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POFO - Comité permanent

Pêches et océans

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Pêches et des océans

Fascicule 14 - Témoignages du 20 octobre 2014 - réunion du soir


MONCTON, le jeudi 20 novembre 2014

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui, à 18 h 30, pour poursuivre son étude de la réglementation de l'aquaculture, des défis actuels et des perspectives d'avenir de l'industrie au Canada

Le sénateur Fabian Manning (président) occupe le fauteuil.

Le président : Je veux souhaiter la bienvenue à nos invités pour la séance de ce soir. Je m'appelle Fabian Manning, sénateur de Terre-Neuve-et-Labrador, et président du Comité sénatorial permanent des pêches et des océans. Nous nous déplaçons dans différentes régions du pays pour entendre les intervenants de l'industrie aquacole dans le cadre de notre étude des défis et des perspectives de cette industrie. Nous sommes très heureux que vous ayez pris le temps de venir nous rencontrer ce soir.

Avant de commencer, je vais inviter mes collègues à se présenter à tour de rôle, en commençant avec la sénatrice à ma droite.

La sénatrice Poirier : Bonsoir. Sénatrice Poirier, du Nouveau-Brunswick.

La sénatrice Stewart Olsen : Carolyn Stewart Olsen, Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Meredith : Sénateur Meredith, Ontario.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Sénatrice Lovelace, du Nouveau-Brunswick.

Le président : Je crois que vous avez une déclaration préliminaire à nous faire. Les sénateurs vous poseront ensuite leurs questions. Je vous demanderais d'abord de vous présenter.

Dr Steven Backman, vétérinaire en aquaculture, Skretting : Je m'appelle Steve Backman. Je travaille comme vétérinaire pour Skretting et je suis actif dans le secteur de l'aquaculture depuis 1988. Je vais tenter de vous faire part de mes perceptions sur les progrès réalisés par l'industrie au fil des ans et les éléments dont elle a besoin pour poursuivre dans la même veine.

Benjamin Forward, chef, Direction de l'alimentation, des pêches et de l'aquaculture, Conseil de la recherche et de la productivité du Nouveau-Brunswick : Je m'appelle Benjamin Forward et je suis chef de la Direction de l'alimentation, des pêches et de l'aquaculture au Conseil de la recherche et de la productivité du Nouveau-Brunswick (RPC), une agence contractuelle de recherche et développement et un fournisseur de services d'analyse à l'industrie.

Le président : Vous avez la parole.

Dr Backman : Monsieur le président et mesdames et messieurs les sénateurs, je suis honoré de prendre la parole devant vous aujourd'hui. Comme c'est la première fois que je m'adresse à un groupe aussi prestigieux, j'espère faire les choses comme il se doit.

J'ai intitulé mes observations préliminaires : « Aquaculture au Canada; qu'est-ce qui nous empêche de progresser? » J'entrevois un avenir plein de promesses pour notre industrie aquacole. Le Canada semble scruter des horizons lointains à la recherche de perspectives de croissance alors qu'il nous suffit pour le moment de mettre nos filets à l'eau pour commencer à profiter de la manne qui s'offre à nous.

Mon exposé va suivre les grandes lignes des diapositives dont vous devriez avoir reçu copie. Il faut d'abord savoir que l'aquaculture est désormais une industrie planétaire. Il est plutôt complexe de parler isolément d'un aspect particulier de cette industrie. En revanche, les constatations générales que l'on pourrait faire ne rendraient pas vraiment justice à la grande diversité du secteur aquacole qui s'étend notamment aux fruits de mer et aux algues. Le spectre peut aller de la très petite exploitation familiale produisant de 2 000 à 3 000 poissons par emplacement jusqu'aux très grandes entreprises qui peuvent en produire entre 500 000 et 1 million. Dans chacun des cas, les circonstances et les conditions d'exploitation peuvent varier considérablement.

Notre entreprise fabrique des produits alimentaires pour plus de 50 espèces de poissons. J'y reviendrai tout à l'heure, peut-être en réponse à une question, mais il faut noter que nous ne pourrions sans doute pas vendre au Canada la plupart de nos produits.

La diapositive suivante présente une projection de la croissance de la population mondiale. C'est une diapositive que j'ai obtenue du Dr Ted Leighton à la fin des années 1980. C'est une projection de la croissance de la population qui avait été établie dans les années 1960. J'y ai ajouté quelques indications pour montrer où nous en sommes. Vous pouvez voir que la population établie à 6,3 milliards d'êtres humains en 2003 correspondait tout à fait à la courbe de projection dessinée dans les années 1960. En 2012, nous avons atteint le plateau des 7 milliards, ce qui était encore tout à fait conforme aux prévisions établies. Ce graphique laisse entrevoir une population mondiale se situant entre 9 et 12 milliards d'êtres humains en 2050. C'est une croissance énorme qui a des répercussions considérables pour nous.

La diapositive suivante présente un aperçu des différents types d'aquaculture qui se pratiquent dans le monde. La troisième barre de couleur à partir du bas, celle qui est en bleu pâle, représente la production mondiale de saumon. Le saumon ne compte donc pas pour la plus grande partie de la production aquacole à l'échelle planétaire. On y retrouve surtout des espèces non engraissées comme les moules, les mollusques et les algues. Pour ce qui est de l'aquaculture d'espèces engraissées, elle est pour une bonne part le fait de petites exploitations sur terre et dans des bassins, en Chine et dans les pays en développement.

Nous devons surtout chercher à savoir comment nous arriverons à nourrir 9 milliards d'êtres humains de façon durable à compter de 2050. L'Organisation pour l'alimentation et l'agriculture a posé la même question de façon détournée en indiquant qu'il nous faudrait au cours des prochaines décennies davantage d'aliments que nous avons pu en produire au cours des 10 000 dernières années. Les besoins à venir en aliments et en protéines seront donc énormes. Si on ramène cela à nos protéines de poisson, il faudra 50 millions de tonnes additionnelles de produits de la mer pour nourrir la planète dès 2030. C'est gigantesque quand on sait que nos pêches ont plafonné il y a quelques années pour diminuer légèrement par la suite avant d'atteindre un plateau assez constant de 90 millions de tonnes par an. La production aquacole se retrouve à peu près à la même hauteur, si elle n'est pas légèrement plus élevée, avec un total annuel se situant entre 90 millions et 100 millions de tonnes. Vous pouvez donc voir à quel point il nous faudra augmenter notre production simplement pour répondre à la demande en 2030.

Comme l'industrie agricole sera confrontée aux mêmes exigences découlant de cette croissance de la population, vous constaterez de fortes hausses de la demande pour les céréales, les oléagineux et les protéines de viande. Étant donné que nous avons besoin de ces mêmes céréales pour produire des aliments aux fins de l'aquaculture, l'accroissement de la demande pour ces protéines végétales va miner notre capacité future de fabriquer des produits alimentaires pour poissons.

Mon grand-père pratiquait la pêche commerciale au large de Lunenburg. On croyait à son époque qu'il y aurait toujours du poisson dans la mer et que l'on ne pourrait jamais épuiser cette ressource. Nous nous sommes rendu compte depuis que ce n'était pas le cas. Comme je l'indiquais tout à l'heure, la pêche de capture a plafonné à hauteur d'environ 90 millions de tonnes, et ne va pas augmenter. La production aquacole est donc notre seule option de remplacement pour satisfaire à cette demande de 50 millions de tonnes additionnelles.

La production aquacole est sans doute l'une de nos formes d'élevage les plus efficientes. Elle permet une utilisation plus flexible des ingrédients en plus d'avoir une empreinte carbone très faible, car c'est l'énergie du soleil et de la lune qui fait le plus gros du travail pour faire circuler l'eau entre les différentes cages.

Skretting est une entreprise mondiale de fabrication d'aliments pour l'aquaculture. Nous comptons quelque 3 400 employés à l'échelle planétaire. Notre production mondiale atteint environ 2 millions de tonnes. Nous avons des installations de production dans 18 pays. Nous produisons des aliments pour plus de 60 espèces de poissons. Nous avons un centre mondial de recherche et développement qui est installé à Stavanger, en Norvège. Son budget annuel pour la recherche sur l'alimentation du poisson est d'environ 15 millions de dollars canadiens. Nous avons aussi des usines satellites en Asie ainsi qu'à Mozzecane, en Italie.

Notre centre de recherche sur l'aquaculture regroupe des chercheurs de partout dans le monde. Quelque 20 nationalités y sont représentées et pas moins de 40 p. 100 des employés sont détenteurs d'un diplôme d'études supérieures. L'alimentation des animaux est notre spécialité, mais nous nous intéressons également aux technologies pour la santé du poisson et la production d'aliments.

Vous constaterez sans doute que la production des aliments pour le poisson exige des technologies beaucoup plus avancées et complexes que la production d'aliments pour l'élevage agricole. C'est beaucoup plus complexe que ce qu'on faisait traditionnellement pour préparer des aliments à l'intention des animaux, et ces comprimés offrant un maximum d'efficience sont le fruit d'un important travail de spécialistes en sciences et en génie.

Notre Centre de recherche en aquaculture est à l'origine de trois innovations importantes. Il y a d'abord MicroBalance, un concept qui nous permet d'utiliser des ingrédients autres que les farines habituelles pour nourrir les poissons carnivores. Pour que MicroBalance puisse nous être utile, il faut absolument que nous ayons accès aux différents ingrédients. La réglementation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments (ACIA) est l'un des principaux obstacles qui nous empêchent d'accéder à ces nouveaux ingrédients au Canada.

Protect est une gamme de produits que nous utilisons comme nutriments fonctionnels dans le cadre de ce que nous appelons la nutrition active. Ces produits ne sont pas disponibles au Canada, car il n'existe tout simplement pas de système réglementaire permettant leur approbation. Essentiellement, l'ACIA fait valoir que sa réglementation s'applique seulement aux nutriments devant servir à l'alimentation du poisson. Si un produit a un effet différent, il est considéré comme un médicament et traité par la Direction des médicaments vétérinaires qui ne prend une demande en considération qu'à compter d'un certain degré d'efficacité. Les ingrédients fonctionnels ont une certaine efficacité, mais pas autant que les médicaments. Ils se retrouvent ainsi dans une zone grise entre les sphères de responsabilité respectives de ces deux institutions. Contrairement à leurs homologues canadiens, les éleveurs de la plupart des autres pays du monde ont accès à ces produits.

Optiline Premium est un nouveau produit à haute teneur énergétique pour le saumon. Il permet un régime extrêmement efficient qui favorise la croissance. Il n'est disponible que depuis peu de temps au Canada, mais nos concurrents du reste de la planète y ont accès depuis trois ou quatre ans.

Cette diapositive présente une liste des lois et des règlements en vigueur au Canada. Je crois qu'on y retrouve la plupart des textes législatifs et réglementaires qui s'appliquent à l'aquaculture et à sa gestion. Il y a malheureusement un manque d'harmonisation entre les différents règlements, ce qui est problématique. La liste témoigne aussi du grand nombre de règlements à respecter. Un aquaculteur a presque besoin de ses propres conseillers juridiques pour s'assurer de respecter ce cadre réglementaire et de ne pas enfreindre quelque règle que ce soit à un moment ou à un autre.

Pour les fabricants d'aliments comme nous, il y a en fait trois lois applicables. Vous avez peut-être remarqué que la Loi sur les pêches, la Loi sur l'Agence canadienne d'inspection des aliments et la Loi relative aux aliments du bétail existaient bien avant que l'aquaculture voie le jour. La quasi-totalité de ces dispositions législatives sont mal adaptées à la situation particulière de l'aquaculture. En fait, bon nombre des ministères concernés ne disposent pas de l'expertise voulue pour bien évaluer la situation de l'industrie et la réglementer en conséquence.

Quelles sont donc les prochaines étapes? Il faut que l'ACIA se concentre sur la sécurité alimentaire. Bon nombre des règlements de l'ACIA sont fondés sur les produits agricoles traditionnels et ne sont pas vraiment applicables à notre secteur. C'est une réglementation qui impose généralement des conditions très restrictives pour ce qui est de l'enregistrement d'un aliment. Il faut parfois compter jusqu'à un an pour faire enregistrer un nouveau nutriment. Plus souvent qu'autrement, l'ACIA ne dispose pas de l'expertise nécessaire pour évaluer la demande. Quand la demande n'est pas simplement mise de côté pendant une longue période, on invite le proposant à fournir les données scientifiques établissant la valeur nutritive et on exige des frais supplémentaires pour l'examen de ces informations additionnelles.

Les programmes d'accréditation doivent être reconnus. Nos usines de production alimentaire ont obtenu l'accréditation HACCP de la FDA, sont certifiées ISO et sont reconnues pour leurs pratiques aquacoles exemplaires, mais tout cela n'a aucune importance aux yeux de l'ACIA lorsque vient le temps d'effectuer une inspection ou de s'assurer que l'on satisfait à ses exigences. Il faut que la réglementation soit appliquée de la même manière dans tout le pays. Il n'est en effet pas rare que la même loi ou le même règlement s'applique de façon différente selon les régions. On risque en outre de se retrouver dans une zone floue où un ministère vous indiquera de faire telle chose alors qu'un autre vous dira le contraire.

On trouve la liste des ingrédients alimentaires approuvés aux annexes 4 et 5 du règlement pris en application de la Loi relative aux aliments du bétail. Cette liste est presque exclusivement établie dans le contexte de l'agriculture. Si nous voulons utiliser de nouveaux ingrédients pour remplacer la farine de poisson, nous devons les enregistrer. C'est un processus qui peut être long. Cela peut compliquer les choses pour les entreprises souhaitant utiliser ces ingrédients, du fait que le fabricant doit les enregistrer. Comme tous les autres fabricants d'aliments pour poissons, nous ne pouvons pas acheter ces ingrédients tant qu'ils ne sont pas enregistrés. Si le marché canadien n'est pas assez grand, ces entreprises ne vont pas perdre leur temps et leur argent à enregistrer ces ingrédients. Ce sont parfois des choses très simples. Nous nous intéressons à différentes farines de mollusques. Nous essayons de trouver des produits de remplacement qui devraient normalement aboutir dans les sites d'enfouissement, mais que l'on peut transformer en aliments pour les poissons. Cependant, comme ces produits ne figurent pas sur la liste des ingrédients prévus à l'annexe 5, nous ne pouvons pas les utiliser à moins qu'ils aient été enregistrés. Il est donc vraiment difficile pour nous de remplacer la farine de poisson dans nos régimes alimentaires.

Comme je l'indiquais tout à l'heure, les ingrédients fonctionnels se retrouvent dans une zone grise entre les sphères de responsabilité des deux grandes agences réglementaires, soit l'ACIA et la Direction des médicaments vétérinaires. Ainsi, l'industrie aimerait avoir accès à des produits comme les ingrédients alimentaires visant à repousser les parasites. Ces ingrédients n'ont pas d'effet médicamenteux, mais laissent une saveur sur les muqueuses du poisson, ce qui fait croire au pou du poisson qu'il a affaire à une espèce différente. Nous venons tout juste d'enregistrer au Canada un ingrédient semblable qui n'est plus utilisé ailleurs dans le monde parce qu'on est déjà passé à la génération suivante. Nous avons donc une génération complète de retard pour ces ingrédients.

Nous avons aussi des ingrédients qui vont faciliter la survie des poissons exposés aux températures élevées résultant du réchauffement de la planète. Il y a au Canada des écloseries où la température de l'eau peut atteindre de 20 à 25 degrés en été, et il existe des ingrédients fonctionnels qui aident à protéger les poissons dans ces eaux très chaudes. Encore là, ces ingrédients ne sont pas disponibles au Canada parce que notre processus réglementaire n'est pas à la hauteur.

Il y a une très forte demande sur le marché pour des ingrédients biologiques et non synthétiques. Il n'y a pas actuellement de source de pigment approuvée pouvant être utilisée dans l'alimentation du saumon. Il y en a un certain nombre de disponibles, mais le processus est très long. D'autres pays utilisent déjà ces substances auxquelles nous n'avons pas accès.

Revenons aux autres sources possibles de protéines et d'huile. À titre d'exemple, les algues deviennent un produit très intéressant pour l'avenir. Les algues sont une excellente source d'acide gras oméga 3 que tout le monde souhaite retrouver dans son régime alimentaire. Nous n'y aurons malheureusement pas accès tant que les algues ne seront pas approuvées à titre d'ingrédients pour l'alimentation.

Pour la suite des choses, le Canada devrait encourager les investissements dans le secteur aquacole en supprimant les restrictions qui s'appliquent à ce chapitre. Il faut réduire les coûts de la réglementation. Il suffirait d'une croissance relativement faible de l'industrie pour envoyer un message très clair aux investisseurs. Une hausse d'à peine 10 p. 100 par année au cours des cinq prochaines années permettrait à notre usine de St. Andrews de presque doubler sa production. Si nous faisons part à notre entreprise mère de notre intention d'investir dans cette usine, on se demandera depuis combien de temps elle est en opération, quel est son degré d'efficience et quels sont les débouchés sur le marché. Si nous ne pouvons pas démontrer que les perspectives sont vraiment intéressantes, les fonds à investir vont aller vers l'un des 18 autres pays où notre entreprise est présente.

L'an dernier, notre usine de St. Andrews a dû cesser complètement ses activités en raison d'une présence insuffisante de biomasse dans l'eau. Une trentaine d'employés ont ainsi perdu leur travail pendant cinq mois. C'est autant d'argent qui n'était pas réinjecté dans la collectivité. Trois de ces employés sont partis dans l'ouest du pays parce qu'ils voulaient travailler. Nous aimerions que ces gens-là puissent continuer à travailler chez nous, mais il nous faut un volume de production suffisant pour le justifier. À cette fin, la croissance de l'industrie est essentielle.

Il faut notamment pour ce faire investir dans les infrastructures. Je crois que je vais laisser le soin à mes collègues de vous en dire plus long à ce sujet, car ils connaissent mieux que moi le côté production de l'équation.

Un réseau ferroviaire efficace peut vraiment contribuer à réduire notre empreinte carbone ainsi que nos coûts de transport des matières premières. Le camion est actuellement le seul moyen pour nous d'amener des matières premières à notre usine. C'est un moyen de transport qui est de plus en plus coûteux sans permettre d'optimiser l'efficience. L'amélioration des services ferroviaires dans notre région nous aiderait énormément à réduire nos coûts pour l'avenir.

Nous devons aussi investir dans la recherche. M. Forward va d'ailleurs vous en dire plus long au sujet des activités de recherche et développement. À la lumière de mes expériences passées, je dirais que le soutien offert par les agences de financement semble souvent mener les projets tout droit vers un échec, plutôt que sur les chemins de la réussite. Vous présentez une demande de subvention en indiquant que vous avez besoin d'un tel montant pour que le projet puisse fonctionner. Votre projet est accepté et vous recevez les deux tiers du montant demandé. La somme allouée est répartie entre les différents produits. Si l'un des volets du projet coûte plus cher que prévu alors qu'un autre entraîne des dépenses inférieures aux projections, vous ne pouvez pas faire passer le budget de l'un à l'autre. Tout l'exercice devient très futile si bien qu'on en vient à se demander si les sommes obtenues justifient vraiment l'effort déployé pour en faire la demande.

Enfin, il convient aussi de favoriser une plus grande diversité au sein de l'industrie. Le saumon occupe une place importante dans notre secteur et doit poursuivre sa croissance, mais il y a d'autres portions de notre littoral qui se prêtent beaucoup mieux à des élevages comme ceux des mollusques ou des autres espèces à nageoires. Dans ce contexte, on doit reconnaître qu'il faut beaucoup de temps pour se mettre à l'élevage d'une nouvelle espèce, comprendre quels sont ses modes de fonctionnement et savoir quels soins elle nécessite. Ce n'est pas un projet à court terme. La quasi-totalité du financement offert vise une période inférieure à cinq ans. Bon nombre de ces projets d'élevage d'une nouvelle espèce peuvent prendre de cinq à dix ans et doivent vraiment être appuyés.

Je vais donc maintenant vous remercier et laisser la parole à Ben.

Le président : Merci, docteur Backman.

Monsieur Forward?

M. Forward : Merci beaucoup de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous ce soir. C'est un grand honneur pour moi de me retrouver en votre compagnie. Je vais vous parler de recherche et développement, tout particulièrement dans l'industrie aquacole, traiter de quelques aspects plus précis et vous relater quelques-unes de nos expériences de chercheurs dans ce domaine.

Il est facile de cerner les éléments essentiels à la réussite de n'importe quelle industrie. Les activités de recherche et développement sont ainsi un ingrédient incontournable pour qu'une industrie puisse prospérer, se développer et être capable de soutenir la concurrence à long terme sur les marchés mondiaux. D'une manière générale, les efforts de recherche et développement peuvent aider une industrie à demeurer concurrentielle, à surmonter les difficultés et à concevoir de nouveaux produits et services. Les activités de recherche et développement peuvent en outre aider les gouvernements à établir des politiques et des règlements fondés sur la science qui tiennent compte à la fois des besoins d'une industrie en croissance et des préoccupations environnementales.

Depuis les tout débuts, les activités de recherche et développement sont un ingrédient essentiel à la réussite du secteur aquacole au Canada, un élément qui permet à cette industrie de se démarquer. Le Canada a su se doter d'une capacité de recherche et développement de haut calibre dont on trouve des exemples dans toute une série d'institutions, comme dans de simples ateliers partout au pays. À ce chapitre, le secteur aquacole peut compter sur une grande variété de professionnels qui se consacrent à leurs activités de recherche et développement en ayant à cœur l'avenir de l'industrie.

Aussi créatifs que passionnés, nous adorons régler les problèmes et nous sommes toujours prêts à apporter notre aide. Nos professionnels ont su gagner le respect de leurs homologues étrangers et dénicher plus que leur large part de solutions novatrices. Dans ce contexte, je travaille au Conseil de la recherche et de la productivité du Nouveau-Brunswick (RPC), une institution qui a grandement contribué au développement de l'industrie, ici au Nouveau-Brunswick comme dans l'ensemble du Canada atlantique. Nous sommes une société d'État sans but lucratif du Nouveau-Brunswick dont le mandat consiste notamment à offrir des solutions technologiques novatrices aux problèmes qui touchent les entreprises et les industries.

Notre conseil dessert plus de 1 000 clients par année, au Nouveau-Brunswick et dans 30 pays du monde. En mettant l'accent sur les services analytiques et les activités de recherche et développement axées sur le marché, RPC a contribué à l'acquisition de nombreuses capacités qui ont favorisé l'essor du secteur aquacole. Ainsi, notre direction de l'alimentation, des pêches et de l'aquaculture a vu le jour il y a environ 35 ans pour répondre aux besoins d'une industrie naissante au Nouveau-Brunswick qui devait miser sur une capacité de recherche et développement pour pouvoir appliquer des solutions à certains problèmes très délicats.

Pour vous donner une idée du genre d'activités de recherche et développement qui ont été importantes pour ce secteur, j'aimerais vous citer quelques exemples de projets auxquels mon organisation a participé au fil des ans. Je vais surtout mettre l'accent sur quelques réalisations bénéfiques pour la santé du poisson. Notons tout d'abord l'identification du virus à l'origine de l'anémie infectieuse du saumon, une maladie qui a ravagé l'industrie au tournant de l'an 2000. Une fois le virus identifié, un outil diagnostique a pu être conçu pour permettre sa surveillance et enrayer son expansion et éviter, par le fait même, de coûteuses pertes économiques. Nous nous sommes employés par la suite à concevoir et mettre en œuvre des outils de typage des souches et des modèles d'inoculation expérimentale afin de déterminer la virulence des différentes souches virales trouvées dans l'environnement. Ce fut une découverte essentielle qui a permis aux instances réglementaires et aux éleveurs de prendre des décisions éclairées concernant la santé du poisson.

Je peux aussi vous donner l'exemple des tests d'efficacité menés sur les désinfectants utilisés pour contrer une variété de pathogènes du poisson. Nous avons ainsi pu confirmer l'utilité de ces outils essentiels pour limiter la propagation des maladies et intervenir en cas de crise. Nous avons par ailleurs conçu un vaccin pour la rénibactériose qui est maintenant commercialisé par Novartis Animal Health sous l'appellation Renogen. Ce vaccin a été d'une grande utilité pour empêcher les poissons de contracter une maladie qui peut causer d'importantes pertes économiques aux éleveurs.

Nous avons aussi eu recours à des technologies génomiques pour comprendre les réactions immunitaires des poissons à des pathogènes et à la vaccination dans le but de découvrir des biomarqueurs pouvant favoriser la conception de vaccins plus efficaces et d'identifier les familles de poissons qui résistent à certaines maladies.

Autre exemple, l'identification de possibles espèces locales de poissons nettoyeurs a donné lieu à la création de programmes permettant d'offrir des solutions de rechange aux méthodes de traitement existantes pour le pou du poisson.

Le développement de bactéries probiotiques à l'intention des écloseries de poissons et de fruits de mer a par ailleurs offert un moyen de dégager un goulot d'étranglement majeur dans le cycle de production tout en proposant une solution de rechange à des méthodes plus coûteuses et moins durables.

Ces exemples ne sont qu'un échantillon des efforts de recherche et développement auxquels nous avons contribué. L'apport d'autres équipes de recherche et développement a aussi permis l'atteinte de résultats importants qui continuent à améliorer et à mieux définir l'industrie.

La mise en place du système de gestion de la baie pour aider à endiguer la propagation des maladies, l'établissement du système de soutien décisionnel pour la gestion du pou du poisson, le séquençage du génome du saumon, la conception de produits alimentaires et de systèmes d'alimentation plus efficients, et le développement de l'aquaculture multitrophique intégrée ne sont que quelques autres exemples des activités de recherche et développement qui contribueront à façonner l'avenir de l'industrie.

Il est important de noter que ces activités de recherche et développement ont pu être couronnées de succès grâce à la collaboration avec différents partenaires, dont l'industrie, les universités, les collèges communautaires, les établissements de recherche et les gouvernements fédéral et provinciaux. Différents programmes de financement, tant fédéraux que provinciaux, ont contribué à la réalisation de projets de recherche et développement revêtant une importance capitale pour l'industrie. Le maintien d'un tel financement est essentiel à la croissance soutenue de l'industrie et au perfectionnement d'une capacité de recherche qui nous permettra de relever des défis qui nous sont encore inconnus.

Les programmes qui tiennent compte des échéanciers de l'industrie et ne lui imposent pas un fardeau administratif trop lourd sont souvent ceux qui permettent de mieux répondre à la demande. Le rythme de développement de l'industrie et le fait que nous travaillons avec des organismes biologiques dont les cycles de vie ne suivent pas nécessairement les années fiscales font en sorte que les programmes offerts doivent absolument offrir une certaine marge de manœuvre. Des options à long terme sont ensoutre nécessaires pour permettre la découverte et le développement de produits comme les nouveaux agents thérapeutiques qui exigent parfois jusqu'à 10 années de travail.

J'ai grandi dans le comté de Charlotte à une époque où les pêches traditionnelles étaient en déclin alors que l'aquaculture en était à ses premiers balbutiements. J'ai fait mes études secondaires au Fundy High School de St. George. J'ai fait un baccalauréat en sciences avec spécialisation en biologie à l'Université du Nouveau-Brunswick. Je me suis ensuite rendu en Colombie-Britannique où j'ai obtenu un doctorat en biochimie de l'Université de Victoria. Comme le saumon, je suis revenu sur les lieux de ma naissance où je m'estime chanceux de pouvoir faire carrière dans mon domaine en restant près de mes parents et amis. Je vois également plusieurs de mes vieux amis qui travaillent directement ou indirectement pour le secteur aquacole. Certains sont désormais charpentiers, électriciens ou à la tête d'une autre entreprise offrant des services de soutien essentiels à différents exploitants aquacoles. J'ai d'autres amis qui travaillent plus directement dans le secteur, que ce soit comme technicien dans une écloserie, plongeur ou superviseur d'un élevage en milieu marin. Pour bien des résidants de nos localités côtières, l'aquaculture est la promesse d'un avenir meilleur où on peut penser à fonder une famille.

Certains soutiennent que l'avenir est incertain, mais je pense qu'il y a une chose sur laquelle nous pouvons tous compter. En effet, la demande pour les produits de l'un des groupes alimentaires les plus sains et les plus essentiels qui soient, s'appuyant sur des méthodes parmi les plus efficientes, ne va pas diminuer, bien au contraire, dans le contexte de l'augmentation de la population mondiale. Comme l'aquaculture fournit déjà plus de 50 p. 100 des produits marins consommés dans le monde, ce sera une industrie clé pour répondre à la demande alimentaire dans les années à venir.

En résumé, pour que l'industrie canadienne puisse poursuivre sa croissance et prendre la place qui lui revient parmi les pays qui s'emploieront à satisfaire à la demande planétaire d'aliments nutritifs au cours du prochain siècle, les activités de recherche et développement devront demeurer un pilier essentiel sur lequel reposera notre capacité à surmonter les difficultés qui ne manqueront pas de se présenter en cours de route.

Je vous remercie.

Le président : Merci.

C'est la sénatrice Lovelace Nicholas qui posera la première question.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Docteur Backman, vous avez parlé de la réglementation en matière d'aquaculture au Canada et de la Loi relative aux aliments du bétail. Si les aliments que vous produisez ne sont pas approuvés au Canada, pouvez-vous les vendre à l'étranger?

Dr Backman : Oui, nous le faisons, en fait, mais ils sont produits dans nos usines dans ces autres pays. Essentiellement, notre usine au Canada produit des aliments pour le Canada. Nous en exportons une certaine quantité aux États-Unis. Nous pouvons utiliser ces ingrédients dans des aliments destinés à la vente aux États-Unis, mais nous ne pouvons pas les utiliser pour des aliments qui seront vendus au Canada.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci pour vos exposés. Ils ont tous les deux été très instructifs. Selon vous — et personne ne vous prendra au mot —, pourquoi pensez-vous que le Canada accuse tant de retard dans le domaine de l'aquaculture?

Dr Backman : Il s'agit d'une question très complexe, et je ne suis pas certain de pouvoir y répondre rapidement.

La sénatrice Stewart Olsen : Ne le faites pas alors.

Dr Backman : En résumé, il existe la composante réglementaire. Il existe la composante recherche, même si le Canada tend à faire figure de chef de file dans le domaine de la recherche en matière d'aquaculture. Si vous regardez la manière dont le Canada a progressé, en quelques décennies, l'industrie de l'aquaculture a fait ce que l'industrie agricole a fait en quelques centaines d'années. Tout se résume aux investissements, à la disponibilité de sites et au fait de donner aux investisseurs la confiance nécessaire pour investir dans une entreprise au Canada. Le processus de demande d'un permis pour exploiter un site est très complexe. Vous pouvez investir une grande somme d'argent au départ, puis découvrir à la fin que vous n'avez pas de site. Si vous n'avez pas de site, vous n'avez pas d'entreprise.

M. Forward : À mon avis, il suffit de regarder la complexité et le nombre de différentes lois qui réglementent cette industrie. Steve a mentionné certaines des opinions et des conseils contradictoires que différents régulateurs peuvent formuler au sujet de la même question. Selon moi, il s'agit d'une pierre d'achoppement importante, probablement la principale. Quand on se perd dans le cadre de réglementation, cela ralentit les démarches. Voilà donc un élément clé. Si je devais condenser tous les éléments pour en arriver à un seul, je dirais qu'il s'agit de la complexité à elle seule, comme vous avez pu le constater en entendant la liste de toutes les lois qui réglementent l'aquaculture, que Steve vous a lue.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci. Nous posons des questions de ce genre pour nous aider à formuler notre rapport. Vos commentaires sont précieux et nous présentent un autre point de vue que ceux que nous avons entendus jusqu'à présent. Merci.

La sénatrice Poirier : Je vous remercie tous les deux d'être parmi nous.

Monsieur Backman, à la fin de votre exposé, vous avez parlé du régime de réglementation moderne des aliments pour poissons et de la certification biologique. Je sais que dans tant d'autres aliments, que ce soit des légumes, du poulet ou du bœuf, les gens tendent de plus en plus à chercher des produits biologiques. Voyez-vous cette tendance dans l'aquaculture? Existe-t-il une demande pour des produits biologiques ou est-ce que vous prévoyez que cette demande existera bientôt? Où en sommes-nous? Délivrons-nous une certification? Est-ce que les entreprises l'ont obtenu? Existe-t-il des aliments biologiques sur le marché en ce moment? Sont-ils disponibles au Canada? Est-ce que la demande pour ces produits est de plus en plus forte dans le monde?

Dr Backman : Je dirais qu'on peut trouver des aliments biologiques pour les poissons au Canada. Ils ne se sont pas répandus au point où la population penserait qu'ils devraient l'être, en grande partie à cause du fait que beaucoup des ingrédients disponibles au Canada ne peuvent pas être certifiés biologiques. Par exemple, le canola est un produit OGM. Il est très difficile de trouver des matières premières biologiques au Canada.

L'autre obstacle à la production d'aliments biologiques, c'est que, au fur et à mesure que l'approvisionnement en aliments devient critique, plus de gens ont comme priorité d'avoir des aliments sur la table plutôt que de consommer des aliments biologiques. Au cours des 30 dernières années, la part qu'occupe la nourriture dans un budget familial a diminué. Depuis quelques années, cette tendance s'est inversée et continuera de s'inverser. Quelqu'un va en faire la prévision. Le budget destiné à l'épicerie des familles va doubler au cours des 20 à 30 prochaines années. Plus le revenu disponible des familles diminuera, moins les produits biologiques coûteux seront populaires. Je ne prévois pas vraiment de viabilité à long terme pour des produits de ce genre au fur et à mesure que la nourriture commencera à se faire plus rare.

La sénatrice Poirier : Savez-vous pourquoi les produits biologiques sont beaucoup plus coûteux?

Dr Backman : À mon avis, c'est surtout à cause de l'urbanisation de notre pays. Les gens ont beaucoup plus de revenus disponibles et ils sont beaucoup mieux informés au sujet de la nourriture qu'ils mangent. Internet véhicule une grande quantité de renseignements. Pour l'instant, les gens s'en préoccupent beaucoup. À long terme, à mon avis, l'accès à de la nourriture deviendra un problème beaucoup plus important.

La sénatrice Poirier : Je voulais dire, pourquoi est-ce que les produits biologiques deviennent beaucoup plus chers? À certains endroits, le prix de ces produits est deux fois plus élevé que celui des autres — qu'il s'agisse de légumes, de viande ou de quoi que ce soit d'autre.

Dr Backman : Essentiellement, à mon avis, c'est parce que les coûts de production des aliments biologique sont plus élevés. En tant que manufacturier, pour produire un lot d'aliments biologiques, il faut vider tous ses contenants. Il faut nettoyer tous les contenants pour s'assurer de ne pas avoir de contamination croisée avec des matières premières non biologiques. Il faut produire un lot spécial, ce qui nécessite beaucoup de main-d'œuvre. Le coût de cette main-d'œuvre est reflété dans le coût des aliments.

La sénatrice Poirier : D'accord, merci.

Le sénateur Meredith : Je remercie les témoins.

Nous avons entendu d'autres témoins à ce sujet. Docteur Backman, vous avez parlé de la réduction de l'empreinte de carbone. J'aimerais vous poser une question concernant la santé des poissons et des maladies potentielles qui sont liées aux aliments pour poissons. D'autres témoins nous ont parlé notamment de ce que mangent les poissons et des polluants qui vont dans l'eau, et ils ont soulevé la comparaison entre les poissons sauvages et les poissons confinés. Décrivez-moi ce que vous faites en tant qu'entreprise de production d'aliments pour poissons pour éliminer ou dissiper ces mythes?

Dr Backman : J'aime bien votre choix du mot « mythes », parce qu'il s'agit surtout de mythes. Il n'y a aucun doute que les exploitations aquacoles ont une incidence sur le fond marin. Vous mettez des matières organiques dans l'eau, et les poissons en excrètent une partie. L'aquaculture laisse une empreinte presque exclusivement dans la zone qui se trouve directement sous le parc. Une incidence mesurée sur le fond marin n'équivaut pas nécessairement à une incidence sur les écosystèmes. Les exploitations aquacoles ont très peu d'incidence sur les écosystèmes comparativement aux exploitations terrestres traditionnelles. En fait, on détruit beaucoup plus d'habitats en construisant 20 ou 30 kilomètres d'une autoroute de quatre voies qu'une exploitation aquacole ne pourrait jamais en détruire.

Les indices de consommation dans l'industrie de l'aquaculture ont chuté et l'efficience alimentaire augmente. Si nous comparons les taux de conversion protéinique, celui du saumon va de 1,1 à 1,2, celui du poulet est de 1,5, celui du porc va de 1,9 à 2 et celui du bœuf va de 3,5 à 5,1. Le taux de conversion du saumon est beaucoup moins élevé. On met beaucoup moins de matière organique dans l'environnement pour produire la même quantité de protéine.

Le sénateur Meredith : Vous êtes en train de dire que vos produits ne présentent absolument aucun danger et qu'ils n'ont aucune répercussion négative sur l'environnement?

Dr Backman : J'ai déjà plongé sous beaucoup de parcs et je n'ai pas vu une grande incidence.

Le sénateur Meredith : Vous n'avez pas perdu vos cheveux ou subi autre chose de ce genre?

Dr Backman : Non, et je mange du saumon tous les lundis soirs.

Le sénateur Meredith : Ma dernière question porte sur la réglementation. Vous avez dressé une liste d'environ 13 lois qui réglementent l'industrie de l'aquaculture. Certains témoins qui ont comparu préconisent l'élaboration d'une loi distincte sur l'aquaculture, qui comprendrait tous les éléments en la matière des lois existantes de manière à avoir un texte législatif distinct qui viserait tous les aspects de l'industrie, en allant de la sélection des sites aux zones à nourrir, entre autres. Qu'en pensez-vous?

Dr Backman : Selon moi, il s'agirait d'une excellente idée d'aller dans ce sens parce que les investisseurs et les pisciculteurs ont besoin que tout soit réellement clair. Quelles sont leurs responsabilités? À quoi doivent-ils s'attendre? Une loi distincte sur l'aquaculture fournirait ces précisions, tout comme, dans l'industrie agricole traditionnelle, la Loi sur l'agriculture précise les règles et la réglementation auxquelles l'industrie est assujettie. L'aquaculture a besoin que les règles soient clarifiées. En raison de ce déficit sur le plan des protéines auquel nous sommes confrontés au Canada, nous sommes en train de nous rendre compte qu'il nous faut faire un choix : soit exporter nos connaissances et notre argent et importer notre nourriture soit exporter notre nourriture et importer de l'argent et des emplois. À mon avis, voilà les véritables enjeux.

Le sénateur Meredith : Monsieur Forward, aimeriez-vous dire quelque chose à ce sujet?

M. Forward : Je suis d'accord avec Steve sur tous les points. Je pense qu'il est absolument nécessaire d'adopter une loi distincte, et que cela permettra de renforcer la croissance de l'industrie. Le fait d'être clair encouragera les investisseurs et les autres entreprises à prendre de l'expansion. Selon moi, c'est absolument essentiel.

Le sénateur Meredith : Monsieur Forward, vous êtes revenu dans votre province. Il est difficile d'attirer les jeunes dans cette industrie. Que faudrait-il faire, compte tenu du fait que nous aurons besoin d'avoir 50 millions de tonnes de plus? Comment allons-nous y arriver? Encore une fois, aujourd'hui, nous avons entendu certains des témoins parler des défis qu'ils affrontent du fait qu'ils n'ont pas un bassin d'employés dans lequel ils peuvent piger. Des gens quittent l'industrie parce qu'ils ne veulent pas travailler pour certains salaires. À votre avis, que faudrait-il faire pour développer cette industrie au Canada et pour attirer des investisseurs qui voudraient venir ici pour établir une usine, mais qui se préoccupent du fait qu'ils risquent d'être aux prises avec une pénurie de main-d'œuvre? Qu'est-ce que vous pensez de cela?

M. Forward : Premièrement, il faudrait sensibiliser nos jeunes. Je pense que le message deviendra plus convaincant quand l'industrie comprendra qu'il sera plus facile d'investir, de faire du développement et de prendre de l'expansion. Une fois que les jeunes apprendront que l'industrie recommence à afficher une croissance et qu'il y a une demande de travailleurs, cela suscitera leur intérêt. Ils s'informeront pour voir quels emplois sont disponibles. Ils s'en parleront entre eux. Ils parleront aux conseillers dans leurs écoles et aux gens dans la rue pour savoir où sont les emplois. Quand les jeunes sont à l'école secondaire, ils forgent des plans pour l'avenir, et ils doivent décider s'ils vont poursuivre des études supérieures, et si oui, dans quel domaine? Si l'industrie connaît un essor et prend de l'expansion, ils en entendront parler. Ils envisageront de travailler dans l'aquaculture et d'investir dans des études dans le domaine de l'aquaculture pour devenir les leaders de l'avenir dans cette industrie.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le président : Je remercie nos témoins. Nous avons entendu beaucoup d'exposés aujourd'hui. Ils étaient tous différents et ils ont abordé différents aspects de l'industrie. Votre engagement à faire en sorte que l'industrie prospère est très évident ici ce soir. Merci d'avoir pris le temps de comparaître.

Notre étude va se poursuivre jusqu'au milieu de l'année 2015, au moins. À l'avenir, si jamais vous voyez quelque chose qu'il serait utile d'inclure dans notre rapport et dont, à votre avis, nous devrions être informés, nous vous prions de bien vouloir nous le faire parvenir. Sentez-vous libres de nous l'envoyer n'importe quand.

J'aimerais souhaiter la bienvenue à notre prochain groupe de témoins. Nous sommes ravis que vous ayez pris le temps d'être parmi nous ce soir. Nous avons vécu quelques jours intéressants ici, dans la région. La journée d'aujourd'hui a été longue, mais instructive. Nous vous remercions d'avoir pris le temps de vous joindre à nous pour prendre part à notre étude sur l'industrie de l'aquaculture au Canada.

Avant de vous céder la parole, si vous le voulez bien, je vous demanderais de vous présenter, en commençant par ma compatriote terre-neuvienne.

Betty House, coordonnatrice de la recherche et du développement, Atlantic Canada Fish Farmers Association : Bonsoir, et merci de me permettre de m'adresser à vous. Je m'appelle Betty House et je suis coordonnatrice de la recherche et du développement de l'Atlantic Canada Fish Farmers Association. Je suis également membre de l'Atlantic Canada Aquaculture Industry Research and Development Network.

Michael Szemerda, vice-président, Division des opérations de l'eau salée, Cooke Aquaculture Inc. : Bonsoir. Je m'appelle Michael Szemerda, et je suis le vice-président de la Division des opérations de l'eau salée de Cooke Aquaculture, qui a des installations ici, dans le Canada atlantique, ainsi que dans le monde entier. Je suis responsable de toutes les exploitations en eau salée en Amérique du Nord. Merci beaucoup de me donner l'occasion de comparaître.

Debbie Plouffe, vice-présidente, Recherche, Centre for Aquaculture Technologies Canada : Je m'appelle Debbie Plouffe. J'occupe le poste de vice-présidente de la recherche du Centre for Aquaculture Technologies Canada. Nous sommes situés sur la côte est de l'Île-du-Prince-Édouard.

Le président : Je crois comprendre que vous avez des observations préliminaires. Je ne suis pas certain qui va parler en premier, mais je vous laisse le soin de le décider.

M. Szemerda : Les femmes d'abord.

Le président : Vous vous êtes éliminé.

La parole est à vous.

Mme Plouffe : Mon exposé est court, et j'ai une courte série de diapositives. J'espère que vous en avez tous reçu une copie.

Je vais tout simplement parler, et espérons que cela suivra les diapositives.

Je vous remercie tous de m'avoir invitée ici aujourd'hui pour comparaître. Je racontais à mes collègues ici que j'ai lu beaucoup des transcriptions pour voir ce dont les autres personnes ont parlé. Je ne souhaite pas répéter ce qui a déjà été dit, alors j'ai essayé de trouver autre chose à dire.

J'aimerais vous présenter notre entreprise, et parler de l'importance que représente la recherche appliquée en matière d'aquaculture pour la croissance de l'industrie au Canada. Les premières diapositives visent non seulement à souligner le rôle que joue l'aquaculture sur le plan de la sécurité alimentaire mondiale, dont vous avez souvent entendu parler, j'en suis certaine, mais aussi à établir des comparaisons avec l'importance d'appliquer la technologie à l'agriculture commerciale.

Les années 1960 et 1970 sont connues comme ayant été celles de la révolution verte. À notre avis, l'aquaculture en est au point où nous pouvons tirer profit des leçons qui ont été tirées des autres secteurs de l'agriculture et les appliquer à notre industrie. Certains parlent de la prochaine étape comme étant celle de la révolution bleue.

La technologie peut être utilisée pour aider à apaiser les craintes des producteurs et des consommateurs ou de la population en général. J'ai indiqué quelques exemples de façons qu'elle peut faire cela sur la quatrième diapositive, soit en cherchant à assurer la viabilité et la sécurité alimentaire, à régler les problèmes de santé publique, à contribuer à l'augmentation de la production alimentaire et de la tolérance aux changements environnementaux et à réduire la main-d'œuvre et les coûts associés à la production. Toutes ces choses, à leur tour, feront augmenter les marges bénéficiaires des producteurs. La technologie peut contribuer à protéger l'environnement, à promouvoir l'utilisation ciblée des produits de santé à l'usage des poissons et des produits destinés à l'alimentation des poissons, et aussi à réduire l'empreinte écologique qui, d'après certains, est associée à la production aquacole.

De plus, n'oublions pas les changements climatiques et les changements que subira notre planète au cours des prochaines générations. Nous devons être en mesure de réagir rapidement aux changements mondiaux de demain, notamment en réduisant les délais de développement des produits et en assurant une plus grande prévisibilité des produits comparativement aux pratiques agricoles ou aux applications aquacoles traditionnelles.

Le Centre for Aquaculture Technologies est une entreprise privée de recherche en aquaculture. Fondée en 2012, elle est axée sur l'utilisation des technologies avancées pour améliorer le rendement de l'aquaculture. Des investissements étrangers ont fourni les fonds nécessaires pour constituer des équipes de chercheurs dans des laboratoires tant à San Diego, en Californie, et à l'Île-du-Prince-Édouard, au Canada. Pris ensemble, nos chercheurs ont des dizaines d'années d'expérience dans la recherche sur les poissons, les mollusques et les crustacés.

La mission du Centre for Aquaculture Technologies consiste à faciliter le développement de biotechnologies qui augmentent le rendement et la viabilité de l'aquaculture. Les technologies qui nous intéressent sont développées par nos équipes de recherche et de développement à l'interne. Nous exploitons également des licences technologiques d'autres sources, qui, d'après nous, s'appliquent à l'aquaculture et nous participons à des programmes de recherche et de développement en collaboration avec d'autres entreprises du secteur privé, des groupes d'universitaires et aussi des chercheurs du gouvernement. Nous estimons qu'il s'agit d'un important indicateur de croissance pour l'aquaculture et qu'il existe une nouvelle catégorie d'entreprises qui se spécialisent dans la recherche relative à l'aquaculture.

J'aimerais mettre l'accent sur deux points en particulier aujourd'hui. Le premier, c'est l'importance de la réglementation axée sur des données scientifiques pour l'industrie de l'aquaculture au Canada. Les décisions que nous prenons en matière de réglementation doivent être fondées sur des politiques scientifiques claires, et il faudrait que cela soit bien communiqué à la population. Cette politique peut être appliquée à plusieurs objectifs de recherche et de développement, notamment l'introduction de nouvelles espèces et la diversification de l'industrie. À l'heure actuelle, au Canada, nous sommes plutôt axés sur le saumon, mais un certain nombre d'autres espèces sont en train d'être développées pour l'aquaculture. Cela pourrait comporter certains risques et, à mon avis, cela fait peur à beaucoup de gens. De bonnes recherches fondées sur des données scientifiques nous aideront à écarter ou à découvrir les risques réels qui sont associés à ce genre d'introduction.

En raison des améliorations génétiques, que nous utilisions les techniques traditionnels de reproduction sélective — comme nous l'avons fait dans le passé dans l'agriculture industrielle — ou que nous utilisions le génie génétique, les nouveaux aliments et les nouveaux ingrédients des aliments pour poissons sont hautement prioritaires pour les producteurs. Les nouvelles options en matière de produits de santé et de produits thérapeutiques et biologiques pour poissons sont également importantes pour les producteurs, et nous croyons que les nouvelles technologies pourront augmenter la productivité de nos ressources et infrastructures existantes. Nous avons beaucoup entendu dire que nous avions besoin de nouveaux sites, mais nous considérons que l'application de nouvelles technologies nous aidera à mieux tirer profit des ressources présentement à notre disposition.

En vue de faire les recherches nécessaires, le CATC investit 6 millions de dollars dans une nouvelle installation de recherche — dont vous trouverez une image dans les diapositives — que nous planifions construire dans une région rurale de l'Île-du-Prince-Édouard, ce qui créera plus d'une quinzaine d'emplois hautement spécialisés dans la région. L'installation comprendra des aires de laboratoires humides et secs et sera axée sur la santé et la nutrition des poissons de même que sur la génétique et la reproduction. L'installation sera exploitée conformément à la réglementation de manière à générer des données qui conviennent à la délivrance de licences connexes et d'autres approbations régulatrices. Ce projet jouit de l'appui de notre administration locale, ainsi que des gouvernements provincial et fédéral, et l'installation devrait ouvrir ses portes au cours de l'été 2015. Nous avons très hâte de collaborer avec des intervenants, l'industrie privée de même que des organismes et des institutions financés par des fonds publics afin de générer de nouveaux outils pour la boîte d'outils de l'industrie de l'aquaculture.

Le deuxième point que je veux faire, c'est que les priorités en matière de recherche doivent être guidées par l'industrie. Vous avez probablement entendu beaucoup de demandes; les gens veulent de l'argent pour financer des immobilisations et aussi pour faire des recherches supplémentaires. Pour obtenir un bon rendement des investissements que nous effectuons dans la recherche et le développement et pour faire en sorte que l'industrie adopte les nouvelles technologies que nous développons, nous considérons que les priorités établies pour nos recherches doivent être guidées par l'industrie. Si ce critère n'est pas rempli, il y a peu de chances que l'industrie adopte ces technologies. Par exemple, des fonds devraient être attribués non seulement aux travaux exploratoires, mais aussi à la commercialisation et à l'application des technologies. Les technologies doivent réellement être transférées aux entreprises. Des entreprises comme la nôtre ont besoin de latitude pour développer des technologies et créer des emplois qui serviront l'industrie de l'aquaculture ainsi que les industries qui l'appuient.

Nous croyons aussi qu'il serait important pour les entreprises de faire des investissements directs dans des projets de recherche et de développement qui répondront à leurs besoins, et qu'elles devraient être encouragées à collaborer, au besoin. C'est une question compliquée, surtout pour de petits producteurs qui sont dans le rouge en ce moment. Comment peuvent-ils investir dans la recherche quand ils ont du mal à assurer leur production?

Une solution serait de mettre en place des programmes de prélèvement pour financer les recherches. À mon avis, cela mènerait au développement de plus de stratégies et de programmes à long terme. De plus — et j'ai entendu Ben parler de ceci un peu plus tôt —, il serait très important pour tous les programmes de financement disponibles d'être adaptés aux cycles de vie de nos animaux. Le temps de génération d'un saumon est de quatre ans tandis que beaucoup de programmes de financement sont à plus court terme que cela; il est donc vraiment difficile d'intéresser les gens à nos recherches.

C'est tout ce que j'ai à dire. Merci.

Mme House : Merci de m'avoir invitée à comparaître ce soir.

Les salmoniculteurs du Canada atlantique dépendent des nouvelles technologies et des recherches fondées sur des données scientifiques pour cultiver leurs poissons, et ils sont engagés à créer l'industrie de l'aquaculture la plus responsable et la plus novatrice du monde. Les coordonnateurs de la recherche et du développement, comme moi, qui forment l'Atlantic Canada Aquaculture Industry Research and Development Network, ou l'ACAIRDN, favorisent l'établissement de liens entre les provinces en coordonnant des activités de recherche et de développement pour le bénéfice direct de notre industrie. L'ACAIRDN défend les intérêts de la recherche dans l'industrie de l'aquaculture dans le Canada atlantique, la consolidation de l'industrie dans les provinces atlantiques et l'établissement de liens plus étroits entre les entreprises du fait qu'elles doivent relever les mêmes défis et ont les mêmes possibilités. La collaboration dans l'ensemble de la région nous permet d'optimiser nos ressources financières et humaines, ce qui sera d'une importance cruciale au fur et à mesure qu'il deviendra plus difficile d'avoir accès à des fonds pour la recherche.

C'est dans le cadre de discussions entre les coordonnateurs de la recherche et du développement et des représentants de l'industrie que des projets et des ateliers de recherche potentiels et/ou des stratégies de transformation de la technologie sont mis au point et que des demandes de financement sont formulées pour répondre aux besoins et aux priorités qui ont été déterminés — et ces priorités évoluent au fil du temps.

Mon mémoire comprend une liste des projets et des activités de R-D passés et actuels auxquels nous avons pris part. Je ne vais pas passer en revue toute la liste. Je vous laisse le soin de la lire, mais j'aimerais attirer votre attention sur la diversité des projets de recherche auxquels nous avons pris part et, dans le cas de projets comme ceux portant sur des modèles de vaccin contre l'AIS, la technologie des bateaux-viviers et l'élimination de SLICE, sur l'importance globale de ces projets pour l'industrie de l'aquaculture dans la région et au Canada.

Un des principaux domaines d'intérêt de l'ACFFA est la création d'un programme de recherche global visant la promotion de la gestion responsable des poissons, de même que de la recherche de développement, de l'innovation et des nouvelles technologies. Au cours des dernières années, nous avons vu un virage se produire sur le plan des recherches et du financement du gouvernement de sorte que maintenant, tout est essentiellement axé sur la recherche en réglementation. Nous avons aussi été témoins d'une réduction considérable de la capacité fédérale de recherche, et nous sommes préoccupés par le fait que les installations de recherche de la Station biologique de St. Andrews sont sous-utilisées.

Les compressions budgétaires du fédéral et des provinces font en sorte qu'il est difficile pour l'industrie de compter sur le financement et l'expertise nécessaires pour faire de la recherche collaborative. Les programmes de financement disponibles prennent souvent trop longtemps pour approuver les projets, ce qui empêche l'industrie de profiter de la fenêtre biologique pertinente, lui fait perdre des chercheurs étudiants et l'empêche de terminer ses travaux dans les délais prescrits. Certains fonds peuvent seulement être utilisés si l'on a recours à des chercheurs d'un établissement en particulier. Or, souvent cet établissement n'a pas la capacité sur le plan de la recherche ou du personnel pour mener à bien les travaux.

L'ACFFA travaille en collaboration avec d'autres collègues de l'industrie à l'élaboration d'un programme de médicaments à usage limité et d'espèces mineures, appelé MUMS, à l'appui de la recherche et de l'homologation des médicaments pour les poissons au Canada. Nous cultivons un nombre relativement petit de poissons, et moins de 3 p. 100 des aliments des saumons contiennent un antibiotique. De toute évidence, nous tombons dans la catégorie des médicaments à usage limité et des espèces mineures.

Il est important pour les vétérinaires d'avoir des options pour protéger leurs poissons si cela s'avère nécessaire, et un programme MUMS contribuera à encourager des entreprises pharmaceutiques à faire homologuer leurs produits au Canada.

L'ACFFA a utilisé beaucoup de ressources pour obtenir un appui à l'égard d'un plan de gestion intégrée des parasites, ou PGIP, fondé sur des données scientifiques, qui cible les poux du poisson dans la baie de Fundy, étant donné que toute option de gestion ou méthode de contrôle individuelle ne fonctionne tout simplement pas.

Bien qu'il existe un cadre de PGIP ciblant les poux du poisson, au Canada, l'accès à diverses options de traitement et de gestion est limité. Pour qu'un PGIP soit efficace, il faut avoir obtenu des approbations réglementaires pour diverses options de traitement et des autorisations en temps opportun afin d'évaluer l'efficacité des produits qui pourraient être utilisés. Les pisciculteurs canadiens n'ont pas accès aux formulations d'aliments qui sont disponibles dans d'autres pays, et ce, malgré le fait que les saumons nourris de ces ingrédients de remplacement peuvent être importés.

L'anémie infectieuse du saumon constitue une grave menace pour la santé de nos poissons. Par conséquent, des essais et un contrôle rigoureux font partie intégrante de la gestion des exploitations. Deux ateliers dans la région de l'Atlantique coprésidés par l'ACFFA et la NAIA — l'association de Terre-Neuve —, ont réuni des représentants de l'industrie, des régulateurs provinciaux, des vétérinaires provinciaux et des régulateurs fédéraux, notamment l'ACIA, pour examiner les leçons tirées au cours des incidents liés à l'AIS de 2012-2013, discuter des façons d'améliorer la détection précoce et les interventions rapides et pour continuer d'appuyer l'élaboration d'un programme de gestion et de contrôle de l'AIS pour toute la région de l'Atlantique.

Nous savons comment gérer l'AIS, mais il est d'une importance cruciale d'avoir un plan de réponse rapide, et, pour avoir un programme efficace, il faudrait que toutes les provinces soient dotées d'un plus grand nombre d'infrastructures et d'installations d'élimination approuvées dans l'industrie.

Les salmoniculteurs de la région de l'Atlantique collaborent avec des biologistes, des océanographes, des vétérinaires privés et gouvernementaux et des régulateurs pour dépister et traiter d'autres problèmes de santé des poissons qui continuent de constituer un défi pour l'industrie, notamment la maladie rénale bactérienne et les ulcères. Il faudrait également appuyer le développement de vaccins et d'outils de diagnostic de même que les efforts en vue d'avoir accès aux aliments fonctionnels ayant subi des essais cliniques, qui sont disponibles à l'échelle mondiale, mais pas au Canada.

L'ACFFA siège aux Comités de coordination de l'aquaculture du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. En raison des similarités qui existent entre le Nouveau-Brunswick et la Nouvelle-Écosse, une approche de réglementation harmonisée dans la région permettrait une meilleure collaboration en matière de recherche et développement.

Dans le cadre du Programme coopératif de recherche et développement en aquaculture, l'ACFFA et Sweeney International appuient un projet de deux ans visant à faire connaître toutes les nouvelles normes de pratique pour qu'elles fassent l'objet d'une surveillance environnementale.

L'ACFFA et les membres collaborent avec un éventail d'intervenants pour améliorer notre gérance de l'environnement. Au nombre des projets en cours qui sont axés sur la conservation, on compte les enquêtes sur les homards effectuées par Benson Aquaculture et Sweeney Marine Corp. ainsi que la collaboration entre Cooke Aquaculture et la Fédération du saumon atlantique pour améliorer les stocks de saumon sauvage dans la rivière Magaguadavic.

En 2014, l'ACFFA a facilité une collaboration entre Cooke Aquaculture, le parc national Fundy, la Première Nation de Fort Folly, le Centre des sciences de la mer Huntsman et le ministère de l'Agriculture, de l'Aquaculture et des Pêches du Nouveau-Brunswick. Cette collaboration donnera lieu à un nouveau Projet de rétablissement du saumon de l'intérieur de la baie de Fundy, qui s'étendra sur les cinq prochaines années.

Des saumoneaux sauvages seront pris au printemps, déplacés à une installation de quarantaine au centre de Huntsman pour qu'ils fassent l'objet de tests de salubrité, après quoi ils seront placés dans des fermes marines jusqu'à l'automne de l'année suivante. Les saumons seront alors remis dans leur rivière d'origine pour frayer.

Cette méthode de rétablissement pourrait contribuer à améliorer les stocks de saumon sauvage dans la baie de Fundy et ailleurs et pourrait avoir une incidence sur le rétablissement de l'espèce, qui ne serait pas possible sans cette collaboration.

Pour conclure, la salmoniculture est un secteur qui est fondé sur des données scientifiques. Par conséquent, l'ACFFA et l'ACAIRDN continueront de promouvoir une recherche concertée et axée sur les lacunes en matière de connaissances qui sont cernées par l'industrie. Nous exhortons le comité sénatorial à appuyer la recommandation d'allouer un financement fédéral dédié afin de pouvoir continuer de développer notre industrie.

Merci.

M. Szemerda : Bonjour à tous. Je vous remercie de m'accueillir aujourd'hui.

Je m'appelle Michael Szemerda. Je suis ici à titre de membre de l'équipe de gestion de Cooke Aquaculture. L'exposé que je vais vous présenter a été préparé en collaboration avec les personnes suivantes qui font partie de notre équipe scientifique : M. Keng Pee Ang, notre vice-président en recherche, alimentation et nutrition, qui est responsable de nos programmes de R-D, ou du moins d'en suivre l'évolution, parce qu'ils sont nombreux. Il s'excuse de ne pouvoir être présent parce qu'il avait déjà pris un engagement. M. Jake Elliott, notre vice-président aux opérations techniques et en eau douce, qui chapeaute nos programmes d'écloserie et d'élevage. Dre Leighanne Hawkins, notre vétérinaire d'entreprise qui supervise aussi le travail de notre équipe interne de vétérinaires et de techniciens en santé du poisson. Nous sommes aussi heureux d'avoir avec nous Alan Donkin, notre spécialiste en alimentation et nutritionniste, et Mitchel Dickie, notre gestionnaire des opérations techniques en eau douce. Ces personnes sont épaulées par une équipe de gestionnaires professionnels et 2 600 employés qui travaillent dans divers pays.

En tant que vice-président des opérations en eau salée, je suis responsable des opérations d'élevage en Amérique du Nord et je participe directement à de nombreuses initiatives de recherche et de développement. Je fournis aussi du soutien technique à quelques organismes externes qui ont élaboré des normes en aquaculture, notamment une norme biologique pour le Canada.

En mai dernier à Halifax, notre vice-président des communications vous a brossé un portrait de notre entreprise et de son évolution. Il y a 28 ans, nous avions une seule ferme d'élevage de 5 000 poissons, et aujourd'hui, nous sommes un joueur mondial avec des activités au Canada, aux États-Unis, au Chili, en Espagne et en Écosse. Notre entreprise est présente dans de nombreux pays et continue néanmoins d'investir au Canada atlantique.

Nous sommes une entreprise familiale du Canada atlantique dont le succès repose sur notre philosophie, notre planification stratégique, notre équipe de gestionnaires professionnels et notre personnel dévoué. Notre succès repose aussi en grande partie sur nos investissements soutenus en R-D et en innovation.

La recherche scientifique et le développement ont toujours été au cœur de nos activités. Nous avons été à la fine pointe de l'innovation tout au long de notre histoire. Notre budget de recherche et développement s'élève maintenant à plus de 1 million de dollars par année. En plus de ces investissements importants, nous continuons d'améliorer notre technologie et nos innovations.

Comme je n'ai pas le temps aujourd'hui de vous parler de tous nos travaux et de toutes nos initiatives en cours, je vais vous donner un aperçu de notre programme de R-D, de ses objectifs, de nos collaborateurs et de quelques initiatives en cours.

Nous concentrons nos activités scientifiques et de recherche dans trois domaines : la santé du poisson, l'efficacité de la production et notre programme interne d'élevage sélectif. Certaines initiatives sont totalement internes, d'autres ont été élaborées avec des partenaires externes et d'autres ont bénéficié d'un soutien financier.

Notre programme de santé du poisson porte sur une grande diversité de sujets, mais une de nos grandes priorités en R-D à l'heure actuelle est la gestion du pou du poisson. J'aimerais souligner que si on effectue une recherche sur les programmes de recherche qui portent sur la production de protéines, je pense que les produits de la mer représentent environ 10 p. 100 de la production mondiale totale, et si on fait une recherche sur tous les programmes de recherche, on constate que la balance penche grandement du côté terrestre. Les programmes de recherche ne sont pas proportionnels à la production. Il y a donc un retard, mais comme vous le verrez, de nombreuses initiatives sont en cours. Je pense donc que même s'il s'agit d'une proportion mondiale, localement, nous investissons assurément temps et argent dans des initiatives.

Je disais donc que notre programme sur la santé du poisson porte une grande variété de sujets, mais qu'une de nos grandes priorités en R-D à l'heure actuelle est la gestion du pou du poisson. Nous investissons notamment des sommes considérables dans les technologies vertes non chimiques. Notre programme sur la tanche-tautogue ressemble au programme norvégien sur le labre, soit l'utilisation de poissons nettoyeurs ou de poissons qui mangent les poux des saumons. Nous ne pouvons pas utiliser le labre — nous avons posé la question même si nous connaissions la réponse — parce qu'il ne s'agit pas d'une espèce indigène. La tanche-tautogue, par contre, est une espèce qui se trouve dans notre région, et nous procédons à des essais sur le terrain et en laboratoire depuis 2010. Nous sommes aussi en train de mettre sur pied un programme sur les reproducteurs au Huntsman Marine Science Centre afin de ne pas continuer à dépendre de la tanche-tautogue sauvage.

Des essais en réservoir réalisés en 2010 ont permis de confirmer que la tanche-tautogue raffole du pou du poisson. En 2011, nous avons procédé à des essais dans des cages flottantes en mer en variant le nombre de tanche-tautogue. En 2012, nous avons élargi l'expérience à un tiers de nos fermes d'élevage au Nouveau-Brunswick. Les essais menés en laboratoire par M. Les Burridge à la SBSA ont révélé que les traitements au peroxyde d'hydrogène ou au Salmosan ne nuisaient pas à la tanche-tautogue. Le taux de mortalité au sein de la population a été très faible, en fait, et les survivants font maintenant partie de nos reproducteurs au Huntsman Marine Centre. Un programme similaire a été mis sur pied à St. John's, Terre-Neuve, en collaboration avec l'Ocean Science Centre de l'Université Memorial.

Nous sommes aussi en train de mettre au point un programme d'élevage de la lompe calqué sur celui de la Norvège qui semble prometteur. Voilà donc un aperçu des programmes menés sur la lompe et la tanche-tautogue au Huntsman.

Un autre de nos domaines de recherche prioritaires est celui de l'équipement et de l'alimentation. Au sein de notre division de l'alimentation, Northeast Nutrition Inc., nous procédons à des essais sur le terrain et en laboratoire sur l'alimentation. En mai dernier, Tom Taylor, qui représentait NNI, Northeast Nutrition Inc., lors de la rencontre à Halifax, en Nouvelle-Écosse, en a parlé plus en détail.

Au sein de GMG, notre division de service et de fabrication d'équipement, nous collaborons avec le professeur David Fredriksson, de la Naval Academy au Maryland, sur la conception de cages. Il possède une combinaison unique d'expérience de recherche et de connaissances techniques dans le domaine de l'aquaculture marine. Il s'intéresse notamment aux techniques de modélisation numérique et physique avec mesures sur le terrain pour les systèmes de parcs clos, y compris les fermes d'élevage de saumon.

Nous testons aussi une nouvelle technologie pour nettoyer les filets à l'aide de robots sur place au lieu d'utiliser des agents antisalissures. Nous investissons aussi dans la conception d'un type de filet avec mailles d'acier plus solides pour éviter les dommages causés par les prédateurs.

Nous avons aussi un programme de traçabilité de la descendance homologué qui constitue une pièce maîtresse de notre programme interne d'élevage sélectif basé sur les familles. Ce programme nous permet en effet de retracer nos produits tout au long de la chaîne de valeur à partir de l'œuf. Pour mettre au point ce programme, nous avons reçu du financement dans le cadre du FIA de l'APECA.

Vous trouverez dans le document une liste d'initiatives qui sont en cours à la Station biologique, de même que des participants et des organismes qui contribuent à leur financement, et je ne les passerai donc pas en revue. Il y a essentiellement quelques pages sur les travaux que nous menons avec le MPO à St. John's, Terre-Neuve, le MUN Science Centre à Terre-Neuve, le Centre du MPO à la Station biologique de St. Andrews et bien d'autres. Il y a aussi Génome Canada et le Programme de partenariats pour les applications de la génomique concernant le saumon et les puces; Génome Canada pour un projet de recherche appliquée à grande échelle, l'application du génome à l'étape de la production marine de la salmoniculture; l'initiative du CRSNG avec l'Université Laval, l'Université Dalhousie, sur l'utilisation des sous-produits du saumon pour la fabrication de médicaments destinés à l'humain; les subventions stratégiques du CRSNG sur l'utilisation du génome pour mieux diversifier notre programme d'élevage; la Chaire de recherche industrielle CRSNG-Cooke en aquaculture durable, qui a été baptisée au début du printemps dernier, si je me souviens bien, et nous sommes heureux que M. Jon Grant, de l'Université Dalhousie l'ait baptisé ainsi. Cela nous a vraiment beaucoup aidés à accélérer la cadence en recherche et développement et aussi à embaucher beaucoup plus de chercheurs très qualifiés que nous avons au Canada atlantique. Nous sommes aussi copropriétaires de la Sea Run Holding Company qui effectue des recherches sur les applications liées aux sous-produits du saumon qui peuvent entrer dans la fabrication de médicaments destinés à l'humain pour soigner notamment la douleur, l'hémostase et les lésions de la moelle épinière. L'entreprise reçoit aussi des fonds du National Institute of Health des États-Unis.

Je siège de plus au conseil d'administration du RCAMTI, le Réseau canadien d'aquaculture multitrophique intégrée, un domaine dans lequel nous travaillons depuis environ 10 ans. Nous effectuons de la recherche dans d'autres domaines, notamment le rendement du système environnemental et l'interaction entre les espèces, la conception et l'application technique des systèmes — ce sont quelques exemples d'initiatives menées au sein du RCAMTI —, l'analyse économique, la modélisation financière pour l'AMTI, et le réseau en est à sa sixième année dans le dossier. Il y a aussi, encore une fois, le MPO et d'autres organismes.

Vous avez pu voir sur les sept diapositives précédentes une liste de diverses initiatives et de nos principaux collaborateurs dans le domaine de la recherche et de la science. Dans chaque cas, Cooke Aquaculture fournit un soutien financier et en nature, et l'organisme ou le programme offre un soutien financier.

Dans le cadre du programme de la Chaire de recherche industrielle CRSNG-Cooke en aquaculture durable dirigé par M. Jon Grant, Cooke investit des sommes considérables pour développer une industrie fondée sur la science. Comme M. Grant a déjà expliqué le tout au comité en mai dernier à Halifax, je n'entrerai pas dans les détails.

J'aimerais vous dire quelques mots au sujet de la recherche sur le génome.

Il ne faudrait pas confondre cela avec le saumon OGM ou la production de poissons génétiquement modifiés. Le génome est un outil pour notre programme d'élevage sélectif. L'initiative Saumon et Puces qui a été annoncée dernièrement vise à accélérer l'amélioration génétique des caractères fonctionnels de notre saumon atlantique d'élevage à l'aide de techniques modernes utilisées pour l'élevage des animaux. Nous voulons ainsi améliorer notre compétitivité mondiale. Parmi les caractères fonctionnels que nous voulons améliorer, mentionnons la qualité des œufs et leur taux de survie, le taux de croissance, le rendement, la texture, la pigmentation, la maturité, la résistance aux maladies comme l'AIS, le pou du poisson et la MRB.

M. Thierry Chopin vous a fait un exposé un peu plus tôt sur le programme d'aquaculture multitrophique intégrée. Nous sommes aussi heureux de votre visite à la ferme d'élevage d'AMTI dans la baie de Fundy plus tôt cette semaine, et c'est pourquoi nous l'avons inclus, mais nous n'entrerons pas dans les détails.

La diapositive suivante contient une liste des principaux collaborateurs et organismes de financement avec lesquels nous travaillons. Je vais donc les énumérer rapidement : l'Université Guelph, l'Université Laval, l'Université Memorial, l'Université de l'Île-du-Prince-Édouard, le Collège vétérinaire de l'Atlantique, l'Université Dalhousie, l'Université du Nouveau-Brunswick, l'Université du Maine, l'Université Victoria, l'Université de la Colombie-Britannique, l'Université Simon Fraser et l'Université de l'île de Vancouver. J'ai remarqué que nous en avions oublié quelques-uns.

Nous collaborons également avec divers organismes de financement, au fédéral : le MPO Nanaimo, en Colombie-Britannique, le MPO St. John's, à Terre-Neuve, le MPO St. Andrews; nous avons aussi l'USDA à Franklin, dans le Maine, nous avons les gouvernements provinciaux, donc le MPA Terre-Neuve et le MPA de la Nouvelle-Écosse. Parmi les autres, nous avons l'APECA, le PCRDA, le PGIA, le CRSNG, les IRSC, le Conseil national de recherches et le PRRA, parrainé à la fois par le MPO et l'IRDG.

Enfin, j'aimerais vous parler d'un autre programme dans lequel nous sommes le partenaire de l'industrie. Il ne concerne pas directement la production ou notre entreprise, mais il est d'une importance fondamentale pour les propriétaires de notre entreprise, de même que pour bon nombre d'entre nous. Je parle ici du Programme de conservation du saumon. Nous sommes bien évidemment des partenaires dans la conservation du saumon. Nous avons l'expertise et l'expérience nécessaires pour contribuer à la conservation du saumon sauvage. Cooke Aquaculture a investi près de 250 000 $ au cours des 10 dernières années comme partenaire dans le programme de rétablissement du saumon de la rivière Magaguadavic. Nous fournissons les installations et le personnel à une de nos écloseries sur la rivière Magaguadavic pour élever des poissons de rivière qui pourront être relâchés à divers stades de croissance. Selon nos biologistes du saumon, dont certains ont déjà travaillé pour la Fédération du saumon atlantique, après des années d'ensemencement non ciblé dans les rivières de millions de saumons élevés en écloserie, il ne reste sans doute plus de saumons entièrement sauvages.

Nous participons aussi au programme de rétablissement de l'intérieur de la baie de Fundy en faisant l'élevage du saumon dans nos cages marines à Grand Manan, afin de les relâcher dans les rivières lorsqu'ils atteindront l'âge adulte. Il s'agit d'un partenariat emballant et prometteur auquel nous participons avec Parcs Canada, le MPO et les Premières Nations. Nous sommes en quête de nouveaux partenariats dans le domaine de la conservation en Nouvelle-Écosse et dans le Maine.

J'espère vous avoir donné un portrait plus clair des investissements considérables auxquels nous procédons dans la recherche scientifique et le développement, et aussi de l'importance que nous attachons à la mise en place d'une industrie basée sur la science.

Si je peux vous faire une recommandation en terminant, ce serait la suivante : il faut que le gouvernement fédéral maintienne et accroisse même le financement destiné à la science, à la recherche et au développement. C'est un élément fondamental pour assurer le succès et l'avenir de l'aquaculture au Canada.

Merci beaucoup.

Le président : Je vous remercie tous. Vous nous avez fait d'excellents exposés et nous devrons certainement examiner de près le volet science, recherche et développement au sein de l'industrie.

Le sénateur Meredith posera les premières questions.

Le sénateur Meredith : Je vous remercie beaucoup de vos exposés. Ils ont été très instructifs.

Voici la grande question qu'il faut se poser. Avant la pause, Mme Milewski nous a parlé de l'industrie et de son taux de rentabilité de 52 p. 100 pour les investisseurs, et vous avez tous dit dans vos exposés que vous étiez à la recherche de financement. Avec un taux de rentabilité comme celui-ci, pourquoi n'investissez-vous pas une part plus importante des profits dans la R-D? Je sais que vous avez mentionné plusieurs partenaires. Madame House, je sais que vous avez mentionné dans votre exposé que le financement n'était pas au rendez-vous. Madame Plouffe, vous avez aussi mentionné cela, et vous avez mentionné que vous aviez investi pour avancer, mais qu'il faut que d'autres le fassent aussi.

Pensez-vous que l'industrie doit mettre davantage l'accent sur la recherche et réinvestir une partie plus importante de ses profits? Encore une fois, je ne dis pas que les gouvernements n'ont pas un rôle à jouer, car on peut créer des emplois et aider l'industrie à croître. Je pense que nous avons tous cet objectif ultime en tête, mais quelle est la part qui revient à l'industrie?

Le président : J'aimerais simplement avoir une précision. Lorsque la dame a parlé de 52 p. 100, je pense qu'elle comparait les piscicultures en milieu marin et celles en milieu terrestre. C'est ainsi que je l'ai compris.

Le sénateur Meredith : C'est exact, oui.

Le président : Je ne dis pas que je suis d'accord ou en désaccord. Je répète simplement ce qu'elle a dit. Je voulais simplement m'assurer que vous avez bien compris au cas où vous n'ayez pas entendu ce qu'elle a dit.

M. Szemerda : Honnêtement, je ne sais pas d'où viennent ces chiffres non plus, et tout ce que je peux dire à ce sujet, c'est que nous sommes une entreprise privée du Canada atlantique, et qu'à ce titre, nous ne publions pas nos états financiers. Je peux vous dire cependant que Kelly Cove Salmon/Cooke Aquaculture est en activité depuis 28 ans et qu'elle n'a jamais été dans le rouge, même à la fin des années 1990 et au début des années 2000 lorsque nous avions des problèmes avec l'AIS et au début des années 1990 quand le pou du poisson a fait son apparition.

Je peux vous dire qu'il ne faut pas avoir froid aux yeux pour investir dans cette industrie, car il y a de nombreux défis à relever pour avancer. Il y a eu beaucoup de regroupements au sein de l'industrie au Canada atlantique, et si c'est le cas, c'est parce que les marges ne sont pas si importantes que ça. Une stratégie à laquelle nous avons eu recours au fil des ans a été l'intégration verticale, c'est-à-dire que nous contrôlons notre destinée depuis les géniteurs jusqu'au produit dans l'assiette, et cela nous a permis d'affronter les tempêtes, si on veut, quand les prix mondiaux piquent du nez, quand la concurrence venant d'autres régions s'accroît, ou quand des problèmes surgissent même près de nous. L'an dernier, par exemple, nous avons eu des problèmes avec l'AIS en Nouvelle-Écosse et à Terre-Neuve. Sans notre intégration verticale, il aurait été difficile pour nous de nous maintenir.

Nous misons beaucoup sur la R-D. Nous réinvestissons beaucoup dans des projets. Je sais que je consulte la liste des collaborateurs; il y a les universités, le MPO et d'autres organismes. Nous consacrons beaucoup d'argent à ces projets et nous offrons une forte contribution en nature; on parle de beaucoup de temps, qui n'est pas nécessairement comptabilisé. En général, c'est soit que nos installations sont utilisées pour des projets de recherche, soit qu'on utilise notre poisson pour mener les projets. Donc, tout cela pris en compte, on parle de bien plus de 2,5 millions de dollars par année, probablement plus. Ce n'est certainement pas négligeable, et ce n'est pas quelque chose que nous tenons pour acquis. Nous y investissons massivement, et nous prenons cela au sérieux. Nous réinvestissons en recherche-développement parce que nous considérons que promouvoir le progrès du secteur de l'aquaculture au Canada est avantageux, pas seulement pour nous, mais pour l'ensemble des Canadiens.

Mme Plouffe : Je suppose que je devrais dire que Cooke Aquaculture est le modèle à suivre. Il s'agit d'un important producteur et aucune des sociétés de la côte Ouest n'est ici pour se défendre, mais il faut savoir qu'ils investissent beaucoup d'argent en R-D. Ces sociétés abordent la production en fonction de l'avenir et de façon novatrice.

Voilà donc le modèle à suivre. J'habite à l'Île-du-Prince-Édouard, où l'on trouve un certain nombre de petits conchyliculteurs. Il s'agit de petites entreprises indépendantes qui élèvent des moules et des huîtres; elles sont à peine rentables. Betty pourrait faire quelques commentaires à ce sujet. Je ne sais pas comment on pourrait inciter ces gens à investir dans leur propre industrie. Actuellement, l'Île-du-Prince-Édouard occupe une part de marché considérable pour ce qui est de la production de la moule bleue, par exemple, mais d'autres pays la suivent de près et investissent déjà dans des programmes d'élevage. Actuellement, on ne voit pas ce genre d'activités à l'Île-du-Prince-Édouard, car les éleveurs n'ont pas les moyens de faire cet investissement. Je pense qu'il faut être prudent. Bien que le financement fédéral soit nécessaire pour lancer ce genre de projet, il faut commencer à investir dès le début et investir le plus possible — comme l'a fait Cooke Aquaculture — afin de ne pas dépendre des fonds publics pour mener des activités de R-D à l'avenir. C'est à ce moment-là que notre entreprise est touchée. Beaucoup d'entreprises dépendent de l'aide gouvernementale et des fonds publics, et notre entreprise se retrouve en concurrence avec son propre gouvernement pour ce qui est de l'offre de services. En tant que contribuable et exploitante d'entreprise, ce n'est pas la situation que je préfère. Betty pourrait vous parler de ce qu'il en est pour les plus petits producteurs.

Mme House : Je ne peux pas vraiment dire ce qu'il en est de l'industrie des mollusques, étant donné que je ne participe pas directement aux activités ici, au Nouveau-Brunswick. Toutefois, je peux vous parler des nombreux petits producteurs de mollusques, du point de vue de mes autres partenaires de l'ACAIRDN. Encore une fois, nous avons parlé des programmes de financement. Nous en avons perdu certains, comme le PGIA, tandis que pour d'autres, comme le PCRDA, on a essentiellement éliminé du programme toute recherche liée à la production. Nous avons donc perdu cette possibilité, en quelque sorte. Pour les plus petits exploitants, même ceux du secteur des poissons à nageoires... Lorsqu'une entreprise atteint la taille suffisante pour avoir une intégration verticale et pour compter sur une expertise à l'interne, c'est formidable. Or, ce n'est pas le cas des petits exploitants. Ce sont des entreprises familiales. Elles doivent pouvoir avoir accès aux chercheurs du MPO et à d'autres experts. Habituellement, le financement de sources fédérales est la seule façon d'obtenir l'aide de ces experts pour régler un problème. Parfois, le financement de sources provinciales peut aussi être utile. Le Nouveau-Brunswick, en particulier, nous a appuyés pour bon nombre de projets dont j'ai parlé, mais l'industrie ne peut se passer du financement fédéral.

Le sénateur Meredith : Vous parlez de collaborateurs, Michael, et vous êtes l'un des quatre plus grands acteurs au Canada. Il y a Marine Harvest ainsi que deux autres intervenants.

Madame Plouffe, vous avez parlé de cet aspect par rapport aux plus petites fermes piscicoles. Je sais que vous vous concentrez sur l'élevage du saumon, mais qu'en est-il de la collaboration avec ces industries au moment où votre industrie est en croissance et que vous vous diversifiez? Hier, nous avons visité des producteurs de pétoncles, à Gaspé, et nous avons visité les usines des producteurs d'autres mollusques et crustacés. Que pensez-vous de la collaboration avec ce genre de producteurs à l'avenir?

M. Szemerda : Eh bien, manifestement, le saumon est notre spécialité et c'est là-dessus que nous misons, mais nous avons mené des projets de recherche par rapport à diverses espèces pour promouvoir ces industries au Canada. Nous avons mené des recherches sur la truite, l'omble chevalier, la morue, l'aiglefin, la moule bleue et les algues laminaires, et nous avons présenté des demandes pour d'autres espèces. Ces demandes visent le concombre de mer, le ver polychète et le pétoncle géant, mais sur le plan de la R-D, comme tous l'ont mentionné, le développement de chacune de ces espèces prend un certain temps. Pour être honnête, franchir toutes les étapes du processus de réglementation est très long. En raison de ce processus, pour la moule, il nous a fallu huit ans pour passer de l'étape d'un projet de recherche en installation à l'autorisation de vendre. Il nous a fallu plus de cinq ou six ans pour obtenir l'autorisation d'élever le pétoncle géant sur la ferme piscicole. Lorsque nous avons l'autorisation, je pense que nous sommes toujours ouverts à la collaboration avec d'autres petits exploitants.

Vous avez mentionné les pectiniculteurs de la Gaspésie, et il y en a dans la baie de Passamaquoddy. Il n'est pas logique d'essayer de réinventer la roue. Il est plus logique de collaborer avec un petit éleveur qui a l'expertise. Si nous pouvons obtenir le permis pour ensuite accroître les connaissances sur la façon d'améliorer ces systèmes, c'est avantageux pour eux et pour nous. Donc, nous sommes toujours disposés à collaborer avec les petits exploitants et les spécialistes d'autres espèces. Nous cherchons seulement à accroître l'acceptabilité à l'égard de l'aquaculture et à favoriser les occasions d'affaires dans ce secteur au Canada.

Le sénateur Meredith : Merci.

La sénatrice Stewart Olsen : J'aimerais savoir comment vous entrevoyez l'avenir. Plusieurs témoins nous ont dit qu'il y a peu de marge de manœuvre pour la croissance des activités liées aux poissons à nageoires au Nouveau-Brunswick. Cooke Aquaculture regarde-t-elle du côté de l'élevage en circuit fermé? Cherchez-vous à étendre vos activités ou le statu quo vous convient-il? Vous n'avez pas à révéler vos secrets; cela peut être hypothétique.

M. Szemerda : Actuellement, nos activités d'élevage au Nouveau-Brunswick n'ont pas atteint leur plein potentiel. C'est beaucoup lié à ce dont nous parlions : l'accès aux produits, les possibilités de traitement et les aliments fonctionnels. J'ai abordé certains de nos projets de recherche et développement liés au pou du poisson, et nous poursuivons nos importantes activités de recherche dans le secteur des technologies vertes pour lutter contre le pou du poisson.

Nous n'avons toujours pas atteint notre plein potentiel au Nouveau-Brunswick. Il y a toujours des possibilités de croissance du côté des poissons à nageoires. Nous avons toujours la possibilité de diversifier de nouveau nos activités si les conditions du marché en démontrent la viabilité. J'entends par là une viabilité à tous les égards, soit sur les plans économique, social et environnemental.

D'autres espèces pourraient entrer en jeu. Il y a eu le flétan, l'aiglefin et la morue, et il pourrait y en avoir d'autres. Donc, nous sommes toujours à l'affût. Nous continuerons d'étudier les possibilités de diversification.

Je pense qu'à l'échelle mondiale, on parle d'une production d'environ 90 à 100 millions de tonnes de produits d'aquaculture, dont près de la moitié se fait en installation. Les occasions sont donc nombreuses, mais il faudra plus de temps et plus d'activités de R-D pour trouver ces marchés et les exploiter.

Il y a des possibilités au Nouveau-Brunswick. Il faut choisir le bon moment et appuyer adéquatement la mise en œuvre de ces projets. Voici ce que nous réserve l'avenir au Nouveau-Brunswick, à mon avis : on cherchera à optimiser les activités actuelles; les industries des poissons à nageoires et du saumon demeureront viables et il y aura une diversification vers d'autres espèces lorsque la situation sera propice. Cette diversification touchera les produits d'origine végétale et des produits des milieux de sédimentation comme le concombre de mer, les animaux filtreurs comme les pétoncles, des produits qui ont de la valeur et qui peuvent être commercialisés. Étant donné que c'est le secteur que je connais le mieux, je ne parle que de la côte Sud du Nouveau-Brunswick, mais il y a aussi des possibilités dans le Nord.

La sénatrice Stewart Olsen : Merci.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Betty, vous avez mentionné d'autres activités liées à la santé du poisson et vous avez abordé d'autres enjeux à cet égard, comme la rénibactériose et les ulcères. Comment les poissons contractent-ils une maladie rénale? Est-ce nouveau? Cela a-t-il toujours existé?

Mme House : C'est une maladie bactérienne contre laquelle nous luttons depuis...

M. Szemerda : Depuis 28 ans.

Mme House : Oui, 28 ans. Cela existe depuis le début, mais encore une fois, le problème est en grande partie lié aux outils de diagnostic. C'est une bactérie étrange, et M. Forward pourrait vous en dire plus à ce sujet. Or, il faut savoir qu'il est très difficile, comme en santé humaine, d'avoir un outil de diagnostic qui ne donne pas un faux positif ou un faux négatif. Nous en sommes donc encore à la conception d'outils de diagnostic pour les poissons, et il y a également des problèmes quant à l'accès aux antibiotiques ou à un médicament quelconque pour traiter les poissons qui sont atteints de cette maladie.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Est-ce attribuable à un manque de financement?

Mme House : C'est une excellente question. Je dirais que c'est le nœud du problème. Ce que je veux dire, c'est que les grandes sociétés pharmaceutiques ne financent plus la recherche sur les antibiotiques et les médicaments destinés aux humains. Elles investissent dans le Viagra et des choses qui sont très rentables, mais elles n'investissent plus dans ce qui est vraiment important. Donc, par rapport au poisson, c'est encore plus bas sur la liste des priorités.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Je suis désolée de l'entendre; merci de la réponse.

Mme House : Il n'y a pas de quoi.

Le président : Je remercie nos témoins d'avoir pris le temps de venir ici ce soir. Nous avons reçu beaucoup de renseignements aujourd'hui. Quant à savoir si notre rapport sera prêt en juin prochain, cela reste à voir. Nous tenons à vous remercier de nous avoir permis de visiter vos installations l'autre jour et d'avoir pris le temps de venir au comité ce soir pour nous donner des explications et des renseignements qui seront certainement utiles pour notre étude.

En terminant, je dirais qu'au cours des trois, quatre ou cinq prochains mois que durera notre étude, si vous avez des renseignements que vous estimez utiles pour la préparation de notre rapport, vous êtes libres de communiquer avec le comité pour lui transmettre ces informations. Ne vous limitez pas à votre comparution au comité aujourd'hui.

J'aimerais maintenant souhaiter la bienvenue à notre dernier témoin d'aujourd'hui. Nous sommes heureux d'accueillir M. Randy Angus ce soir.

Monsieur Angus, je crois savoir que vous avez un exposé. La parole est à vous.

Randy Angus, directeur, Gestion intégrée des ressources, Mi'kmaq Confederacy of Prince Edward Island : Bonsoir, et merci. Je m'appelle Randy Angus et je représente avec la confédération des Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard.

La confédération des Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard est une tribune commune qui permet aux deux Premières Nations de l'Île-du-Prince-Édouard de traiter des questions en suspens relatives aux droits ancestraux et aux droits issus de traités. La confédération est un conseil tribal et une organisation provinciale territoriale dont la direction est assurée par un conseil d'administration formé de membres des conseils de bande des Premières Nations d'Abegweit et de Lennox. La confédération est une tribune commune pour les deux Premières Nations et est la porte-parole pour les questions concernant les droits issus de traités et les droits ancestraux et la défense de ces droits.

Les groupes autochtones jouissent de droits et de titres exclusifs en ce qui concerne les ressources et les terres côtières. L'article 35 de la Loi constitutionnelle de 1982 confirme les droits des Autochtones et les droits issus de traités au Canada. Les droits ancestraux sont des droits qui découlent de pratiques ancestrales et de l'occupation de certains territoires ou de l'exploitation de ses ressources. Les titres autochtones, qui sont de nature territoriale, sont désormais reconnus lorsqu'il est possible de démontrer l'occupation suffisante, en particulier en ce qui concerne la nature des terres et leur mode d'utilisation ordinaire.

Les Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard revendiquent un titre ancestral sur les terres et les eaux de l'Île-du-Prince-Édouard et sur les régions extracôtières adjacentes; ils affirment qu'ils n'ont pas concédé leurs droits territoriaux dans le cadre de traités, par cessation volontaire, ou autrement.

Je suis directeur de la gestion intégrée des ressources pour le compte de la confédération des Mi'kmaq de l'Île-du-Prince-Édouard. Mon poste a été créé très spécifiquement en fonction de la vision micmaque, acquise sur des milliers d'années, selon laquelle tous les aspects sont liés ou intégrés. Les processus physiques, les processus biologiques ainsi que les processus chimiques sont tous liés et s'intègrent ensemble pour former le monde autour de nous. Autrement dit, toute action que nous entreprenons a une incidence sur une certaine partie de notre environnement. L'exploitation aquacole est l'un de mes mandats. L'aquaculture mène à l'utilisation durable des ressources et à la création d'emplois.

L'exploitation aquacole durable a le potentiel de rétablir les Premières Nations côtières pour qu'elles redeviennent des collectivités florissantes et autosuffisantes grâce à l'accroissement de l'emploi, des revenus et de gouvernance des territoires ancestraux. Nous avons des collectivités bien positionnées, adjacentes aux voies maritimes.

Nos deux collectivités autochtones expriment un intérêt à apprendre davantage et à participer aux nouvelles possibilités du secteur aquicole. En réponse à cet intérêt accru, le ministère des Pêches et des Océans, en partenariat avec Affaires autochtones et Développement du Nord, a mis en œuvre l'Initiative d'aquaculture autochtone au Canada. L'une de nos collectivités a obtenu du financement dans le cadre de ce programme, et nous espérons qu'il sera maintenu, de façon à ce que les deux bandes puissent en bénéficier.

Le manque de capital est un problème réel. Pour la plupart des entreprises aquicoles, il faut un minimum de trois ans avant que les activités produisent une encaisse positive. Entre-temps, la dette doit être amortie, et les salaires et d'autres dépenses de fonctionnement doivent être payés. Dans la plupart des cas, sinon tous, le financement de l'entreprise par la bande autochtone serait épuisé au cours du processus d'aménagement du site aquicole au-delà du stade expérimental.

Un investissement dans l'aquaculture par le gouvernement du Canada serait très avantageux pour les collectivités autochtones; cela favoriserait la création d'emplois, le renforcement de la capacité et la sécurité alimentaire, et cela permettrait aussi de réinvestir les profits là où les besoins sont les plus criants, c'est-à-dire dans les collectivités.

Les possibilités d'aquaculture terrestre, en particulier les systèmes d'aquaculture en parc clos, pour le saumon de l'Atlantique, sont perçues comme une occasion positive et écologiquement durable pour les Premières Nations de l'Île-du-Prince-Édouard.

On s'inquiète du fait que le gouvernement actuel réduit l'effet des règlements et qu'il refile les responsabilités en matière de reddition de comptes à l'industrie. Les modifications réglementaires proposées auraient pour effet de soustraire les activités aquicoles aux dispositions générales du paragraphe 36(3) de la Loi sur les pêches, qui interdit le dépôt de substances nocives dans les eaux où vivent les poissons. Les modifications envisagées permettront le dépôt de pesticides et de médicaments dans l'environnement aquatique, à condition que leur utilisation soit autorisée en vertu de la Loi sur les produits antiparasitaires ou de la Loi sur les aliments et drogues.

Le fondement des modifications proposées à la Loi sur les pêches est que l'homologation aux termes de la loi, gérée par Santé Canada, est suffisante pour protéger l'environnement aquatique.

Ce fondement n'est pas justifiable, et ce, pour un certain nombre de raisons. Bien que l'homologation aux termes de la Loi sur les produits antiparasitaires comporte la détermination du risque aquatique, cette évaluation du risque est effectuée par un organisme qui n'a pas de mandat particulier en matière de protection de l'environnement, comme c'est le cas du MPO en vertu de la Lo sur les pêches.

Nos préoccupations sont que la raison réelle de ces règlements est de permettre à l'industrie d'accéder à un plus large éventail de pesticides et de médicaments plus puissants qui seraient contestés aux termes des dispositions actuelles de la Loi sur les pêches, en fonction de l'interprétation du risque environnemental élevé qu'ils représentent. Cela met l'environnement à risque alors que la protection de l'environnement est de la plus haute importance pour les Premières Nations de l'Île-du-Prince-Édouard. Nous nous opposerons vigoureusement à toute tentative de le dégrader.

Enfin, à l'Île-du-Prince-Édouard, il est possible que nous ayons à composer avec le rapprochement des compétences provinciale et fédérale. La gestion de l'aquaculture à l'Île-du-Prince-Édouard est unique parmi les provinces. En 1928, une entente a été conclue entre le Dominion du Canada et l'Île-du-Prince-Édouard; elle confiait au gouvernement fédéral la responsabilité des baux aquacoles à l'Île-du-Prince-Édouard. Les gouvernements du Canada et de l'Île-du-Prince-Édouard ont confirmé cette entente en 1987, dans l'Entente pour le développement de l'aquaculture commerciale. En se fondant sur ces ententes, le MPO a adopté des mesures de gestion conçues spécifiquement pour le secteur aquacole de l'Île-du-Prince-Édouard et maintient sa compétence en matière de baux aquacoles.

Par rapport à l'Île-du-Prince-Édouard, la Loi sur les pêches confère au ministre le pouvoir de prendre des règlements relativement à l'aquaculture, y compris la formation des aquaculteurs, la démonstration d'activités et de techniques aquacoles, la mise en œuvre de projets d'aménagement en vue de l'amélioration des sites de débarquement aquacoles et d'accorder les permis relatifs aux installations de transformation.

En conclusion, nous avons plusieurs défis devant nous, mais nous croyons que les perspectives futures sont positives et nous attendons avec impatience de nous joindre à cette industrie en expansion rapide.

Merci.

Le président : Merci, monsieur Angus.

La sénatrice Poirier : Merci de cet exposé.

À la première page de votre document, si je me rappelle bien, vous avez mentionné qu'une des collectivités des Premières Nations de l'Île-du-Prince-Édouard a reçu du financement et que vous espériez que l'autre en recevrait aussi. La collectivité qui a reçu du financement s'est-elle lancée dans l'aquaculture? À quelle étape en est-elle quant au développement de l'aquaculture? Depuis quand mène-t-elle ces activités? Est-ce une réussite? J'aimerais simplement avoir des informations à ce sujet.

M. Angus : La bande en question est la Première Nation d'Abegweit. Une installation d'aquaculture a été construite; la construction a été terminée le 31 mars de l'an dernier. Il s'agit d'un projet unique. On y élève du saumon de l'Atlantique et de la truite mouchetée à des fins de mise en valeur à l'Île-du-Prince-Édouard, mais c'est considéré comme de l'aquaculture. En écoutant le bulletin de nouvelles, j'ai appris que vous êtes allés à l'Île-du-Prince-Édouard. Nous aurions pu vous inviter à visiter ces installations. Elles se trouvent à environ 25 minutes de Charlottetown. Actuellement, on y élève 120 000 saumons de l'Atlantique, et je crois qu'il y a environ 80 000 truites mouchetées cette année. Ces poissons sont destinés à l'ensemencement des cours d'eau afin d'améliorer ces cours d'eau après leur nettoyage. Pour la Première Nation d'Abegweit, il s'agit d'une tentative visant à augmenter le nombre de saumons de l'Atlantique et de truites mouchetées à l'Île-du-Prince-Édouard de façon à favoriser la reprise des activités de pêche à des fins alimentaires, sociales et rituelles qui ont été abandonnées en raison des faibles populations de saumon de l'Atlantique.

La bande a reçu du financement pour la construction de ces installations, mais elle y a aussi contribué. Elle tente actuellement d'obtenir du financement supplémentaire afin de convertir ces installations pour passer de ce qu'on appelle un système en eau libre — un système où l'eau est apportée à un bassin à poissons et où elle circule avant d'être évacuée par un drain — à un système à recirculation. Dans ce genre de système, l'eau est apportée au bassin à poissons et, après y avoir circulé, elle en ressort, elle est filtrée pour éliminer les matières organiques, l'ammoniac et les nitrates. Puis, l'eau est retournée dans le bassin à poissons. C'est une méthode d'aquaculture plus écoresponsable. C'est beaucoup plus efficace et le poisson est de meilleure qualité.

La sénatrice Poirier : La bande en est-elle propriétaire?

M. Angus : Oui, et l'installation est située dans la réserve.

La sénatrice Poirier : Combien d'employés y travaillent-ils actuellement?

M. Angus : Il y a trois employés à plein temps, mais le plan était d'y intégrer d'autres membres de la collectivité pour qu'ils puissent acquérir des compétences pratiques et avoir des occasions de travailler dans l'industrie de l'aquaculture. Nous travaillons avec l'autre bande, la collectivité de Lennox Island, pour accroître la capacité de la Première Nation d'Abegweit et pour élever les petits poissons qu'on y produit actuellement jusqu'à ce qu'ils atteignent une taille assez grande pour permettre leur commercialisation.

La sénatrice Poirier : Est-ce un système en circuit fermé?

M. Angus : Actuellement, c'est un système en eau libre; donc ce n'est pas en circuit fermé. Les systèmes d'aquaculture par recirculation constituent des circuits fermés. C'est ce que l'on propose de faire.

La sénatrice Poirier : Très bien.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Soyez le bienvenu.

Dans votre exposé, vous avez mentionné que cela pourrait être avantageux pour les deux bandes, mais que le manque de capital était le véritable problème. Avez-vous essayé d'établir des partenariats avec des sociétés hors réserve?

M. Angus : Oui, mais les partenaires ne sont pas des aquaculteurs. Nous avons établi un partenariat avec Cavendish Farms, une société agricole qui a un intérêt pour nos activités. Il s'agit d'un créneau distinct de l'aquaculture, en quelque sorte. Il porte sur la mise en valeur, sur l'ensemencement des cours d'eau. Comparativement à d'autres industries de l'aquaculture, comme la production de poisson à chair — le poisson destiné au marché —, c'est un secteur très petit. Donc, c'est très difficile. Auparavant, le MPO avait neuf écloseries de mise en valeur au Canada atlantique. Il s'en est départi en 1992, à l'exception d'une seule. Donc, l'écloserie de Miramichi est la seule écloserie publique active dans le secteur de la mise en valeur.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Savez-vous combien d'installations des Premières Nations on trouve au Canada atlantique?

M. Angus : Je ne suis pas un spécialiste, mais je sais que la Première Nation Millbrook, à Truro, a un système d'aquaculture par recirculation dans lequel on élève l'omble chevalier. À l'île du Cap-Breton, la société Chapel Island fait l'élevage de la truite arc-en-ciel pour le compte d'une société ontarienne. Je ne sais pas s'il y a d'autres installations permanentes au Canada atlantique.

La sénatrice Lovelace Nicholas : À votre avis, lequel des deux est plus facilement réalisable : les installations terrestres ou les installations en milieu marin?

M. Angus : La science est en évolution constante. Je reviens d'un colloque, intitulé Innovative Aquaculture, qui a eu lieu en Colombie-Britannique il y a une semaine et demie. Il portait sur les systèmes d'aquaculture par recirculation. Je travaille dans le secteur de l'aquaculture depuis trois ans, mais je suis dans celui de la recirculation depuis environ vingt ans, et j'ai été stupéfait des changements technologiques. Ils n'ont pas seulement pour effet de rendre les installations terrestres tout à fait réalisables; ils les rendent plus rentables que les installations en milieu marin. Elles ne sont pas aussi nuisibles à l'environnement que les cages en milieu marin. On ne se retrouve pas avec une situation où des gens qui utilisent des cages marines ne paient pas pour l'eau qu'ils utilisent, où ils exploitent un bien collectif à des fins de bénéfice commercial. Toutefois, on a réussi à perfectionner les systèmes de recirculation au point où on peut produire plus rapidement un poisson plus gros de meilleure qualité que ce que l'on obtient dans les exploitations en cages marines, et ce, à meilleur coût. Donc, je pense que cela transformera l'industrie.

La sénatrice Lovelace Nicholas : Merci.

Le président : Voilà de l'information intéressante.

Le sénateur Meredith : Merci, monsieur Angus. J'ai une question complémentaire à celle de ma collègue. Nous en avons discuté plus tôt lorsque nous avons comparé les systèmes en circuit fermé, les systèmes en eau libre et les cages en milieu marin. Des témoins ont parlé des coûts, et l'espace nécessaire à l'élevage de certaines espèces pose problème. Vous venez d'obtenir ces informations. Par rapport au financement et à l'investissement, quelle comparaison pourrait-on faire pour une Première Nation qui voudrait passer à un système en circuit fermé? Quel genre d'investissement serait nécessaire?

M. Angus : Vous voudrez regarder l'exemple du projet Kuterra, mis en œuvre par une bande des Premières Nations sur la côte ouest de l'île de Vancouver. Il s'agit de la Première Nation Namgis. On y produit 500 tonnes métriques de saumon. Lors du colloque, j'ai cru comprendre que le coût s'élève à 10 $ par kilogramme de poisson produit. Il s'agit de l'investissement initial. Donc, si vous construisez une installation d'une capacité de 500 tonnes métriques, cela devrait vous coûter 5 millions de dollars. Le coût du projet Kuterra s'est élevé à 8,6 millions de dollars. C'est le chiffre réel.

Une analyse de rentabilité a été faite, mais sans dire que le résultat est biaisé, le groupe qui a présenté cette analyse a ses propres intérêts. Il s'agit de Tides Canada, de la Fédération du saumon de l'Atlantique et du Freshwater Institute. Le groupe prône le retrait des cages en milieu marin pour les remplacer par des installations d'aquaculture en milieu terrestre. Les économistes du groupe ont présenté leurs chiffres; ils peuvent donc être contestés par d'autres économistes. Quant aux déclarations initiales sur les difficultés et les défis, j'aurais été d'accord avec eux là-dessus il y a deux semaines. Or, il semble qu'à chaque visite, de nouvelles informations sont disponibles et nous constatons que l'on se rapproche de plus en plus. Je pense que nous sommes près d'y arriver. Je suis biologiste. On fait nager le poisson à une vitesse de 4,1 longueurs du corps par seconde. Le ratio des heures de la photopériode est de 16:9. On connaît les proportions exactes de protéines végétales et de protéines animales que doivent contenir les aliments. Ils tentent d'en comprendre les fondements scientifiques, et je suis convaincu qu'on y arrivera.

Le sénateur Meredith : Nous avons entendu dire qu'il faut de 18 à 20 ou à 36 mois pour compléter un cycle.

M. Angus : Ce qu'ils affirment, c'est qu'ils peuvent maintenant faire passer un poisson de 100 grammes à 4 kilogrammes en 400 jours. Ils l'ont répété au Fresh Water Institute, à Kuterra. Sur la côte Ouest, il y a une autre installation que l'on appelle Cedar Falls. Étant donné que les données scientifiques sont bonnes, huit ou neuf autres sociétés internationales ont adopté ce cycle, je crois.

Le sénateur Meredith : En ce qui concerne les deux Premières Nations que vous représentez, quelle est la taille des bandes? Vous avez indiqué que vous avez besoin de financement pour que la deuxième bande puisse se lancer dans l'industrie aquacole. Ma première question est donc de savoir quelle est la taille des bandes. Combien de membres de la bande seraient engagés? Comment attirez-vous les jeunes ou vos membres vers l'industrie aquacole? Nous croyons comprendre qu'il y a une pénurie de main-d'œuvre ici, dans les Maritimes, que Cooke Aquaculture — ou Marine Harvest — a besoin d'environ 50 employés, et cetera. Par rapport à la formation et la collaboration dans les réserves, les jeunes ont l'occasion de participer à des activités hors réserve.

M. Angus : Je vais commencer par votre première question. Ce sont de très petites bandes. La collectivité de Lennox Island compte environ 800 personnes, donc 500 habitent dans la réserve. Quant à la Première Nation d'Abegweit, on parle d'environ 320 personnes, dont 220 habitent dans la réserve. C'est plus complexe parce que la Première Nation d'Abegweit compte trois réserves.

Par rapport aux occasions d'emploi pour les jeunes, il faut tenir compte du contexte propre aux Premières Nations. À l'Île-du-Prince-Édouard, où j'habite, la plupart des jeunes vont dans l'Ouest. Nous perdons beaucoup de jeunes et d'adultes aptes à l'emploi. En fait, dans certaines localités, on voit des gens qui agissent à titre de maire et qui sont propriétaires de la station-service et de choses du genre partir dans l'Ouest pour y occuper un emploi. Je sais qu'à Montague, le propriétaire de la boulangerie est parti travailler dans l'Ouest.

Le sénateur Meredith : Qui entretient sa maison? Qui habite sa maison? On pourrait faire venir des gens de l'Ontario.

M. Angus : Ses enfants ont déjà déménagé, mais sa femme reste sur place.

Le propriétaire d'un restaurant qui connaît beaucoup de succès a emboîté le pas et est parti dans l'Ouest. Les occasions y sont plus nombreuses. Or, dans le cas des Premières Nations, on n'a pas vraiment le choix. La Loi sur les Indiens, les circonstances sociales et les facteurs liés au logement nous forcent à vivre dans les réserves. Par conséquent, il faut créer des occasions d'emploi dans les réserves, et c'est là quelque chose qui pourrait très bien être parachuté. C'est lié à la culture et l'expérience. Étant donné que cela a lieu dans les réserves, cela peut être enseigné, et il s'agit d'un ensemble de compétences formidable. Avec un système de recirculation en circuit fermé, on traite de notions liées à la température, la physique, la biologie et la chimie. Il y a là diverses occasions pour les jeunes d'œuvrer dans un secteur qui suscite leur intérêt. Donc, nous collaborons avec nos gens du secteur de l'emploi parce que nous considérons que cela présente de très bonnes perspectives.

Le transport est un problème, même dans les réserves, car en raison des taux élevés de chômage — 65 à 70 p. 100 —, les gens n'ont pas les moyens d'acheter un véhicule et ne peuvent donc pas sortir des réserves pour y trouver un emploi.

Il y a donc une multitude de raisons pour lesquelles nous souhaitons établir ces systèmes dans les réserves.

Le sénateur Meredith : Merci.

Le président : Monsieur Angus, merci de l'exposé que vous nous avez présenté ce soir et merci d'avoir pris le temps de venir nous présenter le point de vue des Premières Nations. Comme je l'ai indiqué aux témoins précédents, si vous pensez à quelque chose qui pourrait nous être utile après votre départ, ou dans les prochains jours, voire les prochaines semaines, n'hésitez pas à en informer le comité.

Je tiens à remercier les sénateurs de leurs efforts et de l'attention qu'ils ont portée aux détails au cours de cette longue journée. Cela a certes été une journée productive.

J'aimerais remercier toutes les personnes qui nous ont appuyés tout au long de la journée. Ce fut un effort collectif qui nous a permis d'avoir une journée couronnée de succès au Nouveau-Brunswick. Merci beaucoup.

(La séance est levée.)


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