières. Le petit bébé qui siège au bout de la table là-bas aujourd'hui constitue clairement l'une d'elles. Conformément aux pouvoirs conférés à la présidence, je ne permettrai pas qu'on lui pose des questions. Toutes les questions devront s'adresser à des adultes. Je ne sais pas quand viendra l'heure de nourrir le bébé. Nous verrons s'il faut écourter la séance.

Bienvenue à tous. Nous avons entendu divers témoins aujourd'hui, et nous sommes ravis que vous ayez pris le temps de vous joindre à nous. Je vous demanderais de vous présenter et d'indiquer l'organisation que vous représentez. Nous allons ensuite entendre vos exposés.

Stewart Lamont, directeur principal, Tangier Lobster Company Limited : Je m'appelle Stewart Lamont, directeur principal de Tangier Lobster. Nous exportons des homards frais sur le marché international.

Brenda Patterson, membre, St. Mary's Bay Coastal Alliance : Bonjour, je m'appelle Alex Patterson et je représente la St. Mary's Bay Coastal Alliance, située à Freeport, en Nouvelle-Écosse.

Carl Purcell, ancien président, Nova Scotia Salmon Association : Je m'appelle Carl Purcell et je représente la Nova Scotia Salmon Association. J'ai pêché mon premier saumon le 13 octobre 1966, à 15 h 10. Je participe à la conservation du saumon depuis ce temps-là.

Suzanna Fuller, coordonnatrice de la conservation marine, The Ecology Action Centre : Je m'appelle Suzanne Fuller, coordonnatrice de la conservation marine, The Ecology Action Centre. Je suis présentement en congé de maternité, mais je suis heureuse d'être ici.

Le président : La parole est à vous, monsieur Lamont.

M. Lamont : Merci, monsieur le président. Je suis content d'être ici aujourd'hui.

Je veux soulever une question de privilège, mais je ne veux pas en faire une distraction ou retarder la procédure. Devrions-nous en parler plus tard?

Le président : J'aurais besoin de savoir de quoi il est question.

M. Lamont : J'ai témoigné devant votre comité il y a un an et demi, à titre de membre du conseil d'administration et de dirigeant du Conseil canadien du homard. Vous nous aviez demandé de commenter les conséquences de l'aquaculture. Par la suite, l'ancien ministre provincial des Pêches a comparu devant vous et a donné à penser que j'avais induit le comité en erreur. Je rejette cette affirmation. Le ministre a documenté mes commentaires prétendument erronés. Je tiens à rétablir les faits tôt ou tard, mais je ne veux pas en faire une distraction et retarder la procédure.

M. Purcell : La question qu'il faut se poser c'est, où est-il aujourd'hui?

M. Lamont : Il a reçu la réprimande ultime, mais nous n'en parlerons pas.

Le président : Non.

Je comprends votre situation. Si vous le souhaitez, vous pouvez écrire une lettre au comité pour exprimer votre préoccupation. Aujourd'hui, nous parlons d'aquaculture. Et l'étude sur le homard a été présentée au Sénat, au ministre et au ministère. J'essaie d'obtenir un avis pendant que je vous parle, mais je crois que nous allons continuer.

Vous comprenez que l'étude sur les homards a été menée pendant une session précédente du Parlement. Nous sommes maintenant dans une nouvelle session. Aujourd'hui, vous avez fait valoir votre point publiquement. D'après ce que je comprends, le ministre n'est plus ici, et je présume donc que vous devrez le chercher pour obtenir une réponse. Mais en ce qui nous concerne, votre position a maintenant été rendue publique, et vous avez fait valoir votre point. Je vous demande donc de livrer votre exposé aujourd'hui.

M. Lamont : Je comprends.

Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, j'ai remis un résumé de mon exposé, mais étant donné certains des commentaires que j'ai entendus dans le groupe de témoins précédent, si vous me le permettez, j'aimerais parler de manière improvisée. On a soulevé quelques questions sur lesquelles j'aimerais attirer votre attention.

Le président : D'accord. J'aimerais invoquer le Règlement, afin de clarifier la question des exposés : nous tentons de limiter chaque exposé à cinq minutes, afin de permettre aux sénateurs de poser des questions. Je sais que vous avez beaucoup de choses en tête, mais vous devrez résumer vos commentaires en cinq minutes.

M. Lamont : Je serai extrêmement bref.

Le président : Merci.

M. Lamont : Je suis l'une des personnes qui sont contre l'élevage de poissons en enclos ouverts. J'aimerais clarifier les choses : je suis tout à fait pour l'aquaculture, c'est-à-dire pour l'aquaculture en parc clos terrestre, mais le modèle d'exploitation dont nous avons parlé plus tôt aujourd'hui et que vous considérez comme étant à enclos ouverts est, à mon avis, tout à fait déplorable. J'ai entendu des commentaires selon lesquels nous tentons de gérer les écosystèmes. Nous devrions être extrêmement conscients de ce que cela signifie dans ce cas. Nous avons affaire à un modèle d'exploitation qui traite l'océan comme une fosse septique. Il est difficile d'y voir un bon côté. Je félicite grandement les exploitants de parcs d'engraissement de leurs efforts en ce sens, mais cela reste très difficile. Je ne peux m'empêcher de faire la comparaison avec la situation embarrassante que nous avons vécue ici, à Halifax, en ce qui concerne le traitement des égouts et leur déversement dans l'océan. Si l'un d'entre nous se trouve sur l'océan et que nous polluons en jetant un sac de croustilles par-dessus bord, on peut nous punir sévèrement, et avec raison.

J'aimerais rappeler aux sénateurs que ce modèle d'exploitation — et je répète qu'il date de 1958 — ne tient absolument aucun compte des préoccupations actuelles liées à l'environnement, à la toxicité et à un large éventail de problèmes. Il est désuet. Et c'est ce qu'on vous demande — pardonnez-moi l'expression — d'avaler. Je ne peux pas faire cela. Je ne peux pas comparaître devant vous et vous dire qu'il s'agit d'un modèle acceptable.

N'oubliez pas que les partisans de ce modèle ont des antécédents très douteux. Il y a moins de deux ans, Cooke Aquaculture a été reconnue coupable, aux termes de la Loi sur l'environnement, d'avoir utilisé des traitements de pesticides illégaux dans ses enclos de saumon. Deux ans plus tard, cette entreprise a établi un partenariat avec l'Université Dalhousie, mon alma mater, et ses représentants examinent objectivement les conséquences de l'aquaculture.

Je suis désolé d'être aussi direct, mais je veux veiller à ce que chacun d'entre nous, dans cette pièce, soit extrêmement conscient de la menace à laquelle nous avons affaire. Vous ne pouvez pas traiter l'écosystème si vous polluez les eaux ou si vous traitez le produit avec des pesticides. Les pesticides avec lesquels nous traitons le pou du saumon sont mortels pour les homards vivants et d'autres espèces sauvages. Je m'occupe du homard. Je parle au nom du homard et des pêches sauvages. Je parle au nom de « l'état naturel ».

Dans le groupe de témoins précédent, on a fait référence à la Chine. Mon jeune frère et sa famille vivent en Chine, à Beijing. Il me rappelle souvent que les Chinois financièrement à l'aise ne consomment pas de produits d'élevage. Ils ont trop de craintes liées à la sécurité et à la traçabilité de ces aliments. Les antécédents de la Chine à cet égard ne sont pas reluisants. Donc les Chinois, et les autres habitants de l'Asie, se tournent vers le Canada et d'autres pays pour obtenir des produits de la mer sécuritaires et naturels. Il est extrêmement ironique, mais également réellement tragique, qu'au moment où la population mondiale recherche des produits de la mer sécuritaires et durables, nous lancions, au Canada, un programme pour favoriser, subventionner et financer cette industrie. C'est ce qu'on vous demande d'avaler. À mon avis, c'est inacceptable.

J'aimerais terminer en disant simplement que j'encourage les membres de votre comité à obtenir le point de vue le plus concret possible sur les activités en enclos ouverts. Ne participez pas à des visites guidées, n'allez pas où les exploitants de parcs d'engraissement souhaitent vous amener. Faites des visites surprises. Rendez-vous dans les collectivités côtières où vous pouvez obtenir une perspective différente sur les effets de l'aquaculture sur ces collectivités.

Je crois que nous pouvons faire beaucoup mieux. Je suis certain qu'en 2014, nous sommes en droit de nous attendre à de meilleures choses du Canada atlantique. Dans un groupe de témoins précédent, on a parlé de l'aversion au risque. Dans cette industrie, on accepte le risque comme nulle part ailleurs. On acceptera les enclos ouverts sans en connaître toutes les conséquences. Cela revient à accepter autant de risques que possible.

J'encourage les membres de votre comité à faire des visites concrètes. N'annoncez pas votre venue. Allez-y de façon non officielle et un par un s'il le faut. Ceux d'entre nous qui travaillent dans ce domaine dans les collectivités côtières seront heureux de vous aider.

Merci beaucoup.

Le président : Madame Patterson?

Mme Patterson : Bonjour, mesdames et messieurs les sénateurs. Je vous remercie beaucoup de me donner l'occasion de vous parler aujourd'hui dans le cadre de votre étude sur l'industrie de l'aquaculture au Canada.

Je parle au nom de St. Mary's Bay Coastal Alliance, que j'appellerai à partir de maintenant la SMBCA, mais je crois que je parle également au nom des collectivités et des habitants de Port Wade, de Jordan Bay, de Port Mouton, de Shelburne Harbour et d'Eastern Shore, les collectivités dans lesquelles on planifie d'ouvrir des parcs d'engraissement à enclos ouverts.

La SMBCA est un organisme bénévole qui représente les pêcheurs et les membres des collectivités. Il a été formé en 2010 en réaction à l'annonce de Kelly Cove Salmon Ltd., une succursale de Cooke Aquaculture, selon laquelle elle souhaitait obtenir l'approbation provinciale pour deux baux totalisant plus de 200 acres et 2 millions de poissons, des baux qui déplaceraient 20 pêcheurs de homard ou plus et qui occuperaient une aire de croissance du homard connue.

Je pourrais vous parler pendant longtemps des centaines et des centaines d'heures consacrées par les bénévoles d'une collectivité de 800 habitants pour répondre à l'évaluation environnementale, des questions et des préoccupations qui n'ont reçu aucune réponse, du savoir traditionnel dont on n'a tenu aucun compte et de l'insouciance manifestée envers les 80 p. 100 de résidents qui n'ont pas appuyé l'approbation des baux.

Je pourrais vous parler de l'approbation ministérielle à l'égard des baux seulement sept jours ouvrables après la date limite pour contribuer à l'évaluation environnementale. Je pourrais vous parler de la décision prise par la SMBCA, en collaboration avec nos villages, l'organisme de développement économique et la Fédération du saumon atlantique, d'interjeter appel de la décision du ministre avant la fin du délai de 30 jours prévu pour interjeter appel. Je pourrais également vous parler de la décision de Kelly Cove, qui a commencé les travaux de construction du site avant que l'appel ait été entendu, et des activités de financement organisées dans nos collectivités pour payer les frais de justice, afin qu'un avis d'appel puisse être déposé le 5 juillet 2011. Je pourrais vous parler de la décision judiciaire rendue le 30 juin 2012 dans le cadre de l'appel interjeté par les Specter au sujet des baux de Shelburne Harbour, ici en Nouvelle- Écosse, et qui a confirmé que le ministre des Pêches et de l'Aquaculture de la province jouit d'un pouvoir discrétionnaire absolu en ce qui concerne les décisions liées à l'aquaculture, et de notre tentative de négocier avec les représentants de la province pour qu'ils appliquent leurs propres règlements à St. Mary's Bay. Je pourrais vous parler de la décision de la province, prise à la dernière minute, de ne pas maintenir les conditions oxiques, un objectif du cadre de surveillance environnementale de la province.

Je pourrais vous parler de notre décision d'abandonner l'affaire, car nous n'étions pas prêts à laisser nos eaux devenir anoxiques — ce n'était pas une entente que nous allions conclure — et parce que nous n'avions plus d'argent. Toutefois, nous avons fait l'objet d'une poursuite-bâillon, c'est-à-dire une poursuite stratégique contre la mobilisation publique présentée par Kelly Cove, et nous avons dû retourner devant les tribunaux et au lieu des 83 000 $ que souhaitait obtenir l'entreprise, le juge a accordé des dommages-intérêts de 11 500 $, et nous avons dû organiser des activités de financement, car l'entreprise a menacé d'intenter des poursuites à notre égard si nous ne payions pas avant le 31 mai 2014, c'est-à-dire samedi prochain.

Toute l'histoire s'est terminée en échec retentissant, car mère nature a virtuellement détruit ces enclos ouverts, et nous ne saurons jamais combien de poissons se sont échappés ou ont contracté des maladies.

Avec le temps qu'il me reste, j'aimerais aborder trois sujets, c'est-à-dire les règlements, les faits et ce que j'appelle les interprétations tendancieuses dans les relations publiques, qui s'apparentent aux interprétations tendancieuses dans le domaine juridique.

Les représentants de l'industrie des enclos ouverts vous ont dit que le système réglementaire qui régissait l'aquaculture au Canada était trop sévère et qu'il limitait sa croissance. Ils ont demandé au gouvernement de relâcher ses règlements en matière de pesticides et de permettre l'utilisation de produits chimiques qui tueront d'autres espèces marines, y compris les homards. Et on vous demande de leur faire confiance.

En 2013, Environnement Canada a déterminé que la plus grande entreprise d'élevage de saumon en enclos ouverts du Canada atlantique avait acheté 79 gallons d'un produit à base de cyperméthrine, une substance illégale au Canada, et qu'elle l'avait utilisé pour lutter contre le pou du saumon dans ses exploitations au Nouveau-Brunswick en 2009 et en 2010. En avril 2013, le Bangor Daily News a écrit que le porte-parole de l'entreprise affirmait que l'entreprise ne disposait d'aucun produit efficace et que c'était un problème. Je présume donc que c'est une bonne excuse. L'entreprise a payé une amende de 500 000 $.

Les intervenants de l'industrie des enclos ouverts semblent être d'avis que l'unique rôle des règlements en matière d'aquaculture est d'appuyer sa croissance non encadrée. Ce n'est pas difficile d'avoir une telle opinion lorsque la ministre fédérale des Pêches appelle ces entreprises ses clients. L'autoréglementation est aussi présentée comme étant une option viable. On pourrait faire valoir, après tout, qu'elle permettrait au gouvernement d'épargner de l'argent.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande quelle punition correspond au crime. Dans un cas comme celui des baux de St. Mary's Bay, avec 2 millions de poissons et un taux de mortalité de 25 p. 100, l'entreprise peut toujours espérer générer 450 millions de dollars après 18 mois, car c'est la période requise pour faire croître le poisson à la taille du marché. Dans ce cas, une amende de 500 000 $ ne semble pas engendrer un effet très dissuasif.

Au cours des cinq dernières années, on a dit aux membres de la SMBCA et à d'autres groupes communautaires de la Nouvelle-Écosse que les gouvernements examinaient seulement des faits. Ce qui est intéressant, c'est qu'on a mentionné cela dans le groupe de témoins précédent. Avec tout le respect que je vous dois, mesdames et messieurs les sénateurs, les faits sont difficiles à trouver. En 2010, au cours d'une réunion publique avec les représentants des gouvernements provinciaux et du gouvernement fédéral, avant l'approbation des baux de St. Mary's Bay, on nous a demandé de présenter nos questions par écrit, et on nous a dit que nous recevrions des réponses par écrit. C'était en 2010. Nous attendons toujours. Nous n'avons reçu aucune réponse.

Lorsque, par l'entremise de demandes d'accès à l'information, nous avons tenté d'obtenir des renseignements sur des problèmes liés aux maladies et aux poissons qui s'échappent, on nous a généralement répondu que ces renseignements ne pouvaient pas être rendus publics, car ils étaient confidentiels et leur divulgation pourrait avoir des effets négatifs sur les finances de l'entreprise visée. Quand nous racontons au gouvernement ce que nos pêcheurs voient lorsqu'ils naviguent près de ces sites, on nous répond qu'il s'agit de renseignements anecdotiques et que le gouvernement examine seulement les faits. Mesdames et messieurs les sénateurs, comment pouvons-nous, de façon réaliste, espérer obtenir des faits lorsqu'on nous les refuse? Nous sommes systématiquement défavorisés.

Enfin, je parlerai des interprétations tendancieuses dans les relations publiques. L'industrie des enclos ouverts est caractérisée par les interprétations tendancieuses de la réalité. Après tout, les parcs d'engraissement sont durables. Aucun poisson ne s'en échappe, et ils ne présentent aucune menace au saumon sauvage, les homards se multiplient autour des parcs d'engraissement, l'AIS est présent naturellement et nous ne devrions pas nous inquiéter au sujet de ses effets sur notre santé ou sur celle des stocks de poissons sauvages, nous ne devrions pas nous inquiéter au sujet des pesticides et des antibiotiques, il y a de nombreux emplois très bien payés, et cetera, et ceux qui s'opposent aux parcs d'engraissement sont des amoureux de la nature, des rabat-joie et des militants — et selon les témoins du groupe précédent, j'ajoute maintenant « pirates » à cette liste — avec des fonds illimités. Étant donné les sommes à la disposition de cette industrie, c'est-à-dire ses propres fonds et ceux qui lui sont fournis par le gouvernement, nous savons qui aura le dernier mot.

Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous demande de mener un examen approfondi des pratiques de cette industrie. Les collectivités, les pêcheurs, les Premières Nations, les consommateurs, les chefs et M. Cohen ne peuvent pas tous se tromper. Et maintenant, il y a l'ALENA.

Je vous remercie de votre temps. J'ai hâte de répondre à vos questions.

Le président : Monsieur Purcell?

Carl Purcell, membre, Nova Scotia Salmon Association : Monsieur le président, mesdames et messieurs les sénateurs, au nom de la Nova Scotia Salmon Association, je vous remercie de me permettre de vous livrer cet exposé au nom de l'association.

Les membres de la Nova Scotia Salmon Association croient que toutes les formes d'aquaculture sont nécessaires dans la société d'aujourd'hui et qu'elles joueront un rôle encore plus important, à l'avenir, pour contribuer à approvisionner les populations en nourriture.

Mais, et c'est un gros « mais », nous ne pouvons pas appuyer la méthode d'aquaculture actuelle en enclos ouverts en milieu marin telle qu'elle est pratiquée en Nouvelle-Écosse et au Canada atlantique. La méthode utilisée est envahissante; elle n'est pas respectueuse de l'environnement du milieu marin. Si on veut conserver l'aquaculture en enclos ouverts, on doit changer des choses ou nous serons de retour prochainement. C'est une méthode envahissante.

La raison du rejet de la méthode actuelle se fonde sur des préoccupations liées aux poissons qui s'échappent, à la pollution génétique des stocks de saumons sauvages, aux pesticides, au pou du poisson, aux maladies et, comme vous l'avez déjà entendu, aux résidus de fond ou à l'encrassement.

Les membres de la NSSA sont également d'avis qu'on n'a pas suffisamment appuyé l'aquaculture en enclos fermés et terrestres. Il n'y a eu aucune reddition de comptes réelle entre les deux méthodes d'aquaculture. C'est ce dont on a besoin. Et nous sommes contre l'adoption d'une loi environnementale. D'après ce que je comprends, l'industrie souhaite ardemment qu'on adopte une loi environnementale. Ce serait une très mauvaise chose; l'océan est inextricablement lié aux poissons et il doit continuer d'être visé par la Loi sur les pêches.

En 2010, l'Organisation pour la conservation du Saumon de l'Atlantique Nord a attribué au Canada une note sous la note de passage en ce qui concerne l'aquaculture du poisson en raison du pou du poisson et des pesticides. Cela n'a pas été réglé.

J'aimerais parler brièvement des poissons qui s'échappent. Un témoin du groupe précédent a mentionné que l'aquaculture n'a joué aucun rôle dans l'effondrement des stocks de saumons atlantiques sauvages. Je n'en suis pas convaincue. Prenons l'exemple de l'intérieur de la baie de Fundy. Autrefois, 40 000 saumons atlantiques sauvages vivaient à l'intérieur de la baie de Fundy. Maintenant, il y en a moins de 200. Il n'y a aucune preuve scientifique, mais il y a de nombreuses coïncidences dans ce cas-ci. En effet, en 1986, l'industrie de l'aquaculture a créé un très grand nombre de nouveaux sites, et cetera, à l'intérieur de la baie de Fundy. C'est également l'époque à laquelle le nombre de saumons atlantiques sauvages a commencé à diminuer. En 2011, il y avait plus de 200 000 saumons d'élevage à l'intérieur de la baie de Fundy, comparativement à 40 000 saumons atlantiques sauvages, c'est-à-dire un ratio de cinq pour un.

La rivière Magaguadavic, au Nouveau-Brunswick, est la rivière où l'on trouve la majorité des poissons qui s'échappent. À une certaine époque, la rivière comptait 800 saumons sauvages. Maintenant, elle contient moins de 12 saumons sauvages. Il y a un problème. En 2013, on n'a signalé aucun poisson échappé, mais tout à coup, 80 poissons d'élevage sont apparus dans le système de la rivière Magaguadavic. D'où sont-ils venus? Les représentants de l'industrie ont répondu qu'ils étaient tous de tailles différentes. C'est possible. S'ils étaient de tailles différentes, il y a donc un problème. S'ils ont des tailles différentes, c'est qu'ils provenaient de différents sites et de différents enclos. L'industrie ne contrôle pas le nombre de poissons qui s'échappent.

J'ai mentionné les maladies. D'autres témoins du groupe précédent les ont également mentionnées. L'AIS a toujours été présent à l'état sauvage. A-t-on signalé qu'il avait des effets négatifs sur le saumon sauvage? Non. Un saumon sauvage attrape l'AIS, il ralentit, il meurt ou il est dévoré par un autre poisson. Lorsque 500 000 poissons se retrouvent dans un environnement clos, si un poisson devient malade, tous les poissons le deviennent aussi. Plus de 90 % des autres poissons seront probablement touchés par l'AIS. De 1996 à 2006, plus de 75 millions de dollars ont été versés par les contribuables canadiens pour lutter contre l'AIS. De 1996 à 2004, plus de 6 millions de poissons d'élevage ont été détruits. L'industrie gagne dans tous les cas. Pourquoi adopter de bonnes pratiques d'élevage? Si votre poisson se rend sur le marché, vous faites un gros profit. S'il ne se rend pas sur le marché, le gouvernement vous donne un chèque. Cela ne peut pas continuer.

Je vais maintenant parler du pou du poisson. Le saumon sauvage et le pou du poisson ont toujours vécu dans le même milieu. On a déjà dit que le saumon sauvage avait détruit l'industrie aquacole. Ce n'est pas le cas. Le saumon sauvage et le pou du poisson ont toujours été là. Ce qui se passe, c'est que lorsque 500 000 poissons se trouvent dans une petite zone, il y a des poux du poisson, qui transmettront des maladies, mortelles ou non. S'il y a huit poux sur un saumoneau, il mourra.

En ce qui concerne les pesticides, en 2010, le sous-ministre a dit que les pêcheurs du Nouveau-Brunswick, les aquaculteurs, faisaient face à un problème et que le pou du poisson avait développé une tolérance au Slice. Ils ont utilisé de la cyperméthrine. Nous savons ce qui s'est passé. On l'a dit un peu plus tôt. Par la suite, nous avons essayé l'AlphaMax. Les pesticides n'ont des effets négatifs que sur le poisson d'aquaculture et non sur le saumon sauvage. Le saumon sauvage et le pou du poisson vivent en harmonie depuis de nombreuses années.

Je ne parlerai pas de la pollution, car M. Lamont en a déjà parlé. Je vais donc m'arrêter ici pour l'instant.

Merci, monsieur le président.

Le président : Madame Fuller?

Susanna Fuller, coordonnatrice de la conservation marine, Ecology Action Centre : Je vous remercie de me donner l'occasion de comparaître devant vous. Je vais moi aussi faire en sorte de ne pas répéter ce que mes collègues ont déjà dit.

Pour que vous compreniez l'origine de mon opinion, je vais vous donner un aperçu de mon parcours. Je travaille pour l'Ecology Action Centre. J'ai un doctorat en biologie marine, spécialisé en écologie benthique, le plancher océanique. Récemment, j'ai agi à titre de commissaire à la commission Ivany, qui s'est déplacée partout en Nouvelle- Écosse pour essayer de changer la conception qu'ont les Néo-Écossais de notre économie et de vraiment relever les défis qu'ont non seulement la Nouvelle-Écosse, mais également tout le Canada atlantique, concernant notre population et le besoin de croissance économique.

Je veux souligner l'importance d'assurer, dans le cadre du processus, un développement économique durable, l'excellence des cadres d'application des règlements, la participation et les consultations publiques et la planification économique dans les industries des ressources naturelles. Il y a des normes environnementales élevées à respecter.

Je voulais seulement vous donner un aperçu de ce qui guide mon point de vue.

Je pense que si l'on s'oppose à la pisciculture en parc en filet, c'est en grande partie parce que dans le Canada atlantique et en Nouvelle-Écosse, nous avons vu les répercussions qu'ont les mauvaises pratiques de gestion sur notre écosystème marin. Nous avons vu quelles étaient les répercussions d'une mauvaise gestion des pêches. Bon nombre de nos collectivités les vivent chaque jour. Elles ne tolèrent plus ce type de mauvaise gestion et je pense que c'est pourquoi nous demandons l'adoption de normes environnementales plus rigoureuses, surtout pour le milieu marin, qui est une ressource publique. Comme l'a dit M. Grant tout à l'heure, il ne s'agit pas d'une terre privée. Il ne s'agit pas de terres privées, et ce qui se passe dans le domaine public devrait faire l'objet d'un examen approfondi, mais cela demande la participation du public. Je crois que c'est le cas à cet égard, car autrement, votre comité sénatorial n'examinerait pas la question.

Il y a beaucoup de méfiance. Je pense que c'est en raison de l'inapplication du cadre réglementaire que nous avons, des modifications apportées à la Loi sur les pêches au cours de la dernière année, le fait que les parcs en filet n'ont plus à faire l'objet d'une évaluation environnementale, et il n'y a plus de processus de consultation publique. Le Canada n'a pas réussi à mettre en œuvre sa Loi sur les océans pour ce qui est de la planification marine intégrée, et nous sommes donc bien en retard sur d'autres pays lorsqu'il s'agit d'examiner la façon dont nous gérons nos ressources et nos industries dans l'océan.

Je dirais que l'un des problèmes — et je ne parle vraiment que des répercussions de la pisciculture en parc en filet, et je crois que la conchyliculture et l'élevage en parc clos nous offrent beaucoup de possibilités —, c'est qu'essentiellement, nous avons trahi la confiance du public à cet égard. Mes collègues en ont mentionné plusieurs — qu'il s'agisse d'une cause devant les tribunaux —, soit utiliser des pesticides, ne pas traiter les effluents, le genre de choses qui, comme nous le savons, sont mauvaises pour le milieu terrestre, mais que nous acceptons dans le milieu marin.

Je vais parler brièvement d'économie, car nos collectivités côtières ont besoin d'emplois. Je ne crois pas que nous réfléchissons assez souvent au type d'emplois et d'industries qui fourniront suffisamment d'emplois et de bons emplois. Il y a environ un an et demi — il se peut que les statistiques ne soient pas tout à fait à jour —, notre organisme a fait une comparaison entre les emplois créés par million de dollars de revenus de différentes industries côtières. Nous nous sommes concentrés surtout sur la Nouvelle-Écosse, mais nous avons des statistiques d'autres provinces. Ainsi, l'ensemble du secteur aquacole de la Nouvelle-Écosse compte 13,2 emplois à temps plein et à temps partiel par million de dollars. L'aquaculture en parc en filet n'en compte que 6,7, et la conchyliculture, seulement 82,4. La pêche à la ligne sur la rivière Margaree inclut 28 emplois par million de dollars. La pêche à la ligne, qui est de la pêche récréative, sur la rivière Exploits compte 35,5 emplois par million de dollars. Je crois que le sénateur McInnis a parlé de la valeur de la pêche récréative pour l'économie canadienne. En Nouvelle-Écosse, la pêche au homard représente 12,5 emplois par million de dollars et le tourisme, 26,7. C'est dans la pisciculture en parc en filet que les chiffres sont les plus faibles.

Ainsi, si notre but est de faire en sorte que nos collectivités soient résilientes et durables, il nous faut un portrait beaucoup plus global de ce que nous subventionnons, promouvons, et des recherches que nous faisons pour promouvoir nos collectivités côtières et nous assurer qu'elles continuent d'exister.

Je ne parlerai pas beaucoup des activités scientifiques, mais je veux souligner quelques aspects qui préoccupent l'Ecology Action Centre. Nous sommes conscients des répercussions de l'aquaculture en parc en filet et du fait que les coûts externes de ces activités sont subis surtout par l'écosystème dans lequel les activités aquacoles ont lieu. Dans diverses industries, nous remarquons de plus en plus que les pratiques environnementales s'améliorent, qu'il y a la certification, et que des entreprises sont très conscientes des répercussions qu'ont leurs activités sur l'environnement.

J'ai participé au Sommet de Rio+20 qui a eu lieu au Brésil il y a deux ans, et 500 entreprises dans le monde étaient déterminées à améliorer leurs pratiques environnementales. Aucune d'entre elles n'était des entreprises aquacoles à l'époque. Des recherches récentes indiquent que le saumon de l'Atlantique se reproduit dans les rivières de saumons sauvages en Colombie-Britannique, comme l'a dit M. Purcell. Nous connaissons les conséquences qu'ont les infestations de poux du poisson sur les populations migratrices de saumons. À l'heure actuelle, on fait des recherches sur le fait que des lieux inexploités de Nouvelle-Écosse ne sont pas capables de se rétablir de la pisciculture; elles ne sont pas réalisées par le gouvernement ou nécessairement par des universitaires, mais bien par des collectivités qui veulent avoir des données à tout prix. Je pense que c'est un élément vraiment essentiel.

Comme l'a dit M. Patterson, nous ne pouvons pas avoir l'information, et les collectivités ne peuvent pas obtenir les données. On devrait absolument pouvoir obtenir des données sur une ressource publique. Nous sommes capables de le faire lorsqu'il s'agit de la gestion des pêches et des populations de poisson sauvage, et il devrait en être de même pour les poissons sur les terres publiques.

Je pense que c'est ce qui résume en grande partie mes observations. J'espère que vous faites un examen scientifique approfondi.

Comme l'ont dit les chercheurs qui faisaient partie d'un groupe de témoins précédent, il y a eu des réductions radicales dans la recherche. Nous envisageons d'apporter des modifications à la réglementation des pesticides et nous avons réduit le financement de toutes les recherches océanographiques sur les toxines dans le milieu marin. Je crois que nous devons vraiment revoir la façon dont nos régimes de réglementation sont soutenus par les connaissances scientifiques et il faut que les décisions soient fondées sur des données probantes. Il nous faut y revenir. J'en suis profondément convaincue, surtout pour quelque chose qui est du domaine public.

Je m'arrête ici.

Le président : Je vous remercie tous.

Nous allons commencer à poser des questions aux témoins, et c'est le sénateur Wells qui commence.

Le sénateur Wells : Je remercie nos témoins de leurs exposés et de leur présence.

Madame Patterson, estimez-vous que les règlements ne seront jamais assez rigoureux pour dissiper vos préoccupations?

Mme Patterson : Je crois que c'est le cas, compte tenu de l'importance des activités aquacoles en Nouvelle-Écosse en ce moment. Pour ce qui est des parcs en filet, des terrains d'élevage, oui.

Le sénateur Wells : Est-ce le cas pour toutes les espèces?

Mme Patterson : C'est certainement le cas pour le saumon et la truite; nous ne parlons certainement pas de la conchyliculture.

Le sénateur Wells : Et vous ne parlez pas non plus des filtreurs, par exemple.

Mme Patterson : Non.

Le sénateur Wells : Monsieur Lamont, vous travaillez dans l'industrie du homard et je comprends que vous êtes un exportateur. Avez-vous remarqué un changement dans la biomasse dans le secteur où vous menez vos activités s'il y a des sites aquacoles, là-bas?

M. Lamont : Nous avons remarqué des déplacements inquiétants. S'il y a une pisciculture, une exploitation en parcs en filet, dans une collectivité, au fil du temps, les homards qui se trouvaient à cet endroit se déplacent ailleurs. Nous n'avons pas assez de rapports sur ce qui s'est passé exactement, mais le facteur de déplacement est manifeste. Les pêcheurs des différentes collectivités pourraient vous en parler amplement.

Le sénateur Wells : Certaines personnes nous ont dit le contraire. Je ne sais même pas s'il s'agissait d'une opinion, car leur taux de prise est davantage un fait qu'une opinion ou une conjecture. Je voulais seulement souligner que de toute évidence, les points de vue divergent à cet égard.

M. Lamont : Oui, et j'aimerais dire quelque chose. Nous ne sommes pas très bons pour ce qui est de la causalité. Nous observons une augmentation des taux de prise, le nombre important de piscicultures en parc en filet, et nous nous disons « eh bien, les piscicultures doivent être utiles pour les stocks de homard ». C'est tout le contraire. Au cours des 10 dernières années, la biomasse des homards a augmenté de façon incroyable. Au Canada et aux États-Unis, elle a doublé. Habituellement, nous pêchions 150 millions de livres de homards par année, alors que maintenant, nous en pêchons plus de 300 millions. Toutefois, nous n'avons pas analysé la causalité, et il est tout à fait correct de dire que les prises effectuées près des piscicultures ont augmenté, car elles sont à la hausse partout, mais la capture, la biomasse du homard, s'est déplacée considérablement.

Ce que nous ignorons complètement, c'est le taux de mortalité chez les homards qui résulte des traitements contre le pou et d'autres toxines. Ainsi, nous ferions mieux de faire une étude approfondie à cet égard avant de tirer ce type de conclusions.

Le sénateur Munson : Je vous remercie beaucoup de votre présence.

Je ne comprends plus rien maintenant. Nous examinons la question depuis trois ou quatre jours — d'abord à Terre- Neuve-et-Labrador et maintenant ici —, et nous entendons des témoignages de chercheurs brillants, et de l'Université Dalhousie, et nous entendons un discours passionné sur les raisons pour lesquelles ces choses ne reposent peut-être pas vraiment sur des données scientifiques. Le train a déjà quitté la gare. J'imagine que le poisson a quitté le parc. Je me réjouis que nous ayons ce débat, et j'ai quelques questions.

Certains d'entre vous proposent-ils la fermeture complète des activités piscicoles en parc en filet au Canada atlantique? Est-ce que c'est ce que vous nous dites?

M. Lamont : Il y a deux ans, 116 organismes de la région ont demandé un moratoire : plus de nouvelles piscicultures en parc en filet tant que nous n'avons pas évalué les répercussions environnementales, économiques et sociales. C'est ce que nous réclamons, et la plupart d'entre nous répètent cette demande aujourd'hui.

Mme Patterson : Je vais ajouter quelque chose. À maintes reprises nous avons demandé qu'on nous indique où cela fonctionne et où cela n'a pas causé de maladie. Sénateur Munson, je vous recommande de lire un très bon article du Telegram de St. John's — c'est incroyable — qui porte sur ce qui s'est passé à Terre-Neuve cette année et sur ce qui se passe depuis à peu près un an ou deux concernant les sites d'aquaculture. Le fait est qu'on ne trouve aucun exemple de bonnes exploitations en parc en filet. S'il y en a, quelqu'un doit nous indiquer où elles se trouvent, car nous n'en trouvons pas. Nous n'en connaissons pas, et c'est la même chose ailleurs. Il suffit d'aller en Écosse et en Norvège.

L'entreprise qui a acheté Cooke Aquaculture récemment n'a pas réussi, pour l'essentiel — je suis sûr qu'on me corrigera si je me trompe —, en raison de l'AIS. Prenez ce qui s'est passé au Chili. Il s'agit d'un problème cyclique; il se répète constamment.

En ce qui concerne la question des emplois, dans ma collectivité, comme dans bien d'autres, nous estimons que nous mettons des espèces en danger, dans ce cas, le homard, qui est d'une importance vitale pour la collectivité dans laquelle je vis. De plus, il ne suffit que d'un cas de homard, dans la baie Sainte-Marie, pour que nos collectivités soient détruites. D'autres collectivités du pays le vivent. Toutefois, c'est ce qui se produira d'après ce que Mme Stewart-Clark vous a dit sur la situation en Chine et ailleurs : nous avons besoin d'offrir les meilleurs homards au monde. La traçabilité est une bonne chose tant que nous avons de l'eau propre. Cependant, dès qu'on constate un problème chez un homard, il sera impossible de le vendre.

Le sénateur Munson : J'ai vécu en Chine pendant cinq ans, et ce que vous dites est inquiétant.

Je veux seulement avoir votre point de vue sur les exploitations mytilicoles, et cetera. Vous opposez-vous à celles-là aussi, ou vos recherches vous indiquent qu'elles sont sécuritaires? Vous dites que vous êtes pour une certaine forme d'aquaculture, mais pas pour les exploitations en parc en filet. Qu'en est-il des moules, par exemple?

M. Purcell : C'est au sujet des poissons que nous avons des préoccupations.

Le sénateur Munson : Oui.

M. Purcell : Je n'en sais pas beaucoup sur les exploitations mytilicoles, et ce type de choses. J'ai été membre du groupe consultatif et également de la table ronde, et on a soulevé la question des mollusques et crustacés, mais ce qui a causé le plus de controverse, c'est la pisciculture.

Le sénateur Munson : Monsieur Lamont, vous nous avez incités à ne pas participer aux visites guidées, mais nous l'avons fait et c'était intéressant à voir. Qu'êtes-vous en train de nous dire? Si j'étais détective et que j'allais dans une de ces collectivités où il y a des parcs en filet en pleine nuit, que verrais-je de différent de ce que j'ai vu jusqu'à maintenant? On parle de caméras au-dessous de l'eau, et ainsi de suite, et nous n'avons certainement rien vu de tel, mais qu'est-ce qui pourrait éclairer ma lanterne et celle du comité sur l'ensemble du débat et de la conversation que nous avons?

M. Lamont : J'aimerais saisir l'occasion pour vous faire parvenir ce que vous pourriez voir justement. Certains de nos collègues sont dans des collectivités de la province et filment, et je n'irais pas jusqu'à dire qu'ils le font 24 heures par jour, mais ils obtiennent de l'information sur ce qui se passe dans une exploitation piscicole pendant la semaine. Nous pouvons vous le montrer sur papier. Des pratiques d'alimentation sont suspectes; l'accumulation de pollution environnementale est tout simplement répréhensible; et la réglementation en vigueur n'est pas appliquée sérieusement. Dans la collectivité, nous n'avons pas la capacité d'appliquer ce qui devrait s'appliquer. Certains parcs en filet dépassent la taille légale. Ils poussent dans l'eau de façon mystérieuse. Aucun organisme de contrôle n'est présent pour vérifier la taille, et cetera.

Pour aider le comité, nous pouvons donc vous faire parvenir des preuves documentaires sur le type de choses qui se produisent dans des exploitations en parc en filet de la province.

Le sénateur Munson : Je vous en remercie. Cela pourrait être utile.

Lorsqu'on entend le mot « pesticide » — je viens de me joindre au comité —, normalement, on pense à la pelouse devant la maison. Bien entendu, mon fils m'a dit que nous devons utiliser des produits biologiques, et cetera, et c'est ce que nous avons fait, même s'ils coûtaient plus cher, et les pissenlits meurent. Que contiennent ces pesticides? J'aimerais seulement comprendre l'ensemble du processus.

Mme Fuller : Vous voulez savoir pourquoi on l'utilise?

Le sénateur Munson : Oui, mais pas seulement ça.

Mme Fuller : C'est un traitement contre le pou du poisson. Le pesticide tue les crustacés, et comme le pou du poisson est un crustacé, il permet de se débarrasser de cette bestiole. En fait, je ne devrais pas dire bestiole, car c'est un genre de crustacé.

Il y a deux problèmes. Le premier, c'est qu'on ne sait pas où ces pesticides aboutissent, car on a cessé de les suivre à la trace.

En fait, il y a trois problèmes. La larve du homard est essentiellement identique au pou du poisson à l'état larvaire. C'est la même chose. Il y a donc des larves de homard dans la colonne d'eau et elles ne survivent pas aux grandes quantités de pesticides qui sont utilisées.

Le troisième problème serait l'accumulation de ces toxines et de ces pesticides dans les sédiments. Je crois qu'il y a un comité interne à Environnement Canada qui s'emploie à évaluer l'ampleur de cette accumulation, et il serait peut-être intéressant que vous voyiez leurs résultats. Ils mesurent la durée d'activité de ces toxines dans les sédiments.

Le pou du poisson est problématique et c'est sans doute ce qui explique la baisse de 40 à 50 p. 100 de la production au Nouveau-Brunswick. C'est dans ce contexte que l'on a essayé d'utiliser des pesticides illégaux pour enrayer ce parasite. Toutes les fois qu'il y a une grande quantité d'animaux quelque part et qu'il y a infestation de ravageurs, il faut essayer de faire quelque chose en appliquant un traitement.

Malheureusement, lorsqu'on utilise des pesticides dans un environnement marin, un environnement aqueux, ils se dispersent et on ne peut en connaître les répercussions. On ne fait pas d'études à ce sujet. On avait ouvert un nouveau laboratoire sur les produits toxiques à St. Andrews au Nouveau-Brunswick, mais il a maintenant fermé ses portes et aucun financement n'est affecté à ce type de recherche.

M. Purcell : Il y a encore deux ou trois ans, on ne connaissait pas la période d'activité de ces produits chimiques dans l'environnement marin, dans la colonne d'eau. Combien de temps y restent-ils? Où s'en vont-ils par la suite? Quels sont leurs effets sur les autres systèmes de poissons et de crustacés? Nous l'ignorons.

Mme Patterson : C'est ce qu'on appelle l'antibiose.

M. Purcell : Effectivement.

Le sénateur McInnis : Merci de votre présence aujourd'hui. Vous nous présentez un point de vue fort intéressant qui diverge totalement de celui d'autres témoins que nous avons entendus.

J'aimerais maintenant avoir votre opinion sur certains autres enjeux. Les témoins qui vous ont précédés nous ont dit essentiellement qu'il fallait accroître considérablement les activités de recherche et d'enquête. Si vous étiez déjà présents, vous les avez entendus notamment nous parler des effets sur le saumon sauvage. Ils nous ont toutefois indiqué que l'aquaculture marine pourrait suivre son cours parallèlement à ces recherches. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Il y a un autre aspect que je vous suis reconnaissant d'avoir abordé, car nous n'en n'avons pas beaucoup débattu. Le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes a indiqué que bien qu'il soit possible d'élever du saumon en parcs clos, ce n'est pas nécessairement viable du point de vue économique. Le gouvernement fédéral a alors affirmé que cette activité n'était rentable que pour les espèces dans des créneaux haut de gamme comme le saumon juvénile, la dorade royale ou le flétan. J'aimerais connaître votre point de vue à ce sujet et concernant les risques pour le milieu maritime et tous autres problèmes associés selon vous à l'élevage en parcs clos, ainsi que les mesures à prendre.

J'aimerais aussi que vous nous disiez si vous considérez qu'il y a stagnation, comme je pense que c'est le cas, dans le développement de l'aquaculture en cages en filet dans le milieu marin au Canada, et si vous connaissez les raisons qui expliqueraient cette stagnation.

Monsieur Purcell, vous étiez membre du groupe qui a parcouru la province pour consulter les gens au sujet du nouveau règlement que l'on s'apprête à mettre en œuvre, et j'aimerais que vous nous indiquiez, sans révéler le contenu des consultations, car vous ne pouvez pas savoir ce qui en ressortira, si cet exercice en valait le coup et s'il pourrait même se révéler éventuellement profitable. Alors, j'aimerais savoir ce que vous pensez de ces différentes questions.

Le président : Plusieurs questions ont été posées. Est-ce que l'un d'entre vous souhaite commencer à y répondre?

M. Purcell : Comme c'est la dernière dont je me souviens le mieux, je devais débuter par celle-là.

Un total de 42 séances de consultation ont été tenues dans 22 emplacements de la province. Seuls des gens directement concernés y ont assisté. J'ai participé à 22 de ces 42 séances et j'ai pris note des commentaires formulés. La plupart des intervenants étaient préoccupés par les activités d'aquaculture du poisson dans leur forme actuelle. Ce fut un exercice fort utile. Je pense que les deux membres du groupe d'étude ont prêté une oreille attentive aux différentes interventions. J'estime que les discussions en table ronde, un élément que je considérais essentiel, ont sans doute été encore plus révélatrices. De nombreuses observations ont été formulées à l'occasion de ces discussions et bien des propositions ont été mises de l'avant. On peut espérer que ces discussions ont été assez approfondies pour permettre aux membres du groupe de savoir vraiment à quoi s'en tenir.

Je n'étais pas pleinement satisfait, car étant donné la diversité dans la composition du comité consultatif, nous n'avons pu vraiment entrer dans les détails. C'est comme si nous avions décapé les murs de la maison, mais sans pouvoir les repeindre. Il y aurait encore beaucoup à faire. Nous n'avons pas par exemple tellement traité de l'aquaculture terrestre en parcs clos. Nous sommes un peu passés à côté. Nous avons ainsi abordé la question des sites d'élevage, mais nous ne sommes pas entrés dans le vif du sujet. Je crois tout de même que nous avons pu recueillir suffisamment d'information pour que les deux membres du groupe d'étude puissent amorcer leur travail sur des bases solides.

Mme Fuller : J'essaie de me souvenir de toutes les questions que vous avez posées.

Si l'élevage en parcs clos est plus coûteux que les systèmes en cages à filet, c'est parce qu'il faut payer pour des services qui sont fournis naturellement par l'écosystème dans le cas des enclos ouverts. Il faut en effet payer pour l'élimination des déchets, comme ce serait le cas pour n'importe quelle exploitation agricole terrestre, ainsi que pour l'éclairage et la qualité de l'air. Cela permet toutefois un bien meilleur contrôle de l'environnement. On peut ainsi contrôler la température, la quantité d'oxygène et différents autres éléments qui échappent à notre maîtrise dans le milieu marin. C'est toutefois nécessairement plus coûteux, notamment pour l'infrastructure. Il faut bien évidemment recréer l'environnement marin sur terre. Cela vous donne toutefois un environnement beaucoup mieux contrôlé. J'ajouterais que la demande sur le marché est actuellement beaucoup plus forte pour les produits de l'élevage en parcs clos, notamment parce que les consommateurs s'inquiètent des répercussions de l'aquaculture en cages à filet.

Pour ce qui est d'une possible stagnation de l'aquaculture du saumon au Canada, il faut dire qu'elle suscite une vaste opposition publique sur les deux côtes. Sur la côte Ouest tout particulièrement, on s'inquiète des interactions avec le saumon sauvage, ce qui a donné lieu à un moratoire sur les élevages dans la péninsule de Broughton.

Ici, au Canada atlantique, l'anémie infectieuse du saumon a décimé des exploitations à répétition. Nous avons pu l'observer dans les années 1990 au Nouveau-Brunswick où toutes les exploitations aquacoles ont été ravagées par l'AIS avant d'être rachetées progressivement. Il est possible de prospérer dans cette industrie uniquement si l'entreprise est suffisamment grande pour pouvoir continuer la production au Nouveau-Brunswick lorsque l'AIS affecte ses élevages au Chili, ou encore en Nouvelle-Écosse si ses installations de Terre-Neuve sont touchées. D'un point de vue financier, c'est la seule façon possible de fonctionner. Il suffit de penser à une infestation du pou du saumon qui devient incontrôlable. Si vous n'avez pas suffisamment de volume de production et de biomasse, vous ne pouvez survivre à ces maladies et à ces infestations. Je dirais que l'industrie doit en partie sa survie aux compensations financières obtenues de l'ACIA. C'était le cas dans le passé, mais l'ACIA a interrompu son aide à la suite des infestations, parce que cela n'est pas rentable.

M. Lamont : Vous avez d'excellentes questions, sénateur. Peut-être puis-je essayer de répondre brièvement à chacune d'elles.

Les témoins du groupe précédent ont certes indiqué que, malgré la nécessité de poursuivre les recherches scientifiques, nous devrions continuer nos activités sans craindre les risques. Nous devrions poursuivre l'aquaculture en filets à cage et en faire la promotion pour qu'elle atteigne son plein développement. Je n'irai pas par quatre chemins : je pense que nous devons adopter l'approche tout à fait opposée. Comme principe de précaution, je recommanderais qu'en présence d'un ensemble de circonstances dont on n'est pas certain des aboutissements et des répercussions, plutôt que de vouloir développer davantage le modèle d'exploitation, il vaut mieux marquer une pause pour analyser la situation. Nous vous avons indiqué à quel point le Canada pouvait traîner de l'arrière par rapport à d'autres pays. Ce retard nous offre une occasion extraordinaire. Nous avons la chance de faire les choses de la bonne manière. L'industrie du Canada atlantique, de la Nouvelle-Écosse, pourrait se hisser parmi les chefs de file mondiaux en matière d'aquaculture responsable et durable, mais nous devons pour ce faire prendre du recul et analyser les choses.

Par ailleurs, je crois que nous devrions être très prudents pour ce qui est de la recherche exclusive financée en tout ou en partie par des intérêts privés. Si les conclusions d'une recherche scientifique peuvent procurer un avantage financier ou matériel à une entreprise, il faut vraiment s'interroger sur les mérites de l'exercice et les perceptions qui s'en dégagent. À mon sens, nous plaçons l'Université Dalhousie dans une situation de conflit d'intérêts majeur en lui demandant de travailler en partenariat avec le CRSNG et Cooke pour un projet bénéficiant d'un financement de 1,5 million ou 2 millions de dollars en vue de déterminer les impacts de l'aquaculture. L'université ne devrait pas se retrouver dans une position semblable.

Pour ce qui est de l'élevage en parc clos, je ne pourrais pas normalement commenter à titre d'expert, mais je peux me le permettre du fait que ce sont des pratiques que je connais bien. En effet, le modèle utilisé pour l'élevage en parc clos du saumon et de la truite est à peu près le même que celui que nous employons actuellement en Nouvelle-Écosse pour le homard vivant. Nous avons des installations de traitement de l'eau nous permettant de conserver le homard dans des conditions optimales pendant une période de six à huit mois dans des installations terrestres à peu près identiques à celles utilisées pour l'aquaculture avec contrôle de la température, de la quantité d'ammoniac et de l'oxygène. Il nous est possible de le faire à un coût raisonnable. Lorsqu'un exploitant soutient que c'est un modèle trop onéreux, c'est donc simplement de la foutaise. Étant donné les volumes possibles pour n'importe quelle espèce élevée en parcs clos sur terre, les coûts ne sont pas incontrôlables. Ils sont assurément très élevés par rapport à l'élevage directement dans l'océan. Si vous voulez vous servir de l'océan comme fosse septique et si c'est votre base de comparaison, il est bien certain que c'est plus onéreux. Mais comme l'indiquait Mme Fuller, les consommateurs sont prêts à payer bien davantage.

Quant à savoir s'il y a stagnation de l'élevage en cages à filet, c'est assurément ce que j'espère. Je m'emploie jour après jour à dénigrer ce modèle pour faire valoir les avantages de l'aquaculture en parcs clos. Mais je ne pourrais l'affirmer sans crainte de me tromper. Je pense que ce sont les consommateurs qui décideront. J'ai ici une publicité de la chaîne Farm Boy en Ontario où on vante les mérites du saumon élevé en cages à filet. Il faut d'abord noter que l'on dit qu'il s'agit d'un saumon écologique, ce qu'on ne peut absolument pas affirmer en toute objectivité suivant des normes raisonnables. Je n'ai rien contre la famille Ingalls de Letang au Nouveau-Brunswick, mais lorsqu'elle nous dit que son saumon écologique est une bonne prise, je ne sais pas trop ce que je dois penser. On ajoute pourtant que le saumon est tiré des eaux froides de l'Atlantique, qu'il a la certification DAP et que sa fraîcheur est garantie. Le consommateur qui voit cette publicité n'a aucune idée de ce qu'il s'apprête à manger. On n'indique nulle part que c'est le produit d'un élevage; on ne mentionne à aucun endroit qu'il a pu être traité avec des pesticides; on ne dit rien des risques d'infestation par l'AIS. À maintes reprises au cours des deux ou trois dernières années, j'ai invité des politiciens, des hauts fonctionnaires et des gens d'affaires à venir chez moi pour un barbecue mettant à l'honneur l'AIS. « Vous êtes tous conviés ce soir à vivre dangereusement en faisant l'expérience d'un barbecue AIS. » Personne n'a encore accepté l'invitation. Je n'ai pas besoin d'en dire plus long.

Le sénateur McInnis : J'ajouterais seulement que les gens de l'ACIA ont indiqué au comité que c'était comestible pour les êtres humains, mais que les poissons ne pouvaient pas en manger.

Mme Patterson : Je crois plutôt, sénateur, qu'ils ont indiqué, qu'à leur connaissance, ce n'était pas dangereux pour les êtres humains.

Mme Fuller : J'ai une observation à faire au sujet du processus en cours. M. Purcell est membre du comité consultatif pour le groupe d'études Doelle-Lahey en Nouvelle-Écosse, et j'ai participé aux discussions en table ronde. Nous avons effectivement abordé la situation de façon plutôt superficielle, mais il faut tout de même se réjouir du fait que ce très long dialogue a permis de regrouper tous les intéressés et de dégager un terrain d'entente sur un nombre considérable de questions, et notamment sur l'aquaculture des fruits de mer. C'est l'avenir qui nous dira comment les choses vont tourner, mais la loi fédérale sur l'aquaculture qui est réclamée va miner tous les efforts déployés dans les collectivités et par la province pour en arriver à un système de réglementation qui pourrait fort bien être satisfaisant pour l'industrie et les personnes concernées. Je pense que c'est un aspect à prendre en considération lorsqu'on se demande dans quelle mesure le fédéral devrait intervenir. Je dirais que les fortes pressions exercées par l'industrie en faveur d'une loi fédérale visent à éviter les risques de divergence entre les règlements provinciaux. Il faut donc garder cela à l'esprit.

Mme Patterson : J'aimerais revenir à la question du sénateur Wells qui demandait si l'on pourrait fonctionner sans aucune forme de réglementation. Je lui ai dit que non et ma réponse n'a pas changé, mais j'aimerais surtout préciser que le problème vient partiellement du fait que ces règlements — et même ceux en vigueur en Nouvelle-Écosse — ne sont pas mis en application. Étant donné les cinq années que nous avons vécues et la situation que nous pouvons constater au sein de notre communauté, cela devient en quelque sorte une question de confiance. C'est bien beau d'avoir le meilleur règlement au monde, mais il ne sert absolument à rien si on ne l'applique pas et si les contraventions à ce règlement n'entraînent pas de conséquences graves. C'est l'une des choses qui nous préoccupent tout particulièrement.

Je suis désolée si ma réponse précédente a pu vous paraître un peu courte, mais peut-être que vous pouvez maintenant mieux comprendre pourquoi.

Le sénateur Wells : Nul besoin de vous excuser pour la brièveté de votre réponse. En tant que sénateur, je suis à même de comprendre cela.

Je voulais savoir en fait si vous étiez aveuglément catégorique ou si vous étiez frustrée de la manière dont le règlement était appliqué par rapport aux pratiques en usage dans le golfe.

Mme Patterson : C'est malheureusement un peu des deux.

Le sénateur Wells : Très bien.

Mme Patterson : Dans la situation que je vous ai décrite, alors que nous nous efforcions de négocier un accord pour ne pas nous retrouver devant les tribunaux, et que nous avons demandé à la province d'appliquer son propre règlement qui vise à garder le milieu océanique sain et oxique, nous nous sommes fait répondre par les autorités provinciales que cela n'était pas de leur ressort, qu'elles ne pouvaient garantir une telle chose, même si c'est ce que prévoit le règlement. Étant donné l'importance que revêt pour nous tous la santé de l'océan, nous n'avions d'autre choix que de nous retirer du processus.

Tout ça pour vous dire qu'il y a vraiment un manque de confiance envers l'ensemble du régime de réglementation. Je sais que M. Purcell et bien d'autres n'ont pas ménagé leurs efforts dans ce domaine. Très honnêtement, nous ne demandons pas mieux que de croire ceux qui soutiennent que les choses vont s'arranger. Je vais vous dire ce que nous pensions à ce moment-là. Nous avions l'impression que si la province de la Nouvelle-Écosse appliquait vraiment le règlement en vigueur, les cages disparaîtraient sur-le-champ de la baie Sainte-Marie. Nous savons effectivement, à la lumière de tout ce que nous avons pu constater, qu'il serait impossible à ces exploitants de maintenir notamment les conditions oxiques voulues. D'après ce que nous savions des recherches scientifiques menées et de ce qui se faisait ailleurs, nous avions la ferme conviction, et je le crois encore aujourd'hui, que si la Nouvelle-Écosse avait appliqué la réglementation en vigueur, les sites d'aquaculture de la baie Sainte-Marie auraient cessé leurs activités avant même d'atteindre leur pleine capacité de production.

Le sénateur Wells : Il y a donc encore des problèmes liés à l'application et au respect du règlement.

Mme Patterson : Bien sûr.

Le sénateur Wells : Merci pour ces précisions.

Mme Patterson : Et changer les règles, effectivement. Il n'y a aucune activité d'application des règles ou de surveillance. Je peux vous l'assurer. On ne se rend pas sur place pour procéder à des inspections. Il n'y a pas de visites à l'improviste comme le suggérait M. Lamont. C'est l'entreprise qui les transporte jusqu'aux sites visés. Les inspecteurs appellent à l'avance pour dire qu'ils vont venir jeter un coup d'œil. C'est un peu comme lorsque vous invitez de gens à souper à la maison. Vous allez faire un peu de ménage, n'est-ce pas? Eh bien, c'est pas mal la même chose.

Mme Fuller : Selon moi, les efforts en faveur de pratiques plus efficaces et novatrices sont notamment freinés, dans le secteur du saumon tout particulièrement, du fait que les saumoneaux sont vendus par une seule entreprise, tout comme les aliments donnés aux saumons. Ainsi, les petits exploitants doivent faire affaire avec ces fournisseurs uniques, et ne peuvent pas exprimer leur point de vue. Cela complique également l'aquaculture en parcs clos, car il n'est pas rare que les exploitants de ce secteur ne puissent pas se procurer de saumoneaux. Vous devez trouver vous-même où vous approvisionner en saumoneaux, car on ne viendra pas vous en vendre.

J'estime donc que certaines caractéristiques inhérentes à l'industrie, tout au moins dans le Canada atlantique, font en sorte qu'elle ne peut pas devenir bien meilleure qu'elle l'est actuellement et qu'il nous est impossible d'envisager un plus grand développement de l'élevage en parcs clos et d'établir une réglementation s'appuyant sur un ensemble plus révélateur de points de vue étant donné que certains petits exploitants sont à toutes fins utiles réduits au silence.

M. Lamont : Si vous me permettez, monsieur le président, j'aurais une très brève anecdote en provenance de Terre- Neuve.

Le président : Vous prenez une chance, mais il faut vraiment que ce soit bref.

M. Lamont : Je pense bien que cela va vous intéresser.

J'ai une collègue du Conseil canadien du homard qui vient de Harbour Breton, à Terre-Neuve. Elle s'appelle Mildred Skinner. Mildred accorde beaucoup d'importance à sa famille. L'un de ses fils a déménagé à Toronto il y a environ quatre ans parce qu'il n'y avait pas de perspectives d'emploi à Harbour Breton, comme c'est le cas dans bien des régions du Canada atlantique. Lorsqu'une exploitation aquacole, un élevage en cages en filet, a été mise sur pied dans la localité qu'il venait de quitter, son fils a posé sa candidature depuis Toronto. Il a obtenu un poste et a quitté Toronto pour retourner à Terre-Neuve. Vous pouvez vous imaginer comment une mère peut se sentir lorsque son fils qui avait dû déménager pour pouvoir travailler peut maintenant revenir chez lui pour occuper un emploi. Du point de vue familial, on n'aurait pu rêver de mieux.

Malgré qu'elle avait tout lieu de se réjouir du retour de son fils, Mildred Skinner a eu le courage de se lever au Conseil canadien du homard pour dénoncer ce type d'exploitations. Elle a souligné tous les problèmes qui avaient touché différentes exploitations un peu partout à Terre-Neuve. Elle a parlé des taux de mortalité, de l'AIS, des traitements pour le pou du poisson, des eaux anormalement chaudes, du faible niveau d'oxygène et, en fait, de la gestion tout à fait inappropriée de la ressource. En voyant que Mildred Skinner était prête à se lever pour se prononcer en faveur de la fermeture de ces exploitations, malgré le fait que son fils revenait à la maison pour y occuper un emploi, j'ai compris tout ce qu'il y avait à comprendre. Je voulais juste vous permettre de réfléchir à ce sujet.

Le président : Merci, monsieur Lamont. Je connais Mildred Skinner et je connais aussi plutôt bien la localité de Harbour Breton.

Merci de votre présence aujourd'hui. Nous avons été ravis de vous entendre. Lorsque nous avons préparé notre étude sur l'aquaculture en janvier, nous avons décidé de convoquer des témoins directement associés à l'industrie, des chercheurs et des politiciens qui s'intéressent à ce secteur. C'est toujours bon d'entendre des points de vue différents, et cela contribue à alimenter nos débats.

Comme je l'ai dit à plusieurs autres témoins ayant comparu avant vous, s'il y a quoi que ce soit que vous auriez souhaité nous dire et qui ne vous revient à l'esprit que plus tard ou à votre retour à la maison, comme c'est toujours le cas dans des situations semblables, n'hésitez surtout pas à en faire part à notre greffier. Nous devrions présenter notre rapport au Sénat en juin 2015. Nous avons encore beaucoup de pain sur la planche et nous accueillerons certes avec plaisir toute contribution supplémentaire que vous souhaiteriez apporter. Je suis persuadé qu'il y a bien des gens dans l'industrie qui aimeraient que vous soyez aussi tranquilles que le bébé l'a été aujourd'hui.

Bonne fin de journée à tous.

(La séance est levée.)


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